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Déontologie médicale

En temps de paix, il n'existe aucune convention internationale qui fixe le contenu de la déontologie médicale. Celle-ci
n'est réglementée qu'au niveau national par les règlements professionnels et ceux relatifs à la santé publique. Les règles
contenues dans ces différents instruments nationaux ne présentent pas de grandes divergences, et les principes essentiels
de l'éthique médicale sont identiques dans tous les pays. Un médecin en mission à l'étranger reste soumis aux règles
déontologiques de l'ordre duquel il dépend, mais aussi aux règles en vigueur dans le pays de sa mission.
Il existe en revanche une multitude de règles édictées par des associations internationales représentant les professions de
santé. L'Association médicale mondiale (AMM), par exemple, a rédigé et adopté en novembre 1983 un code
international d'éthique médicale, dont les fondements résident dans :
– le serment des médecins de 1948 (Déclaration de Genève) ;
– le code international de l'éthique médicale de 1949 récemment amendé en 1983, applicable en tout temps ;
– des règles spécifiques en cas de conflit armé et en cas de torture sur des prisonniers (Conventions de Genève et
Protocoles).
Si ces textes n'ont pas tous une valeur juridique contraignante, ils doivent cependant servir de cadre de référence dans le
travail des organisations non gouvernementales.
Compte tenu du pouvoir des médecins sur la vie et la mort des malades et sur leur intégrité physique et mentale,
l'éthique professionnelle médicale s'est développée dès l'Antiquité. Elle se distingue des éthiques professionnelles
existant dans d'autres métiers par la spécificité des enjeux et dilemmes qu'elle doit arbitrer.
Elle comprend notamment des obligations fondamentales telles que :
– ne pas nuire,
– ne pas infliger de souffrances supérieures aux bénéfices de guérison prévisibles,
– respecter le consentement éclairé du malade.
En temps de paix, le non-respect des principes d'éthique médicale peut faire l'objet de sanctions disciplinaires
prononcées par des organisations de professionnelles. Il peut également constituer un délit pénal et être passible de
poursuites devant les tribunaux nationaux.
En temps de guerre, les violations des règles d'éthique médicale peuvent constituer des crimes de guerre et encourir des
sanctions pénales devant les tribunaux internationaux ou nationaux (au titre de la compétence universelle).
Crime de guerre – Crime contre l'humanité – Compétence universelle – Mission médicale.

Dans les situations de détention, des principes d'éthique médicale ont été codifiés par l'ONU. Ils complètent ceux
définis par les Conventions de Genève pour la détention en période de conflit.
Détention – Blessés et malades.

• En période de conflit, la protection générale accordée à la mission médicale par le droit humanitaire est liée au respect des principes de la
déontologie médicale.
• Les Conventions de Genève et leurs Protocoles défendent avant tout ces notions en stipulant que nul ne sera puni pour avoir exercé une
activité médicale conforme à la déontologie, quelles qu'aient été les circonstances ou les bénéficiaires (GPI art. 16.1 ; GPII art. 10.1).
• La déontologie médicale en tant que telle est donc hissée au rang de norme obligatoire du droit international. Les Conventions de Genève
imposent en effet le respect de règles précises. Cela signifie que des réglementations nationales ou des ordres contraires à ces principes
ne peuvent pas être imposés au personnel médical, quelles que soient les circonstances.
• Le fait de pratiquer des actes non conformes à l'éthique médicale et qui nuisent gravement à la santé physique ou mentale des
personnes, ou le fait de refuser délibérément de donner les soins nécessaires à une personne malade ou blessée, constituent des crimes
de guerre (GI art. 50 ; GII art. 51 ; GIII art. 130 ; GIV art. 147 ; GPI art. 11).

Dans les situations de conflit, les Conventions de Genève ne donnent pas une définition précise et complète du contenu
de la déontologie médicale. Cependant, plusieurs articles interdisent certains comportements médicaux. D'autres
protègent la liberté du médecin qui doit, en retour, défendre lui-même l'éthique de ses actes médicaux.

I. Interdiction de certains comportements


1. Violations graves du droit humanitaire
L'homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de porter
des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé, commis contre des personnes protégées, constituent des
infractions graves, c'est-à-dire des crimes de guerre (GI art. 50).
2. Obligation de soins
L'abstention de soins ou la discrimination dans les soins sont interdites de façon absolue par les Conventions de
Genève. L'article 3 commun des quatre conventions, applicable en tout temps, en tout lieu, prévoit que les blessés et les
malades seront toujours recueillis et soignés.
Cette obligation a été détaillée en 1977 : « Tous les blessés, malades et naufragés, à quelque partie qu'ils appartiennent,
doivent être respectés et protégés. Ils doivent en toutes circonstances être traités avec humanité et recevoir, dans toute la
mesure du possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux qu'exige leur état. Aucune distinction fondée sur
des critères autres que médicaux ne doit être faite entre eux » (GPI art. 10).
3. Protection des personnes
L'article 11 du Protocole I renforce et détaille les interdictions et la protection des personnes y compris contre les
omissions délibérées de soins. Il prévoit que :
– « La santé et l'intégrité physique ou mentale des personnes au pouvoir de la partie adverse ou internées, détenues ou
d'une autre manière privées de liberté en raison d'une situation de conflit, ne doivent être compromises par aucun acte ni
par aucune omission injustifiés. En conséquence, il est interdit de soumettre les personnes visées au présent article à un
acte médical qui ne serait pas motivé par leur état de santé et qui ne serait pas conforme aux normes médicales
généralement reconnues que la partie responsable de l'acte appliquerait dans des circonstances médicales analogues à
ses propres ressortissants jouissant de leur liberté. »
– Il est en particulier interdit de pratiquer sur ces personnes, même avec leur consentement :
a) des mutilations physiques ;
b) des expériences médicales ou scientifiques ;
c) des prélèvements de tissus ou d'organes pour des transplantations sauf si ces actes sont justifiés dans les conditions
prévues au § 1.
– Il ne peut être dérogé à ces interdictions que lorsqu'il s'agit de dons de sang en vue de transfusion ou de peau destinés
à des greffes, à la condition que ces dons soient volontaires et ne résultent pas de mesures de coercition ou de
persuasion et qu'ils soient destinés à des fins thérapeutiques dans des conditions compatibles avec les normes médicales
généralement reconnues et avec les contrôles effectués dans l'intérêt tant du donneur que du receveur.
– Tout acte ou omission volontaire qui met gravement en danger la santé ou l'intégrité physiques ou mentales de toute
personne au pouvoir d'une partie autre que celle dont elle dépend et qui, soit contrevient à l'une des interdictions
énoncées aux § 1 et 2, soit ne respecte pas les conditions du § 3, constitue une infraction grave au présent protocole. »
e
Crime de guerre-Crime contre l'humanité (3 partie, violations graves du droit international
humanitaire).

II. Protection de l'indépendance du médecin


Le droit humanitaire pose certaines règles claires en ce qui concerne la protection de l'indépendance des médecins.
Cette indépendance est importante et leur donne la capacité de défendre leur éthique médicale.
• Le personnel sanitaire et religieux sera respecté et protégé. Il recevra toute l'aide disponible dans l'exercice de ses
fonctions et ne sera pas astreint à des tâches incompatibles avec sa mission humanitaire (GPII art. 9.1).
• Il ne sera pas exigé du personnel sanitaire que sa mission s'accomplisse en priorité au profit de qui que ce soit, sauf
pour des raisons médicales (GPII art. 9.2).
• Nul ne sera puni pour avoir exercé une activité de caractère médical conforme à la déontologie, quelles qu'aient été
les circonstances ou les bénéficiaires de cette activité (GPI art. 16.1 ; GPII art. 10.1).
• Les personnes exerçant une activité de caractère médical ne pourront être contraintes ni d'accomplir des actes ou
d'effectuer des travaux contraires à la déontologie ou aux autres règles médicales qui protègent les blessés et les
malades, ou aux autres dispositions du droit international, ni de s'abstenir d'accomplir des actes exigés par ces règles ou
dispositions (GPI art. 16.2 ; GPII art. 10.2).
Les règles devant être appliquées au secret médical et à la confidentialité, en période de conflit armé international ou
interne, sont développées ci-dessous.

III. Secret médical


• Le secret médical est défendu par le droit international humanitaire. Dans les situations de troubles ou de conflit le secret médical doit
s'appliquer de façon absolue et stricte entre le personnel soignant et les malades ou blessés. La transmission d'informations médicales
risque de nuire au patient et d'être utilisée par les autorités pour faire pression sur les personnes.
• Les limites au secret médical doivent être contenues dans des lois. Un simple ordre ou un règlement émanant d'une autorité militaire ou
administrative ne permettent pas d'enfreindre l'obligation du secret médical.
• En période de trouble ou de conflit, aucune sanction ne peut être prise contre un médecin qui refuserait de lever le secret médical.

1. Dans les situations de conflits internationaux


Aucune personne exerçant une activité médicale ne doit être contrainte de donner à quiconque appartenant, soit à une
partie adverse, soit à la même partie qu'elle, sauf dans les cas prévus par loi de cette dernière, des renseignements
concernant les blessés et les malades qu'elle soigne ou qu'elle a soignés, si elle estime que de tels renseignements
peuvent porter préjudice à ceux-ci ou à leur famille. Les règlements régissant la notification obligatoire des maladies
transmissibles doivent néanmoins être respectés (GPI art. 16.3).

2. Dans les situations de conflits internes


• Les obligations professionnelles des personnes exerçant des activités de caractère médical, quant aux renseignements
qu'elles pourraient obtenir sur les blessés et les malades soignés par elles, devront être respectées sous réserve de la
législation nationale (GPII art. 10.3).
• Sous réserve de la législation nationale, aucune personne exerçant des activités de caractère médical ne pourra être
sanctionnée de quelque manière que ce soit pour avoir refusé ou s'être abstenue de donner des renseignements
concernant les blessés et les malades qu'elle soigne ou qu'elle a soignés (GPII art. 10.4).
Consulter aussi

Mission médicale – Personnel sanitaire Services sanitaires – Blessés et malades – Détention – Mauvais
traitements – Torture – OMS.

Pour en savoir plus

ALMERAS P., PEQUIGNOT H., La Déontologie médicale, Litec, Paris, 1996.


AMBROSELLI C., L'Éthique médicale, « Que sais-je ? », Paris, 1998, 127 p.
AMNESTY INTERNATIONAL, Codes d'éthique et déclarations concernant les professions médicales (recueil de textes déontologiques),
Amnesty International, Paris, 1992, 124 p. (http://web.amnesty.org/pages/health-ethicsindex-eng).
BACCINO ASTRADA A., Manuel des droits et des devoirs du personnel sanitaire lors des conflits armés, CICR, Genève, 1982.
MARANGE V., Médecins tortionnaires, médecins résistants, La Découverte, Paris, 1989.
SCHOENHOLDER J. P., Le Médecin dans les Conventions de Genève de 1949, CICR, Paris, 1988.
TORRELLI M., Le Médecin et les droits de l'homme, Berger-Levrault, Paris, 1983.

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