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COURS DE DROIT PENAL GENERAL

Pr MONEBOULOU MINKADA HERVE MAGLOIRE

Agrégé de droit privé et des sciences criminelles

Année 2022/2023

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

AMBASSA (L. C.), Droit pénal général, Yaoundé, 1ere édition, Collection
Leconnu, les éditions Saint Augustin, 2014, 251 pages.

BECCARIA (C.), Traité des délits et des peines, d’après la traduction de l’italien
par M.CHAILLON de Lisy bibliothécaire, et publiée à Paris en 1773, 137 pages.

BERNARDINI (R), Droit pénal général : introduction au droit criminel ;


Théorie générale de la responsabilité pénale, Paris, édition Gualino, 2003, 681
pages.

BOULOC (B), Droit pénal général, Paris, Dalloz, 19 éd., 2004, 702 pages.

DESPORTES (F.) et LE GUNEHEC (F.),Droit pénal général, Paris, 10e


édition, Economica, 2003, 1055 pages.

LARGUIER (J.), Droit pénal général, Paris, Dalloz, 18e édition, 2001, 314
pages.

MERLE (R.) et VITU (A.), Traite de droit criminel, problèmes généraux de la


science criminelle Droit pénal général, Paris, CUJAS, 4e édition, 1989, 1008
pages

MERLE (R.) et VITU (A.), Traité de droit criminel, Tome 1 : Problèmes de la


science criminelle, Droit pénal général, Paris, Cujas, 7ème édition, 1997, 1072
pages

1
MINKOA SHE (A.), Droits de l’homme et droit pénal au Cameroun, Paris,
édition Economica, collection « La vie du droit en Afrique », 1999, 321 pages.

MONEBOULOU MINKADA (H. M.), Système pénitentiaire et criminalité au


Cameroun, These de doctorat, Université de Yaoundé II, 2011, 568 pages.

NDOKO (N.C.), La culpabilité en droit pénal camerounais, LGDJ, Paris, 1985,


209 pages.

PRADEL (J.), Droit pénal général, Paris, CUJAS, 10e édition, 1995, 911 pages.

PRADEL (J.), Droit pénal général, Paris, 18e édition, Cujas, 2010, 726 pages.

ANOUKAHA (Fr.), (dir.), Les grandes décisions de la jurisprudence pénale


camerounaise, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, URDA, Dschang –
Cameroun, 2018, 947 pages.

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PLAN DU COURS

INTRODUCTION

CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES SOURCES DU DROIT PENAL

SECTION I : LA SOURCE CLASSIQUE : LA LOI

SECTION II LES AUTRES SOURCES CONTEMPORAINES

PREMIERE PARTIE : L’OBJET DU DROIT PENAL

CHAPITRE 1: LE CONTENU DE LA LOI PENALE : LES


INFRACTIONS

SECTION 1: LES TYPES D’INFRACTIONS

SECTION 2 : LES INFRACTIONS DE DROIT SPECIAL

CHAPITRE 2 : LE DEPLOIMENT DE LA LOI PENALE

SECTION 1 : LA QUALIFICATION DES FAITS

SECTION 2 : L’APPLICATION DE LA LOI PENALE

SECONDE PARTIE : LE SUJET DU DROIT PENAL

CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE PENALE

SECTION 1 : LE FAIT GENERATEUR DE LA RESPONSABILITE PENALE

SECTION 2 : LA PERSONNE PENALEMENT RESPONSABLE

SECTION 3 : L’ALTERATION DE LA RESPONSABILITE PENALE

CHAPITRE 2 : LA SANCTION PENALE

SECTION 1 : L’ESSENTIEL DE LA SANCTION PENALE

SECTION 2 : LA SANCTION PENALE DETERMINEE

SECTION 3 : LA SANCTION PENALE APPLIQUEE

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INTRODUCTION

Le droit objectif est l’ensemble des règles qui régissent la vie en société et dont le
non-respect est assorti d’une sanction. Celle-ci peut être civile, administrative et
pénale. La branche du droit, qui étudie les règles permettant d’aboutir à la sanction
pénale, s’appelle « le droit pénal ».

–DEFINITION DU DROIT PENAL :

Le droit pénal a souvent pour synonyme le droit criminel. L’expression « droit


criminel » est susceptible d’une compréhension erronée. En effet, elle donne
l’impression d’analyser seulement les crimes, à l’exclusion des délits et des
contraventions. Le droit pénal, quant à lui, subit aussi le reproche à première vue
de mettre plus l’accent sur la peine. Mais, au-delà de ces écarts à première vue,
les deux expressions doivent être comprises comme synonymes et renvoyées à
une même définition à seconde vue. De la sorte, le droit pénal désigne en
compréhension, la branche du droit objectif, qui organise la répression par l’Etat
des atteintes aux valeurs sociales protégées au moyen de la loi pénale. Et en
extension, le droit pénal renvoie à la branche normative des sciences criminelles,
qui étude les composantes de l’infraction, le régime de la responsabilité pénale et
les sanctions applicables.

LA DISTINCTION DU DROIT PENAL DES DISCIPLINES VOISINES

-le droit pénal général et la procédure pénale :le droit pénal général étudie la
loi pénale dans ses composantes (infractions, responsabilité et sanction). Par
contre, la procédure pénale est une discipline, qui met en œuvre ou en application
la loi pénale.

-le droit pénal général et le droit pénitentiaire : le droit pénal général étudie la
loi pénale dans ses composantes ; alors que le droit pénitentiaire ou pénologie
s’intéresse à l’exécution de la sanction pénale.

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-le droit pénal général et le droit pénal international : le droit pénal général est
une discipline qui étudie la loi pénale en vigueur dans un Etat. Son approche de
l’infraction est révélatrice des valeurs protégées de cet Etat. Il est aussi sur la
distinction : crime, délit et contravention. A l’inverse, le droit pénal international
ou droit international pénal est une discipline qui étudie la loi pénale intéressant
plusieurs Etats. C’est pourquoi les sources de ce droit sont internationales. La
valeur protégée est l’humanité comme un bien juridique transnational.
L’infraction, ici, prend le nom de crime contre l’humanité. Il n’existe de
distinction crime, délit et contravention.

-le droit pénal général et la criminologie : le droit pénal général est une
discipline normative ; tandis que la criminologie est une discipline empirique. Elle
étudie les causes de la criminalité, le processus de passage à l’acte et les moyens
de lutte contre le phénomène criminel.

-le droit pénal général et la politique criminelle : le droit pénal général est une
discipline normative. Et la politique criminelle est une discipline théorique. Elle
analyse les procédés juridiques et sociaux par lesquels le corps social répond au
phénomène criminel.

–NAISSANCE DU DROIT PENAL

Le droit pénal naît de la réaction « vindicative spontanée ». Elle signifie que


celui qui subit une souffrance veut la rendre à son auteur. C’est le stade de la
« vengeance privée ». Elle prenait la forme d’une vengeance du groupe contre
l’auteur de l’infraction, et parfois ses proches. Ensuite, le régime des compositions
a permis de proportionner cette vengeance. L’auteur de l’infraction devait verser
un prix à la victime. On a parlé de « la justice privée ». Avec l’avènement de
l’Etat, le droit de punir est devenu le monopole de cette personne morale. C’est
« la justice publique ». En ce sens, Max Weber a pu affirmer que : « l’Etat
dispose du monopole de la contrainte légitime ».

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L’existence du droit pénal au sein de l’Etat ne relève pas de l’évidence. Il
s’observe en doctrine une controverse sur la question suivante :

–HISTOIRE DE LA DOCTRINE PENALE

Faut-il avoir ou pas un droit pénal ? Cette question a opposé les partisans de
l’inutilité à ceux de la nécessité d’un droit pénal. Cette controverse se résume
dans les écoles de pensée structurées en deux mouvements :

1) Le mouvement de la sévérité

–l’Ancien régime : En France, le Roi avait tous les pouvoirs : édicter la loi, la
dire et l’exécuter. Les sanctions étaient particulièrement sévères : le carcan, le
buchet, la roue, le pilori, la guillotine, l’écartèlement…le droit pénal de l’ancien
régime a opposé l’école de la justice absolue et les classiques.

–l’Ecole de la justice Absolue : est soutenue par Emmanuel Kant, auteur de


Critique de la raison pure (1788) et Critique de la raison pratique (1788), ainsi
que J. de Maistre, in Soirées de Saint Pétersbourg (1821).Pour ce courant, la
peine doit être exécutée, même si elle est dépourvue d’utilité sociale, mais
justifiée par un impératif catégorique de défense de la morale. L’illustration est
l’apologie de l’île abandonnée.

–l’Ecole classique : c’est en réaction de l’arbitraire royal et la sévérité de la


sanction pénale, qu’est né le courant classique. Ces promoteurs sont
Montesquieu et Beccaria. Pour Montesquieu, in La séparation des pouvoirs
(1748), tout homme qui a du pouvoir est tenté d’en abusé. Il faudrait que par
la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Le Roi ne doit pas
concentrer tous les pouvoirs. De la sorte, l’élaboration de la loi doit être confiée
à un autre pouvoir. Et Beccaria, dans son Traité des délits et des peines, pose la
nécessité d’une loi qui fixe les peines nécessaires. Il faut éviter les peines
inutiles. C’est le principe de la nécessité en droit pénal.

–l’Ecole néoclassique première tendance :


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Elle est incarnée par les penseurs comme A. de Tocqueville (Note sur le système
pénitentiaire, 1831) et G. de Beaumont (Système pénitentiaire aux Etats-Unis,
1833). L’Ecole néoclassique première tendance est assise sur l’idée de sévérité.
Ces promoteurs ne croient pas à l’amendement ou la resocialisation. Ils
estiment que la prison doit avant tout protéger la société contre les criminels.

Le mouvement de la sévérité a évolué d’un droit pénal barbare à un droit pénal


utile. Mais dans les deux cas, la sévérité comme rétribution est toujours le
moteur du droit pénal. Le second mouvement opte pour la modération.

2) Le mouvement de la modération

Il est représenté par les écoles suivantes :

–l’Ecole néoclassique : ces promoteurs sont Guizot, Ortolan et Rossi. Pour cette
école, la peine doit être juste, c’est-à-dire qu’elle ne saurait être lourde et surtout
qu’elle doit être individualisée. La peine doit être utile parce qu’elle remplit
aussi une fonction perfectionnelle. Bonneville de Marsanguy et Ch. Lucas font
de la prison un cadre d’amendement et repentir. C’est l’école pénitentiaire.

–les positivistes : Ce courant rejette le libre arbitre et admet que l’homme est
déterminé. Le déterminisme peut être anthropologique (Lombroso) ou
sociologique (Lacassagne et Tarde). On doit aux positivistes, les mesures de
sûreté pour protéger la société contre l’état dangereux que présentent certains
délinquants. Le courant positiviste est modéré, parce qu’il admet des mesures
réparatrices (annulation des effets de l’acte criminel, réparation des dommages
causés par l’infraction), éliminatrices (mise à mort, internement temporaire ou
perpétuel) et répressives (emprisonnement, amende). Et le choix est fonction de
la classification des criminels : très dangereux (criminels-nés, aliénés et
délinquants d’habitude, qu’on peut éliminer) et peu dangereux (criminel
d’occasion et passionnels).

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–la défense sociale : ce courant a été initié par Gramatica en 1934. Il proposa la
suppression du droit pénal pour lui substituer les « mesures de défense sociale »
ante factum et post factum. Elles doivent s’exécuter partout sauf en prison. Ce
courant comporte deux variantes. La première est classique. C’est la défense
sociale premier souffle. Elle est défendue par Adolf Prince. Pour lui, la défense
de la société passe par l’élimination du délinquant. La seconde tendance renvoie
à la défense sociale second souffle. Elle est soutenue par Marc Ancel. Pour cet
auteur, la défense de la société passe par celle des délinquants ; qui doivent être
resocialisés.

L’histoire de la doctrine pénale permet de comprendre les objectifs poursuivis


par chaque mesure prévue par la loi pénale. En plus, la loi pénale en vigueur
au Cameroun demeure influencée par les lois occidentales.

–HISTOIRE DU DROIT PENAL CAMEROUNAIS :

A côté de cette évolution doctrinale, le droit pénal au Cameroun a connu une


trajectoire historique.

Avant l’arrivée des Blancs, il a existé un droit pénal coutumier. L’individu


qui posait des actes contraires à l’ordre social s’exposait à des sanctions. Il
s’agissait : de l’exclusion ou bannissement, des châtiments, de l’enfermement à la
chefferie ou au sultanat et même de l’élimination. Toutefois, les finalités
poursuivis variaient avec le type de société. Dans les sociétés monocéphales, le
droit pénal participait au respect de l’autorité établie (chef, sultan, lamido, etc). Et
dans les sociétés acéphales, le droit pénal visait la libération de l’infracteur du
démon qui le pousse à commettre les infractions.

Avec l’arrivée des Allemands, il s’applique au Cameroun : le code criminel


allemand pour les zones côtières d’une part et le reste du pays appliquait le
droit pénal coutumier. (Le Code criminel allemand comportait les infractions
suivantes : outrage à l’Empereur, l’injure contre Dieu, la vente des esclaves ; les

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infractions à la discipline, relatives à l’exécution d’une tâche acceptée : abandon
de tâche, non accomplissement du partage, désobéissance, opposition, abandon
non justifié d’un travail…). Avec l’arrivée des anglais et français, la loi pénale
a changé. La principale innovation est la disparition du droit pénal
coutumier officiellement. Cependant, il survit officieusement. La partie du
Cameroun sous le règne britannique appliquait : les lois ou ordonnances en
vigueur au Nigeria et les coutumes locales avec l’Indirect Rule ; et la France
appliquait son code pénal de 1810. Le Cameroun accède à l’indépendance en
1960. Des 1961, une loi du 04 avril 1961 est adoptée portant tribunal criminel
spécial. Mais le code pénal applicable sur toute l’étendue du territoire date
des Lois n° 65/LF/24 du 12 Nov.1965 et 67/LF/1 du 12 juin 1967 portant
institution d’un code pénal. Ce dernier a été appliqué jusqu’en 2016. A cette
date, la Loi N°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal a été adoptée.
Il faut y ajouter les lois spéciales comme : la loi du 23 décembre 2014 portant
répression des actes terroristes, et la loi du 12 juillet 2017 portant code de justice
militaire.
Le droit pénal se fonde sur un principe essentiel : le principe de nécessité. Il
signifie que dans une société, où se commettent les actes contraires à l’ordre
établi, il faut une norme pénale. Le principe de la légalité criminelle est sa
traduction dans les sociétés démocratiques. Ce dernier pose la question des
sources du droit pénal.

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CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES SOURCES DU DROIT PENAL

L’expression « source » a plusieurs sens. Il peut s’agir de l’origine au sens de


sources réelles ou materielles d’une part ; il peut aussi être question du support au
sens de sources formelles. Les sources du droit pénal renvoient à l’origine ou la
provenance du droit pénal. C’est la réponse à la question : d’où provient le droit
pénal ? Les sources du droit pénal correspondent aussi aux supports où l’on trouve
le droit pénal. C’est la réponse à la question : où trouve-t-on le droit pénal ? Dans
cet enseignement, les sources du droit pénal prendront en compte les deux aspects,
à travers la question : qui élabore le droit pénal ? Le droit pénal est élaboré par le
législateur. On dit que la source classique du droit pénal est la loi (section 1).
Toutefois, il existe les sources du droit pénal en dehors de la loi (section 2).

SECTION I : LA SOURCE CLASSIQUE : LA LOI

Montesquieu en théorisant la séparation des pouvoirs (Esprit des lois), a


distingué le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. Et le pouvoir d’élaborer la loi
pénale doit revenir au pouvoir législatif. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre
la consistance (para 1) et les corollaires (para 2) de la légalité criminelle.

PARA 1 : LA CONSISTANCE DE LA LEGALITE CRIMINELLE

Par consistance de la légalité criminelle, il faut entendre le contenu de ce principe.


Il s’agit d’un principe fondamental du Droit. L’analyse s’appesantira sur sa
signification (A), justification (B) et consécration (C).

A : la signification

La légalité criminelle a pour équivalent le principe de la légalité en droit pénal. Il


se décline en droit latin sous l’adage : « nullum crimen nulla poena sine lege ».
Il signifie « pas de crime pas de peine sans loi ». En d’autres termes, les crimes
ainsi que les sanctions qui les accompagnent doivent être prévues par la loi pénale.
Il convient d’étendre la compréhension de ce principe pour admettre en plus des
crimes, les délits et les contraventions. Pour Montesquieu (l’Esprit des lois),
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c’est le pouvoir législatif séparé du Roi, qui doit prévoir les infractions. Il est
soutenu en ce sens par Cesare de Bonesana Beccaria, (Traité des délits et des
peines).

Cependant, il convient de compléter la signification avec l’autre partie de la


légalité criminelle. C’est le « nullum judicium sine lege » ; qui signifie que la
juridiction compétente doit aussi être prévue par la loi. On peut y voir une
organisation par le pouvoir législatif de toute la procédure pénale.

B : les justifications

Les justifications théoriques recoupent trois types d’arguments : les arguments


historiques (1), politiques (2) et criminologique (3).

1–Les arguments historiques

Dans l’ancien régime, le roi détenait tous les pouvoirs. Il pouvait créer l’infraction
devant le justiciable, lorsque celle-ci n’était pas prévue. A la Révolution française,
le juge (Roi) se voit interdit, d’une façon générale, le pouvoir d’élaborer et
d’interpréter la loi.

2–Les arguments politiques

La légalité criminelle est le fruit d’un combat politique ou de pouvoir. Le pouvoir


d’élaborer la loi pénale n’appartient plus au Roi, il revient désormais au législateur
parlementaire. De la dictature du Roi, la légalité criminelle illustre l’avènement
de la démocratie, avec la volonté du peuple qui fait la loi pénale.

3–Les arguments de sécurité juridique

La règle de droit garantit la sécurité juridique si elle est accessible, prévisible et


stable. Le principe de légalité criminelle recherche ces visages de la sécurité
juridique. Il devient un gage de liberté et donc de lutte contre l’arbitraire.

C : la consécration

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Les bases juridiques du principe sont nationales et supranationales.

1–La base nationale

S’agissant des bases juridiques nationales ou des fondements normatifs internes,


la règle nullum crimen, nulla poena figure à l’article 17 du Code pénal, « Les
peines et les mesures de sûreté sont fixées par la loi et ne sont prononcées qu’à
raison des infractions légalement prévues ».

Bien que le principe soit clairement énoncé aux termes de cet article, il
convient de relever que le code pénal camerounais n’exprime pas exhaustivement
le principe de légalité. En effet, la loi n’est pas la seule source où se trouve la loi
pénale. Elle se trouve aussi dans les règlements, à l’instar des contraventions.

2–Les bases supranationales

L’article 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (ONU)


dispose que : « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé » et
surtout l’article 11.2 qui retient que : « Nul ne sera condamné pour des actions
ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas
un acte délictueux d’après le droit national ou international. De même, il ne
sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment
où l’acte délictueux a été commis ».

De son côté, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples retient
à son article 7 al. 2, « Nul ne peut être condamné pour une action ou une
omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction
légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n'a pas été
prévue au moment où l'infraction a été commise ».

Une règle quasiment identique a été prévue à l’article 15 du Pacte international


relatif aux droits civils et politiques signé à New York le 19 Décembre 1966.

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PARA 2 : LES COROLLAIRES DE LA LEGALITE CRIMINELLE

L’attribution au législateur de la compétence pour élaborer la loi pénale revêt des


applications (A) et des principes dérivés (B).

A : LES APPLICATIONS

La légalité criminelle peut être appliquée au législateur et au juge.

1– la légalité criminelle appliquée au législateur

Le législateur est tenu à un triple devoir. Il doit d’abord rédiger des textes
précis, ensuite exclure toute disposition rétroactive, enfin réduire au maximum
les délégations en faveur de l’exécutif.
S’agissant des sanctions, le législateur est tenu de les fixer de manière précise
dans le texte d’incrimination. Toutefois, le principe de légalité est sauvegardé,
même si le législateur renvoie à un autre texte. Il est question de
l’incrimination par la technique du renvoi. L’illustration est donnée par le
droit pénal des affaires OHADA.

Il existe des limites à ce principe au regard du législateur. Il arrive d’abord


que la loi pénale n’émane pas du législateur, mais du pouvoir exécutif. Ce
dernier crée des incriminations et des sanctions. C’est le cas avec les
contraventions en droit camerounais, créées par voie règlementaire. Ensuite
le juge exerce parfois une compétence législative. En effet, lorsque le législateur
rédige certains textes de manière ouverte (incrimination ouverte), il donne la
liberté au juge de compléter et de légiférer. C’est l’hypothèse avec la corruption
de la jeunesse, attentat à la pudeur. Enfin, la loi pénale n’est pas toujours
l’œuvre du législateur national. Elle peut émaner du législateur international, à
l’instar du législateur OHADA, du législateur de la CPI.

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2–la légalité criminelle appliquée au juge

Le juge doit appliquer la loi de manière non rétroactive. Le principe de


légalité l’oblige aussi à qualifier. Il est question pour le juge d’établir une
correspondance entre un fait et un texte contenu dans la loi pénale. Le juge
ne doit pas créer les infractions. Si le fait n’est susceptible d’aucune
qualification pénale, il ne peut donner lieu ni à poursuite ni évidemment à
condamnation. Le suicide n’est pas réprimer en droit camerounais faute de
texte. Le principe oblige encore le juge à appliquer la loi de manière stricte et
notamment à ne pas raisonner par analogie. Le juge ne peut se fonder sur les
usages ou la coutume pour créer une incrimination.

Pour ce qui de la sanction pénale, le juge ne peut inventer une peine. Il


ne peut recourir qu’aux mesures et modalités expressément prévues par la
loi. C’est pourquoi l’article 17 du code pénal dispose : « Les peines et les mesures
sont fixées par la loi… ».

Toutefois, le juge peut contourner la sanction pénale prévue par le


législateur. Les mécanismes, à cet effet, sont la correctionnalisation ou la
contraventionnalisation. Par la correctionnalisation, un fait qualifié en principe
de crime est finalement considéré comme un délit. Et par la
contraventionnalisation, un fait qualifié en principe de délit est traité comme une
contravention. Ces mécanismes sont assujettis au consentement des parties au
procès pour être valides. Il faut une volonté tripartite pour obtenir un effet
contraire à la qualification légale : le juge, l’auteur de l’infraction et la victime.

B : LES PRINCIPES DERIVES DE LA LEGALITE CRIMINELLE

Le principe de la légalité criminelle est au centre de la construction du droit pénal


dans les Etats démocratiques. A partir de son admission dans le droit pénal, il
découle d’autres principes qui en sont la conséquence. Leur étude s’effectuera au
fur et à mesure. A titre indicatif, sont visés :

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–le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale : (voir infra)
–le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale

Le principe de la légalité criminelle valide une interprétation stricte de la loi


pénale. Cela signifie que le juge doit se conformer à ce que dit la loi pénale. Il ne
doit pas aller au-delà en s’appuyant sur la démarche téléologique ou analogique.

Toutefois, le droit positif camerounais a rendu possible l’interprétation


téléologique et analogique.

S’agissant de l’interprétation téléologique (en fonction de la finalité), la rédaction


des infractions de manière vague a permis au juge de remplir les cadres imprécis.
Le juge doit rechercher l’esprit de la loi pour donner un contenu à ces infractions.
Les illustrations en sont : outrage public à la pudeur (article 263 CP), outrage
public aux mœurs (article 264 CP).

Concernant l’interprétation par analogie (par ressemblance), elle est en principe


exclue. Cependant, en imitant les excuses définies par le législateur, la
jurisprudence camerounaise a inventé l’excuse de colère (Trib. Corr. De
Yaoundé, jugement n° 122 du 17 octobre 1968).

–le principe d’égalité des délinquants (voir la procédure pénale)

SECTION II LES AUTRES SOURCES CONTEMPORAINES

La loi pénale ne se trouve pas seulement dans la loi édictée par le pouvoir
législatif. Il existe d'autres sources, où se trouve inscrit la loi pénale. Elles peuvent
être écrites (para 1) ou non écrites (para 2).

PARA I : LES SOURCES ECRITES

A– les sources nationales

Au sein d’un Etat, les autorités édictant la loi pénale ne sont pas toujours les
représentants du pouvoir législatif stricto sensu. Au Cameroun, il s’observe une
extension à d’autres autorités. Dans ce sens, le Président de la république élabore
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les contraventions par décret. Il peut aussi prendre des ordonnances (ordonnance
du 12 mars 1962 portant répression de la subversion).

B–les textes internationaux

La loi pénale peut aussi être élaborée par une instance autre que le législateur
national. C’est dans ce cadre qu’il convient d’inscrire la loi pénale
conventionnelle. Elle englobe : la Convention de Merida sur la lutte contre la
corruption (art 134 bis CP), la Convention portant répression de la torture (132
bis CP), les incriminations de l’article 5 du Traité OHADA (droit pénal des
affaires) complétées au Cameroun par la loi de 2003.

PARA II : LES SOURCES NON ECRITES

A–les principes généraux de droit

Un principe général de droit est une exigence supérieure considérée comme


préexistante à la norme juridique. Il inspire la règle positive, la complète, voire la
combat si elle est injuste. C’est une illustration de la réception du droit naturel
dans le droit positif. Le PGD a une valeur inférieure aux principes fondamentaux
ou constitutionnels et même à la loi. En droit pénal, ces principes sont : la
présomption de bonne foi, la dispense pour l’auteur de dénoncer le crime,
l’irresponsabilité fondée sur l’erreur de droit…

B–la coutume

La coutume désigne une pratique accompagnée de la conviction des usagers d’être


en présence d’une règle de droit. Elle comporte deux éléments : les pratiques
répétées et l’opinio juris sive necessitatis (le sentiment d’être en présence d’une
regle de droit). On distingue :

–la coutume secundum legem : elle sert à interpréter les textes. Si le législateur
ne définit pas l’agression sexuelle ou la pudeur, le juge va se référer à la pratique

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effective, pour apprécier le viol (art 296 CP) ou les bonnes mœurs (art 263, 264
et 295 CP).

–la coutume contra legem est exclue. En effet, une coutume contraire à la loi ne
saurait être une source du droit pénal. C’est ainsi que la coutume de l’excision ne
saurait être une source du droit pénal au Cameroun.

–la coutume praeter legem désigne une pratique valide à raison du vide de la loi.
En droit pénal, la coutume praeter legem est une source négative ; parce qu’elle
exclut la répression. C’est grâce à la coutume que les parents peuvent justifier les
violences légères en vue d’éduquer leurs enfants.

L’étude du droit pénal général, de manière classique, se fait en analysant les


infractions, le régime de la responsabilité pénale et les sanctions applicables. Ces
trois articulations peuvent se regrouper en deux : l’objet du droit pénal (première
partie) d’une part et le sujet du droit pénal (seconde partie) d’autre part.

PREMIERE PARTIE : L’OBJET DU DROIT PENAL

L’objet du droit pénal est la loi pénale. Celle-ci a un contenu (chap. 1) et se déploie
(chap. 2) suivant certaines règles.

CHAPITRE 1: LE CONTENU DE LA LOI PENALE : LES


INFRACTIONS

La loi pénale contient des permissions et des interdictions. Le terme technique


traduisant celle-ci est l’infraction. Elle désigne une action ou une omission
prévue et réprimée par la loi pénale et n’étant pas couvert par une justification.
L’infraction renvoie aussi à la faute pénale. Elle se distingue de la faute civile. Si
la faute civile est « tout fait quelconque.. » de l’article 1382 cciv, l’infraction est
un fait décrit de manière précise dans un texte. Il n’y a donc pas d’infraction
sans texte. En conséquence, les infractions sont en nombre limité, alors que les

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fautes civiles sont illimitées. Une approche possible des infractions peut
s’intéresser à leur classification (section 1) et les infractions de droit spécial
(section 2).

SECTION 1 : LA CLASSIFICATION DES INFRACTIONS

Les infractions font l’objet d’une classification sur la base de l’article 21 CP. Il
s’agit de la division tripartite (para 1). Cette division tripartite est atténuée (para
2).

Para1 : La division tripartite des infractions

La division tripartite a un contenu (A) et présente un intérêt (B).

A– Le contenu de la division

Les infractions se divisent en crime, délit et contravention. C’est la substance de


l’article 21 du CP. Il dispose : « (1) les infractions sont classées en crimes, délits
et contraventions selon les peines principales qui les sanctionnent : a) Sont
qualifiés crimes les infractions punies de la peines de mort ou d’une peine
privative de liberté dont le maximum est supérieur à dix ans ; b) Sont qualifiées
délits les infractions punies d’une peine privative de liberté ou d’une amende
lorsque la peine privative de liberté encourue est supérieure à dix jours et
n’excède pas dix ans ou que le maximum de l’amende est supérieur à 25000
francs. C) sont qualifiées de contraventions les infractions punies d’un
emprisonnement qui ne peut excéder dix jours ou d’une amende qui ne peut
excéder 25 000 francs».

Il ressort de ce qui précède qu’à partir de la gravité de la sanction, il existe les


types d’infractions suivantes : crimes, délits et contraventions. Il y a crime si la
sanction de l’infraction est la peine de mort, ou une privation de liberté supérieure
à 10 ans. Le délitse reconnait par une sanction privative de liberté de 10 jours à
10 ans ou une amende supérieure à 25 000 francs. Et la contravention est établie

18
si la privation de liberté est inférieure à 10 jours ou une amende inférieure à 25000
francs.

La nature de l’infraction n’est pas modifiée par la survenance d’un cas


d’aggravation (art.88 et 89 CP) ou d’une excuse ou d’une circonstance atténuante.
De la sorte, un délit commis par un récidiviste ou un fonctionnaire reste un délit.

B– L’intérêt de la division

La division tripartite des infractions intéresse le régime de l’infraction, celui de la


répression, ainsi que la procédure pénale.

S’agissant du régime de l’infraction, la tentative est toujours punissable en


présence d’un crime ou d’un délit. Elle ne l’est pas en cas de contravention (art.
94 CP). La complicité est punissable en cas de crime ou de délit. Elle n’est pas
punissable en matière de contravention (art. 97 CP). Concernant l’élément moral,
tous les crimes sont intentionnels, alors que le délit peut être ou non intentionnel.
Et la contravention est consommée sans qu’on ne recherche l’élément intentionnel
(art. 74 (4) CP).

Pour ce qui est du régime de la sanction, on ne cumule pas les peines en présence
d’un crime et d’un délit. Pourtant les peines contraventionnelles se cumulent (art.
51. CP). L’intervalle pour établir la récidive est de 05 ans après exécution de la
peine prononcée ou sa prescription pour les crimes et délits. Cet intervalle est de
12 mois en matière contraventionnelle (art. 88 CP). Le délai de prescription de
la peine est de 20 ans pour les crimes, 05 ans pour les délits et 02 ans pour les
contraventions (art. 67 CP).

En procédure pénale, les crimes et les délits connexes ressortent de la


compétence du TGI. Les délits et les contraventions sont du ressort du TPI.
Concernant la prescription de l’action publique, elle est de 10 ans pour les
crimes, 03 pour les délits et 02 ans pour les contraventions (art. 65 CPP).

Para 2 : L’atténuation de la division tripartite des infractions


19
La division tripartite des infractions n’est pas absolue. En effet, la qualification
judiciaire d’une infraction peut évoluer d’abord, ensuite des infractions hybrides
sont possibles et enfin, certaines infractions échappent à la division tripartite.

A–l’évolution de la qualification des infractions

La qualification est une opération par laquelle le législateur donne un nom


juridique à quelque chose. Et la qualification judiciaire désigne le fait pour le juge
d’établir une correspondance entre les faits à lui présentés et les prévisions de la
loi. La victime de l’infraction peut aussi essayer une qualification. La qualification
légale ne change pas. Mais une évolution peut être observée entre la qualification
privée (de la victime) et la qualification judiciaire. Entre la plainte d’une victime
et la qualification du juge, un fait peut être qualifié de vol, abus de confiance ou
escroquerie conformément à l’article 318 du code pénal.

B–les infractions hybrides

Une infraction hybride est celle qui ne saurait être contenue dans un seul type ;
parce qu’elle comporte les éléments d’autres types. Il en ainsi des
« contraventions-délits » et « délits-crimes ». Les contraventions-délits sont les
contraventions dont le régime répressif est proche des peines correctionnelles. Et
les délits-crimes sont les délits dont le régime répressif est proche des peines
criminelles. Ces hypothèses sont possibles en cas de circonstances atténuantes ou
aggravantes. Même si la nature de l’infraction ne change pas, le régime de la
répression rend possible ces infractions hybrides.

C–les infractions échappant à la division tripartite

Echappent à la classification tripartite, les contraventions de grande voirie et les


infractions douanières.

Les contraventions de grande voirie consistent en des atteintes portées au


domaine public et relèvent de la compétence des tribunaux administratifs. Elles
sont punies d’une amende supérieure au taux de l’amende prévue pour les
20
contraventions. Leur fixation relève de la compétence exclusive du législateur. La
contravention de grande voirie se rapproche du délit.

Les infractions fiscales et les infractions douanières échappent aux infractions


de droit commun. Les infractions fiscales admettent les sanctions pénales et
fiscales. Les infractions douanières ne connaissent que les délits et contraventions.
Il n’y a pas de crime en la matière.

SECTION 2 : LES INFRACTIONS SPECIALES

Les infractions spéciales sont d’une double nature. La première rubrique renvoie
aux infractions spéciales par nature (para 1). La seconde rubrique comporte les
infractions de droit commun soumis à un régime spécial (para 2).

Para 1 : les infractions spéciales par nature

Les infractions spéciales par nature sont celles qui échappent au droit commun et
nécessitent l’application d’un régime juridique particulier. Sont concernées les
infractions politiques et les infractions militaires.

A–les infractions politiques

La détermination de la nature politique d’une infraction commande de mobiliser


deux critères. Selon le critère objectif, ce qui compte c’est la conséquence de
l’infraction. Ainsi une infraction est politique, lorsqu’elle porte atteinte à
l’existence, l’organisation ou le fonctionnement de l’Etat. On peut illustrer avec
les délits électoraux, les atteintes à la sureté de l’Etat. Selon le critère subjectif, ce
qui compte c’est le mobile qui motive l’auteur. Est par exemple politique,
l’assassinat d’un Chef d’Etat. La sanction des infractions politiques est la
détention. Cependant, avec le nouveau code pénal, la détention de l’ancien article
26 du code penal a disparu. Ce qui permet d’affirmer que les infractions politiques
n’existent plus au Cameroun.

B–les infractions militaires

21
Une infraction est subjectivement militaire parce qu’elle est commise par un
militaire. C’est le cas des infractions de droit commun commises par un militaire.
Et une infraction est objectivement militaire en cas de violation du code de justice
militaire. C’est l’hypothèse de la désertion, du refus d’obéissance, de l’abandon
de poste…

Para 2 : les infractions de droit commun soumise à un régime juridique


spécial

A–les crimes contre l’humanité

Les crimes contre l’humanité sont définis par l’article 5 du statut de la Cour Pénale
Internationale. Ce sont les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la
communauté internationale. Ces crimes sont déterminés comme étant le génocide,
le crime contre l’humanité, le crime d’agression et les crimes de guerre. Leur
étude est approfondie dans le cadre du droit pénal international.

B–les actes de terrorisme

Les actes terroristes sont des actes criminels commis intentionnellement par une
personne physique dans le cadre d’une entreprise individuelle ou collective
destinée à troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. La
particularité des actes terroristes résident dans le contexte et la finalité. Le
contexte est la terreur ; et la finalité est une revendication de nature politique. Le
législateur camerounais a légiféré sur la question en prenant la loi N° 2014/028
du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terroristes.

C–les infractions de nature sexuelle

Ce sont des crimes et délits à connotation sexuelle. La particularité de ces


infractions est que leur auteur souffre d’un trouble de la personnalité, qui est un
facteur de récidive. Et les victimes s’auto-culpabilisent, ce qui les empêche de
révéler les faits. Les auteurs de ces infractions font l’objet d’une expertise

22
médicale, en vue de déterminer le suivi socio-judiciaire. Quant aux victimes, une
expertise médico-psychologique permet d’évaluer leur préjudice.
La répression de ces infractions a pour but de limiter les risques de récidive d’une
part et d’améliorer le sort des victimes d’autre part. Comme exemple d’infractions
de nature sexuelle, on a : outrage public à la pudeur (art. 263CP), le viol (art. 296
CP).

D–les infractions fiscales et douanières

Ce sont des infractions qui portent atteinte aux intérêts financiers de l’Etat. Le
souci de récupérer les fonds distraits confère à l’administration des pouvoirs
particuliers.

S’agissant des infractions fiscales, elles sont prévues par le code pénal (art. 183
CP–Le refus de l’impôt) et le code général des impôts. C’est pourquoi leur
répression comporte des sanctions pénales et fiscales. En plus des OPJ classiques,
les agents de l’administration fiscale constituent les officiers de police spéciaux.
Ils constatent les infractions et leur procès-verbaux font foi jusqu’à preuve du
contraire. Ils peuvent aussi éteindre l’action publique par la transaction.

Concernant les infractions douanières, elles renvoient aux violations du code


douanier. Il n’y a pas de crime en la matière. Et les délits et contraventions ne
correspondent pas à la définition des délits et contravention de droit commun. La
privation de liberté est diminuée et les amendes élevées en cas de délit douanier.
Le cumul des peines est permis.

En substance, l’étude du contenu de la loi pénale vise les infractions en général.


Une distinction est possible entre l’approche commune et spéciale des infractions.
Cette distinction participe de la variété du contenu de la loi pénale, dont le
déploiement nécessite une articulation autonome.

23
CHAPITRE 2 : LE DEPLOIMENT DE LA LOI PENALE

Dès lors qu’une infraction est commise, et que les autorités compétentes sont
saisies, il faut appliquer la loi pénale. On parle du déploiement de la loi pénale.
Pour ce faire, il faut au préalable effectuer certaines opérations. Elles consistent
en la qualification des faits (section 1) d’une part et l’étude des contours de
l’application de la loi pénale (section 2) d’autre part.

SECTION 1 :LA QUALIFICATION DES FAITS

La qualification des faits intervient après la qualification légale. Qualifier les faits
consiste à les rattacher à une prévision du législateur. Il est question d’attribuer
au fait un nom ou une étiquette prévue par la loi. L’intérêt de cette opération est
de déterminer le régime juridique applicable. Les faits peuvent être qualifiés soit
par les parties (demandeur et défendeur) au procès pénal, soit par le juge.

Lorsque plusieurs qualifications sont en conflit, il faut effectuer un choix (section


1) et au cours de l’instance pénale, la qualification peut évoluer (section 2).

Para 1 : le choix de la qualification

Une action délictueuse peut susciter l’application de plusieurs textes. Il convient


de distinguer les qualifications exclusives (A) du concours idéal de qualifications
(B).

A–les qualifications exclusives

Deux qualifications peuvent s’exclurent l’une de l’autre, soit parce qu’elles sont
incompatibles, soit parce qu’elles sont redondantes.

1–les qualifications incompatibles

a) incompatibilité avec alternative

Deux qualifications peuvent être incompatibles, parce qu’il existe entre elles une
opposition essentielle. En conséquence, les qualifications sont « alternatives ».

24
Le choix de l’une entraine l’abandon de l’autre. Par exemple en cas
d’homicide, il existe une opposition essentielle entre la qualification de meurtre
(art 275 CP) et celle d’homicide involontaire (art. 289 CP). Le choix du meurtre
entraine l’abandon de l’homicide involontaire.

b) incompatibilité sans alternative

Il arrive que deux qualifications soient incompatibles sans être alternatives.


Dans cette hypothèse, les deux qualifications rendent possible une troisième.
En illustration, en cas de vol avec violence, il y a une incompatibilité juridique à
raison de deux qualifications, mais sans opposition. C’est pourquoi, la troisième
qualification qui réunira les deux est le vol aggravé (art. 320 CP).

c) incompatibilité logique

Dans ce cas une infraction apparait comme la conséquence logique d’une


autre. Faut-il poursuivre les deux infractions ? Il est possible de poursuivre les
deux. Mais en analysant la psychologie de l’agent, il apparait absurde ou injuste
de cumuler les deux qualifications. C’est ainsi qu’il peut absurde de poursuivre
une personne à la fois pour vol (art. 318 CP) et recel (art. 100 CP). En effet,
l’intention du voleur est de conserver la chose volée.

2–les qualifications redondantes

Une qualification est redondante lorsqu’elle recouvre les faits déjà inclus dans une
autre qualification. Ceci est dû par la multiplication des textes répressifs. La
question est : quelle est la qualification à retenir ? Les hypothèses sont les
suivantes :

a)qualification générale et spéciale

Un même fait peut tomber sous le coup d’une qualification générale et d’une
qualification spéciale. C’est la seconde qualification qui prévaut. Dans le
même sens, l’infraction aggravée s’impose devant l’infraction simple. Dans le

25
premier cas, la fraude électorale s’impose à la qualification générale de faux en
écriture publique. Dans le second cas l’assassinat (art. 276 CP) prévaut sur le
meurtre (art. 275 CP).

b) qualification large et partielle

Lorsque les mêmes faits permettent d’avoir une infraction autonome et un


élément constitutif, il convient de retenir la qualification qui saisit la totalité
des faits en cause. Par conséquent, il faut exclure la qualification partielle. De la
sorte, entre les violences (art. 280 CP) et le viol (art. 296 CP), le viol permet de
saisir la totalité des faits par rapport aux violences.

c) qualifications équivalentes

Les mêmes faits peuvent tomber sous le coup de qualifications qui ne sont
pas identiques, mais qui se rapprochent. Une qualification doit être éliminée
pour retenir une autre. C’est la question de l’abrogation du texte ancien par le
nouveau texte, qui est en fait posé. On peut illustrer avec le détournement de l’art.
184 CP et l’abus des biens et crédits de la société de l’article 891 AU SCGIE.

B–le concours de qualifications

1-la typologie des concours de qualifications

a) le concours idéal de qualifications

Il y a concours idéal de qualifications lorsqu’une même action délictueuse


tombe sous le coup d’une pluralité de qualifications. On parle de la notion de
« même fait » qui tombe sous le coup de plusieurs qualifications. En guise
d’illustration, les blessures volontaires suivies d’une omission de porter secours ;
enlèvement d’une personne suivi de séquestration. La particularité du concours
idéal est qu’une faute attente à une valeur protégée.

Cependant, il arrive aussi que le « même fait » attente à plusieurs valeurs


protégées. C’est ce qui ressort de l’Affaire Ben Haddadi, 03 mars 1960, la

26
Chambre criminelle a décidé que le fait de lancer une grenade dans un immeuble
habité constituait deux crimes parce qu’il y a atteinte de deux valeurs
protégées (les biens et la vie). Les crimes sont : destruction des biens et assassinat.
Le concours est idéal aussi par plusieurs intentions distinctes, qui animent l’auteur
d’une seule action délictueuse.

b) le concours réel de qualifications

Il y a concours réel de qualifications lorsque plusieurs agissements délictueux se


distinguent les uns des autres. On observe une pluralité de fautes et une atteinte
à plusieurs valeurs protégées. A l’opposé du « même fait », il est question de
« plusieurs faits » qui rendent possible plusieurs qualifications. C’est ce qui
ressort en cas d’ivresse publique et conduite état d’ivresse ; escroquerie et
publicité mensongère.

2–le régime du concours de qualifications

a)le principe de l’unité de qualification et de peine

Qu’on soit en présence du même fait (concours idéal) ou de plusieurs faits


(concours réel), le principe voudrait qu’on retienne une seule qualification et une
seule peine à la fin du processus. Mais la démarche du juge consiste à découvrir
toutes les qualifications possibles et chacune des infractions fait l’objet d’une
déclaration de culpabilité. Et le juge va retenir l’action délictueuse réprimée
« sous sa plus haute expression pénale ». Elle renvoie à la sanction pénale la plus
élevée. L’article 51 du code pénal dispose : « Au cas où un individu fait l’objet
d’une même poursuite pour plusieurs crimes ou délits ou contraventions
connexes, la peine la plus rigoureuse est la seule prononcée ». Par exemple, un
individu ivre qui conduit sur la voie publique. Les qualifications en concours
sont : la conduite en état d’ivresse (art. 228.3 CP) et celle d’ivresse publique (art.
R. 367.12 CP). Le juge va donc retenir et sanctionner la conduite en état d’ivresse.

27
En cas de concours entre une infraction « moyen » et une infraction « fin », le
juge doit retenir l’infraction « fin ». Par hypothèse, dans le cas du détournement
commis à l’aide de la concussion (art. 137 CP), le juge doit retenir la seule
qualification de détournement (art. 184 CP).

Le juge camerounais s’est prononcé en cas de concours idéel : Cour suprême,


Arrêt n°64-P du 13 décembre 1984, Affaire Kuate Fotso et Guemkam Jean
contre Ministère Public et Youmsi Victor, RCJS, Droit Pénal 1980-2000, p.
1178 et s. En l’espèce, la victime, Youmsi Victor, causait avec sa compatriote, et
a été surprise par un coup de klaxon et s’est mise à déambuler sur la route. Ce qui
n’a pas permis au chauffeur de l’éviter. Le prévenu Kuate Fotso a été poursuivi
pour homicide involontaire et excès de vitesse, deux infractions assorties de
peines distinctes. En s’appuyant sur l’article 51 du code pénal, Kuate Fotso a été
déclaré coupable d’homicide involontaire. Voir aussi sur la question du concours
idéal : Cour suprême du Cameroun oriental : Arrêt n° 266-P du 25 juillet 1961,
Affaire Etat du Cameroun et Ministère publique contre Nam Owona Jean-
Pierre, Ondoua Thomas et Belobo Polycarpe, B.A.C.S., n°5, p. 177.

b) l’exception : cumul de qualifications en cas de pluralité de victimes

Si un fait unique a occasionné des blessures de gravité inégale à des victimes


distinctes, le juge peut retenir plusieurs qualifications si les unes sont
contraventionnelles et les autres correctionnelles. Par exemple, après un
accident de circulation, certains passagers ont subi une incapacité de travail
inférieure à trois mois tandis que d’autres ont subi une incapacité supérieure à
trois mois. La solution s’explique par le souci de préserver le droit à réparation de
chaque victime.

Para 2 : l’évolution de la qualification

L’opération de qualification n’est pas une opération statique. Elle est effectuée à
un moment et peut faire l’objet d’une modification.

28
A– le moment de la qualification

A quel moment faut-il se placer pour effectuer l’opération de qualification ? C’est


au temps de l’action, qu’il faut se placer pour apprécier l’existence de la
qualification pénale. Cela signifie que l’infraction existe des lors que ses
éléments constitutifs sont réunis. Le fait qu’un des éléments fasse défaut par la
suite, ne remet pas en cause la qualification pénale. En effet, le droit pénal cherche
à sanctionner une volonté délictueuse en fonction des circonstances de fait et de
droit existant au jour de sa manifestation. C’est ainsi que le vol est constitué et la
qualification ne change pas, même si le voleur remet l’objet volé.

B–les changements de qualification

1–le changement de qualification en cours de procédure

Lorsqu’un fait délictueux est commis, c’est au parquet (la partie civile) qu’il
revient d’apprécier la qualification pénale sous laquelle il sera déféré au juge
d’instruction ou à la juridiction de jugement. Mais le juge pénal n’est pas lié par
le choix du parquet. Il a le pouvoir d’apprécier la qualification proposée, de la
modifier si elle ne lui parait pas adaptée ; et d’appliquer la qualification adéquate.
On parle du principe de la liberté de disqualification.

Cependant, ce principe connait des limites. La requalification doit respecter les


droits de la défense et les règles de la saisine in rem. Concernant les droits de la
défense, la requalification ne doit pas empêcher l’accusé de connaitre en détail
l’accusation portée contre lui afin de préparer sa défense. Parlant de la saisine in
rem, la requalification ne doit pas saisir les faits nouveaux, sauf avec l’acceptation
du prévenu.

2–le changement de qualification après le jugement

Est –il possible de poursuivre à nouveau la même personne pour les mêmes faits
sous une qualification différente après le jugement ? La réponse est négative à

29
raison de l’adage « non bis in idem ». Il exprime le principe de l’autorité de la
chose jugée.

Néanmoins, il est possible de changer de qualification après le jugement, devant


une autre juridiction, si le premier juge a commis une erreur d’analyse qu’il faut
réparer. De même, devant un cas de crime contre l’humanité, on peut changer la
qualification du juge interne qui n’aurait pas effectué une qualification juste. La
raison est que ces crimes sont imprescriptibles.

SECTION 2 : L’APPLICATION DE LA LOI PENALE

L’application de la loi pénale pose en principe la question de la mise en œuvre.


C’est une étude qui intéresse la procédure pénale. Cependant, en droit pénal,
l’application de la loi pénale renvoie à l’idée du cadre de son observation ou de
son étendue. La loi pénale s’applique dans le temps (para 1) et dans l’espace (para
1).

Para 1 : L’APPLICATION DE LA LOI PENALE DANS LE TEMPS

Le temps peut désigner une durée limitée, une durée illimitée, une circonstance
ou un moment. Dans ce cadre, le temps renvoie à la durée et à un moment. Dans
cette optique, l’application de la loi pénale dans le temps donne l’occasion
d’analyser la durée (A), l’application dans le temps des lois d’incrimination et
pénalité (B) et les autres lois pénales (C).

A–le temps de la loi pénale : la durée

La loi pénale a un début et une fin. On dit qu’elle a une durée. Entre ces deux
pôles, elle peut être neutralisée ou remplacée. Au début un texte pénal ne peut
s’appliquer que s’il a été promulgué (s’il s’agit d’une loi), puis publié et si les
conditions de son entrée en vigueur sont réunies. Une fois en vigueur, le texte peut
être neutralisé par une loi d’amnistie (loi qui retire le caractère délictueux à
certains faits commis dans le passé). Celle-ci ne fait pas disparaitre le texte pour
l’avenir, mais empêche son application pour le passé. Le texte peut aussi être
30
remplacé par le mécanisme de l’abrogation (la suppression d’un texte ancien par
l’adoption d’un nouveau texte). Elle fait disparaitre le texte pour l’avenir, mais
conserve le passé. Enfin la loi pénale peut prendre fin, si son terme est arrivé. Le
temps de la loi pénale n’est pas à confondre avec l’application dans le temps de la
loi pénale, qu’elle soit une loi d’incrimination ou une autre loi pénale.

B–l’application dans le temps des lois d’incrimination et de pénalité

Les lois d’incrimination et de pénalité sont celles qui définissent les


comportements interdits, les peines qui leur sont applicables et les conditions de
mise en œuvre de la responsabilité de leur auteur. Ces lois sont régies par deux
principes fondamentaux : la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et
l’application immédiate de la loi pénale plus douce. L’exposé de ces principes
commande au préalable de déterminer la nature douce ou sévère de la loi pénale.
Enfin, le conflit des lois successives sera examiné.

1–la détermination de la nature douce ou sévère de la loi pénale

La détermination d’une loi pénale plus douce permet de cerner à contrario la


nature de celle qui est plus sévère. Est plus douce, au regard des incriminations
et de la responsabilité pénale, une loi pénale qui supprime une incrimination, ou
qui en réduit le champ d’application, ou encore qui admet de nouvelles causes
d’irresponsabilité ou, fait disparaitre une circonstance aggravante, ou crée de
nouveaux obstacles à l’application de la loi pénale. Est plus douce, concernant
les peines, la loi pénale qui supprime une peine, ou réduit son quantum, ou la
remplace par une peine inférieure, qui substitue l’amende à l’emprisonnement, ou
qui offre au juge de nouvelles possibilités d’aménager la peine.

A l’inverse est plus sévère, une loi qui crée une incrimination, crée une
circonstance aggravante, supprime des causes d’irresponsabilité…quant à la
peine, est plus sévère, une peine qui ajoute une peine complémentaire ou rend plus
contraignant le régime de l’application des peines.

31
2–la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère

a) l’exposé du principe

Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale signifie que lorsqu’une loi


pénale est adoptée, elle s’applique aux faits commis après son entrée en vigueur.
En conséquence, les faits commis avant son entrée en vigueur échappent à la loi
nouvelle et ne sont pas sanctionnés s’il n’existait pas de loi ancienne. Si une loi
ancienne existait, elle va continuer de connaitre de ces faits. Ce principe est
consacré dans les articles 11 (2) de la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de 1948, article 15 (1) du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, et l’article 3 du code pénal camerounais.

Le principe de la non-rétroactivité est une solution au conflit entre une loi


ancienne et une loi nouvelle dans le temps. Il est applicable aisément en présence
des infractions instantanées comme le vol ou le meurtre. C’est la loi en vigueur
au moment de la commission de l’infraction. Mais la situation se complexifie en
présence des infractions d’habitude (exercice illégal de la médecine) et celles qui
sont continues (le recel). En effet, les actes de ces infractions peuvent commencer
sous l’empire de la loi ancienne et se poursuivre pendant la loi nouvelle. La
solution est que la loi nouvelle est applicable, parce que le comportement criminel
a été renouvelé pendant la loi nouvelle.

Le juge camerounais s’est prononcé sur le principe de non rétroactivité de la loi


pénale. Deux espèces sont pris pour illustrer :
- Cour Suprême, Arrêt n° 210 du 10 septembre 1968, Affaire Procureur
général près la Cour Suprême de Yaoundé contre Nsoa Albert, B.A.C.S.,
n°19, p. 2217 : en espèce, Mr Ngo Bayi a assassiné son épouse dame Ngo Bayi
Véronique. L’arrêt de la Cour d’appel a condamné Nsoa Albert à 25 ans
d’emprisonnement en appliquant l’article 91 du code pénal fédéral alors que ce
texte et plus rigoureux que l’article 463 de l’ancien code pénal (condamnant le
meurtre au plus à 20 ans) en vigueur au moment des faits. Lorsque la Cour
32
Suprême casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel, cela veut dire c’est la loi
nouvelle (article 91 du code pénal fédéral) ne doit pas s’appliquer aux faits, mais
l’article 463 de l’ancien code pénal en vigueur au moment des faits. En simple :
la loi pénale nouvelle ne connait pas des faits commis avant son entrée en
vigueur, c’est la loi pénale ancienne. Un autre arrêt va dans le même sens : Cour
Suprême du Cameroun Oriental, Arrêt n° 113 du 4 mai 1965, Affaire Ndjem
contre Ministère Public, B.A.C.S., n°13, p.993 : l’arrêt attaqué a prononcé contre
Ndjem les peines prévues par l’ordonnance du 31 mars 1962, alors que les
détournements retenus contre le condamné avaient été commis avant la
promulgation de cette loi.

b) les limites au principe

Le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère connait des limites.


Sont rétroactives, les lois interprétatives, les lois déclaratives, les lois prévoyant
les mesures de sureté, celles instituant les peines automatiques, les lois
expressément rétroactives et les lois réprimant les faits criminels d’après les
principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées.

Les lois interprétatives ont pour objet de préciser la signification la disposition


d’une loi antérieure sans en modifier le contenu. Ces lois rétroagissent dans la
mesure où elles font corps avec la loi interprétée. Les lois déclaratives sont celles
qui constatent une règle préexistante et valent pour le passé et l’avenir. Les lois
édictant les mesures de sureté sont d’application immédiate, même aux faits qui
n’ont pas encore été jugés (art.5 CP). Il en est ainsi parce que la mesure de sûreté
n’a pas pour but de sanctionner l’auteur de l’infraction ; mais de protéger la
société et le condamné lui-même du danger qu’il représente. S’agissant les lois
incriminant des atteintes à des valeurs essentielles de civilisation, elles permettent
de sanctionner les auteurs des atteintes au droit international humanitaire, même
si lors de la commission de l’infraction, il n’existait pas de loi pénale nationale
interdisant ces actes.

33
3–la rétroactivité de la loi pénale plus douce

La loi pénale plus douce est d’application immédiate et couvre les faits passés,
présents et avenir. C’est la substance de l’article 4 (1) du CP. Il dispose : « toute
disposition pénale nouvelle et moins rigoureuse s’applique aux infractions non
définitivement jugées au jour de son entrée en vigueur ». L’application rétroactive
de la loi pénale plus douce renvoie à la rétroactivité « in mitius ». La loi pénale
plus douce est rétroactive car la société n’a plus intérêt à appliquer une loi
ancienne supprimée parce que trop rigoureuse. Le juge camerounais s’est
prononcé sur la loi pénale plus douce dans une affaire : Cour suprême du
Cameroun oriental, Arrêt n°1 du 10 octobre 1967, Affaire Mbomé contre
Ministère public et Etat du Cameroun, B.A.C.S., n°17, p. 1836 : Mr Mbomé a
été condamné pour détournement des deniers publics à 20 ans par le TCS le 27
octobre 1966, alors que l’article 184 du code pénal fédéral promulgué par la loi
n° 1 du 12 juin 1967 a ramené la sanction pour détournement de 15 à 20 ans, et
en cas de circonstances atténuantes à 5 ans. Il apparait deux lois pénales, l’une
ancienne (pendant laquelle l’infraction a été commise) et l’autre nouvelle
(promulguée avant le jugement définitif), on doit appliquer la loi nouvelle, si elle
édicte une peine moins sévère.

4– le conflit des lois successives

L’hypothèse est que après commission de l’infraction et avant la condamnation


définitive, plusieurs lois interviennent : la loi en vigueur le jour de l’infraction, la
deuxième loi plus douce et une troisième loi plus sévère. Il a été admis que seule
la deuxième loi plus douce sera applicable. En confrontant la deuxième loi plus
douce à la première et à la troisième, elle l’emporte parce qu’elle est plus
favorable au délinquant et surtout parce que la loi plus douce est d’application
immédiate.

C–l’application dans le temps des autres lois pénales

34
1–les lois relatives à l’exécution des peines

Il convient de distinguer les lois relatives au prononcée de la peine et celles


relatives à la mise en œuvre de la peine.
Les lois relatives au prononcée de la peine définissent la sanction applicable après
la qualification des faits en infraction. Elles constituent un prolongement des lois
d’incrimination. Elles se confondent à la peine parce qu’elles sont décidées par la
juridiction de jugement en fonction de la culpabilité du prévenu. C’est pourquoi,
on peut les qualifier de loi de fond. Par exemple : le sursis. Et le principe en la
matière est l’application immédiate des lois plus douces et la non-rétroactivité des
lois sévères.
Les lois de mise en œuvre de la peine interviennent après le prononcée de la
sanction pénale pour organiser les mesures à prendre pendant l’exécution de la
peine. Ce sont des lois relatives à l’application et à l’exécution des peines. Leur
mise en œuvre est confiée aux autorités de l’application des peines. Le contenu
de ces lois comprend les conditions restrictives (rétention de sureté) ou libérales
(les permissions de sortir, la semi-liberté, la libération conditionnelle…). En cas
de conflit entre une loi ancienne et une loi nouvelle, le principe de la non-
rétroactivité ne s’applique pas, car ce n’est pas une conséquence directe de la
légalité. En effet, le législateur donne aux autorités de l’application des peines une
marge d’appréciation. C’est pourquoi la loi applicable sera celle de leur choix. Et
ce choix est fonction de leur appréciation du comportement du détenu.

2–les lois relatives à la procédure

Les lois relatives à la procédure encore appelées « lois de forme » renvoient à


l’ensemble qui organise l’application des règles de fond. Il s’agit de la procédure
pénale. C’est une branche qui permet d’identifier plusieurs petites lois : les lois
relatives à la prescription, les lois relatives à la compétence et organisation des
juridictions, les lois relatives aux modes de preuve. Les lois de procédure sont
d’application immédiate. On dit qu’elles saisissent le procès en cours. C’est une

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limite au principe de la non-rétroactivité de la loi pénale. En d’autres termes, les
lois de procédures sont rétroactives. Cela veut qu’elles s’appliquent à des
infractions commises antérieurement. Au Cameroun, la loi n° 2005/007 du 27
juillet 2005 portant code de procédure pénale est une loi de procédure. Si une
infraction (un crime) est commise en 2003 et que le juge est saisi en 2008, c’est
le code de procédure pénale qui va être appliqué, en lieu et place du code
d’instruction criminelle.

Para 2 : L’APPLICATION DE LA LOI PENALE DANS L’ESPACE

L’application de la loi pénale dans l’espace soulève la question de l’étendue du


territoire physique sur lequel la loi pénale sera applicable et même de la nature
des intérêts protégés. Manifestation de la souveraineté de l’Etat, la loi pénale
s’applique sur l’étendue du territoire nationale (A). Cependant, il émerge des lois
pénales applicables à plusieurs Etats. On parle de l’application dans l’espace des
lois pénales internationales (B).

A–L’application dans l’espace de la loi pénale nationale

L’application de la loi pénale nationale peut être territoriale ou extraterritoriale.

1–la territorialité de la loi pénale

La territorialité de la loi pénale signifie que la loi pénale s’applique sur un


territoire bien délimitée. C’est le territoire de la République. Par la territorialité la
loi pénale connait des situations juridiques dont l’intérêt est limité au territoire de
la République. Il convient de distinguer la compréhension de la territorialité de la
loi pénale selon les systèmes en présence. Il est question du système de
l’universalité et de la personnalité.

Selon le système de l’universalité, le territoire de la république constitue un


univers à l’intérieur duquel, toute infraction doit être réprimé à l’indifférence de
la nationalité de l’auteur de l’infraction. Peu importe que l’auteur de l’infraction

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soit un national ou un étranger. Il faudrait surtout que tous les éléments constitutifs
d’une infraction soient commis sur le territoire de la République.

Selon le système de la personnalité, la loi pénale applicable tient compte du


statut de la personne. Ce statut peut être celui d’auteur ou de victime de
l’infraction. On parle de personnalité active, lorsque la loi applicable est celle de
la nationalité de l’auteur de l’infraction. Et on est en présence de la personnalité
passive, si la loi applicable est celle de la nationalité de la victime de l’infraction.
Dans le système de la personnalité, le territoire est déterminé par la nationalité de
l’auteur ou de la victime.

En présence des deux systèmes, le Cameroun applique le système de


l’universalité. C’est la substance de l’article 7 du code pénal. Il dispose : « la loi
pénale de la République s’applique à tout fait commis sur son territoire ».
C’est ainsi que si un camerounais, un gabonais ou un français commet un meurtre
au Cameroun, il va se voir appliquer les dispositions de l’article 275 CP.

2–l’exterritorialité de la loi pénale

La loi pénale est extraterritoriale lorsqu’elle traverse le territoire national. C’est


reconnaitre que la loi pénale a compétence à régir les situations présentant un lien
avec le territoire d’un autre Etat. Ces liens sont de divers ordres : une phase de
l’infraction réalisée à l’étranger, une infraction totalement réalisée à l’étranger, un
intérêt de la République atteint à l’étranger, un intérêt étranger atteint dans la
République.

–une phase de l’infraction réalisée à l’étranger : il arrive que dans la réalisation


d’une infraction, un aspect se trouve en territoire étranger et une autre sur le
territoire de la République. On peut distinguer selon que l’infraction a débuté sur
le territoire de la République ou selon que l’infraction a débuté à l’étranger. Dans
les deux cas, il est question de la répression des infractions partiellement
commises à l’étranger. Et l’article 8 (a) du CP dispose : « la loi pénale de la

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République s’applique à toute infraction dont l’un des éléments constitutifs s’est
trouvé réalisé sur son territoire ». En illustration de l’infraction débutée sur le
territoire de la république : un coup de feu tiré par une personne située au
Cameroun, touche la victime située au Gabon, et elle décède dans un hôpital de
Guinée équatoriale. Comme exemple de l’infraction débuté à l’étranger : les
manœuvres d’escroquerie sont commises à l’étranger, mais l’atteinte à la fortune
a lieu au Cameroun.

–une infraction totalement réalisée à l’étranger : une infraction peut être


commise à l’étranger par un citoyen ou par un résident. Le citoyen est un
camerounais à l’étranger et le résident est un étranger en séjour au Cameroun.
L’application de la loi pénale étrangère est une solution conforme à la territorialité
de la loi pénale. Toutefois, il est possible d’appliquer la loi camerounaise sous
certaines conditions prévues par l’article 10 CP. Il faut que les faits constituent
une infraction (crime ou délits) au Cameroun et à l’étranger, que la peine au
Cameroun ne soit pas supérieure à la peine prévue à l’étranger, que le
ministère public camerounais soit saisi d’une plainte ou dénonciation officielle du
gouvernement étranger. Le juge pénal camerounais s’est prononcé sur la
question : Cour suprême, Arrêt n°318-P du 19 juillet 1990, Affaire Nkwain
Raymond contre Ministère Public (inédit) : en l’espèce, Mr Nkwain Raymond,
citoyen camerounais, a été condamné à 15 ans d’emprisonnement pour
détournement de fonds publics commis à Lagos, République du Nigeria. L’arrêt
est attaqué parce que la décision n’est pas suffisamment motivée. Mr Nkwain
reproche à l’arrêt : 1) de n’avoir pas évoqué une loi pénale du Nigeria punissant
le détournement de fonds publics ; 2) de n’avoir pas ressorti la sanction du
détournement au Nigeria pour apprécier le fondement ou non des 15 ans
prononcés au Cameroun. La Cour suprême a cassé et annulé l’arrêt n°21-crim
rendu le 27 aout 1984 par la Cour d’Appel de Douala.

38
–un intérêt de la République atteint à l’étranger : il est possible que tous les
éléments constitutifs d’une infraction soient réalisés à l’étranger, mais que la loi
pénale camerounaise toujours compétente de manière exclusive. La raison est que
l’infraction entraine des conséquences graves pour la République. Elle attente aux
intérêts fondamentaux. C’est la logique de l’article 8 (b) du CP, qui dispose : « la
loi pénale de la République s’applique : aux infractions d’atteinte à la sureté de
l’Etat, de contrefaçon du sceau de l’Etat ou de monnaies nationales ayant cours,
commises même à l’étranger ». En complément, la complicité, la conspiration et
la tentative commise à l’étranger en vue de commettre une infraction sur le
territoire de la République sont soumises à la loi camerounaise (article 9 (b) CP).

–un intérêt étranger atteint dans la République : il n’est pas exclu que les faits
soient perpétrés sur le territoire de la République en vue de commettre une
infraction à l’étranger. Pour que les faits soient punissables au Cameroun, il
faudrait qu’ils soient aussi punissables à l’étranger. Il en ressort un partage du
caractère punissable des faits entre la République et l’Etranger. C’est observer un
intérêt commun des deux Etats à considérer ces faits comme contraire à l’ordre
public. L’idée est clairement posée par l’article 9 (a) du CP : « sont soumis à la
loi pénale de la République : les faits constitutifs de complicité, de conspiration
et tentatives réalisés sur le territoire de la République en vue de commettre une
infraction à l’étranger si cette infraction est également réprimée par la loi
étrangère ». Par exemple, la complicité de meurtre par fourniture des informations
et des moyens au Cameroun en vue d’éliminer la cible en France. Les deux pays
répriment le meurtre.

B–l’application dans l’espace de la loi pénale internationale

La loi pénale internationale renvoie aux infractions internationales. On peut


distinguer les infractions internationales absolues (1) et relatives (2).

1–les infractions internationales absolues

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Les infractions internationales absolues sont celles qui visent la protection des
valeurs partagées par toute la communauté humaine. Les actes en cause revêtent
un caractère de gravité internationale. C’est ce qui traduit la solidarité des justices
de tout pays contre ces infractions commises au préjudice de l’humanité. La
réaction contre ces actes peut susciter des logiques nationales et internationales.
Par une logique nationale, un Etat prend des dispositions pour réprimer une
infraction internationale. Le législateur camerounais a prévu les infractions
internationales dans l’article 11 CP. Sont visés : la piraterie, le trafic de
personnes, la traite des esclaves, le trafic des stupéfiants. Ces actes sont réprimés
quel que soit le lieu de commission et à la condition que la personne soit sur le
territoire de la république ou qu’elle soit extradée.
Par une logique internationale, plusieurs Etats s’accordent pour organiser la
répression des infractions internationales. L’exemple est fourni par la réaction des
Etats contre les crimes contre l’humanité. Ils peuvent s’organiser dans le cadre
d’un Accord, d’une résolution, d’un Traité. C’est dans ce sens qu’il convient de
comprendre l’Accord de Londres créant le tribunal de Nuremberg et Tokyo pour
sanctionner les criminels nazis, les Résolutions des Nations Unies créant les TPI
de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda, le Traité de Rome sur la CPI.

2–les infractions internationales relatives

Les infractions internationales relatives sont celles qui visent la protection des
valeurs choisies par un groupe d’Etats. Les actes en cause revêtent un caractère
de gravité internationale relative. Il en est ainsi parce que certains Etats les
prévoient et d’autres ne les prévoient pas. C’est ce qui traduit la solidarité des
justices des pays-parties, à l’indifférence des pays non parties. Une illustration
est fournie par le droit pénal OHADA. Les Etats membres du Traité ont choisi de
protéger certaines valeurs dans la morale des affaires en incriminant certains
comportements. C’est ce qui ressort des dispositions des articles 886 à 905

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AUSCGIE relatifs aux infractions OHADA. A l’inverse, les autres Etats à l’instar
des Etats européens dépénalisent le droit des affaires.

En synthèse, la première articulation du cours porte sur l’objet du droit pénal. Elle
a permis de faire le point sur le contenu et le déploiement de la loi pénale. La
seconde articulation permettra de s’appesantir sur le sujet du droit pénal.

SECONDE PARTIE : LE SUJET DU DROIT PENAL

Le sujet du droit pénal est la personne contre qui le droit pénal est appliqué. Cela
est possible, si ce sujet commet une infraction. Sa responsabilité pénale sera
établie (chap. 1), et si possible l’application des sanctions (chap. 2).

CHAPITRE 1 : LA RESPONSABILITE PENALE

La responsabilité pénale est l’obligation qui pèse sur un participant à la


commission d’une infraction d’en supporter les conséquences. La responsabilité
pénale vise la punition du participant à l’infraction, alors que la responsabilité
civile recherche la réparation du dommage. Cependant les deux responsabilités
peuvent être mise en œuvre ; lorsqu’une infraction permet d’exercer l’action
publique et de l’action civile.

La responsabilité pénale suppose une violation de la loi pénale. C’est le fait


générateur de la responsabilité pénale (section 1). Il doit être rattaché à une
personne pénalement responsable (section 2). La conséquence de la responsabilité
pénale peut être altérée (section 3).

SECTION 1 : LE FAIT GENERATEUR DE LA RESPONSABILITE


PENALE

Le fait générateur de la responsabilité pénale est une faute pénale encore appelée :
infraction. Elle comporte de façon classique trois éléments : légal, matériel et
moral. Certains ajoutent l’élément injuste. L’élément légal désigne un acte
contraire à la loi pénale. C’est la légalité criminelle. L’élément injuste

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correspond à l’absence de causes d’irresponsabilité. Ce qui est prévue dans
l’altération de la responsabilité. Ainsi, l’étude du fait générateur peut se limiter à
l’élément matériel (para 1) et moral ou intentionnel (para 2).

Para 1 : l’acte matériel de l’infraction

« Il n’existe pas d’infraction sans activité matérielle ». En effet, le droit pénal


ne saurait sanctionner une intention, qui ne s’est pas matérialisée. Par conséquent
la commission d’une infraction suppose un acte matériel ou un fait. C’est ce qui
ressort de la teneur de l’article 74 (2) du CP : « Est pénalement responsable,
celui qui, volontairement, commet les faits caractérisant les éléments
constitutifs d’une infraction…. ». L’acte matériel d’une infraction peut
s’exécuter de plusieurs façons (A) pour atteindre un certain résultat (B).

A–les modes d’exécution des infractions

Les infractions peuvent être exécutées selon leur nature et selon leur durée.

1–l’exécution des infractions selon leur nature

En prenant en compte la nature, les infractions peuvent être perpétrées soit


par les actes de commission et d’omission, soit par l’acte unique et les actes
multiples.

–les actes de commission et les actes d’omission : l’acte de commission est un


acte positif. Il peut renvoyer concrètement à un geste, un écrit ou un dessin, ou
même une parole. On parle d’infractions de commission à l’instar : d’un geste
d’homicide, lettre contenant une menace de mort, des injures.
Et l’acte d’omission désigne un acte négatif ou une abstention. C’est le refus de
poser un acte consécutif à une obligation de faire. On est en présence des
infractions d’omission comme : l’abandon de foyer (art. 358 CP), non-
représentation (art. 355 CP), omission de porter secours (art. 283 CP).

42
Néanmoins, il convient d’observer que certains actes ne sont ni positif, ni négatif.
En fait, ils peuvent être qualifiés de commission ou d’omission. Il s’agit des
infractions de négligence. Il en est ainsi des actes de maladresse, d’imprudence,
d’inattention ou de manquement à une obligation de sécurité ou de prudence
imposée par la loi ou le règlement. Ex : homicide et blessures involontaires (art.
289 CP).

–l’acte unique et les actes multiples : dans certaines infractions, un acte unique
suffit pour violer la loi pénale. On dit que l’infraction est constituée d’un seul
élément matériel. Et on peut parler d’infractions simples. Ex : le meurtre est
commis par un coup de poignard ou la pression sur la détente d’un pistolet.
Dans d’autres infractions, exigeant des actes multiples, il convient de distinguer
l’infraction complexe et celle d’habitude. Dans l’infraction complexe,
plusieurs actes matériels de nature différente sont agencés pour violer la loi
pénale. On dit que le mode d’exécution nécessite des actes multiples.
L’illustration est donnée par les manœuvres dans l’escroquerie (art. 318 (c) CP).
Quant à l’infraction d’habitude, plusieurs actes matériels identiques ou de
même nature sont agencés. Pris isolément, cet acte n’est pas punissable. Mais la
première réitération, l’habitude est établie et l’infraction d’habitude est constituée.
L’usurpation de fonction (art.216 CP) et l’usurpation de titre et décoration (art.
218 CP) en sont des exemples. En détail, le port illégal d’uniforme militaire ou
l’exercice illégal de la médecine constituent des infractions d’habitude.

Il existe un intérêt à distinguer les infractions à acte unique et les infractions à


actes multiples. Dans l’infraction à acte unique, le tribunal compétent est celui
du lieu de commission. Pourtant dans les infractions multiples, plusieurs
tribunaux peuvent être compétents, si l’un des actes a été perpétré dans leur
ressort. Quant à la prescription de l’action publique, elle prend effet dès l’acte
unique pour l’infraction simple ; et dès le dernier acte saisi pour les
infractions à actes multiples. Ex : en cas d’exercice illégal de la médecine de

43
2010 à 2015, la computation de la prescription de l’action publique débute en
2015.

2–L’exécution des infractions selon la durée

En prenant en compte le critère de la durée, les infractions instantanées se


distinguent des infractions permanentes et continues.

Dans l’infraction instantanée, l’acte matériel s’accomplit en un trait de temps.


La volonté criminelle est exprimée et les effets sont consommés en un instant.
C’est le cas du meurtre, du vol. Concernant l’infraction permanente, l’acte
matériel s’exécute en un trait de temps, mais les effets se prolongent dans le
temps, sans aucune intervention de l’auteur des faits initiaux. Ex : le délit de
bigamie (art. 359 CP), construction d’immeuble sans permis de bâtir. S’agissant
de l’infraction continue, l’acte matériel se prolonge pendant une certaine durée
du fait de la volonté réitérée du délinquant. L’acte matériel se répète donc dans
le temps. Ex : le recel de chose, le port illégal de décoration, séquestration d’une
personne.
La distinction présente des intérêts. Pour les apprécier, il convient de séparer
l’infraction continue d’une part et les infractions d’un instant (infraction
instantanée et permanente) d’autre part.
–la prescription d’une infraction continue se compte à partir du jour où l’activité
délictueuse a pris fin (le moment où le receleur est dépossédé des objets volés). A
l’opposé, les infractions d’un instant se prescrivent à compter du jour de la
commission de l’infraction (le jour du vol ; le jour de la célébration du second
mariage nul).
–une loi nouvelle plus sévère s’applique aux infractions continues ; et non aux
infractions de l’instant. La raison est que dans l’infraction continue la volonté
criminelle se manifeste toujours et se renouvelle ; alors que dans l’infraction de
l’instant la volonté criminelle s’est manifestée et s’est achevée. Elle ne se
renouvelle pas.

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B–le résultat de l’infraction

En droit pénal, le résultat renvoie au seuil à partir duquel la répression doit être
déclenchée. A partir de cette définition, il est possible de distinguer le résultat-
effet, résultat-moyen et le résultat-intention.

1–les infractions consommées par l’atteinte d’un résultat-effet (infractions


matérielles)

Dans certaines infractions, le résultat matériel est un élément constitutif de


l’infraction. S’il n’est pas atteint, l’infraction n’est pas constituée. Il se dégage
l’exigence d’une intention, des actes d’exécution et la production d’un effet. C’est
cet agencement qui caractérise le résultat-effet. Il s’illustre dans les infractions
matérielles. Ce sont celles qui ne sont consommées que si la valeur protégée ou
la cible a été touchée. Ainsi le meurtre ne peut être établie que s’il y a eu
suppression de la vie. S’il n’y a pas suppression de la vie (valeur protégée), il n’y
a pas meurtre de l’art. 275 CP.

2–les infractions consommées par l’atteinte d’un résultat-moyen (infractions


formelles et obstacles)

Parfois, le législateur n’attend plus qu’un acte produise un effet. Il considère que
les actes posés sont suffisant pour justifier la répression. Et les actes posés sont
assimilés aux « moyens ». Le législateur anticipe les effets à partir des actes.
C’est dans ce cadre, qu’on peut inscrire les infractions formelles et les infractions
obstacles.
Les infractions formelles sont celles qui sont consommées sans attendre les
effets des actes posés. L’illustration émane de l’empoisonnement (art. 276 (b)
CP) et la corruption active (art. 134 et 134 bis CP). L’empoisonnement est
constitué sans attendre que la victime meurt ou se soigne. Et la corruption active
est consommée que le destinataire des promesses les agrée ou non.

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Les infractions obstacles sont des comportements qui n’engendrent pas en
eux-mêmes un trouble à l’ordre social, mais qui sont érigés en infraction ;
pour faire obstacle à la commission d’une seconde infraction plus grave. Il
est question d’incriminer des actes préparatifs à la commission d’infractions plus
graves. Sont visés : la conduite en état d’ivresse, le port d’arme prohibé. Ces
incriminations permettent de faire obstacle aux infractions suivantes : les
violences volontaires conséquences du port d’arme prohibé ; homicides
involontaires dérivées de la conduite en état d’ivresse.

3–les infractions consommées par l’atteinte d’un résultat-intention


(infractions tentées : tentative interrompue et tentative achevée)

L’iter criminis comprend quatre phases : la résolution criminelle, les actes


préparatoires, le passage à l’acte et l’atteinte de la cible. L’infraction est tentée
s’il y a passage à l’acte sans atteindre la cible ; parce que l’intention criminelle est
saisissable. La tentative peut être interrompue (a) ou achevée (b).

a) La tentative interrompue

Il y a tentative interrompue en cas de commencement d’exécution et absence de


désistement volontaire. De cette définition apparaissent les deux conditions de la
tentative, dont les effets seront précisés (art. 94 CP).

a-1) les conditions de la tentative

La première condition de la tentative est l’exigence d’un commencement


d’exécution. Il s’agit d’un acte orienté vers la commission d’une infraction avec
la ferme intention de la commettre. Le commencement d’exécution n’est pas une
résolution criminelle (idée du crime, le désir de commettre et la décision de
l’accomplir). Il n’est pas à confondre avec les actes préparatoires (faits imprécis
qui ne conduisent pas toujours à la commission d’une infraction. Ex : achat d’une
arme, multiples passages devant une banque). Il y aura commencement

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d’exécution, si on se positionne avec l’arme dans un coin sombre à l’entrée d’une
habitation privée.

La seconde condition de la tentative est l’absence de désistement volontaire.


C’est l’état psychologique d’un délinquant en puissance, qui ne veut pas mettre
un terme au projet criminel de lui-même. Il le fera parce qu’il y a eu intervention
des circonstances extérieures, qui l’obligent à ne pas continuer. Lorsque le
désistement ou l’abandon de l’entreprise criminelle est volontaire et avant la
commission de l’infraction, il n’y a plus de tentative. Le droit pénal encourage
celui qui renonce au projet criminel. A l’opposé, si le désistement intervient après
la commission de l’infraction, il n’y a pas de tentative, mais consommation de
l’infraction. Le repentir actif n’existe pas en droit pénal. L’auteur de l’infraction
sera poursuivi, mais sa peine peut être modérée ou atténuée. C’est ainsi que celui
qui vole à autrui un objet, pris de remords et revient lui restituer l’objet ; sera
poursuivi de vol. Cependant, le juge peut réduire sa peine.

a-2) la répression de la tentative

La répression de la tentative a fait l’objet de plusieurs tendances. Pour les uns, il


ne faut pas sanctionner parce que personne ne subit de préjudice en cas de
tentative (le système de la négation de la répression). Pour les autres, celui qui
tente et celui qui commet totalement l’infraction sont identiques, par leur intention
criminelle. Il convient de les punir de la même façon (le système de l’identité de
la répression). Il existe aussi une solution intermédiaire. Elle commande de
réprimer certains cas de tentative et d’exonérer d’autres (le système de la
répression sélective).

Le législateur camerounais adopte un système mixte. Il procède de la synthèse


entre le système de l’identité et celui de la répression sélective. Ainsi, le système
de l’identité de la répression ressort, lorsque la loi considère la tentative de crime
ou de délit, comme le crime ou le délit lui-même (art. 94 al. 1 CP). Et le système

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de la répression sélective se matérialise par l’admission de la tentative seulement
pour les crimes et les délits, à l’exclusion des contraventions.

b) la tentative achevée

La tentative est achevée en cas d’exécution de tous les actes matériels de


l’infraction sans atteindre la valeur protégée (cible). Après les variantes de la
tentative achevée (b-1), l’analyse se concentrera sur sa répression (b-2).

b-1) les variantes de la tentative achevée

Il est question des visages de la tentative achevée. Elle prend les formes de
l’infraction manquée d’une part et l’infraction impossible d’autre part.

–infraction manquée : c’est l’hypothèse où le délinquant exécute tous les actes


matériels ; mais le résultat recherché n’est pas atteint du fait d’une circonstance
étrangère d’une part ; ou le résultat atteint n’est pas celui recherché par
l’auteur de l’infraction d’autre part. Dans le premier cas, une personne qui veut
commettre un meurtre, tire avec un revolver sur la victime. A l’instant où il tire,
la cible gratte un bouton qui démange son pieds ; et le coup de feu explose une
fenêtre. Dans le second cas, une personne tire sur la cible, qui porte un gilet par
balle.

–l’infraction impossible : c’est l’hypothèse où le délinquant exécute tous les


actes matériels, mais le résultat recherché n’est pas atteint parce qu’il n’existe
pas, et surtout que le délinquant ignorait son inexistence. Dans tous les cas, le
résultat recherché n’est pas atteint parce qu’il est impossible. Par exemple, le
pickpocket qui plonge sa main dans une poche vide. C’est aussi le cas de celui qui
tire sur un cadavre. Dans ces exemples, l’infraction impossible est consommée si
le pickpocket ne sait pas que la poche est vide d’une part et si le tireur ne sait pas
que la personne visée est déjà décédée d’autre part.

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Les deux formes de la tentative achevée sont donc l’infraction manquée et
l’infraction impossible. Il reste à savoir le régime de la répression de ces
hypothèses.

b-2) la répression de la tentative achevée

La répression de la tentative achevée commande de distinguer deux cas :

–la répression de l’infraction manquée : elle est punissable, parce qu’elle est
assimilée à la tentative interrompue. C’est ce qui ressort des dispositions de
l’alinéa 2 de l’article 94 du code pénal : « la tentative est punissable alors même
que le but recherché ne pouvait pas être atteint à raison d’une circonstance de fait
ignorée de l’auteur ». L’expression « circonstance de fait ignorée par l’auteur »,
explique les termes de la définition de l’infraction manquée. L’auteur peut ignorer
que la cible va se démanger les pieds ou qu’elle a un gilet pare-balles. Il convient
de préciser que cette position du législateur s’explique par l’esprit du droit pénal.
Il protège certaines valeurs sociales sans prendre en compte les calculs internes
du délinquant. Il est question d’une objectivation de la répression et non d’une
subjectivation. Sur cette base, le comportement interdit par le législateur est
réprimée sans s’attarder sur la satisfaction ou non du délinquant. On peut
comprendre pourquoi l’auteur du coup de feu manqué est sanctionné, alors même
que le résultat a été raté.

–la répression de l’infraction impossible : la doctrine a développé une pluralité


de points de vue sur la répression de l’infraction impossible. Pour les uns, on ne
doit pas réprimer l’infraction impossible au titre de la tentative, puisqu’on ne peut
pas commencer l’impossible. Pour les autres, on doit réprimer l’infraction
impossible, car son auteur présente intention criminelle dangereuse et identique à
celle de l’auteur d’une infraction possible. Un troisième courant a distingué
l’impossibilité absolue et relative. L’impossibilité est absolue lorsque l’objet de
l’infraction n’existe pas (meurtre sur un cadavre) ou les moyens sont inefficaces
(avortement avec des vitamines). Par contre, l’impossibilité est relative quand
49
l’objet de l’infraction existe, ou les moyens utilisés sont efficaces ; mais le résultat
n’a pas été atteint à cause d’une maladresse (coup de feu tiré trop loin).
L’impossibilité absolue ne doit pas être réprimée, alors que l’impossibilité relative
est assimilée à l’infraction manquée et doit être réprimée.

Le législateur camerounais est partisan de la répression de l’infraction impossible.


C’est ce qui ressort des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 94 du code pénal :
« la tentative est punissable alors même que le but recherché ne pouvait pas
être atteint à raison d’une circonstance de fait ignorée de l’auteur ».
L’expression « circonstance de fait ignorée par l’auteur », explique les termes de
la définition de l’infraction impossible. En effet, l’auteur de l’infraction
impossible, ignore que la cible est décédée ou le pickpocket ignore que la poche
est vide.
L’explication d’une telle position est que la volonté de commettre un délit n’est
pas moins dangereuse et condamnable dans l’hypothèse du délit impossible que
de délit possible ; l’impossibilité de commettre une infraction soit en raison de
l’objet soit en raison des moyens, n’exonère pas l’agent de sa culpabilité. Le
commencement d’exécution à compter du moment où l’agent, ayant réuni les
moyens de son action, entreprend d’en faire un usage et, dévoilant sa volonté
délictuelle, décide de courir les risques de l’entreprise (C.S. Arrêt n° 50 du 26
Nov. 1988 Bull n° 19 p. 2255).

En synthèse, l’acte matériel d’une infraction peut s’exécuter de plusieurs façons,


pour atteindre un certain résultat. A côté de l’acte matériel résumant l’élément
matériel, une autre composante de l’infraction est l’élément intentionnel. Il permet
d’examiner l’intention dans l’infraction.

Para 2 : l’intention dans l’infraction

L’intention ou l’élément moral, au sens général, est une résolution intime d’agir
dans un certain sens. la faute pénale peut être subdivisée en faute intentionnelle
(A), non intentionnelle (B) et contraventionnelle (C).
50
A–la faute intentionnelle

La faute intentionnelle consiste en un acte violant une loi pénale avec la volonté
de le commettre. On la trouve en matière criminelle et délictuelle. Pour que la
faute pénale soit intentionnelle, il faut l’acte interdit soit posée par une personne
qui le sait pénalement prohiber, mais qui décide de le commettre. C’est cette
intention criminelle ou la volonté de commettre l’infraction qu’on appelle dol (1).
Il arrive qu’il soit qualifié d’aggravé (2) ou d’éventuel (3).

1) le dol

Le dol s’entend de la volonté de commettre l’infraction. Il n’est pas à confondre


avec le dol en matière civile (article 1116 cciv). Dans cette discipline, le dol est
constitué par l’établissement des manœuvres ou une réticence d’informer ; en vue
d’induire son cocontractant en erreur pendant la formation du contrat. Le dol
comme intention ou volonté de commettre une infraction se divise en dol général
et dol spécial.

a) le dol général

Le dol général consiste en la volonté de commettre un acte avec la conscience


de violer la loi pénale. Le dol général est le critère de reconnaissance de
l’infraction intentionnelle. De la sorte, si l’auteur d’un acte n’a pas conscience de
la nature véritable de l’acte qu’il commet, il n’a donc pas conscience qu’il viole
la loi pénale. On dit qu’il y a « erreur de fait ». En guise d’illustration, si une
personne a des relations sexuelles avec une personne mineure, alors qu’elle la
croyait majeure ; il n’y a pas dol général. C’est une erreur de fait. Cependant, il
faudra que la personne démontre sa bonne foi. Par contre, il y a dol général, dans
le port de décoration officielle (une tenue de l’armée), en sachant que la loi pénale
l’interdit. Si le dol général se résume dans la conscience et la volonté de violer la
loi pénale, le dol spécial ajoute un élément supplémentaire.

b) le dol spécial

51
Le dol spécial consiste en une volonté de violer la loi pénale dans l’intention
d’atteindre un certain résultat prohibé par cette loi. Il se dégage une évolution
dans l’intensité de l’intention criminelle. D’une volonté de violer la loi pénale
dans le dol général, le dol spécial se veut plus aigu et pointu. Ici l’intention
criminelle recherche un résultat après la violation de la loi pénale. Lorsque
cette intention-résultat n’existe pas, l’infraction n’est pas constituée. Le dol
spécial varie selon les infractions. En cas de vol, le dol spécial est l’intention de
se comporter comme le propriétaire de la chose appartenant à autrui. En matière
d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, le dol spécial est constitué par
l’intention de blesser la victime. Et dans le meurtre, le dol spécial, qualifié
d’animus necandi, est l’intention de tuer la victime. Il résulte de ce qui précède
que le dol spécial importe dans le choix des qualifications en concours. Ainsi, en
présence des qualifications aux éléments matériels identiques, mais qui diffèrent
par l’élément intellectuel, le dol spécial permet de retenir la qualification
adéquate. Ex : en cas de coups ayant provoqué la mort de la victime, on parlera
de meurtre, si l’auteur avait l’intention de tuer ; et on retiendra « les coups
mortels » si les violences ont entrainé la mort sans intention de la donner. En
matière de preuve, le dol spécial est établi par le juge à partir de la nature même
de l’infraction. Le juge n’a pas besoin de démontrer son existence. On dit que la
preuve jaillit de l’évidence des faits.

2) le dol aggravé

Le dol aggravé renvoie à la volonté de commettre l’infraction animée d’un


mobile. Et ce dernier désigne à la fois une raison qui pousse l’auteur des faits à
agir et une intention de parvenir à un résultat plus lointain que le résultat exigé
par la loi. Ces raisons ou mobiles varient et diffèrent selon les individus. A
l’opposé, le dol général et le dol spécial ne change pas selon les types
d’infraction. C’est ainsi que dans le meurtre, le dol général est la volonté de violer
l’article 275 CP ; le dol spécial est toujours l’intention de tuer. Cependant les

52
mobiles varient d’un meurtrier à un autre : vengeance, jalousie, profit, abréger les
souffrances d’un mourant.
En principe, le mobile n’est pas pris en compte par le législateur pour définir
l’infraction. C’est dans ce sens que : « le mobile est juridiquement indifférent ».
Mais il arrive que le mobile soit pris en compte par le juge et le législateur. Le
juge prend en compte le mobile pour prononcer la peine. Le délinquant animé par
des mobiles nobles bénéficiera de l’indulgence du juge. Et celui qui est animé par
des mobiles crapuleux sera puni sévèrement. Quant au législateur, il prend en
compte les mobiles soit pour formuler les causes d’irresponsabilité pénale
(légitime défense, état de nécessité), soit pour définir l’élément intellectuel d’une
infraction intentionnelle. Dans ce sillage, l’illustration peut être les actes
terroristes. Ce sont des infractions en relation avec une entreprise « ayant pour but
de troubler gravement l’ordre public par la terreur ». On observe une intention de
commettre un crime ou un délit de droit commun d’une part et une intention
terroriste d’autre part.

Il arrive aussi que le dol aggravé soit établie sans prise en compte des mobiles.
Un tel dol est constitué par la préméditation. L’aggravation est consécutive au
« dessein formé avant l’action ». C’est l’exemple du meurtre avec préméditation
appelée « assassinat ». Le juge camerounais s’est prononcée sur la préméditation
dans une affaire : Cour suprême, Arrêt n° 37 du 22 novembre 1966, Affaire
Assalé Paul contre Ondo Edjanga, B.A.C.S., n°15, p. 1455 : en l’espèce, Mr
Assalé reconnait qu’il avait décidé de se venger d’Ondo Edjanga le jour où il le
verrait dans son village, et précisé que la cinquantaine de coups de chicotte avait
de même été fixée d’avance. Or la préméditation consiste dans le dessein formé,
avant l’action, d’attenter à la personne d’un individu déterminé. Le juge a retenu
la qualification de préméditation du délit de coups et blessures.

3) l’écart entre le dol et le résultat de l’infraction

53
Si le dol spécial est l’intention criminelle qui recherche un résultat, il est possible
que le résultat ne soit pas atteint ou que le résultat soit dépassé. Lorsque le résultat
matériel n’est pas atteint, on parle de tentative. Lorsque le résultat recherché est
dépassé, trois hypothèses peuvent être envisagées : le dol indéterminé (a), le dol
dépassé (b) et le dol éventuel (c).

a) le dol indéterminé ou imprécis

Le dol est indéterminé ou imprécis quand l’auteur des faits recherche un


résultat sans être capable de limiter son étendue. En effet, l’auteur n’a pas la
maitrise des conséquences que son acte causera à la victime ; parce qu’il ne
maitrise pas la capacité de résistance de la victime. Et le législateur considère que
l’auteur de l’acte doit être puni selon le résultat effectivement produit et non selon
le résultat que l’intention voulait provoquer. C’est ainsi que la personne pose un
acte sur une victime avec l’intention de causer une incapacité de travail de 08
jours ; mais l’acte cause plutôt une incapacité de travail de 30 jours. Elle sera
sanctionnée pour l’incapacité de travail de 30 jours.

b) le dol dépassé

Il y a dol dépassé ou dol praeterintentionnel, lorsque le résultat de l’acte dépasse


le but que l’agent se proposait d’atteindre. On constate que le dol est dépassé,
parce que le résultat effectivement atteint donne une autre nature différente
de l’acte initial voulue par l’auteur. Il ressort un changement de la nature de
l’acte dans le dol dépassé ; alors que le dol indéterminé procède d’un changement
d’intensité sans changer la nature de l’acte. Pour illustrer le dol dépassé, les
hypothèses suivantes sont plausibles : voulant procurer l’avortement à une
femme, l’agent lui donne la mort ; voulant frapper la victime, l’agent l’a tué. Va-
t-on punir l’agent en fonction du résultat voulue ou du résultat effectif ?

La réponse proposée par la doctrine est fonction de l’acte intentionnel et de l’acte


non intentionnel. En présence de l’acte intentionnel, on parle de comportements

54
particulièrement graves. Ici le législateur tient compte du résultat effectif et non
de l’intention (du résultat voulue). Ex : un individu allume un incendie ou fait
exploser une bombe avec l’intention de provoquer seulement des dégâts matériels
(il croyait la maison vide, la bombe devait exploser dans une rue déserte) ; mais
il cause la mort d’une ou plusieurs personnes. Il sera puni comme s’il avait causé
la mort avec préméditation.
Devant un acte non intentionnel, le principe est que « personne ne devrait être
puni à raison des conséquences non intentionnelles de son acte, fut-ce une
infraction, que dans la mesure où elle pouvait les prévoir ».

Entre ces deux positions, le législateur peut adopter une position intermédiaire.
Elle consiste à tenir compte à la fois de l’intention et du résultat. Il punit l’auteur
plus sévèrement que s’il était jugé uniquement sur ses seules intentions, et moins
sévèrement que s’il était jugé uniquement en fonction du résultat. On parle de
« peine intermédiaire ». C’est le cas lorsqu’un individu commet des violences sur
une personne sans aucune intention homicide, mais provoque néanmoins le décès
de la victime. Ex : une personne donne un coup de poing à une victime. Dans sa
chute, elle heurte sa tête sur un poteau et décède. La loi prévoit un
emprisonnement de 06 à 20 ans (art. 278 CP).

c) le dol éventuel

Dans le dol éventuel, l’agent prend un risque et accepte le dommage possible


qu’il peut provoquer. Le dommage est causé par un comportement dangereux,
commis de façon intentionnelle. C’est ainsi qu’il y a dol éventuel lorsque
l’automobiliste effectue volontairement un dépassement sans visibilité, provoque
la mort d’une personne installée dans une voiture venant dans le sens inverse. En
effet, l’auteur n’a pas l’intention de provoquer le dommage. En conséquence, il
ne sera pas réprimé comme celui qui commet un dol indéterminé ou dol dépassé ;
bref il ne sera pas réprimé comme l’auteur d’une faute intentionnelle. Il est

55
question d’une faute d’imprudence et de négligence (homicide et blessure
involontaire art. 289 CP).

B–la faute non intentionnelle

La faute non intentionnelle ou faute involontaire consiste en un acte violant


la loi pénale du fait d’une baisse de vigilance. Il ne s’agit d’une faute commise
sans intention ou sans volonté ; car il n’est pas possible de commettre une faute
sans intention ou volonté. En matière pénale, cette faute correspond à la
catégorie des délits. Il ressort une exclusion des crimes et des contraventions.
En effet, l’auteur de la faute non intentionnelle n’est pas vigilant. Ce manque de
vigilance est à l’origine de la distinction de la faute d’imprudence ordinaire (1) et
des fautes d’imprudences qualifiées (2). Toutefois, le droit pénal camerounais se
limite à la faute d’imprudence ordinaire.

1) la faute d’imprudence ordinaire

a)le contenu (notion et domaine)

La faute d’imprudence ordinaire est encore appelée faute pénale ordinaire. Il


s’agit en général des infractions involontaires et en particulier des délits non
intentionnels. Ce sont des actes posés par maladresse, inattention, négligence,
imprudence, inobservation des règlements, défauts de précaution ou de sécurité.
L’article 289 CP « Homicide et blessures involontaires » reprend cette idée en des
termes suivants : « celui qui par maladresse, négligence, imprudence et ou
inobservation des règlements, … ».
L’auteur d’une faute pénale ordinaire est imprévoyant, parce qu’il n’a pas prévu
les conséquences dommageables de son acte. Sa faute est involontaire, car il n’y
a pas une volonté de violer la loi pénale. Cependant il doit être sanctionné puisque
son acte a causé un dommage. L’imprudence ou la négligence procède du non-
respect d’une discipline sociale. L’auteur de la faute pénale ordinaire viole une

56
règle de prudence qui s’imposait à lui ou néglige de prendre les précautions qu’il
aurait dû respecter.

b) l’appréciation concrète

Le juge apprécie la faute non intentionnelle de manière objective et in concreto.


Cela signifie que le juge se réfère au comportement de l’homme moyen, pour
établir qu’une imprudence ou une négligence a été commise. Les hypothèses de
faute pénale non intentionnelle sont prévues par l’article 289 et 290 CP.

2) les fautes d’imprudence qualifiées

a) la faute de mise en danger délibérée : une violation manifestement délibérée


d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement. Elle correspond au dol éventuel.

b) la faute d’imprudence caractérisée : une faute qui expose autrui à un risque


d’une particulière gravité, qu’il ne pouvait être ignoré de la personne. C’est une
faute d’une exceptionnelle gravité. La faute caractérisée n’exige pas une
règlementation préexistante (loi ou règlement). Elle exige une conscience de
l’existence d’un risque. Sur cette base elle peut résulter de la violation d’une règle
de conduite de simple bon sens, d’une circulaire règlementant les sorties scolaires.

C–la faute contraventionnelle

La faute contraventionnelle consiste en la simple inobservation d’une


prescription légale ou réglementaire, qui ne suppose ni intention de violer la loi
pénale, ni même imprudence ou négligence. Cette faute est constituée des que le
fait réprimé par la loi est commis, dès qu’il est matériellement constaté. On dit
que la faute contraventionnelle est une infraction matérielle. La faute
contraventionnelle s’analyse aussi comme une manifestation de l’indiscipline
sociale. Cependant elle se distingue de la faute pénale ordinaire pour deux raisons.
La première est que la faute contraventionnelle ne suppose pas un dommage, car
elle assure une fonction de prévention. La seconde raison est qu’elle vise une
57
discipline sociale, dont la violation n’entraine aucun blâme moral. Le code pénal
camerounais détermine les classes de contraventions aux termes de l’article 362.
La première classe est sanctionnée par les amendes de 200 à 1200 inclusivement,
la deuxième classe de 1400 à 2400 inclusivement, la troisième classe de 2600 à
3600 inclusivement, et la quatrième classe de 4000 à 25 000 francs inclusivement
et un emprisonnement de 05 à 10 jours. Les contraventions sont contenues dans
les articles R. 364 à R. 370 CP.
En résumé, le fait générateur de la responsabilité pénale est la faute pénale ou
l’infraction. Dès lors qu’elle est constatée, il faut la mettre au compte de son
auteur. On parle d’imputation ou « imputare ». L’imputabilité renvoie d’une part
au lien de causalité entre la personne et l’infraction et d’autre part à la capacité de
la personne à répondre de l’infraction. Les deux sens se retrouvent dans le souci
de déterminer la personne pénalement responsable.

SECTION 2 : LA PERSONNE PENALEMENT RESPONSABLE

La responsabilité du latin « respondere » signifie le caractère de celui qui est


responsable. Et être responsable, c’est avoir la capacité de répondre d’un acte.
Transposé en matière pénale, la personne pénalement responsable est celle
qui peut répondre d’une infraction. C’est à ce stade qu’intervient la trilogie :

- responsabilité= répondre d’un acte,

- culpabilité= commettre une faute,

- imputabilité= mettre une infraction au compte d’une personne.

Sont pénalement responsable non seulement la personne physique (para 1),


mais aussi la personne morale (para 2).

Para 1 : la personne physique pénalement responsable

La personne physique pénalement responsable est tout individu, qui a eu un lien


conscient avec l’infraction. Sont visés : l’auteur (B), le complice (C) et le receleur

58
(D). au préalable, il faut rappeler le principe général de la responsabilité
personnelle (A).

A–le caractère personnel de la responsabilité pénale

La responsabilité pénale est une responsabilité individuelle (1). En conséquence,


la peine s’applique à la personne pénalement responsable (2).

1) le principe de la responsabilité individuelle

Le principe de la responsabilité individuelle signifie qu’une personne voit sa


responsabilité pénale engagée, si elle a elle-même participé à la perpétration de
l’infraction. C’est l’un des sens des dispositions de l’article 74 (2) CP : « Est
pénalement responsable, celui qui commet volontairement les éléments
constitutifs d’une infraction…. ». Ce qui exclut un principe général de
responsabilité pénale du fait d’autrui. Le père d’un mineur auteur d’une infraction
(vol) ne peut pas être condamné pénalement ; alors qu’il est civilement
responsable des dommages causés par son enfant. En outre, il n’existe pas de
responsabilité pénale collective. Par exemple, une famille ne peut être condamnée
pour une infraction commise par un enfant.

Cependant, il arrive que le fait d’un tiers soit la condition nécessaire de la


responsabilité pénale du fait d’autrui, des lors qu’autrui peut se voir reprocher ce
fait du tiers. En droit pénal du travail l’employeur voit sa responsabilité pénale
engagée du fait du travailleur ; parce qu’on peut reprocher à l’employeur de
n’avoir pas indiqué au travailleur les règles d’hygiène et de sécurité lui permettant
d’éviter les infractions (voir code de travail).

2) le principe de la personnalité des peines

Le principe de la personnalité des peines signifie que seule la personne déclarée


pénalement responsable doit subir les conséquences de la répression. Le
législateur camerounais le consacre dans les dispositions de l’article 74 (1) CP :

59
« Aucune peine ne peut être prononcée qu’à l’encontre de la personne
pénalement responsable ». On ne peut pas punir les membres de sa famille.

Toutefois, il existe des limites fondées sur la responsabilité pénale du fait d’autrui.
Il arrive qu’une personne commette une infraction et une autre subie la
sanction.Ainsi, le chef d’entreprise paie les amendes prononcées contre son
employé, qui commet une infraction au code de travail. Dans le code de la route,
le propriétaire de la carte grise de la voiture paie les amendes pour excès de vitesse
d’un chauffeur. En cas de décès du condamné, les amendes sont transmises aux
héritiers.

B–l’auteur et les coauteurs de l’infraction

1) l’auteur de l’infraction

L’auteur est la personne « qui commet les faits incriminés », ou « tente de


commettre » l’infraction. L’art. 74 (2) CP vise « celui qui commet volontairement
les éléments constitutifs d’une infraction ». Il existe plusieurs auteurs. L’auteur
matériel est celui qui commet lui-même l’acte incriminé. L’auteur intellectuel
ou l’auteur moral désigne celui qui fait accomplir l’acte incriminé par un tiers.
Dans les infractions involontaires commises par imprudence ou négligence,
l’auteur indirect est la personne qui intervient en amont dans la chaine de
causalité ayant abouti au dommage. Ex : l’automobiliste qui gare sur le trottoir,
obligeant un piéton à descendre sur la chaussée où il est renversé par un
cyclomoteur ou le conducteur déséquilibrant un cyclomotoriste qui se fait écraser
par le véhicule roulant à sa suite. Quant à l’auteur médiat, c’est la personne qui
laisse commettre l’infraction, en raison d’une omission fautive, par une personne
placée sous son autorité.Ex : celui qui confie sa voiture à un tiers n’ayant pas de
permis de conduire et provoquant un accident.

2) Les coauteurs de l’infraction

60
Un coauteur est celui qui participe avec autrui et en accord avec lui à la
commission d’une infraction, selon la teneur de l’article 96 CP. Il en ressort :

- un élément matériel : la commission ensemble des actes matériels constitutifs de


l’infraction,

- un élément moral : l’accord préalable de violer la loi pénale.

Par exemple, deux individus pénètrent dans une maison pour dérober divers
objets.La coaction n’est possible que dans les infractions intentionnelles, parce
que les coauteurs doivent partager l’intention criminelle. A l’inverse, il n’y a pas
de coaction dans les infractions non intentionnelles.

Des coauteurs commettent une infraction et un auteur pose un acte qui n’entrait
pas dans le projet criminel. Conformément à l’art. 99 (1) CP, si l’acte dépasse les
conséquences prévues dans l’accord criminel, il n’engage que celui qui a pris le
risque. C’est ainsi que dans une coaction de vol avec une arme, le voleur armé
profite de l’occasion pour tuer un ennemi personnel, qui n’a rien avoir avec le vol
prévu, son coauteur ou complice de vol n’est pas responsable de ce meurtre.

C–le complice de l’infraction

Le complice est la personne qui n’a pas commis l’infraction, mais qui a
participé à la commission de celle-ci. La complicité est prévue par l’article
97(1) CP. Les formes de cette participation sont déclinées par l’article 97 (1) CP :
« Est complice d’une infraction qualifiée crime ou délit :
Celui qui provoque de quelque manière que ce soit à l’infraction ou donne des
instructions pour la commettre ;
Celui qui aide ou facilite la préparation ou la consommation de l’infraction ». De
cette définition légale, il importe de dégager les conditions de la complicité (1)
et la répression de la complicité (2).

1–les conditions de la complicité

61
Il faut un acte de complicité (a). Il ne sera réprimé, que si l’infraction principale
(b) est établie.

a)l’existence d’un acte de complicité

L’acte de complicité comporte les éléments matériels et l’élément intellectuel. Les


éléments matériels de l’acte de complicité sont :

-l’aide ou l’assistance : elle renvoie à un fait positif commis avant ou pendant la


commission de l’infraction principale. Ex : le fait de jouer du clairon pour couvrir
les cris de la victime pendant que l’auteur principal la viole.

- la complicité par abstention : celui qui assiste passivement à la commission


d’une infraction n’est pas complice. Cependant, il devient complice si son
inactivité est blâmable. C’est le cas de l’agent de police qui laisse commettre un
vol ; alors qu’il pouvait intervenir pour arrêter le voleur.

-la complicité par instigation :c’est le fait de pousser quelqu’un à faire quelque
chose. Et on peut instiguer par provocation. Cela est possible par des : don,
promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir. L’illustration est
l’hypothèse de l’amant qui incite sa maitresse à se faire avorter en lui promettant
en lui promettant de l’argent ou de l’abandonner si elle refuse.

-la complicité par fourniture d’instructions : c’est le fait de procurer les


renseignements nécessaires à la réalisation de l’infraction. Ex : fourniture de
l’adresse et des habitudes de vie d’une personne devant faire l’objet d’un
enlèvement ou d’un assassinat.

L’élément moral de la complicité est la conscience de faciliter la commission


d’une infraction. On dit que le complice doit avoir participé sciemment à la
réalisation de l’infraction principale. La lecture de l’article 97 CP ne comporte
pas une disposition qui ressort cet élément moral. Mais il se déduit de la nature
des actes de complicité. Il est impossible de poser ces actes de complicité

62
involontairement. La preuve de l’acte de complicité incombe à la partie
poursuivante, et le juge doit apprécier qu’elle existe.
Le complice est conscient de l’utilisation qui sera fait des informations. A
l’inverse, le comparse fournit les informations sans connaitre le projet criminel.
Il ne sera pas responsable.

Le juge camerounais s’est prononcé sur la complicité en exigeant que le complice


soit conscient de l’usage qui sera fait de l’aide qu’il apporte pour la commission
du crime : Cour Suprême du Cameroun Oriental, Arrêt n°173/P du 11 juin
1963, Affaire Ministre de la justice garde des Sceaux c/ Dering Guezere,
B.A.C.S., n°8, p. 509 et ss : en l’espèce, Mr Mozongo, décédé, avait remis à
Dering Guezere un poison végétal non identifié. Il s’est procuré ce poison pour se
venger de Gambara Woundou avec lequel il était en mauvais terme. Par la suite,
Mme Dering Guezere (Mougoulkou Vondou) s’est servi pour empoisonner son
voisin Kokvowa Damba, sa fille et sa petite fille. La Cour criminelle de Garoua a
retenu Mr Dering Guezere, comme complice de l’empoisonnement parce qu’il a
remis le poison à son épouse d’une part, et que le projet d’empoisonner Gambara
Woundou ressemble au projet d’empoisonner Kokvowa Damba. Mr Dering
Guezere, en revanche, se défend de cette accusation en disant qu’il n’avait pas agi
de concert avec son épouse. La Cour suprême du Cameroun Oriental a cassé et
annulé l’arrêt de la Cour criminelle de Garoua. Cela veut dire que la complicité
n’est pas établie en cas d’ignorance du projet criminel.

b) l’existence d’une infraction principale

L’acte de complicité est au service d’une infraction principale. C’est la teneur de


l’article 97 alinéa 1 CP : « Est complice d’une infraction qualifiée de crime ou
délit… ». L’infraction principale doit être un crime ou un délit. A contrario, il
ne s’agit pas d’une contravention. L’infraction principale présente certains
caractères :

63
–l’infraction principale doit être punissable : la répression du complice sera
impossible, si le fait principal est prescrit, effacé par amnistie ou neutralisé par un
fait justificatif. Si l’auteur de l’infraction principal a désisté volontairement, le
complice ne sera pas puni.

–l’infraction principale doit être objectivement punie : si l’auteur principal n’a


pas été poursuivi pour une raison de fait (ex : fuite, classement sans suite, décès)
ou de droit (démence, minorité, amnistie à titre personnel), le complice peut
néanmoins être condamné. Si l’auteur principal a bénéficié d’une décision de non-
lieu ou de relaxe fondée sur une cause personnelle (démence, minorité, amnistie
à titre personnel), le complice demeure punissable.

2–la répression de la complicité

La sanction de la complicité repose sur le principe de la répression identique entre


le complice et l’auteur principal (a). Il est atténué par la répression discriminatoire
(b).

a)le principe de la répression identique entre le complice et l’auteur principal

En matière de répression, le principe est que le complice et l’auteur principal


encourent la même peine. C’est la substance de l’article 98 alinéa 1 du CP : « les
coauteurs et complices sont passibles des mêmes peines que l’auteur
principal… ». Le fondement de ce principe est dans « l’emprunt de criminalité ».
Il signifie que l’acte du complice emprunte sa criminalité à l’infraction de l’auteur
principal. Ex : le complice qui prête une arme au meurtrier en sachant l’usage
qu’il va en faire est passible des mêmes peines que le meurtrier lui-même.
Le principe de la répression identique est étendu aux circonstances aggravantes
réelles. Elles sont relatives à l’infraction elle-même, et s’applique à tous les
protagonistes, y compris le complice. Il importe de préciser qu’il est question des
circonstances que les protagonistes pouvaient prévoir. On parle des circonstances

64
aggravantes réelles prévisibles. Ex : réunion, effraction, violence, usage d’une
arme.

Le juge camerounais précise que le complice d’une association de malfaiteurs est


poursuivi, même si les noms et qualités des membres ou co-auteurs de cette
association restent inconnus. Lire sur la question : Cour suprême, Arrêt n°
184/P du 18 juin 1963, Affaire Teping Mathias c/Commissaire du
Gouvernement, B.A.C.S., n° 8, p. 518 et s :

b) l’atténuation par la répression discriminatoire entre le complice et


l’auteur principal

La répression discriminatoire voudrait que dans certaines hypothèses ou pour


certaines raisons, le complice et l’auteur principal ne fassent pas l’objet d’une
sanction identique. Il en est ainsi du fait :
–Les circonstances personnelles sont celles liées à la seule personne de l’auteur
des faits, et qui ne sont pas applicables au complice. Dans ce sens, l’article 98 (2)
CP dispose : « les circonstances personnelles d’où résultent exonération de
responsabilité, exemption, atténuation ou aggravation de peine n’ont d’effet qu’à
l’égard de l’auteur ou du complice en la personne de qui elles se rencontrent ».
En guise d’illustration, la récidive légale ou l’excuse de minorité qui bénéficie à
l’auteur de l’infraction ne s’étendent pas au complice.

–les circonstances réelles imprévisibles : Elles sont relatives à l’infraction elle-


même, et s’appliquent seulement à l’auteur de l’infraction à l’exclusion du
complice. Ce dernier est exonérer de la portion de la répression, parce qu’il ne
pouvait pas les prévoir. En plus, l’auteur de l’infraction avait un objectif personnel
à réaliser, que le complice ne pouvait connaitre. Il est logique qu’il ne réponde
pas de cet acte, étranger au projet criminel. Ex : un complice procure le somnifère
pour endormir le chauffeur d’une voiture. L’auteur du vol de la voiture décide de
tuer le chauffeur avant de prendre la voiture, parce qu’il est son rival. Le complice
sera puni pour vol de voiture et l’auteur pour meurtre.
65
D–le receleur de l’infraction

1–le contenu du recel

Le receleur se définit comme celui, qui après la commission d’un crime ou d’un
délit, soustrait le malfaiteur ou ses complices à l’arrestation ou aux recherches ou
qui détient ou dispose des choses enlevées, détournées ou obtenues à l’aide de
l’infraction, selon les termes de l’article 100 alinéa 1. CP. Cette définition légale
donne des informations permettant de cerner le recel par rapport à la nature de
l’infraction, au moment et à l’action de l’infracteur.
S’agissant de la nature de l’infraction, le recel est établi en présence d’un crime
ou d’un délit. En d’autres termes, il n’existe pas de recel en matière
contraventionnelle. Pour ce qui est du moment, le receleur intervient après la
commission de l’infraction. Il apparait une distinction entre le complice et l’auteur
de l’infraction. Le complice agit avant ou pendant la commission de l’infraction.
L’auteur exécute l’infraction. Concernant l’action de l’infracteur, le receleur
garde les choses obtenues de l’infraction ou les personnes (auteur ou complice)
qui ont réalisé l’infraction. Sur cette base, le recel des biens se distingue du recel
de personnes. Une précision ressort sur le recel de personnes, il n’est pas retenu
par la loi entre époux. Cette exception est fondée sur le lien matrimonial et se
retrouve en cas de conspiration. Elle est exclue en cas de coaction ou de
complicité. Les autres degrés de parenté ne bénéficient pas de cette exception,
mais des circonstances atténuantes.

2–la répression du recel

La répression du recel repose sur la distinction du recel de biens et du recel de


personnes. Le recel de biens est réprimé par les dispositions de l’article 324 CP.
Les peines sont celles de l’article 318 CP si le recel est un délit (alinéa 1). Et si le
recel est qualifié de crime, les peines sont doublées (alinéa 2). Quant au recel de
personnes, la répression est organisée par l’article 194 CP « Recel d’individus ».
L’emprisonnement est de 02 mois à 02 ans pour le recel d’individus punis de peine
66
criminelle ou correctionnelle (alinéa 1). L’emprisonnement est de 02 à 10 ans en
cas de recel d’un individu passible de la peine de mort (alinéa 2). Les causes
d’irresponsabilité en la personne de l’individu recélée sont sans conséquences sur
la responsabilité du receleur.

De ce qui précède, il apparait que la personne physique pénalement responsable


varie de statut selon les phases de consommation de l’infraction. Elle peut être un
complice, un auteur de l’infraction ou un receleur. Cependant, à côté de la
personne physique, il arrive que la personne morale soit pénalement responsable.

Para 2 : la personne morale pénalement responsable

La personne morale désigne un groupement doté d’une personnalité juridique,


donc titulaire lui-même de droits et d’obligations abstraction faite de la personne
des membres qui le composent. Elle peut être de droit public ou de droit privé ou
mixte. Ex : société, association, syndicat, Etat, collectivités territoriales,
établissements publics. La question s’est posée de savoir si la personne morale est
pénalement responsable. Elle a été suivie d’une controverse doctrinale (A). Par la
suite, la responsabilité pénale des personnes morales a été admise (B).

A–la controverse sur la responsabilité pénale de la personne morale

Peut-on engager la responsabilité pénale d’une personne morale ? Cette question


a suscité une controverse entre opposants et partisans de la responsabilité pénale
des personnes morales.

1–les opposants de la responsabilité pénale de la personne morale

L’irresponsabilité pénale des personnes morales est traduite par la maxime :


« societasdelinquere non potest ». Quatre arguments justifient que la personne
morale ne soit pas responsable. Le premier est que pour être pénalement
responsable, il faut être capable de manifester une volonté personnelle. Le
groupement en tant que fiction juridique, est incapable de volonté
personnelle. Le deuxième est qu’un groupement doit avoir un objet social (c’est
67
le principe dit de « spécialité »). Cet objet ne saurait consister en la commission
d’une infraction. Le troisième est que la peine ne peut s’appliquer qu’à la
personne physique, au regard de ses fonctions et de sa nature. Ce qui exclut le
groupement. Le dernier est qu’une responsabilité pénale de la personne morale
serait une atteinte au principe de la personnalité des peines. Punir la personne
morale serait punir tous les membres d’un groupement.C’est pour toutes ces
raisons que la responsabilité des personnes morales ne doit pas être admise.

2–les partisans de la responsabilité pénale de la personne morale

Un courant de la doctrine pense que la personne morale doit être pénalement


responsable. Cette opinion repose sur certains arguments. Le premier répond à la
fiction juridique : en effet une personne morale peut avoir une volonté propre
distincte de la volonté individuelle de ses membres. Le deuxième répond au
principe de spécialité : la personne morale ne peut avoir pour objet la commission
d’une infraction. Cependant son activité peut donner lieu à la commission
d’une infraction. Le troisième est une réponse à l’incapacité de la personne
morale de subir la peine : on observe que la personne morale peut être
sanctionnée par la suppression ou la restriction de ses droits ou des atteintes
à son patrimoine. Le dernier est une réponse à la violation du principe de la
personnalité des peines. En effet, toute condamnation peut avoir des
répercussions sur des tiers innocents. Incarcérer et amender un individu prive
sa famille d’un revenu. Il n’y a pas pour autant violation du principe de la
personnalité des peines. C’est pourquoi la sanction de la personne morale ne
constitue pas un retour à une responsabilité pénale collective.

B–l’admission de la responsabilité pénale de la personne morale

En droit pénal camerounais, la responsabilité pénale des personnes morales est


admise. Cette admission est le fruit d’une évolution d’une existence éparpillée (1)
à une généralisation (2).

68
1-Une existence éparpillée de la responsabilité pénale des personnes morales

De nombreux textes épars consacrent la responsabilité pénale de la personne


morale.Sans prétention à l’exhaustivité, il peut être fait mention des lois n°89/27
du 29 décembre 1989 portant sur les déchets toxiques et dangereux (article 4-
3); n°94/01 du 10 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la
pêche (article 150 al.1, « Est pénalement responsable et passible des peines
prévues à cet effet, toute personne physique ou morale qui contrevient aux
dispositions de la présente loi et des textes réglementaires pris pour son
application »); n°99/015 du 22 décembre 1999 portant création et organisation
d’un marché financier (article 35 al.1) ; la loi n°05/015 du 29 décembre 2005
relative à la lutte contre la traite et le trafic des enfants (article 7, « Nonobstant la
responsabilité pénale de leurs dirigeants, les personnes morales peuvent être
déclarées pénalement responsables et condamnées aux amendes (…) lorsque les
infractions ont été commises par lesdits dirigeants, agissant dans l’exercice de
leur fonction »).

A l’échelle sous régionale, mention peut également être faite à titre illustratif, du
règlement communautaire CEMAC, n°01/031 du 4 avril 2003 portant prévention
et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en
Afrique Centrale (article 46, « Les personnes morales autres l’Etat, pour le
compte ou au bénéfice desquelles le blanchiment des capitaux a été commis par
l’un de leurs organes ou représentants sont punis d’amende »). La loi n°2010/012
du 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et la cybercriminalité au
Cameroun en son article 64.- dispose : « (1) les personnes morales sont
pénalement responsables des infractions commises, pour leur compte, par leurs
organes dirigeants ». De même, la Loi N° 2014/028 du 23 décembre 2014
portant répression des actes de terrorisme dispose en son article 6 :
« Responsabilité pénale des personnes morales
(1) Pour l'application de la présente loi, une personne morale peut être déclarée

69
pénalement responsable.
(2) Lorsqu'une personne morale est déclarée pénalement responsable des actes de
terrorisme, la peine est une amende dont le minimum est de cinquante millions
(50. 000. 000) francs CFA ».

2-Une généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales

Apres les textes épars, le législateur a décidé de consacrer dans un texte de droit
commun, la responsabilité pénale des personnes morales. Il l’a fait en édictant
l’article 74-I titré : « Personnes morales pénalement responsables ».

Il convient d’observer qu’admettre la responsabilité pénale de la personne morale


ne lui donne pas les mains, les pieds et la bouche. C’est dire que la personne
morale pose les actes de la vie juridique, par l’intermédiaire de ses organes
représentants. Et ces derniers sont des personnes physiques agissant au nom et
pour le compte de la personne morale. La question qu’on peut se poser est de
savoir si l’admission de la responsabilité pénale de la personne morale exclut toute
interrogation sur celle de la personne physique l’ayant représentée. La réponse à
cette question en droit camerounais peut être déduite de l’article 64.-(2) de la loi
n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et la cybercriminalité
au Cameroun. Il dispose : « La responsabilité pénale des personnes morales
n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes
faits ».

En bref, la responsabilité pénale en droit camerounais peut être établie à l’encontre


non seulement d’une personne physique, mais aussi une personne morale. Il arrive
aussi que la responsabilité pénale connaisse une altération.

SECTION 3 : L’ALTERATION DE LA RESPONSABILITE PENALE

Des lors que le juge établit l’existence d’un comportement incriminé par la loi
pénale et l’impute à une personne ayant agi comme auteur, coauteur ou complice ;
il doit déclarer cette personne responsable. Cependant, certaines hypothèses

70
peuvent justifier qu’on ne retienne pas la responsabilité pénale ou même si elle
est retenue, qu’elle soit atténuée. On dit qu’il y a altération de la responsabilité
pénale. En effet, l’altération de la responsabilité pénale permet de distinguer : les
causes d’irresponsabilité (para 1) et celles d’atténuation de la responsabilité
pénale (2).

Para 1 : les causes d’irresponsabilité pénale

Les causes d’irresponsabilité pénale s’entendent des hypothèses où la loi


interdit que la responsabilité pénale de la personne poursuivie soit effectivement
engagée. Il est concrètement question des faits justificatifs. Ce sont des cas où
un comportement en principe illicite, devient licite. Il y a effacement du caractère
illicite, et disparition de la faute pénale. Ainsi, l’acte posé ne peut pas permettre
de déclarer la culpabilité de l’auteur de l’acte ou que l’auteur de l’acte a commis
une faute pénale (infraction). On parle des causes de non-culpabilité. C’est
reconnaitre que l’irresponsabilité pénale a pour fondement le fait justificatif.
L’examen des causes d’irresponsabilité pénale se résume en leur substance (A) et
leurs effets (B).

A–la substance des causes d’irresponsabilité pénale

La substance des causes d’irresponsabilité pénale est l’ensemble des faits


justificatifs. Ils rendent l’auteur de l’infraction pénalement irresponsable par
l’effacement de l’élément légal de l’infraction. Il peut être effacé soit par la
volonté de la loi (1), soit par la volonté des parties (2).

1–l’irresponsabilité pénale par la volonté de la loi

Le code pénal camerounais prévoit les faits justificatifs suivants : l’exécution de


la loi, l’obéissance à l’autorité légale, la légitime défense, cas fortuit et contrainte
matérielle et l’état de nécessité.

–l’exécution de la loi : l’article 76 CP dispose : « ne constitue aucune infraction,


le fait ordonné ou autorisé par la loi et accompli conformément à la loi. ». Il
71
ressort de cet article que certains actes, à l’origine des infractions, cessent de l’être
par autorisation de la loi. En l’absence de cette autorisation, l’auteur de l’acte
serait considérer comme un infracteur. Cependant, l’exécution de la loi est
encadrée par des conditions de fond et de forme pour éviter l’excès de zèle. La
personne qui sort des limites de l’autorisation de la loi est condamnable. C’est
ainsi que le fonctionnaire de police ou de gendarmerie, qui entre chez un
particulier pour accomplir un acte d’enquête, ne commet pas une violation
de domicile. Mais si le même fonctionnaire n’effectue pas une enquête, il commet
l’infraction de violation de domicile avec l’aggravation spéciale tenant à sa qualité
de fonctionnaire.

–l’obéissance à l’autorité légale : l’article 83 CP : « (1) la responsabilité pénale


ne peut résulter d’un acte accompli sur les ordres d’une autorité compétente à
laquelle l’obéissance est légitimement due. (2) les dispositions de l’alinéa
précédent ne sont toutefois pas applicables si l’ordre est manifestement
illégitime». Pour faire valoir l’obéissance à l’autorité légale, il faut d’abord un
acte ordonné, ensuite un ordre émanant d’une autorité compétente, enfin le refus
d’un ordre illégitime. L’exigence d’un acte ordonné voudrait que la personne ne
pose pas un acte de sa propre initiative. Elle doit attendre qu’un supérieur
hiérarchique lui formule un ordre. L’autorité compétente peut être une autorité
publique (civile ou militaire) et non une autorité privée (chef de famille,
employeur). Elle est compétente parce qu’elle agit dans le cadre de ses fonctions.
En guise d’illustration, l’ordre légal serait l’exécution par un officier de police
judiciaire d’un mandat d’arrêt décerné par un juge d’instruction.
Quant au refus d’un ordre illégitime, il se pose le problème de l’appréciation de
l’illégalité de l’ordre. En doctrine, deux théories se concurrencent : la théorie de
l’obéissance passive et la théorie de l’obéissance raisonnée. Selon la théorie de
l’obéissance passive, le subordonné est tenu d’obéir, même si l’ordre est illégal,
car l’acte délictueux incombe à celui qui a donné l’ordre. Selon la théorie de

72
l’obéissance raisonnée, le subordonné doit apprécier la légalité de l’ordre reçu. Le
législateur camerounais adhère à une vision intermédiaire. Elle consiste pour
l’agent à obéir sans discuter d’une part ; mais s’il trouve l’ordre illégitime, il
refuse d’obéir d’autre part. Et s’il exécute un ordre manifestement illégitime, sa
responsabilité pénale sera engagée. Cependant, une incertitude demeure sur la
capacité du subordonné à apprécier l’ordre. La solution est dans l’appréciation de
la situation in concreto par le juge. Ex : le mandat d’un juge d’amener une
personne, au besoin en lui administrant une bastonnade, peut être qualifié
par un policier d’illégal.

Le juge camerounais a eu a rejeté l’obéissance à l’autorité légale, lorsque l’ordre


de l’autorité a été frauduleusement obtenu. Ici l’autorité a été induite en erreur et
l’ordre illégalement exécuté : Cour suprême, Arrêt n° 4 du 7 octobre 1968,
Affaire Ngoyé Emmanuel, Moukouri Georges et la Commune de plein
exercice de Douala contre Ministère public, Moulel Benoit, Fola Gisèle et
autres, B.A.C.S., n°21, p. 2485 : en l’espèce, Moukouri avait induit en erreur le
délégué du Gouvernement auprès de la commune de Douala pour obtenir une
décision favorable à son protégé Ngoyé, puis il s’est substitué aux techniciens
compétent en se transportant sur les lieux avec 03 gardiens de la paix pour diriger
la destruction de biens dont il est accusé. C’est à bon droit que sa responsabilité
pénale a été retenue.

–la légitime défense : l’article 84 CP dispose « (1) La responsabilité pénale ne


peut résulter d’un acte commandé par la nécessité immédiate de la défense de
soi-même ou d’autrui ou d’un droit appartenant à soi-même ou d’autrui contre
une atteinte illégitime à condition que la défense soit proportionné à la gravité de
l’atteinte. (2) Il y a toujours juste proportion entre l’homicide et l’atteinte qui
donne lieu de craindre soit la mort, soit les blessures graves telles que prévues au
présent Code, soit le viol ou la sodomie ». Il apparaît du présent article, qu’un

73
examen des conditions de la légitime défense s’impose. Elles consistent en
l’attaque, la défense.

L’attaque doit être illégitime, c’est-à-dire illégal ou injuste. C’est un acte qui
porte atteinte à soi-même ou à autrui d’une part, à ses droits ou aux droits d’autrui
d’autre part. En conséquence, il n’y a pas attaque, si l’atteinte à la personne ou à
un droit est justifiée par la loi. C’est pourquoi, on ne peut pas se défendre contre
une arrestation légitime de la police. La raison est que c’est une attaque légitime.
Cependant le cambriolage d’une maison est une attaque illégitime.

La défense ou la riposte doit être actuelle ou imminente. Cela signifie que la


menace ne doit pas donner le temps à la personne qui se défend de recourir aux
forces de l’ordre pour obtenir une protection. Et la défense doit être
proportionnée à l’attaque. C’est une application de la loi du talion « œil pour
œil, dent pour dent ». On ne doit pas répondre à un coup de poing par un coup de
feu. Lorsque la proportion est dépassée, le défenseur peut bénéficier d’une
circonstance atténuante.

–Cas fortuit et contrainte matérielle : l’article 77 CP dispose : « la


responsabilité pénale ne peut résulter ni du cas fortuit, ni de la contrainte
matérielle irrésistible». La contrainte renvoie à toutes circonstances physiques
supprimant la liberté de l’agent. Si la contrainte physique supprime le libre arbitre,
il convient de reconnaître qu’il y a la main de l’homme derriere cet acte. La
contrainte peut aussi être morale. On parle de menace (article 81 CP). La
contrainte supprime la responsabilité pénale et civile à la triple condition qu’elle
soit extérieure, imprévisible et irrésistible. On ne saurait évoquer la contrainte
lorsque volontairement on se compromet. C’est le cas de celui qui joint une
bande de délinquants et subit des pressions pour commettre une infraction.
Or le cas fortuit renvoie à un évènement imprévisible provoqué par une cause
exterieure, comme une catastrophe naturelle (un accident, un tremblement de
terre, …) et qui dégage une personne ou une entité de ses responsabilités. La

74
particularité du cas fortuit est qu’il n’existe pas à l’origine de la situation, la main
de l’homme. Ex : violer le feu rouge et excès de vitesse, pour éviter d’être
enseveli par les larves d’un volcan.

–l’état de nécessité : l’article 86 CP dispose : «…la responsabilité pénale ne peut


résulter de l’atteinte faite à un bien dans le but de détourner de soi-même ou
d’autrui ou d’un bien appartenant à soi-même ou à autrui, un péril grave,
imminent et non autrement évitable, à condition qu’il n’y ait pas disproportion
entre le mal à écarter et la mesure prise pour le prévenir ». Il ressort de cet article
que l’état de nécessité requiert certaines conditions. La première est l’existence
d’un péril. Il est question d’un évènement qui menace une personne ou un bien.
Ce péril revêt certains caractères : la gravité, l’imminence ou l’actualité. La
seconde condition est la réponse au péril. Elle consiste en l’atteinte faite à un
bien pour sauvegarder une personne ou un autre bien. Cette atteinte constitue
en principe une infraction, en dehors de l’état de nécessité. Entre le péril et la
réponse au péril, s’impose l’exigence de proportionnalité. Ex : si un incendie
menace de se propager, l’état de nécessité justifie la destruction d’un
immeuble pour enrayer l’incendie. A l’inverse, on ne saurait détruire la
maison d’autrui pour sauver un hangar modique.

2–l’irresponsabilité pénale par la volonté des parties

Il arrive qu’une infraction soit commise, mais que la responsabilité pénale de


l’auteur ne soit pas engagée du fait de la volonté des parties. Le fait justificatif qui
rend plausible cette hypothèse est le consentement de la victime. C’est le sens de
l’adage latin : « volenti non fit injuria ». Il signifie : « il n’est pas fait de tort à
celui qui a consenti ». En effet, le consentement de la victime a le pouvoir de
faire disparaître l’infraction. L’acte posé est normalement une infraction, mais
le consentement postérieur efface le caractère infractionnel de l’acte et paralyse
ainsi toute initiative de mise en œuvre de l’action publique. A contrario,
l’absence de consentement de la victime suffit pour que l’acte posé conserve sa

75
nature infractionnelle. C’est ainsi qu’il n’existe plus de vol, si le propriétaire
consent à la soustraction, plus de viol si la femme consent les relations sexuelles
forcées au départ.

Ce fait justificatif a pour fondement le respect de l’intérêt privé. Il importe de


préciser que ce fait justificatif ne couvre pas toutes les infractions. Parfois, pour
préserver l’intérêt général, le législateur va considérer que la nature
infractionnelle d’un acte demeure, malgré le consentement de la victime. La
protection de la société l’emporte sur celle des particuliers. Dans cette optique,
l’homosexualité sera réprimée, même si les partenaires ont consenti (art. 347 bis
CP). De même, le législateur camerounais n’ayant pas légiféré sur l’euthanasie,
la mort causé même avec le consentement du malade est assimilée au meurtre
(article 275 CP). Au terme de ces exemples, les valeurs sociales protégées sont
les mœurs (homosexualité) et la vie (euthasie).

B–les effets des causes d’irresponsabilité pénale

Les causes d’irresponsabilité pénale ont en commun l’exclusion de la


responsabilité pénale (1) et civile (2).

1–l’exclusion de la responsabilité pénale

Les faits justificatifs ont pour effet de supprimer la responsabilité pénale, parce
que l’acte accompli (une infraction) devient un acte licite ou neutralisant la loi.
Le fait justificatif devient un acte licite par la volonté de la loi. C’est ce qui
s’observe avec :l’exécution de la loi, l’obéissance à l’autorité légale, la légitime
défense et l’état de nécessité. De même, le fait justificatif neutralise la loi, lorsque
l’acte posé fait disparaitre les conditions d’application de la loi pénale.
L’illustration est fournie par le consentement de la victime.
La responsabilité pénale est exclue parce que la poursuite ne doit pas être engagée.
Si elle a été, elle doit se conclure par un non-lieu, une relaxe ou un acquittement

76
sans frais. En outre, l’auteur ayant posé un acte au service de la société, il ne
saurait se voir appliquée les mesures de sureté.

2–l’exclusion de la responsabilité civile

Le fait justificatif exclut la responsabilité civile sur le fondement de l’absence de


faute de l’auteur du fait. La responsabilité civile de l’article 1382 CCIV repose
sur la faute civile. Il est question d’une violation de la loi. Or le fait justificatif est
une permission de la loi. Il n’y a donc pas à réparer les conséquences d’un acte
permis par la loi, parce qu’il ne constitue pas une faute. C’est dans le même sens
qu’on peut inscrire le consentement de la victime. Ce dernier enlève à l’infraction
initiale son caractère fautif.

NB : il convient de rappeler que ces effets sont assujettis à la condition du respect


des critères légaux de leur existence. En d’excès, ces faits justificatifs deviennent
souvent des excuses atténuantes d’une responsabilité pénale admise.

Para 2 : les causes d’atténuation de la responsabilité pénale

Les causes d’atténuation de la responsabilité pénale sont les hypothèses où


l’auteur de l’infraction est déclaré coupable, mais les peines prononcées sont
diminuées par rapport aux peines normalement encourues. Cette atténuation de la
responsabilité pénale a pour socle l’affaiblissement de l’imputabilité. Celle-ci
suppose la capacité de comprendre et de vouloir son acte, la liberté d’agir. On
parle aussi de discernement ou lucidité. C’est pourquoi les causes d’atténuation
de la responsabilité pénale sont assimilables aux causes de non imputabilité. Elles
peuvent être analysées à travers leur substance (A) et leurs effets (B).

A–la substance des causes d’atténuation de la responsabilité pénale

L’atténuation de la responsabilité pénale peut reposer sur des causes internes ou


externes.

1–les causes internes d’atténuation de la responsabilité pénale

77
La responsabilité pénale peut être atténuée pour des causes propres internes à la
personne du délinquant, à l’exclusion de toute influence externe. On parle
d’atténuation subjective. Et ces raisons sont : la démence et la minorité.

–la démence : l’article 78 CP dispose : « (1) la responsabilité pénale ne peut


résulter du fait d’un individu atteint d’une maladie mentale telle que sa volonté a
été abolie ou qu’il n’a pu avoir conscience du caractère répréhensible de son
acte ». Il ressort de cet article que la maladie mentale est une cause d’abolition de
la volonté. Le malade n’a plus la liberté et la lucidité pour apprécier son acte. Il y
a une absence de l’élément moral pour que la faute pénale soit totalement
constituée. Si le malade mental échappe à la peine, il s’expose aux mesures de
sureté à raison du danger social qu’il représente.

– la minorité : aux termes de l’article 80 CP, le mineur de 10 ans n’est pas


pénalement responsable (1). Il ne sera pas jugé, mais fera l’objet des mesures
de garde ou de protection. Ce ne sont pas des sanctions pénales (peines et
mesures de sureté). Le mineur de 10 à 14 ans est pénalement responsable (2).
Cependant, le juge pénal le place dans un centre de rééducation. Le mineur
de 14 et moins de 18 ans pénalement responsable, bénéficie de l’excuse
atténuante (3). Il verra sa sanction réduite. Et le majeur de 18 ans est
pénalement responsable (4). On peut lui la même sanction pénale que les
adultes. Il apparait que le mineur n’a pas la même lucidité et liberté que l’adulte
pour apprécier son acte. Et l’article 80 procède à une sorte de gradation de son
discernement selon les stades d’évolution de sa personnalité. La petite enfance ou
l’infans se distingue de la moyenne enfance et de l’âge adulte.

2–les causes externes d’atténuation de la responsabilité pénale

La responsabilité pénale peut être atténuée pour des causes propres externes à la
personne du délinquant. Ce sont les cas où la personne se trouve obliger de
commettre une infraction, parce qu’il est exposé à une certaine influence. Il en est
ainsi de :
78
–l’intoxication : l’article 79 CP « l’intoxication qui n’est pas volontaire est
assimilée à la maladie mentale ». La personne victime d’une intoxication perd la
lucidité dans l’appréciation de ses actes. Une infraction commise dans cette
circonstance n’est pas de nature à engager sa responsabilité pénale. L’atténuation
de la responsabilité pénale est objective si la personne est involontairement
intoxiquée. Et l’intoxication peut résulter soit de l’alcool ou d’autres substances
toxiques. En assimilant l’intoxication à la maladie mentale, il importe de préciser
que la personne intoxiquée fera l’objet des mesures de sureté et ne subira pas de
peine. Elle peut être suivie dans un centre de désintoxication. Cependant une
intoxication volontaire est assimilée à une faute pénale de négligence ou
d’imprudence.

–erreur : l’article 75 CP dispose : « L’ignorance de la loi et le mobile n’influent


pas sur la responsabilité pénale ». Cette disposition démontre qu’on ne saurait se
prévaloir d’une erreur pour justifier l’inapplication de la loi pénale. La raison est
que nul n’est censé ignoré la loi, « nemo censetur ignorare legem ». Cependant
l’erreur de fait et de droit amènent le juge à retenir les circonstances
atténuantes. L’erreur de fait est la méprise de l’agent sur la matérialité de l’acte.
C’est le cas de la personne que se trompe sur l’âge de la victime. Et l’erreur
de droit consiste soit dans l’ignorance de la loi, soit dans sa mauvaise
interprétation. L’erreur de droit ne prospère que si elle est invincible. Elle se
rapproche de la contrainte.

B–les effets des causes d’atténuation de la responsabilité pénale

L’expression « atténuation » est trompeuse dans les effets des causes


d’atténuation de la responsabilité pénale, des lors qu’on y aperçoit les causes de
non imputabilité. Les corollaires logiques sont la survie de la responsabilité pénale
(1) et le maintien de la responsabilité civile (2).

1–la survie de la responsabilité pénale

79
L’observation des causes de non-imputabilité ne permet de constater la disparition
de la responsabilité pénale comme dans les causes d’irresponsabilité pénale. La
non-imputabilité handicape la responsabilité pénale fondée sur le mauvais usage
de la liberté. C’est pourquoi l’application des peines n’est pas possible.
Cependant, il demeure une responsabilité pénale fondé sur la temibilité ou le
danger social que représente le délinquant. En conséquence, le levier de la
sanction pénale utilisée est la mesure de sureté. En guise d’illustration, la
démence, la minorité et l’intoxication portent atteinte à la liberté du délinquant.
Ce dernier constitue un danger social justifiant les mesures de sureté prises en son
encontre. Il en ainsi de l’internement dans un établissement psychiatrique, du
placement dans un centre de rééducation et l’administration d’une cure de
désintoxication. Quant à l’erreur, elle n’est pas une cause de non imputabilité
légale. C’est le juge qui en fait une appréciation, en vue d’accorder ou pas des
circonstances atténuantes.

2–le maintien de la responsabilité civile

La conséquence des causes de non-imputabilité en matière civile est le maintien


de la responsabilité. C’est reconnaitre que la faute civile existe à l’indifférence de
l’élément intentionnel. L’article 1382 cciv définit la faute civile comme tout fait
quelconque qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer. Il apparait que l’expression « tout fait quelconque » englobe le
fait intentionnel et le fait non intentionnel. Et les causes de non imputabilité (la
démence, la minorité et l’intoxication) sont à l’origine du fait non intentionnel,
source d’incapacité en droit civil. Il ne faut pas y voir l’absence d’intention, mais
la baisse de vigilance. Et la responsabilité civile oblige celui qui est capable de
répondre de ses actes et l’incapable mineur ou majeur voit ses actes assumés par
un répondant (voir les articles 1384 CCIV). Cette obligation de réparer à
l’indifférence de la nature de la faute (intentionnelle ou non-intentionnelle) a pour
socle le principe général de droit suivant lequel : « tout tort doit être réparé ».

80
En conclusion, l’étude de la responsabilité pénale commande d’abord d’établir un
fait générateur ; ensuite ce fait doit être rattaché à une personne pénalement
responsable ; enfin il convient de s’appesantir sur une possible altération de la
responsabilité pénale. En l’absence des causes d’irresponsabilité pénale, la
personne reconnue pénalement responsable subira la sanction pénale.

CHAPITRE 2 : LA SANCTION PENALE

La sanction pénale désigne une mesure prononcée contre une personne ayant
participé à la commission d’une infraction et qui n’est pas protéger par un
fait justificatif. Elle peut consister soit en une peine, soit en une mesure de
sureté. Avec l’école classique, la sanction pénale se limitait à la peine et désignait
la souffrance que l’on infligeait à l’auteur de l’infraction pour le mauvais usage
de sa liberté. Elle ne visait que les personnes physiques. Par la suite, l’école
positiviste a démontré que l’homme n’était pas toujours libre dans la commission
d’un acte. Il peut être déterminé anthropologiquement ou sociologiquement. Sur
cette base, le délinquant est un danger pour la société, qui doit se préserver par
des mesures de sureté. Ces dernières constituent le second levier de la sanction
pénale. De nos jours, les personnes contre qui s’applique la sanction pénale sont :
la personne physique et la personne morale. Une étude de la sanction pénale peut
s’organiser autour :
-des généralités sur la sanction pénale (section 1)
-les modalités de la sanction pénale (section 2)

SECTION I : LES GENERALITES SUR LA SANCTION PENALE

Para 1 : la typologie de la sanction pénale

A-les peines

La peine est une mesure punitive ou réparatrice infligée à celui qui commet une
infraction. Les peines peuvent être principales, accessoires et complémentaires.

81
La peine principale est une condamnation pénale qui doit être expressément
prononcée par le juge en application de la loi.

La peine accessoire est une peine attachée de plein droit à une condamnation
pénale sans avoir à être expressément prononcée. La peine est accessoire parce
qu’il existe une peine principale à laquelle elle est attachée. Le juge ne saurait
prononcer la peine principale sans l’accompagner de la peine accessoire.

Une peine complémentaire est celle qui s’ajoute à la peine principale, lorsque la
loi l’a prévue et que le juge la prononce. Il est tenu de la prononcer si la peine
complémentaire est « obligatoire » ; il n’est pas tenu si la dite peine est facultative.

La peine alternative est une peine qui peut être prononcée au lieu d’une autre et
à titre de peine principale.

Se basant sur le code pénal de 2016 au Cameroun, il ressort que les peines
principales connaissent un élargissement. Elles visent désormais les personnes
physiques et morales (art. 18 CP). Les peines alternatives (art. 18-1) apparaissent
et sont : le travail d’intérêt général (art 26) et de la sanction-réparation (art 26-1).
Par conséquent, la détention de l’art 26 CP de 1967 disparait. De nouvelles peines
apparaissent pour s’appliquer à la personne morale : amende (art 25-1), la
dissolution (art 25-2) et la fermeture d’établissement (art 25-3). Les peines
accessoires connaissent aussi un éclatement selon qu’il est question de la personne
physique ou de la personne morale (art 19 CP).

B-les mesures de sureté

Par mesure de sureté, il faut entendre toute mesure permettant à la société de


protéger contre l’état dangereux ou la témibilité que représentent certains
délinquants. La mesure de sureté suppose à la base que le délinquant n’est pas
libre, mais nuit par son comportement l’ordre social. Le législateur pénal a prévu
des mesures de sureté anté-délictum et post-délictum. Conformément au code

82
pénal camerounais de 2016, l’article 20 distingue les mesures de sureté pour les
personnes physiques et pour les personnes morales.

Para 2 : les caractères de la sanction pénale

A–la légalité

La légalité est le caractère de ce qui est légal. Enoncer que la sanction pénale est
légale signifie qu’elle est prévue par la loi. C’est le sens de la maxime latine
« nullum crimen nulla poena sine lege ». En droit camerounais, la légalité de la
sanction est matérialisée par l’article 17 CP intitulée « Légalité des peines et des
infractions ». Toutefois, ce principe de légalité ne doit pas être compris de manière
absolue. Les peines peuvent aussi être prévues par un décret : Décret N° 2016/316
du 12 juillet 2016 portant partie règlementaire du code pénal définissant les
contraventions.

B–la juridicité et la proportionnalité

La juridicité renvoie au caractère de ce qui émane d’un juge. Affirmer la juridicité


de la sanction pénale, c’est dire qu’elle est prononcée par un juge. En droit
camerounais, le législateur détermine le cadre général d’administration de la
sanction pénale. Et la mise en œuvre de la sanction pénale est du ressort du juge.
C’est lui qui choisit et prononce définitivement la sanction pénale. On pourrait sur
cette base compléter la légalité par la juridicité de la sanction pénale. C’est la
substance de l’article 93 du CP intitulée « Choix de la peine ». L’adage latin qui
complète ce sens est « nullum judicium sine lege ».
Dans le choix de la sanction pénale, le juge doit respecter l’exigence de
proportionnalité. A ce titre, toute sanction doit tenir compte de l’intérêt général
et de l’intérêt du délinquant. Cette balance entre les deux intérêts impose que la
sanction soit juste et modérée, et non excessive.

C–la personnalité

83
La personnalité de la peine n’est pas la personnalisation de la peine. Cette dernière
renvoie à l’individualisation, qui est l’adaptation de la sanction à la personne du
délinquant. La personnalité quant à elle correspond au caractère personnel. La
personnalité de la sanction pénale veut dire que la sanction pénale ne peut
toucher que la personne qui a participé à la commission de l’infraction. C’est
le rejet de la responsabilité pénale collective, où la faute d’un membre engage
toute sa communauté. Le principe de la personnalité exclut aussi la responsabilité
pour autrui connu en droit civil. Toutefois, les effets de la personnalité de la
sanction pénale peuvent déborder la personne du délinquant pour affecter les
membres de sa famille soit moralement, soit pécuniairement.

D–la dignité

La dignité est une valeur qui porte la personne humaine en dehors de tout prix.
En de termes simples, la dignité est le respect dû à la personne humaine. Et la
sanction ne saurait porter atteinte aux droits de l’homme, à l’inviolabilité de la
personne humaine. Il en ressort une exigence d’humanisation de la peine et des
mesures de sûreté par le respect des droits de l’homme.

Para 3 : les fonctions de la sanction pénale

La fonction de la sanction pénale répond à la question du but, du pourquoi de


celle-ci. La réponse peut sembler simple : la sanction pénale sert à lutter contre la
criminalité. Mais un examen de proximité permet de remarquer la divergence et
la convergence dans les fonctions de la sanction pénale.

A– la divergence de fonction entre peine et mesure de sûreté

1–les fonctions de la peine

La peine remplit plusieurs fonctions susceptibles d’une lecture en chaine :

–la fonction préventive : l’existence de la peine doit amener les délinquants en


puissance à ne pas passer à l’acte. C’est dans ce sens que Carbonnier affirmait :

84
« les lois pénales les plus effectives sont celles qui ne s’appliquent pas ». Un
adage va aussi dans ce sens : « la peur du gendarme est le commencement de la
sagesse ». Il convient de situer la fonction préventive de la peine avant la
commission de l’infraction.

–la fonction rétributive : elle intervient après la commission de l’infraction.


Rétribuer une personne, c’est lui verser la juste récompense de son acte.
Transposé au délinquant, la peine poursuit un but rétributif, parce qu’elle permet
au délinquant d’obtenir la réponse sociale en contrepartie de l’infraction. Le
délinquant paie sa dette à la société, comme le débiteur paie la sienne au créancier.
C’est dans cette fonction rétributive qu’il faut cerner le caractère afflictif et
infamant de la peine. Afflictive, la peine procure une certaine souffrance à
l’individu en l’atteignant dans son patrimoine, sa liberté voire sa vie. Infamante,
la peine suscite la honte.

–la fonction intimidatrice : elle mise en exergue pendant l’exécution de la peine.


Par la fonction intimidatrice, la peine produit un effet soit sur le publique
(intimidation collective), soit sur le condamné (intimidation individuelle). Par
l’intimidation collective, la sévérité de la peine administrée au délinquant doit
décourager d’éventuels délinquants. Et Montaigne observait qu’ : « On ne corrige
pas celui qu’on pend, on corrige les autres par lui ». Par l’intimidation individuelle
ou prévention spéciale, le souvenir de la peine administrée à un délinquant devrait
l’amener à ne pas récidiver.

–la fonction éliminatrice : par la fonction éliminatrice, la peine met un terme à


l’activité criminelle. Il existe deux façons d’éliminer : la neutralisation et
l’éradication. Par la neutralisation, la peine empêche au délinquant de se mouvoir
et donc d’être en activité. Par l’éradication, la peine supprime le délinquant et par
extension l’activité criminelle.

–la fonction réparatrice : la peine sert à réparer les dommages causés par
l’infraction. C’est une fonction qui brouille les frontières entre le droit civil et le
85
droit pénal. Mais, elle ne saurait être occultée au regard du statut grandissant de
la victime en droit pénal. Le souci de désintéresser cette dernière entraine
d’importantes transformations du droit pénal classique. On pourrait envisager : un
droit pénal de la victime fondé sur la justice restaurative. C’est dans ce sens qu’il
faut inscrire l’amende fiscale ou douanière, la restitution du corps du délit de
l’article 18 de la loi sur le TCS de 2011.

2–les fonctions de la mesure de sureté

Le but de la mesure de sureté est d’éviter la commission de l’infraction ou la


récidive par la neutralisation de la dangerosité du délinquant. La mesure sureté ne
vise pas la sanction d’une faute pénale. La raison est que le délinquant présentant
un état dangereux, n’a plus la lucidité pour manifester une volonté criminelle.
Pour éviter la commission de l’infraction, la mesure de sureté peut être prise à
titre préventif. On parle de mesure de sureté ante delictum. Après la commission
de l’infraction, les mesures de sureté post delictum vise la surveillance,
l’élimination, l’amendement et la resocialisation du délinquant.

B–la convergence de fonction entre peine et mesure de sûreté

1–la contrainte ressentie par le délinquant

La contrainte renvoie aux mesures restrictives de droits et libertés, qui frappent


une personne physique ou morale. Et le délinquant condamné ressent la contrainte
par la nature des sanctions pénales que le juge prononce. La sanction pénale prend
deux visages : la peine pour le délinquant conscient et la mesure de sureté pour le
délinquant inconscient. Cependant dans leur effet, le délinquant vit la peine ou la
mesure de sureté comme une contrainte à lui imposer.

2–l’objectif de resocialisation du délinquant

La peine et la mesure de sureté recherchent la protection de la société. Pour ce


faire, la peine protège la société en recherchant la resocialisation du délinquant.
Ce dernier doit regretter son acte et profiter de son séjour pour la préparation de
86
sa resocialisation. De même, la mesure de sureté vise la protection de la société
par le traitement de la maladie que représente l’état dangereux du délinquant. Ce
traitement vise à terme un retour d’une personne capable de vivre à nouveau dans
la communauté, d’où la resocialisation par la mesure de sureté.

Les typologies, les caractères et les fonctions constituent les généralités de la


sanction pénale. Il convient d’aborder la sanction pénale prononcée.

SECTION 3 : LES MODALITES DE LA SANCTION PENALE

Le droit pénal camerounais n’admet pas le système de la sanction pénale figée.


C’est dire que le juge n’est pas un distributeur automatique des peines et mesures.
La conséquence principale est que la sanction pénale prévue par le législateur
n’est pas toujours exactement la sanction pénale appliquée. Sur cette base, le juge
prononce la sanction pénale (para 1), qui prend fin pour plusieurs raisons (para 2)
et peut être effacée (para 3). Telles sont les modalités de la sanction pénale au
Cameroun.

Para 1 : le prononcé de la sanction pénale

Le prononcé de la sanction pénale est une phase décisive où le juge doit fixer le
délinquant sur son sort. Une telle conclusion ne procède pas d’un acte instantané.
Au contraire, il est le produit d’une démarche progressive. Et le juge adopte une
attitude ambivalente : soit il choisit (A), soit il suspend (B) la sanction pénale.

A–le choix de la sanction pénale

« La peine ou la mesure prononcée dans les limites fixées ou autorisées par la loi
doit toujours être fonction des circonstances de l’infraction, du danger qu’elle
présente pour l’ordre public, de la personnalité du condamné et de ses possibilités
de reclassement et des possibilités pratiques d’exécution » art. 93 CP. Cet article
portant sur le choix de la peine, a une portée plus large, car concerne la sanction
pénale. En effet, le juge doit choisir non seulement la nature (1), mais aussi le
quantum (2) de la sanction pénale.
87
1–le choix de la nature de la sanction pénale

a)le principe de la liberté du juge

Affirmer un principe de la liberté du juge dans le choix de la nature de la sanction


pénale revient à lui reconnaitre une marge de manœuvre. Elle porte sur la nature
même de la sanction pénale. Le juge a le choix entre les peines et les mesures
de sureté. Il ne saurait prononcer en même temps la peine fondée sur le mauvais
usage de la liberté et la mesure de sureté reposant sur l’absence de liberté ou
l’inconscience. Et même à l’intérieur des peines, un autre choix doit être opéré
entre : les peines principales, accessoires et complémentaires d’une part et les
peines alternatives d’autre part. Dans le cadre des mesures de sureté, un choix est
possible entre : mesures de sureté ante delictum et post delictum, mesures
éducatives et mesures curatives.

Le juge a en conséquence une liberté de choix parmi ces mesures, pour retenir
celles qui lui paraissent le mieux adapté à la nature des faits et à la personnalité
du coupable. Les combinaisons ne sont pas exclues, à condition qu’elles soient
compatibles. Toutefois, la liberté du juge est encadrée dans certaines limites.

b) les limites à la liberté du juge

Comme toute liberté, la marge de manœuvre reconnue au juge est limitée dans le
choix de la nature peine. C’est reconnaitre que certaines contraintes pèsent sur le
juge dans son office. Il en ainsi :

–de l’obligation de motiver sa décision : le juge doit par exemple motiver


l’application à un mineur d’une peine en lieu et place d’une mesure éducative ou
du placement dans un centre de rééducation ;
–de l’interdiction de cumuler les peines : si une personne fait l’objet d’une
même poursuite de plusieurs crimes ou délits ou contraventions connexes, seule
la peine la plus rigoureuse sera prononcée (article 51 (1) CP). Mais si la personne
fait l’objet des poursuites diverses, la confusion des peines principales peut être

88
ordonnée. Toutefois le résultat est identique, car l’ensemble des peines cumulées
ne doit pas dépasser le maximum de l’infraction la plus grave (article 51 (2) CP).
Les peines peuvent réellement être cumulées en matière contraventionnelle. Et
dans les autres cas, on cumule les peines complémentaires et les mesures de
sureté.

2–le choix du quantum de la sanction pénale

Le quantum de la sanction pénale renvoie à la mesure ou à la quantité ou au dosage


de la peine ou de la mesure de sureté à infliger au délinquant. Le principe en la
matière est que le juge jouit d’une liberté de choix entre le minimum et maximum
prévus par le législateur. Néanmoins cette liberté est limitée par les hypothèses
d’aggravation ou d’atténuation de la sanction pénale.

a)l’aggravation de la sanction pénale

Il y aggravation de la sanction pénale en cas de survenance de faits de nature à


augmenter le quantum ou le dosage de la peine ou de la mesure. Il convient de
distinguer les causes d’aggravation des circonstances aggravantes.

a-1) les causes d’aggravation

Les causes d’aggravation sont des cas limitativement prévus par la loi, ayant
pour effet d’aggraver ou d’alourdir la sanction pénale. Leur particularité est de ne
pas changer la nature de l’infraction. Deux hypothèses sont précisément visées :

–la récidive (art. 88 CP) : il y a récidive lorsqu’une personne définitivement


condamné pour une première infraction, commet une ou plusieurs autres dans un
délai légalement encadré. La première infraction peut être soit un crime ou un
délit, soit une contravention. Cette distinction se répercute sur le délai à observer
pour établir la récidive. Le délai est de 05 ans et commence à courir après
l’exécution ou la prescription de la peine de la première infraction (crime ou délit).
Ce délai est réduit à 12 mois et commence à courir après l’exécution ou la
prescription de la peine de la première contravention. Par ailleurs, il n’y a pas
89
récidive si la première infraction est un crime ou délit et la seconde est une
contravention. Enfin, le récidiviste est puni du double du maximum de la peine
prévue. Le juge camerounais s’est prononcée sur la conséquence de la récidive
dans l’aggravation de la sanction pénale : Cour suprême, Arrêt n° 28-P du 28
octobre 1976, Affaire Procureur général près la Cour d’appel de Bertoua,
B.A.C.S., n° 35, p. 5099 : en l’espèce, l’arrêt de la Cour d’appel de Bertoua a
disposé que le prévenu en état de récidive légale, bénéficie quand même des
circonstances atténuantes. Le Procureur a attaqué cette décision, parce que la
récidive de l’article 88 du code pénal a pour conséquence l’aggravation de la
peine. La cour suprême a cassé et annulé l’arrêt, cela veut dire que le constat de
la récidive a pour conséquence, l’aggravation de la sanction pénale.

–les fonctionnaires (art. 89 CP): la qualité de fonctionnaire, d’officier public ou


d’agent chargé d’un service public est une circonstance aggravante de la
responsabilité contre ceux qui se sont rendus coupables des crimes ou délits qu’ils
étaient chargés de prévenir ou de réprimer. Le fonctionnaire doit commettre
l’infraction dans l’exercice de ses fonctions. Par exemple, le policier qui
commet un vol, le douanier qui se livre à la contre bande, le gardien de prison
complice d’une évasion. Le fonctionnaire est puni du double du maximum de la
peine prévue.

a-2) les circonstances aggravantes

Les circonstances aggravantes sont les faits que le juge apprécie souverainement
pendant la qualification, et qui ont comme conséquence d’alourdir la sanction
pénale. Leur particularité est de changer la nature de l’infraction pour dériver sur
une qualification plus grave. L’aggravation de la sanction pénale procède du choix
de la qualification la plus grave. Mais le pouvoir d’appréciation des juges est
limité, puisque la qualification la plus grave est toujours prévue à l’avance par le
législateur. En guise d’illustration, le vol est aggravé du fait d’une effraction ou
d’une escalade (article 320 CP) ; la préméditation dans le meurtre en fait un

90
assassinat (article 276 CP) ; la peine de mort et l’emprisonnement à vie
sanctionnent ceux qui sont convaincus de violences sur les ascendants (art. 351
CP).

b) l’atténuation de la sanction pénale

Une excuse est une circonstance que la loi prend elle-même en considération pour
soustraire plus ou moins complètement un coupable à la sanction pénale à
laquelle, il s’est exposé. On distingue l’excuse absolutoire et l’excuse atténuante.
L’excuse absolutoire entraine la suppression de la peine, mais laisse subsister la
culpabilité. C’est aussi une cause d’irresponsabilité pénale. Ex : la contrainte
matérielle (art. 77 CP), la démence totale (art. 78), l’intoxication involontaire (art.
79 CP), la minorité de 0 à 14 ans (art. 80 CP), l’obéissance légitime à l’autorité
légale (art. 83 CP), la légitime défense proportionnée (art. 84 CP) et l’état de
nécessité proportionnée (art. 87 CP). Elle n’intéresse pas l’analyse, car le juge
n’aura plus à choisir une peine impossible. Et l’excuse atténuante entraine une
substitution de la peine normale par une peine plus douce.

b-1) les excuses atténuantes

De la définition précédente, deux traits permettent d’identifier les excuses


atténuantes :

–délimitation légale des excuses atténuantes : les excuses atténuantes ne sont


pas laisser à l’appréciation du juge au gré des circonstances. Elles sont prévues de
manière limitée par le législateur. On parle de délimitation légale des excuses
atténuantes. Il convient d’observer que certaines excuses atténuantes existent par
elles-mêmes ou par nature, alors que d’autres constituent une dénaturation des
excuses absolutoires. Sont des excuses atténuantes par nature : la minorité de 14
à 18 ans (art. 80 al. 3 CP), la crainte révérencielle (article 82 CP) et l’excuse de
provocation (art. 85 CP). Les autres excuses atténuantes sont constituées par crise
d’une composante de l’excuse absolutoire. Il en est ainsi de : la contrainte morale

91
(art. 77 CP) ou les menaces (art. 81 CP), la démence partielle (art. 78 al. 2 CP),
l’intoxication volontaire (art. 79 CP), l’obéissance illégitime à l’autorité légale
(art. 83 al 2 CP), l’excès de légitime défense (art. 84 CP) et l’état de nécessité
disproportionné (art. 86 CP).

–encadrement légale des effets de l’excuse atténuante : le législateur organise


les effets de l’excuse atténuante dans le cadre de l’article 87 CP. Il est question
des modalités de réduction de peines. En présence de la peine de mort ou une
peine perpétuelle encourue, la peine est réduite à une privation de liberté de 02 à
10 ans. Si une peine à temps est encourue en cas de crime, la peine est réduite à
une peine privative de liberté de 01 à 05 ans. En cas de délit, le maximum des
peines privatives et de l’amende est réduit de moitié, et le minimum est celui de
l’article 92 (1) CP. En cas de cumul d’excuses et de circonstances atténuantes, le
minimum de la peine est celui de l’article 92 (1) CP.

b-2) les circonstances atténuantes

Les circonstances atténuantes sont les faits que le juge apprécie souverainement
pendant la qualification, et qui ont comme conséquence de réduire le quantum de
la sanction pénale. L’appréciation du pouvoir du juge permet d’effectuer deux
constats :

–un pouvoir souverain dans l’admission de la circonstance atténuante (art.90


CP) : les circonstances atténuantes ne sont pas énumérées par la loi, mais laissés
à l’appréciation du juge. Dans son appréciation, le juge est tenu de motiver sa
décision d’ériger un fait en circonstance atténuante ou pas.

–un pouvoir limité dans la réduction du quantum de la sanction pénale (art.


91 CP) : le pouvoir du juge est limité parce que le législateur précise la réduction
du quantum de la peine. C’est ainsi qu’il édicte les effets des circonstances
atténuantes en matière de crime (art. 91 (1, 2) CP) et en matière de délit ou
contravention (art. 92 CP).

92
Le juge camerounais s’est prononcée sur les circonstances atténuantes en
dénonçant une incohérence. Elle consiste à retenir les circonstances atténuantes
sans tirer les conséquences sur le quantum de la peine : Cour suprême du
Cameroun Oriental, Arrêt n° 2-P du 8 octobre 1968, Affaire Palou Kiang contre
Laré Wabiang, B.A.C.S., n°19, p. 2223 : en l’espèce, la Cour criminelle de
Maroua a condamné Palou Kiang à 15 ans d’emprisonnement pour coups mortels
sur la personne de Laré Wabiang, tout en lui accordant le bénéfice des
circonstances atténuantes. Or en accordant les circonstances atténuantes, la cour
n’a pas pris en compte l’article 91 du code pénal fédéral (applicable au moment
de la commission des faits), qui prévoyait une réduction à 01 an de privation de
liberté l’infraction passible d’une peine de travaux forcés à temps. Même en
s’appuyant sur les articles 19 et 309 de l’ancien code pénal punissant les coups
mortels de 05 à 20 ans de travaux forcés, l’admission des circonstances
atténuantes devrait réduire la peine au-dessous du minimum légal. La Cour
suprême a décidé qu’en condamnant Palou Kiang à 15 ans d’emprisonnement tout
en accordant les circonstances atténuantes, l’arrêt de la Cour d’appel a violé la loi.
Dans une autre espèce, le juge suprême camerounais fait obligation au juge de
motiver la cause de la circonstance atténuante : Cour suprême, Arrêt n°2-P du 12
octobre 1978, Affaire Sine Silas et Fenkam Pierre contre Ministère Public,
B.A.C.S., n°40, p. 5897 : en l’espèce, Sine Silas et Fenkam Pierre furent
convaincus de faux en écriture de banque et condamné à des peines inférieures au
minimum légal par la Cour d’appel, sans motiver la décision. A l’inverse, le
Ministère public s’appuyant sur l’article 90 du code pénal reproche à l’arrêt
attaqué de dire : « attendu qu’il existe en la cause des circonstances atténuantes »,
sans motiver sans préciser la consistance. La Cour suprême en cassant et annulant
confirme que la cause de la circonstance atténuante doit être motivée.

B–la suspension de la sanction pénale

93
Il y a suspension de la sanction pénale, lorsque celle-ci est prononcée et n’est
pas exécutée avec la possibilité d’être réactivée à tout moment d’une part et
lorsque celle-ci est suspendue en cours d’exécution. En droit pénal, ces
hypothèses traduisent deux idées : la suspension avant l’exécution de la sanction
pénale (1) et la suspension après l’exécution de la sanction pénale (2).

1–la suspension avant exécution de la sanction pénale

a)le sursis simple

Le sursis simple consiste pour le juge à prononcer une condamnation sans


ordonner son exécution. Il est perçu comme une modalité d’exécution de la peine
qui a pour effet de dispenser totalement ou partiellement le condamné de
l’exclusion effective de la peine affectée du sursis, sous certaines conditions. Cette
modalité d’exécution de la peine constitue donc une chance donnée au condamné
de ne jamais avoir à exécuter sa peine. Celle-ci est suspendue. Si le condamné
commet une autre infraction pendant le délai d’observation fixé par le juge, la
première condamnation est exécutée. Et la sanction de la seconde infraction sera
cumulative. Le sursis simple est prévu par l’article 54 du code pénal. Le juge
camerounais a eu à rappeler l’obligation de motiver l’octroi du sursis simple :
Cour suprême du Cameroun Oriental, Arrêt n°43-P du 19 novembre 1968,
Affaire Ministère public contre Yanga Service, B.A.C.S., n°19, p. 2251 : en
l’espèce, Yanga Service, soldat de 2e classe a utilisé un véhicule de l’armée à des
fins personnelles. Le Tribunal militaire l’a condamné à la peine de 02 mois
d’emprisonnement avec sursis de 06 mois. Le Ministère public a attaqué ce
jugement pour violation de l’article 54 alinéa 1er du code pénal, parce que le
jugement n’a pas indiqué les raisons du sursis d’une part, et la loi prévoit que le
sursis simple est accordé pour l’emprisonnement de 03 ans à 05 ans, or le
jugement a prononcé la peine de 02 mois d’emprisonnement. La Cour Suprême a
cassé et annulé ce jugement. Cela veut dire que les conditions du sursis simple
n’ont pas été respectées.

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b)le sursis avec probation
Le sursis avec probation est encore appelé sursis avec mise à l’épreuve. Il
consiste pour le juge à prononcer une condamnation, mais à ne pas ordonner son
exécution. Pendant une période d’épreuve comprise entre 03 et 05 ans, le juge va
fixer les conditions à observer. Il s’agit d’un ensemble d’obligations, qui
produisent des effets. Le législateur camerounais aménage ce mécanisme dans les
articles 55 et suivants du code pénal.

2–La suspension en cours d’exécution de la sanction pénale

la libération conditionnelle désigne « la mise en liberté anticipée accordée à un


condamné qui a donné des signes d’amendement, lorsqu’une partie légalement
déterminée de sa peine a été subie et sous menace de réincarcération en cas de
mauvaise conduite avant l’expiration normale de cette peine »1. En effet, mesure
intermédiaire entre l’état absolu de captivité et l’état absolu de liberté, la libération
conditionnelle devrait permettre aux condamnés de vaincre les difficultés
extrêmes : méfiance, chômage, misère, absence de surveillance et d’intimidation,
qu’ils rencontrent à leur sortie de prison et qui durant les toutes premières années
de libération ébranlent l’amendement des libérés, et les poussent presque
inévitablement à commettre de nouvelles infractions.

Para 2 : l’extinction de la sanction pénale

L’extinction de la sanction pénale renvoie à sa fin ou à l’étude des hypothèses qui


mettent un terme à la sanction pénale. Une distinction peut être établie entre
l’extinction stigmatisante de la sanction pénale (A) et celle qui est libératoire (B).

A l’extinction stigmatisante de la sanction pénale

1 95
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 5ème édition, 1971, p. 257.
L’extinction stigmatisante de la sanction pénale renvoie aux cas où la sanction
pénale prend fin, mais les marques de celle-ci sont portées au casier judiciaire et
constitue un facteur de stigmatisation. Il est ainsi en présence de la grâce (1) et de
la prescription (2).

1–La grâce

La grâce est la commutation ou la remise partielle ou totale, conditionnelle ou


non, des peines, des mesures de sûreté et des obligations de la probation. Le
pouvoir de gracier est confié par la constitution au Président de la République. Il
n’est lié par aucun texte pour exercer cette prérogative. Il exerce le droit de grâce
après avis du conseil supérieur de la magistrature. La grâce peut se manifester soit
par la commutation, (c’est-à-dire la substitution d’une peine à une autre), soit par
la remise, (c’est-à-dire la réduction de la durée d’une peine sans en changer la
nature). La remise peut être partielle ou totale, et la commutation comme la remise
peuvent toutes deux être assorties de conditions laissées à l’appréciation du
Président de la République. La sanction du non-respect de ces conditions
consisterait dans l’annulation automatique de la mesure de grâce accordée. La
grâce est sans effet sur la condamnation, elle ne s’applique qu’à l’exécution. En
vue de donner une dimension pratique à l’exercice du droit de grâce au Cameroun,
le Président de la République a eu à prendre récemment un décret portant remise
des peines en faveur des auteurs de détournement des deniers publics.

2–la prescription

La prescription est le délai légal après lequel une sanction pénale définitive ne
peut plus être exécutée. C’est reconnaitre le rôle que le temps peut jouer en droit
pénal en général et la sanction pénale en particulier. Dès lors qu’elle est
prononcée, la sanction pénale doit être exécutée. Si elle ne l’est pas au bout d’un
temps, la société n’a plus intérêt à ce qu’elle le soit. C’est la teneur de l’article 67
CP : « (1) la peine principale non subie ainsi que les peines accessoires et les
mesures de sureté qui les accompagnent ne peuvent plus être exécutées après
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l’expiration des délais ci-après déterminés à compter de la date du jugement ou
l’arrêt devenu définitif :
a) Vingt ans pour les crimes ;
b) Cinq ans pour les délits et contraventions connexes ;
c) Deux ans pour toutes autres contraventions ».

Le délai commence à courir à partir du jour où la condamnation est définitive,


mais on doit distinguer selon qu’il s’agit d’une condamnation contradictoire ou
d’une condamnation rendue par défaut. En présence d’une condamnation
contradictoire, il convient de distinguer les hypothèses suivantes : si la
condamnation est susceptible d’appel, elle devient irrévocable à l’expiration du
délai d’appel ; si la condamnation est rendue en dernier ressort, elle est irrévocable
à l’expiration du délai de pourvoi en cassation, sauf à noter que si un pourvoi a
été intenté, le point de départ est reporté à la date de l’arrêt de rejet. Une
condamnation par défaut devient irrévocable à l’expiration du délai d’opposition.
Si le condamné est arrêté et qu’il s’évade, la prescription de la peine recommence
à courir à compter de son évasion sans qu’il soit tenu compte de la période
antérieure pendant laquelle, il s’est soustrait à l’exécution de sa peine (alinéa 3,
art. 67 CP). La prescription laisse la condamnation inscrite au casier judiciaire et
compte pour la récidive ou la relégation.

B–l’extinction libératoire de la sanction pénale

L’extinction libératoire de la sanction pénale renvoie aux cas où la sanction pénale


prend fin, en laissant vide le casier judiciaire. Ce qui écarte la stigmatisation à
partir du casier judiciaire. Ce résultat est possible au moyen de l’amnistie (1) et
de la mort du condamné (2).

1–l’amnistie

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Le terme amnistie dérive de l’expression grecque « amnestia » ou
« amnesie », qui signifie oubli, perte de mémoire. Il s’agit d’un acte de
souveraineté visant à appliquer le principe de la tabula rasa aux infractions
antérieures, généralement commises contre l’Etat ou ayant une quelconque
dimension politique. Son objectif est de mettre un terme aux poursuites judiciaires
déjà engagées, de neutraliser celles devant l’être ou encore d’anéantir les
décisions déjà rendues. C’est dans ce sens que le Black’sDictionnary of Law
l’appréhende.L’amnistie est l’œuvre d’une loi : "la loi d’amnistie", promulguée
par le Président de la République. Sans préjudicier aux intérêts civils, l’amnistie
efface la condamnation et met fin à toute peine principale, accessoire et mesure
de sûreté, à l’exception de l’internement dans une maison de santé et de la
fermeture de l’établissement. Elle arrête non seulement les poursuites non
intentées, mais aussi les procédures pendantes devant les juridictions. L’infraction
amnistiée entraine l’extinction de l’action publique, et la Cour Suprême ne saurait
statuer sur un pourvoi y relatif. Comme on le voit, elle est donc une mesure très
efficace pour pouvoir désengorger les prisons puisqu’elle libère non seulement les
condamnés, mais aussi les détenus provisoires et ceux potentiels.

2–la mort du condamné

La mort est une cause naturelle d’extinction de la sanction pénale sur la


personne du condamné. En effet, la peine privative de liberté sévit sur une
personne vivante. Si elle est décédée, il n’existe plus l’objet physique d’exécution
de la sanction pénale. Et par le décès, le condamné se libère pour le passé et
l’avenir pour toutes les peines nécessitant sa personne.
Mais la mort du condamné n’empêche pas l’exécution sur ses biens des
condamnations pécuniaires ni la fermeture de son établissement, selon les termes
de l’article 68 CP. En effet, la mort du défunt n’est pas un obstacle aux sanctions

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pécuniaires, qui continuent de frapper les biens de ce dernier. Et les ayant-droit
du défunt ne sont tenus que dans la limite des biens reçus.

Para 3 : l’effacement de la sanction pénale : la réhabilitation

La réhabilitation évoque toujours un peu l’idée d’effacement et même


de pardon pour bonne conduite. La réhabilitation peut aussi être définie comme
l’effacement pour l’avenir d’une condamnation criminelle, correctionnelle ou
contraventionnelle afin de rendre à une personne la situation légale qui était la
sienne avant la condamnation. La réhabilitation constitue donc un mécanisme
d’oubli ou comme la doctrine a pu le dire, la perte du droit de se souvenir. Elle se
rapproche de l’amnistie qui est une forme de pardon de la société. Cependant à la
différence de l’amnistie, la réhabilitation suppose l’exécution préalable de la peine
par le condamné qui fait, par la suite preuve d’une bonne conduite. Elle est aussi
distincte de l’amnistie par son but. Alors que l’amnistie tend à l’apaisement social,
la réhabilitation a pour objectif de faciliter la réinsertion du condamné dans la
société.

La réhabilitation a donc pour objet de rendre à un individu la situation


légale et même dans la mesure du possible, la situation sociale qu’il a perdue par
l’effet d’une juste condamnation. C’est une mesure d’indulgence, qui constate et
récompense la bonne conduite du condamné ayant exécuté sa peine. Tout comme
le sursis et la libération conditionnelle, elle a pour but le reclassement du
condamné. Elle se distingue de l’amnistie, qui est aussi une cause d’effacement
de la condamnation.

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