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71° ANNEE (1991)

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DE
DROIT PENAL
ETDE

CRIMINOLOGIE
sous les auspices du
Ministère de la Justice

Organe de l'Union Belge et Luxembourgeoise de Droit Pénal

Rédaction : Palais de Justice, 1000 Bruxelles

TABLE DES MATIERES


PROCEDURESPENALESABREGEES:
SYSTEMES EXISTANTS ET PERSPECTIVES D'A VENIR

Annexe. Résolution 3
par RAYMOND SCREVENS

CHRONIQUE

Jeunes adultes et sanctions pénales: une perspective sociologique 15


par CLAUDIO BESOZZI

INFORMATION

Conseil de l'Europe. La criminalité en Europe stabilisée à un niveau élevé 39

REVUES

La Giustizia Penale, XCIII' année (XXJXe de la 7' série), 1988 41


parR.D.

L'aide aux justiciables dans le contexte de la communautarisation,


Cahiers Liégeois de Criminologie, n° 2, avril 1990 48
par CH.JANSSEN
BIBLIOGRAPHIE

Rico, J.M., SALAS, L., GUTIERREZ, E. et CRuz,C., Lajusticia penal en Costa


Rica, San José, Ed. Univ. Centroamericana, 1988
SALAS, L. et Rico, J.M., La justicia penal en Honduras
SALAS, L. et Rico, J.M., Lajusticia penal en Guatemala 51
parH.-D.B.

NYABIRUNGU MWENE SoNGA, Droit pénal général zaïrois, Kinshasa, éd.


Droit et Société "DES", 1989 52
par A.KOHL

EsER, A. et KAISER, G., Viertes deutsch-sowjetisches Kolloquium üher


Strafrecht und Kriminologie, Baden-Baden, éd. Nomos, 1989 53
par A. KOHL

STEFANI, G., LEVASSEUR, G. et Bou LOC, B., Procédure pénale, Précis Dal-
loz, quatorzième édition, Paris, 1990 53
par JEAN DE CODT

MERLE, R. et Vrru, A., "Traité de droit criminel" tome II "Procédure


péna1e",4eédition,Paris,éd.Cujas, 1989 56
parl.S.

PRADEL, J., Procédure pénale, Paris, Cujas, se éd., 1990 59


parH.-D.B

PRADEL, J. et CAS0RLA, F., Code de procédure pénale - Code de justice


militaire, Paris, éd. Dalloz, 31 e édit., 1989-90 60
par.!. S.

JURISPRUDENCE

Cour de cassation (ch. des vac., sect. fr.), 25 juillet 1990.


Détention préventive - Maintien de la détention - Non-communication de la
procédure à l'inculpé - conséquences. 63
AvecnoteJ.S.

Cour de cassation (ch. des vac., sect. fr.), 25 juillet 1990.


1. Extradition - Faits postérieurs à l'extradition et commis en Belgique -
Compétence des juridictions belges.
2. Non-représentation d'enfant- Nature de l'infraction- Conséquences 66
Avec note J.S.

Trib. Corr. de Dinant (4' ch), 29 juin 1990.


Preuve - Fouille dans un véhicule automoteur - Régularité 70

Trib. Corr. de Dinant (4e ch), 7 septembre 1990.


Procès-verbal- Nom du magistrat du ministère public - Surcharge 73

2
PROCEDURES PENALES ABREGEES:
SYSTEMES EXISTANTS ET PERSPECTIVES
D'AVENIR*

Les procédures pénales abrégées sont des procédures qui permettent


d'aboutir à l'extinction de l'action publique dans un délai plus bref qu'en
application de la procédure ordinaire.
Cette définition est large. Elle englobe toutes les procédures qui met-
tent fin à l'action publique, même sans un véritable jugement. Il ne sera
question ici que des systèmes permettant de juger des auteurs d'infraction
à bref délai, ce qui suppose un système judiciaire et l'intervention d'un
véritable juge. En raison du parallélisme existant entre les deux systèmes,
on y ajoutera toutefois les systèmes permettant de mettre fin à l'action
publique à l'intervention exclusive du ministère public.

Les possibilités de simplification de la justice pénale par des voies


extrajudiciaires ne seront donc pas examinées ici. 1

C'est en respectant cette notion, ainsi limitée, que nous distinguerons


les systèmes où existent légalement de telles procédures et ceux qui n'en
possèdent pas, avec l'objectif final de pouvoir formuler quelques prin-
cipes et recommandations.

I. LEGISLATIONS DANS LESQUELLES EXISTENT


UNE OU DES PROCEDURES JUDICIAIRES
ABREGEES

On a pu considérer que les procédures abrégées, appelées aussi pro-


cédures accélérées 2 , constituent dans certains Etats, soit une des branches

(*) Cette étude est le rapport général présenté à la troisième commission de l'Union
Internationale des Magistrats qui s'est réunie à Helsinki du 18 au 20 juin 1990.
Il a été établi en s'inspirant notamment des rapports nationaux des représentants de
la magistrature del' Australie (Nouvelle-Galles du Sud), del' Autriche, de la Belgique,
du Brésil, du Danemark, de l'Espagne,-de la Finlande, de la France, du Grand-Duché
de Luxembourg, de l'Irlande, d'Israël, de l'Italie, du Japon, du Liechtenstein, de
Malte, du Maroc, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, de la République fédérale
d'Allemagne, du Sénégal et de la Tunisie.
(1) Voyez «Simplification de la procédure pénale», Recommandation n° R(87)18, adoptée
par le Conseil des Ministrès du Conseil de l'Europe, le 17 septembre 1987 et exposé
des motifs, Conseil de l'Europe. Affaires juridiques, Strasbourg, 1988.
(2) Archives de politique criminelle, n° 5, 1982, 89 à 192.

3
des possibilités procédurales, soit une exception aux règles normales.

1. CAS ET CONDITIONS DANS LESQUELS LA PROCEDURE


ABREGEE PEUT ETRE SUIVIE

La procédure abrégée est surtout admise pour des affaires mineures


par nature ou en raison des circonstances (Autriche, Brésil, Danemark,
Espagne, Irlande, Israël, Italie, Japon, Liechtenstein, Maroc, Norvège,
Sénégal), en cas d'arrestation en état de flagrant délit (Brésil, France,
Malte, Maroc, Sénégal, Tunisie), au moyen de procédures spéciales,
comme l'ordonnance pénale (Finlande, France, Grand-Duché de Luxem-
bourg, Japon) ou de procédures spéciales consécutives à des aveux ou
des accords entre les parties (Danemark, Italie, Norvège, Portugal, Ré-
publique fédérale d'Allemagne).

a. Affaires mineures

La procédure abrégée ne s'applique pas seulement aux affaires sim-


ples, c'est-à-dire qui n'exigent pas d'instruction préalable. Elle est aussi
prévue dans certains cas pour des affaires de peu de gravité ou même
d'une gravité relative.

Le maximum de la peine peut parfois être relativement élevé, comme


au Sénégal, où ne sont exclus de cette procédure simple que les crimes
jugés trop graves. D'autre part, en sont aussi exclus les délits passibles
d'une simple amende. Dans ce cas, les poursuites ont lieu, comme au
Maroc ou en Tunisie, sur citation directe du ministère public et éventuel-
lement d'une partie civile. Au Sénégal, un avertissement peut aussi être
adressé par le ministère public au délinquant.

En Autriche, les faits punissables d'une amende ou d'une peine pri-


vative de liberté ne dépassant pas six mois peuvent, dans certains cas,
selon deux modalités différentes, être poursuivis suivant une procédure
simplifiée en ce qui concerne tant la citation que le jugement, pour autant
que les parties renoncent à tout moyen de droit ou ne les invoquent pas.
Les garanties de l'oralité, de l'immédiateté et de la publicité sont aban-
données.

Au Danemark également, une procédure simplifiée est admise pour


les infractions qui ne sont punissables que d'une simple amende mais
aussi, dans certains cas, de détention simple («hefte» ).

En Angleterre les infractions graves doivent être jugées devant un jury


et les infractions mineures par un tribunal professionnel ou des juges

4
laïcs. Les infractions intermédiaires sont jugées devant les juges laïcs ou
un jury suivant le choix de l'organe de poursuite et de la personne
poursuivie. La procédure devant les juges laïcs est plus simple et plus
rapide et est appelée procès sommaire.
La procédure est aussi accélérée quand la personne poursuivie mani-
feste l'intention de plaider coupable et plaide coupable devant le juge.
Quand elle plaide coupable pour un crime grave, elle ne comparaîtra pas
devant le jury et le juge prononcera immédiatement la peine.
De même, en Irlande, la «District Court», constituée d'un juge unique,
statue sur les «summary offences». Elle peut aussi statuer sur les «indic-
table offences» si le juge estime que les faits constituent une infraction
mineure pouvant être jugée sommairement, si l'accusé ne formule pas
d'objection à cette façon de procéder, et, pour certaines infractions ayant
causé un dommage plus important, si le «Director of Public Prosecution»
est d'accord. Pour ces dernières infractions, l'accusé est arrêté, mis en
accusation, et traduit devant la «District Court». Si le juge considère
qu'il s'agit d'une infraction mineure, l'accusé reste détenu ou en liberté
sous caution jusqu'au jugement qui intervient normalement dans les
semaines qui suivent. Si l'accusé plaide coupable, l'affaire peut être prise
immédiatement par le juge de district.
En Espagne, la procédure contraventionnelle est applicable aux au-
teurs de petits délits, punissables au maximum d'une privation de liberté
d'un mois. La procédure se passe de véritable intervention3 • Elle a en
principe lieu oralement dans un délai très bref et un jugement motivé
doit être prononcé3 •
En Israël, une procédure simplifiée est prévue pour certaines infrac-
tions de diverses natures, généralement de peu d'importance.
Au Liechtenstein, la procédure sommaire ne peut intervenir que lors-
que les faits font l'objet d'une constatation officielle ou d'aveux ou
lorsque les éléments réunis sont suffisants pour permettre de juger; la
peine prononcée doit être une amende ne dépassant pas 60 jours-amendes
ou une amende spéciale.

(3) Il existe aussi, en Espagne, une procédure abrégée pour les auteurs d'infractions
pouvant entraîner une privation de liberté jusque six ans. Elle est menée devant le
juge d'instruction et comporte une phase d'instruction préalable, la préparation de
la phase orale, le procès oral et des possibilités de recours. Son caractère assez complexe
ne permet pas de l'intégrer dans les procédures abrégées étudiées ici.

5
b. Flagrant délit
Une procédure spéciale de mise en mouvement de l'action publique
a été introduite en France par la loi du 20 mai 1863 lorsque l'infraction
a été commise en flagrant délit et était passible d'une peine d'emprison-
nement. Cette loi a, depuis lors, subi de nombreuses modifications,
notamment par la loi 86-1019 du 9 septembre 19864 •

Elle a certainement influencé les législations marocaine, sénégalaise


et tunisienne qui reconnaissent toutes trois au ministère public le droit
d'inculper le délinquant et de le faire comparaître détenu devant le
tribunal en respectant des conditions de délais et de forme.

En France, la nouvelle procédure est applicable non seulement en cas


de flagrant délit, mais aussi lorsqu'il apparaît au procureur de la Répu-
blique que les charges récentes, en ce qui concerne des faits punissables
d'au moins deux ans à cinq ans au maximum, sont suffisantes et que
l'affaire est en état d'être jugée.

Pour qu'il reste détenu, le prévenu doit être conduit le jour même au
tribunal. Si celui-ci ne tient pas audience, le président du tribunal ou le
juge délégué par lui statue contradictoirement sur la détention provisoire
qui durera jusqu'à la comparution devant le tribunal, laquelle doit avoir
lieu au plus tard le deuxième jour ouvrable suivant. Le tribunal, qui ne
statuerait pas à cette audience, doit remettre l'affaire au plus tôt à deux
semaines et au plus tard à six semaines. A ce moment, ou bien il statue,
ou bien on retombe dans la procédure ordinaire.

Ni en France, ni au Maroc, ni au Sénégal, la procédure de flagrant


délit ne peut s'appliquer aux délits politiques ou de presse.

En Italie, le nouveau code de procédure pénale, entré en vigueur le


24 octobre 1989, permet au ministère public de saisir le juge de fond au
maximum dans les 15 jours de l'arrestation en état de flagrant délit, ou
en cas d'aveux ou après une décision du juge qui intervient sans contra-
diction du prévenu.

Le Portugal a aussi une procédure sommaire en cas d'arrestation en


flagrant délit, pour autant que la peine légale ne dépasse pas 3 ans et
que le procès ait lieu dans les 48 heures qui peuvent être portées à 5 jours
à la demande de l'accusé ou si un complément d'instruction s'avère
nécessaire.

(4) STEFAN!, O., LEVASSEUR, O., BOULOC, B., «Procédure pénale», 14' édition,
1990, Paris, Dalloz, 618.

6
De même une procédure simplifiée existe à Malte pour les cas urgents
en raison de l'arrestation de l'accusé.

Aux Pays-Bas, il faut surtout retenir la procédure légale accélérée en


cas de flagrant délit devant le magistrat compétent pour prononcer une
peine d'emprisonnement jusqu'à six mois. Le délinquant est amené de-
vant le ministère public sans délai. Celui-ci peut citer le délinquant dans
les trois jours et même le faire comparaître le jour même ou à la première
audience.

En vue d'accélérer une procédure nécessitant la détention préventive,


dans des cas où il n'y a pas flagrant délit, mais des présomptions sérieuses
que la personne arrêtée a commis l'infraction, le ministère public peut
obtenir aux Pays-Bas, après une détention policière de deux fois 48
heures, un nouveau maintien en détention de deux fois huit jours pendant
lesquels le ministère public cite le délinquant devant le magistrat ou
devant la juridiction compétente (tribunal d'arrondissement).

Cette procédure est fréquemment employée à l'égard d'individus trou-


blant l'ordre public, notamment par des actes de vandalisme dans les
stades. En pratique, dans certains districts, un magistrat du ministère
public est présent au stade et les délinquants appréhendés sont amenés
directement devant lui et traduis séance tenante devant le magistrat. Cette
façon de faire est généralement bien perçue par le public, mais critiquée
par le Barreau qui considère que les droits de la défense ne sont pas
suffisamment respectés.

c. Procédures spéciales

L'ordonnance pénale constitue la conclusion d'une affaire où le mi-


nistère public a pris l'initiative de proposer l'extinction de l'action pu-
blique moyennant le payement d'une somme d'argent et éventuellement
l'abandon de certains objets.

C'est le seul mode de procédure sommaire au Japon et le principal


au Grand-Duché de Luxembourg. Il ne s'applique qu'aux affaires mi-
neures après avertissement au délinquant, qui peut refuser d'être pour-
suivi de cette façon et peut toujours réclamer la procédure ordinaire. Le
juge peut aussi refuser d'appliquer cette procédure. L'amende ne peut
en général dépasser 200.000 yens au Japon et 100.000 francs au Grand-
Duché de Luxembourg.

Le système d'ordonnance pénale est aussi d'application en France


pour les contraventions de police pour lesquelles ne joue pas ou a été
refusée l'amende forfaitaire. Il existe aussi en Finlande pour les affaires

7
mineures. Il a également fait l'objet de propositions de loi en Belgique
en remplacement du système actuel.
Au Danemark, outre la procédure simplifiée pour les affaires mi-
neures, une procédure sommaire est organisée pour les infractions pu-
nissables de moins de quatre ans de détention, quand le présumé
délinquant est en aveux et que le juge et le ministère public sont d'accord.
Le tribunal est composé, alors, d'un juge siégeant sans jurés. Cette
procédure est exclue pour des personnes souffrant de troubles mentaux.
La procédure par décret, qui est ancienne, et la sanction négociée,
introduite par le nouveau code de procédure pénale italien, permettent
d'aboutir à une procédure simplifiée. La sanction négociée n'existe qu'à
l'essai et fait l'objet de critiques en raison de son caractère transactionnel.
Un système d'amende facultative existe en Norvège quand l'accusé
accepte une proposition écrite de l'autorité poursuivante. Il y existe en
outre une procédure sommaire dans les affaires jugées par les juridictions
de district ou de villes lorsque le maximum légal de la peine est inférieur
à 6 ans, à condition que l'accusé soit en aveux, soit d'accord sur cette
procédure ainsi que le ministère public, et que la juridiction ne s'y oppose
pas.

Au Portugal aussi une procédure sommaire est suivie lorsque la per-


sonne poursuivie et la partie poursuivante sont d'accord sur la sanction
en cas d'infraction punissable de 6 mois d'emprisonnement au maximum.
C'est encore pour des affaires portées devant lui par un ordre pénal,
qui peuvent être sanctionnées uniquement par une peine pécuniaire, et
pour des faits dont la peine légale ne dépasse pas un an, que certains
juges pénaux peuvent statuer dans un délai bref en République fédérale
d'Allemagne.

2. GARANTIES PREVUES POUR LES PREVENUS

La possibilité de refuser la procédure simplifiée existe généralement


et entre autres en Autriche, au Danemark, au Grand-Duché de Luxem-
bourg, en Finlande, en Italie, au Japon, en Norvège et en République
fédérale d'Allemagne. Elle est expressément écartée au Sénégal où les
procédures décrites ci-dessus paraissent d'ailleurs être une des branches
de la procédure normale.

Un recours (opposition ou appel) contre les décisions prises à la suite


d'une procédure sommaire peut souvent être pris par le prévenu notam-
ment au Brésil, au Danemark, en Espagne, au Grand-Duché de Luxem-

8
bourg, en Irlande et en France. Il n'est qu'exceptionnel en Finlande.

Le dossier est réduit dans de nombreux cas de procédure simplifiée.


Le prévenu est avisé des poursuites de façon simple (Autriche, France,
Irlande). C'est en cas de flagrant délit que la connaissance du dossier se
pose le plus. Ce droit existe au Brésil, en France, mais au Sénégal le
prévenu ne peut prendre connaissance du dossier, bien qu'aucune dispo-
sition ne l'interdise expressément; cependant son avocat éventuel peut
en prendre connaissance.

Dans la procédure de flagrant délit, le délinquant présumé a souvent


le droit de demander de remettre l'audience pour lui permettre de préparer
sa défense.

Le délinquant peut toujours avoir recours à un avocat. Ce recours


est assez rare, sauf en cas de procédure de flagrant délit en France et
aux Pays-Bas. Un avocat peut être désigné au Danemark, en Irlande, au
Japon et aux Pays-Bas. Il doit l'être au Portugal dans les deux cas de
procédure sommaire, en France quand le prévenu entend renoncer aux
délais fixés par la loi et aux Pays-Bas quand il est maintenu en détention
préventive.

3. APPLICATION PRATIQUE

Les renseignements fournis permettent de se rendre compte de la


fréquence de la pratique des procédures abrégées pour les infractions
mineures ou relativement peu graves.

Au Grand-Duché de Luxembourg, la procédure d'ordonnance pénale


est largement suivie en matière de contravention, plus parcimonieusement
en matière de délits.

En Autriche en 1988, à peu près la moitié des affaires mineures ou


de moindre importance ont été jugées suivant la procédure sommaire
tant devant le tribunal de district (Bezirkgerichte) que devant le juge
unique. La même année, en République fédérale d'Allemagne, plus de
la moitié des «petites» affaires ont été jugées suivant la même procédure
devant les «amtsgerichte».

Au Danemark, pour les années de 1984 à 1988 environ les deux tiers
des affaires poursuivies par le ministère public (District Attorney) ont
été jugées suivant la procédure sommaire. Un nombre dix fois plus élevé
d'affaires de la compétence du chef de la police (Chief Constable at the
Police) a été réglé suivant la procédure sommaire.

9
En Finlande, pour les années 1984 à 1986, il y a trois fois plus
d'affaires jugées suivant la procédure sommaire (compte non tenu des
pénalités fixes) que suivant la procédure ordinaire.
Au Lichtenstein, en 1988, environ les deux tiers des affaires poursui-
vies (701 sur 1144) ont été jugées suivant la procédure sommaire et, en
1989, un peu plus de la moitié (858 sur 1576).
La procédure accélérée en cas de flagrant délit est employée très
fréquemment en Italie.

En Norvège, en 1985, sur un total de 142.700 affaires, 120.540 ont


fait l'objet d'une amende facultative et, en 1988, il y a eu 155.930 amendes
facultatives sur un total de 178.670 affaires. Quant aux affaires jugées
selon la procédure sommaire, elles représentent à peu près la moitié du
total des affaires traitées par les tribunaux (en 1985, 9.858 procédures
sommaires et 10.174 procédures ordinaires et en 1988, respectivement
9.737 et 10.380).
Au Japon, le nombre de délinquants poursuivis devant les juridictions
sommaires atteint approximativement 98,5 pour cent, de sorte que la
procédure devant les juridictions sommaires joue un rôle important pour
régler rapidement les affaires criminelles mineures. De cette façon, les
affaires dans lesquelles le ministère public requiert une peine d'empri-
sonnement peuvent être jugées dans des délais brefs: 3, 4 mois devant
les juridictions du district et 2,5 mois devant les juridictions sommaires.

II. LEGISLATIONS DANS LESQUELLES N'EXISTE


PAS DE PROCEDURE JUDICIAIRE ABREGEE _
Seuls les rapports belge et australien signalent l'inexistence légale
d'une procédure judiciaire abrégée.
Pour la Belgique, il faut toutefois relever que la citation directe permet
au ministère public de citer un prévenu, non détenu, résidant en Belgique,
dans les dix jours devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel.
Mais certaines nécessités pratiques et l'encombrement des tribunaux ne
permettent pas d'agir dans d'aussi brefs délais, d'autant plus que la
citation directe est normalement précédée d'une information par le mi-
nistère public.
La situation concernant la citation directe belge est assez semblable
à celle du Grand-Duché de Luxembourg.

Pour réduire les formalités consécutives à une instruction judiciaire

10
(devant le juge d'instruction), la pratique belge admet que le prévenu
renonce à la comparution devant la chambre du Conseil, juridiction qui
décide de l'éventuel renvoi devant le juge de fond. Au Grand-Duché de
Luxembourg, l'article 83 du code d'instruction criminelle prévoit la re-
nonciation aux formalités qui, en pratique, n'est utilisée que pour les
prévenus sous mandat de dépôt.

En Belgique, des procédures dites de «transaction», permettent aux


organes de poursuite et notamment au ministère public de proposer au
délinquant l'extinction de l'action publique moyennant le payement d'une
somme d'argent et éventuellement l'abandon de certains objets. Pour
qu'une «transaction» puisse être proposée suivant la procédure la plus
courante il faut que l'infraction soit punissable d'une amende ou d'un
emprisonnement maximum de cinq ans ou d'une de ces peines et que le
dommage de la partie lésée soit entièrement réparé. Les prévenus ne sont
jamais tenus d'accepter. En cas de refus, ils seront normalement pour-
suivis devant les tribunaux.

Ce système est insuffisant. Il devrait au moins être complété par une


phase judiciaire, comme celle de l'ordonnance pénale.

En Australie (Nouvelle-Galles du Sud), des propositions de loi tendant


à abréger quelque peu la procédure existent sous deux formes principales.
D'une part, dans certains cas, la preuve orale peut être remplacée par
des écrits, constatant les déclarations de témoins, dans des formes pré-
cises. D'autre part, la procédure peut être simplifiée quand l'accusé plaide
coupable.

III. PERSPECTIVES D'AVENIR


D'une façon générale on se plaint des lenteurs de la justice dues à
une surcharge des organes judiciaires. Le Japon paraît y faire exception.

Sans aborder les moyens extrajudiciaires, on constate que les procé-


dures accélérées judiciaires sont généralement bien accueillies pour les
infractions mineures par nature ou en raison des circonstances.

Si, au cours de ces procédures, il n'est accordé à la personnalité du


délinquant qu'un intérêt très limité, il ne semble pas que cela constitue
un inconvénient, car eu égard à l'infraction commise c'est la violation
de la norme qui doit être sanctionnée, et celle-ci l'est normalement par
une peine pécuniaire accompagnée d'une éventuelle confiscation. La
rapidité d'intervention de la sanction est un élément particulièrement
favorable dans ce cas. De plus, une telle procédure empêche ou réduit

11
l'engorgement des juridictions qui devraient retrouver du temps pour
juger les affaires plus graves, nécessitant une instruction souvent
complexe.
Lorsque l'infraction paraît bien établie et ne fait pas l'objet de con-
testation sérieuse une procédure orale pourrait ainsi être évitée, le délin-
quant conservant toujours soit le droit de refuser cette procédure, soit
un recours contre la décision intervenue de cette façon.
Il serait aussi utile d'envisager une procédure abrégée pour des in-
fractions plus graves, notamment quand il s'agit d'une infraction fla-
grante ou d'une affaire déjà élucidée. Cette procédure devrait être
introduite dans des cas où la détention préventive s'impose et où elle
pourrait donc en réduire la durée.
Une telle procédure doit être organisée en veillant tant au respect de
l'intérêt général que des droits de la défense. Elle ne peut avoir comme
conséquence de court-circuiter l'instruction quand celle-ci est nécessaire
pour l'élucidation de l'affaire et de ses ramifications. Il faut, d'autre
part, que le prévenu dispose des garanties nécessaires d'assistance d'un
conseil et de préparation de sa défense.

Raymond SCREVENS,
Président émérite de la Cour de cassation
Professeur émérite aux Universités de Bruxelles

12
ANNEXE
LES PROCEDURES PENALES:
SYSTEMES EXISTANTS ET PERSPECTIVES
D'AVENIR

RESOLUTION
La troisième commission de l'Union internationale des Magistrats a
étudié «Les procédures pénales abrégées; systèmes existants et perspec-
tives d'avenir».
Réunie à HELSINKI du 18 au 20 juin 1990, elle a, sur les rapports
nationaux des délégués de l'Angleterre, de l'Australie, de l'Autriche, de
la Belgique, du Brésil, du Canada, du Danemark, de l'Ecosse, de l'Es-
pagne, de la Finlande, de la France, du Grand-Duché de Luxembourg,
de l'Islande, de l'Irlande, d'Israël, de l'Italie, du Lichtenstein, de.Malte,
du Maroc, de la Norvège, des Pays-Bas, du Portugal, de la République
fédérale d'Allemagne, du Sénégal, de la Suède, de la Suisse, de la Tunisie
et des Etats-Unis d'Amérique et sur le rapport général du Président
Raymond Screvens* pris la résolution suivante:
Les procédures pénales abrégées sont des procédures judiciaires per-
mettant dans certains cas de juger les auteurs présumés d'infractions dans
des délais plus brefs que ceux résultant de l'application des procédures
ordinaires.
De telles procédures existent dans la plupart des systèmes pénaux
suivant diverses formes et conditions.
Elles sont normalement prévues lorsque les infractions poursuivies ne
sont pas suffisamment graves pour exiger l'ensemble des garanties de la
procédure ordinaire ou lorsque les faits ne sont pas contestés ou que les
preuves sont évidentes.
Les procédures abrégées sont généralement bien accueillies et appli-
quées fréquemment, car elles permettent:
1) une intervention rapide de la décision, ce qui augmente l'efficacité
et la crédibilité de la justice;
2) une réduction de l'encombrement des tribunaux;
3) une réduction de la durée de la détention préventive;

(*) Rapport général publié dans la même livraison de cette Revue, 1 à 10.

13
4) une diminution du coût des frais de justice.
Ces procédures doivent être organisées en veillant au respect tant de
l'intérêt général que des droits de la défense.
Elles ne peuvent se substituer à la procédure ordinaire quand des
compléments d'enquête ou d'information sont nécessaires.
Il faut que le prévenu dispose des garanties nécessaires de préparation
de sa défense, de l'assistance d'un conseil et qu'il puisse refuser cette
procédure.

Union internationale des Magistrats.

14
CHRONIQUE

JEUNES ADULTES ET SANCTIONS PENALES:


UNE PERSPECTIVE SOCIOLOGIQUE 1

Parmi les stratégies utilisées par les adultes pour gérer le comportement
déviant des adolescents (des jeunes), il y en a une qui consiste à définir
celui-ci en tant que manifestation passagère d'immaturité (psychique
et/ou sociale). «T'en fais pas, ça lui passera ... », «Quand t'auras mon
âge, tu verras les choses d'une autre façon!» - autant d'expressions
utilisées en guise de formule magique, qui font de la déviance à laquelle
on est confronté en tant qu'adulte un épiphénomène, destiné à se dis-
soudre tout seul, dès que les contraintes de la vie d'adulte prendront le
dessus. Les faits semblent confirmer le bien-fondé de cette attitude, tout
au moins au niveau macro-social: les processus d'accès à l'âge adulte
entraînent avec eux une disparition (voire une diminution notable) des
actes de déviance, ceci avec une régularité dans le temps et dans l'espace
qui n'est pas sans rappeler le déterminisme des lois de la mécanique
classique. On se dirait en présence d'une espèce de force de gravitation,
permettant à toute société d'absorber - après un certain temps de flot-
tement et avec quelques ratés - toute déviation de la trajectoire prescrite,
trajectoire qui amène les adolescents vers la planète des adultes.

Rien de nouveau dans ce que je viens de dire. La force intégratrice


de l'âge est en soi une banalité, bien ancrée dans le système des repré-
sentations touchant à la biographie de l'individu en société. Encore faut-il
savoir quelle est la nature de cette force, comment elle agit, sous quelles
conditions, à quel niveau.

Les approches théoriques développées dans le cadre de la sociologie


ou de la criminologie ne nous aident pas beaucoup lorsqu'il s'agit de
répondre à ces questions, orientées comme elles sont vers l'explication
de la genèse du comportement déviant, bien plus que vers son maintien,
voire sa disparition. 2 On se plaît certes à reconnaître le caractère éphémère
de la délinquance juvénile (par ex. Kaiser, 1988), sans pour autant aboutir
à des modèles explicatifs englobant l'ensemble du cycle de vie. C'est que
la recherche scientifique est restée la plupart du temps engluée dans le
paradigme de ce que Sarte, dans sa brillante analyse de la vie de Jean
Genet a appelé «l'illusion rétrospective»: la délinquance juyénile n'ayant
de sens que comme symptôme de sa persistance dans l'âge adulte. Or, il
s'agit moins de trouver une explication à la délinquance juvénile que de

(1) Version remaniée d'un exposé présenté dans le cadre d'un séminaire du Conseil de
l'Europe sur les effets des sanctions pénales infligées aux jeunes adultes. A l'élabo-
ration, à la discussion, à la rédaction de cet article ont collaboré: Mme. S. Rônez
et R. Christen, MM. S. Bauhofer, R. Hadorn et M. Gottraux.
(2) Voir à ce propos H.-J. Kerner, 1985, qui souligne en particulier l'approche statique
de la plupart des théories criminologiques.

15
CHRONIQUE

comprendre en quoi la jeunesse, en tant que phase du cycle de vie, est


si étroitement liée à la transgression des normes sociales.
Dans cet article, je me propose de développer quelques considérations
sur les relations entre criminalité et cycle de vie, 3en prenant comme point
de départ la relation statistique entre l'âge et le taux de condamnations
pénales en Suisse. Au centre de ces considérations, il y aura d'une part
les jeunes adultes, catégorie d'âge définie par rapport au degré et à la
nature de l'intégration sociale. Nous essayerons d'autre part de dégager
de l'analyse des données statistiques à notre disposition un certain nombre
d'hypothèses sur le rôle joué par les institutions du système pénal dans
la construction de cette relation.

1. JEUNES ADULTES ET RESPONSABILITE


PENALE--------------
Selon les critères qui dirigent notre regard, le cycle de vie assume des
caractéristiques très différentes. Le développement dans le temps de
facultés telles que l'intelligence, l'expérience, la créativité, la force phy-
sique, etc., tracent un faisceau de courbes intimement liées à l'âge, qui
obéissent à des lois, présentent des paramètres spécifiques. Ainsi la psy-
chologie définit les différents stades par lesquels s'opère successivement
la construction de l'identité, de la personnalité et la maîtrise de l'envi-
ronnement (cf. entre autres Erikson, 1988). L'approche sociologique de
sa part structure le cycle de vie en fonction des rôles que l'individu assume
dans le cadre des différentes institutions sociales et sur les processus
d'adaptation successive aux exigences de la vie en société. Les structu-
rations de la biographie fournies par la recherche scientifique ne sont
pas sans influencer - par des voies très complexes qu'il vaudrait la peine
d'analyser4 - les pratiques du contrôle social de la déviance, et notam-
ment le système du droit pénal. Mais il est bien évident que cette assi-
milation ne peut se faire que par une réduction importante de la
complexité, des flous et des divergences inhérentes aux modèles de l'âge
proposés par les sciences humaines.
Mon intention n'est pas d'entrer dans le détail des aspects strictement
juridiques de la définition des jeunes adultes (cf. à ce propos Straten-
werth, 1988; Rose, 1988). Je me limiterai à quelques remarques générales
sur la façon dont le droit pénal structure, par des règles qui lui sont

(3) Pour une vue d'ensemble sur le problème des relations entre âge et criminalité, voir
l'article de Hirschi et Gottfredson, 1983, et la controverse qui s'en est suivie.
(4) Certes, le paradigme d'une analyse entre savoir et pouvoir a déjà été posé, notamment
par Sartre et par Foucault. Ce qui me semble manquer dans ce contexte serait une
analyse de type phénoménologique de la façon dont les représentations de la crimi-
nalité développées par les sciences humaines façonnent, directement ou indirectement,
la pratique quotidienne des institutions de la justice pénale.

16
CHRONIQUE

propres, le cycle de vie de l'individu. Dans le Code pénal suisse, la


biographie de l'individu est découpée en cinq tranches distinctes: les
enfants au-dessous de sept ans, les enfants de 7 ans à 14 ans, les adoles-
cents (de 15 à 17 ans), les jeunes adultes (de 18 à 24 ans) et les adultes
(âgés de 25 ans et plus). Si l'on fait abstraction des enfants en bas âge
non soumis aux dispositions du Code pénal, nous constatons que le cycle
de vie se réduit à une dichotomie engendrée par le critère de la respon-
sabilité pénale, voire de la culpabilité.

Enfants et adolescents sont considérés comme n'étant pas complète-


ment responsables de leurs actes, dans la mesure où ils ne possèdent pas
encore une conscience bien structurée de la relation existant entre leurs
actions et les normes pénales. Une déviance de leur part n'est donc pas
considérée en premier lieu comme une atteinte délibérée à l'ordre social,
mais plutôt comme le symptôme d'un développement moral déficient,
voire le signe d'une carence éducative. Le système pénal n'intervient à
l'égard des enfants et des adolescents qu'en complément de l'action des
agents de socialisation traditionnels (la famille surtout, mais aussi l'école),
qui ont failli à leur tâche. Les formes de privation de liberté prévues par
le droit pénal des mineurs ne constituent donc pas en premier lieu une
punition du délinquant et ne sanctionnent pas une infraction déterminée:
elles ne font que codifier la passation des pouvoirs entre le système
familial et l'institution pénale dans un but de prévention. Il n'est donc
pas étonnant que dans le droit pénal des mineurs la comptabilité minu-
tieuse établissant des relations univoques entre la gravité de l'infraction
et la gravité de la sanction soit totalement absente. C'est le degré et la
nature de la carence éducative (et/ou de la personnalité) qui calibre
l'ampleur des mesures encourues par le mineur délinquant. On pourrait
aussi dire que le maintien de l'ordre social ne passe pas par la punition
mais par la négation du sens de l'infraction commise par un enfant ou
un adolescent.

En ce qui concerne les jeunes adultes et les adultes, ils sont en principe
responsables de leurs actes et subissent, lorsqu'ils commettent une in-
fraction aux normes pénales, les sanctions prévues par la loi à cet effet,
exception faite pour les cas où interviennent les dispositions prévues aux
articles 10 et 11 du Code pénal (irresponsabilité et responsabilité limitée).
Le terme «responsabilité» renvoie à celui de «culpabilité», qui est consi-
déré dans le droit pénal comme la condition première pour qu'une sanc-
tion puisse être prononcée. Dans sa connotation morale, ce terme
sous-entend un lien nécessaire entre la volonté de l'individu et l'acte
délictueux, les circonstances (physiques et/ou sociales) n'intervenant dès
lors que marginalement, soit dans la redéfinition juridique de l'acte
sanctionné (par ex. dans le cas du meurtre «par passion») soit dans
l'ajustement quantitatif de la sanction (circonstances atténuantes ou ag-
gravantes, selon les art. 63 et 64 du CP). Une socialisation manquée ou
incomplète ne saurait diminuer la culpabilité du délinquant adulte: elle
peut tout au plus en fournir une explication criminologique.

17
CHRONIQUE

Les jeunes adultes, parce que pénalement responsables, n'ont pas


vraiment de statut juridique propre5 • La distinction entre adultes et jeunes
adultes, introduite lors de la révision partielle du Code pénal de 1971,
se réfère davantage à un syndrome de pathologie caractérielle et sociale
qu'à la reconnaissance des particularités sociologiques d'une tranche de
vie, dans laquelle interviennent des décisions importantes, soit du point
de vue de l'individu, soit du point de vue sociétal. La loi pénale place
ainsi cette classe d'âge en porte-à-faux entre le droit des adultes et celui
des mineurs. D'une part, la mesure de l'éducation au travail prévue
spécifiquement pour les jeunes adultes constitue un prolongement du
droit pénal des mineurs. D'autre part, les dispositions prévues à l'art.
IOObis CP ne concernent pas l'ensemble des jeunes adultes, mais seule-
ment ceux parmi eux, dont les infractions sont à mettre en relation avec
«un développement caractériel gravement perturbé, ou menacé, à leur
état d'abandon, à leur vie dans l'inconduite et la fainéantise». Les autres
jeunes adultes étant soumis aux mêmes sanctions que les adultes. Cette
distinction est enfin relativisée par le peu d'usage que font les tribunaux
de l'art. IOObis (cf. Tableau 1).
Tableau 1 L'application de l'art. IOObis aux jeunes adultes

Année Nombre de condamnations


selon l'article lOObis jeunes adultes condamnés à une
peine privative de liberté
1974 62 9.895
1975 86 10.286
1976 85 10.371
1977 74 10.678
1978 65 11.075
1979 101 11.612
1980 77 11.752
1981 83 12.811
1982 79 13.229
1983 77 13.693
1984 96 13.231
1985 50 12.075
1986 53 12.792
1987 58 13.699
1988 68 13.218
Source : Statistique suisse des condamnations pénales

(5) Stratenwerth écrit à propos de l'éducation au travail après la révision de 1971: «Die
Arbeitserziehung hatte danach kaum noch den Charakter einer Verwahrung sogo-
nannter Asozialen, sondern erschien eher ais eine Fortsetzung jungendrechtlicher
Erziehungsmassnahmen» (op. cit., S. 38). Le fait que les jeunes adultes ne se diffé-
rencient guère des adultes, tout au moins du point de vue juridique, s'explique
peut-être, si on se réfère à l'action éducative de la peine privative de liberté. En lisant
ces dispositions, on ne peut pas s'empêcher de penser que le Code pénal est destiné
en premier lieu à des jeunes adultes!

18
CHRONIQUE

2. AGE ET INTEGRATION SOCIALE


Du point de vue juridique, les jeunes adultes ne se différencient donc
guère de l'ensemble de la population en âge de responsabilité pénale. Il
s'agit maintenant de voir de plus près quelle est leur place dans la société
contemporaine, quelle est la signification sociale de cette catégorie d'âge.
Les jeunes adultes, c'est qui? Qu'est-ce qui les distingue du reste de la
société?
Il faut souligner tout d'abord que cette phase du cycle de vie est l'ex-
pression de changements sociaux relativement récents (Gaiser et Mueller,
1989). Devenir adulte ne se présente plus aujourd'hui comme un événe-
ment de courte durée, comme c'était le cas lorsque la fin de la formation,
le service militaire, le mariage, fonctionnaient encore comme des rites
de passage. Devenir adulte signifie dans la société moderne s'engager
dans un processus aux trajectoires multiples qui aboutit à l'intégration
sociale en passant par une phase intermédiaire plus ou moins prolongée. 6
Prenons comme point de départ la classe d'âge des 18 à 25 ans: les
jeunes adultes apparaissent alors comme une catégorie sociale très hété-
rogène. Nous y trouvons ceux qui sont insérés de plein pied dans la vie
sociale, qui exercent une profession, qui sont financièrement autonomes.
Mais il y a aussi les étudiants, les apprentis et d'autres, qui n'ont pas
encore terminé leur formation professionnelle, sans oublier ceux qui se
situent, pour des raisons diverses, en marge de la société. Certains sont
déjà mariés ou vivent dans une relation conjugale, d'autres habitent
toujours chez leurs parents. Il y a ceux qui, de par leur position sociale
ou leur réussite, ont devant eux toute la palette des carrières profession-
nelles. D'autres se trouvent face à un avenir plus qu'incertain, hypothéqué
par une histoire faite d'échecs successifs (scolaires, professionnels, fami-
liaux, etc.).
Au delà de la référence à une classe d'âge déterminée, il convient
donc de définir les jeunes adultes par rapport à des critères ayant un
fondement théorique et/ou conceptuel explicite. Dans le cadre de cette
analyse, nous utiliserons comme référence le concept d'intégration so-
ciale: nous entendons par là le processus par lequel l'individu (voire une
génération) est amené à exercer progressivement les rôles sociaux qui
font de lui un adulte, un membre de la société à part entière. Dans les
sociétés modernes, ce processus s'effectue par paliers successifs, en partie

(6) Dans la littérature sociologique contemporaine on retrouve très souvent des concepts
qui mettent en cause la normalité des trajectoires sociales. Il en est ainsi dans l'article
cité de Gaiser/Mueller, où il est question d'érosion de la biographie normale, et
Buchmann parle à plusieurs reprises de l'individualisation des carrières de vie. Mais
cette indétermination au niveau de la structuration individuelle de la biographie ne
met pas en cause le fonctionnement de l'ordre social auquel sont soumis les individus.

19
CHRONIQUE

codifiés, en partie informels, et comporte à la fois une phase d'autonomie


croissante (vis-à-vis du milieu parental) et une phase de dépendance
croissante (vis-à-vis de la société). L'individu acquiert plus d'autonomie
dans la mesure où l'exercice des rôles professionnels, familiaux, politi-
ques, lui confère des droits, lui ouvre des perspectives, lui donne accès
de façon légitime aux moyens de satisfaire ses besoins. Il est en revanche
soumis à de nouveaux rapports de dépendance parce que le statut d'adulte
s'insère dans un système de normes contraignantes, demande une plus
grande prise de responsabilité face aux autres membres de la société et
comporte des enjeux matériels et symboliques plus importants. Dans la
mesure où l'emboîtement de ces deux processus ne s'effectue pas de façon
parfaite et instantanée, il en résulte une phase plus ou moins prolongée
de «latence» 7 sociale, à savoir une période du cycle de vie où les
contraintes sociales passent à l'arrière-plan, ne sont présentes qu'en per-
spective. Nous définissons donc les jeunes adultes comme étant l'ensemble
des personnes (la génération) qui occupent cette espace du cycle de vie.

Il me paraît essentiel de souligner à ce propos que l'intégration sociale,


telle qu'elle a été définie ci-dessus, ne comporte pas nécessairement une
identification avec les normes et valeurs dominantes dans une société.
On peut donc être socialement intégré, tout en s'orientant à des structures
normatives déviantes ou marginales. Il ne faut pas non plus confondre
«intégration sociale» et «socialisation», concepts qui dénotent des pro-
cessus sociaux distincts. La socialisation se réfère en premier lieu à
l'acquisition de structures cognitives et normatives, à l'apprentissage de
la société et de son fonctionnement dans le microcosme familial. L'inté-
gration sociale consiste par contre dans l'exercice de rôles sociaux déter-
minés, dans l'engagement dans des relations sociales concrètes, dans le
fait d'assumer des responsabilités vis-à-vis de la société. Entre ces deux
processus, il y a des relations étroites et complexes que nous n'avons pas
le temps de développer ici dans tous les détails. Je me limiterai à souligner
que la phase de «latence» sociale dans laquelle évoluent les jeunes adultes
est en partie l'expression de ce décalage dans le temps entre l'apprentissage
et la pratique d'un système normatif déterminé, et donc source structu-
relle de déviance, au même titre que les conflits d'identité caractéristiques
de l'adolescence. Mais l'une n'est pas forcément le prolongement de
l'autre.

Parmi les articulations existant entre ces deux phases du cycle de vie,
il y en a certes qui amplifient le mouvement vers des carrières déviantes:

(7) Le terme de «latence» sociale utilisé ici n'a aucune connotation psychanalytique. Ce
terme veut signifier en premier lieu la période d'attente précédant l'exercice de rôles
sociaux ancrés dans le cycle de vie. Mais d'autres significations s'y associent: a) le
passage d'un type d'intégration à un autre, avec des décalages possibles qui font
passer les normes sociales à l'arrière-plan; b) le refus des anciennes contraintes, sans
qu'il y ait eu une prise de conscience des nouvelles.

20
CHRONIQUE

en particulier l'échec scolaire qui, en créant un décalage important entre


le niveau d'aspiration et les moyens légitimes à disposition de l'individu,
en affectant l'estime de soi de l'adolescent, peut constituer un obstacle
important à l'intégration sociale. Mais au delà de la déviance sociale qui
se maintient au delà du seuil de l'adolescence, il y a aussi une déviance
propre aux jeunes adultes. 8

Si j'introduis ici cette distinction entre socialisation et intégration


sociale, sans la développer davantage, c'est pour rendre attentif le lecteur
au fait que la politique pénale les confond, lorsqu'elle définit ses finalités.
Or, selon qu'on se réfère à l'une ou à l'autre, les stratégies d'intervention
qui en découlent seront sensiblement différentes.

Formellement, les paliers de l'intégration sociale sont définis à travers


les règles du droit qui fixent l'âge minimum pour l'exercice de certains
droits et l'accomplissement de certains devoirs. En Suisse par exemple
le droit de vote est acquis à 20 ans (sur le plan fédéral), le droit de se
marier à 20 ans pour les hommes, à 18 ans pour les femmes, etc. Dans
la pratique, l'exercice de ces rôles en fonction d'un âge déterminé s'oriente
à des normes informelles et varie sensiblement selon les époques, les types
de société, les couches sociales. On ne peut donc disposer d'une mesure
unique et unidimensionnelle du degré de l'intégration sociale. Pour les
besoins de cette étude et considérant leur importance, nous aurons recours
aux indicateurs suivants: 1) la proportion de personnes engagées dans
une activité professionnelle, et 2) la proportion de personnes mariées.
Pour simplifier, les hommes seulement ont été pris en considération. 9

Les caractéristiques des courbes représentées dans le graphique


suscitent quelques observations. On remarque premièrement que le pro-
cessus d'intégration sociale se situe grosso modo entre 18 et 30 ans: un
laps de temps relativement long, qui est propre aux sociétés modernes.
Sa lenteur ne semble pourtant pas entraver son extension, vu que peu de
personnes y échappent: 2% seulement des personnes âgées de 30 ans ne
sont ni mariées ni engagées dans une activité professionnelle. D'un point
de vue global, il semble bien que la société exerce une attraction très
forte sur les jeunes adultes pour qu'ils occupent - tôt ou tard - les
rôles qui marquent leur intégration.

(8) Je me réfère ici à ces formes de déviance liées à des activités de loisir qui demandent
un revenu régulier, comme par ex. conduire en état d'ébriété.
(9) Si regrettable soit-il, nous ne pouvons pas entrer ici dans le détail des différences
entre hommes et femmes en ce qui concerne la relation âge/ criminalité, voire inté-
gration sociale/ criminalité. Il me semble toutefois évident que cette dimension de
recherche peut apporter beaucoup à une meilleure compréhension de la «rareté» de
la délinquance féminine.

21
CHRONIQUE

Graphique 1 - L'intégration professionnelle et maritale


des jeunes adultes

100%

Travail et mariage

80

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!!!
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60

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Cl. ......... ~ i l sans mariage

20
' ' ,,,,,

AGE

Source: Recensement de la population 1980

Deuxième remarque importante: il y a un décalage très net entre


l'intégration professionnelle et l'intégration maritale. La première s'ac-
complit progressivement entre 18 et 25 ans: à cet âge-là, 90% des jeunes
gens sont insérés dans la vie professionnelle, même s'ils n'ont peut-être
pas encore trouvé la carrière qui correspond le mieux à leurs aspirations.
L'intégration maritale commence grosso modo au moment où l'avenir
professionnel est plus ou moins assuré: à 25 ans, 10% des hommes ont
déjà fondé leur propre foyer. Cinq ans plus tard, ils seront 70% dans
cette même situation. Au vu de ces données, il semble bien que l'espace
de liberté structurelle dont jouissent les jeunes adultes se réalise au niveau
de la disjonction dans le temps entre l'intégration professionnelle et
l'intégration maritale: les jeunes adultes ont leur formation scolaire et
professionnelle derrière eux, exercent une profession, sont financièrement
autonomes, se détachent peu à peu de la famille parentale, sans avoir à
assumer les charges et les dépendances que comporte le mariage, voire
le fait d'avoir des enfants.

Bien sûr, les indicateurs que nous avons utilisés ici sont très grossiers
et ne tiennent pas compte de toutes les particularités qui font varier la
durée et la signification de cette phase de «latence» sociale selon les
individus, les groupes et les catégories sociales. Le processus d'intégration
se passe différemment, selon qu'il s'agisse d'une femme ou d'un homme,
d'un apprenti ou d'un étudiant, d'un fils d'ouvrier ou d'un fils de

22
CHRONIQUE

médecin. Aussi faut-il relever que les indicateurs utilisés définissent, au


niveau macrosocial ce que l'on pourrait appeler le degré zéro de l'inté-
gration sociale, dans la mesure où ils ignorent les contextes culturels, de
nos jours extrêmement différenciés et individualisés (Buchmann et Vuille,
1985; Buchmann, 1989), qui façonnent l'occupation de ces rôles et
déterminent en fait l'intensité de l'intégration. On peut très bien être
marié, sans que ce statut entraîne un changement quelconque dans le
mode de vie des conjoints. En ce qui concerne l'activité professionnelle,
sa signification en tant qu'indicateur d'intégration sera sensiblement
différente, selon qu'il s'agit d'une activité occasionnelle ou qu'elle se
place dans une carrière bien définie.
Ainsi les espaces de liberté propres aux jeunes adultes n'auront que
peu d'importance lorsque ceux-ci structurent leur biographie en fonction
de leur futur statut d'adulte, en anticipant les attentes auxquelles ils
devront faire face plus tard. La liberté statutaire sera par contre très
marquée chez les jeunes qui choisissent les modalités de leur engagement
professionnel en fonction de leurs besoins immédiats. Entre ces deux
modèles extrêmes, toute trajectoire, est possible. Il existe une multiplicité
de voies qui amènent au statut d'adulte, certaines d'entre elles pouvant
passer par des périodes de marginalité, comportant des épisodes de dé-
viance plus ou moins graves, plus ou moins prolongés. Il nous intéressait
ici de montrer à l'aide de quelques chiffres que, malgré le potentiel de
déviance rattaché au statut de jeune adulte, la plupart de ceux-ci finissent
tôt ou tard par se ranger. L'intégration sociale est de loin la règle, non
l'exception.

3. AGE ET TAUX DE CONDAMNATIONS

Le processus d'intégration sociale, qui définit la position des jeunes


adultes dans le cycle de vie, va de pair avec une diminution progressive
de leur participation à des activités délinquantes. Est-ce à dire que l'une
est dépendante de l'autre? Pour répondre à cette question, nous essaye-
rons de voir de quelle façon le degré d'intégration sociale, en tant que
facteur structurel de la déviance intervient dans la relation entre âge et
taux de criminalité. S'il est vrai que l'intégration se réalise progressive-
ment dans la tranche d'âge occupée par les jeunes adultes, le taux de
criminalité devrait diminuer au fur et à mesure que les jeunes adultes
s'intègrent dans la société.
Le graphique 2, qui représente le taux de condamnations par 1000
habitants spécifique à chaque classe d'âge, confirme en gros cette hypo-
thèse. Nous constatons que la probabilité d'être condamné pour une
infraction pénale est particulièrement élevée entre 20 et 23 ans, et diminue
régulièrement par la suite. A 20 ans, il y a trois fois plus de chances

23
CHRONIQUE

d'avoir affaire avec la justice qu'à 50 ans. 10 En exprimant les mêmes


données sous une forme un peu différente, à savoir en tant que répartition
de la proportion de condamnations pénales par classe d'âge, il devient
possible de comparer directement la population des condamnés avec les
caractéristiques de la population résidente.

Graphique 2 - Age et taux de condamnations

50

40

30
Hommes

AGE

Source : Statistique suisse des condamnations pénales


Il ressort clairement de ces données que les classes d'âge correspondant
à la catégorie des jeunes adultes sont surreprésentées parmi la population
des personnes condamnées pénalement: leur proportion respective dé-
passe de beaucoup celle de la même catégorie dans la population résidente
pénalement majeure. Ainsi la tranche d'âge des 18 à 29 ans, qui représente
25% seulement de la population suisse, fournit plus de la moitié (52%)
des personnes ayant fait l'objet d'une condamnation pénale. Nous re-
marquons aussi que le «surplus» de condamnations est particulièrement
élevé dans la classe d'âge entre 20 et 24 ans et qu'il diminue progressi-
vement, jusqu'à croiser la courbe de la population résidente aux alentours
de 39 ans.

(10) Par rapport aux données statistiques d'autres pays, il peut sembler que les délinquants
soient nettement plus vieux que par ailleurs, étant donné que l'âge modal se situe
généralement au dessous de 18 ans. Il faut toutefois tenir compte du fait que les
données utilisées (par ex. par les auteurs américains) sont celles de la statistique
policière, ce qui a pour effet de déplacer le mode de la distribution vers les classes
d'âge les plus jeunes. D'autre part, comme je le fais remarquer dans le texte, la
répartition présentée ici est tronquée, dans la mesure où seulement les condamnations
des personnes pénalement majeures (âgées de 18 ans au moins) entrent en ligne de
compte.

24
CHRONIQUE

Graphique 3 - Personnes condamnées et population résidente


selon l'âge.

12 X

!
10
~
~
:l 8

1~
6

i 4 ------
~
~ Population rêsidante
~ 2

1
CLASSE D"AGE

Source: Statistique suisse des condamnations pénales 1986

La forme de la relation entre âge et condamnation fait apparaître


cette dernière comme un phénomène transitoire, délimité dans le temps,
qui concerne tout particulièrement les jeunes adultes. Existerait-il donc
une forme de délinquance associée à la phase de «latence» sociale dans
laquelle évolue cette classe d'âge?

Si nous comparons la courbe qui représente la proportion des per-


sonnes condamnées (cf. le graphique 3) et la courbe des indicateurs de
l'intégration sociale (cf. graphique 1), nous observons une relation très
étroite entre ces deux variables. La phase de croissance du taux de
condamnations (entre 18 et 23 ans) correspond à la phase d'entrée dans
la vie professionnelle; la diminution du taux de condamnations à partir
de 23 ans suit de près l'évolution de ce que nous avons appelé l'intégration
maritale. L'engagement dans une activité professionnelle n'influence
donc le taux de criminalité qu'en combinaison avec l'établissement de
rapports sociaux stables, et plus particulièrement de liens conjugaux. Le
travail en soi - contrairement à ce qui est implicite dans l'action édu-
catrice inhérente à l'intervention pénale - ne protège pas de la crimina-
lité: il exerce cette fonction seulement lorsqu'il représente une nécessité
sociale. Ces constatations sont confirmées par une deuxième observation.
En effet, la répartition du taux de condamnés selon l'âge et l'état civil
montre bien que l'effet de l'âge assume une forme radicalement différente
chez les condamnés mariés et les condamnés non-mariés. Si l'âge est bien
un indice de l'intégration sociale, telle que nous l'avons définie plus haut,
on peut s'attendre à ce que la relation entre âge et taux de criminalité
soit moins forte à l'intérieur de sous-populations homogènes quant à

25
CHRONIQUE

l'intégration professionnelle et/ou maritale. C'est bien ce qui ressort du


graphique 4. Chez les hommes non mariés, le taux de condamnations
est pratiquement constant de 20 à 40 ans. Dans le groupe des hommes
mariés, on n'observe pas à proprement parler une stabilisation de la
relation en question, mais le niveau général de la courbe est sensiblement
plus bas que pour les hommes non-mariés. A 24-25 ans, la proportion
de condamnés est de 37 pour mille chez les célibataires, de 27 pour mille
seulement chez ceux qui ont des responsabilités familiales 11 •

Graphique 4 - Les condamnations pénales d'après l'âge et l'état civil

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Hommes mariés -....,,

CLASSE D'AGE

Source: Statistique suisse des condamnations pénales 1986

Malgré l'évidence des données présentées, il n'est pas possible, en


l'état actuel des connaissances, de donner une réponse tant soit peu
définitive aux questions posées au début de ce paragraphe: celle-ci variera
au gré des approches choisies et du type de données utilisées. Certes, les
indicateurs que nous avons utilisés pour cette analyse semblent confirmer
l'importance de l'intégration sociale dans la compréhension de l'évolution
du taux de criminalité. D'autres types d'analyse cependant (je pense en
particulier aux comparaisons internationales, à l'analyse des séries tem-
porelles, aux approches longitudinales) aboutissent à des résultats qui
relativisent et remettent en question l'importance que nous avons attri-
buée à ce facteur.

(11) L'effet de l'état civil sur la relation entre âge et criminalité serait encore plus évident,
s'il était possible d'inclure dans l'analyse les différentes formes de «mariage» informel.
N'oublions pas que le mariage est utilisé ici non tellement comme facteur explicatif,
mais comme indicateur du degré d'intégration sociale.

26
CHRONIQUE

Le passage au statut d'adulte se réalise selon des modalités qui varient


sensiblement à l'intérieur d'une culture déterminée et, à plus forte raison,
d'une culture à l'autre. Au moment où nous postulons une relation entre
degré d'intégration sociale et taux de condamnations, nous devrions
observer des différences importantes dans la distribution du taux de
condamnations selon l'âge dans différents pays et à des époque histori-
ques différentes. Or les données statistiques disponibles semblent plutôt
démontrer le contraire : la relation entre âge et condamnation pénale
présente des paramètres et une structure sensiblement constants dans le
temps et dans l'espace, comme si elle était insensible aux différents
contextes sociaux dans lesquels elle se réalise. Il est par exemple étonnant
de constater que les données publiées par le statisticien A. Quetelet sur
les crimes réprimés en France au début du l 9ème siècle présentent - à
quelques détails près - les mêmes caractéristiques que celles que nous
avons décrites dans cet exposé et qui se réfèrent à la Suisse d'aujourd'hui.
Dans un article publié en 1983 dans l'American Journal of Sociology,
les criminologues américains Hirschi et Gottfredson affirment que la
forme de la distribution en question n'a pas changé depuis 150 ans
environ. En s'appuyant sur une analyse des statistiques officielles de
plusieurs pays, ils ont montré que la relation entre âge et criminalité est
la même aux Etats-Unis et en Argentine, ainsi que dans l'Angleterre du
19ème siècle, malgré les différences importantes qui existent au niveau
de la structure de la société, de la signification culturelle des différents
groupes d'âge et des modalités du processus d'intégration sociale. Faut-il
en conclure que l'intégration sociale ne joue aucun rôle dans l'explication
de la relation entre âge et criminalité, ou même (comme l'ont affirmé
Hirschi et Gottfredson) que l'invariance de la relation entre âge et cri-
minalité est imperméable à tout essai d'explication sociologique? Per-
sonnellement je ne pense pas qu'il faille aller aussi loin, et ceci pour
plusieurs raisons.
Tout d'abord pour des raisons méthodologiques, étant donné que la
vérification empirique des conditions structurelles de la délinquance est
fortement conditionnée et par la qualité des données et par les indicateurs
utilisés. Ainsi les graphiques 2 à 4 ont été construits sur la base d'une
analyse transversale (et non longitudinale) de données agrégées (et non
individuelles). Ils ne peuvent donc être interprétés ni en termes de bio-
graphie individuelle, ni comme images de la carrière d'une cohorte, étant
donné qu'ils confondent deux processus distincts: les entrées dans la
carrière criminelle et la permanence dans celle-ci. En d'autres mots: la
diminution de la proportion de condamnés après 22-23 ans peut être due
au fait que les jeunes adultes engagés dans une carrière délinquante
décident d'arrêter de faire des bêtises, ou à une diminution des personnes
qui entrent dans cette carrière. En outre, les données utilisées dans ces
études ne concernent que la délinquance visible, celle qui a fait l'objet
d'une décision formelle de la part des instances pénales, ce qui laisse
ouverte la question quant au rôle de ces instances dans la production, le
maintien et la rémission de la délinquance.

27
CHRONIQUE

Il y a ensuite des raisons théoriques. Le fait que le contrôle des


indicateurs de l'intégration sociale ne fasse pas complètement disparaître
l'effet de l'âge sur la criminalité n'exclut pas a priori que d'autres mé-
canismes sociaux - dont nous ne savons pour l'instant pas grand'chose
- agissent en parallèle. Ou alors qu'il y ait un autre type de criminalité,
dont la relation avec l'âge (et donc avec l'intégration sociale) assumerait
une forme sensiblement différente: ce qui serait le cas par exemple si le
comportement criminel était le résultat d'un «virus» présent dès la nais-
sance. Et pourquoi pas suivre l'interprétation suggérée par Quetelet, qui
voit dans la relation empirique entre âge et criminalité le résultat d'une
interaction entre «nature» et «culture»? Voici comme il s'exprime à ce
sujet dans la deuxième édition de sa «Physique sociale»: « ... L'homme
a le plus de penchant au crime quand le développement physique est à
peu près complètement achevé, quand les passions règnent dans toute
leur fougue, quand l'émancipation légale vient d'avoir lieu et que la
raison n'a pas encore atteint sa maturité. Ce penchant perd, au contraire,
de son activité quand l'homme se marie, quand ses prévisions doivent
s'étendre sur sa famille et quand la raison commence à dominer la violence
des passions ... Je ne parle point ici de l'état intellectuel, des sentiments
religieux, de la crainte de la honte et des châtiments, parce que ces qualités
dépendent plus ou moins directement de la raison de l'homme».
Il n'est pas possible, dans le cadre restreint de cet article, de pousser
plus loin l'analyse de l'ensemble des facteurs qui se cachent derrière la
relation statistique entre âge et criminalité. Je me limiterai à avancer
quelques hypothèses sur les effets présumés du système pénal en fonction
de l'âge des personnes concernées.

4. L'INTERVENTION DU SYSTEME PENAL _ __

L'âge influence non seulement le comportement face à la loi pénale,


mais aussi la réaction sociale à la criminalité. Nous avons vu au para-
graphe précédent que la situation sociale des jeunes adultes est caracté-
risée par un espace de liberté - de dimensions variables, de durée
variable - défini par l'intersection dans le temps d'un processus d'au-
tonomie croissante et de dépendance croissante. A cet espace de liberté
propre à la position sociale des jeunes adultes dans le cycle de vie vient
se superposer un «vide» au niveau des instances du contrôle social in-
formel: le jeune adulte échappe peu à peu au contrôle exercé par la
famille parentale et par l'école, avant de se soumettre progressivement
à celui qui est inhérent aux rapports sociaux dans lesquels il va s'engager
ultérieurement (famille conjugale, carrière professionnelle, etc.). Or, c'est
ce «vide» (qui n'est pas sans rappeler le concept classique d'anomie) que
vient occuper le pénal: comme si la société déléguait à cette institution
la tâche de veiller à ce que la transition entre la jeunesse et l'âge adulte

28
CHRONIQUE

s'accomplisse, en évitant ainsi que la déviance juvénile ne se cristallise


en une carrière criminelle, ou que ne s'établissent des modes de vie
alternatifs couvrant l'ensemble du cycle de vie.

Certes, le système pénal ne s'occupe que des jeunes adultes et n'est


pas la seule institution à s'en occuper. En affirmant que les jeunes adultes
constituent dans les sociétés modernes l'objet privilégié du pénal, je tiens
à mettre en évidence le fait que, du point de vue sociologique, le système
pénal se trouve à devoir assumer le contrôle sur un stade particulièrement
important du cycle de vie, que d'autres institutions ont abandonné. Selon
certains auteurs (cf. Kaiser, 1988), il semble que cet espace est en train
de s'élargir, en donnant une importance grandissante au pénal par rapport
aux mécanismes traditionnels du contrôle informel.

Par rapport au problème qui nous intéresse ici, se pose donc la


question de l'effet spécifique de la réaction du système pénal sur la
relation entre âge et criminalité, et ceci aux différents échelons de l'in-
tervention du système pénal. Au niveau de la définition et de la codifi-
cation des normes pénales, il se peut que le catalogue des infractions
réprimées par la loi corresponde plus particulièrement au comportement,
voire au mode de vie propres aux jeunes adultes. Il suffit de penser au
fait que la consommation de drogues à été réprimée pénalement à partir
du moment où elle s'est répandue parmi la jeunesse. Il y a deuxièmement
la possibilité que la reportabilité des infractions commises aux instances
du système pénal soit en partie dépendante de caractéristiques person-
nelles telles que le sexe, l'âge, l'état civil. Il y aurait donc des mécanismes
de sélection qui orienteraient l'entrée et la permanence dans le système
de la justice pénale au détriment des jeunes adultes. On peut enfin
formuler l'hypothèse que les sanctions prononcées par les tribunaux (soit
en ce qui concerne le choix du type de sanction, soit sa durée) soient
dépendantes non seulement de la gravité de l'infraction commise, mais
aussi de l'appartenance du condamné à tel ou à tel autre groupe de la
population.

Les données à notre disposition ne nous permettent pas de pousser


plus loin l'analyse de la première hypothèse (définition de la criminalité).
La confrontation de la deuxième hypothèse (mécanisme de sélection) se
heurte d'une part au problème bien connu du «chiffre noir» et à l'in-
complétude des données statistiques de la criminalité, qui ne nous ren-
seignent de façon exhaustive ni sur les entrées et sorties du système, ni
sur les décisions prises à l'intérieur du système de la justice pénale. Nous
pouvons tout au plus constater (cf. Tableau 2) que la répartition des cas
traités d'après l'âge varie sensiblement, selon qu'il s'agit de prévenus,
de condamnés ou de détenus: en particulier, la proportion des jeunes
adultes diminue sensiblement, au fur et à mesure qu'ils franchissent les
paliers successifs qui structurent le fonctionnement de la justice pénale.

29
CHRONIQUE

S'ils représentent 40% des prévenus identifiés par la police 12 , ils ne sont
plus que 22% parmi la population carcérale. Le mouvement inverse se
vérifie parmi les personnes âgées de 30 ans et plus.
Tableau 2 - Jeunes adultes et système pénal
Classe d'âge
Position dans le système pénal 18-24 25-29 30+
Personnes dénoncées 40% 20% 40%
Personnes condamnées 31% 20% 49%
Personnes incarcérées 22% 24% 54%

Sources : Statistique policière de la criminalité,


Statistique policière des cantons de Zürich et de Aarau,
Statistique suisse des condamnations pénales,
Statistique pénitentiaire suisse

Sans vouloir surestimer la fiabilité des chiffres présentés au tableau 2,


il me semble pouvoir en dégager deux tendances intéressantes. Il y a
premièrement le fait qu'une proportion sensible des dénonciations dont
font l'objet les jeunes adultes n'aboutissent pas à une sanction formelle.
Deuxièmement: les jeunes adultes condamnés ont moins de probabilité
que les autres classes d'âge d'être incarcérés.
En ce qui concerne la première constatation, plusieurs hypothèses
peuvent être avancées quant aux mécanismes qui produisent cette diffé-
rence. Parmi celles-ci, je donnerai personnellement la préférence à celles
qui mettent en évidence le rôle de la police et des autorités chargées de
l'instruction de l'enquête. Certes, la police est tenue par la loi à poursuivre
toute infraction portée à sa connaissance. Mais il est aussi vrai, comme
l'a relevé Kunz (1987) que l'application du principe de légalité laisse assez
d'espace dans la pratique à l'appréciation subjective. Il est donc possible
que la différence entre la proportion de jeunes adultes dénoncés par la
police et celle des jeunes adultes effectivement condamnés soit le reflet
d'une division du travail à l'intérieur du système de la justice pénale: le
principe de légalité étant appliqué à la lettre lorsqu'il s'agit de jeunes
adultes avec un faible degré d'intégration sociale, tandis que chez les
adultes plus âgés (et donc ayant en principe des attaches sociales plus
marquées) des pratiques de diversion seraient plus facilement appliquées.
Ce serait ensuite aux autorités d'instruction et aux tribunaux de rétablir
la balance par la suite. Il va de soi que cette sélection ne s'oriente pas
sur l'âge en tant que tel, mais sur l'âge en tant qu'indicateur de l'inté-

(12) Ce chiffre est le résultat d'une extrapolation effectuée à partir de la statistique policière
du Ministère public fédéral et des statistiques policières cantonales disponibles. Il est
donc sujet à caution.

30
CHRONIQUE

gration sociale. S'il était possible d'analyser les chiffres du tableau 2 en


fonction de l'état civil, il est très probable qu'une bonne partie des
différences constatées disparaîtraient. Malheureusement, les données de
la statistique policière ne se prêtent guère à ce type d'analyse.
Venons-en maintenant à la relation entre l'âge et les sanctions pro-
noncées par les tribunaux. Au vu du décalage constaté plus haut entre
la proportion des condamnés et celle des personnes incarcérées, est-il
possible de parler d'une certaine clémence des tribunaux à l'égard des
jeunes adultes? Pour répondre à cette question, nous avons analysé la
répartition selon l'âge des personnes condamnées à une peine privative
de liberté sans sursis, en tenant compte des antécédents pénaux. Pour
mieux cerner l'effet spécifique de l'âge, l'analyse a été conduite sur un
seul type d'infraction, en l'occurrence sur le vol (art. 137). Les résultats
sont présentés dans le graphique 5.
Graphique 5 - Les condamnations à des peines privatives de liberté
sans sursis, d'après l'âge et les antécédents pénaux *
• N'ont été considérées ici que des condamnations pour vol (art137 CP)

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CLASSE D'AGE

Source : Statistique suisse des condamnations pénales 1986

Il ressort de ce graphique que la proportion des condamnations à une


peine privative de liberté augmente rapidement avec l'âge de condamnés,
jusqu'à atteindre un maximum pour les classes d'âge des 26-27 ans. A
partir de ce point, l'âge n'a pratiquement plus aucune influence sur le
type de sanction prononcée, la proportion de peines fermes restant au
même niveau entre 27 et 50 ans. Ce que nous venons de dire se réfère
tout particulièrement aux personnes ayant des antécédents pénaux. Nous
retrouvons toutefois le même effet, bien que moins évident, lorsqu'il
s'agit de la première condamnation. Faut-il en conclure que les juges -
à infraction égale - font tout le possible pour éviter la prison à de jeunes

31
CHRONIQUE

gens? Ou faut-il mettre la progression des peines fermes entre 18 et 27


ans sur le compte du nombre de condamnations antérieures, voir sur
l'action d'autres variables intervenant dans la relation analysée? La ré-
ponse à cette question est loin d'être aisée, faute d'analyses plus poussées
et surtout d'informations plus directes quant à la pratique des tribunaux
en la matière. Comment interpréter par ailleurs le fait que la proportion
de peines fermes reste aussi élevée dans les groupes d'âge au-dessus de
30 ans, c'est-à-dire dans la partie de la population à haut degré d'inté-
gration sociale? Les tribunaux auraient-ils plus de réticence à envoyer en
prison des jeunes adultes que des adultes, au risque de déstabiliser des
personnes ayant une famille à charge et bien intégrées dans la société?
Une telle hypothèse me semble très peu plausible. La forme particu-
lière de la courbe présentée au graphique 5 est moins le résultat de plus
ou moins de tolérance exercé par les juges vis-à-vis de groupes d'âge
particuliers, que le résultat des processus de sélection qui se passent en
amont du jugement. S'il est vrai que, comme nous l'avons postulé plus
haut, la police exerce une certaine sélection en faveur des personnes
socialement intégrées, alors cette stratégie doit nécessairement se réper-
cuter sur la structure de la clientèle des tribunaux: s'il y a proportion-
nellement plus de peines fermes chez les adultes que chez les jeunes
adultes, c'est que chez ces derniers des infractions de peu de gravité ont
une plus grande probabilité d'aboutir jusque devant le tribunal. D'où la
plus grande proportion de sursis dont fait état le graphique 5.

Sur la base de l'hypothèse esquissée ici, nous devrions retrouver la


même tendance dans la répartition des condamnations d'après la durée
de la peine prononcée. Or, le graphique 6 nous indique qu'il n'en est
rien.

La proportion de courtes peines (inférieures à trois mois) à l'intérieur


de chaque classe d'âge et pour un même groupe de délits (le vol) reste
pratiquement constante (autour de 55%) dans le cas des condamnations
sans sursis. Lorsqu'il y a sursis à l'exécution de la peine, nous observons
par contre une tendance sensible à l'augmentation de la proportion des
courtes peines d'après l'âge des personnes condamnées. Si 70% des
personnes entre 20 et 24 ont été condamnées à une peine ne dépassant
pas les trois mois, cette proportion augmente régulièrement en fonction
de l'âge pour atteindre les 92% pour la classe d'âge des plus de 60 ans.
Bien que nous ayons contrôlé, dans l'analyse de la relation entre âge
et durée de la peine, les effets du type de délit, il faut se rappeler que
l'étiquette «vol» couvre un spectre d'infractions très vaste, allant du vol
à l'étalage jusqu'au vol qualifié, pour un tarif qui va de 3 jours d'em-
prisonnement à 10 ans de réclusion. On ne peut donc pas exclure a priori
que la sévérité des juges vis-à-vis des jeunes adultes soit le reflet de la
gravité relative des infractions commises par ceux-ci. Il importe aussi de
relever que des peines plus longues au niveau des condamnations avec
sursis n'ont pas de conséquences immédiates pour la personne du

32
CHRONIQUE

condamné, pour autant qu'il ne se rende coupable d'autres infractions


pendant le délai d'épreuve. Peut-être y a-t-il dans l'attitude du juge
vis-à-vis des jeunes adultes une intention préventive spécifique basée sur
l'espoir que les jeunes soient plus perméables que les adultes à cette
sévérité symbolique.

Graphique 6 - Proportion de courtes peines avec ou sans sursis,


d'après l'âge *
.., N'ont été considérées ici qüe les condamnations pour vol (erl137 CP)

100 % ~ avec sursis


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CLASSE D'AGE

Source : Statistique suisse des condamnations pénales 1986

Ceci nous amène à considérer brièvement la question de l'efficacité


des sanctions privatives de la liberté en relation avec l'âge des personnes
qui les subissent. Après tout, si les jeunes sont surreprésentés au niveau
des condamnations pénales, si, comme nous l'avons dit à maintes reprises,
la déviance des jeunes adultes a un caractère passager, il se peut que ce
soit grâce aux effets dissuasif et/ou resocialisateur de la prison. Nous
utiliserons pour ce faire les résultats d'une étude longitudinale que nous
avons menée sur la cohorte des détenus sortant de prison en 1982 (Besozzi,
1989). L'analyse de ces données nous a permis de constater que la dis-
tribution de la récidive selon l'âge présente les mêmes caractéristiques
que celle du taux de criminalité représentée dans le graphique 2. En
particulier, il s'est avéré que les jeunes adultes récidivent 13 plus souvent
et plus vite que leurs ainés. Si les détenus appartenant à la classe d'âge

(13) Est considérée comme récidive toute condamnation à une sanction privative de
liberté (avec ou sans sursis) subséquente à la sortie de prison. Le délai de risque est
standardisé : il faut donc lire le graphique comme si les personnes faisant partie de
la cohorte observée aient quitté la prison le même jour. L'analyse présentée dans le
graphique porte sur 7.200 personnes libérées en 1982.

33
CHRONIQUE

des 18 à 25 ans présentent un taux de récidive dépassant les 50%, 40%


seulement des détenus âgés de 30 ans et plus au moment de la libération
font l'objet d'une condamnation à une peine privative de la liberté dans
les 5 ans suivant leur sortie de prison (cf. le graphique 7).

Graphique 7 - Taux de récidive après l'exécution d'une peine


privative de liberté

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TEMPS PASSE DEPUIS LA LIBERATION

Source : Statistique pénitentiaire suisse

Bien que les différences entre les groupes d'âge soient nettement plus
faibles, il est possible d'observer la même tendance lorsque l'on considère
le taux de récidive des personnes condamnées à des peines privatives de
liberté avec sursis (cf. graphique 8).

Est-ce à dire que les sanctions pénales - et plus particulièrement la


privation de liberté - sont moins efficaces auprès des jeunes adultes que
chez les adultes? C'est une hypothèse à retenir. Certes, les données
statistiques sur lesquelles sont construits les graphiques 7 et 8 ne nous
donnent aucune indication sur les mécanismes qui déterminent la récidive,
ni sur les rapports de causalité dont ils sont l'aboutissement. Dans ce
sens, nous ne disposons pas de preuve empirique ni de l'efficacité des
sanctions pénales vis-à-vis des adultes, ni de leur échec relatif vis-à-vis
des jeunes. Toutefois le parallélisme constaté entre la distribution du taux
de criminalité et du taux de récidive en fonction de l'âge nous fait penser
à l'existence d'un facteur sous-jacent expliquant et l'un et l'autre. Parmi
ceux-ci, le degré d'intégration sociale pourrait intervenir dans les deux
processus, en conditionnant à la fois la motivation à la déviance, l'in-
tervention des instances du contrôle social, ainsi que la réaction des
délinquants aux sanctions dont ils font l'objet.

34
CHRONIQUE

Graphique 8 - Taux de récidive après condamnation à une peine


privative de liberté avec sursis

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TEMPS PASSE DEPUIS LA CONDAMNATION

Source : Statistique suisse des condamnations pénales

5. CONCLUSIONS

Toute stratégie de prise en charge participe d'un ensemble plus ou


moins cohérent, plus ou moins explicite, de représentations de la réalité
sociale. Lorsqu'on essaie de reconstituer la représentation qu'ont les
institutions pénales de la délinquance, on s'aperçoit que la jeunesse y
joue un rôle central. Les raisons en sont diverses. Le temps de la jeunesse
est depuis toujours considéré comme une phase sensible dans le cycle de
vie, associée avec une contestation et une mise en question de l'ordre
social. En outre, on dit le jeune perméable aux influences, soient-elles
bonnes ou mauvaises: plus exposé que d'autres au risque de commettre
des infractions, mais aussi plus accessible aux démonstrations de bonne
morale.
Nous avons essayé dans cet article de montrer dans quelle mesure les
jeunes adultes constituent, de part leur position dans le cycle de vie, une
catégorie spécifique, qui se distingue et des adolescents, et des adultes.
Cette catégorie d'âge, se situant grosso modo entre 18 et 30 ans, corres-
pond notamment à une phase de «latence» sociale qui en fait une source
structurelle de délinquance. Nous avons également souligné que cette
délinquance a un caractère épisodique, avec une tendance à disparaître,
dès que l'intégration sociale se concrétise par une prise de responsabilité
dans les domaines professionnel et familial. Les résultats que nous avons
présentés ne nous permettent pas d'aller plus loin dans l'analyse des

35
CHRONIQUE

mécanismes sociaux qui règlent la conformité et la déviance aux normes


existantes en fonction de l'âge, surtout en ce qui concerne l'influence de
l'intervention des instances du système pénal. Ceci dépend d'une part de
l'inadéquation des données utilisées, peu aptes à une analyse de type
longitudinal. D'autre part il n'est pas à exclure que les contradictions
dont nous avons fait état, reflètent les ambiguïtés propres à la réponse
sociale à la délinquance juvénile et renvoient aux représentations sociales
de la jeunesse implicites dans l'intervention pénale hésitant entre sévérité
et indulgence, entre laisser-faire et prise en charge, entre confiance et
contrôle.

Le 25 novembre 1989.
Claudio BESOZZI,
Office fédéral de la statistique (Berne)

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37
CHRONIQUE

ROSE, P., L'éducation au travail des jeunes adultes, Diss. Lausanne,


1988.
ROWE, A.R. et TITTLE, C.R., Life-Cycle Changes and Criminal Pro-
pensity, Sociologica/ Quarter/y, 1977, 18, 223-236.
SACK, F. et KOENIG, R. (éd.), Krimina/soziologie, Frankfort, 1968.
SARTRE, J.-P., Saint Genet, Comédien et martyr, Paris, Gallimard,
1952.
SCHUH, J. (éd.), Jeunesse et délinquance, Collection Criminologie 3,
Grüsch (Rüegger), 1988.
STRATENWERTH, G., Schweizerisches Strafrecht, allg. Teil: Strafen
und Massnahmen, Bern, Stampfli, 1989.
TITTLE, C.R., Two Empirical Regularities (Maybe) in Search of an
Explanation: Commentary on The Age/Crime Debate, Criminology,
1988, 28, 1: 75-85.

38
INFORMATION

CONSEIL DE L'EUROPE
LA CRIMINALITE EN EUROPE STABILISEE
A UN NIVEAU ELEVE

La criminalité dans les pays membres du CONSEIL DE L'EUROPE


connaît depuis 1985 une stabilisation à un niveau élevé alors qu'elle avait
quadruplé en moyenne entre 1950 et 1985 (environ 1 500 cas pour
100 000 personnes en 1950 et 7 000 pour 100 000 personnes en 1985),
a constaté aujourd'hui à Strasbourg la 4ème Conférence de politique
criminelle qui s'est réunie sous la présidence de Charles ELSEN, Premier
Conseiller de Gouvernement au Ministère de la Justice du Luxembourg.
Cette conférence réunissait du 9 au 11 mai 1990 des responsables des
politiques criminelles des Etats membres du Conseil de l'Europe, de la
Hongrie, de la Pologne, d'Australie, du Canada et de la Nouvelle-Zé-
lande. Elle avait pour objet de faire le bilan et de définir les perspectives
de la politique criminelle en Europe.
La tendance à la stabilisation constatée par la conférence concerne
tous les types de criminalité. Mais dans ce contexte général, de nouvelles
formes de criminalité sont apparues et se sont développées comme l'a
souligné le Ministre de la Justice d'Italie, Giuliano VASSALLI, au cours
de la Conférence. Il s'agit notamment de formes de criminalité organisée
qui, selon M. VASSALLI, représentent un défi aux institutions politiques
et une entrave à l'évolution de la société (racket, criminalité économique,
blanchiment de l'argent de la drogue, terrorisme, prostitution ou trafic
des mineurs). Cette criminalité appelle, selon le Ministre italien et la
plupart des participants, des solutions pénales communes.
Pour ce qui est des réponses à la criminalité, la conférence a retenu
que la politique répressive ne suffit pas à régler le problème, mais qu'elle
doit s'accompagner d'une politique de prévention bien adaptée qui s'a-
dresse tant à la victime potentielle (protection des groupes à risques, aide
aux victimes, etc.) qu'au délinquant lui-même (éducation, dissuasion,
réinsertion, traitement).
On assiste ainsi à deux tendances apparemment contradictoires : une
décriminalisation et une criminalisation simultanées; certains faits, consi-
dérés autrefois comme appelant une réponse pénale, ne sont plus aujour-
d'hui sanctionnés pénalement, leur incrimination n'étant plus estimée
nécessaire à la protection de la société. D'autres délits font depuis peu
l'objet de sanctions pénales (par exemple dans le domaine de l'environ-
nement et de la fraude informatique).
Une réponse globale et cohérente qui réunit l'ensemble de ces éléments
est, selon la conférence, le seul moyen de combattre efficacement la
criminalité à l'avenir.

39
INFORMATION

La conférence a également examiné les techniques de gestion en po-


litique criminelle à tous ses niveaux (prévention, action de la police, des
tribunaux et des services d'exécution des peines). Celles-ci se révèlent
d'une grande importance pour permettre à la justice pénale de lutter
contre la lenteur des procédures dont elle souffre dans la plupart des
pays membres.
La conférence a estimé que le CONSEIL DE L'EUROPE, dont les
travaux ont su s'adapter aux transformations de la société, est l'enceinte
privilégiée pour la poursuite des études en Europe, dans les domaines de
la science criminologique et de la justice pénale.
Enfin, les participants se sont concertés sur une attitude commune
dans la perspective du 8° Congrès des Nations-Unies pour la prévention
du crime et le traitement des délinquants qui se tiendra à La Havane du
27 août au 7 septembre 1990.
Les rapports et les conclusions de la conférence pourront être obtenus
ultérieurement sur demande auprès du Service de Presse du CONSEIL
DE L'EUROPE.

40
REVUES

La Giustizia Penale,
XCIIIe année (XXIXe de la 7e série), 1988.

DROIT PENAL

Le professeur Elio MORSELLI de l'Université de Pérouges, dans un


texte dépourvu de toute note de référence, intitulé «La tentative», situe
le problème difficile de la tentative en droit pénal italien. Il s'attache
notamment à la nécessité du dol et l'impossibilité de tentative dans les
délits culpeux et les contraventions. Suivent alors des considérations sur
le dol éventuel, l'infraction impossible, l' «idoneità» des actes, le désis-
tement volontaire, qui entraîne l'impunité, et le «recesso attivo», cir-
constance atténuante pour une infraction consommée.
M. Michele LEONI, juge à Locri, trace les «grandes lignes jurispru-
dentielles au sujet de !'imputabilité des drogués». L'arrêt du 28 novembre
1987 de la Cour d'appel de Bologne, dans l'affaire Muccioli, a considé-
rablement ému l'opinion publique. Dans quelle mesure le drogué doit-il
être considéré comme malade mental? Depuis le Code Rocco, à tendance
criminalisante, des lois de 1975 et 1985 ont attiré l'attention sur l'aspect
pathologique du problème. La jurisprudence est partagée. Une interven-
tion des chambres réunies de la Cour de cassation serait la bienvenue.
M. Angelo MAMBRIANI, chercheur à l'Université de Parme, étudie
«la détention à domicile». Ce n'est pas une modalité de la détention
préventive ou une mesure alternative pour celle-ci mais une véritable
peine privative de liberté, ayant une fonction de prévention spéciale mais
dont la nature exacte flotte quelque part entre l'option humanitaire et
l'option rééducative.

PROCEDURE PENALE

Un certain nombre de contributions sont encore consacrées à des


aspects de la procédure telle qu'elle s'appliquait jusqu'à la mise en vigueur
du nouveau Code.
Madame lolanda CALAMANDREI analyse «les principes du 'giu-
dizio direttissimo' devant le préteur». Saisi d'un cas d'arrestation en
flagrant délit, le préteur a le choix: ou bien ordonner la mise en liberté
de l'inculpé, auquel cas la procédure aura lieu ultérieurement dans les
formes habituelles, ou bien, s'il confirme l'arrestation, juger la cause
immédiatement suivant la procédure sommaire, ce qui n'est pas sans
inconvénients sur le plan de l'administration des preuves. Le rapport de
l'officier de police et l'interrogatoire du prévenu constituent les éléments
essentiels de ce procès.

41
REVUES

M. Sebastiano PATANE étudie «les problèmes de constitutionnalité


des lois en cassation». Lorsque la Cour constitutionnelle rejette l'excep-
tion d'inconstitutionnalité d'une loi, le juge saisi est évidemment lié par
cette décision et doit appliquer la loi en question. Mais la décision de la
Cour n'a pas de valeur erga omnes. L'exception peut être représentée
dans d'autres procès. Les mêmes principes devraient trouver application
lorsque la cause est pendante devant la Cour de cassation. Celle-ci vient
toutefois de décider que le moyen déduit de l'inconstitutionnalité d'une
loi ne peut être présenté pour la première fois devant la Cour de cassation.
L'auteur estime qu'il faut nuancer cette règle et ne l'appliquer que si la
question de constitutionnalité est détachée de la solution du litige.
M. Giovanni Ml CALE, conseiller à la Cour de cassation, sous le titre
«Cour de cassation ou troisième instance?», se livre à une étude historique
de l'institution de la Cour de cassation, laquelle n'a pas pour mission de
juger le fait mais d'assurer l'exacte application de la loi. 60% des pourvois
en matière civile auraient dû être déclarés irrecevables parce qu'ils n'at-
taquent la décision qu'en fait. Or, on constate qu'une centaine l'ont été.
Il est grand temps, conclut l'auteur, que les recours en cassation soient
réservés à des juristes spécialisés.
Le substitut Antonio GRASSI, du Parquet de Florence, émet quelques
«brèves considérations au sujet de certains problèmes d'interprétation de
la loi du 5 août 1988, n° 330». Il s'agit d'une loi dont la carrière sera
forcément brève, en attendant la mise en vigueur du nouveau Code de
procédure pénale. L'auteur relève quelques négligences du législateur
relatives à la confirmation de l'arrestation, certains cas où le préteur ou
le ministère public peut ordonner l'arrestation alors que le juge ne peut
ordonner la détention préventive, enfin, l'assistance d'une personne de
confiance à l'exécution d'actes d'instruction.
M. Gilberto LOZZI, professeur à l'Université de Turin, écrit «au
sujet des principales innovations apportées au Code de procédure pénale
par la loi du 5 août 1988, n° 330». En matière de mesures restrictives de
la liberté, on se trouve devant une situation curieuse si l'on met en
parallèle les circonstances qui justifient la détention préventive telles
qu'elles sont prévues par la loi du 5 août 1988 et par le nouveau Code.
Par contre, la loi préfigure le nouveau Code dans la mesure où elle enlève
au ministère public le droit de décerner un mandat d'arrêt. La succession
impressionnante de lois réglant la détention préventive pose des problèmes
particulièrement ardus, compte tenu de la règle 'Tempus regit actum'.
L'auteur étudie aussi le droit, pour les défenseurs, d'être présents aux
inspections judiciaires, sauf les explorations corporelles, aux perquisitions
et auditions de témoins, enfin les confrontations entre inculpés, coïncul-
pés et témoins.
Une troisième étude est consacrée à cette même loi du 5 août 1988
par M. Paolo Vittorio LUCCHESE et Mme. Maria Antonietta BASILE:
«Le procès pénal et la nouvelle discipline des mesures restrictives de la

42
REVUES

liberté individuelle». Il s'agit des nouveaux principes qui sont à la base


de la dernière en date des réformes de la détention préventive: l'inter-
vention indispensable du juge, le caractère facultatif de toute détention
préventive, l'obligation de vérifier si le but ne peut être réalisé par d'autres
moyens, la vérification, en cours de procédure, de la question de savoir
si les raisons de privation de liberté existent toujours et si elles apparais-
sent comme proportionnées à la peine qui est raisonnablement prévisible.
M. Giuseppe SANTALUCIA, de l'Université Tor Vergata à Rome,
résume les «Orientations en matière de possibilité de récuser un membre
de la juridiction de jugement ayant fait partie du tribunal de la liberté».
Par arrêt du 25 mai 1987, la première chambre de la Cour de cassation
a, sur les conclusions contraires du ministère public, refusé de voir une
cause de récusation dans la circonstance que le président de la Cour
d'assises avait auparavant, en qualité de membre du tribunal de la liberté,
statué sur la détention préventive de l'accusé, en ajoutant toutefois que,
à la lumière de l'article 6 de la Convention européenne des droits de
l'homme, ce magistrat, s'étant déjà prononcé sur l'existence de charges,
n'était plus à même de faire partie de la juridiction de jugement. Pour
l'auteur, pareille situation, si elle peut justifier une abstention de conve-
nance dans le chef du juge, ne devrait pas conduire à une nullité de
procédure.

LE NOUVEAU CODE DE PROCEDURE PENALE

Dix ans après l'élaboration du premier projet de réforme, le numéro


de février de la Revue analysée est consacré à la publication intégrale du
projet préliminaire du Code de procédure pénale, tel qu'il a été transmis,
le 29 janvier 1988, par le gouvernement aux présidents des assemblées
législatives. La lecture de ce document est facilitée par l'indication suc-
cincte de l'objet, qui précède chaque disposition. Le nouveau Code, voté,
a été publié au Journal Officiel du 24 octobre 1988 et est entré en vigueur
au mois d'octobre 1989. S'y ajoutent les nouvelles dispositions relatives
au procès pénal à charge de prévenus mineurs d'âge.
Chaque livraison de la Revue publie, dans sa première partie, tradi-
tionnellement intitulée «I presupposti», un ou plusieurs articles groupés
par les soins du professeur G. CONSO sous le titre «Vers le nouveau
procès pénal». On y trouve notamment les contributions suivantes.
M. Piero Luigi VIGNA, procureur de la République adjoint à Flo-
rence, étudie «l'activité d'investigation dans la phase des enquêtes pré-
liminaires». C'est une illustration du principe nouveau de la distinction
entre, d'une part, les investigations qui tendent à indiquer les pistes à
suivre et à rechercher les sources possibles de preuves et, d'autre part,
l'acquisition proprement dite des preuves elles-mêmes. En quoi consiste
cette activité d'investigation et qui en est chargé? Une attention spéciale
est consacrée à l'interrogatoire de l'inculpé et à l'arrestation provisoire.

43
REVUES

En reprenant en partie le titre que Giuseppe Sabatini avait choisi il


y a vingt-cinq ans, M. Carlo TAORMINA écrit «Du vieux et du nouveau
dans la théorie de l'action pénale». Il s'attache à définir la nature des
actes de la police judiciaire et ceux du ministère public. M. VIGNA,
qu'on vient de citer, écrit un second article sous le titre «Investigation
et preuve dans le procès pénal». La distinction entre les investigations
préliminaires et l'administration des preuves s'est perdue dans le système
précédent sous l'influence du principe de la conviction intime du juge.
Le nouveau code rétablit la distinction, tout en permettant d'utiliser
comme preuves certains actes de l'enquête préliminaire qui ne sont pas
susceptibles d'être répétés devant le tribunal, comme les perquisitions ou
les transcriptions téléphoniques.
Dans «Problèmes de l'audience préliminaire», M. Dario GROSSO
explique comment le nouveau code accentue le caractère accusatoire du
procès pénal devant le juge du fond, allant jusqu'au système du double
dossier pour éviter de considérer comme preuve ce qui n'est qu'une
indication de l'enquête préliminaire. L'audience préliminaire doit per-
mettre de donner une orientation à l'affaire mais ne manquera pas de
poser des problèmes nouveaux, notamment au cas où la préparation du
dossier n'est pas suffisante et où, après une remise, il est procédé à un
supplément d'information.
M. Vittorio GREVI, pour sa part, étudie «La garantie de l'intervention
juridictionnelle au cours des enquêtes préliminaires». Cet article, qui
prend la forme d'une table des matières détaillée, donne un tableau très
significatif du G.I.P. (giudice per le indagini preliminari), le «juge de
l'instruction» qui remplace le «juge d'instruction» actuel. C'est une
fonction de garantie et de contrôle, qui doit éviter deux écueils, d'une
part, que le G.1.P. en arrive, directement ou indirectement, à conduire
personnellement l'enquête préliminaire, d'autre part, que, s'intéressant
à la liberté individuelle, au contrôle des communications, à l'établisse-
ment anticipé de certaines preuves, il n'intervient que trop sporadique-
ment pour suivre réellement le déroulement de l'instruction.
M. Salvino MONDELLO s'interroge sur «la compatibilité du projet
et de la loi de délégation en matière de preuves et de débat». Des
problèmes naissent par le fait de la formulation très générale du principe
dans la loi de délégation qui a précédé la rédaction du code, par exemple
en ce qui concerne l'audience non publique en matière d'instruction
préparatoire, les mesures de contrainte pour assurer l'interrogatoire de
l'inculpé, la détermination des pièces qui peuvent être soumises au juge
du fond, la licéité et la valeur probante de certains éléments de preuve
et le problème délicat du témoin qui est dispensé de parler parce que, en
disant la vérité, il établirait sa propre responsabilité pénale.
M. Paolino dell' ANNO, conseiller à la Cour de cassation, traite des
«Rapports entre le ministère public et la police judiciaire dans le nouveau
Code de procédure pénale». Comparant les projets de 1978 et de 1988,

44
REVUES

l'auteur estime que le nouveau texte constitue certes un progrès par


rapport au précédent mais qu'il s'est arrêté à mi-chemin en ce qui
concerne les rapports entre la magistrature et la police. S'il existe une
section de police judiciaire auprès de chaque parquet, il n'en reste pas
moins que les services généraux de cette police, s'occupant de la docu-
mentation et des informations générales, dépendent exclusivement du
ministère, avec la conséquence qu'en fin de compte, les possibilités d'ac-
cès à la justice dépendent pour une large part de l'Exécutif et échappent
à la direction du ministère public.
L'avocat Pietro NOCITA examine «le problème du classement sans
suite». Au 19e siècle, sans aucune réglementation spécifique, c'était un
classement sans suite dans le vrai sens du mot. Mais le principe de la
légalité de l'action du ministère public a triomphé depuis la loi de 1913.
Il est renforcé par la norme constitutionnelle actuelle qui rend l'exercice
de l'action publique obligatoire. Dans le nouveau Code de procédure
pénale ce principe reste: réquisitoire du ministère public, ordonnance du
juge pour renoncer aux poursuites. Il est vrai que le juge ne peut ordonner
des poursuites si elles ne sont pas requises par le parquet. Par ailleurs,
après un non-lieu le juge ne peut revenir sur cette décision sans réquisi-
tions du ministère public. Celui-ci reste toujours et seul dominus du
procès pénal.
M. Giuseppe SANTALUCIA, déjà cité, s'intéresse à «la simplification
des voies de recours». Le nouveau code reprend l'institution de l'appel
incident du ministère public mais laisse subsister des points douteux,
notamment quant à la notion de «renonciation» et, plus substantielle-
ment, à ce qui peut être l'objet de l'appel incident. Quant au recours en
cassation, la position de la défense est affaiblie en ce sens qu'il peut être
décidé en chambre du conseil non seulement que le pourvoi est irrecevable
mais aussi que les moyens de cassation proposés sont manifestement non
fondés. A cela s'ajoute que les parties privées dont le pourvoi est rejeté
peuvent être condamnées à une sanction pécuniaire.
Le professeur Paolo TONINI de l'Université de Florence fait un
exposé systématique des «procédures simplifiées suivant le projet préli-
minaire». Le nouveau code étant basé sur le principe du système accu-
satoire, mettant toutes les parties sur un pied de parfaite égalité, il faut
se rendre compte immédiatement qu'un encombrement phénoménal de
la justice pénale serait provoqué si toutes les affaires étaient traitées
suivant le nouveau système. Il faut d'emblée séparer les affaires graves
qui méritent l'ensemble des garanties légales des affaires simples où le
déploiement de toutes les garanties constituerait un gaspillage d'énergie.
D'où la nécessité de développer des formules simplifiées. Le rapport qui
introduit le projet préliminaire établit une classification des formules
simplifiées suivant qu'on supprime soit l'audience préliminaire, soit le
débat, soit les deux à la fois. Le professeur Tonini propose une autre
classification suivant que les procédures simplifiées se rattachent soit au
système accusatoire, soit au système inquisitorial, soit à un système mixte.

45
REVUES

La première variété se retrouve d'abord dans le procès immédiat à la


demande de l'inculpé qui renonce à l'audience préliminaire, ensuite dans
le procès abrégé, où la décision est prise en chambre du conseil et où le
prévenu bénéficie d'une réduction d'un tiers de la peine applicable, enfin
l'application de la peine à la requête des parties, c'est-à-dire après accord
de l'accusation et de la défense sur le taux de la peine. Dans les procédures
simplifiées qui se rattachent au système inquisitorial nous retrouvons le
décret pénal, au passé peu glorieux mais rafraîchi par quelques retouches
importantes: l'obligation pour le ministère public de motiver sa propo-
sition, la réduction de la peine à la moitié du minimum, la possibilité
d'opposition de l'inculpé, l'avertissement donné à l'inculpé qu'il peut,
en s'opposant, demander l'application du procès abrégé ou la transaction.
Se rattachent à un système mixte, mi-accusatoire, mi-inquisitorial, le
«giudizio direttissimo», lorsqu'il y a flagrant délit ou bien aveu, et le
procès immédiat à la demande du ministère public, lorsque la preuve
paraît évidente et à la condition que l'inculpé ait été interrogé. Nous
disposons ici d'un exposé clair et méthodique, particulièrement utile pour
l'étude, en droit comparé, de procédures simplifiées qui sont devenues
un mal nécessaire dans tous les pays.
M. Vittorio GREVI prend comme titre «Les garanties de la liberté
individuelle de l'inculpé dans le projet préliminaire: le système des me-
sures de précaution». Il étudie les diverses mesures de coercition et
d'interdiction qui peuvent être prises au cours de l'enquête préparatoire
et qui, en principe, doivent être décidées par le juge: procédure, modi-
fications, extinction des mesures, voies de recours et réparations des
mesures s'avérant injustifiées.
Le professeur Giovanni CONSO écrit un bel article sur «Problèmes
de méthode et choix au fond». Au point de vue de la méthode de l'étude
de la procédure pénale, il souligne que ce ne sera plus dorénavant l'étude
comparative de systèmes de pays différents mais la comparaison du
nouveau code avec le système en vigueur jusqu'ici. En ce qui concerne
les problèmes fondamentaux, le principe de la procédure accusatoire ne
devra être appliqué que dans les affaires qui le méritent vraiment. Dans
les autres affaires il ne faudra pas tout attendre des débats. Les procédures
abrégées seront d'une importance capitale, sauf pour la grande crimina-
lité, la délinquance organisée. Quant au nouveau juge pour les enquêtes
préliminaires, il faudra veiller à ce que ce ne soit pas toujours la même
personne. Sinon le juge d'instruction de l'ancien système réapparaîtra
sous un autre costume. En ce qui concerne le ministère public, M. Conso
accueille avec une bonne dose de scepticisme la nouvelle règle de l'article
563, alinéa 3, suivant laquelle le magistrat qui a assumé les fonctions de
ministère public en première instance peut participer au procès d'appel
et même à l'instance en cassation. Enfin, la réforme du procès devant
le préteur, si elle est parvenue - et encore d'une manière qui n'est pas
à l'abri de toute critique - à scinder enfin les fonctions de ministère
public et celles de juge, ne donne pas complète satisfaction. Il y aura
deux espèces de préteurs; les uns fonctionnant comme juge pour les

46
REVUES

enquêtes préliminaires, les autres comme juridiction de jugement. M.


Conso plaide pour une réforme de la réforme, avant la mise en application
du nouveau code.
L'avocat Giuseppe FRIGO décrit «la position du défenseur dans le
nouveau procès pénal». Le nouveau procès amènera une modification
profonde du rôle de l'avocat en matière répressive, notamment au cours
des enquêtes préliminaires et de l'audience préliminaire. La production
des preuves au cours des débats devant le juge du fond placera le défenseur
devant de nouvelles responsabilités. De nouvelles techniques profession-
nelles et une nouvelle déontologie seront indispensables.

R.D.

47
REVUES

L'aide aux justiciables dans le contexte de la


communautarisation. Rencontre du 20 septembre 1988,
Cahiers Liégeois de Criminologie, n° 2, avril 1990.

S'il est bien un thème d'actualité, c'est sans conteste celui de la


communautarisation et de ses répercussions, notamment budgétaires, sur
les secteurs concernés. L'Association Liégeoise de Criminologie s'est
montrée particulièrement sensible à cette problématique. C'est à son
initiative qu'a eu lieu, à l'Université de Liège, une rencontre, première
en son genre, entre les services d'aide aux justiciables francophones et
l'association néerlandophone des services d'aide aux justiciables. Cette
journée d'études fait l'objet d'une publication dans le deuxième numéro
des Cahiers Liégeois de Criminologie. Elle avait principalement pour
objectif, d'une part, de faire le point, dans le contexte mouvant de la
communautarisation, sur cet ensemble d'interventions sociales, désignées
sous le concept d'aide aux justiciables (aide précoce, aide pénitentiaire,
aide postpénitentiaire, aide aux victimes), d'autre part, d'aborder les
problèmes techniques et pratiques rencontrés sur le terrain par les inter-
venants sociaux.

Dans une contribution claire et étoffée («Evolution récente de l'aide


aux justiciables en Communauté Française»), D. MARTIN, criminologue
à l'asbl 'Aide et Reclassement' (Huy), trace les contours de l'évolution
législative de l'aide aux justiciables, depuis la loi de réforme institution-
nelle du 8 août 1980 jusqu'à celle du 8 août 1988. Décrivant l'aide aux
personnes et la répartition des tâches entre les différents organismes, il
analyse les étapes du transfert de compétences aux Communautés et cerne
avec précision les problèmes qui y sont liés, notamment les imprécisions
ou les ambiguïtés qui entachent la répartition des compétences entre
l'Etat national et les Communautés. A partir de références temporelles
et législatives, l'orateur situe, à chaque étape, les différents types d'ini-
tiatives liées au concept d'aide aux personnes, les moyens dont elles
disposent, les institutions dont elles relèvent. En dépit des embûches
dressées par la communautarisation, les services d'aide aux justiciables
ont néanmoins tenté de diversifier leurs efforts: l'exemple de l'aide sociale
aux victimes en atteste. Cheville ouvrière de l'instauration d'un dispositif
juridique et social en faveur des victimes d'infractions au sein de l'asbl
'Aide et Reclassement', D. MARTIN aborde en connaissance de cause
l'aide aux victimes et les problèmes, notamment de compétences, que
suscite la création d'une section victimologique dans un service d'aide
pénitentiaire et postpénitentiaire.

Evoquant les «Orientations de l'aide aux justiciables dans la Commu-


nauté Flamande depuis 1985», W. MEYVIS, coordinateur de la Vlaamse
Vereniging voor Forensisch Welzijnswerk, est également amené à souli-
gner l'existence de nombreuses incertitudes juridiques et d'une indéter-

48
REVUES

mination des compétences résultant de la communautarisation. Il a tou-


tefois été mis fin à cette période de flou juridique par l'arrêté de l'Exécutif
flamand du 24 juillet 1985 qui crée les services d'aide aux justiciables et
en définit clairement les missions. La description du fonctionnement et
des principales caractéristiques de ces services permet au lecteur de saisir
la spécificité de la philosophie qui anime l'aide aux personnes en pays
flamand.
L'exemple de l'asbl «Autrement, une expérience d'alternative à la
détention préventive», présenté par sa présidente, F. WEISS, illustre la
différence d'orientations que peut présenter un même secteur, selon qu'il
se trouve de l'un ou de l'autre côté de la frontière linguistique. Si les
services néerlandophones privilégient le client, l'asbl Autrement met es-
sentiellement l'accent sur la collaboration avec les autorités judiciaires.
En précisant le terrain d'action et les tâches de l'asbl, F. WEISS a su
indiquer les nombreux problèmes de fonctionnement et de collaboration
que connaît Autrement, ainsi que les difficultés résultant du conflit de
compétences entre les instances nationales et communautaires. Installé
dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, le service, dont la situation
demeure précaire, se voit également confronté à un problème d'ordre
linguistique.
Un autre exemple spécifique d'aide aux justiciables est fourni par
PH. BOLLETTE, criminologue et J. HALENG, assistante sociale au
C.S.M., dans un exposé relatif à !'«Aide aux justiciables toxicomanes».
Le premier aborde les nouvelles dispositions en faveur des consommateurs
individuels primaires, élaborées dans une circulaire du parquet général
de Liège. La seconde présente le point de départ et les principaux objectifs
d'une expérience liégeoise de partenariat issue du secteur préventif et
thérapeutique. Cette expérience s'est concrétisée par la création, en 1985,
d'un groupe de réflexion sur les pratiques des intervenants œuvrant en
milieu carcéral et prenant en charge les toxicomanes détenus.
Cet ensemble de contributions, particulièrement intéressantes tant
sous l'angle théorique que pratique, est utilement complété par la note
rédigée, à l'attention du Ministre Président de !'Exécutif de la Commu-
nauté Française, par l'Union des Associations de Protection de la Jeu-
nesse et de Réinsertion Sociale. A un moment où le Ministre Président
envisageait une refonte de la réglementation relative à l'agréation et au
subventionnement des services d'aide aux personnes, il paraissait impor-
tant de préciser clairement les actions et les besoins de subsidiation de
ces organismes comme les comités de patronage, largement dépendants
du bénévolat. C'est à la lueur de ces revendications et de ces mises au
point qu'il importe de lire le texte de l'arrêté de !'Exécutif de la Commu-
nauté Française relatif à l'agrément et à l'octroi des subventions aux
services d'aide sociale aux justiciables du 15 décembre 1989, paru au
Moniteur Belge du 9 mars 1990. Ce texte, intégré dans les Cahiers Liégeois
de Criminologie, montre combien les décideurs politiques demeurent en
retrait par rapport aux besoins du terrain, notamment en choisissant la

49
REVUES

province comme clé de répartition budgétaire.


Outre les Actes de la journée d'études consacrée à l'aide aux justicia-
bles, les Cahiers Liégeois de Criminologie s'internationalisent par la
publication d'une contribution du monde scientifique canadien. Sous le
titre «La police et les minorités ethniques», le Professeur A. NORMAN-
DEAU1 (Université de Montréal) aborde la problématique des relations
entre la justice, plus particulièrement la police, et les minorités ethniques
en Amérique du Nord ainsi que les thèmes qui y sont sous-jacents: le
thème du préjugé, celui de la discrimination et celui du racisme. Il analyse
les résultats des travaux du Comité BELLEMARE qui avait été constitué
à la demande du Ministre de la Justice canadien en vue de l'étude et de
l'élaboration de recommandations en cette matière.
Un compte rendu d'un des groupes de travail ayant fonctionné lors
de la Journée d'études, organisée par la Ligue d'Hygiène Mentale, en
collaboration avec la Société Belge de Criminologie, sur le thème «Justice
pénale et Santé Mentale -Quelles méthodes, quels mandats?» ainsi que
la synthèse de deux mémoires de licence originaux clôturent ce deuxième
numéro des Cahiers Liégeois de Criminologie.

Ch. JANSSEN

(1) Le numéro de janvier 1990 de la Revue de Droit Pénal et de Criminologie a également


publié un article de cet auteur, intitulé «Le système de justice est-il raciste?».

50
BIBLIOGRAPHIE

Lajusticia penal en Costa Rica, par RICO, J.M., SALAS, L., GUTIER-
REZ, E. et CRUZ, C., San José, Editorial Universitaria Centroameri-
cana, 1988, 220 p.

Lajusticia penal en Honduras, par SALAS, L. et RICO, J.M., San José,


Editorial Universitaria Centroamericana et Universidad Internacional de
Florida, 1989, 192 p.

La justicia penal en Guatemala, par SALAS, L. et RICO, J.M., San


José, Universidad Internacional de Florida et Editorial Universitaria
Centroamericana, 1989, 199 p.

Ces trois petits ouvrages, écrits en espagnol, donnent une première


idée du système de justice pénale en vigueur dans trois pays del' Amérique
centrale. Grâce à l'aide financière de l' Ilanud (Institut latino-américain
des Nations-Unies pour la prévention des infractions et le traitement de
la délinquance) José RICO, professeur à l'Université de Montréal et Luis
SALAS, directeur du Centre pour l'Administration de la Justice de
l'Université internationale de Floride, ont dirigé des recherches menées
dans chacun des pays concernés et ont fait la synthèse de ces travaux.
Ils nous livrent trois ouvrages construits selon le même plan. La première
partie constitue une introduction théorique et méthodologique au travail
entrepris; la deuxième partie traite du contexte historique politico-social
dans lequel se situe le système pénal étudié; la troisième partie qui est
la plus longue, est consacrée à la description du système pénal: les acteurs
(police, ministère public, défenseur, juridiction, système pénitentiaire) et
ensuite la procédure pénale proprement dite; enfin la quatrième partie
s'intitule «divers aspects de la problématique et l'administration de la
justice pénale»: les auteurs y abordent des problèmes tels ceux de l'accès
à la justice, l'équité, l'indépendance, l'efficacité.

Les auteurs ne se sont pas contentés de décrire formellement le système


de justice pénale (par ex. celui qui apparaît à la lecture des lois); ils se
sont aussi préoccupés - et c'était bien nécessaire - du fonctionnement
même du système pénal.
Bref, trois petits ouvrages fort intéressants et qui apportent une in-
formation de qualité qui faisait défaut.
Les auteurs annoncent qu'ils poursuivent leur travail dans d'autres
pays d'Amérique latine. Nous les attendrons avec impatience.

H.-D. B.

51
BIBLIOGRAPHIE

Droit pénal général zaïrois, par NYABIRUNGU mwene SONGA, Kins-


hasa, éd. Droit et Société «DES», 1989, 414 p.

L'ouvrage que publie le professeur NYABIRUNGU mwene SONGA


est avant tout destiné au public étudiant de la deuxième année de graduat
en droit et est le résultat de près de dix années d'enseignement de son
auteur, à l'Université de Kinshasa.
Bien que le Code pénal zaïrois soit issu d'un décret du 30 janvier
1940, ayant fait l'objet d'une coordination, jusqu'à présent, comme le
remarque l'auteur dans son avant-propos, il n'existait pas d'ouvrage de
droit pénal général au Zaïre 1 • C'est dire que le manuel de M. NYABI-
RUNGU mwene SONGA vient combler une lacune de la bibliographie
juridique zaïroise.
L'ouvrage est divisé en cinq parties consacrées respectivement à la loi
pénale, à l'infraction, au délinquant, à la sanction et à la preuve.
Toute la matière est exposée de façon très claire et illustrée à partir
de nombreux exemples tirés de la jurisprudence tant zaïroise que française
ou belge, ce qui est bien justifié dans la mesure où la législation pénale
zaïroise est inspirée des Codes pénaux belge et français.
La «bibliographie sommaire» citée par l'auteur révèle son souci de
se référer aux ouvrages les plus essentiels, même si le lecteur averti peut
être étonné que ne s'y trouvent pas repris certains traités ou précis qui
auraient pu y être cités. 2 Il faut cependant approuver l'auteur de ne pas
avoir écrit un ouvrage trop truffé de références et de notes subpaginales,
dans la mesure où il veut s'adresser à des étudiants et aux justiciables en
général. A l'usage de ce même public, chaque partie du manuel comporte
un questionnaire permettant à ses utilisateurs de contrôler leur connais-
sance et leur compréhension de la matière exposée.
Le livre recensé fait honneur à son auteur et à la science juridique
zaïroise; il faut espérer qu'il soit suivi d'autres du même genre et ayant
les mêmes qualités, pour le plus grand avantage du monde juridique
zaïrois dont bien des juristes belges sont proches de cœur.

A. KOHL.

(1) Cf. toutefois: ESIKA, Code pénal zaïrois annoté, Lubumbashi, 1977; MINEUR, G.,
Commentaire du Code pénal congolais, Bruxelles, Larcier, 1953; LAMY, E., Cours
de droit pénal général, Unaza, 1971-72; VERHAEGEN, J., Cours de droit pénal,
Université Lovanium, 1969-70.
(2) Auraient aussi pu être cités: CONSTANT, Précis de droit pénal, Liège, 1975; DOU-
CET, Précis de droit pénal général, Liège, Faculté de Droit, 1976, etc.

52
BIBLIOGRAPHIE

Viertes deutsch-sowjetisches Kolloquium über Strafrecht und Krimino-


logie, par ESER, A. et KAISER, G. (sous la direction de), Baden-Baden,
éd. Nomos, 1989, 196 p.

L'ouvrage sous rubrique contient les rapports présentés au quatrième


congrès germano-soviétique de droit pénal, de procédure pénale et de
criminologie, qui s'est tenu à Kiev, du 5 au 11 octobre 1987.
Il faut y relever les rapports de M. KELINA sur les bases de l'incri-
mination pénale en droit soviétique (pp. 7-15), de MM. LENCKNER et
SCHITTENHELM, consacré au même thème, envisagé en droit allemand
(pp. 17-37); les rapports de M. KOGAN (pour l'Union soviétique) sur
l'humanisation de la peine (pp. 39-46), de M. JAKOVLEV (de Moscou)
sur la loi pénale et les stéréotypes de la moralité publique (pp. 47-54) de
M. KAISER sur la loi pénale, la faute, la peine, le délinquant et la victime
dans l'opinion publique (pp. 55-71) (n.b. Cette étude est assortie d'une
bibliographie bien utile pour les spécialistes: pp. 72-73). La contribution
de M. KAISER a son équivalent pour le droit soviétique, dû à la plume
de M. NOSKOVA (pp. 75-81).
On signalera aussi les rapports de M. CANGULI (de Kiev) sur la
publicité en procédure pénale soviétique (pp. 103-110). M. FINCKE ana-
lyse la même question en droit allemand (pp. 111-128). Le même thème
(qui se traduit en russe par «glasnostj») fait l'objet de deux autres rapports
de M. PETRUCHIN (Moscou) (pp. 129-139) et de M. SCHROEDER
(pp. 141-148).
A l'heure du rapprochement des pays d'Europe occidentale et des
anciens Etats socialistes, en particulier, de l'Union soviétique, le livre
recensé est le bienvenu.
A. KOHL.

Procédure pénale, par STEFAN!, G., LEVASSEUR, G. et BOULOC, B.,


Précis Dalloz, quatorzième édition, Paris, 1990, 1076 p.

Comment concilier l'intérêt de la société pour une répression rapide


et certaine des infractions avec l'intérêt de celui qui est poursuivi d'avoir
toute possibilité de se défendre et de ne pouvoir être privé de sa liberté
sans que sa culpabilité et sa responsabilité aient été fermement établies
devant des juges?
Cette question majeure est à la base de toute procédure pénale dévouée
à la recherche d'un équilibre entre les intérêts en présence à défaut duquel
la «vérité» judiciaire risquerait de n'être qu'un vain mot.

53
BIBLIOGRAPHIE

La maison d'édition Dalloz vient de faire paraître une version entiè-


rement revue et complétée de l'ouvrage consacré par trois professeurs de
l'Université de Paris aux règles du procès pénal en France: voici un outil
de travail particulièrement performant, destiné sans doute en premier
lieu aux praticiens appelés à entrer en contact avec les juridictions fran-
çaises, mais intéressant aussi à plus d'un titre pour tous ceux qui sont
amenés à se pencher sur le fonctionnement de la justice répressive en
Belgique. Après tout, les deux pays n'ont-ils pas vécu plus d'un siècle
sous l'empire d'un même code d'instruction criminelle? S'il est vrai que
cet héritage commun a fait place à des évolutions législatives et coutu-
mières divergentes, il n'en demeure pas moins frappant de constater à
quel point, des deux côtés de la frontière, les problèmes liés à l'adminis-
tration de la justice dans le monde contemporain se posent en des termes
similaires. Les solutions qu'ils reçoivent en France ne peuvent dès lors
manquer d'interpeller le monde judiciaire belge.
L'ouvrage étudie la procédure pénale, après en avoir tracé les carac-
téristiques générales et l'histoire, d'un point de vue statique et d'un point
de vue dynamique. Il s'agit tout d'abord de dégager les règles essentielles
qui régissent l'objet du procès pénal; les auteurs s'attachent ensuite à
décrire les différents organes qui interviennent dans ce procès. Ils exa-
minent enfin la mise en application de ces règles, le fonctionnement des
organes de police et de justice ainsi que le rôle des parties au procès
pénal depuis la découverte de l'infraction et l'engagement des poursuites
jusqu'à la décision définitive de condamnation ou d'acquittement.
L'objet du procès pénal, c'est d'abord l'action publique. Et c'est ici
l'occasion d'étudier les conditions de son exercice, de voir qui la détient
et contre qui elle peut être diligentée, et d'observer les modes de son
extinction.
Mais l'objet du procès pénal, c'est aussi l'action civile; même si les
auteurs la qualifient d'objet «accessoire» du procès, l'importance des
développements qu'ils lui consacrent ôte à ce terme tout caractère négatif.
Dans cette rubrique reviennent les grands thèmes classiques, avec les
solutions originales du droit français: ainsi, les conditions requises dans
le chef du demandeur en tant que préjudicié du fait de la commission
d'une infraction ne coïncident pas nécessairement avec les conditions
d'exercice des droits reconnus aux créanciers de la victime, aux tiers
subrogés dans ses droits, à ses héritiers, aux assureurs, à la sécurité
sociale, sans parler de ces nouvelles catégories de demandeurs que sont
les syndicats, les ordres professionnels ou les associations.
Quant à l'exercice proprement dit de l'action civile, il est dominé par
le droit pour la partie lésée de porter cette action à son choix soit devant
le tribunal civil soit devant le tribunal répressif. C'est la raison pour
laquelle les auteurs, après avoir examiné le droit d'option de la partie
lésée, s'appliquent à retracer le déroulement de son action en distinguant
selon la juridiction appelée à en connaître.

54
BIBLIOGRAPHIE

La seconde partie de l'ouvrage, consacrée aux organes du procès


pénal, permet de se familiariser avec le rôle des nombreux acteurs inter-
venant tant au niveau de la constitution du dossier répressif que de la
décision qui en sera l'aboutissement.
Comment se fait la répartition des pouvoirs au sein des différents
échelons des organes de police et de justice, comment s'articulent leurs
rapports, quelles sont les dispositions permettant, dans tous les coins et
recoins de ce subtil édifice, de pourchasser l'arbitraire et de garantir à
l'inculpé un procès conforme aux exigences de la convention européenne
des droits de l'Homme, voilà en filigrane les axes d'une analyse descrip-
tive, critique et illustrée par de nombreux exemples, des tenants et abou-
tissants de l'information et de l'instruction préparatoires en France.
C'est dans cette partie de l'ouvrage que le lecteur trouvera, entre
autres, l'exposé des règles régissant le régime des contrôles d'identité, la
garde à vue, l'arrestation, l'enquête en cas d'infraction flagrante, les
procédés de convocation par procès-verbal et de comparution immédiate,
le contrôle de la police judiciaire, l'organisation et la compétence des
juridictions répressives.
Dans la troisième partie, consacrée au déroulement du procès pénal,
les auteurs étudient la procédure d'un point de vue dynamique, en abor-
dant successivement les différentes manières dont se matérialise la déci-
sion de poursuivre, la saisine du magistrat instructeur, ses pouvoirs
d'instruction et de juridiction, leur contrôle, et enfin la procédure devant
les juridictions de jugement en ce compris les voies de recours et l'autorité
de la chose jugée.
Epinglons dans cette dernière partie l'exposé complet du régime de
la détention provisoire qui se distingue singulièrement du régime en
vigueur en Belgique; en voici quelques exemples: mieux loti que son
confrère belge, l'avocat français reçoit communication du dossier, assiste
à l'interrogatoire de l'inculpé, peut intervenir dans les débats, comme le
procureur de la République. Ce dernier peut, aussi bien que l'inculpé,
relever appel des ordonnances relatives à la mise en détention provisoire
ou à son maintien, à sa prolongation ou à sa mainlevée, étant entendu
que l'appel du ministère public n'est pas suspensif. Puisque la chambre
du conseil a disparu, le contrôle de la détention se fait différemment; il
est organisé sur base de périodes-butoirs, dont la première est de quatre
mois, et qui se renouvellent, le cas échéant, en fonction notamment de
la gravité de la peine encourue et des antécédents de l'inculpé, sans
préjudice de cessations anticipées décidées par les autorités judiciaires ou
se produisant de manière automatique en cas de violation d'un délai de
procédure. La mise en détention peut être ordonnée par le tribunal, donc
sans passer par le juge d'instruction, lorsque l'inculpé arrêté en flagrant
délit et mis à disposition du procureur de la République, est traduit par
celui-ci devant la juridiction répressive dans le cadre de la procédure dite
de comparution immédiate. Enfin, le magistrat instructeur peut décider

55
BIBLIOGRAPHIE

de placer sous contrôle judiciaire l'inculpé à qui l'on veut épargner les
inconvénients de la détention préventive tout en veillant à éviter que
l'intéressé ne tente de se soustraire à l'action de la justice. Voilà, en des
traits trop sommairement esquissés, quelques-unes des caractéristiques
d'une procédure qui gagne à être connue au moment où se prépare en
Belgique une réforme de la détention avant jugement.
L'ouvrage des professeurs Stefani, Levasseur et Bouloc tient compte
des dernières réformes législatives, non seulement dans le domaine de la
détention provisoire (loi du 6 juillet 1989) mais aussi dans celui de la
révision des condamnations pénales (loi du 30 juin 1989) ou des dispo-
sitions concernant l'augmentation du taux de certaines amendes de police
et la procédure d'amende forfaitaire (loi du 10 juillet 1989).
L'ensemble du précis s'appuie sur une jurisprudence rassemblée et
analysée par les auteurs jusqu'à l'été 1989. A l'issue de chaque chapitre
figure une bibliographie. Le volume s'enrichit, comme il se doit, d'un
index des auteurs cités, d'un index alphabétique et d'une table analytique
qui facilitent la recherche. La maniabilité du livre, la qualité de l'écriture
et la clarté des subdivisions sont également à mettre au crédit de cette
quatorzième édition.
Jean DE CODT.

«Traité de droit criminel», tome II: «Procédure pénale» par MERLE, R.


et VITU, A., ouvrage couronné par l'Académie des sciences morales et
politiques, 4ème édition, Paris, Editions Cujas, 1989, 1008 p.

Raymond Screvens a consacré dans cette Revue pour l'année 1981


(p. 570) une recension à la troisième édition du tome II, relatif à la
procédure pénale, du remarquable traité de droit criminel de Roger Merle
et André Vitu. Il a souligné que ce second tome méritait les mêmes
louanges que le premier, concernant le droit pénal général et les problèmes
généraux de la science criminelle (cette Revue, 1980, p. 935), qu'il se
concevait qu'il ait été couronné par l'Académie des sciences morales et
politiques et qu'il ait été honoré du prix Odilon Barrot et qu'on y trouvait
une réponse exhaustive aux nombreuses questions que pose la procédure
pénale.
Cette quatrième édition est encore enrichie par rapport à la précédente.
Elle se divise en trois livres, traitant successivement des théories générales
de la procédure pénale, de la poursuite et de l'instruction et du jugement.
Chacun de ces livres comporte trois titres: le livre relatif aux théories
générales de la procédure pénale nous entretient de l'autonomie du procès
pénal, des actions nées de l'infraction à la loi pénale et des preuves
pénales, tandis que le deuxième livre expose, sous l'intitulé de la poursuite

56
BIBLIOGRAPHIE

et de l'instruction, quelles sont les autorités chargées de ces deux missions,


quelles sont les règles de l'enquête et de la poursuite et quelles sont celles
de l'instruction préparatoire; le troisième livre, consacré au jugement,
vise l'organisation et la compétence des juridictions de jugement, le
déroulement de la procédure devant ces juridictions et l'effacement des
condamnations.
Pour chacune des matières qui s'y trouvent exposées, les références
de doctrine et de jurisprudence sont non seulement fort complètes et fort
précises, mais aussi très actuelles: ainsi, et pour n'en prendre que quelques
exemples, les auteurs n'ont pas manqué, s'agissant des rapports de la
procédure pénale et de la procédure disciplinaire, de relever l'arrêt de la
cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 octobre 1983 (Dai/. Sir., 1987,
Somm., p. 103 avec les observations du bâtonnier Albert Brunois) qui
décide, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation en
Belgique (Cass., 14 mai 1987, Pas., I, 1067 avec les conclusions de
l'avocat général Velu et RCJB, 1988, 528 avec la note de Joe Verhoeven:
«Droits de l'homme, discipline et liberté d'expression: le droit du juge
à un procès équitable»), que la procédure disciplinaire suivie contre un
avocat doit donner lieu à des débats publics lorsque, parmi les sanctions
encourues, figure l'exercice de la profession qui est un droit civil au sens
de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme; ils
n'ont pas omis dans le domaine des preuves de signaler parmi d'autres
décisions l'arrêt de la chambre criminelle du 23 juillet 1985 (Da/!. Sir.,
1986, J, 61 avec les observations de Pierre Chambon et Revue de science
criminelle, 1986, 857 avec celles de Georges Levasseur), où la Cour,
confirmant ses arrêts des 9 octobre 1980 (Dai/. Sir., 1981, J, 332 avec la
note de Jean Pradel et J.C.P., 1981, II, 19578 avec celle de Gaetan Di
Marino) et 23 avril 1981 (Bull. crim., 1981, n° 117, 328), a admis la
licéité des écoutes téléphoniques sur la base de l'article 8 de la Convention
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la
condition que cette mesure d'investigation ait été accomplie sans artifice
ni stratagème et qu'elle n'ait pas eu pour résultat de compromettre les
conditions d'exercice des droits de la défense, ou l'arrêt de la même
chambre du 28 avril 1987 (Bull. crim., 1987, n ° 173) concernant les
enregistrements par magnétophone, ou encore, l'arrêt du 6 mai 1987
(Da/!. Sir., 1987, Som., 406 avec la note de Jean Pradel), où la chambre
criminelle a jugé que s'il contenait toute la substance du serment prescrit
par l'article 331 du Code de procédure pénale, l'engagement pris par un
témoin refusant en raison de sa religion de jurer et de lever la main droite
satisfaisait aux exigences de cette disposition légale, s'agissant suivant
l'expression de Robert Vouin, du juge et son expert, MM. Merle et Vitu
n'ont pas oublié l'arrêt Dobbertin, rendu par l'assemblée plénière de la
Cour de cassation le 19 octobre 1984 (J.C.P., 1985, Il, 20490 avec la
note de W. Jeandidier et J. Michaud, «Le traducteur et l'expert», Revue
de science criminelle, 1985, 265), qui, marquant un progrès dans la
solution d'un intéressant problème de procédure pénale, a estimé que le
critère d'une mission d'expertise était l'attribution à l'homme de l'art

57
BIBLIOGRAPHIE

d'une question d'ordre technique, et l'arrêt de la même Cour du 2 sep-


tembre 1986 (Da/1. Sir., 1987, Somm., 83 avec les observations de Jean
Pradel et J.C.P., 1987, II, 20766 avec celles de Pierre Chambon), qui a
considéré en revanche que des opérations purement matérielles, exclusives
de toute interprétation des résultats obtenus, ne constituaient pas des
expertises; sur la saisine du juge d'instruction, les auteurs ont veillé à
relever les arrêts de la chambre criminelle des 10 et 18 mai 1983 (J. C.P.,
1984, Il, 20276 avec la note de P. Chambon et Da/1. Sir., 1984, J, 188
avec celle de W. Jeandidier), l'arrêt de la même chambre du 6 juin 1988
(Revue de science criminelle, 1989, 349, n° 2 avec la note d'André Braun-
schweig) et celui de l'assemblée plénière du 17 juin 1988 (Da/1. Sir., 1989,
J, 17 avec les conclusions de l'avocat général Pradain), tandis que, sur
la question du contrôle exercé par la chambre d'accusation sur l'instruc-
tion préparatoire, ils ont signalé l'arrêt du 10 février 1987 (Da/1. Sir.,
1987, J, 332 avec la note de P. Chambon), relatif aux pouvoirs de révision
et d'évocation qui permettent à la chambre d'accusation, quand elle
statue sur le règlement d'une procédure, d'étendre les poursuites soit
quant aux faits soit quant aux personnes, l'arrêt du 21 juillet 1982 (Ibid.,
1982, J, 642 avec la note de Claude J. Berr), concernant l'assimilation
de la fouille «à corps» à une perquisition, l'arrêt du 14 mars 1988 (Dall.
Sir., 1988, Somm., 356 avec les observations de J. Pradel), relatif à
l'application des droits de la défense en matière d'expertise tels que les
organise l'article 167 du Code de procédure pénale, l'arrêt du 29 octobre
1985 (Da/1. Sir., 1986, Inf. rapides, 118), faisant application de l'article
173 du Code de procédure pénale qui veut que les actes annulés par la
chambre d'accusation soient retirés du dossier de l'information et déposés
au greffe de la cour d'appel, les arrêts des 1er février et 4 novembre 1983
(Bull. crim., 1983, n° 42 et 281), affirmant le principe de l'impossibilité
de se pourvoir en cassation contre un arrêt de renvoi devant un tribunal
correctionnel, à moins que cet arrêt statue en même temps sur une
question de compétence.
Ces exemples pourraient être poursuivis longtemps. Ceux que nous
avons choisi révèlent assez l'ampleur des recherches auxquelles MM.
Roger Merle et André Vitu se sont livrés. Cette ampleur apparaît encore
des indications de bibliographie qui figurent le plus souvent en tête des
sections de la plupart des chapitres. Ces références de bibliographie sont
particulièrement riches: elles ne se bornent pas aux traités généraux de
l'instruction criminelle et de la procédure pénale, comme ceux de Gar-
raud, de Stefani, Levasseur et Bouloc, de Donnedieu de Vabres, de Bouzat
et Pinatel, mais elles relèvent de nombreux articles de doctrine, les plus
anciens comme les plus récents. Le droit étranger et le droit comparé ont
été consultés, notamment dans la matière de la détention préventive, où
il est fait référence au droit belge, au droit allemand, au droit autrichien,
au droit italien, au droit luxembourgeois et au droit suisse, ou dans celle
de la prescription de l'action publique, où les auteurs s'en rapportent à
une comparaison entre le droit français et le droit suisse ou le droit
allemand, ou encore quant au principe de l'opportunité ou de la légalité

58
BIBLIOGRAPHIE

des poursuites, où il est fait mention de l'article de Heike Jung sur le


rôle du ministère public en procédure pénale allemande (Revue de science
criminelle, 1983, 223) ainsi que de celui de Jean Pradel sur la phase
préparatoire du procès pénal en droit comparé (Ibid., 623).
L'ouvrage se termine par deux tables des matières, l'une, alphabétique,
l'autre, analytique, qui justifient par leur clarté de vifs éloges.
J.S.

Procédure pénale, par PRADEL, J., Paris, Cujas, 5e édition, 1990, 736 p.

Avec une régularité à laquelle le lecteur sera sensible, Jean Pradel


vient de publier une nouvelle édition de son admirable Manuel français
de Procédure pénale. Il faut dire que l'évolution législative et jurispru-
dentielle est importante en France pour justifier la réédition fréquente
d'un ouvrage de synthèse sur cette matière.
L'auteur a voulu étudier le droit judiciaire pénal car il est vrai que
l'expression procédure pénale ne couvre adéquatement que le déroulement
du procès alors qu'il est nécessaire d'étudier également les organes du
procès Uuridications répressives, ministère public, police judiciaire).
L'ouvrage est divisé en deux parties. La première partie est intitulée
par l'auteur «Les éléments du procès pénal». Elle comprend une étude
des organes judiciaires Uuridictions pénales, ministère public ainsi qu'une
analyse de la règle de la séparation des fonctions judiciaires) et des organes
qualifiés d'auxiliaires: la police judiciaire, le greffier, l'expert et l'avocat.
Ensuite, l'auteur décrit les actions qui sont nées de l'infraction. Il y étudie
les conditions d'existence de l'action publique et ensuite de l'action civile.
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée au déroulement du procès
pénal qui comporte chronologiquement deux phases bien distinctes: la
phase préparatoire servant à la recherche de la preuve et à la constitution
du dossier répressif et ensuite la phase décisoire ou celle du jugement.
La phase préparatoire comporte trois moments: d'abord l'enquête
préliminaire qui est l'affaire de la police judiciaire, ensuite la poursuite
qui est surtout l'œuvre du ministère public (et accessoirement celle de la
personne lésée) et enfin l'instruction préparatoire qui est confiée le plus
souvent au juge d'instruction.
Quant à la phase décisoire du procès, l'auteur a résolu d'étudier
d'abord l'établissement de la décision par la juridiction statuant en pre-
mier ressort (tribunal correctionnel, tribunal de police, cour d'assises ... )
et ensuite les voies de recours tant ordinaires qu'extraordinaires. Il décrit

59
BIBLIOGRAPHIE

enfin les effets des décisions juridictionnelles pénales.


Précisons que chaque chapitre se termine par une bibliographie spé-
cifique et mise à jour.
Commentant dans la Revue de droit pénal et de criminologie la
précédente édition de cet ouvrage (1988, 949 et 950), j'avais déjà eu
l'occasion d'écrire tout le bien qu'il faut penser de l'ouvrage du professeur
Jean Pradel tant il est vrai que sa consultation se révèle précieuse.
Confirmant cette appréciation, je me contenterai de mettre en exergue
la précision de l'information fournie et la qualité de la synthèse livrée
par l'auteur.
Enfin, j'ajouterai que les éditions Cujas ont renouvelé de manière
heureuse la présentation de l'ouvrage qui est à la fois pratique et agréable.

H.-D. B.

Code de procédure pénale - Code de justice militaire, par PRADEL, J.


et CASORLA, F., Paris, Editions Dalloz, 31ème édition, 1989-90,
1160 p.

En 1989, les Editions Dalloz avaient publié le Code de procédure


pénale et le Code de justice militaire dans leur état à la date de cette
publication, ce qui représentait 1018 pages. Elles viennent de publier la
3lème édition de ces deux codes avec le concours de Jean Pradel et
Francis Casorla, qui, cette fois, comporte 1160 pages.
Ces deux codes sont parfaitement à jour: s'agissant de la procédure
pénale, les derniers textes qui y sont visés sont les lois n ° 89-461 sur la
détention provisoire du 6 juillet 1989, n° 89-469 du 10 juillet 1989 sur
la sécurité routière et n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention
des mauvais traitements à l'égard des mineurs d'âge, tandis que, pour
la matière de la justice militaire, on relève parmi les dispositions les plus
récentes la loin° 85-835 du 7 août 1985 sur la modernisation de la police
nationale et la loin° 87-512 du 10 juillet 1987 sur le service national dans
la police.
Chacun de ces codes est accompagné d'un appendice ainsi que de la
reproduction de textes importants qui n'ont pas leur place dans les codes
eux-mêmes: c'est ainsi que dans le domaine de la procédure pénale, on
y trouve la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales et le Pacte de New York relatif aux droits civils et poli-
tiques, de même que certains des règlements d'administration publique

60
BIBLIOGRAPHIE

et des décrets en Conseil d'Etat, des décrets et des arrêtés; pour ce qui
est de la justice militaire, les rédacteurs n'ont pas omis les décrets concer-
nant l'administration des juridictions des forces armées ou relatifs à
l'exercice des fonctions judiciaires militaires.
L'avertissement qui précède l'ouvrage souligne à juste titre que les
Codes Dalloz, loin de se borner à une simple reproduction des textes
légaux et réglementaires, procurent aux lecteurs et aux chercheurs bien
d'autres éléments utiles: les références de doctrine et de jurisprudence
sont particulièrement nombreuses et actuelles; ainsi, pour n'en prendre
que quelques exemples qui seront, croyons-nous, révélateurs des efforts
des rédacteurs, le Code de procédure pénale signale les deux arrêts de la
chambre criminelle des 2 mars 1982 (Bull. crim. 1982, n° 64, 166) et
8 janvier 1985 (Ibid., 1985, n° 12, 30) relatifs à la recevabilité de l'action
en dommages et intérêts de la concubine, l'arrêt de l'assemblée plénière
de la Cour de cassation du 17 juin 1983 (Dall. Sir., 1984, J, 134 avec la
note de Dominique Denis et Revue trimestrielle de droit civil, 1983, 740
avec celle de Georges Durry), qui énonce que les dispositions de l'article
1384, alinéa 5, du Code civil ne s'appliquent pas au commettant en cas
de dommages causés par le préposé qui, agissant sans autorisation à des
fins étrangères à ses attributions, s'est placé hors des fonctions auxquelles
il était employé, l'arrêt de la même Cour du 15 novembre 1985 (Dall.
Sir., 1986, Inf. rapides, 117), qui, tout en reprenant la formule de l'arrêt
du 17 juin 1983, va plus loin encore dans l'exclusion de la responsabilité
patronale puisque, comme l'a écrit Jean Pradel, il répute indifférent le
mobile de l'employé, l'arrêt de la chambre criminelle du 19 mai 1987
(Dall. Sir., 1987, J, 579 avec les observations de Jacques Le Calvez) qui
décide que toute personne se prétendant lésée par un crime ou un délit
peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d'in-
struction compétent, à savoir notamment celui du lieu de l'infraction ou
celui de la résidence de l'une des personnes soupçonnées d'avoir participé
à l'infraction; s'agissant de la détention provisoire, les rédacteurs n'ont
pas omis non plus le commentaire par Jean Pradel de la loi n° 84-576
du 9 juillet 1984 qui, d'après son intitulé, tend à renforcer les droits des
personnes en matière de placement en détention et d'exécution d'un
mandat de justice) («La loi du 9 juillet 1984 sur le recul de la détention
provisoire : un pas en avant utile?», Dall. Sir., 1985, Chron., 7) et l'article
de Wilfrid Jeandidier («Détention provisoire, Convention européenne
des droits de l'homme et Code de procédure pénale, ou valse-hésitation
de la Chambre criminelle», Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé, 1986, 711). Cet article de M. Jeandidier a été, on s'en souvien-
dra, justifié par les arrêts de la Cour de cassation de France rendus, l'un,
dans l'affaire Villemin le 3 janvier 1986 (Dall. Sir., 1986, J, 137 avec la
note de Mme. Koering-Joulin), l'autre, dans l'affaire Lamarque le 6 mars
1986 (Ibid., J, 315 avec les observations de Mme. Danièle Mayer).
Concernant l'infraction politique et l'extradition, MM. Pradel et Casorla
n'ont pas manqué de faire référence à l'article particulièrement récent
de Jean-Jacques Lemouland («Les critères jurisprudentiels de l'infraction

61
BIBLIOGRAPHIE

politique», Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1988,


16), ainsi qu'à celui de Mme. Renée Koering-Joulin («Infraction politique
et violence», J.C.P., 1982, I, 3066).
Ces quelques considérations suffisent, nous paraît-il, à montrer l'in-
térêt de cette nouvelle édition du Code de procédure pénale et du Code
de justice militaire.

J.S.

62
JURISPRUDENCE

COUR DE CASSATION
(chambre des vacations, sect. fr.)
25 juillet 1990

Président: M. Stranard, président


Rapporteur: M. Simonet, conseiller
Ministère public: Mme Liekendael, avocat général.

DETENTION PREVENTIVE - MAINTIEN DE LA DETEN-


TION - NON-COMMUNICATION DE LA PROCE-
DURE A L'INCULPE - CONSEQUENCES.

De la seule circonstance que l'inculpé qui était assisté d'un conseil


n'a pas eu personnellement communication des pièces relatives à la dé-
tention préventive, il ne peut se déduire qu'il n'a pas eu la possibilité de
combattre de manière appropriée les motifs invoqués pour justifier cette
détention.
en cause de M.

LACOUR,

Ouï Monsieur le conseiller Simonet en son rapport et sur les conclu-


sions de Madame Liekendael, avocat général;
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 5 juin 1990 par la cour d'appel de Liège,
chambre des mises en accusation;
Sur le moyen pris de la violation de l'article 5, § 4, de la Convention
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée
à Rome le 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955,
en ce que la décision attaquée confirme l'ordonnance de la chambre
du conseil qui avait, en application de l'article 5 de la loi du 20 avril
1874 relative à la détention préventive, maintenu ce mandat aux motifs
repris au réquisitoire et aux motifs que «le conseil (du demandeur) a eu
régulièrement accès au dossier conformément à l'article 5 de la loi du
20 avril 1874; que, de la seule circonstance que (le demandeur) lui-même
n'ait pas su en prendre connaissance, il ne peut se déduire qu'il n'ait pas
eu la possibilité de combattre de manière appropriée les motifs invoqués
pour justifier sa détention préventive; qu'il conclut donc à tort à une
violation de ses droits de défense; que la jurisprudence invoquée par (le
demandeur) ne concerne pas la procédure ici en cause; que sont inopé-
rantes les intentions du législateur quant à de futures modifications des
dispositions actuellement applicables en l'occurrence»,
alors que l'article 5, § 4, visé au moyen dispose que «toute personne
privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire
un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité

63
JURISPRUDENCE

de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale»; que


cette disposition, qui a des effets directs dans l'ordre juridique applicable
en Belgique et qui, partant, prévaut sur les normes de droit interne,
implique que, dans la perspective des débats devant le juge, l'inculpé ait
pu, s'il en a fait la demande, prendre connaissance des pièces du dossier;
qu'en approuvant la Convention de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, la Belgique a reconnu à la Cour européenne
des droits de l'homme la mission de l'interpréter; que, par arrêt du
30 mars 1989 en cause Lamy, cette haute juridiction a considéré que le
recours à un tribunal, prévu par l'article 5, § 4, précité, suppose une
procédure qui offre à l'inculpé détenu la possibilité d'obtenir, en vue de
sa comparution devant la chambre du conseil, communication des pièces
relatives à la confirmation du mandat d'arrêt; qu'en cas de conflit entre
une norme d'un traité international ayant des effets directs dans l'ordre
juridique du pays et une norme de droit interne, la première prévaut;
qu'il se déduit de la prééminence de la norme de droit international, ainsi
interprété, que la chambre des mises en accusation avait l'obligation
d'écarter l'application de l'article 5 de la loi du 20 avril 1874 relative à
la détention préventive dans la mesure où celui-ci n'ouvre à l'inculpé
aucun accès au dossier de la procédure; qu'en confirmant l'ordonnance
rendue en application de l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, nonobstant
le fait que, malgré sa demande, le demandeur n'avait pas eu communi-
cation des pièces relatives au maintien du mandat d'arrêt délivré à sa
charge, l'arrêt viole, partant, l'article 5 visé au moyen:
Attendu que l'arrêt ordonne le maintien du demandeur en état de
détention préventive, après avoir notamment relevé que «le conseil de
l'inculpé a eu régulièrement accès au dossier conformément à l'article 5
de la loi du 20 avril 187 4»;
Attendu que de la seule circonstance que le demandeur, qui avait un
conseil, n'a pas eu personnellement communication des pièces relatives
à la détention préventive, il ne peut se déduire qu'il n'a pas eu la possibilité
de combattre de manière appropriée les motifs invoqués pour justifier
cette détention;
Que le moyen ne peut être accueilli;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de
nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;

PAR CES MOTIFS,


Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux frais.

NOTE
Il faut rappeler ici que dans un arrêt du 18 octobre 1989 (Pas., 1990,
I, 191), précédé des conclusions de l'avocat général Piret, la Cour de
cassation a jugé que l'article 5, paragraphe 4, de la Convention de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impo-

64
JURISPRUDENCE

sait pas la communication à l'inculpé des pièces relatives à la confirmation


du mandat d'arrêt décerné contre lui lorsque son conseil avait pu en
avoir connaissance avant la comparution devant la chambre du conseil,
prévue par l'article 4 de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention
préventive, et que dans un arrêt du 17 janvier 1990 (Pas., I, 589), elle a
décidé que la même disposition de la Convention ne requérait pas la
communication à l'inculpé des pièces de la procédure, lorsque son conseil
avait pu en avoir connaissance avant la comparution devant la chambre
des mises en accusation conformément à l'article 5 de la même loi. Il
convient de préciser que dans la cause qui a donné lieu à la décision
annotée, il s'agissait du maintien du demandeur en état de détention
préventive et que l'arrêt annoté, reproduisant les termes de l'arrêt attaqué,
relève que conformément à l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, le conseil
du demandeur avait eu régulièrement accès au dossier de la procédure.
Il importe de signaler que la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention
préventive, publiée au Moniteur belge du 10 août 1990 (p. 15580) puis
dans la livraison du 14 août 1990 (p. 15779), énonce à l'article 21,
paragraphe 3, alinéa 1er, que pendant le dernier jour ouvrable qui précède
la comparution de l'inculpé devant la chambre du conseil chargée de
vérifier avant l'expiration du délai de cinq jours à compter de la délivrance
du mandat d'arrêt s'il y a lieu de maintenir la détention préventive, le
dossier est mis à la disposition de l'inculpé et de son conseil et qu'à
l'article 22, alinéa 3, elle prévoit que, avant la comparution devant la
chambre du conseil appelée à statuer de mois en mois sur le maintien de
la détention, le dossier est mis pendant deux jours à la disposition de
l'inculpé et de son conseil. Le texte de l'article 21, paragraphe 4, alinéa
2, du projet de loi prévoyait que si l'intérêt de l'instruction l'exigeait, le
juge d'instruction avait la faculté de décider par une ordonnance motivée
que certaines pièces ne seraient pas communiquées (Doc. Part., Sénat,
session de 1988-89, n° 658/1, spéc., 31), mais, ainsi qu'il apparaît du
rapport de M. Arts au nom de la commission de la Justice du Sénat
(Ibid., session de 1989-1990, n° 658/2, spéc., 89 et 90), cette disposition
du projet fut supprimée à la suite d'un amendement du gouvernement,
au motif, en substance, que le refus de communiquer certaines pièces
avant la comparution devant la chambre du conseil pourrait dans certains
cas entraîner des contestations relatives au respect des droits de la défense,
ce qui irait à l'encontre de l'objectif même de la loi nouvelle. Il ressort
pour le surplus du rapport précité de M. Arts (Ibid., spéc., 90) que la
volonté du législateur a été par les articles 21 et 22 ci-dessus visés de
garantir le droit de consultation du dossier à l'inculpé et à son avocat.

J.S.

65
JURISPRUDENCE

COUR DE CASSATION
(chambre des vacations, sect. fr.)
25 juillet 1990

Président: M. Stranard, président


Rapporteur: M. Willems, conseiller
Ministère public: Mme Liekendael, avocat général.

I. EXTRADITION - FAITS POSTERIEURS A L'EXTRADI-


TION ET COMMIS EN BELGIQUE - COMPETENCE
DES JURIDICTIONS BELGES.

Sont de la compétence des juridictions belges des faits commis en


Belgique postérieurement à l'extradition d'un étranger accordée à la
Belgique.

II. NON-REPRESENTATION D'ENFANT - NATURE DE


L'INFRACTION - CONSEQUENCES.

Le délit de non-représentation d'enfant à ceux qui sont en droit de le


réclamer présente par sa nature le caractère d'une infraction successive,
qui se renouvelle chaque fois que volontairement, il n'est pas satisfait
aux obligations imposées par la décision de justice qui statue sur la garde
d'un mineur. Si, en règle, la seule abstention, même volontaire, ne suffit
pas à constituer une infraction nouvelle, il en est autrement lorsque, en
raison des circonstances qui l'accompagnent, elle peut être assimilée à
un acte positif ou lorsque le fait incriminé par la loi consiste en une
omission.
en cause de Y contre H.

Ouï Monsieur le conseiller Willems en son rapport et sur les conclu-


sions de Madame Liekendael, avocat général;
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 21 mai 1990 par la cour d'appel de
Bruxelles;
A. 1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condam-
nation rendue sur l'action publique:
Sur les moyens invoqués dans le mémoire du demandeur annexé au
présent arrêt en copie certifiée conforme:
Sur le premier moyen:
Attendu que, par voie de confirmation, l'arrêt déclare établie à charge
du demandeur l'infraction d'avoir dans l'arrondissement judiciaire de
Bruxelles, du 14 août 1989, date de son arrivée sur le territoire belge, au
13 novembre 1989, soustrait ses trois enfants mineurs à la garde de la
défenderesse à qui ils avaient été confiés par une décision judiciaire

66
JURISPRUDENCE

exécutoire;
Attendu que ces faits, commis en Belgique postérieurement à l'extra-
dition autorisée par l'Etat requis, sont de la compétence des juridictions
belges:
Que le moyen manque en droit;
Sur le deuxième moyen:
Quant à la première branche:
Attendu qu'une appréciation inexacte des faits qui serait exprimée
dans les motifs d'une décision ne constitue pas une violation de la règle
de forme édictée par l'article 97 de la Constitution;
Qu'en cette branche, le moyen manque en droit;
Quant à la deuxième branche: .. .
Quant à la troisième branche : .. .
Qu'en cette branche, le moyen ne peut être accueilli;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le délit de non-représentation d'enfant à ceux qui sont
en droit de le réclamer, présente, par sa nature, le caractère d'une in-
fraction successive et se renouvelle chaque fois que volontairement il
n'est pas satisfait aux obligations imposées par décision de justice statuant
sur la garde d'un mineur;
Que si, en règle, la seule abstention, même volontaire, ne suffit pas
à constituer une infraction nouvelle, il en est autrement lorsque, en raison
des circonstances qui l'accompagnent, elle peut être assimilée à un acte
positif ou lorsque le fait incriminé par loi consiste en une omission;
Attendu qu'en l'espèce la cour d'appel, ayant considéré, tant par des
motifs propres que par référence à ceux du premier juge et par une
appréciation souveraine des éléments de la cause, que les faits commis
par le demandeur à partir du 14 août 1989 constituaient une nouvelle
infraction, distincte de celle qui avait déjà entraîné une décision judiciaire
de condamnation, n'a pas violé l'autorité de la chose jugée de cette
première condamnation, laquelle, suivant sa décision, réprimait d'autres
faits; que par ces mêmes considérations l'arrêt répond, en les contredi-
sant, aux conclusions du demandeur visées au moyen;
Que celui-ci ne peut être accueilli;
Sur le quatrième moyen:
Attendu que par les énonciations reprises au moyen, l'arrêt se borne
à constater, pour les motifs qu'il indique, que les allégations du deman-
deur sont dépourvues de tout élément de nature à leur donner crédit,
sans méconnaître ni la présomption d'innocence ni le principe général
du droit relatif à la preuve en matière pénale et sans renverser la charge
de celle-ci ;
Que le moyen ne peut être accueilli;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de
nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'ordre d'arrestation im-
médiate:
Attendu qu'à la suite du rejet du pourvoi dirigé contre le dispositif
de condamnation, ce dernier est passé en force de chose jugée; que le

67
JURISPRUDENCE

recours formé contre l'ordre d'arrestation immédiate est devenu sans


objet;
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur
l'action civile:
Attendu que le demandeur ne fait valoir aucun moyen spécial;

PAR CES MOTIFS,


Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux frais.

NOTE
1. - Dans leur récent Manuel de procédure pénale (spéc., 1097 avec
la note 123), Michel Franchimont, Ann Jacobs et Adrien Masset relèvent
que l'extradé peut être poursuivi en Belgique pour des infractions pos-
térieures à l'extradition. Ils font à cet égard référence à un arrêt de la
Cour de cassation du 16 décembre 1968 (Pas., 1969, I, 60), dont il ressort,
implicitement, que la condamnation prononcée contre un prévenu du
chef des faits pour lesquels son extradition a été accordée à la Belgique
n'est pas entachée d'irrégularité en raison de ce que, au cours de l'in-
struction judiciaire à laquelle ces faits ont donné lieu en Belgique, le
prévenu a été aussi interrogé au sujet d'autres faits qui n'étaient pas
mentionnés dans la demande d'extradition et du chef desquels des pour-
suites séparées ont été intentées à sa charge. Dans l'espèce jugée par cet
arrêt de la Cour, il paraît bien résulter des éléments de la cause reproduits
dans l'énoncé du second moyen à l'appui du pourvoi que les infractions
pour lesquelles l'extradition avait été demandée et obtenue étaient des
faits de vol, mais qu'au cours de l'instruction menée par les autorités
belges, le prévenu avait été interpellé au sujet d'une affaire de mœurs
pour laquelle il avait été cité devant la juridiction de jugement et qui
était, semble-t-il, sinon antérieure, au moins concomitante aux faits de
vol qui avaient justifié l'extradition.
Il. - C'est ici le lieu de rappeler que depuis son arrêt du 22 octobre
1980 (Pas., 1981, I, 230, cette Revue, 1981, 200), qui a été commenté
par Mme Françoise Tulkens («Lorsque l'enfant ne paraît pas», Revue
trimestrielle de droit familial, 1982, 371), par Jacques De Gavre («A
propos de l'arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 1980 et de l'article
369bis, alinéa 4, du Code pénal», in Mélanges offerts à Robert Legros,
151), ainsi que par Jules Messinne et Mme Michèle Hirsch («Propos sur
le délit de non-représentation d'enfant», in Mélanges offerts à Raymond
Vander Elst, tome II, 633), la Cour de cassation a jugé, spécialement par
ses arrêts des 28 octobre 1987 (cette Revue, 1988, 203) et 15 mars 1989
(Pas., I, 730), que le délit de non-représentation d'enfant pouvait consis-
ter dans l'abstention du père ou de la mère, à qui la garde de l'enfant
avait été confiée par décision de justice, de remplir son devoir d'éducation
en s'efforçant de convaincre l'enfant de se soumettre aux modalités du
droit de visite de l'autre parent. Comme il ressort de l'arrêt du 21 octobre

68
JURISPRUDENCE

1986 (Pas., 1987, I, 215), cette abstention doit toutefois s'apprécier


suivant les circonstances (adde, Cass., 22 septembre 1981, Pas., 1982, I,
110 avec la note 3). Il n'est pas sans intérêt d'ajouter que dans un arrêt
du 13 avril 1988 (Dai/. Sir., 1989, J, 461 avec la note de Jean-François
Renucci), la chambre criminelle de la Cour de cassation de France a
décidé, confirmant une nombreuse jurisprudence, que la résistance du
mineur ou son aversion à l'égard de celui qui était en droit de le réclamer
ne pouvait constituer pour celui qui avait l'obligation de le représenter
ni une excuse légale ni un fait justificatif, à moins de circonstances
exceptionnelles. En d'autres termes, le prévenu doit user de son influence
et de son autorité afin que soit respectée la décision judiciaire, mais il
est admis en France, comme l'a relevé Jean-François Renucci dans ses
observations précitées, que l'acquittement s'impose si celui qui exerce
l'autorité parentale a fait loyalement tout son possible et que ses re-
commandations répétées ont été vaines. L'âge du mineur doit être éga-
lement pris en considération car il est certain qu'un adolescent à la
personnalité déjà affirmée ne peut être contraint comme un jeune enfant
à obéir strictement aux injonctions parentales (adde, J.F. Renucci, Ibid.,
spéc., 463, 1ère col.).
J.S.

69
JURISPRUDENCE

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE DINANT (4ème ch.)


29 juin 1990

Président: M. Lorent, juge unique


Ministère public: Mme Benoit, subtitut du procureur du Roi

PREUVE - FOUILLE DANS UN VEHICULE AUTOMO-


TEUR - REGULARITE.

La fouille pratiquée dans un véhicule en stationnement rentre dans la


mission générale de la police judiciaire et ne constitue pas une violation
de domicile.
Le Ministère public contre: L.E.

cité régulièrement à comparaître devant ce tribunal comme inculpé


d'avoir ... :
1. détenu dans un véhicule un appareil émetteur ou récepteur de
radio-communication en l'espèce un détecteur de radar, sans avoir obtenu
l'autorisation écrite du Ministre.
2. capté ou tenté de capter des radiocommunications qui ne lui sont
pas destinées.
Ouï le prévenu dans son interrogatoire;
Ouï le témoin dans sa déposition;
Ouï le Ministère public en son résumé et ses conclusions;
SUR QUOI, après en avoir délibéré,
Attendu que le 26 octobre 1989, vers 16.50 heures, deux sous-officiers
de gendarmerie firent immobiliser la voiture du prévenu en vue de pro-
céder à un contrôle;
Qu'alors, ils constatèrent que l'intéressé, qui tenait une boîte en main,
dissimulait celle-ci derrière son siège;
Qu'en vue de vérifier le contenu de cette boîte, ils invitèrent le conduc-
teur à quitter son véhicule et, cela fait, se penchèrent vers l'objet pour
constater qu'il s'agissait d'un détecteur de radars;
Qu'ils saisirent cette chose;

1. Quant à la recevabilité de l'action publique

Attendu que le prévenu invoque la nullité de la procédure et, partant


des poursuites, au motif qu'en vertu de l'article 29 du Code d'instruction
criminelle, les agents verbalisants auraient été tenus d'aviser sur -le-champ
le procureur du Roi compétent et qu'en vertu de l'article 35 du même
Code, c'est à ce magistrat qu'il aurait appartenu de procéder à toute
saisie utile;
Que, dans sa thèse, cette «irrégularité manifeste» entraîne la nullité
de la poursuite;

70
JURISPRUDENCE

Attendu que ce raisonnement ne peut ètre suivi;


Qu'en fait, ledit article 29 ne vise que les dénonciations officielles
faites aux officiers du ministère public par toute autorité constituée, tout
fonctionnaire ou officier public, lesquels ne comprennent pas les officiers
de police judiciaire, dont la mission fait l'objet de l'article 8 du Code
d'instruction criminelle;
Que ces derniers, en effet, ont compétence pour rechercher et constater
ks in fractions, effectuer les premiers devoirs de police, avant de trans-
mettre leurs procès-verbaux aux officiers du parquet;
Attendu que la seconde disposition légale invoquée n'est pas davan-
tage applicable; qu'elle concerne «les cas de flagrant délit, lorsque le
fai.t sera de nature à entraîner une peine criminelle», dont s'occupe
l'article 32 dudit Code;
Attendu que c'est erronément que le prévenu, lors de la constatation
des faits, a invoqué le principe de l'inviolabilité du domicile;
Attendu qu'en effet, si, dans l'article 10 de la Constitution, le mot
«domicile» n'a pas le sens étroit que lui attribue l'article 102 du Code
civil, il ne s'entend que de toute habitation ou de tout bâtiment, avec
ses dépendances même non bâties mais clôturées, dont l'accès n'est
autorisé qu'à ceux qui en ont la jouissance privative ou qui ont reçu de
ces personnes l'autorisation d'y pénétrer ou de s'y installer (Hoeffler, Trai-
té de l'instruction préparatoire en matière pénale, n ° 235);
Que les perquisitions et les saisies au sens large rentrent clans la mission
générale de police, soit de la police judiciaire pour la recherche des
infractions et la réunion de leurs preuves, soit de la police administrative
pour assurer la sécurité publique, et que, effectuées dans ce cadre, elles
sont légales; que si, dans le but cl 'assurer la sau\ egarde de certains droits
fondamentaux, notamment l'inviolabilité du domicile, la loi subordonne
cette mission de police à des conditions restrictives, tel n'est pas le cas
de la fouille policière pratiquée dans une voiture en stationnement sur
la voie publique (Cass., 27 septembre 1971, Pas., 1972, I, 87);
Qu'il convient, dès lors, d'écarter l'argumentation de l'intéressé, sans
même qu'il soit nécessaire de vérifier s'il y a eu ou non flagrant délit;

2. Quant au fond

Attendu qu'il résulte des éléments du dossier et de l'instruction faite


à l'audience: que l'infraction 1 est établie telle qu'elle est qualifiée;
qu'un doute subsiste quant à la prévention 2;
Attendu que ledit doute profitera au prévenu;
Attendu que, du chef de la prévention 1, il sera appliqué une peine
de principe, eu égard à l'absence d'antécédents judiciaires spécifiques;

PAR CES MOTIFS:


LE TRIBUNAL statuant contradictoirement:
Déclare la poursuite recevable;
Dit seule établie telle qu'elle est qualifiée la prévention 1;
Acquitte le prévenu du chef de la prévention 2; le rernie des pour~uite\

71
JURISPRUDENCE

de ce chef;
Condamne le prévenu, du chef de la prévention 1, à une amende de
deux cents frs majorée de 590 décimes par franc et ainsi portée à
12.000 frs ou un mois d'emprisonnement subsidiaire;
Le condamne aux frais;
Vu les articles 28 et 29 de la loi du 1.8.1985 AR 18.12.1986 modifié
par loi du 22.12.1989.
Condamne le prévenu, à titre de contribution au fonds spécial, à une
somme de 5 frs majorée de 790 décimes par franc et ainsi portée à 400 frs;
Ordonne la confiscation de la pièce de conviction n° 89/642, chose
formant l'objet de l'infraction et dont la propriété appartient au condam-
né.

72
JURISPRUDENCE

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE DINANT (4e ch.)


7 septembre 1990

Président: M. Lorent, juge unique


Ministère public: Mme Benoit, substitut du procureur du Roi

PROCES VERBAL - NOM DU MAGISTRAT DU MINISTERE


PUBLIC - SURCHARGE

Lorsque le nom du magistrat du ministère public figurant au procès-


verbal de l'audience a fait l'objet d'une modification en surcharge non
approuvée, il appartient au tribunal de constater que le siège du ministère
public était régulièrement occupé.

Le Ministère Public contre: B.J.

Sur quoi, après en avoir délibéré,


Vu le jugement rendu en la cause le 9 mars 1990 par le tribunal
correctionnel de ce siège, 4ème Chambre;
Attendu que le nom du magistrat du ministère public figurant tant
au procès-verbal de l'audience du 20 avril 1990 qu'au procès-verbal de
celle du 1er juin 1990 a fait l'objet d'une modification en surcharge, sans
que cette modification ait été approuvée;
Attendu qu'en vertu de l'article 78 du Code d'instruction criminelle,
applicable à tous les actes authentiques de la procédure pénale, les men-
tions ainsi modifiées et non approuvées sont réputées non avenues (Cass.
12 novembre 1985, Pas., 1986, I, 283; 19 décembre 1986, Pas., 1987, I,
499);
Attendu, en outre, que les mentions <lesdits procès-verbaux n'indi-
quant pas légalement que le siège du ministère public a été régulièrement
occupé, le tribunal se doit de constater que, auxdites audiences, le siège
du ministère public était occupé de la manière suivante: le 20 avril 1990,
par Monsieur Pierre Charlier, Premier Substitut du Procureur du Roi;
le 1er juin 1990, par Monsieur Francis Colard, Substitut du Procureur
du Roi;
Attendu que les faits sont restés établis tels qu'ils ont été qualifiés.

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