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Lubilanji
Revue interdisciplinaire
de l’Université officielle
de Mbujimayi

Volume 1, Numéro 1 (Mai 2023)


Semestriel

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© Université officielle de Mbujimayi
Avenue Kalonji, n° 27
Quartier Kansela – Commune de la Muya
Ville de Mbujimayi – Province du Kasaï-Oriental
République démocratique du Congo
uomrecteur@gmail.com
✆ +243 853 886 663
www.uom.cd

eISSN : 2736-495X
D/2023/10254/04 RD/3.02304-57208
Éditions Panubula-La Belle Page Éditions Ditunga
Rue de Namur, 36C Avenue de la Cathédrale, n° 48
7141 Mont-Sainte-Aldegonde Mbujimayi - Kasaï Oriental
Belgique RD Congo
b18page@yahoo.fr editionsditunga@gmail.com
Panubula : Bwa kulubuluja bubanji bwa lungenyi mu macu ma Nsambi.

Tous droits réservés.

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SOMMAIRE

Lubilanji — Réconcilier l’Université officielle de Mbujimayi avec l’écriture....... 7-14


Apollinaire Cibaka Cikongo (Abbé) 

La promotion de la justice coutumière et son incidence sur les conflits inter-


communautaires dans l’espace « Grand Kasaï »................................................. 15-40
José Biaya Mukendi

Étude jurisprudentielle de l’application des garanties procédurales


dans l’administration de la justice pour enfants en R.D. Congo......................... 41-60
Dezzy Mukebayi Muamba 

Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais.


Analyse et perspectives.................................................................................... 61-82
Michel Shokola Djoma 

Partage du petit héritage en droit congolais. Heur et malheur des héritiers...... 83-108
William Kabeya Badiambuji 

À propos de la condamnation alternative en application de la sanction


du licenciement sans motif valable en droit congolais...................................... 109-122
Léon Balekelayi Mulumba et Blandine Tshibuabua Mukoka 

Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs


de production dans les pays africains............................................................... 123-144
Germain Lubanza Ngoma et Armand Bongongo Aloma 

La scolarité au primaire face au système éducatif congolais.


Regard critique sur les évidences statistiques du Kasaï oriental........................ 145-166
Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi 

L’itinéraire de l’éducateur en société. De la caverne à la caverne....................... 167-180


Raphaël Dila Ciendela 

Sommaire  Lubilanji
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LUBILANJI

RÉCONCILIER L’UNIVERSITÉ OFFICIELLE DE MBUJIMAYI


AVEC L’ÉCRITURE

Apollinaire Cibaka Cikongo (Abbé) 1


Recteur de l’Université officielle de Mbujimayi
Professeur à la Faculté de Sciences sociales.

1. La triple mission de l’université


L’université est une institution spécialisée dans la recherche appro-
fondie du savoir scientifique dans tous les domaines de la vie, dans la
formation poussée des hommes et des femmes désireux de contribuer au
progrès de ce savoir, et dans l’utilisation de tous les acquis de la science
en vue de la promotion intégrale de l’humanité. Il ne s’agit pas de trois
missions indépendantes et séparables, mais d’une seule mission dans
laquelle la recherche, l’enseignement et la promotion de la société hu-
maine ne sont que des aspects constitutifs d’une institution qui n’atteint
sa plénitude que dans leur imbrication, leur conjugaison concomitante.
Une université n’est dans la vérité de sa nature que si elle est également
excellente comme instance d’interrogation de la réalité et de ses mys-
tères, comme chaîne de transmission et d’enrichissement des décou-
vertes des hommes, et comme école du meilleur savoir-faire de l’homme
dans sa confrontation aux défis de son existence. Une université qui
procède autrement, qui ignore ou qui néglige l’une ou l’autre dimension
de cette triple mission, est une imposture, c’est-à-dire une imitation, une
caricature, un mensonge dans lequel les différents protagonistes ne sont
que des farceurs, des marchands d’illusions. Une véritable université est
une architecture cohérente et féconde dans laquelle sont intégrés, dans
une circularité intelligente, la recherche scientifique, la formation de
l’homme et le service à la société. Mais cette architecture ne peut fonc-
tionner pleinement que si elle a son fondement vital dans la recherche,
parce qu’elle est la source et la mesure de l’enseignement qualifié et du
service sain à la société.

1.  cibaka@hotmail.com.

Réconcilier l’Université avec l’écriture  Lubilanji


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Apollinaire Cibaka Cikongo

2. L’université et l’écriture
Comme cette triple mission n’est pas une activité ésotérique, une
liturgie cachée à la masse et réservée à une minorité d’initiés, mais un
service public, la vie d’une université est aussi tenue au devoir d’écri-
ture comme haut lieu de visibilité et de « redevabilité » par rapport
à la charge reçue de la société. La recherche scientifique a besoin de
l’écriture comme mesure et voie d’échanges pour le travail abattu dans
la conquête intellectuelle et technique du monde et de ses mystères, le
chercheur étant un guide attitré de l’humanité dans sa quête perma-
nente du savoir et du savoir-faire. L’enseignement a besoin de l’écriture
comme mémoire objective des connaissances maîtrisées et transmises
par l’enseignant, mais aussi comme chemin d’initiation des étudiants
aux méthodes de la véritable culture scientifique. L’humanité a besoin
de l’écriture de l’université comme parole critique, objective et construc-
tive sur la dynamique de l’histoire, l’universitaire étant une conscience
appelée à voir plus loin et à aider la communauté humaine à opérer les
meilleurs choix pour son avenir. En somme, l’université est condam-
née à l’écriture pour rendre compte de son travail, pour soumettre son
travail à la critique et à l’enrichissement des autres, et pour mettre son
travail au service de toute la communauté. Il ne s’agit pas de l’écriture
facile et superficielle du chercheur sans inspiration ni transcendance,
enfermé dans la répétition des lieux communs ; il ne s’agit pas non plus
de l’écriture malhonnête et nuisible de l’imposteur qui se livre au pla-
giat ou à la suppléance de l’intelligence artificielle ; il s’agit de l’écriture
harassante, rigoureuse et créatrice du chercheur et du serviteur de la
vérité, qui pose les vraies questions et cherche les vraies réponses.

3. L’écriture dans le cursus académique congolais


Ce devoir d’écriture est clairement inscrit dans le cursus acadé-
mique de l’étudiant et de l’enseignant congolais. Outre les travaux
pratiques écrits liés à chaque cours, l’étudiant congolais est soumis à
quatre dissertations obligatoires : le mémoire de graduat, le mémoire
de licence, le mémoire du diplôme d’études approfondies et la thèse de
doctorat. La publication d’au moins deux articles scientifiques est l’une
des conditions que doit remplir l’assistant d’université pour être promu
au grade de chef de travaux. La promotion du professeur associé au
grade de professeur est soumise à la publication d’au moins un traité ou
un livre de son domaine de spécialisation, ou à défaut un minimum de

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quatre articles scientifiques, ainsi que la rédaction d’au moins un cours.


La promotion du professeur au grade de professeur ordinaire est sou-
mise à la publication d’au moins un traité ou un livre de son domaine
de spécialisation, ou à défaut un minimum de quatre articles scienti-
fiques, ainsi que la rédaction d’au moins deux cours. Mais, par-delà
leur dimension administrative, ces différents devoirs d’écriture sont fon-
damentalement, aussi bien pour l’étudiant que pour l’enseignant, une
initiation et une incitation à la culture universitaire de la recherche. Car
l’écriture est l’un des lieux majeurs de la manifestation et de la proba-
tion de l’identité et de la mission de l’université, toute université muette
ou analphabète étant une imposture sociale. Et, dans une grande me-
sure, l’interdiction ministérielle de vendre les notes des cours, du reste
souvent copiées ailleurs ou confectionnées sans rigueur, est un grand
service rendu à l’université congolaise. Car, mis à part les publications
administratives en vue des promotions académiques, ces notes vendues
à grands prix étaient devenues les seuls textes que produisaient la majo-
rité de professeurs et d’enseignants congolais.

4. L’écriture à l’Université officielle de Mbujimayi


Malgré ses trente bonnes années d’existence (27 juin 1993-2023),
l’Université officielle de Mbujimayi ne présente pas jusque-là un grand
bilan d’écriture, surtout si on le compare à celui de certaines universités
congolaises ou étrangères de son âge. Plusieurs raisons expliquent ce dé-
ficit, notamment les conditions historiques et matérielles de sa naissance,
l’insuffisance et la surcharge du personnel académique, la pauvreté de
sa bibliothèque et de ses laboratoires, la priorité de l’enseignement ma-
gistral sur la recherche approfondie, l’absence de politique institution-
nelle et de culture sociale de recherche, l’ignorance ou l’éloignement de
grands courants de débats intellectuels et de recherches scientifiques,
et l’enfermement de la recherche et de l’écriture dans la conquête des
grades administratifs. Certes, de 2008 à 2019, l’Université officielle de
Mbujimayi a publié Les cahiers de l’UOM, mais leur parution n’a pas été
régulière, avec seulement, selon les archives disponibles, un total de cinq
numéros sur une période de onze ans. Par ailleurs, sans aucun jugement
de valeur sur les textes publiés, il faut reconnaître que ces cahiers n’ont
pas eu un grand rayonnement ; ils n’ont pas été favorisés par leur pré-
sentation matérielle, donnant l’impression de n’avoir pas été un travail
d’expert. Pour me limiter aux trois dernières promotions de graduat

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Apollinaire Cibaka Cikongo

et de licence, nos étudiants ont défendu, chaque année, plus de 1 500


dissertations de fin d’études ; mais la grande majorité de ces travaux
sont bien en-deçà des exigences scientifiques de base et sont loin d’ho-
norer, comme il se doit, aussi bien leurs auteurs que leurs directeurs.
Indûment installé dans l’enseignement magistral à cause du manque de
professeurs, notre personnel scientifique est engagé dans des études de
troisième cycle ou de doctorat dont la durée réelle double, triple, qua-
druple, voire quintuple le temps réglementaire.

5. Quatre défis d’écriture


Pour faire face à ce déficit de recherche et d’écriture, l’Université
officielle de Mbujimayi a lancé, lors de l’ouverture solennelle de l’année
de son trentenaire, le 2 juillet 2022, quatre défis à relever par ses profes-
seurs et par ses autres chercheurs avant le 27 juin 2023 :
— Avoir un projet personnel de recherche et publier, chacun, au moins
deux articles ou un livre.
— Avoir un projet facultaire de recherche, organiser au moins une
journée scientifique et en publier les actes.
— Organiser le premier colloque scientifique de l’histoire de l’univer-
sité et en publier les actes.
— Publier Lubilanji, la première revue scientifique sérieuse de l’univer-
sité.

6. La mission de Lubilanji
La revue Lubilanji est donc une réponse à un besoin réel, mais aussi
un défi face au déficit d’écriture dans notre université. En effet, après
quatre ans sans Les cahiers de l’UOM, nous allons disposer d’un autre
périodique de publications scientifiques, qui évitera à nos chercheurs
le calvaire de toujours aller chercher ailleurs et, souvent, de publier les
résultats de leur travail dans des maisons prédatrices, uniquement inté-
ressées par le gain et qui n’ont aucune volonté ni compétence pour juger
de la forme et du fond d’une étude scientifique. Ainsi, nul ne pourra
se prévaloir de l’absence de revue pour justifier sa stérilité scientifique,
notre souhait étant de voir Lubilanji submergée par les travaux à publier,
avec l’espoir de passer de la série multi-thématique lancée avec ce pre-
mier numéro à plusieurs séries mono-thématiques. Par ailleurs, Lubilanji
veut être une revue dont la rigueur est une marque particulière de re-
connaissance et de consécration de l’originalité, de la pertinence et de

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Lubilanji. Réconcilier l’Université officielle de Mbujimayi avec l’écriture

l’autorité de chaque texte publié. Loin de nous engager dans la course


folle de ceux qui se battent pour se faire apprécier par les autres, il s’agit
de valoir par nous-mêmes, du fait de l’importance de nos débats et de la
qualité de notre écriture par rapport à la triple mission de l’université :
la recherche, l’enseignement et la promotion intégrale de l’humanité.
Mais, grâce à notre politique de diffusion, nous n’échapperons pas au
regard critique des autres, parce que Lubilanji ne sera pas une petite
revue provinciale, accessible seulement aux membres de notre commu-
nauté universitaire et à quelques curieux de sa ceinture immédiate. En
effet, outre une version imprimée de haute qualité, dont la circulation
sera réduite par plusieurs facteurs, Lubilanji sera en ligne sur https://
lubilanji.uom.cd.

7. Le sens d’un nom


Notre revue s’appelle Lubilanji (rivière en ciluba) pour exprimer
l’enracinement de l’Université officielle de Mbujimayi dans la terre de
son implantation, une terre des peuples qui ont forgé leur histoire et leur
culture dans une relation symbiotique avec les rivières de Mbujimayi,
Kaleelu, Cilemba, Lubi et Lukula. Mais, surtout, elle porte ce nom pour
rappeler à l’Université qu’elle est comme une rivière dont les eaux sont
appelées à nourrir et à féconder l’histoire humaine par la qualité de son
travail de recherche scientifique, de capacitation poussée des personnes
et de promotion intégrale de la société. Mais, eu égard à cet idéal, ce
premier numéro de Lubilanji est un point de départ qui a l’avantage de
nous faire prendre conscience du chemin à parcourir pour que notre
revue s’impose comme une voix qui compte dans l’univers de la science
et dans la marche du monde. En effet, sur les huit articles que nous
publions, nous avons cinq articles rédigés par des juristes, un article par
deux économistes, un article par un politicologue, et un article par un
théologien et philosophe. Malgré les quatre défis de recherche et d’écri-
ture acceptés par tous depuis le 2 juillet 2022, ce premier numéro de
Lubilanji est donc un procès contre nos professeurs et nos chercheurs,
parce que l’Université officielle de Mbujimayi n’y est pas représentée
dans toute sa complexité, avec ses treize filières de formation (dont cinq
comprennent déjà un troisième cycle), une trentaine de professeurs et
près de trois cents chercheurs en agronomie, médecine, pharmacie,
santé publique, informatique, polytechnique, géologie, droit, économie

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et gestion, sociologie, sciences politiques, relations internationales, et


sciences de l’information et de la communication.

8. Une écriture incarnée et responsable


La vocation de Lubilanji est d’être une écriture incarnée et respon-
sable, c’est-à-dire libre de ces trois tares : la démission du scientifique
indifférent à la dynamique et aux réalités de sa communauté de vie ; la
prostitution du scientifique acquis aux causes qui dégradent la vie de
l’homme ; la superficialité du scientifique incapable d’aller au-delà des
lieux communs, de la vulgarisation et des adaptations. Lubilanji devra
être une écriture ouverte et en dialogue avec les autres, parce qu’il ne
s’agira jamais pour elle de renoncer aux problèmes qui préoccupent la
communauté scientifique tout entière. Plutôt et surtout, il s’agira aussi
d’assumer pleinement la prise en charge scientifique de sa société ainsi
que des problèmes qui affectent le bien-être de ses membres, en rédui-
sant la distance qui sépare et éloigne l’Université de la société. Et, en
parcourant les articles de ce premier numéro de Lubilanji et les difficul-
tés de les résumer en ciluba, je me suis davantage rendu compte que
la réduction de cette distance devra commencer par l’utilisation des
langues locales dans l’écriture scientifique, lesquelles langues sont l’uni-
vers culturel de base dans lequel se meuvent l’université et sa société.
Car l’Université ne pourra comprendre sa communauté de service et lui
parler avec autorité que si elle est capable de le faire à partir des caté-
gories de son génie le plus profond. Ce n’est pas qu’elle devra renoncer
aux langues héritées de la colonisation et aux avantages d’ouverture na-
tionale et internationale qu’elles offrent, mais être pleinement intégrée
dans l’univers linguistique local et travailler à sa promotion comme lieu
de communion sociale.

9. Le professeur et l’avenir de Lubilanji


Une université n’est pas une communauté de porteurs de diplômes
vides et stériles, mais une communauté de chercheurs productifs et pa-
tentés. L’Université officielle de Mbujimayi ne sera une véritable uni-
versité que le jour où, sortant de la léthargie scientifique et du silence
intellectuel, elle se réconcilie avec l’écriture universitaire dans sa rela-
tion congénitale avec la recherche. C’est un défi que doit relever notre
université et ses facultés par une politique de primauté et de promotion
de la recherche scientifique, en mettant à la disposition des professeurs,

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des chercheurs et des étudiants les ressources humaines et matérielles


dont ils ont besoin pour mener à bien leurs projets collectifs ou indi-
viduels. Dans une première phase, et dans les limites de ses moyens
financiers, l’Université officielle de Mbujimayi le fait déjà, notamment
en enrichissant les fonds de sa bibliothèque physique, en souscrivant à
la bibliothèque numérique nationale, en équipant progressivement ses
laboratoires, en acquérant ses cliniques universitaires, en attribuant des
prix d’excellence à ses meilleurs étudiants, en envoyant et en appuyant
financièrement tous ses chercheurs aux études de troisième cycle et de
doctorat, en organisant la formation permanente de son personnel aca-
démique et scientifique, en construisant des partenariats stratégiques
avec certaines universités du Congo, d’Afrique et d’Occident, en ins-
tituant la tenue annuelle des journées scientifiques facultaires et d’un
colloque interdisciplinaire, et en publiant Lubilanji. Mais, quoi que l’on
fasse du point de vue institutionnel, ce défi ne sera relevé que si tous
nos professeurs, tous nos chercheurs et tous nos étudiants s’en appro-
prient en se réconciliant, chacun, avec sa vocation spécifique au sein
de l’Université. Et, pour ce faire, le rôle décisif revient aux professeurs
en tant que maîtres attitrés de l’écriture dans la recherche scientifique,
dans l’enseignement spécialisé et dans le service social, de sorte qu’une
université est d’abord et toujours une photographie exacte de la valeur
corporative et individuelle de ses professeurs. C’est pourquoi la fécondi-
té, l’autorité et l’avenir de Lubilanji dépendent de la fécondité, de l’auto-
rité et de l’avenir des professeurs de l’Université officielle de Mbujimayi.

Résumé — Pour l’Université officielle de Mbujimayi, la revue Lubilanji est une réponse
à un déficit, au besoin institutionnel de se doter d’un périodique pour la publication
des travaux scientifiques de ses professeurs et de ses chercheurs. Mais Lubilanji est sur-
tout un défi lancé à toute la communauté universitaire, appelée à se réconcilier avec
l’écriture par la régularité, la pertinence et la qualité des travaux, contribuant ainsi à
replacer la recherche scientifique au centre de sa vie.
Mots-clés : Université - Recherche - Enseignement - Service social - Écriture - Revue
- Lubilanji.

Abstract — The Lubilanji journal is the means by which the Official University of
Mbujimayi is addressing the institutional need for a space for regular publication
of professors’ and researchers’ scientific studies. More than this, however, Lubilanji
is about issuing a challenge to the entire university community, by calling colleagues

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Apollinaire Cibaka Cikongo

to document their findings regularly and in a high quality manner, and by so doing,
putting scientific research at the centre of university life.
Keywords : University - Research - Teaching - Social service - Writing - Journal -
Lubilanji.

Cikosu — Lubilanji, ncibejibeji cidi Cilongelu citumbuka cya Mbulamatadi cya mu


Mbujimayi cilopola bwalu balongeshi ne bakebikebi ba dimanya baci kabavwa ne
mwaba musunguluka bwa difunda ne dikobola midimu yabu. Kadi, nangananga,
Lubilanji, ndibanza dya difunda didi cilongelu eci cidyela bwa kuzangika bukebikebi
bwa dimanya ku mutu kwa byonso.
Bishimbi meeyi : Cilongelu citumbuka - Bukebikebi - Dilongesha - Disadila ntanda
- Difunda - Cibejibeji - Lubilanji.

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LA PROMOTION DE LA JUSTICE COUTUMIÈRE
ET SON INCIDENCE SUR LES CONFLITS INTER-
COMMUNAUTAIRES DANS L’ESPACE « GRAND KASAÏ »

José Biaya Mukendi1


Professeur associé à la Faculté de Droit
Université officielle de Mbujimayi

Introduction
La Justice coutumière est un ensemble des procédures, pratiques et
usages locaux applicables aux litiges qui requièrent des solutions tradi-
tionnelles, soit devant les cours et tribunaux, soit au niveau des instances
spéciales de règlement des conflits. La récurrence des conflits entre les
communautés locales de l’espace Grand Kasaï présente certaines ma-
nifestations qui révèlent l’inefficacité du dualisme ayant caractérisé le
système juridique.
L’application des règles du Droit écrit aux interminables différends
qui divisent les villages ou clans de cet espace du pays, appelle une
certaine remise en question. Dans le monde rural kasaïen, les affron-
tements sanglants qui aboutissent souvent aux incendies des maisons,
meurtres et autres violations graves des droits humains, sont causés non
seulement par les abus dans l’exploitation agricole, minière ou forestière
sur les terres coutumières, mais aussi par les revendications relatives à
l’installation de certains groupes considérés comme étrangers au clan,
dans le village, ou par l’accès au pouvoir coutumier par des personnes
sans droit ni qualité.
La nouvelle Loi sur le Statut des chefs coutumiers de 2015, ayant
donné l’impression d’ouvrir certaines voies de sortie dans ce secteur, n’a
pas, depuis 8 ans dès sa promulgation, réussi à apporter une nouvelle
dynamique dans les conflits coutumiers. Par ailleurs, le législateur a cru
résoudre des problèmes avec cette Loi ; alors qu’il aurait été intéressant
d’aborder par cette occasion, la question des règles coutumières maté-
rielles au moyen des signaux clairs. Les coutumes locales sont retenues
parmi les sources du Droit, mais elles sont aussi ignorées de beaucoup

1.  mutshibia@gmail.com.

Droit  Lubilanji
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José Biaya Mukendi

de praticiens du Droit et du grand public ; elles sont enfin paradoxale-


ment en train d’être abandonnées par le législateur congolais lui-même.
La triste réalité est que la coutume qui aurait dû être considérée comme
la première inspiration des règles écrites, ne connaît plus d’évolution
malgré les compétences concurrentes et exclusives des organes délibé-
rants (national et provincial) en matière coutumière aux articles 203 et
204 de la Constitution de 2006.
Est-il normal de continuer à considérer comme modernes, les seules
règles du Droit écrit héritées de la colonisation ? Qu’est-ce qui explique
l’absence de solution aux conflits des communautés locales du Grand
Kasaï, malgré la multiplicité des réformes législatives ? pour rencontrer
ces préoccupations, nous proposons quatre démarches qui se résument
comme suit :

— la négligence inconsciente de l’élan évolutionniste des coutumes


locales,
— l’échec dans le travail attendu des chefs coutumiers cooptés députés
provinciaux,
— les tentatives inefficaces de la réhabilitation de la justice coutumière
— et l’effort d’unification de coutumes locales du Grand Kasaï en vue
d’amorcer le grand projet de l’harmonisation et de la modernisa-
tion du Droit traditionnel congolais.

1. Négligence de l’élan évolutionniste des coutumes


locales
La Constitution de la République impose l’application de la cou-
tume à toutes les juridictions civiles et militaires 2. Parmi les textes
nationaux, c’est le Code de la famille qui est l’instrument ayant le plus
renvoyé, pour plusieurs solutions, aux coutumes locales des parties. En
Droit administratif, plusieurs conflits des pouvoirs coutumiers appellent
l’application des règles spéciales coutumières en la matière.
De cette réalité, on peut tirer la question suivante : à ce jour, quel
type de conflits des terres ou des pouvoirs coutumiers qui aurait été dé-
finitivement résolus dans l’espace Grand Kasaï en application des cou-
tumes administratives locales ? La coutume elle-même, a-t-elle évolué

2.  Article 153, alinéa 4 de la Constitution de la République démocratique du


Congo.

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La promotion de la justice coutumière et son incidence sur les conflits intercommunautaires …

ou elle serait encore dans l’état où l’avait laissée les vieilles générations
de xixe et xxe ?
Devant les juridictions dites modernes, les énoncés des coutumes
locales sont rares même là où le litige est fondamentalement de type
traditionnel. La compréhension de mêmes coutumes ne fait presque
pas l’unanimité. L’insécurité est grandissante lorsque les plaideurs se
trouvent devant les matières qui nécessitent le recours aux énoncés de la
coutume ; car dans un même clan, deux ou trois villages peuvent détenir
des coutumes contradictoires sur une même question.
Il existe du reste un grand écart entre les anciens énoncés des cou-
tumes locales luba, tetela ou songye, et les actuelles réalités sociologiques
du terrain. L’exemple en matière successorale peut être tiré de l’énoncé
de la coutume qui dit : « mwan’abu ni muntu, ki muntu mwina » ; ce qui
voudrait dire « le frère du défunt, c’est le remplaçant valable de ce der-
nier » ; donc, son héritier préférentiel. Cet énoncé de la coutume luba
du Kasaï crée de la confusion à ce jour, non seulement en matière des
successions aux biens du de cujus ; mais aussi et surtout dans le domaine
de la succession au trône traditionnel, là où la transmission du pouvoir
coutumier est héréditaire.
Cet énoncé de la coutume entre en conflit avec un autre conçu en
ces termes : « mwafwa Mpundu, mwapingana Mpundu » ; ce qui signi-
fie : lorsqu’un âne meurt, il est remplacé par son petit. Or, l’enfant du
chef coutumier ne peut remplacer son père, dans plusieurs contrées du
Grand Kasaï, que lorsqu’autour de sa famille paternelle, il n’y a aucun
de ses oncles en position utile de successibilité au trône. Sur ces ques-
tions de succession au trône, plusieurs villages de l’espace Grand Kasaï
se sont séparés après plusieurs affrontements en interne. Les divisions
claniques dans plusieurs contrées se fondent sur ce type d’incidents.
Malgré l’état stagnant des coutumes relatives à la transmission du
pouvoir traditionnel dans l’espace Grand Kasaï, la nature de la cou-
tume est caractérisée par un dynamisme qui assure sa survie juridique.
Malheureusement, il s’avère que depuis plusieurs décennies, la coutume
locale ne connaît aucune évolution.
Les auteurs affirment unanimement que la coutume est dyna-
mique, malgré sa diversité et l’existence de quelques contradictions au
niveau local, clanique ou tribal. C’est l’avis de plusieurs jurisconsultes

Droit  Lubilanji
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José Biaya Mukendi

congolais 3. L’évolution des coutumes congolaises était perceptible


jusque dans les années 70, à l’époque du plein fonctionnement des tri-
bunaux coutumiers hérités de la coexistence de deux ordres de juridic-
tion instaurée par l’ancien pouvoir colonial. Ce dernier y avait trouvé
un correspondant valable durant toute la période d’exploitation éco-
nomique ou d’exploration du système judiciaire des « Africains de l’ex
Congo-Belge ». Il y eut, d’un côté, les juridictions coutumières et, de
l’autre, celles du Droit écrit.
Dans le Grand Kasaï, plusieurs juridictions coutumières ont fonc-
tionné, dont notamment le Tribunal de ville de Mbujimayi, qui fut rem-
placé par l’actuel Tribunal de paix de Mbujimayi, qui ne parvient pas à
couvrir tous les besoins des justiciables de celle ville. Après la disparition
des tribunaux coutumiers, l’occasion ne fut pas accordée aux experts
des coutumes, en général, et les grands chefs coutumiers en particulier,
de réfléchir et de sécuriser les coutumes locales. La Commission perma-
nente de réforme du Droit congolais qui avait amorcé ce processus en
1968, n’y pense presque plus.
La première génération des juristes congolais n’avait pas eu l’occa-
sion d’achever cet élan d’adaptation du Droit national, dans pratique-
ment tous les domaines, aux réalités sociologiques ni aux impératifs du
développement. À cet égard, il est utile de rappeler qu’en 1964, lorsqu’il
y eut rédaction de la nouvelle Constitution en vue de rompre avec le
passé constitutionnel colonial, par une Commission parlementaire de
réflexion délocalisée à Kananga (ex Luluabourg), les retombées de cet
acte de bravoure coûtèrent le pouvoir du premier Président de la Ré-
publique (Joseph Kasa Vubu), dont la chute fut fatale le 24 novembre
1965. Cette Constitution fut même suspendue au profit d’un nouvel
ordre politique.
Le contrôle extérieur du fonctionnement des institutions politiques
nationales ne pouvait pas du tout empêcher les notables locaux de ré-
fléchir sur le dynamisme de leurs coutumes. Le vrai travail, en cette
matière, devrait être fait en amont, au travers de la conservation des

3.  Kalongo Mbikayi, Responsabilité civile et socialisation des risques en droit zaïrois,
Kinshasa, PUZ, 1979 ; F. Tshibangu Tshiasu Kalala, Le régime successoral chez les Baluba
et les Bakongo du Zaïre – Essai de confrontation du système patrilinéaire et du système matrilinéaire
des successions, Thèse d’État, Université d’Aix, 1975 ; Mulumba Kat chy, Introduction à
l’étude du droit coutumier congolais, Kinshasa, PUC, 2007 ; A. Sohier, Traité élémentaire du
droit coutumier du Congo-Belge, Bruxelles, Maison Ferdinand Larcier, 1954 ; Kalombo
Mbanga, Cours de droit pénal général ; Kalambay Lumpungu ; Kapeta Nzovu, et c.

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valeurs culturelles, en l’occurrence, par les grands chefs coutumiers. Dès


l’aube de l’indépendance, il était nécessaire de sécuriser non seulement
le système administratif coutumier, mais aussi les énoncés des coutumes
locales positives.
C’est cet encadrement des coutumes locales qui avait fait dé-
faut, lorsque pratiquement tous les chefs coutumiers en géné-
ral, et ceux du Grand Kasaï en particulier, se sont lancés dans les
conflits inter-communautaires, comme leurs homologues (autorités
politico-administratives) qui se disputaient l’exercice du pouvoir en vio-
lation des règles de la Constitution (Loi fondamentale de 1960), dès
l’aube de l’indépendance du Congo.
Lorsqu’il y a eu un peu d’accalmie sur le plan politique et sécuri-
taire au niveau national, à la suite du coup d’État du 24 novembre 1965
et son corollaire, la création du parti politique unique au sommet de
l’État, les chefs coutumiers furent enrôlés comme cadres locaux dudit
parti avec toutes les conséquences qui pouvaient en découler. Ce fut une
deuxième léthargie qui obnubila le pouvoir traditionnel, perdu dans un
régime politique autoritaire dont les leaders et acteurs locaux se ser-
vaient, dans leurs guéguerres et lutte de positionnement, de l’adhésion
des chefs coutumiers. Cet acte permettait aux politiciens de s’affirmer
dans les organes de l’État et mériter la confiance du guide et Président
de l’ex Mouvement Populaire de la Révolution, Parti-État, lequel était
de droit Président de la République.
Les chefs coutumiers du Grand Kasaï, comme ceux d’ailleurs, se
sont retrouvés au sein de l’organe suprême du parti unique, le Comité
central du MPR (Mouvement populaire de la révolution), avec des avan-
tages dus à ce rang. Voilà de quelle manière le régime Mobutu, qui avait
au moins réussi à instaurer la paix au pays, avait approché les Grands
chefs coutumiers de tous les espaces linguistiques de la République.
Le bilan de ces chefs traditionnels au sein des organes stratégiques
du parti au pouvoir et dans certaines institutions de l’État, était glo-
balement négatif, dans la mesure où ils n’y avaient laissé aucune ini-
tiative sur le dynamisme des coutumes locales congolaises ; mais du
côté conflits inter communautaires, la situation indique que les divers
clans du Grand Kasaï ne s’entendaient presque pas durant toute cette
période. En dehors du cas type de conflit entre les Beena Mwembya,
Beena Kapuya et Beena Nshimba, dans le Territoire de Katanda, au
Kasai-Oriental, il y avait un autre conflit insolite qui divisa cette pro-
vince d’alors en deux sous-groupes : les Beena Cibanda et les Beena

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Mutu wa Mukuna. Entre les ressortissants de deux anciennes provinces


(Kasaï-Oriental et Kasaï-Occidental), il y avait des tiraillements entre-
tenus par les politiciens à partir de la capitale Kinshasa, qui opposèrent
les Baluba aux Beena Luluwa, alors que les deux sont frères et parlent
la même langue.
Ce fut dans ce contexte que les Tetela du Sankuru furent présentés
aux Luba du Kasaï comme étant leurs ennemis ou frères rivaux, dans
le but notamment de les affaiblir politiquement et de les empêcher de
réfléchir sur les projets de leur commune destinée. Les Songye avaient
une mauvaise appréhension des Luba qui leur étaient présentés comme
ayant refusé de leur reconnaître le droit d’avoir une province à part
entière. Le récent démembrement de certaines provinces du pays a pro-
duit, pratiquement dans cette logique, la Province de Lomami.
Il y avait lors de la période dite de paix, entre 1967 et 1996, des ten-
sions indescriptibles entre les communautés locales congolaises en géné-
ral, et les fils et filles du Grand Kasaï en particulier. Les conséquences
de ces tensions se soldaient souvent par des tueries assimilables au géno-
cide, incendies des maisons d’habitation, destruction des récoltes, dépla-
cement des bornes frontières entre villages, mouvement involontaire des
populations et autres divers méfaits. Les ressortissants du Grand Kasaï
furent présentés à leurs frères d’autres provinces comme étant des gens
dangereux là où ils avaient choisi de résider, notamment dans le Grand
Katanga d’où ils furent chassés (en 1992) dans un contexte du génocide
dont on ne peut pas ressusciter les stigmates pour des raisons de cohabi-
tation pacifique. Les Kasaïens ne tirent-ils pas leur origine du Katanga
qu’ils avaient quitté vers le xviiie siècle lors des mouvements migratoires
dus aux causes économico-politiques d’alors ?
Ces quelques cas des conflits inter-communautaires prouvent à suf-
fisance comment les Grands chefs coutumiers étaient emballés dans
une sorte de tourbillon politique qui les enfonçait dans l’incapacité d’en-
cadrer le système traditionnel et ses vestiges légendaires.
Dans l’espace Grand Kasaï, comme partout à travers le pays, on
avait plutôt besoin de gens capables de booster le dynamisme de la cou-
tume, en vue d’une contribution idoine à l’évolution du Droit positif
congolais. Un silence coupable sur l’avenir des coutumes congolaises
fut entretenu par des officines obscures avec des ramifications en in-
terne et en externe. Par voie de conséquence, le Droit congolais n’aurait
évolué qu’avec les innovations tirées des règles du Droit écrit, qui sont

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elles-mêmes importées de la législation belge ayant ses sources dans le


système romano-germanique.
C’est par rapport à cette triste réalité que nous estimons que le
véritable et authentique Droit congolais n’a pas évolué, comme l’au-
rait souhaité le législateur lors de la programmation des réformes en
1968. À cet égard, il est utile d’identifier les causes de la négligence des
coutumes locales, alors que celles-ci constituent des idées-forces pour la
fondation d’une nation forte.
Déjà en 1954, Monsieur Antoine Sohier révélait, dans l’avant-propos
de son ouvrage « Traité élémentaire du Droit coutumier du Congo-Belge », qu’étu-
dier le Droit d’un peuple est une nécessité, si on veut saisir son âme.
L’étude juridique des coutumes vient, sur bien des points, corriger les
conclusions trop absolues qu’on pourrait déduire des seules recherches
ethnographiques, philosophiques ou sociologiques 4. Cet auteur avait
découvert, lors de ses recherches sur les coutumes congolaises, qu’il
avait à faire à un type de législation traditionnelle ordonnée et claire,
malgré son caractère oral. Il était vraiment question d’un Droit tra-
ditionnel qui rivalisait les règles écrites d’inspiration occidentale et du
système romano-germanique dans lequel la République Démocratique
du Congo se trouve à partir de ce hasard historique.
Il est utile de relever que l’expression « Droit moderne » s’avère au-
jourd’hui être un piège profond dans lequel toute une République est
tombée, en abandonnant ou, tout au moins, en négligeant ses propres
règles dont l’authenticité est avérée. Point n’est besoin de rappeler que
les règles modernes du Droit belge ou du Droit français, sont de vieilles
coutumes de l’Allemagne auxquelles il fut ajouté quelques usages locaux
de Rome antique. Ce fut à la suite de l’évolution de ces pratiques et usages
locaux, en Occident, que naquit le « système romano-germanique »
dont les règles se sont davantage modernisées avec le concours des ju-
ristes occidentaux formés dans plusieurs écoles, dont l’École positiviste.
De la même manière que les vieilles coutumes européennes
connurent leur évolution jusqu’à l’étape des règles modernes actuelles
qui, du reste, ont vocation à réunir toute l’Europe autour des idées et de
la législation régionale, les coutumes locales congolaises en général, et
celles du Grand Kasaï en particulier, ne manquent pas cette vocation à
devenir un jour un ensemble des règles à moderniser ou à soumettre à
la codification, pour ainsi tracer la voie à un véritable et original Droit

4.  A. Sohier, Op. cit., p. 7.

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congolais moderne. Douter de cette démarche, c’est hypothéquer da-


vantage l’authenticité de toute une législation souveraine, et condamner
le pays ainsi à l’imitation servile des règles importées et non adaptables
aux fondements de la société.
Par ailleurs, les conflits inter-communautaires, au sein de l’espace
Grand Kasaï, proviennent de diverses causes. Les unes couvrent la ja-
lousie et l’esprit d’occupation des terres ayant un sous-sol riche ; tandis
que les autres sont liées à l’esprit de domination et de l’exercice du pou-
voir traditionnel de manière héréditaire.
Ce serait absurde de continuer à chercher des solutions, à ce genre
de conflits, dans la législation dite moderne ; au moment où le Droit
d’inspiration occidentale obéit plus à sa propre philosophie qui voudrait
que beaucoup d’adaptations soient préalablement faites, avant de scru-
ter les méthodes qui conviendraient pour l’examen des litiges tradition-
nels par les juges congolais.
Le poids de cette réalité traditionnelle avait beaucoup pesé lors de
l’élaboration du Code de la famille du 1er août 1987. Dans ce Code, les
rédacteurs ont tenté de ressusciter les coutumes locales presqu’oubliées,
ou tout au moins non améliorées dans le temps et dans l’espace.
Pour ne cibler que les coutumes locales du Grand Kasaï, il s’avère
que dans les villes, comme Kabinda, Muene-Ditu, Kananga, Tshikapa,
Mbujimayi et Lusambo, l’influence des coutumes est relativement né-
gligeable ; d’autant moins que leurs populations y vivent avec l’esprit de
se démarquer de coutumes locales considérées à tort comme l’affaire de
seuls habitants du monde rural ; tandis que dans les villages, les popula-
tions repoussent, à leur tour, les mœurs de milieux urbains auxquelles il
est souvent reproché un mélange de cultures avec imitation de l’Occi-
dent facilitée par la télévision, l’internet ou la mondialisation.
Les populations rurales se plaignent d’avoir conservé seules les us
et coutumes qu’elles ont du mal à transmettre aux leurs qui naissent et
évoluent dans les grandes villes, et surtout ceux qui évoluent à l’étran-
ger. Il n’y a plus de possibilité de transmission des valeurs culturelles
entre générations, à cause du manque de support de conservation de ces
instruments juridiques spéciaux. Les énoncés des coutumes sont restés
les mêmes presque partout ; alors que les conditions sociologiques ne
sont pas statiques. Elles ont beaucoup changé entre xixe et xxie siècles.
Quels seraient alors les contenus de diverses coutumes locales qui
peuvent rester les mêmes durant près de deux siècles ? L’influence des
règles du Droit importées de l’Occident ou laissées comme héritage lé-

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gislatif indésirable par l’ancien colonisateur, aurait pu du reste interpel-


ler les notables locaux, pour une vigilance accrue au regard de l’accultu-
ration progressive des populations autochtones.
Les chefs coutumiers du Grand Kasaï et leurs notables locaux res-
pectifs sont de plus en plus plongés dans les conflits de succession au
pouvoir traditionnel et de limites de leurs terres coutumières. Ils sont
exposés à l’exploitation artisanale des diamants qui les divise davantage,
au moment où le contenu de leurs coutumes locales est en train de leur
échapper. C’est un danger pour les générations futures.
Les chambres parlementaires de la République Démocratique du
Congo ont du mal à initier des réformes coutumières compte tenu du
caractère particulier des coutumes locales et de leur contradiction in-
terne selon les contrées. Il est ainsi indiqué de rappeler aux autorités
traditionnelles que certaines coutumes locales sont dépassées au point
qu’elles ne suffisent plus pour apporter des solutions notamment aux
problèmes des communautés locales en proie aux violences autour du
phénomène « premier occupant ».
Dans certaines communautés locales au Grand Kasaï, il existe en-
core des peuples qui dénient aux autres le droit au sol, pour avoir oc-
cupé les terres avant l’arrivée de ces derniers. Deux siècles après, les
descendants des uns rappellent à ceux des autres qu’ils seraient les seuls
originaires. Ce qui équivaut à considérer les autres comme étant des
« Congolais sans terre ».
C’est une violation des lois pouvant conduire à la négation de la
nationalité d’origine. Cette attitude est en contradiction notamment
avec le principe de nationalité congolaise d’origine par appartenance
qui suppose un lien inséparable entre l’individu et le sol. L’article 6 de la
Loi du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise, l’atteste en
ces termes : « est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux
groupes ethniques… dont les personnes et le territoire constituaient ce
qui est devenu le Congo à l’indépendance ».
Par ailleurs, autant les notables locaux oublient leur mission de ré-
fléchir sur l’évolution de la coutume locale, autant les Assemblées pro-
vinciales ne s’intéressent nullement à la promotion de celle-ci sur les ma-
tières qu’elles sont censées gérer selon l’esprit et la lettre des dispositions
des articles 203 et 204 de la Constitution sur les compétences législatives
exclusives ou concurrentes entre le pouvoir central et les provinces, en
matière coutumière. Si le Parlement national n’est pas le lieu indiqué
pour l’adaptation des coutumes locales aux réalités sociologiques qui

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sont pourtant dynamiques, il existe des organes délibérants locaux qui


peuvent s’occuper de ces questions en amont.

2. Échec du travail des chefs coutumiers cooptés


députés provinciaux
La Constitution de la République, la Loi électorale, ainsi que
d’autres lois particulières sont restées favorables à l’intégration des chefs
coutumiers dans les Assemblées provinciales. Quelle peut être la « ratio
legis » d’une telle option ? Est-ce pour faire participer ces personnages
mythiques à la libre administration des provinces ou pour leur permettre
simplement de bénéficier de la redistribution des richesses nationales au
moyen des émoluments auxquels ils auront droit ?
À l’article 207 de la Constitution, il est affirmé que « l’autorité
coutumière est reconnue ». Que peut-on, en réalité, attendre d’une
telle autorité dès lors qu’au niveau provincial, les chefs coutumiers ont
un quota exclusif dans les organes délibérants, par voie de coopta-
tion ? La Loi attendue pour la mise en œuvre de leur statut aura bien-
tôt dix ans d’empire ; son impact est encore attendu dans les conflits
inter-communautaires, particulièrement dans l’espace sous-revue.
Pour ne prendre que l’exemple de la production des édits au niveau
de la province du Kasaï-Oriental (ancienne, comme nouvelle configu-
ration), aucune initiative n’est signalée en matière d’édit d’inspiration
coutumière. Or, il existe plusieurs questions qui méritent d’être étudiées
non seulement au niveau de l’Assemblée provinciale, mais aussi et sur-
tout dans les organes délibérants locaux dont les animateurs attendent
encore l’organisation des scrutins y relatifs depuis 17 ans de l’entrée du
pays dans une nouvelle ère de la démocratie.
En matière de compétences législatives, la Constitution du 18 fé-
vrier 2006, même si elle contient encore bon nombre de matières incon-
grues qui appellent des réformes notables, a spécifié équitablement les
compétences concurrentes en son article 203, ainsi que celles exclusives
à la province en son article 204. Dans l’un ou l’autre cas, chaque Assem-
blée provinciale a reçu les attributions de produire des édits sur les droits
civils et coutumiers, ainsi qu’en matière de la coutume locale. Le tout en
respect de l’ordre public et de bonnes mœurs.
Il appartient aux chefs coutumiers locaux, dans leur ensemble, de
réfléchir sur les solutions authentiques à apporter aux problèmes qui
rongent leurs communautés locales respectives, en amont, afin d’en

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transmettre les résultats à leurs représentants qui siègent, en qualité de


députés provinciaux cooptés, au sein des organes délibérants (Assem-
blées provinciales).
Pendant toutes les périodes des vacances parlementaires, les chefs
coutumiers cooptés députés provinciaux, n’ont-ils pas un devoir de red-
dition des comptes non seulement auprès de la population provinciale
concernée, mais aussi vis-à-vis de leurs pairs chefs coutumiers qui leur
ont fait confiance pour représenter le pouvoir traditionnel au sein d’un
organe éminemment politique. Les députés provinciaux cooptés ont
le devoir d’identifier les causes des conflits inter-communautaires sur
l’étendue de chaque province concernée, particulièrement pendant la
période des vacances parlementaires, en échangeant surtout avec toutes
les couches de leurs populations respectives.
C’est à l’occasion de telles rencontres que l’approfondissement de
certaines questions liées à l’application des coutumes locales peut, d’une
part, s’inviter aux débats pour ainsi booster leur transformation posi-
tive en amont ; et de l’autre, susciter en aval des débats parlementaires
au sein des Assemblées provinciales, susceptibles d’accoucher des édits
pouvant inaugurer le véritable Droit moderne congolais, issu de l’évolu-
tion des coutumes locales.
C’est en fonction de telles initiatives que les juges considérés comme
modernes, ainsi que certaines instances de type traditionnel 5, pourraient
avoir des références efficaces pour résoudre notamment les conflits des
terres et des pouvoirs coutumiers qui leur sont soumis. Cette démarche
est un canal sûr pour amorcer l’œuvre de codification progressive des
coutumes locales.
Il y a lieu de rappeler que sous d’autres cieux, à l’instar de quelques
pays de l’Asie, comme la Chine, le recours aux solutions locales, dans
plusieurs domaines, a facilité le développement social dont les résultats
placent ce pays, désormais, parmi ceux qui sont considérés comme les
plus avancés à travers la planète terre.
Il est tout aussi utile de signaler que les règles juridiques du sys-
tème romano-germanique auquel appartient le Droit congolais, à la
suite du passé colonial, reposent sur une culture dont seul le législateur
colonial d’avant 1960, avait la maîtrise. Il s’agit des lois qui régissent
aujourd’hui les différents peuples de l’Europe qui avaient, depuis très

5.  À l’instar des commissions consultatives de règlement des conflits coutumiers


signalées à l’article 36, alinéa 2 de la Loi de 2015 portant Statut des chefs coutumiers.

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longtemps, consenti à s’adapter à l’amélioration progressive de leurs


coutumes, suivant l’évolution de leurs conditions sociologiques locales
d’alors. Si l’Afrique entière est aujourd’hui exposée à l’acculturation, à
quelques exceptions près, la République Démocratique du Congo n’est
nullement épargnée ; et l’espace Grand Kasaï a vite évolué dans la perte
de repères de sa culture juridique locale.
Antoine Garapon explique que la culture juridique est la version
moderne de ce que l’on entendait autrefois par tradition juridique ou
mentalité d’un peuple. Les juristes ont les sentiments de vivre sous une
sorte d’acculturation juridique généralisée du fait de la compétition à
laquelle se livrent les systèmes juridiques 6.
Considérer à ce jour que la République Démocratique du Congo
aurait des « règles de Droit modernes », tant que celles-ci sont issues de
la législation héritée de la colonisation, c’est condamner ce pays à rester
éternellement non seulement avec une législation importée, mais aussi
avec des coutumes vieilles de plus de deux siècles qui ne peuvent nulle-
ment être améliorées. Ainsi, le pays sera toujours régi par deux types de
règles : les règles de Droit importées dites modernes et les règles coutu-
mières issues du Droit traditionnel non modernisé.
Nombreux sont les litiges de type coutumier, particulièrement dans
l’espace Grand Kasaï, dont l’ampleur plonge autant de générations
dans la quête effrénée des solutions au travers d’une législation moderne
non adaptée ; alors que le Droit traditionnel qui est mieux placé pour
fournir pareilles solutions, n’intéresse plus jamais ni le législateur, ni les
praticiens du Droit, encore moins les chercheurs congolais.
Le Droit traditionnel congolais était déjà lancé sur l’orbite de son
évolution vers la modernisation des coutumes locales, sous l’inspiration
du Président Joseph Désiré Mobutu Sese Seko qui avait prôné le « re-
cours à l’authenticité », après correction de sa révolution qui parlait plu-
tôt du « retour à l’authenticité », au début des années 70.
Il n’est pas besoin de perdre le temps à deviner les causes qui
avaient miné l’élan de l’œuvre législative focalisée jadis sur le recours à
l’authenticité. Il est plutôt prudent de conclure que cet élan fut freiné,
et le Président de la République d’alors l’abandonna purement et sim-
plement. Ce qui lui aurait valu 32 ans de règne sans partage du pouvoir.

6.  A. Garapon, cité par Benoît Mutamba Kanyuka Kabal o, « Existe-t -il une
culture juridique africaine ? », in Mélanges Nguya Ndila, République Démocratique du
Congo : les défis récurrents de décolonisation, de l’État de droit et du développement économique et
social, Kinshasa, CEDESURK, 2012, p. 845.

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Son régime politique fut de ceux qui ont davantage connu les violations
massives des droits humains et en toute impunité.
En 1967 déjà, sous la plume de Monsieur Mabika Kalanda, le
constat suivant était fait : « au fur et mesure que la tribu ou le clan pre-
nait numériquement de l’importance, le phénomène de division s’am-
plifiait. On a pu dire que l’influence du milieu géographique, le climat,
l’immensité de l’espace habitable sont à l’origine de l’émiettement de la
société bantoue… Le parlement se réunit dans les conditions fixées par
l’ONU, donc par les puissances qui contrôlent cette organisation. Une
haie de fil barbelé protégée par des dogues formait une enceinte gardée
par les casques bleus » 7.
Ce fut sous le règne du Président Mobutu Sese Seko que la décision
de supprimer les tribunaux coutumiers fut annoncée (en 1982). Est-il, à
ce jour, utile de réhabiliter cette vieille justice coutumière par rapport aux
questions spéciales liées à l’ampleur des conflits inter-communautaires
à travers le pays en général, et dans l’espace Grand Kasaï, en parti-
culier ? La réponse ne peut être que négative. La nouvelle forme de la
justice coutumière plaide en faveur de la valorisation des coutumes lo-
cales, entendues comme source fondamentalement riche et susceptible
d’apporter progressivement à la législation actuelle, de véritables règles
de Droit, à la fois originales et améliorées.
Pour le Professeur Kayemba Ntamba, tout aussi fondamental est
le caractère consensuel de la société africaine traditionnelle, parentale
ou politique, où le souci de composer, de persuader l’emportait de loin
sur celui de triompher des adversaires. Ce souci transparaît à travers les
palabres et aussi à travers nombreuses autres institutions au niveau des
sociétés politiquement organisées, notamment les répliques politiques
institutionnalisées, l’élection des rois dans nombreuses sociétés, le res-
pect des tribus vaincues, la séparation du dominium incarné par le chef
de terre et de l’imperium incarné par le chef politique, la participation de
tous les groupes à la vie publique 8.
Pour rester dans le cadre des recherches menées sur les conflits
inter-communautaires dans l’espace Grand Kasaï, il est envisageable
de réfléchir sur l’impact de quelques tentatives de réhabilitation des

7.  Mabika Kalanda, La remise en question : base de la décolonisation mentale,


Kinshasa, Éditions Remarques Africaines, 1967.
8.  Kayemba Ntamba, « Modernité sous l’identité culturelle d’emprunt en Afrique
noire postcoloniale », in Annales de la Faculté de Droit, vol. IV-VI, Kinshasa, PUK, 1984.

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instances para judiciaires sur la décrispation de certains conflits coutu-


miers dans l’aire géographique sous revue.

3. Insuffisance des stratégies sur la réhabilitation


de la justice coutumière
Dans sa phase embryonnaire, la justice coutumière a fonctionné à
l’époque des anciens Royaumes et Empires d’avant 1885. Mais, lorsque
la colonisation l’a maintenue, elle a fonctionné sous couvert des juridic-
tions coutumières dont la suppression a été plus tard entamée à partir de
la réforme de 1968, avec achèvement aux termes de l’Ordonnance-loi
du 31 mars 1982 sur l’organisation et les compétences judiciaires qui
ouvrit la porte aux juges assesseurs, au niveau des tribunaux. Lors de
la réforme de cette Loi organique en 2013, l’intervention de ces juges
coutumiers a été reconduite, mais au premier degré uniquement.
Si plusieurs autres lois consacrent les droits des communautés lo-
cales ou coutumières 9, la Loi portant régime général des biens, régime
foncier et immobilier et régime des sûretés se limite encore à ne parler
que des droits d’habitation, de jouissance et d’exploitation des terres
coutumières au profit desdites communautés, sans mesures d’applica-
tion relatives à la modalité desdites habitation, jouissance et exploitation
depuis 50 ans de son élaboration.
Les conflits entre communautés locales du Grand Kasaï dépassent
même cette dimension d’exploitation des terres, dans la mesure où ils
touchent au mode d’accession au pouvoir coutumier, aux limites des vil-
lages, à l’identification de premiers occupants par rapport aux groupes
qui se sont ajoutés sur le même terroir plus tard, etc.
Les efforts de la réhabilitation de la justice coutumière se mani-
festent non seulement par la présence des juges assesseurs au niveau des
tribunaux de paix, lorsque le litige à eux soumis appelle l’application
des coutumes locales, particulièrement en Droit de la famille ; mais aussi
par la dévolution de certaines compétences aux instances spécialisées
appelées à statuer sur des litiges qui relèvent essentiellement du Droit
administratif coutumier.
En dehors de ces deux voies officielles de réhabilitation de la jus-
tice coutumière, il existe une autre informelle : celle de la survivance

9.  Notamment la Loi de 2002 portant Code minier, la Loi sur l’Agriculture et
le Code forestier.

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des anciens tribunaux coutumiers, à cause de l’indifférence des magis-


trats congolais vis-à-vis des activités judiciaires qui leur sont confiées
dans le monde rural. À titre d’exemple, il s’avère que les tribunaux de
paix, censés fonctionner dans chacun de 5 territoires de la province du
Kasaï-Oriental, n’ont pas reçu les juges pourtant y affectés par les au-
torités compétentes, à cause des conditions de vie assez précaires dans
ces milieux que les magistrats évitent, au profit de grandes villes où ils
encombrent les mêmes tribunaux.
S’agissant de la Province du Kasaï-Oriental, seul le Tribunal de
paix de Tshilenge couvre d’ailleurs difficilement le besoin de justice de
tout son ressort. Sa compétence ne s’étend pas sur les cinq territoires ;
situation qui impose ainsi de longs voyages aux justiciables, tenus de
répondre aux audiences publiques, afin d’éviter des condamnations
par défaut. Les huissiers de justice de cet unique tribunal de paix de
Tshilenge sont soumis aux mêmes calvaires pour la signification de leurs
exploits. Devant cette gymnastique qui exige paradoxalement trop de
dépenses, les chefs coutumiers de certains milieux traditionnels s’érigent
en tribunaux de circonstance pour siéger non seulement en matière ci-
vile, mais aussi en matière répressive de manière incompréhensible.
À cet égard, voici ce que la doctrine suggère depuis longtemps, et
que les pouvoirs publics négligent d’accomplir pour des raisons ina-
vouées : « en ce qui concerne la mise en œuvre de l’option décidée dans
la réforme de 1968, en milieu rural, la création des tribunaux de paix au
niveau véritablement local, c’est le secteur qui devra servir en tant que
circonscription de référence devant abriter ces juridictions et non pas le
territoire comme c’est le cas actuellement » 10.
À propos des litiges administratifs coutumiers qui requièrent l’ap-
plication des règles procédurales et matérielles coutumières, il sied de
relever que le législateur congolais a tantôt levé l’option de créer le
Ministère chargé des Affaires coutumières au niveau national, tantôt
attaché les compétences relatives à cette matière au Ministère de l’In-
térieur et Sécurité. Il a ensuite conféré aux tribunaux administratifs la
compétence juridictionnelle, sans penser aux véritables juges assesseurs
qui auraient pu être recrutés dans les rangs de notables locaux ayant

10.  À ce propos, lire Balanda Mikwin Leliel, « Les tribunaux de paix au Zaïre ;
fonctionnement, procédure et compétence », in RJZ, nos 1-3, 1984 ; J. E. Nzundu
Nzalalemba, « Les tribunaux de paix et les juridictions coutumières en milieu rural :
de la substitution à la survivance », in Revue du Barreau de Kinshasa/Matete, Kinshasa,
n° 001, 2013, p. 131.

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une connaissance avérée sur les réalités administratives coutumières.


Les juges assesseurs appelés à siéger au niveau du tribunal administra-
tif sont les magistrats du Ministère public ou les avocats recrutés pour
la circonstance pour compléter le siège en cas de carence de juges du
ressort.
À cause des limites dans les initiatives des responsables administra-
tifs locaux, dans le règlement des questions coutumières à travers les
villages, groupements, chefferies et secteurs, ainsi que des tâtonnements
de juges administratifs, magistrats de carrière, dans le règlement des
conflits relatifs à l’exercice du pouvoir coutumier, l’intervention du légis-
lateur congolais était attendu sur le vœu du Constituant de 2006 ; celui
de légiférer sur le « Statut des chefs coutumiers ». Depuis 2015, cette Loi
a été élaborée et promulguée. C’est la Loi n° 15/015 du 25 août 2015
portant Statut des chefs coutumiers. Cet instrument national est d’une
part, une voie ouverte vers la considération de la diversité coutumière
qui constitue l’une des sources importantes du Droit positif congolais ;
et d’autre part, un moyen d’évaluation des avancées en ce domaine sen-
sible, pour jauger les nécessités d’intervention législative afin d’amélio-
rer davantage ce secteur qui constitue le socle et le fondement de la
société congolaise.
Cette Loi a tenté de réhabiliter, à sa manière, le domaine de la
justice coutumière, en autorisant la création de quelques commissions
chargées de prendre en charge les conflits de pouvoirs coutumiers avant
leur examen devant les cours et tribunaux compétents. On peut lire à
l’article 36 de cette Loi du 15 août 2015 ce qui suit : « il peut être créé
au niveau du secteur ou de la chefferie, de la province et du Ministère de
la République ayant les Affaires coutumières dans ses attributions, une
commission consultative de règlement des conflits coutumiers ».
Cette disposition légale ne fait pas de la mise en place de ces com-
missions dans les entités territoriales visées, un impératif  ; mais on sent
dans cette Loi une hésitation qui se traduit par l’usage de l’expression
« il peut être créé… », comme si cela pouvait dépendre des nécessités
particulières locales.
La création d’une commission consultative de règlement des conflits
coutumiers au niveau local aurait dû être un impératif, d’autant moins
que les questions de conflits coutumiers sont innombrables dans toutes
les entités territoriales de base, celles du Grand Kasaï en particulier.
C’est plutôt au niveau national que le fonctionnement d’une telle com-
mission ne s’avère pas utile. Il existe déjà beaucoup d’autres structures

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La promotion de la justice coutumière et son incidence sur les conflits intercommunautaires …

des chefs coutumiers à ce niveau qui jouent le rôle d’éclaireur du Gou-


vernement sur plusieurs matières coutumières de la République.
Les conflits des terres et des pouvoirs coutumiers que l’on croyait
opposer seulement les communautés locales du monde rural, ont pris
d’autres ampleurs jusqu’à s’intensifier même dans les grandes villes,
avec le phénomène « terres urbaines de communautés locales » ; ce qui
ne cadre pas avec l’esprit de la Loi portant régime général des biens, ré-
gime foncier et immobilier et régime des sûretés de 1973, encore moins
avec ses mesures d’application. La création d’une ville a pourtant les
effets de rendre disponibles toutes les anciennes terres coutumières pour
le plan général de lotissement. Mais, la communauté locale paralysée ne
désarme pas ; et c’est par défi que ses ressortissants résistent aux réalités
administratives techniques.
La commission consultative de règlement des conflits coutumiers,
instaurée par la Loi de 2015 serait la bienvenue, particulièrement dans
le domaine des convoitises injustifiées des terres urbanisées par certaines
communautés locales au nom du faux principe de la « reprise des an-
ciennes terres rurales » par les chefs coutumiers ; alors que la reprise est
organisée légalement au profit de l’État, propriétaire de toutes les terres,
par une procédure appropriée.
D’ailleurs, il s’agit des terres et cours d’eau « domanialisés ». Dans la
Ville de Mbujimayi, par exemple, quelques ressortissants de la commu-
nauté locale Bakwanga n’ont pas encore compris que lorsque l’État oc-
troie des concessions foncières à une société minière, surtout en milieux
urbains, l’usage de ces terres ne peut nullement relever des caprices de
responsables de la communauté locale. Ce qui n’est pas le cas avec les
concessions minières, soumises à un régime spécial de réhabilitation de
l’environnement ou d’indemnisation des victimes de l’exploitation, en
termes de responsabilité sociétale de l’entreprise.
Dans cette optique, on peut évoquer les conflits légendaires qui
opposent la communauté locale des Bakwanga, vivant dans la Ville
de Mbujimayi, à l’État congolais ou à certains établissements publics
ou privés en difficultés de fonctionnement. Les tribunaux saisis à cet
effet, de conflits relatifs aux terres domaniales, rendent des décisions
judiciaires souvent en faveur des communautés locales. Munis des juge-
ments ou arrêts, sans motivation légale, les chefs coutumiers agissant au
nom de leurs communautés locales passent, de manière spectaculaire,
à la vitesse supérieure en initiant des « plans de lotissement » qui béné-
ficient, en plus, du concours farfelu de certains services techniques de

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l’État (urbanisme et cadastre) pour approbation et distribution des lo-


pins de terre, moyennant des jetons soumis à la signature des membres
de la commission de distribution mise en place par le chef coutumier
local.
C’est l’occasion d’affirmer que l’État est victime de la complaisance
de son pouvoir judiciaire et de ses agents affectés dans les services tech-
niques qui participent à la matérialisation de la spoliation des terres
domaniales. Les investissements attendus dans plusieurs agglomérations
souffrent du manque de politique d’encadrement administratif, voire
judiciaire, des espaces du domaine foncier de l’État. L’heure est à l’inté-
gration des communautés locales autour des questions se rapportant à
l’outil juridique et judiciaire. La justice coutumière, des anciens temps
n’avait jamais connu des cas de prise-à-partie, ni de suspicion légitime,
pratiques importées de l’Occident qui prétend avoir amélioré les mœurs
sous le paradigme de mondialisation. Chez les aïeux du Grand Kasaï,
le principe qui guidait la neutralité du procès était : « tuya ku ba mwanda,
katuyi ku ba wetu » ; ce qui voudrait dire, l’objectivité du verdict ou la vé-
rité judiciaire vaut plus que les relations familiales qui existeraient entre
le juge et l’une des parties.
Par ailleurs, il sied de signaler que certains opérateurs politiques et
économiques qui désirent investir dans le monde rural, avec des projets
industriels ou agro-pastoraux, sont les premiers à solliciter l’achat des
étendues des terres auprès des chefs coutumiers qui, pourtant n’ont au-
cune compétence en matière de lotissement des terrains. Ils ne sont que
de simples administratifs coutumiers chargés des questions coutumières
sur les villages, groupements ou chefferies sous leur gestion. Pareille dé-
marche ne peut être menée qu’auprès des services techniques de l’État
compétents en la matière (Affaires foncières, Mines et Géologie, Agri-
culture, etc).
Il est surprenant de constater que les chefs coutumiers organisent
des séances de règlement des conflits des terres coutumières en dehors
de la commission consultative de règlement des conflits coutumiers de
leur ressort. Il ne serait pas abondant de rappeler le théâtre des conflits
des terres qui opposent la communauté locale des Bakwanga vivant
dans la Ville de Mbujimayi à la Société Minière de Bakwanga (Miba) ;
alors que cette dernière détient des titres authentiques sur les conces-
sions foncières, en plus suffisamment mises en valeur, pour besoin de
logement de ses travailleurs.

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Faudra-t-il changer utilement l’appellation de cette société (Mi-


nière des Bakwanga) pour éviter la confusion insolite autour du vocable
Bakwanga, au moment où la Ville de Mbujimayi n’est plus constituée
de communautés locales ? L’heure n’est-elle pas arrivée pour une telle
modification, en adoptant, par exemple, la dénomination suivante :
« Société minière du Kasaï », SMK en sigle. Les gisements et autres
concessions foncières dont dispose cette société ne sont pas localisables
seulement dans l’ex communauté locale Bakwanga ; ils sont, par contre,
répandus à travers tout l’espace Grand Kasaï, voire au-delà de ce cadre.
Il s’avère nécessaire de relever certaines limites qui apparaissent
dans les procédures coutumières qui se déroulent devant les tribunaux
de paix, lorsqu’ils siègent avec le concours de deux juges assesseurs re-
crutés parmi les notables locaux, selon les prescrits de l’article 10 de
la Loi organique portant organisation, fonctionnement et compétence
des juridictions de l’ordre judiciaire 11. Il sied de constater que la com-
pétence et la disponibilité de ces experts des coutumes locales se font
même rares. En outre, les énoncés des coutumes ont tellement vieilli
qu’il devient pratiquement difficile d’en concilier la portée avec cer-
taines conditions sociologiques qui sont en pleine mutation.
Les litiges relatifs au Droit coutumier local réglés au premier degré
au niveau du tribunal de paix, peuvent être déférés en appel devant le
tribunal de grande instance qui ne siège malheureusement pas avec le
concours des juges coutumiers. Les juges assesseurs sont introuvables ni
au degré d’appel, ni au niveau du pourvoi en cassation ; alors qu’il s’agi-
ra à chaque étape de la procédure, du même litige et de mêmes parties,
sans ignorer que la coutume à appliquer ou à interpréter, ou encore à
corriger demeurerait la même devant l’instance supérieure.
Dans le cadre des perspectives, est-il préférable de chercher une
nouvelle classe d’acteurs judiciaires ou concevoir, à propos des tensions
et crises entre communautés locales, de nouvelles règles devant tenir
compte des spécificités traditionnelles ? La balance pencherait du côté
du renforcement des énoncés de coutumes locales, et l’effort de leur
unification, une entreprise à mener même à long terme.

11.  L’article 10 de la Loi organique sur les juridictions de l’ordre judiciaire dis-
pose que le tribunal de paix siège au nombre d’un seul juge en matière civile. Tou-
tefois, il siège au nombre de trois juges lorsqu’il y a lieu de faire application de la
coutume locale. Dans ce cas, deux de trois juges sont des notables du lieu désignés par
le Président de la juridiction.

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4. Effort d’unification des coutumes locales


Le Droit traditionnel congolais est un ensemble de particularités
coutumières, tantôt complémentaires, tantôt contradictoires, selon qu’il
s’agit de réalités de chaque contrée. Une telle source de Droit expose et
exposera davantage les justiciables et les justiciers aux solutions incon-
ciliables.
En considérant seulement l’espace Grand Kasaï qui est composé de
peuples Luba, Luluwa, Tetela et Songye, pour ne citer que ces quatre
tribus représentatives, les particularités en matière coutumière sont
nombreuses. S’agissant du cas de célébration du mariage, comme en
matière de violation des devoirs entr’époux, et son corollaire, la répara-
tion coutumière des dommages conjugaux, les contradictions paraissent
assez nombreuses. En prenant l’exemple du contenu des articles 461
et 462 du Code de la famille, la loi exige du tribunal de paix, saisi en
matière de violations des devoirs conjugaux, d’éviter d’allouer à l’époux
victime les dommages-intérêts en argent, mais plutôt d’ordonner la ré-
paration en nature sous forme de d’objets désignés particulièrement par
la coutume. Il s’agira de la coutume de l’auteur des faits dommageables
ou de celle de la victime ? En plus, chaque clan ou communauté locale
a ses propres pratiques en cette matière.
À propos des conflits entre communautés, la frontière entre la pro-
vince du Kasaï-Oriental et celle du Kasaï-Central, dans la Cité du Lac
Munkamba, offre une illustration du conflit coutumier entre les deux
villages, appartenant chacun à l’une ou l’autre de ces deux provinces.
Ce conflit date de plusieurs décennies, et il est loin d’être réglé définiti-
vement, à cause du manque de politique de regroupement des peuples
autour de leurs coutumes locales. Il s’agit d’une même communauté
locale ou d’un même peuple, séparé par la ligne de démarcation de
deux provinces, qui se considère désormais comme « deux frères enne-
mis » ; alors qu’il partage pratiquement les mêmes origines et la même
destinée 12. C’est la séparation administrative des terres, œuvre de la dé-
centralisation territoriale, qui pousse parfois ces deux frères à cultiver la

12.  Pour les notables et chefs traditionnels du village de Beena Mulombo (si-
tué du côté Kasaï-Oriental), les terres autour du Lac Munkamba reviendraient à la
Province du Kasaï-Oriental ; tandis que, pour les responsables coutumiers du village
de Bakwa Luntu de Amika (la première agglomération du Kasaï-Central), les fron-
tières auraient été déplacées ; d’où, un litige permanent entre ces deux villages voisins
séparant les deux provinces du Grand Kasaï.

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La promotion de la justice coutumière et son incidence sur les conflits intercommunautaires …

haine, à cause des espaces réservés à la chasse et à l’exploitation agricole


des terres.
Chacun de ces deux villages voisins étant appelé à avoir sa propre
commission consultative de règlement des conflits coutumiers, au ni-
veau local, comme provincial, selon les prévisions de l’article 36 de la
Loi portant Statut des chefs coutumiers de 2015, il serait utile d’envi-
sager, de lege ferenda, la possibilité d’une commission consultative mixte
pour approcher ou concilier les diversités coutumières, dans les cas aussi
extrêmes comme celui-ci.
M. Jacques Ceulemans, préfaçant l’ouvrage de Mabika Kalanda (La
remise en question…), rappelle que cet auteur dans un autre livre (Baluba et
Lulua, une ethnie à la recherche d’un nouvel équilibre), s’était préoccupé de four-
nir à ceux que les passions avaient égarés, des éléments d’appréciation
de leur propre situation, basés sur la recherche objective et approfondie
tendant à détruire les divergences créées artificiellement par l’interven-
tion étrangère 13.
Par projection, il est utile de s’interroger sur les effets de l’intégra-
tion de toutes les coutumes du Grand Kasaï, par rapport à la situation
actuelle qui présente non seulement des différences sous-culturelles,
mais aussi des divisions inter claniques nourries par les particularités
d’ordre coutumier. Pareil processus aboutirait, avec le temps, à l’har-
monisation entre les Tetela, les Luba, les Songye et les Luluwa ; ce qui
devra renforcer les liens traditionnels entre ces peuples qui souvent s’af-
frontent sournoisement par l’entremise ou exploitation de leurs leaders
politiques qui privilégient leurs intérêts électoralistes et égoïstes.
La justification de l’effort d’harmonisation des coutumes est en
outre fournie par le blocage et les limites de juges assesseurs œuvrant,
du reste timidement, au niveau des tribunaux de paix ; en ce qu’ils ne
peuvent pas juger utilement les litiges coutumiers qui appellent l’appli-
cation de la coutume locale des parties non originaires du ressort du
tribunal, mais qui y résident pourtant.
L’expertise des notables locaux (juges assesseurs) a d’ailleurs révé-
lé ses limites avec la connaissance partielle des coutumes congolaises.
Seul l’effort d’harmonisation des coutumes locales, en commençant par
le regroupement des particularités au sein de chaque espace ethnique,
s’avère être un préalable important à l’intensification du processus

13.  J. Ceulemans, dans la préface de l’ouvrage de Mabika Kal anda, Op. cit.,


p. 6.

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d’unification du Droit traditionnel congolais dans son ensemble ; pas-


sage obligé pour la modernisation des règles coutumières.
À cet égard, il convient d’envisager un nouveau paradigme : vers
la révolution législative. Cette perspective implique, outre l’expertise et
le temps nécessaire, la réunion des moyens matériels et humains consé-
quents.
Les conflits des terres, et surtout les tensions des pouvoirs coutu-
miers, ne sont pas l’apanage du seul espace Grand Kasaï, même si c’est
cet espace géographique qui a constitué notre champ d’investigations.
Les solutions proposées pour cette partie du pays, valent pour le reste
des entités territoriales de la République Démocratique du Congo. Ce
qui amène à suggérer une révolution souple des règles coutumières qui
méritent une modernisation.
La Commission permanente de réforme du Droit congolais, or-
gane technique du ministère de la Justice et Garde des Sceaux, mérite
de subir une réforme structurelle. Dans cette optique, il serait utile d’in-
tégrer en son sein, les experts des coutumes locales pour une symbiose
avec les spécialistes du Droit écrit.

Conclusion
Les 62 ans d’indépendance du Congo coïncident avec les 62 ans
de divisions et tensions inter-communautaires qui ont contribué néga-
tivement à l’élan du développement socio-économique. Les routes de
desserte agricole sont quasi-inexistantes dans les communautés locales
en proie aux querelles des terres et des pouvoirs coutumiers. Cette
étude a préconisé deux voies prioritaires : le renforcement des cou-
tumes en vue de leur amélioration, ainsi que la suggestion du début
de codification des coutumes locales, faite aux chefs coutumiers coop-
tés députés provinciaux ; ce qui présage la réunification des clans de
cet espace géographique et l’élimination ou la réduction des conflits
inter-communautaires.
En attendant l’amorce du processus d’harmonisation des règles
coutumières, par des interventions accrues des Assemblées provinciales,
il est utile de proposer au législateur d’autoriser, à titre de mesure tran-
sitoire, l’intégration des vrais juges administratifs assesseurs, issus de di-
verses Commissions consultatives de règlement des conflits coutumiers,
pour leur expertise dans le traitement des contentieux qui appellent
l’application de la coutume devant le tribunal administratif dont l’ins-

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La promotion de la justice coutumière et son incidence sur les conflits intercommunautaires …

tallation est exigée sans délai. Par ailleurs, il est souhaitable pour l’État,
d’envisager d’une part, l’amélioration des conditions salariales des juges
assesseurs des tribunaux de paix ; et de l’autre, l’organisation de leur
formation spéciale. Ce qui permettra d’avoir la nouvelle catégorie de
ces juges pour les tribunaux administratifs.
Pour renforcer la vision d’une contribution efficace des coutumes
au règlement des conflits inter-communautaires, la codification des cou-
tumes par voie d’édits provinciaux est une voie qui permettra au Droit
congolais d’avoir, même à long terme, ses propres règles modernes ou
modernisées, au lieu de considérer les règles juridiques héritées de la
colonisation comme étant celles du Droit congolais moderne. Com-
mencer une telle œuvre à partir du Grand Kasaï, permet à la nation de
commencer sa révolution législative de quelque part.
Sur le plan scientifique, il est utile de suggérer l’insertion dans les
maquettes des sciences juridiques, une unité d’enseignements sur le
Droit traditionnel congolais, au niveau du cycle de Maîtrise (système
LMD) au sein duquel cette branche fondamentale est omise.

Références bibliographiques
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ment, procédure et compétence », in RJZ, nos 1-3, 1984.
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zaïrois, Kinshasa, PUZ, 1979.
3. KAYEMBA Ntamba, « Modernité sous l’identité culturelle d’emprunt en
Afrique noire postcoloniale », in Annales de la Faculté de Droit, vol. IV-VII,
1975-1978, Kinshasa, Université de Kinshasa, 1984.
4. LUZOLO Bambi Lessa, E. J., Traité de droit judiciaire : La justice congolaise et
ses institutions, Centre de Recherche sur la Justice Transitionnelle, Kinshasa, PUC,
2018.
5. MABIKA Kalanda, La remise en question : base de la décolonisation mentale,
Kinshasa, Éditions Remarques Africaines, 1967.
6. MULUMBA Katchy, Introduction à l’étude du Droit coutumier congolais, Kinsha-
sa, PUC, 2008.
7. MUTAMBA Kanyuka Kabalo, B., « Existe-t-il une culture juridique afri-
caine ? », in Mélanges Nguya Ndila. République Démocratique du Congo : les défis
récurrents de décolonisation, de l’État de droit et du développement économique et social,
Kinshasa, Éd. CEDESURK, 2012.
8. NZUNDU Nzalalemba, « Les tribunaux de paix et les juridictions cou-
tumières en milieu rural : de la substitution à la survivance », in Revue du
Barreau de Kinshasa/Matete, n° 001, Kinshasa, 2013.

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9. SOHIER, A., Traité élémentaire du droit coutumier du Congo-Belge, Bruxelles,


Maison Ferdinand Larcier, 1954.
10. TSHIBANGU Tshiasu Kalala, F., Le régime successoral chez les Baluba et les
Bakongo du Zaïre – Essai de confrontation du système patrilinéaire et du système ma-
trilinéaire des successions, Thèse d’État d’Aix, 1975.

Résumé — À propos des conflits inter-communautaires il est important de se tourner


vers une nouvelle démarche : celle de la remise en question de la coexistence de deux
types de règles en Droit congolais en général, et en particulier la diversité des cou-
tumes applicables au sein de l’espace Grand Kasaï ou sur ses communautés locales
qui s’affrontent sans cesse. Si pour le Droit écrit, les règles sont codifiées, pour le Droit
traditionnel, elles sont restées coutumières. Ce système a démontré ses limites.
Il est plus que temps de commencer la réflexion sur le renforcement des énoncés
des coutumes luba, luluwa, songye et tetela. Les chefs coutumiers sont les premiers
à baliser ce chemin, qui exige l’appropriation des résultats de leurs réflexions par les
députés provinciaux issus de la cooptation, en vue d’initier par exemple, des édits pro-
vinciaux focalisés sur les coutumes locales positives et conformes aux bonnes mœurs.
Les conflits intercommunautaires du Kasaï ne sont pas suffisamment pris en charge
par des dispositions légales en vigueur. Les coutumes y afférentes sont dépassées avec
le temps, dans la mesure où les conditions sociologiques évoluent. L’adaptation de ces
coutumes aux réalités locales est un travail législatif, dont l’aboutissement permet leur
modernisation.
Mots-clés : Conflits fonciers - Conflits des pouvoirs coutumiers - Codification des
coutumes locales - Justice traditionnelle - Députés provinciaux.

Abstract — About the intercommunity conflicts, it’s important to recourse to a new


solution, that of questionning the coexistence of two types of rules in the Congolese
Law in general, and in particular, the diversity of customs applicable in the Grand
Kasai space or on continually conflicting local communities. If for the written Law the
rules are codified, for traditional Law, they have remainded customary. This system
has shown its limits.
It is high time reflections started on the reinforcing of Luba, Luluwa, Songye and
Tetela customs. The sustomary chiefs are the first to pave this way, which requires the
appropriation of the results of their reflections by the co-opted provincial deputies
with a view to initiating, for example, provincial laws focalized on the local positive
customs and which are in accordance with good mores.
Intercommunity conflicts of Kasai are not sufficiently which catered for by the
legal provisions currently in force. The related customs are out-dated with time in as
far as the sociological conditions change. Adaptation of these customs to local realities
is a legislative work the end product of which allows the modernisation of customs.
Keywords : Land conflicts - Conflicts of customary powers - Codification of local
customs - Traditionnal justice - Provincial deputies.

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Cikosu — Pa mwanda wa dikokangana dya misoko ya ku bamfumu, bidi biken-


gela kumonununa meeyi a mu Congo, bwalu amwa mmafunda kudi mbulamatadi,
makwabo nga kabukulu. Mu Kasayi munena, meeyi a kabukulu manshilangana bi-
londeshila bungi bwa misoko et adi atutakaja bantu bikola.
Diiba ndikumbana bwa kukolesha mikenji ya kabukulu ku Baluba, ku Beena Lu-
luwa, ku Basonge ni ku Batetela basanga nteta. Bamfumu banena ke badi bomekela
bujitu ebu dyambedi, bwa bambulwisha bipwita munwa mfwanka bidi byangata mu
bamfumu ba kabukulu. Ke njila wa kufikisha bimamwenda wa bukelenga bya bipa-
pu binena byonso bidi byenza Kasayi ku ditaata kabukulu ne kwenzulula mikenji idi
ikengedibwa leelu.
Meeyi atunawu leelu kaena makumbana bwa kujikija ndululu idi munkaci mwa
misoku yetu ya ku bamfumu. Mikenji ya ku bankambwa ikaadi mikulaja kumpala kwa
myanda ya leelu. Mudimu wa kwakaja mikenji ya kabukulu, ngwa komekela bacihwi-
ta ; bwa Kasayi kafike ku mikenji ya kabukulu mikezuke, ne mishindame, ifila njila wa
kwakaja kabukulu konso ka ditunga. Ke njila wa kufika ku mikenji mishindama.
Bishimbi meeyi : Difwilakana dya malaba - Difwilakana dya bukalenga bwa ka-
bukulu - Kwela mikenji ya kabukulu - Ndumbulwishilu wa kabukulu - Cihuita munwa
mfwanka.

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ÉTUDE JURISPRUDENTIELLE DE L’APPLICATION DES GARANTIES
PROCÉDURALES DANS L’ADMINISTRATION DE LA JUSTICE
POUR ENFANTS EN R.D. CONGO

Dezzy Mukebayi Muamba 1


Chef de travaux à la Faculté de Droit
Université officielle de Mbujimayi

Introduction
La protection judiciaire instituée par la Loi n° 09/001 du 10 jan-
vier 2009 portant protection de l’enfant a principalement porté sur la
création des juridictions spécialisées pour enfants, conformément à l’ar-
ticle 84 de la loi susvisée, qui prévoit leur création dans chaque territoire
ainsi que dans chaque ville et fait fixer leur siège ordinaire et leurs res-
sorts par décret du Premier ministre 2.
En 2009, alors que la République démocratique du Congo ne
comptait que 11 provinces, les tribunaux pour enfants n’ont pas effec-
tivement fonctionné sur toute l’étendue du territoire national, pour des
raisons liées notamment à l’absence d’infrastructures adéquates devant
abriter ces juridictions et à l’indisponibilité des ressources humaines.
Pourtant l’article 200 de la loi susvisée prévoyait que les tribunaux
de paix et les tribunaux de grande instance devraient rester compétents
pour connaitre respectivement en premier et second ressort des affaires
qui relèvent de la compétence des tribunaux pour enfants qui seront
installés et fonctionneront au plus tard dans les deux ans qui suivaient
sa promulgation.
Au regard de ce qui précède, la logique voudrait que les tribunaux
pour enfants soient effectifs au plus tard en 2011, soit deux ans après la
promulgation de la Loi portant protection de l’enfant. Curieusement,
il y a lieu de constater que deux ans après la promulgation de cette loi,
sept (7) tribunaux seulement ont réellement existé en phase d’expéri-
mentation.

1.  mukebayidezzy@gmail.com.
2.  Il s’agit du décret n° 11/01 du 5 janvier 2011 qui a fixé les sièges ordinaires et
ressorts des tribunaux pour enfants.

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Étant donné que ces quelques tribunaux ne pouvaient couvrir toute


l’étendue de la République, une formule en vue de combler ce vide avait
été consacrée par la Loi organique portant organisation, fonctionne-
ment et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, en son article
152 qui dispose : « en attendant l’installation des tribunaux pour enfants
institués par l’article 84 de la Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant
protection de l’enfant, les chambres spécialisées des tribunaux de paix
connaissent des matières dans lesquelles se trouvent impliqué l’enfant
en conflit avec la loi et appliquent toutes les règles de procédure prévues
par cette loi ».
C’est ainsi que s’agissant du présent article, nous analyserons les dé-
cisions rendues par les tribunaux de paix ayant fait office des tribunaux
pour enfants ainsi que celles des tribunaux pour enfants en matière im-
pliquant les enfants reprochés des manquements qualifiés d’infractions
par la loi pénale, en vue de se réaliser du niveau d’application des ga-
ranties procédurales, qui constituent en réalité le gage de la meilleure
administration de la justice pour enfants.

1. Les garanties procédurales consacrées par la loi


portant protection de l’enfant
1.1. Le droit à la présomption d’innocence
La présomption d’innocence est l’un des droits fondamentaux
de l’homme garantis par la Constitution telle que modifiée par la loi
n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la
Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février
2006 à son titre II consacré aux droits humains, aux libertés fondamen-
tales et aux devoirs du citoyen et de l’État.
En effet, l’article 17, alinéa 9 de la Constitution dispose : « toute
personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce
que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif  ».
En ce qui concerne les enfants, cette garantie procédurale figure à
l’article 7.1 de l’ensemble de règles minima des Nations Unies concer-
nant l’administration de justice pour mineurs.
En vertu de cette garantie, il est de bonne pratique que l’enfant qui
comparait devant le tribunal, sans qu’aucune décision ne soit prise, soit
simplement considéré comme reproché d’un manquement.

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Parlant de la présomption d’innocence, Ngoto Ngoie Ngalingi 3


dit qu’elle est garantie tant par la Constitution que par la Déclaration
Universelle des droits de l’Homme, spécialement en son article 11 au
paragraphe 1er.
Il ajoute que les deux dispositions affirment qu’une personne accu-
sée de faits délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpa-
bilité ait été légalement établie au cours d’un procès public au cours du-
quel toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées 4.
Quoi de plus normal pour lui de conclure qu’il y a atteinte mani-
feste à ce droit dès qu’une personne est présentée publiquement comme
coupable avant toute condamnation 5.
Conformément à l’article 2 de la Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009
portant protection de l’enfant, est en conflit avec la loi, l’enfant âgé de
quatorze à moins de dix-huit ans, qui commet un manquement qualifié
d’infraction à la loi pénale.
Au regard de cette définition, il est de bonne pratique que l’enfant
qui comparait devant le tribunal, sans qu’aucune décision n’ait été prise,
soit simplement considéré comme reproché d’un manquement.
Il ne pourra être appelé enfant en conflit avec la loi, qu’à la seule
condition, qu’une décision intervienne, aux termes de laquelle, le man-
quement à lui reproché est déclaré établi en fait comme en droit.

1.2. Le droit à un procès équitable


Matadi Nenga Gamanda présente le droit à un procès équitable
comme un droit fondamental, qui ne peut être contourné si la Répu-
blique démocratique du Congo voulait lancer les bases d’un État de
Droit, lequel caractérise une collectivité civilisée 6.
Le droit à un procès équitable poursuit-il, est la mesure de l’État
de droit, celle d’une bonne administration de la justice et la condition
préalable qui favorise tout investissement.
La notion de procès équitable renvoie à un certain nombre de pos-
tulats qui, s’ils sont réunis, garantissent en justice les droits d’une per-
sonne accusée.

3. Ngoto Ngoie Ngal ingi, L’essentiel du Droit pénal congolais, Kinshasa, Presses
Universitaires du Congo, 2019, p. 138.
4.  Ibid.
5.  J. Leroy, cité par Ngoto Ngoie Ngal ingi, Op. cit., p. 139.
6.  Matadi Nenga Gamanda, Le droit à un procès équitable, Louvain-la-Neuve, Aca-
demia Bruylant, p. 11.

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De ce fait, le droit à un procès équitable se rapproche de la notion


de garanties procédurales.
Les postulats du procès équitable peuvent notamment se résumer
dans les points suivants : le droit d’être jugé par un juge indépendant et
impartial ; le droit au respect de la présomption d’innocence ; le principe
du contradictoire ; le respect du principe de la légalité des infractions et
des peines ; le respect des droits de la défense en ce qu’il faudrait garan-
tir l’égalité et la loyauté entre les adversaires dans le cadre d’un procès ;
le droit à un avocat ; le droit d’être jugé dans un délai raisonnable et le
droit d’exercer des recours.

1.3. La présence de l’enfant au procès


La présence au procès de l’enfant déféré devant le juge va au-delà
de la simple formalité ordinaire de convocation d’une personne en jus-
tice qui, dans ce cas, a la latitude de comparaître ou de se faire repré-
senter si la loi le permet, ou même de s’abstenir de comparaître.
Il s’agit plutôt d’une garantie de l’efficacité de l’action du juge à
l’endroit de l’enfant déféré devant lui, parce que soupçonné d’avoir en-
freint la loi pénale, et dont il a la charge de remettre sur le bon chemin.
Il est dès lors impératif que l’enfant soit présent au procès, un prin-
cipe ne dit-il pas sans enfant pas de procès ? Il y a lieu de souligner en
effet que la présence de l’enfant est dictée par le souci de permettre au
juge d’assurer parfaitement sa mission de reclassement social.
Ressortons néanmoins un élément de distinction, mais qui ne contre-
dit nullement le principe initialement institué dans la Loi n° 09/001 du
10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, spécialement en son ar-
ticle 111 qui dispose : « … Dans l’intérêt de l’enfant, le juge peut décider
du déroulement des plaidoiries hors la présence de l’enfant. »
En réalité, l’absence de l’enfant souhaitée par le législateur lors
du déroulement des plaidoiries ne signifie pas qu’il devient absent de
la procédure, au point où il doit lui être accordé la possibilité de faire
opposition.
Notre point de vue ci-dessus contredit celui de Jean-Pierre Rosenne-
veigh, qui affirme qu’il est des institutions publiques qu’on souhaiterait
épargner aux plus jeunes. On pense immédiatement à l’hôpital. La jus-
tice avec ses appendices : commissariat et prison, en est une autre dont
pourtant nombre d’enfants auront à connaitre.
Il poursuit en disant que le rapport de l’enfant à la justice est ef-
fectivement délicat dans la mesure où, il peut être sensible et fragile ; Il

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faudra systématiquement l’accompagner, sinon veiller à l’assister ou le


représenter, sa parole étant souvent tenue pour peu fiable 7.
La position relative à la présence de l’enfant au procès est égale-
ment soutenue par Yves Cartuyvels. Il estime pour sa part qu’il faut se
méfier d’une certaine logique administrative qui voudraient que les gens
disparaissent derrière leur dossier. Ainsi ajoute-t-il le Décret de 1991
est-il sévèrement jugé, au motif que son article 38 fait entrer dans le
système judiciaire des mineurs que le magistrat ne rencontrera pas.
Par ailleurs, poursuit-il, la rencontre et le dialogue avec les per-
sonnes permettent de rectifier une image de la situation que les pro-
cès-verbaux de police, rapports d’experts ou dossiers judiciaires peuvent
biaiser.
Enfin, conclu-t-il, si le dialogue et écoute paraissent tellement im-
portants, c’est encore d’abord, parce que dans une perspective éduca-
tive, la justice doit offrir aux mineurs un « espace de parole » dont le
passage à l’acte peut souligner qu’il fait défaut ailleurs, ensuite parce
qu’un modèle de justice dialogale permet d’élever le mineur au rang
d’acteur de sa propre histoire et de son propre devenir, enfin, parce que
cet espace de parole peut déboucher sur une rencontre véritable suscep-
tible de provoquer un déclic décisif pour le jeune 8.

1.4. Le droit d’être informé de la nature et des motifs de l’accusation


L’exigence d’informer immédiatement toute personne arrêtée de la
nature et des motifs de son arrestation est une garantie Constitutionnelle 9.
Le juge pour enfant doit s’y adonner constamment. Car il doit
impérativement commencer par dire à l’enfant ce qui lui est reproché
avant de lui donner la chance de se défendre. Le civilement responsable
qui accompagne l’enfant devant son juge est en même temps informé
du décor du procès dans lequel son rôle est aussi attendu.

7.  J. P. Rosenneveigh, La justice et les enfants, Paris, Dalloz, 2013.


8.  Y. Cartuyvels, Justice des mineurs et sanctions alternatives. À propos des prestations
éducatives et philanthropes pour des mineurs auteurs d’abus sexuels, Paris, Éditions Jeunesse et
Droit, 2000, p. 157.
9.  Lire, à ce sujet, l’alinéa 1er de l’article 18 de la Constitution du 18 février 2006,
telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains
articles de la Constitution de la République démocratique du Congo, in Journal officiel
de la République démocratique du Congo, n° spécial du 5 février 2011.

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1.5. Le droit à l’assistance par un conseil


L’enfant déféré devant le juge doit impérativement être assisté par
un avocat ou un défenseur judiciaire de son choix. À défaut, le juge de-
vra lui en désigner un d’office.
Il s’agit d’une garantie qui, en général, permet de faire jouir à l’en-
fant, des autres garanties procédurales prévues en sa faveur par la loi.
Cette garantie prescrite à peine de nullité, vaut son pesant d’or,
dans la mesure où il ne peut être procédé à l’instruction de la cause
devant le tribunal, si l’enfant reproché de manquement qualifié d’in-
fraction n’est pas assisté par un conseil.
C’est ce qui justifie le fait d’admettre que devant le tribunal pour
enfants, pas d’avocat, pas de procès.

1.6. Le droit à un interprète


L’interprète est nécessaire lorsque l’enfant ne comprend pas ou a
du mal à comprendre la langue officielle ou éventuellement les langues
nationales parlées par le juge.
Il ne s’agit pas d’une garantie à laquelle le juge devrait recourir
systématiquement, bien que la loi l’ait édictée à peine de nullité.
Pour que le tribunal recoure au ministère de l’interprète, cela doit
être motivé par le fait que l’enfant qui y comparait ne comprend ou ne
parle la langue officielle, dans laquelle l’instruction est menée.
Mais il est curieux de constater que dans plusieurs décisions ana-
lysées, les juges sans pour autant spécifier la langue dans laquelle s’ex-
primaient les enfants reprochés des manquements, n’ont même pas fait
mention de l’exécution du ministère d’un interprète.

1.7. Le droit au respect de la vie privée


La garantie du respect de la vie privée de l’enfant déféré devant le
juge peut avoir deux connotations. La première signifie que seront écar-
tés des débats tous les aspects de sa vie intime qui n’ont pas de lien direct
ou indirect avec les faits pour lesquels il comparaît. De ce fait, c’est une
garantie d’ordre général.
La seconde se comprend de ce que toute la procédure concernant
l’enfant se déroule dans une grande discrétion.
Il ne faudrait pas dès lors en rajouter, en permettant au public d’as-
sister aux audiences.

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Ensuite, il faudra justement éviter que la publicité des audiences


conduise à la stigmatisation de l’enfant.
Enfin, il s’agit tout de même d’un processus de rééducation, plutôt
qu’une démarche de culpabilisation susceptible d’entraîner un effet dis-
suasif à l’endroit du public.

1.8. Le droit d’être entendu en présence des parents ou du tuteur


La loi vise la participation des parents ou de toute autre personne
ayant la garde de l’enfant, mais elle ajoute l’assistant social à cette liste.
La présence de l’une de ces personnes aurait pour effet de rassurer
l’enfant et de le mettre dans des bonnes dispositions vis-à-vis du juge.
Mais le juge a un intérêt certain d’avoir à ses côtés les proches de
l’enfant, pour comprendre au-delà du rapport de l’enquête sociale, le
processus qui a conduit au passage à l’acte, afin de prendre la mesure
éducative appropriée.
Pour les mêmes raisons, les parents eux-mêmes, en tant qu’acteur
du processus de resocialisation, ont aussi intérêt à participer au procès,
afin de se comporter dorénavant en conséquence.
Cependant, il devrait être entendu que si la présence des parents
ou tuteur à l’audience est néfaste pour le déroulement du procès, le juge
devrait refuser leur participation.
Il en serait ainsi au cas où ils manifesteraient une attitude hostile à
l’égard de l’enfant 10.
Bon gré, mal gré, il y a lieu de conseiller que soit plus présent le
parent ou le tuteur, car il comprend mieux l’enfant reproché de man-
quement que l’assistant social, surtout si ce dernier n’est pas celui qui
avait fait l’enquête sociale.

1.9. Le droit de ne pas être contraint de plaider coupable


Plaider coupable au sens strict est une procédure par laquelle il est
proposé à une personne traduite en justice de reconnaître au préalable
les faits infractionnels mis à sa charge, en contrepartie d’un allègement
de la peine que le juge aura à prononcer.

10.  Lire, à ce sujet, l’article 15.2 de l’Ensemble de règles minima des Nations
Unies concernant l’administration de justice pour mineurs (Règles de Beijing du
29 novembre 1985).

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Typiquement d’origine anglo-saxonne, cette institution est encore


ignorée par le Droit procédural Congolais, qui reste attaché à la famille
Romano-Germanique.
En utilisant cette expression à l’article 104 point 9, la loi portant
protection de l’enfant fait plutôt allusion aux aveux extorqués à l’enfant
par la contrainte physique ou morale.
Il va sans dire que la procédure pénale congolaise ne retient pas
comme moyen de preuve les aveux obtenus dans pareilles circonstances,
ni ceux obtenus par ruse.

1.10. Le droit d’interroger ou de faire interroger des témoins à charge


Dans le droit procédural congolais, un plaideur n’interroge pas di-
rectement le témoin ou même son adversaire, il le fait interroger par le
juge.
C’est une innovation empruntée au système anglo-saxon par la
nouvelle loi. Ainsi, l’enfant déféré devant le juge pourra interroger di-
rectement les témoins à charge, faire comparaître les témoins à charge
et les interroger ou les faire interroger.

1.11. La confidentialité du dossier de l’enfant


Le tribunal pour enfants a pour mission d’assurer la protection et la
défense des droits fondamentaux de l’enfant dans le respect incondition-
nel de sa personne en vue de contribuer à l’éducation.
Nous pouvons dire que le tribunal pour enfants, dans sa mission,
s’engage à ce que, l’intérêt supérieur de l’enfant soit protégé, notam-
ment en garantissant la confidentialité de son dossier.
En principe, le tribunal pour enfants siège à huis-clos nous l’avons
déjà évoqué dans les précédentes lignes. Outre la critique faite à ce su-
jet, il faut ajouter que le dossier physique de l’enfant doit jouir d’une
grande confidentialité.

2. Analyse de quelques décisions rendues au regard


de l’application des garanties procédurales
2.1. Le principe sacro-saint de la présomption d’innocence
Dans les différentes décisions ayant fait l’objet d’étude, il n’y a nulle
part où les juges ont fait preuve de cette notion très essentielle qui ga-

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rantit le droit de la défense. Systématiquement, ils ont traité les enfants


comparaissant devant eux d’enfants en conflit avec la loi, avant même
la décision au fond.
Or et pourtant, l’appellation ou qualification enfant en conflit avec
la loi, est clairement définie à l’article 2 point 9 qui porte en effet que
c’est l’enfant âgé de 14 à moins de 18 ans, qui commet un manquement
qualifié d’infraction à la loi pénale.
De la lecture attentive de cette disposition légale ne peut être appelé
enfant en conflit avec la loi, que l’enfant considéré comme ayant effecti-
vement commis l’acte ou le manquement lui reproché, c’est-à-dire celui
à charge duquel le manquement est établi.
L’alinéa dernier de l’article 17 de la Constitution du 18 février 2006
corrobore cette position, là où il est affirmé que toute personne accusée
d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait
été établie par un jugement définitif….
Cette disposition constitutionnelle vient renforcer notre point de
vue, car à notre avis, il n’est pas du tout admissible qu’avant que n’in-
tervienne l’instruction de la cause l’enfant soit déjà considéré comme
ayant commis le fait.
N’est-ce pas pour le respect du principe sacro-saint de la présomp-
tion d’innocence que dans la procédure pénale ordinaire, suivant les
différentes étapes de la procédure, la personne accusée d’avoir commis
l’infraction est successivement qualifiée de suspect, inculpé, ou prévenu
et, elle ne sera considérée coupable ou auteur de l’infraction qu’à l’ins-
tant où une décision dira établie en fait comme en droit l’infraction à
lui reprochée ?

2.2. La présence de l’assistant social et de l’enfant au procès


Conformément aux articles 104 et 111 de la Loi n° 09/001 du
10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, la présence de l’assistant
social aux côtés de l’enfant comparaissant devant le tribunal pour en-
fants est un mécanisme de confiance à son égard.
Cette possibilité est souvent offerte aux enfants qui comparaissent
à tous les stades de la procédure, mais qui vivent en rupture des liens
familiaux.
L’assistant social n’assiste pas l’enfant, comme le font les avocats ou
défenseurs judiciaires, qui sont les seuls à détenir le monopole de l’assis-
tance ou de la représentation en justice.

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Or, de l’analyse de la jurisprudence, il ressort que la décision du


Tribunal pour enfants de Matete sous RECL 1543/V du 24 janvier
2017 est rendue en ignorant l’une des garanties procédurales prescrite
à peine de nullité, dans la mesure où elle dit clairement que l’enfant a
été entendu sans la présence de l’assistant social et même des parents.
Aux termes de la décision sous RECL 3910/III rendue par le tri-
bunal pour enfants de Lubumbashi en date du 11 janvier 2018, il n’est
précisé nulle part que l’enfant comparaît hors la présence des parents,
ce qui du reste, justifierait le fait que l’assistant social soit seul à accom-
plir cette tâche.
Curieusement, dans la même décision, il est fait mention d’un as-
pect qui appelle davantage des commentaires sur le plan procédural, il
s’agit de la citation selon laquelle, l’enfant a comparu volontairement
devant son juge naturel.
Il est important d’établir la différence entre ce qu’on entend par
comparution personnelle dont il est question en matière de protection
de l’enfant et la comparution volontaire, qui est une notion connue en
procédure ordinaire, et qui consiste en la comparution d’un justiciable
qui accepte de couvrir les irrégularités qui entachent l’exploit introduc-
tif d’instance.
Par contre, le tribunal pour enfants est saisi par la comparution
personnelle, ce qui corrobore une maxime de ce prétoire qui dit : « Pas
d’enfant, pas de procès », ce qui du reste, exclut l’hypothèse de repré-
sentation de l’enfant reproché d’avoir commis un manquement qualifié
d’infraction par la loi pénale.
En pratique, dès que le juge se rend compte qu’à l’appel de la cause,
l’enfant ne comparait, ni encore que les parents ne présentent pas des
excuses justificatives quant à ce, il décrète la sur-séance, en donnant la
possibilité au Ministère public de faire application de l’article 131 de la
Loi portant protection de l’enfant, surtout au cas où il est attesté qu’une
mesure provisoire avait déjà été prise à l’égard de l’enfant, le remettant
à ses parents avec injonction d’être présenté à tout moment que le juge
le requiert.

2.3. Le respect de la célérité de la procédure


La procédure concernant les enfants est caractérisée par la célé-
rité, c’est d’ailleurs ce qui ressort de la loi portant protection de l’en-
fant, en parlant des garanties procédurales à l’article 103 qui précise au

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point 5 que l’enfant a droit de voir son affaire être jugée dans un délai
raisonnable.
Il est vrai que la loi elle-même n’a pas défini ce qu’elle a voulu
entendre par délai raisonnable, néanmoins, il doit être tenu compte de
la vulnérabilité de l’enfant pour traiter son dossier pendant un temps
relativement court.
Nous nous fondons à ce sujet sur l’article 113 de la même loi qui
fixe le délai de 8 jours entre la prise en délibéré de l’affaire et le pronon-
cé, ce qui porte à croire qu’il est vraiment recommandé qu’il ne se passe
pas aussi beaucoup de temps entre le moment de la saisine du tribunal
et l’instruction.
Être jugé dans un délai raisonnable impose au juge, de traiter l’af-
faire qui lui est soumise sans aucun retard.
Or, dans le cas des enfants, cette exigence prend un relief parti-
culier. Les règles de Beijing expliquent en effet que « la rapidité des
procédures dans les affaires concernant les jeunes délinquants est d’im-
portance. Sinon, toute solution satisfaisante que procédure et jugement
pourraient permettre sera compromise. Plus le temps passera, plus le
mineur trouvera difficile, voire impossible, de relier intellectuellement et
psychologiquement la procédure et le jugement du délit » 11.
Cette position est appuyée par les observations faites à la décision
sous RECL 335 du Tribunal de paix de Kananga, prise en date du
11 décembre 2009, alors que le tribunal a été saisi en date du 2 no-
vembre et la cause appelée, instruite et prise en délibéré le 6 novembre
2009, en ces termes : « Le juge n’a pas non plus agi avec célérité car, il
n’a pas respecté les délais comme l’exigent les articles 104.5 et 113 de la
loi portant protection de l’enfant » 12.

2.4. Le respect du délai du prononcé


L’article 113 de la loi portant protection de l’enfant fixe à huit jours,
le délai du prononcé après la prise en délibéré.
D’une manière générale, la loi portant protection de l’enfant pré-
cise que l’enfant a droit de voir son affaire être jugée dans un délai rai-
sonnable, c’est à dire qu’il s’agit là de la question de la célérité dans le

11.  Commentaire sur l’article 20.1 des règles de Beijing.


12.  Observations à l’égard de la décision RECL 335/Tripaix Kananga, in Recueil
de jurisprudence annotée, Service de documentation et d’études, Kinshasa, 2011, p. 38.

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traitement du dossier et celle relative au respect de délai, après la prise


du dossier en délibéré.
Les décisions analysées se sont illustrées par l’irrespect de ce prin-
cipe fondamental qui régit l’administration de la justice pour enfants,
qu’il s’agisse de la célérité et même du délai du prononcé.
À titre illustratif, aux termes de la décision sous RECL 0375, ren-
due par le Tribunal pour enfants de Mbujimayi, l’enfant a été déféré
le 13 juin 2014, et la cause est passée devant le tribunal le 7 octobre
2014, soit 4 mois plus tard, et la décision intervint environ 17 jours après
qu’elle soit mise en délibéré.
Il en est de même de la décision sous RECL 1543/V rendue par
le Tribunal pour enfants de Kinshasa/Matete, aux termes de laquelle il
ressort clairement que l’enfant a été déféré depuis 24 février 2016, et la
cause a été appelée devant le tribunal le 14 juin 2016 et la décision n’est
intervenue qu’au 24 janvier 2017, soit 6 mois plus tard.
Au-delà de ces quelques observations qui viennent d’être faites par
rapport à l’observation des garanties procédurales dans les décisions
rendues par différents tribunaux pour enfants, nous avons jugé utile de
relever quelques autres cas importants dans les décisions.

3. Les autres observations faites dans les décisions des


tribunaux pour enfants
3.1. Le lieu d’exécution des mesures prises par le juge
L’article 113 de la loi portant protection de l’enfant énumère les
différents lieux devant servir à l’exécution des mesures prises à l’endroit
des enfants en conflit avec la loi. Il s’agit de l’institution privée agréée
à caractère social, une institution publique à caractère social, un centre
médical ou médico-éducatif approprié et enfin un établissement de
garde et d’éducation de l’État.
Curieusement, dans la décision sous RECL 3910/III rendue en
date du 11 janvier 2018 par le juge pour enfants de Lubumbashi, il est
dit que l’enfant sera mis au quartier spécial des enfants de Kasapa, sans
spécifier que ce lieu est choisi à défaut d’un Établissement de Garde et
d’Éducation de l’État. C’est aussi la même chose dans le RECL 0944 du
Tribunal pour enfants de Kananga, décision rendue en date du 19 jan-
vier 2018.

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Étude jurisprudentielle de l’application des garanties procédurales …

Il en est de même du juge du tribunal pour enfants de Kinshasa/


Matete, qui décide aux termes de la décision sous RECL 1543/V, de
placer l’enfant en résidence surveillée sous l’autorité parentale, ce qui du
reste, n’a aucun fondement légal en matière de protection de l’enfant.

3.2. L’absence ou insuffisance de motivation dans les décisions rendues


La Constitution du 18 février 2006 de la République Démocra-
tique du Congo, telle que révisée en certaines dispositions, spécialement
en son article 21 pose le principe selon lequel tout jugement doit être
écrit et motivé…, il en est de même du Code de procédure civile en son
article 23.
En procédure civile, les motifs énoncent les raisons de fait ou de
droit sur lesquels le tribunal appuie sa solution. Et en Droit pénal, mo-
tiver un jugement c’est indiquer les moyens de preuve qui ont emporté
la conviction du juge.
La matière relative à la protection de l’enfant n’en reste pas indiffé-
rente, c’est ainsi que pour cette même fin, l’article 109 de la loi portant
protection de l’enfant veut que le juge pour enfants, charge l’assistant
social du ressort, de la collecte des informations concernant la conduite
et le comportement de l’enfant.
Il est aussi reconnu à l’assistant social la possibilité de mener des
investigations sur l’ensemble de la situation de l’enfant ou sur un point
précis donné, et là il recueille toutes les informations utiles relatives à la
vie de l’enfant, son comportement, son passé proche ou lointain.
Cette mission dévolue à l’assistant social revêt une importance
capitale dans la mesure où, elle permet au juge d’avoir suffisamment
d’éléments sur base desquels il pourra fonder les mesures à l’égard de
l’enfant, tout en démontrant leur pertinence pour la resocialisation de
ce dernier.
C’est ainsi que dans sa décision, non seulement il doit faire état du
rapport d’enquête sociale menée par l’assistant social, mais aussi à par-
tir de celui-ci, motiver toute position à prendre à l’endroit de l’enfant.

3.3. Utilisation ou emploi des termes de nature à frustrer l’enfant


Le législateur a, aux termes de la loi de 2009, évité tous les concepts
de nature à stigmatiser l’enfant.

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C’est ainsi qu’en lieu et place de mineur, il a préféré le concept


enfant, il en est de même du concept manquement qui est préféré à l’in-
fraction, reproche à la place des poursuites et tant d’autres concepts…
Il est donc mal aisé de constater que dans les décisions rendues, les
juges reviennent sur le concept mineur, alors qu’il est jugé impropre,
même dans les observations faites à l’endroit des décisions prises sous
RECL 219/09 du Tribunal de paix de Matadi, prise en date du 26 mars
2009 13, RED 358/X du Tribunal de paix Kinshasa/Kalamu, prise en
date du 20 août 2009 14, RECL 3000 du Tribunal de paix de Kananga,
prise en date 11 décembre 2009 15 et le RED 399 du Tribunal de paix de
Kinshasa pont Kasa-Vubu, prise en date du 15 décembre 2009 16.

3.4. La problématique de l’identité de l’enfant


L’article 110 de la loi portant protection de l’enfant pose le principe
de la vérification de l’identité de l’enfant aux fins de l’instruction de la
cause.
L’article 14 de la même loi, à son tour, considère l’identité comme
le droit reconnu à tout enfant dès sa naissance. Elle est constituée du
nom, du lieu et date de naissance, du sexe, des noms des parents et de
la nationalité.
L’article 56 de la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et com-
plétant la loi n° 87-010 du 1er août 1987 portant code de la famille pré-
cise quant à lui que tout Congolais est désigné par un nom composé
d’un ou de plusieurs éléments qui servent à l’identifier et que le prénom,
le nom et le post-nom constituent les éléments du nom.
De ce qui précède, il y a lieu de noter que dans les décisions ana-
lysées, les enfants n’ont pas été identifiés en ressortant tous les éléments
décrits dans les dispositions pertinentes précitées, il y en a qui n’ont
même pas donné avec exactitude l’âge de l’enfant, ce qui du reste, est un
élément très indispensable pour déterminer la compétence personnelle
du tribunal.

13.  Observations à l’égard de la décision RECL 219/09/Tripaix Matadi, in Re-


cueil de jurisprudence annotée, Service de documentation et d’études, Kinshasa, 2011, p. 9.
14.  Ibid.
15.  Ibid.
16.  Observations à l’égard de la décision RECL 399/Tripaix Kinshasa
Kasa-Vubu, in Recueil de jurisprudence annotée, Service de documentation et d’études,
Kinshasa 2011, p. 45.

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C’est ainsi que dans sa décision sous RECL 063/VII du Tribunal


de paix de Rwashi-Kampemba, prise en date du 11 septembre 2009,
en ne citant que le nom de l’enfant reproché du manquement qualifié
d’homicide involontaire sans donner son âge, le juge n’a pas identifié
l’enfant comme le veut le prescrit de l’article 110 de la loi précitée.
Les observations faites à l’égard de cette décision en ont également
fait état, là où il est écrit que le juge n’a pas précisé l’âge de l’enfant,
alors que cet âge constitue un élément important sur base duquel est
déterminée la compétence personnelle du tribunal 17.

Conclusion
Le présent article a porté essentiellement sur l’application des ga-
ranties procédurales reconnues aux enfants reprochés des manquements
qualifiés d’infractions par la loi pénale à travers les décisions rendues
par les tribunaux pour enfants.
Subdivisée en trois parties, la présente étude s’est focalisée sur la
théorie générale en passant en revue la protection judiciaire telle que
prévue ou instituée par la loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant
protection de l’enfant, avant de chuter par l’application des garanties
procédurales à travers l’analyse minutieuse des décisions judiciaires.
Il y a lieu de relever que parmi les décisions ayant fait l’objet d’étude,
il y en a qui sont rendues par les tribunaux de paix ayant fait office des
tribunaux pour enfants conformément aux prescrits de l’article 152 de
la Loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences
des juridictions de l’ordre judiciaire, et celles rendues par les tribunaux
pour enfants.
L’analyse de ces différentes décisions rendues nous a permis d’éva-
luer l’observation des règles procédurales dans l’administration de la
justice pour enfants, selon qu’il s’agit des juges de paix ayant fait office
des juges pour enfants, et des juges pour enfants pour la nomination
desquels, la Loi portant protection de l’enfant exige spécialisation et
manifestation d’intérêt.
Cet exercice nous a permis de comprendre que les garanties pro-
cédurales rencontrent certainement des soucis quant à leur application
dans l’administration de la justice pour enfants par rapport notamment

17.  Observations à l’égard de la décision RECL 063/VII Tripaix


Rwashi-Kampemba, in Recueil de jurisprudence annotée, Service de documentation et
d’études, Kinshasa, 2011, p. 25.

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à la mauvaise application ou à l’inapplication de la Loi portant protec-


tion de l’enfant au sujet de laquelle le législateur s’est fortement inspi-
ré des instruments juridiques internationaux et régionaux, sans tenir
compte des réalités sociales quotidiennes de la République démocra-
tique du Congo.
À titre illustratif, s’il faut suivre à la lettre les prescriptions de l’ar-
ticle 88 de la Loi portant protection de l’enfant qui exigent l’affectation
des animateurs du tribunal pour enfants parmi les magistrats de carrière
spécialisés et manifestant de l’intérêt dans le domaine de l’enfance, il se
posera un problème de sélection dans la mesure où, l’école de la ma-
gistrature dont les missions sont actuellement accomplies par l’Institut
National de Formation Judiciaire n’organise pas dans ses curricula des
formations, des matières de spécialisation relatives à la protection de
l’enfant.
Il est donc souhaitable que ces conditions soient postérieures à la
désignation, c’est-à-dire qu’elles fassent partie des matières à insérer
dans les curricula des formations continues des magistrats ou la mise
à niveau accélérée des magistrats affectés aux tribunaux pour enfants,
spécialement sur des questions relatives à la protection de l’enfant, en
vue de leur permettre d’acquérir de l’expertise requise pour la meilleure
administration de la justice.
Ainsi l’alinéa 1er de l’article 88 de la Loi n° 09/001 du 10 janvier
2009 portant protection de l’enfant devra être reformulé de manière
suivante : « Le Tribunal pour enfants est composé d’un président et des
juges, tous affectés par le Conseil Supérieur de la Magistrature parmi les
magistrats de carrière présentant de l’intérêt dans le domaine de l’en-
fance, devant immédiatement bénéficier d’une mise à niveau accélérée
ou renforcement des capacités (…) »

Bibliographie
Textes constitutionnels et légaux
1. Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n° 11/002
du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution
de la République démocratique du Congo, in Journal officiel de la République
démocratique du Congo, n° spécial du 5 février 2011.
2. Loi-organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonc-
tionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, publiée

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au Journal officiel de la République démocratique du Congo, n° spécial du 27 avril


2013.
3. Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, publiée
au Journal officiel de la République démocratique du Congo, n° spécial du 12 jan-
vier 2009.
4. Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, livre premier
tel que modifié à ce jour par la loi n° 15/022 du 31 décembre 2015, in
Journal officiel de la République démocratique du Congo, 57e année, n° spécial,
29 février 2016.
5. Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale, tel que modi-
fié par la loi n° 06/019 du 20 juillet 2006, publiée au Journal officiel de la
République démocratique du Congo, n° 15 du 1er août 2006.
6. Décret n° 11/01 du 5 janvier 2011 fixant les sièges ordinaires et ressorts
des Tribunaux pour enfants, publié au Journal officiel de la République démo-
cratique du Congo, 52e année, n° spécial, 11 avril 2011.
7. Décret du 30 juillet 1888 des contrats ou des obligations conventionnelles,
in Bulletin officiel, 1888, p. 109.
8. Ordonnance n° 78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attribu-
tions d’officiers et agents de police judiciaire près les juridictions de droit
commun.

Décisions de justice
1. RECL 1543/V, décision rendue par le Tribunal pour enfants de Kinsha-
sa/Matete, en date du 24 janvier 2017.
2. RECL 3910/III, décision rendue par le Tribunal pour enfants de
Lubumbashi, en date du 11 janvier 2018.
3. RECL 335, décision rendue par le Tribunal pour enfants de Kananga, en
date du 11 décembre 2009.
4. RECL 0375, décision rendue par le Tribunal pour enfants de Mbuji-Mayi,
en date du 24 octobre 2014.
5. RECL 0944, décision rendue par le Tribunal pour enfants de Kananga,
en date du 19 janvier 2018.
6. RECL 219/09, décision rendue par le Tribunal pour enfants de Matadi,
en date du 23 mars 2009.
7. RECL 358/X, décision rendue par le Tribunal pour enfants de
Kinshasa/Kalamu, en date du 20 août 2009.
8. RECL 3000, décision rendue par le Tribunal pour enfants de Kananga,
en date du 11 décembre 2009.
9. RED 399, décision rendue par le Tribunal de paix de Kinshasa/
Pont-Kasa-Vubu, en date du 15 décembre 2009.
10. RECL 063/VII, décision rendue par le Tribunal de paix de Rwashi-
Kampemba, en date du 11 septembre 2009.

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Ouvrages
1. CARTUYVELS, Y., Justice des mineurs et sanctions alternatives. À propos des
prestations éducatives et philanthropes pour des mineurs auteurs d’abus sexuels, Paris,
Éditions Jeunesse et Droit, 2000.
2. IDZUMBUIR Assop, J., Les lois de protection de l’enfant en République démocra-
tique du Congo : difficultés de mise en œuvre, Kinshasa, Éditions Droit et société,
2017.
3. IDZUMBUIR Assop, J., La loi de protection de l’enfant en République Démocra-
tique du Congo, Analyse critique et perspectives, Kinshasa, Éd. Cedesurk, 2013.
4. KASONGO Lukoji, G., Manuel de droit congolais de protection des mineurs,
Kinshasa, Kongo Éditions, 2022.
5. MATADI Nenga Gamanda, Le droit à un procès équitable, Louvain-la-Neuve,
Academia Bruylant, 2002.
6. MUKENDI wa Mulumba, J. J., Les écueils de la procédure devant les tribunaux
pour enfants : cas de la prison centrale de Makala, avec l’appui de l’OSISA, Kinsha-
sa, Mediaspaul, 2016.
7. NGOTO Ngoie Ngalingi, Guide de protection de l’enfant, Kinshasa, Éditions
Droit et société, 2016.
8. ROSENNEVEIGH, J. P., La justice et les enfants, Paris, Éditions Dalloz,
2013.

Résumé — La promulgation de la Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant pro-


tection de l’enfant a marqué la volonté manifeste de la République démocratique du
Congo de se conformer aux standards internationaux requis en matière de protection
des droits de l’enfant.
Cette loi réformatrice a eu principalement pour vocation notamment d’appor-
ter des solutions pratiques aux différentes préoccupations suscitées par la prise en
charge de l’enfant et d’instituer une juridiction spécialisée, dénommée tribunal pour
enfants dont les compétences sont exclusivement limitées aux questions impliquant
l’enfant, avec un fonctionnement totalement différent des autres juridictions de l’ordre
judiciaire.
Nous analyserons l’application des garanties procédurales depuis l’avènement de
la loi portant protection de l’enfant, à travers les décisions rendues par les tribunaux
de paix ayant fait office de ces tribunaux avant leur installation effective ainsi que leurs
décisions après qu’ils aient été effectivement installés.
Il ne sera pas question d’apprécier ici les différents animateurs et intervenants
auprès de ces tribunaux, la présente étude portera essentiellement sur l’évaluation
à travers les décisions qu’ils ont rendues, de la promotion des droits fondamentaux
reconnus aux enfants, en l’occurrence les garanties procédurales prescrites à peine de
nullité.

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Étude jurisprudentielle de l’application des garanties procédurales …

Mots-clés : Protection judiciaire - Enfant - Tribunal pour enfants - Garanties procé-


durales - Chambre de première instance - Manquement qualifié d’infraction.

Abstract — The promulgation of Law No. 09/001 of January 10, 2009 on the
protection of the child marked the clear will of the Democratic Republic of Congo
to comply with the international standards required for the protection of the rights of
the child.
This reforming law was mainly intended in particular to provide practical solutions
to the various concerns raised by the care of the child and to establish a specialized
court, called a children’s court whose jurisdiction is exclusively limited to questions
involving the child, with a completely different functioning from other jurisdictions of
the judicial order.
We will analyze the application of procedural guarantees since the advent of
the law on the protection of children, through the decisions rendered by the courts
of peace that served as these courts before their actual installation as well as their
decisions after they have actually been installed.
It will not be a question here of appreciating the various organizers and intervenors
near these courts, the present study will relate primarily to the evaluation through the
decisions which they returned, of the promotion of the fundamental rights recognized
to the children, in this case the procedural safeguards prescribed of nullity.
Keywords : Judicial protection - Child - Juvenile court - Procedural safeguards - Trial
chamber - Breach qualified as an offence.

Cikosu — Ditwa dya byala kudi Mfumu wa ditunga ha Meeyi ne mikandu nomba
09/001 dya matuku 10-01-2009 pa bukubi bwa mwana, ndileja hatoka ditabija dya
Kongu wa mu Ngalaata bwa kwenda hohamwa ne mitambi ya buloba bujima mu bidi
bitangila mwanda wa dikuba maneema a baana.
Meeyi ne mikandu ebi mbishuntulula maalu adi ni kipacila ka kufila biheta bya-
kane ku makonka kabukabu, mu dyambulwisha dya baana, ni difuka cibambalu cya
habwaci cidi ne diina ne tubadi twa baana, tudi ne makokeshi anu mu myanda idi
itangila baana ni nkuacilu wa mudimu mushilangana ne tukwabu tubadi.
Natujinga kulonga mushindu kayi udi miina makumbu aa mu mishinga ya tubadi,
anemekibwa kacya bahatula Meeyi ne Mikandu ha kukuba maneema a mwana, ku-
hicila ku mahangadika mangata kudi tubadi twa ditalala tuvwa twenza mudimu wa
tubadi twa baana mwaba uvwatu katuyi twanji kwikala, ne mahangadika makwabu
mangata kudi tubadi twa baana, mwaba ukaditu tukwata mudimu.
Kabiyi bijinga anu kwanyisha mudimu wa balombodi ba tubadi, dilonga edi ne
ditwambulwisha bwa kumanya se kuhicila ku mahangadika mangata kudi tubadi,
tubadi tudi tutabalela dinemekela maneema a baana, nangananga bwa makumbu
mamuhesha mu mishinga ya ku tubadi idi ikengela kunemeka kakuyi kadiwu.
Bishimbi meeyi : Dikuba kumpala kwa tubadi - Mwana - Tubadi twa baana -
Makumbu mu mishinga ya tubadi - Cibambalu cya kumpala cya tubadi twa baana
- Ditupakana dya mwana mutekete.

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LE PROTOCOLE DE MAPUTO ET SES PROBLÈMES
D’APPLICATION EN DROIT CONGOLAIS

ANALYSE ET PERSPECTIVES

Michel Shokola Djoma 1


Assistant à la Faculté de Droit
Université officielle de Mbujimayi.
Avocat au Barreau du Kasaï-Oriental.

Introduction
Le Protocole de Maputo est le tout premier traité à reconnaître
l’avortement, sous certaines conditions, comme un droit humain des
femmes, dont elles devraient jouir sans restriction ni crainte de pour-
suites judiciaires 2. Les États parties doivent assurer un environnement
juridique et social favorable à l’exercice, par les femmes, de leurs droits
sexuels et reproductifs. Ceci implique la relecture des lois internes res-
trictives, et si nécessaire, des politiques et procédures administratives
relatives à la planification familiale/contraception et à l’avortement
médicalisé dans les cas prévus au protocole, ainsi que l’intégration des
dispositions dudit instrument juridique dans le droit interne 3.
En effet, les poursuites judiciaires répressives supposent que d’une
part, il y a le prévenu (agent de l’acte infractionnel) et d’autre part, la
victime qui subit cet acte et dans certains cas, la partie civile qui s’estime
être lésée dans ses droits 4. De manière téléologique, la dépénalisation
pure et simple de l’infraction d’avortement serait paradoxale à l’un des
principaux buts que revêt le droit pénal tant sur le plan national qu’in-
ternational, celui de lutter contre l’impunité.

1.  michelshokoladjoma@gmail.com.
2.  Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, préface de l’Ob-
servation générale n° 2 sur l’article 14.1 (a), (b), (c) et (f) et article 14.2 (a) et (c) du Pro-
tocole à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits de
la Femme en Afrique, in Journal officiel de la RDC, n° spécial, le 14 avril 2018.
3.  Ibid., point 46.
4. Ch. Kazadi Bengankuna, Notes de cours de droit pénal spécial, G2, Droit, U.O.M,
2021-2022, inédites.

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Michel Shokola Djoma

Pour éviter cette contradiction conduisant purement et simplement


à la dépénalisation de l’avortement, le protocole de Maputo met en
exergue les concepts : « dans certaines conditions ». Comme pour dire,
en dehors de ces conditions, l’infraction d’avortement est répréhensible.
Tout en mettant les bornes dans la jouissance de ce droit à l’avorte-
ment médicalisé qui doit se passer dans les cas limitativement prévus,
le protocole oublie toutefois, le principe de l’autonomie du droit pénal
et pêche en laissant un champ libre en empruntant la définition du mot
« santé » à son entendement lui consacré par l’Organisation Mondiale
de la Santé (O.M.S). Une définition qui semble être large et imprécise.
Ce qui rend ce droit moins compréhensible et susceptible d’équivoque.
Lorsque l’ordre social est troublé par une infraction, il faut pu-
nir le coupable. Mais, pour aboutir à la sanction donc à la peine, il
faut connaître la procédure à suivre. De même, le titulaire d’un droit
subjectif qui se trouve lésé dans son droit et qui veut obtenir répara-
tion du préjudice subi doit savoir comment procéder pour y parvenir 5.le
code pénal congolais prévoit et puni l’avortement sur soi-même (article
166), sur autrui (article 165) et les pratiques qualifiées d’antinatalistes
ou d’anticonceptionnels (article 178), avec l’avènement du protocole de
Maputo, punir ou ne pas punir l’avortement (qui est dorénavant consi-
déré comme un droit humain des femmes), devient sujet soit incompris,
soit mal compris. Qui peut amener qui en justice et même comment
l’amener ?
La RDC a adhéré à ce protocole de Maputo depuis le 9 juin 2008
et l’a publié au journal officiel le 14 avril 2018, mais jusqu’à ce jour,
en dehors de la Circulaire n° 04/SPCSM/CFLS/EER/2018 du 6 avril
2018 relative à la mise en exécution des dispositions de l’article 14 de
ce protocole, aucune dotation législative au sens restreint (loi) ne remplit
les prescrits de l’article 14.2 dudit protocole qui recommande aux États
membres de le mettre en œuvre en prenant des mesures appropriées.
La protection des êtres humains est au centre de toute analyse pré-
ventive, voire protectrice prévue par différentes normes. Ainsi « l’homme
et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée ainsi
que les convictions et l’exercice des cultes doivent être respectés (…) » 6.

5.  E. J. Luzolo Bambi Lessa et N. A. Bayona ba Meya, Manuel de procédure pénale,


Kinshasa, PUC, 2011, p. 19.
6.  Notes préliminaires, 4e Convention de Genève de 1949 portant protection
de la population civile en temps de guerre, disponible sur https://ihldatabases.icrc.org/

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

Il va de soi que soit aussi respecté le droit de la femme quant à la plani-


fication de sa maternité.
Le sujet sous examen, nous est une recherche que nous menons
pour savoir comment appliquer effectivement le protocole susmention-
né précisément ses dispositions de l’article 14, sans pour autant semer
des confusions dans l’application concurrente avec des lois internes en
l’occurrence le code pénal, qui réprime l’avortement.
À cet égard, la présente étude a une vocation double : d’une part,
déplorer le vide légal quant à l’avortement parce que n’étant plus consi-
déré ou compris de la même manière avant et après l’adhésion de la
R.D.C au protocole susmentionné, les risques encourus et liés à la léga-
lité des peines et des infractions tout en proposant que la RDC se dote
une loi en la matière et d’autre part, obliger l’obtention d’un examen
psychiatrique préalable pour toute femme qui justifierait le recours à
l’avortement se basant sur sa santé mentale.
Nous nous posons quelques questions auxquelles nous proposons
les réponses dont la véracité et l’exactitude seront confirmées ou infir-
mées, selon le cas au fur et à mesure qu’évolue notre réflexion.
— Si la femme porteuse de la grossesse est libre de décider du sort
de celle-ci, que serait alors le sort que la loi réserverait à une per-
sonne qui ferait recourir la porteuse de la grossesse à un avortement
qu’elle n’aurait pas voulu ? Autrement dit, quelle que soit la quali-
té de la personne (personnel soignant, mari, parent ou frère de la
femme), la ferait avorter sans son consentement ?
— En empruntant la définition que l’OMS réserve au concept « San-
té » tout en limitant les conditions de l’avortement médicalisé, com-
ment serait alors diriger une position juridictionnelle (jugement)
pour expliquer les limites de l’avortement lorsqu’il faudra étudier
ou analyser la santé mentale de la porteuse de la grossesse qui vou-
dra avorter ?

À ces questions, nous proposons les réponses que voici :


— Celui qui, par aliments, breuvages, médicaments, violences ou par
tout autre moyen aura fait avorter une femme, sera puni d’une ser-
vitude pénale de cinq à quinze ans 7.

applic/ihl/dih.nsf/Comment.xsp?action=openDocument&documentId=3589F184685802A4C1
2563BD002D9141. Consulté le 18 avril 2022, 21 h 07’.
7.  Art 165 du décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais tel que
modifié et complété par la loi n° 15/022 du 31 décembre 2015, in Journal officiel de la

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Michel Shokola Djoma

— Cette réponse provisoire de l’article 165 du code pénal congolais


livre II, sujet à révision pour se conformer aux prescrits du proto-
cole de Maputo doit, selon nous, rester comme telle et produire ses
effets dans le cas où il y a absence du consentement de la porteuse
de la grossesse.
— Outre les dommages physiques potentiels à court et long terme, la
non-disponibilité ou le refus d’accéder à des services d’avortement
sécurisé sont la cause bien souvent, d’une souffrance mentale, qui
peut être exacerbée, par le handicap ou le statut socio-économique
précaire de la femme. Lorsqu’on évalue les risques pour la santé
d’une femme enceinte, la santé doit être interprétée selon la défi-
nition de l’OMS, à savoir : « un état complet de bien-être physique,
mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de
maladie ou d’infirmité. » Les raisons avancées par la femme qui
sollicite un avortement doivent être prises en compte et les États
sont tenus de veiller à ce que les cadres juridiques en place faci-
litent l’accès des femmes à l’avortement médicalisé, lorsque la gros-
sesse présente un danger pour la santé de la mère. Ceci implique
notamment que, la preuve d’un examen psychiatrique préalable,
n’est pas nécessaire pour établir le risque pour la santé mentale 8.
La non-exigence d’un examen psychiatrique préalable, laisse com-
prendre qu’une fois, si la femme veut avorter nonobstant les raisons
par elle avancées (rationnelles ou non), aucun obstacle même ju-
diciaire ne peut alors l’empêcher. Ce qui constitue selon nous, un
danger pour la vie humaine considérée comme sacrée. À ce sujet
le Pape Paul VI, s’insurgeant contre la législation de l’Avortement
en France, avait déclaré je cite : « Malheur à qui profane la beauté
innocente de la vie humaine ; malheur à qui en méconnaît le droit
essentiel, celui d’exister, ou l’anéantit dès son origine » 9. Nous esti-
mons donc, que prévoir un examen psychiatrique préalable exa-
minant la santé mentale de la femme trouve sa place afin d’éviter
des nombreux avortements sans raison, médicalisés soient-ils, pro-
tégeant ainsi un des droits humains à savoir, celui à la vie.

République démocratique du Congo, n° spécial Kinshasa, le 29 février 2016.


8.  Observations générales, Op. cit., point 38.
9. Pape Paul VI, in Le Monde, 24 décembre 1974, p. 10, cité par Likulia
Bolongo, Droit pénal spécial Zaïrois, Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurispru-
dence (LGDJ), 1976, p. 184.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

Cela étant, la présente cogitation scientifique évoque tour à tour


l’incrimination de l’avortement en droit congolais (I), les limites au droit
à l’avortement et la compréhension qui en découle (II), ainsi que nos
avis et suggestions (III).

1. Incrimination de l’avortement en droit congolais


Nous analysons ici l’infraction d’avortement telle que comprise
dans le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais tel que
modifié et complété par la loi n° 15/022 du 31 décembre 2015 (I.1),
ainsi que les peines encourues (I.2).

1.1. Élucidation conceptuelle

1.1.1. Téléologie
L’interprétation qui prend pour principe qu’une règle doit être ap-
pliquée de manière à remplir ses fins et interprétée à la lumière de ses
finalités 10, une méthode d’interprétation doctrinale qui consiste à déga-
ger le but de la loi, la volonté du législateur. Elle fait prédominer l’esprit
sur la lettre de la loi. L’interprétation doit être déclarative de la volonté
du législateur 11.
C’est à cette dernière acception du mot téléologie que nous recou-
rons pour comprendre plus précisément dans sa technique dite ratio legis
(le sens de la loi en tenant compte de sa raison d’être, se situer dans
son contexte ou encore dégager l’idée centrale), quelle est la raison ou
la motivation principale ayant poussée les parties prenantes (États) à
ratifier ou à adhérer à ce protocole de Maputo légalisant l’avortement
médicalisé. Est-ce, une épine à la lutte contre l’impunité ? Ou réelle-
ment un des droits humains reconnus à la femme ? Si oui, dans quelle
condition ?

10.  G. Cornu, Vocabulaire juridique, 12e édition mise en jour, Paris, Presses Uni-
versitaires de France, 2018.
11.  Nyabirungu Mwene Songa, Op. cit., p. 48.

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1.1.2. Infraction
Action ou omission violant une norme de conduite strictement dé-
finie par un texte d’incrimination entraînant la responsabilité pénale de
son auteur 12.
Une infraction pour sa perpétration requiert le concours de l’élé-
ment matériel et de l’élément moral. L’élément matériel est l’acte exté-
rieur qui manifeste la volonté de violer la loi. Tout acte qui se rattache à
la réalisation de l’infraction. Cet élément renvoie à l’exigence d’un acte
pénal, qui vient extérioriser la volonté de violer la loi. C’est le fait exté-
rieur par lequel l’infraction se révèle et, pour ainsi dire, prend corps 13.
L’élément moral quant à lui, est la volonté délibérée de commettre un
acte délictueux.

1.2. Les types d’avortement consacrés par la loi


Le législateur Congolais distingue l’avortement sur autrui de l’avor-
tement sur soi-même.

1.1.1. Avortement sur autrui


Celui qui, par aliments, breuvages, médicaments, violences ou par
tout autre moyen aura fait avorter une femme, sera puni d’une servitude
pénale de cinq à quinze ans 14.

1.1.2. Avortement sur soi-même


La femme qui volontairement se sera fait avorter, sera punie d’une
servitude pénale de cinq à dix ans 15.

12.  Lexique des termes juridiques, 19e édition, Paris, Dalloz, 2012, p. 466.
13.  Nyabirungu Mwene Songa, Op. cit., p. 134.
14.  Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, livre II, tel que
modifié à ce jour, art 165.
15.  Ibid., art. 166.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

1.3. Les éléments indispensables constitutifs de l’avortement

1.3.1. Les éléments matériels 16

a. L’expulsion prématurée
Il s’agit de l’expulsion avant terme du fœtus, quel que soit le stade
du développement du fœtus, et indépendamment de sa viabilité.

b. L’expulsion provoquée d’une manière artificielle


L’article 165 du code pénal congolais énumère les aliments, les
breuvages, les médicaments, les violences ou tout autre moyen comme
manières artificielles d’expulser le fœtus. Généralement, les moyens de
provoquer l’avortement peuvent être chimiques ou mécaniques. Par les
moyens chimiques, on reconnait l’usage de la quinine, de l’eau de vie
allemande, de l’antimoine, etc.
Par les moyens mécaniques, on distingue la sonde, l’injection d’eau
savonneuse de permanganate, le crayon introduit dans l’utérus pour
provoquer la contraction et l’expulsion, les exercices physiques divers
suivis d’hémorragie et de curetage etc.
Bref, l’expulsion du fœtus est faite à l’aide des aliments, des breu-
vages, des médicaments, des violences ou par tout autre moyen.

1.3.2. L’élément moral


L’auteur doit avoir agi sciemment c’est-à-dire avec l’intention de
provoquer l’avortement 17. Une femme grosse qui absorbe des subs-
tances abortives, (…) lorsqu’elle a délibérément recherché l’expulsion
du fœtus qu’elle portait, administre par ce fait la preuve de l’élément
moral.

1.3.3. Le régime répressif contre l’avortement


Les deux formes d’avortement ne sont pas punies des mêmes
peines. L’avortement sur soi-même est moins sévèrement réprimé que
l’avortement sur autrui.

16.  Bony Cizungu M. Nyangezi, Les infractions de A à Z, Kinshasa, Éditions


Laurent Nyangezi, 2011, p. 78.
17.  Likulia Bol ongo, Droit pénal spécial zaïrois, Paris, Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence (LGDJ), 1976, p. 181.

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L’avortement sur autrui est puni d’une servitude pénale de cinq à


quinze ans 18, alors que l’avortement sur soi-même est punie d’une ser-
vitude pénale de cinq à dix ans 19.

2. Limites au droit à l’avortement au sens du protocole


de Maputo
Le protocole de Maputo ne légalise pas l’avortement comme pour
dire que, le fait d’avorter ou de se faire avorter devient purement et
simplement libre et qui veut peut et ce, dans n’importe quelle condi-
tion. Considérant le droit à l’avortement comme un des droits humains
reconnus aux femmes, le protocole légalise justement et uniquement
l’avortement médicalisé dans certaines conditions limitativement pré-
vues. Ce que nous pouvons qualifier d’un droit partiel ou droit limité parce
que, autorisé ou reconnu que dans certaines conditions seulement.
Les États assurent le respect et la promotion des droits de la femme
à la santé, y compris la santé sexuelle et reproductive. Ces droits com-
prennent : protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement
en autorisant l’avortement médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de
viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et
physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus 20.

2.1. Agression sexuelle


La violence s’entend de l’usage de la force ou de la contrainte phy-
sique pour atteindre un objectif bien déterminé. Ainsi des actes d’agres-
sion physiques peuvent contraindre une personne à poser des actes
contre son gré, en l’occurrence, une personne peut être amenée à subir
des rapports sexuels auxquels elle n’a pas consenti 21.
L’agression sexuelle est ainsi un acte d’agression de nature à porter
atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne contre la-
quelle il est dirigé, (…). En soi, il est un élément constitutif de certaines
infractions (viol, agression sexuelle). Il comprend non seulement toutes
les atteintes effectivement portées à l’intégrité corporelle, mais les actes

18.  Art 165 du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais, livre II.
19.  Ibid., art. 166.
20.  Art 14.1 et 2 (c) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et
des Peuples relatif aux droits de la femme en Afrique.
21. C.T. Muntazini Mukimapa, La problématique de la lutte contre les violences sexuelles
en droit congolais, Kinshasa, Maison des savoirs de Kinshasa, 2009, p. 7.

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ayant entraîné un trouble psychologique, même sans contact avec la


victime (menace d’une arme, coup de feu en l’air, persécutions télépho-
niques 22). Pour sa part, le qualificatif sexuel s’entend de ce qui a trait
au sexe.
Les violences sexuelles peuvent ainsi, au sens large, se définir comme
« tout acte, tentative, commentaire ou avance à caractère sexuel, avec
ou sans contact physique, commis par un individu sans le consentement
de la personne visée dans le but d’assujettir autrui à son désir propre par
un abus de pouvoir, l’utilisation de la force ou de la contrainte ou sous
menace 23.
L’article 6 (d) du statut de Rome parle des mesures visant à entraver
les naissances au sein du groupe. Ainsi lorsqu’une infraction de vio-
lences sexuelles normalement qualifiée de stérilisation forcée est com-
mise dans l’intention de détruire en tout ou en partie une communauté
humaine, elle reçoit la qualification de crime de génocide 24.
Il est tout à fait logique qu’une grossesse issue de tels actes (agres-
sions sexuelles), ne soit pas la bienvenue auprès de la victime desdits
actes de violence ou d’agression.

2.2. Viol
Le viol est une des manifestations de l’agression sexuelle. Il englobe
en son sein des faits qui parfois sont loin de réaliser le simple contact
physique. Le viol peut être défini comme le fait, par violences ou me-
naces graves, ou par contrainte, soit par surprise, par pression psycholo-
gique, soit à l’occasion d’un environnement coercitif, soit en abusant du
fait de la maladie, de l’altération des facultés ou par perte de l’usage de
sens, ou par privation de sens par quelques artifices :

— D’introduire son organe sexuel même superficiellement dans celui


d’une femme ou pour la femme d’obliger un homme à introduire
même superficiellement son organe sexuel dans le sien.

22.  G. Cornu, Op. cit.


23.  Définition de l’UNICEF, in Revue interpolice, Kinshasa, Éditions Modus Ope-
randi, n° 3, décembre 2005, p. 28, cité par Colonel Toussaint Muntazini Mukimapa,
Op. cit.
24.  Bilolo Kakol e, Les infractions de violences sexuelles, Kinshasa, Ministère de la
Justice (service de documentation et d’études), 2009, p. 4.

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— De pénétrer même superficiellement l’anus, la bouche ou un orifice


du corps d’une femme ou d’un homme par un organe sexuel, par
une partie du corps ou par un objet quelconque.
— D’introduire même superficiellement une partie du corps ou un
objet quelconque dans le vagin.
— D’obliger un homme ou une femme à pénétrer, même superficielle-
ment son anus, sa bouche ou un orifice de son corps par un organe
sexuel, par une autre partie du corps ou par un objet quelconque 25.
— Le viol est prévu et réprimé par plusieurs textes légaux en vigueur
en R.D.C, notamment : le Statut de Rome instituant la Cour
Pénale Internationale qui prévoit à l’article art 7.1 (g) que le viol
est l’un des actes donnant lieu au crime contre l’humanité lorsqu’il
est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systéma-
tique lancée contre toute population civile et en connaissance de
cette attaque. Il est aussi qualifié de crime de guerre lorsqu’il est
commis en violation des lois et coutumes applicables aux conflits
armés internationaux d’une part ; et d’autre part par le code pénal
congolais livre II (article 170) et la loi portant protection de l’enfant
(Articles 170 et 171).

2.3. Inceste
Union en vue du mariage que la loi interdit entre les parents ou
alliés qu’elle détermine ; rapport sexuel entre proches parents incriminé
comme agression ou atteinte sexuelle lorsque celle-ci est commise par
un ascendant sur un mineur non-marié 26.
Le code de la famille interdit le mariage incestueux, cela sous-
tend aussi les rapports sexuels voire les grossesses qui peuvent en être
la conséquence : En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les
ascendants et descendants. En ligne collatérale, le mariage est prohibé
entre frères et sœurs germains, consanguins et utérins. Il l’est également
entre alliés ou d’autres parents collatéraux pour autant qu’il soit for-
mellement interdit par la coutume. En cas d’adoption, le mariage est
prohibé entre l’adoptant et l’adopté 27.

25.  Bony Cizungu M. Nyangezi, Op. cit., p. 590.


26. G. Cornu, Op. cit.
27.  Art 353 de la loi n° 87-010 du 1er aout 1987 portant Code de la famille telle
que modifiée et complétée par la loi n°16/008 du 15 juillet 2016.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

2.4. La santé mentale et physique de la mère ou du fœtus


La santé doit être interprétée selon la définition de l’OMS, à savoir :
« un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste
pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
L’avortement médicalisé peut être requis, par les femmes dont la
grossesse comporte des risques pour la vie de la mère ou du fœtus. Il
en est ainsi par exemple, lorsqu’il est démontré que le fœtus qui se dé-
veloppe souffre de malformations incompatibles avec la survie, de sorte
que le fait d’être contraint de mener la grossesse à terme constituerait
un traitement cruel et inhumain. Cela peut également se produire chez
les femmes qui ont besoin d’un traitement médical spécial pour une
maladie cardiaque, le cancer ou d’autres maladies qui peuvent mettre
en danger la survie du fœtus 28.

2.5. Avortement médicalisé


Au sens du Protocole, « Avortement médicalisé » désigne les ser-
vices d’avortement sans risque, fournis au moyen de médicaments ou
méthodes spécifiques, avec tous les renseignements nécessaires et le
consentement éclairé des intéressés, par des professionnels de santé des
niveaux primaire, secondaire et tertiaire, formés à l’avortement médi-
calisé, conformément aux normes de l’OMS. Ces services comportent
aussi des techniques chirurgicales et des traitements.

3. Avis et suggestion pour une application effective


du protocole de Maputo en Rdc
3.1. Une loi
C’est l’honneur d’une société civilisée, précisément d’un État de
droit, de ne pas condamner sans organiser un procès permettant à tout
accusé de se défendre selon les principes démocratiques de fonction-
nement d’une enquête, d’une instruction, en tout cas d’une instance
judiciaire 29. Organiser, c’est aussi préciser de manière claire et concise
les actes infractionnels, à l’instar de l’avortement qui aujourd’hui, doit
s’adapter au protocole de Maputo.

28.  Observations générales, Op. cit., point 40.


29.  S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale, Paris, Éd. Litec, 2000, p. 3, cité
par E. J. Luzolo Bambi Lessa et N.A. Bayona ba Meya, Op. cit., p. 19.

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Michel Shokola Djoma

Dans une société organisée, l’État assume la responsabilité de


l’ordre public et du bien commun. Aussi, en face d’une infraction qui
vient de se commettre, l’on ne peut concevoir que la vengeance privée
puisse se satisfaire. C’est donc à l’État de punir les fautes pénales com-
mises par les membres de la communauté soit à l’intérieur du territoire
national, soit en-dehors de celui-ci. La sauvegarde de la paix sociale
l’exige 30. Il s’agit du monopole de l’État dans l’œuvre de la répression.
La relecture des lois restrictives que souligne la Commission afri-
caine des droits de l’homme et des peuples, vise spécialement les lois de
pays membres qui répriment l’avortement. L’une des missions essen-
tielles de l’État moderne est de maintenir et de restaurer l’ordre social
en punissant les fautes commises sur le territoire qu’il contrôle, ou par
les personnes qui relèvent de son autorité, chaque fois que ces fautes
risquent d’apporter un trouble ou de causer une indignation affectant la
paix sociale de la communauté 31.
Ce qui n’est possible que par la présence d’une loi prévoyant et
réprimant chaque comportement ayant un caractère troublant ou affec-
tant la paix sociale de la communauté. Ce qui permet de répondre au
principe de la légalité des délits et des peines pour maintenir l’équilibre
social comme le dit le Professeur Nyabirungu : « C’est l’ensemble des
règles qui conduit une société donnée à l’harmonie, qui contient les
hommes dans un comportement honnête 32 », un comportement préala-
blement prévu et répréhensible en cas de transgression.
En RDC, l’avortement est prévu et puni par la loi. Ayant adhéré au
protocole de Maputo qui légalise l’avortement médicalisé, elle doit alors
prendre une loi qui répond aux exigences dudit protocole.
Cette loi devra tenir compte :

3.2. De la reformulation des dispositions de l’article 166


Les dispositions de l’article 166 du code pénal congolais telles
qu’analysées ci-haut, sont à l’heure actuelle, partiellement contraires

30.  E. J. Luzolo Bambi Lessa et N.A. Bayona ba Meya, Manuel de procédure pénale,
Presses Universitaires du Congo (PUC), Kinshasa, 2011, p. 20.
31.  F. Hélie, Traité de l’instruction criminelle, Paris, 1845, cité par Antoine Rubbens,
Le droit judiciaire congolais, tome III, Kinshasa, Presses Universitaires du Congo (PUC),
1978, p. 24.
32.  Nyabirungu Mwene Songa, Droit pénal général Zaïrois, 2e éd, Kinshasa, RDC,
Éditions Droit et Société (DES), 1995, p. 13.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

aux prescrits du Protocole de Maputo, qui légalise l’avortement médi-


calisé sous certaines conditions.
L’article 15.1.b) du Pacte International relatif aux droits écono-
miques sociaux et culturels stipule que tout individu doit bénéficier du
progrès scientifique et de ses applications 33. Les femmes se voient dénier
le droit de bénéficier des fruits de ce progrès dès lors qu’on leur refuse
les moyens d’interrompre, sans risque, une grossesse non désirée en re-
courant aux services modernes performants 34.
Les observations Générales citées ci-haut soutiennent que le fait
pour les femmes ayant droit aux services d’avortement thérapeutique
d’être soumises, par des prestataires de soins de santé, des autorités
policières et/ou judiciaires à un interrogatoire sur les raisons pour les-
quelles elles veulent interrompre une grossesse non désirée, répondant
aux critères énumérés à l’article 14. 2.c) ou d’être accusées ou détenues
pour soupçons d’avortement illégal, lorsqu’elles sollicitent des soins post
avortement, constitue une violation de leurs droits à la vie privée et à la
confidentialité.
Ce qui semble accorder un champ libre à la femme de décider du
sort de sa grossesse et que par conséquent, les dispositions de l’article
166 du code pénal congolais sont désormais incomplètes et devraient
être reformulées de la manière suivante : La femme qui volontairement
se sera fait avorter « en dehors des conditions limitativement consacrées par le
protocole de Maputo », sera punie d’une servitude pénale de cinq à dix ans.

3.3. De la reformulation de l’article 165


Ces dispositions sont partiellement contraires aux prescrits du pro-
tocole de Maputo, en effet, le protocole parle de l’avortement médicalisé
tel que défini précédemment, En d’autres termes, il légalise aussi l’avor-
tement sur autrui mais, en une condition, celle d’avoir le consentement
de la personne porteuse de la grossesse (femme).
Nous proposons que les dispositions de cet article 165 soient consa-
crées comme suit : Celui qui, par aliments, breuvages, médicaments,
violences ou par tout autre moyen aura fait avorter une femme « sans son
consentement et en dehors des conditions limitativement consacrées par le protocole de
Maputo », sera puni d’une servitude pénale de cinq à quinze ans.

33.  Art 15.1 (b) du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels, adopté le 16 décembre 1966, entrée en vigueur le 3 janvier 1976.
34.  Observations générales, Op. cit., point 33.

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Michel Shokola Djoma

3.4. De la suppression de l’article 178


Il s’agit de l’infraction de la propagande anticonceptionnelle, aussi
appelée propagande antinataliste ou propagande en faveur de l’avorte-
ment. En instituant l’infraction, le législateur entend protéger la vie hu-
maine en gestation. Il réprime à cet effet tout acte de nature à empêcher
la conception 35. Ce qui est paradoxal aux buts du protocole de Maputo
qui proclame à cet effet que : « Les États parties devraient garantir la
disponibilité, l’accessibilité et l’acceptabilité des procédures, technolo-
gies et services complets et de bonne qualité, en utilisant des technolo-
gies fondées sur des résultats cliniques. À cet effet, il est aussi recomman-
dé aux États membres ce qui suit : « Les États parties devraient éviter
toutes les restrictions inutiles ou non pertinentes, sur le profil des presta-
taires autorisés à pratiquer l’avortement médicalisé et les exigences de
multiples signatures ou l’approbation de Comités, dans les cas prévus
au protocole. (…) Les prestataires de niveau intermédiaire comme les
sage-femmes et autres travailleurs de la santé qualifiés devraient être
formés, pour dispenser les soins d’avortement dans des conditions de
sécurité » 36.
Ainsi, assistons-nous à la création et à la promotion des centres de
naissance désirable ainsi que la publicité à grande échelle réalisée au-
tour de l’usage de préservatifs, sensibilisations pour l’usage de méthodes
contraceptives et tant d’autres.
Ces dispositions de l’article 178 du code pénal congolais livre II,
sont actuellement inopportunes et donc, vouées à la disparition ou à la
reformulation.

3.5. De l’exigence d’un examen psychiatrique préalable pour la santé


mentale de la porteuse de la grossesse face au caractère sacré
de la vie humaine
En effet, le droit à la vie est protégé et est aussi, un des droits hu-
mains. La pyramide des droits de l’homme reposerait sur le concept
fondamental du droit de vivre de l’humanité tout entière et de chaque
personne en particulier. Le droit à la vie s’inscrit dans le principe, plus
large, de dignité humaine. Il occupe aujourd’hui une place aussi visible
que prépondérante dans les instruments de protection des droits de

35.  Bony Cizungu M. Nyangezi, Op. cit., p. 468.


36.  Observations générales, Op. cit., point 58.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

l’homme. Si certains l’ont qualifié de droit fondamental de la personne


humaine, c’est parce que les libertés et droits fondamentaux découlent
de la vie, que le droit enveloppe la vie de l’individu tout au long de
celle-ci et que, en toute hypothèse, il ne peut être porté atteinte à cette
dernière 37. Le droit à la vie est le premier des droits de l’homme (…) ;
il est la racine et la source de tous les autres droits, il en conditionne la
jouissance puisqu’il faut nécessairement exister pour disposer de tout
autre droit 38.
Le droit à la vie est le droit de base permettant, seul, le bénéfice
des autres droits, aucun autre droit ne pouvant être reconnu tant que le
droit à la vie ne l’est pas. Il se trouve à la source de tout droit.
L’affirmation du droit à la vie a pour objet de s’assurer que l’in-
violabilité de la vie humaine est légalement protégée de toute tentative
délibérée de la supprimer illégalement. Ce qui justifie l’attachement de
plusieurs instruments internationaux que nationaux qui garantissent ce
droit :
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre
1948 qui mentionne à son article 3 que « tout individu a droit à la vie,
à la liberté et à la sûreté de sa personne ». La convention relative aux
droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies
en 1989 à son article 6 alinéa 1er mentionne : « Les États parties recon-
naissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie ». Le Pacte interna-
tional relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (entré
en vigueur le 3 janvier 1976) précise en son article 6, paragraphe 1er que
« le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être
protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ». La
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 27 juin
1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986 dispose en son article 4
que « La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit
au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne :
nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ». Selon l’article 5 de
la Charte africaine des droits et du bien- être de l’enfant, le droit à
la vie est un droit imprescriptible et par conséquent les États assurent

37. H. Bandolo Kenfack, « Le droit à l a vie de l ’enfant à naît r e face au pl u-


ralisme juridico-culturel européen : essai de conciliation à partir de la théorie
de la marge nationale d’appréciation », in www.usherbooke.ca, consulté le 16 mai 2022
à 10 h 16.
38.  « Refugiés et droits fondamentaux », disponible sur www.livelearn.org, consul-
tée le 14 mai 2022 à 10 h 38.

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non seulement la survie et le développement de l’enfant mais aussi sa


protection.
En R.D.C., nous pouvons affirmer la protection de ce droit par la
Constitution du 18 février 2006 telle que révisée par la loi n° 11/002
du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles, à son article
16 alinéa 2 :« Toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique ain-
si qu’au libre développement de sa personnalité dans le respect de la
loi, de l’ordre public, du droit d’autrui et des bonnes mœurs ». La loi
n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant à son ar-
ticle 13 alinéa 1er qui dispose : « tout enfant a droit à la vie ».
Dès le moment où il est conçu, l’enfant vit ; et le droit pénal, sou-
cieux de sauvegarder les droits sacrés et indéniables de tout être humain,
notamment le droit de toute personne à la vie, lui étend naturellement
sa protection d’autant plus que l’acquisition de la personnalité juridique
préexiste à la naissance 39.
Nous estimons bien que, Cette possibilité illimitée et indéfinie de la
santé (mentale ou physique) ne constitue qu’un champ libre à l’avorte-
ment tout court, et de ce fait, il se trouve une contradiction entre le droit
à la vie et celui à l’avortement médicalisé, tous, considérés comme des
droits humains.
Nous pensons qu’il est important de garder tous les deux droits
mais que celui à l’avortement soit de plus en plus restreint au profit de
celui à la vie. Ceci en prévoyant que : « Quiconque voudra se faire avor-
ter sur base de la santé mentale comme motif d’avortement, devrait au
préalable, sous peine de poursuite judiciaire, subir un examen psychia-
trique ». Ce qui éviterait à notre entendement, certains avortements in-
justifiés et non rationnels et en même temps, contribuerait au renforce-
ment du droit à la vie qui se trouve prépondérant à celui à l’avortement.

Conclusion
Le Protocole à la charte Africaine des droits de l’homme et des
peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique dit protocole de
Maputo consacre le droit à l’avortement comme un des droits humains
de la femme. Il recommande aux États parties de le légaliser sous cer-
taines conditions à savoir : « en cas d’agression sexuelle, de viol, d’in-
ceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique

39.  Likulia Bol ongo, Droit pénal spécial zaïrois, tome I, Paris, 2e éd., Librairie
générale de droit et de jurisprudence (LGDJ), 1985, p. 294.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus ». Ces dispositions dudit


protocole entrent en contradiction avec celles du droit interne, notam-
ment celles des articles 165, 166 et 178 du code pénal congolais livre II
qui répriment l’avortement même dans les conditions autorisées par le
protocole ci-haut cité.
Cet état des choses engendrent d’énormes difficultés et confusions
non seulement dans le corps juridictionnel qui, en même temps applique
les traités et accords internationaux dûment ratifiés (comme le protocole
de Maputo qui légalise l’avortement dans certaines conditions) et les
lois du pays (comme le code pénal congolais qui réprime l’avortement),
mais aussi met en souffrance le principe pénal de légalité de délit et de
peine tant soutenu par la Constitution de la RDC et d’autres lois en ces
termes : « Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en
vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit 40. Nulle infraction ne
peut être punie des peines qui n’étaient pas portées par la loi avant que
l’infraction fût commise 41 ».
Pour parer à cette difficulté, il nous faut alors une loi qui, d’une part
supprime, d’autre part, révise et complète les dispositions des articles
du code pénal congolais qui répriment l’avortement et ne le maintenir
que lorsqu’il a lieu en dehors des cas limitativement énumérés par le
protocole ce qui répondrait à la volonté du protocole qui demande aux
États parties de prendre toutes les mesures appropriées à cette fin (ceci
est prévu par les dispositions de l’article 14.2, du protocole de Maputo).
Cette loi à venir devra notamment tenir compte de l’importance
du droit à la vie en limitant l’accès sans réserve à l’avortement en exi-
geant un examen psychiatrique préalable chaque fois que la porteuse
de la grossesse prétendra recourir à l’avortement se basant sur la santé
mentale.
Compte tenu de l’interdiction par le protocole d’interférence des
tiers dans la jouissance des droits sexuels et reproductifs des femmes, il
est évident que cette infraction une fois retenue si elle est commise en
dehors des cas limitativement énumérés par le protocole, les poursuites

40.  Art 17, al. 2 de la Constitution de la République démocratique du Congo


de 2006 telle que modifiée et complétée par la loi du 20 janvier 2011 portant révision
de certaines dispositions de la Constitution, in Journal officiel de la RDC, n° spécial,
Kinshasa, le 5 février 2011.
41.  Art 1er du Code pénal congolais, livre I tel que modifié et complété par la loi
n° 15/022 du 31 décembre 2015, in Journal officiel, n° spécial, Kinshasa, le 29 février
2016.

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judiciaires devraient être conditionnées à la plainte préalable de la vic-


time de l’infraction.

Bibliographie
1. Textes officiels

1.1. Textes internationaux


1. Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 27 juin
1981.
2. Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant adoptée par la
Vingt-Sixième Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de
l’OUA, Addis Abeba (Éthiopie) - Juillet 1990.
3. Convention internationale relative aux droits de l’enfant adoptée par
l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1989.
4. Conventions de Genève de 1949 portant protection de la population ci-
vile en temps de guerre.
5. Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948.
6. Observations Générales n° 2 sur l’Article 14.1 (a), (b), (c) et (f) et Article 14.
2 (a) et (c) du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et
des Peuples relatif aux droits de la Femme en Afrique de la Commission
africaine des droits de l’homme et des peuples, publiées au Journal officiel
de la RDC, le 14 avril 2018.
7. Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre
1966.
8. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
9. Protocole à la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif
aux droits de la femme en Afrique signé à Maputo le 11 juillet 2003.
10. Statut de Rome de 1998, portant création de la Cour pénale internationale.

1.2. Textes nationaux


1. Constitution du 18 février 2006 telle que révisée par la loi n° 11/002 du
20 janvier 2011 portant révision de certains articles, publiée au Journal
officiel de la RDC, n° spécial, Kinshasa, le 5 février 2011.
2. Loi n° 87-010 du 1er aout 1987 portant Code de la famille telle que mo-
difiée et complétée par la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016.
3. Décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale tel que mo-
difié et complété par la Loi n° 15/024 du 31 décembre 2015 publié au
Journal officiel de la RDC, n° spécial, Kinshasa, le 29 février 2016.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

4. Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal tel que modifié et complé-
té par la loi n° 15/022 du 31 décembre 2015 publié au Journal officiel de la
RDC, n° spécial, Kinshasa, le 29 février 2016.
5. Loi n° 09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant, publiée
au Journal officiel de la RDC, n° spécial, Kinshasa, le 25 mai 2009.
6. Acte d’adhésion au protocole à la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, publié au Journal
Officiel de la RDC, n° spécial, Kinshasa, le 15 avril 2018.
7. Circulaire n° 04/SPCSM/CFLS/EER/2018 du 06 avril 2018 relative
à la mise en exécution des dispositions de l’article 14 du Protocole à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de
la femme en Afrique, in Journal officiel de la République démocratique du Congo,
n° spécial, Kinshasa, le 15 avril 2018.

2. Ouvrages
1. RUBBENS, A., Le droit judiciaire congolais, Kinshasa, PUC, 1978.
2. BILOLO Kakole, Les infractions de violences sexuelles, Kinshasa, Ministère de
la Justice (service de documentation et d’études, 2009.
3. BONY Cizungu M. Nyangezi, Les infractions de A à Z,, Kinshasa, Édition
Laurent Nyangezi, 2011.
4. CORNU, G., Vocabulaire juridique, Paris, Presses Universitaires de France,
2018.
5. BANDOLO Kenfack, H., Le droit à la vie de l’enfant à naître face au pluralisme
juridico-culturel européen : essai de conciliation à partir de la théorie de la marge natio-
nale d’appréciation, disponible sur www.usherbooke.ca.
6. Lexique des termes juridiques, 19e éd., Paris, Dalloz, 2012.
7. LIKULIA Bolongo, Droit pénal spécial zaïrois, Paris, Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence (LGDJ), 1985.
8. LUZOLO Bambi Lessa, E. et BAYONA ba Meya, N. A., Manuel de procé-
dure pénale, Kinshasa, PUC, 2011.
9. NYABIRUNGU mwena Songa, Droit pénal génal, Kinshasa, Éditions Droit
et Société (DES), 1995.
10. « Refugiés et droits fondamentaux », disponible sur www.livelearn.org.
11. MUNTAZINI Mukimapa, T., La problématique de la lutte contre les violences
sexuelles en droit congolais, Kinshasa, Maison des savoirs de Kinshasa, 2009.

3. Notes de cours
1. KAZADI Bengankuna Kanyinda, Ch., Droit pénal général, Mbujimayi,
UOM, 2021.
2. KAZADI Bengankuna Kanyinda, Ch., Droit pénal spécial, Mbujimayi,
UOM, 2021.

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Michel Shokola Djoma

4. Webographie
1. www.icc-cpi.int.
2. https ://ihldatabases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Comment.xsp ?action=openDocu-
ment&documentId=3589F184685802A4C12563BD002D9141.
3. http ://www.droitcongolais.info/etat__autorites_rdc.htm.
4. http://www.leganet.cd/Legislation/Code %20de %20la %20famille/
Loi.15.07.2016.htm.
5. www.usherbooke.ca.
6. www.livelearn.org

Résumé — Le Protocole à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples,


relatif aux droits de la femme en Afrique dit Protocole de Maputo, consacre plusieurs
droits qui protègent la femme. À son article 14.2 (c), il consacre le droit à l’avortement
médicalisé et fait obligation aux États parties de prendre toutes les mesures appro-
priées pour l’effectivité des différents droits qu’il prévoit.
L’application immédiate des traités et accords internationaux régulièrement
conclus et publiés au journal officiel de la République pose parfois problème par igno-
rance des dispositions des articles 153 alinéa 4 et 215 de la Constitution. Conformé-
ment à ces dispositions, la RDC se limiterait à l’adhésion et à la publication de ce
protocole à son journal officiel pour le voir produire d’effets immédiats sans aucune
autre forme de procédure. Cela rendrait automatiquement caduques, les dispositions
des articles 165, 166 et 178 du code pénal congolais livre II.
Mais parce que ce même protocole subordonne l’exercice du droit précité à cer-
taines conditions, la seule adhésion par les États membres ne peut alors suffire, La
RDC doit prendre des dispositions y relatives. Et la présente réflexion est justement
une proposition à cette fin.
Mots-clés : Protocole de Maputo - Avortement - Code pénal congolais.

Abstract — The protocol to the African charter on human and peoples’ rights, on
the rights of women in africa know as the Maputo protocol, enshrines several rights
that protect women. In its article 14.2 (c), it enshrines the right to medical abortion
and obliges states parties to take all appropriate measures for the effectiveness of the
various rights it provides for.
The immediate application of international treaties and agreements regulary
concluded and published in the official journal of the Republic sometimes poses a
problem out of ignorance of the provisions of articles 153, paragraph 4 and 215 of
the Constitution. In accordance with these provisions, the DRC would limit itself to
the accession and publication of this protocol to its official journal to see it produce
immediate effects without any other form of this would automatically render null
and void the provisions of articles 165, 166 and 178 of the Congolese criminal code
book II.

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Le protocole de Maputo et ses problèmes d’application en droit congolais

But because this same protocol makes the exercise of the aforementioned right
subject to certain conditions, accession by the Member States alone cannot then be
sufficient, the DRC must take measures relating to it. And this reflection is precisely a
proposal to this end.
Keywords : Maputo protocol - Abortion - Congolese penal code.

Cikosu — Dyumvwangana dya matunga masanga a mu Afrika bwa kuneemeka


maneema a muntu ni bantu, dyedi ditangila maneema a bamaamu mu Afrika ditudi
tubikila Dyumvwangana dya Maputo, didi difila maneema a bungi adi atangila ba-
maamu. Mu kanungu ka 14.2 (c), didi difila buneema bwa kutula kwa difu kumpala
kwa munganga ni dilomba matunga adi matwa cyala bwa kwangata mapangadika
bwa kuteeka mu cyenzedi maneema onso adi mu dyumvwangana edi.
Bwa pa bidi bitangila ditunga dya Kongu, dikumbaja dya meeyi ne mikandu
mitwa byala ne mikobola kudi matunga kadyena dipepela bwa dipanga dimanya dya
meeyi adi mu kanungu ka 153 citupa cinayi ni mu kanungu ka 215 ka Diiyi dikulu dya
ditunga dyetu. Bilondeshila kanungu ka 215, meeyi matwa cyala ne matunga masan-
ga adi ku mutu kwa meeyi adi amba mwa naka, diakobola didi dishintula musangu
umwa meeyi adi amba mwa naka, ni baateka mu cyenzedi musangu umwe. Ditunga
dya Kongu wa mungalata didi bwa kwimana anu ku ditwa dya cyala ni ku dimanyisha
dya bantu bonsu ditwa dya cyale edi. Bantu badi ne cya kualonda kakuyi bwalu nasha.
Pananku, tununga twa 165, 166 ni 178 twa mukanda mwibidi wa Diiyi dya manyoka
katucyena ne mushinga.
Kadi ditwa cyala kadyena dikumbana to, bwalu kanungu ka 14 ka Dyumvwanga-
na dya Maputo kadi kalomba ne ditunga dyonso dyangata mapangadika masungulu-
ka bwa kuditeka mu cyenzelu. Ke bwalu kaayi, mu kakanda aka, tudi tukeeba kufila
lwetu lungenyi bwa dyangata dya mapangadika aa.
Bishimbi meeyi : Dyumvwangana dya Maputo - Ditula dya difu - Mukanda mwi-
bidi wa diiyi dya manyoka.

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PARTAGE DU PETIT HÉRITAGE EN DROIT CONGOLAIS

HEUR ET MALHEUR DES HÉRITIERS

William Kabeya Badiambuji 1


Professeur associé à la Faculté de Droit
Université officielle de Mbujimayi
Avocat au Barreau du Kasaï-Oriental

Introduction
La naissance favorise l’urgence d’investir dans le nouvel arrivant ;
le décès provoque une réaction de regroupement autour du défunt et
de sa famille pour lutter contre la rupture de la continuité qui attaque
l’illusion groupale d’éternité 2. Nul ne pouvant aller toujours et toujours
à l’enterrement des autres 3, la mort impose aux familiers du défunt de
se serrer les coudes dans le chagrin, pour sortir de la vallée de larmes 4.
Aussitôt ce moment de recueillement passé, il n’existe probable-
ment pas un autre meilleur moment pour découvrir la famille du défunt
que le partage de la succession. Cet instant révèle la manière dont le
défunt a vécu sa vie, ainsi que la nature et l’intensité des liens unissant
tous les membres de sa famille 5, indépendamment de l’opulence de la
succession.
Sur terrain, ce moment crucial du partage de l’héritage laissé par le
de cujus pose souvent, mais pas toujours des problèmes pouvant amener à
des situations concrètes heurtant tant la raison, le bon sens que l’équité.

1.  williamkabeyabadiambuji@gmail.com.
2. P. Cuynet, « La reconnaissance dans l’héritage », in Revue le divan familial,
n° 20 (2008), pp. 48-50.
3.  H. F. Mupila Ndjike Kawende, Les successions en droit congolais, Kinshasa, Édi-
tions Pax-Congo, 2000, p. 28.
4.  Cette mobilisation autour de la famille éprouvée et les formalités qu’elle im-
pose sont qualifiées par Kouassi Kouakou, de deuil social, d’état affectif vécu par les
endeuillés ou de travail de deuil. Cf. K. Kouassi, « La mort en Afrique : entre tradi-
tion et modernité », in Revue étude sur la mort, vol. 2, n° 128 (2005), p. 147. Lire aussi
L. Ndiaye, Parenté et mort chez les Wolof, tradition et modernité au Sénégal, Paris, L’Harmattan,
2009, pp. 237-260.
5.  D. A. Popescu, Guide de Droit international privé des successions, Roumanie, Édi-
tions Magic Print Oneşti, 2014, p. 5.

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William Kabeya Badiambuji

Cette situation risque d’être encore dramatique lorsque le défunt n’avait


pas une fortune d’éclats, et que ses héritiers ne font pas preuve d’une
certaine aisance financière, comme c’est souvent le cas.
Pour aider les héritiers des parents pauvres, le législateur a mis sur
pied des règles dérogatoires, applicables dans le partage des petits héri-
tages. Ces règles initialement prévues pour le bien des héritiers des pa-
rents pauvres, se retournent contre la volonté proclamée du législateur
et ne manquent pas d’étioler son image.
En quoi consiste ce retournement de la situation contre la volonté
affirmée du législateur congolais au sujet du partage du petit héritage ?
Quelles sont les conséquences si l’on applique jusqu’au bout la logique
législative ? Comment y pallier ? À ces questions, cet article donne des
réponses.

1. Distinction entre grand et petit héritages en Droit


congolais
Le jeu successoral congolais tout entier repose sur cette distinction.

1.1. Critère de distinction


Bien qu’ayant différencié le petit et le grand héritages, le Code de
la famille ne s’est pas montré explicite à ce sujet. Dans son livre IV inti-
tulé « des successions et des libéralités », au chapitre V titré « des règles
spéciales régissant les petits héritages », il est disposé à l’article 786 ali-
néa 1er que « Tout héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congo-
lais est attribué exclusivement aux enfants et à leurs descendants par
voie de représentation… ».
Partant de la localisation de cette disposition dans le Code de la
famille, il va sans dire que le petit héritage est celui dont la valeur ne
dépasse pas 1.250.00 0Fc (Un million deux cent cinquante mille francs
congolais).
Ce seul critère est à retenir pour différencier petit et grand héri-
tages 6. Cette valeur est à fixer, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 817
du même Code, sur base de l’actif brut de la succession.

6.  Lire utilement les articles 786, 787, 789,792, 795, 807, 808, 813,814 et 817
du Code de la famille qui y sont consacrés.

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

1.2. Intérêt de la distinction


La distinction entre le petit et le grand héritages n’est pas gratuite.
Elle a des conséquences juridiques de forme et de fond.

1.2.1. Du point de vue de la forme


La compétence matérielle en matière successorale oscille entre
deux juridictions, et la production législative est abondante et décevante
à son sujet.
L’article 110 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013,
portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions
de l’ordre judiciaire dispose : « Les tribunaux de paix connaissent de
toute contestation portant sur le Droit de la famille, les successions, les
libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la cou-
tume ».
La lecture de cet article laisserait penser que les contestations por-
tant sur les successions sont de la compétence exclusive du tribunal
de paix. Loin s’en faut, car, l’article 817 du C.F. qui dispose au pre-
mier alinéa que « Toutes les contestations d’ordre successoral sont de
la compétence du tribunal de paix lorsque l’héritage ne dépasse pas
1.250.000 francs congolais et de celle du tribunal de grande instance
lorsque celui-ci dépasse ce montant » divise la compétence matérielle
entre deux tribunaux, tenant compte du montant brut de la succession.
À ce propos, Ilunga Kakenke 7 écrit, le tribunal de paix a la compé-
tence de principe et exclusive limitée 8 ; tandis que le tribunal de grande
instance a la compétence transitoire et dérogatoire 9.

7. R. Ilunga Kakenke, « La compét ence mat ér iel l e en mat ièr e successo-
rale », in La complexité du droit judiciaire congolais, Bukavu, Éditions du Centre de re-
cherche universitaire du Kivu, 2015, p. 65.
8. Compétence de principe sur base de l’article 110 de la loi organique
n° 13/011-B du 11 avril 2013, portant OFCJOJ, limitée par le Code de la famille à un
montant et/ou pour certaines matières exclusivement à lui réservées.
9.  Transitoire conformément à l’article 151 de la loi organique n° 13/011-B du
11 avril 2013, portant OFCJOJ qui dispose que « Là où ne sont pas encore installés les
tribunaux de paix, les tribunaux de commerce et les tribunaux du travail, les tribunaux
de grande instance sont compétents pour connaître en premier ressort des matières qui
relèvent normalement de la compétence de ces juridictions. » Et dérogatoire à double
titre : soit avec l’accord de l’une des parties en référence à l’article 112 de la même loi
qui dispose : « Les tribunaux de grande instance connaissent de toutes les contestations
qui ne sont pas de la compétence des tribunaux de paix. Toutefois, saisi d’une action
de la compétence des tribunaux de paix, le tribunal de grande instance statue au fond

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William Kabeya Badiambuji

Cette production législative contradictoire a semé la confusion


jusqu’à la défunte Cour suprême de justice qui, dans une affaire inscrite
sous RC. 1519 jugée le 28 avril 1994, soit sept ans après le Code de la
famille, continuait à faire recours à l’article 110 du Code d’organisation
et compétence judicaires de 1982 10, pourtant abrogé en 1987 par le
Code de la famille, prétextant que tout litige successoral est, au premier
degré, de la compétence du tribunal de paix 11.
Alors que les acteurs judiciaires commençaient à s’accommoder
difficilement à la nouvelle loi créant une compétence bipartite, le légis-
lateur a, comme s’il avait oublié qu’en 1987 il avait abrogé l’article 110
du Code d’organisation et de compétence judiciaires qui accordait la
compétence successorale exclusivement au tribunal de paix, réattribué
la même compétence à ce tribunal unique en 2013.
Cette nouvelle disposition de 2013 a semblé refaire croire que la
détermination de la compétence en tenant compte de l’opulence de la
succession venait à être abrogée et qu’était de nouveau consacré le re-
tour à la version originale de 1982 abandonnée en 1987.
C’était sans compter avec la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 mo-
difiant et complétant le Code de la famille de 1987 qui, consacre de
nouveau la compétence bipartite entre les deux tribunaux compte tenu
de l’opulence successorale.
Ces hiatus législatifs consacrent une insécurité juridique, fruit
semble-t-il d’une surlégifération  12
ou d’une surjuridicisation.

et en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord exprès par le greffier. » Soit de
par la volonté de la loi conformément à l’article 817 du Code de la famille.
10.  Article 110 du Code d’organisation et compétence judiciaires de 1982 est
l’équivalent de l’article 110 de la loi n° 13/011-B, du 11 avril 2013 portant organisa-
tion, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire. C’est d’ail-
leurs cette loi organique de 2013 qui a abrogé le Code d’OCJ de 1982.
11.  C.S.J., RC. 1519, 28 avril 1994. Cf. O. Nsumbu Kabu, Cour suprême de justice.
Héritage de demi-siècle de jurisprudence, Kinshasa, Les analyses juridiques, 2015, p. 824.
12.  J. P. Henri utilise les termes prolifération des textes législatifs ou inflation
juridique, alors que Matadi Nenga qui le cite préfère le terme surlégislation qu’il décrit
en ces termes : « Quel est le juriste congolais, magistrat, avocat ou professeur de Droit,
capable d’identifier toutes les lois et tous les règlements en vigueur dans son propre
champ d’activités ? Plus est, il y a des lois abolies par d’autres et des nouvelles lois qui
se réfèrent aux lois pourtant déjà abolies, des arrêtés ministériels (actes réglementaires)
qui modifient des lois… ! » Cf. Matadi Nenga Gamanda, La question du pouvoir judiciaire
en République démocratique du Congo. Contribution à la théorie de réforme, Kinshasa, Éd. Droit
et idées nouvelles, 2001, pp. 167-274.

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Il s’agit en réalité d’une situation anormale qui ne doit être ni jus-


tifiée, ni encouragée en dépit de l’existence du principe « la loi spéciale
déroge à la loi générale », qui nous permet entre temps de faire préva-
loir les prescriptions du Code de la famille à ce sujet.

1.2.2. Du point de vue du fond


À l’analyse du Droit congolais, une différence de fond est à faire
entre le petit et le grand héritages au niveau du nombre de successibles
appelés à l’un et à l’autre, et au niveau de leurs modalités du partage.
Aux termes de l’article 786 alinéa 1er du Code de la famille, tout
héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congolais est attribué ex-
clusivement aux enfants et à leurs descendants par voie de représen-
tation, en cas de concours éventuel de ceux-ci avec les héritiers de la
deuxième catégorie ou les légataires. Par ailleurs, à tout autre héritage
à valeur supérieure à ce seuil, les enfants (héritiers de la première caté-
gorie) concourent avec les héritiers de la deuxième catégorie (le conjoint
survivant, les père et mère, ainsi que les frères et sœurs du défunt) res-
pectivement à raison de trois quarts et un quart 13.
Quant aux modalités du partage successoral, il y a une différence
notable liée au fait que le petit héritage, bien qu’attribué aux enfants du
de cujus, ne fait pas en principe objet du partage entre eux, car la reprise
successorale est organisée pour sa fructification, alors que le grand hé-
ritage, dans les proportions fixées par la loi, se partage entre héritiers
présents ou représentés sans qu’aucune reprise ne soit nécessaire.

2. Heur des héritiers congolais dans le partage du petit


héritage
Le partage immédiat entre héritiers du petit héritage, au regard de
sa modicité, serait un geste banal. Les héritiers copartageants n’en gar-
deront qu’un piètre souvenir, car en dernière analyse, chacun recevra
un lot insignifiant ; il ne fera que consacrer la disparition brutale des for-
tunes modestes laissées par les de cujus pauvres, et l’effacement éventuel
de leurs mémoires.
Pour éviter cela, le législateur plaide pour sa conservation entre les
mains d’un seul d’entre les héritiers, qui le gérera au grand profit de
tous. De lui on dit qu’il a exercé le droit de reprise.

13.  Articles 759 et 760 du Code de la famille.

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Selon le commentaire analytique du Code de la famille, le droit de


reprise n’est pas une obligation mais une faculté qui sera surtout utile
dans l’hypothèse où, le patrimoine successoral est constitué d’un seul
immeuble 14. Ainsi, si de l’aîné au cadet personne ne l’exerce, le partage
s’impose, sauf présence des héritiers incapables à la succession.
Le droit dit de reprise est prévu, à en croire les explications de la
Commission de réforme du Droit congolais, dans le but de maintenir
l’unité du patrimoine conformément aux droits traditionnels ; d’éviter
la division et l’éparpillement du bien afin de ne pas nuire au développe-
ment de la petite et moyenne propriété (E.G.C.A.C.F., p. 397) 15.

2.1. Mécanisme de reprise du petit héritage


Le droit de reprise n’est pas défini par le Code de la famille. Il peut
néanmoins être entendu comme le droit en vertu duquel l’enfant aîné(e)
du défunt ayant laissé un petit héritage, ou son puîné suivant l’ordre de
primogéniture, le prend pour gestion et administration, en entier ou
pour une partie supérieure à celle à laquelle il aurait eu droit en cas de
partage, à condition de remplir vis-à-vis de ses frères et sœurs, les de-
voirs tant coutumiers que légaux et judiciaires.
Contrairement à la loi belge du 16 mai 1900 sur le régime successo-
ral des petits héritages qui, lorsque plusieurs héritiers voulaient exercer
le droit de reprise préférait le conjoint survivant ou celui que le de cujus
avait désigné 16, le Droit congolais privilégie, sauf dispositions testamen-
taires contraires, l’aîné d’entre les enfants du de cujus, conformément à
l’article 787 al. 1er du C.F. y consacré et qui dispose :
« À défaut de dispositions testamentaires contraires attribuant
l’hérédité en tout ou en partie à l’un des enfants, chacun de ceux-
ci, par ordre de primogéniture, a la faculté, lorsque les héritages ne
dépassent pas 1.250.000 francs congolais, de la reprendre en tout
ou pour une part supérieure à sa quote-part légale » 17.

14.  H. F. Mupila Ndjike Kawende et C. Wasenda N’songo, Code de la famille


modifié, complété et annoté, Kinshasa, Pax-Congo, 2017, p. 498.
15.  E. L. Ndomba Kabeya, De l’égalité des enfants en Droit civil congolais, Thèse de
doctorat, Droit, UCL, Louvain-la-Neuve, 2005, p. 360, Inédite.
16.  L. LEVAUX (dir.), Intérêts familiaux, Bruxelles, Ligue des familles nombreuses
de Belgique, 1944, p. 65.
17.  La loi n’impose pas au testateur de conférer le droit de reprise à l’aîné.
L’ordre de primogéniture ne doit être respecté que si le de cujus n’a pas testé. Ce qui
n’est pas logique du tout, car, il n’y a aucune raison plausible qui justifie le choix du

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En préférant l’aîné ou à son défaut son puîné selon l’ordre de primo-


géniture, le Droit congolais réinstaure en partie les privilèges d’aînesse
ou de primogéniture, mais pas forcément dans son contexte traditionnel
où l’aîné devait avoir plus de droits que ses frères et sœurs. Car, ici, sans
avoir plus de droits que ses cohéritiers, l’héritier repreneur contracte,
pour le bien du groupe, une obligation d’assurer l’unité de l’héritage
et partant, d’éviter son émiettement tout en maintenant la survie du
groupe familial.
Est-ce que la condition de se référer au droit d’aînesse pour déter-
miner l’héritier qui reprend vaut son pesant d’or ? À notre sens non.
Car, il n’est pas dit que le de cujus pauvre mourra nécessairement après
la majorité de l’un de ses enfants pour le voir reprendre l’héritage d’une
part, et d’autre part, que même alors, l’aîné présentera des garanties
suffisantes pour la bonne gestion du patrimoine repris. Johnson ne di-
sait-il pas, bien qu’avec raillerie, que « le droit d’aînesse a l’avantage de
ne faire qu’un sot par famille » ? 18
L’idéal aurait été de privilégier l’héritier le plus méritant d’entre
tous, c’est-à-dire compétent du point de vue professionnel, du point de
vue de la transmission des valeurs et jouissant de la confiance de ses
cohéritiers.

2.1.1. Reprise en tout


Lorsque la reprise est faite pour le tout, l’héritier repreneur reprend
le petit héritage en entier ; aucun partage n’est concevable entre héri-
tiers 19. Tout est concentré entre ses mains, quitte à lui d’accomplir les
charges qui lui incombent.

2.1.2. Reprise en partie


Bien que d’importance modeste, les contraintes auxquelles font
face les héritiers peuvent exiger un partage si pas partiel définitif, mais à
la limite provisionnel entre héritiers.

législateur de donner la chance au de cujus de choisir un de ses enfants, parfois sur base
de la méritocratie sans suivre l’ordre de primogéniture, tout en refusant cela en cas de
succession ab intestat.
18. Johnson cité par M. Planiol, Traité élémentaire du droit civil, t. III, Paris,
L.G.D.J., 1959, p. 789.
19.  Ce défaut de partage n’exclut pas que les biens de moindre valeur comme les
habits et autres effets soient partagés.

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En cas de partage partiel définitif, la loi exige que le repreneur re-


çoive une part supérieure à sa quote-part. Qu’est-ce que cela veut dire et
comment les choses devraient-elles se passer concrètement ? Procède-t-on
à un partage complet mais inégal de tout l’héritage en donnant au repre-
neur plus que ses cohéritiers ? Procède-t-on plutôt à un partage partiel au
cours duquel chacun des enfants du de cujus reçoit sa part légale, le repre-
neur y compris, quitte à lui de reprendre le reste de l’héritage ?
Les réponses réservées à ces questions apparemment triviales en-
traînent des conséquences juridiques différentes.
Adopter la première hypothèse amènerait à conclure que le petit
héritage se partage définitivement entre cohéritiers, chacun recevant sa
part égale à celles des autres à l’exception de l’héritier repreneur qui lui,
reçoit plus que ses consorts, parce que grevé de l’obligation de remplir
un certain nombre de devoirs en leur faveur.
Par ailleurs, se prononcer en faveur de la deuxième acception crée-
ra une confusion entre les mains du repreneur où se trouveront les biens
d’un même héritage, détenus à double titre : une partie détenue à titre
de propriété exclusive obtenue à l’issue d’un partage successoral par-
tiel définitif, une autre indivise détenue comme gérant et comptable à
l’égard de ses cohéritiers.
Toutes les deux acceptions sont lourdes de conséquences et inad-
missibles. Car, procéder à un seul partage définitif à l’issu duquel l’hé-
ritier repreneur, en contre partie des devoirs coutumiers à accomplir au
profit de ses frères et sœurs, reçoit plus qu’eux, brise l’égalité successo-
rale, remet sur pied le privilège de primogéniture et aboutit à l’émiette-
ment évité.
Par contre, procéder à un partage partiel définitif quitte à faire gé-
rer la partie indivise restante par l’héritier repreneur, outre le fait qu’il
aboutit à l’émiettement du petit héritage qui est pourtant à éviter, amène
en plus à l’existence d’une masse résiduelle de moindre importance déli-
catement gérable par le repreneur.
L’idéal aurait été de réglementer la reprise de l’héritage en tout,
quitte à mieux réglementer le mécanisme de contrôle de la gestion et
de l’accomplissement des devoirs coutumiers, légaux et judiciaires par
le repreneur.

2.2. Attributions de l’héritier repreneur


Sauf disposition testamentaire contraire, l’héritier repreneur doit,
d’une part, assurer les charges prévues par la coutume, d’autre part,

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remplir les devoirs d’aide et d’entretien éventuellement fixés par le tri-


bunal de paix en faveur des autres enfants.
À ces devoirs il faut ajouter l’obligation légale sous entendue, de
fructifier les biens successoraux repris.
Les devoirs coutumiers et légaux sont à remplir nécessairement,
alors que ceux judiciaires ne s’imposent qu’à condition qu’ils aient été
fixés par tribunal de paix qui n’y est pas obligé.
Mais en quoi consistent les uns et les autres ?
Le devoir légal de faire fructifier les biens repris va de soi. Il né-
cessite néanmoins que l’héritier repreneur informe et laisse la chance
d’appréciation au conseil de famille qui devra évaluer le risque pour lui
de s’engager dans telle ou telle autre activité de fructification des biens
successoraux recueillis.
La loi ne fixe pas la consistance des obligations coutumières ; nous
sommes d’avis qu’elles doivent être recherchées dans les coutumes
congolaises. Dans ces coutumes, l’aîné de la famille, surtout le mâle,
jouissait d’un véritable privilège et bénéficiait de l’obéissance et de la
soumission des autres. En contrepartie, il assurait la direction de la fa-
mille et remplissait les exigences que la société lui imposait par rapport
à tous ses puînés, notamment l’obligation alimentaire et le devoir de
solidarité à l’égard des membres jeunes de la lignée 20.
Parmi les obligations coutumières à charge de l’héritier privilégié fi-
gurent aussi l’obligation de marier les enfants du défunt en payant leurs
dots ; celle d’assurer l’éducation des enfants lorsqu’ils sont mineurs : il
doit en conséquence entretenir ses frères et sœurs jusqu’à leur mariage.
Bref, il doit s’occuper de tous les membres de la famille comme le ferait
le de cujus 21. Ce qui le « parentifie » par la force de chose, pour emprun-
ter cette expression de Uwera Kanyamanza 22.
Quant aux obligations judicaires, il a été impossible de les imaginer,
car, cette procédure d’homologation du droit de reprise n’est pas menée
devant les tribunaux de paix de la R.D. Congo, en dépit de plusieurs

20.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 180.


21. P. Munene Yamba Yamba, Accès de la femme à la terre en Droit congolais, Thèse de
doctorat, Droit, Universiteit Gent, 2014, pp. 81-88.
22. C. Uwera Kanyamanza et alii, « La fratrie dans les ménages d’enfants sans
parents au Rwanda… après le génocide », in Revue Dialogue, 2-196 (2012), p. 8.

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petits héritages qui s’y ouvrent car, il s’agit en réalité d’une procédure
utopique inutilement onéreuse qu’il faut remettre en question 23.

2.3. État de la question sur la reprise et l’héritier repreneur


En R.D. Congo, le droit de reprise et son organisation ont été criti-
qués en sens divers. Un auteur a même écrit :
« L’exercice du droit de reprise se justifiait dans le cadre de la
conception globale de la famille et à l’époque de la stabilité écono-
mique. Aujourd’hui, notre pays connaît une crise économique ag-
gravée par l’instabilité politique qui empêche les aînés des enfants
d’assurer leurs responsabilités coutumières à l’égard des autres en-
fants. Ils ont tendance à détourner à leur profit, le patrimoine fami-
lial et rendent ainsi inutile l’exercice du droit de reprise. Le meilleur
régime serait de confier à l’aîné la gestion des parts successorales
individualisées des autres enfants, à charge d’en rendre compte à la
majorité de ces derniers, sans considération des fruits consommés
qui n’ont rien à avoir avec les droits des héritiers » 24.
La pertinence de l’argument qui précède peut être discutée, parce
que confier à l’aîné la gestion des parts successorales individualisées
des autres enfants, à charge d’en rendre compte à leur majorité, laisse
croire que la reprise n’est possible que si certains d’entre les enfants sont
mineurs, avec comme conséquence que si tous les héritiers d’un petit
héritage sont majeurs, le partage est la solution en lieu et place de la
reprise, ce qui accréditerait l’émiettement et l’éparpillement du modeste
héritage que le législateur a pourtant voulu éviter.
Critiquant, à son tour, la proposition précédente, Ndomba Kabeya
radicalise et écrit :« …ce droit brise le principe d’égalité des enfants du
de cujus. En fait, aucune raison ne peut justifier la gestion de parts suc-
cessorales des enfants adultes par un autre enfant, même s’il est aîné » 25.
Quoi de plus normal pour lui de suggérer l’abrogation de ces disposi-
tions particulières relatives aux petits héritages pour deux raisons : pre-
mièrement parce que la situation patrimoniale des Congolais a évolué ;

23.  Au sujet de l’inutilité de la longue et pénible procédure de liquidation du


petit héritage en Droit congolais, lire W. Kabeya Badiambuji, « Liquidat ion du pet it hé-
ritage en Droit congolais : chimère périlleux », in Pistes Africaines, 9-3, 2019, pp. 21-39.
24. F. Tshibangu Tshiasu Kal al a, Droit civil. Régimes matrimoniaux, successions, libé-
ralités, Kinshasa, 2e éd., CADICEC., 2006, p. 113.
25.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 361.

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ils ont en général accès à des biens qui ne sont plus limités à la valeur de
100.000 zaïres 26 ; deuxièmement, parce que le maintien en copropriété
forcée du patrimoine successoral placé sous la gestion d’un seul aîné
paraît susceptible de troubler l’entente familiale pourtant recherchée 27.
Si le premier argument, qui fonde l’auteur à proposer l’abrogation
de la reprise en Droit congolais est devenu sans objet après fixation du
seuil du petit héritage en monnaie ayant cours légal en R.D. Congo,
il faut reconnaître que jusqu’à ce jour, nombre de congolais meurent
sans fortune conséquente. Ainsi, les soumettre sans réserve aux règles
de Droit commun du partage successoral serait les acculer à la ruine.
À notre sens, pour éviter premièrement le risque du détournement
du petit héritage dicté par la crise économique qui frappe de plein fouet
plusieurs poches ; pour éviter au même moment l’émiettement que cau-
serait son partage, il faut reconnaître le droit de reprise à l’héritier le
plus méritant qui bénéficie de la confiance unanime, sinon majoritaire
de ses cohéritiers, tout en le rendant comptable des frais dont l’usage ne
sera pas convaincant.
Cette démarche proposée rencontre aussi en partie la pratique tra-
ditionnelle en vertu de laquelle, pour la survie de la lignée, un fils aîné
sans maturité ou irresponsable pouvait se voir déchargé de son droit
d’aînesse au profit d’un cadet ou d’un puîné. À cet égard, l’adage luba
suivant en fait foi : « Mukulu kutumba mmulele wa mwabi » ce qui signifie :
Un aîné qui a de la gloire doit être né chanceux 28.
Faisant cet emprunt de la coutume, il serait convenable de lege lata
que le tribunal de paix qui constate que l’aîné ne saura pas s’en sortir,
confère la charge de reprendre la succession au puîné,voire au benja-
min, qui pourra faire si pas l’unanimité, mais du moins qui sera soutenu
par la majorité des cohéritiers.
Cela exige ainsi que soit menée une enquête préalable devant,
outre le procès-verbal du Conseil de famille, faire intervenir les concer-
nés directs à la succession en chambre du conseil et parfois en dehors de
la présence du candidat à la reprise, et de ses conseils éventuels.
Une fois l’héritier repreneur nommé, il peut être pourvu à son rem-
placement en cas de mauvaise gestion avérée, si les héritiers tiennent

26.  Cette valeur de 100.000 zaïres a été refixée par la réforme du Code de la
famille du 15 juillet 2016 à 1.250.000 Fc.
27.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 361.
28.  E. L. Ndomba Kabeya, Op. cit., p. 77.

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encore à la copropriété successorale. Au cas contraire, la sortie de l’indi-


vision par un partage définitif sera préférée.
Quant à la crainte de trouble de la quiétude familiale par le jeu de
la copropriété forcée du patrimoine successoral placé sous la gestion du
seul aîné, nous proposons, étant donné que cette copropriété successo-
rale n’a pas, à l’instar de toutes les autres, vocation à trop durer, qu’elle
ne puisse être susceptible de dissolution qu’à la majorité de l’enfant le
moins âgé du de cujus, sans que cette majorité du dernier enfant ne soit
une condition résolutoire de plein droit.
En effet, la majorité de l’héritier le moins âgé sera juste le fait juri-
dique déclencheur du changement de la nature juridique de la copro-
priété qui cesse d’être forcée et devient ordinaire et partant susceptible
de supporter l’application du principe « nul ne peut être contraint de
demeurer dans l’indivision » consacré par la loi, avec égard à l’article 38
de la loi portant régime général des biens, régime foncier et immobilier
et régime de sûretés où l’on lit :« Les règles particulières à la copropriété
entre héritiers, entre époux et entre associés sont établies aux autres
livres du Code civil. »
Dès que la nature juridique de la copropriété entre héritiers du petit
héritage aura changé, nous sommes d’avis qu’assignés en licitation par
l’héritier le plus diligent, un droit de préemption 29 devait être reconnu
aux cohéritiers défendeurs, si la licitation est susceptible de leur causer
d’ennuis, sous réserve du retrait successoral 30 au cas où l’héritier diligent
ne les aura pas avertis avant la cession de sa part au tiers.
Ces différentes craintes élaguées, signalons que la reprise successo-
rale ne se fait pas de plein droit ; il n’est pas autorisé au pressenti héritier
repreneur, de prendre possession de tout ou partie de l’héritage et de se

29.  Le droit de préemption est traditionnellement défini comme « la faculté


conférée par la loi ou par la convention à une personne d’acquérir, de préférence à
toute autre, un bien que son propriétaire se propose de céder, en se portant acquéreur
aux prix et conditions de la cession projetée ».
30.  Le retrait successoral est le droit qui appartient à tous les cohéritiers, ou à
l’un d’eux, d’écarter du partage, toute personne non successible à qui un cohéritier
aurait cédé son droit à la succession, en lui remboursant le prix de la cession. Il a pour
but de mettre obstacle à ce qu’un tiers, étranger à la famille, ne vienne à l’occasion des
opérations de partage, pénétrer les secrets de celle-ci. C’est aussi un moyen d’éviter la
multiplication des litiges susceptibles d’être amenés par le tiers ayant acquis une part
indivise, dans la mesure où, poursuivant un but purement spéculatif, il sera enclin de
susciter les difficultés pour obtenir le plus grand profit.

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comporter de plano en cette qualité, cette reprise doit être homologuée


par le tribunal de paix.

3. Malheur des héritiers congolais dans le partage du


petit héritage
Il peut arriver qu’un petit héritage ne soit pas repris soit parce que
les enfants du de cujus sont tous majeurs et préoccupés à autre chose
au point que, de l’aîné au cadet, personne n’accepte cette charge ; soit
parce que celui qui avait exercé le droit de reprise en a abusé ; soit parce
que le de cujus n’a laissé aucun héritier de la première catégorie. Dans ces
différents cas de figure, le partage définitif du petit héritage s’impose.

3.1. Modalités du partage en présence des enfants du de cujus


Aux termes de l’article 786, alinéa 1er du Code de la famille, tout
héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congolais (petit héritage)
est attribué exclusivement aux enfants et à leurs descendants par voie de
représentation, en cas de concours éventuel de ceux-ci avec les héritiers
de la deuxième catégorie ou les légataires.
En vertu de cette disposition, lorsque sont présents ou représentés
les enfants du défunt pauvre, ils se partagent seuls toute la succession.

3.1.1. Problématique du partage du petit héritage entre seuls enfants du


défunt
Kabula Lamina Jean-Luc, dans sa thèse de doctorat, trouve anor-
mal le fait que les enfants du défunt se partagent seuls toute la succes-
sion et écrit :
« L’attribution exclusive de l’héritage peu important aux en-
fants et à leurs descendants suscite des problèmes sérieux qui af-
fectent la famille congolaise dans son fondement même ; la loi est,
à ce point, individualiste : elle mise sur une famille de type sociétaire
et non de type communautaire. Elle vise surtout à protéger l’indi-
vidu, la personne, au risque de le désolidariser de sa communauté.
Or, il n’est un secret pour personne que la majorité des popu-
lations congolaises sont pauvres. Par conséquent, dans ces familles
pauvres, les autres héritiers, à savoir ceux de deuxième et de troi-
sième catégories, n’hériteront jamais.

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Le peu de biens que les enfants auront à se partager ne tardera


pas à s’épuiser. Dès lors, qui prendra en charge ces pauvres enfants ?
Le de cujus ne leur a pas laissé grand-chose, et les responsables tradi-
tionnels n’y ont pas trouvé leur compte. S’occuper de ces orphelins
signifierait sacrifier ses propres enfants par une spoliation de ce qui
constituera leur héritage, modique s’il en est.
Dans ce contexte de pauvreté, la solidarité familiale est l’élé-
ment sur lequel il faut compter. Le partage dans lequel chaque ca-
tégorie d’héritiers se retrouve évite des jaloux (…)
Les héritiers exclus de l’héritage, petit fût-il, n’acceptent pas de
s’occuper des enfants du défunt, toutes les fois qu’un problème qui
les concerne surgit. » 31.
Il propose en conséquence qu’on approche et amadoue l’un des
frères et sœurs du de cujus, responsable et de bonne foi, en lui donnant la
totalité de cet héritage, quitte à lui de prendre officiellement en charge
les enfants en âge scolaire que le de cujus pauvre aura laissés 32, d’autant
plus qu’une enquête a démontré qu’en R.D. Congo, 55 % de personnes
meurent en laissant tous ou certains de leurs enfants mineurs 33.

3.1.2. Notre position


Séduisante à première vue, l’analyse qui précède pose mal les pré-
mices. L’auteur estime que le peu de biens que les enfants auront à se
partager ne tardera pas à s’épuiser, au point de replonger ceux-ci dans
une grande vulnérabilité, à la grande indifférence des autres membres
de la famille qui n’auraient rien reçu du partage du modeste héritage.
Or, la loi en toute prévoyance s’est opposée au partage du petit héritage
entre enfants en instituant la reprise.
En outre, il est certes vrai que la loi a déjà reconnu à un des héritiers
(enfants majeurs du de cujus) de reprendre la succession. Proposer que le

31.  J. L. Kabula Lamina, De la gestion de la succession au regard du code congolais de


la famille, Thèse de doctorat, Droit, Université de Lubumbashi, Lubumbashi, 2018,
pp. 254-255, Inédite.
32.  Ibid., pp. 272-273.
33.  Selon une enquête menée en R.D. Congo il ressort que 55 % des de cujus
meurent en laissant tous ou certains de leurs enfants mineurs ; que seuls 36 % dé-
cèdent après la majorité de tous leurs enfants et que 8 % meurent sans enfants. Lire
W. Kabeya Badiambuji, Résistance sociale à l’inadéquation du Droit successoral congolais. Re-
pères pour une alternative équitable, Thèse de Doctorat, Droit, Université de Lubumbashi,
Lubumbashi, 2020, pp. 231-234, Inédite.

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

repreneur soit un non enfant du de cujus mais plutôt son frère ou sa sœur
ne change pas grand-chose dans l’encadrement des enfants orphelins
mais, par contre risque d’aggraver leur vulnérabilité.
Car, le constat général est que, même lorsque les frères et sœurs des
défunts prennent tout l’héritage grand ou petit, ils oublient fréquem-
ment qu’ils ont des devoirs envers les enfants du défunt qu’ils ont dé-
pouillés, allant jusqu’à les chasser. Malemba N’Sakila, dans son ouvrage
Les Enfants dans la rue. Le sans et hors famille, écrit : « Les orphelins, aban-
donnés à leur triste sort ou jetés dans la nature, deviennent sans doute
des vagabonds qui errent, d’abord çà et là, chez les parents qui avaient
séjourné chez eux du vivant de leur père, et enfin, après que ceux-ci les
auront chassés proprement ou brutalement, regagnent, dans la rue, les
hordes des enfants sans ou hors la famille 34. Pour sa part, Yav Katshung
constate que le conjoint survivant, généralement la veuve, chargée d’en-
fants, est souvent dépouillée par les parents de son défunt mari, dépouil-
lement après lequel, lui (elle) qui était épanoui du vivant de son époux,
broiera du noir au risque de plonger dans l`alcoolisme, la débauche,
etc., au grand étonnement de tous 35.
Qui a dit que la situation changera lorsqu’un de ces spoliateurs
connus et reconnus reprendra tout le petit héritage ? Combien de fois
n’avons pas vu les frères et sœurs d’un de cujus mort pauvre s’en prendre
parfois violemment à sa femme et à ses enfants, prétextant qu’ils ne l’ont
pas aidé à amasser des richesses ou l’auront carrément ensorcelé ? Qui a
dit que repris par un frère du de cujus, le petit héritage peut aider à l’en-
tretien des enfants orphelins plus que lorsqu’il est repris par un de ces
derniers ? Y a –t-il une grande affection entre oncles ou tantes et neuves
ou nièces qu’entre frères et sœurs ? Loin s’en faut.
Toutefois, bien que les enfants du défunt doivent être les grands
bénéficiaires du petit héritage, l’exclusion totale des héritiers de la deu-
xième catégorie (conjoint survivant, père et mère, frères et sœurs du
défunt) n’est pas une solution à encourager globalement dans le cadre
de la consolidation des liens familiaux. Les père et mère et parfois les
frères et sœurs du de cujus s’ils existent, ne devront pas se sentir complè-
tement ignorés au partage du modeste héritage, surtout si celui-ci se fait

34. G. Malemba N’sakil a, Enfant dans la rue. Les sans et hors famille, Lubumbashi,
PUL., 2002, pp. 28-29.
35.  J. YAV Katshung, « Conflits successoraux et protection des enfants et du
conjoint survivant en Droit congolais » [en ligne] mis en ligne le 1er avril 2012. Consul-
té le 10-01-2022. URL : http://www.legavox.fr/blog/yav-associate, p. 5.

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sans reprise. Car, selon la tradition, ils sont héritiers incontournables de


certains biens à signification symbolique, à l’instar des objets personnels
du défunt, comme les habits et autres de ses effets personnels ou intimes.
Ces biens que nous qualifions de symboliques se rapprochent sans
se confondre avec ceux que Cuynet qualifient d’« objets mémoires, fé-
tiches, reliques ou mythifiés » 36 ou que Grimaldi appellent « les souve-
nirs de famille » 37.
Bon gré mal gré, il ne doit pas s’agir de biens à valeur marchande
suffisante pouvant être capitalisés par l’héritier repreneur au profit de
ses consorts.
Le Conseil de famille doit jouer en cette phase un rôle important
pour faire comprendre aux autres prétendants successoraux que, s’ils
ne reçoivent pas grand-chose, c’est simplement parce que leur fils ou
fille, frère ou sœur n’a rien laissé de consistant comme biens. Il devra les
interpeller sur le fait que les enfants laissés par le défunt ainsi que son
conjoint survivant qui lui est resté fidèle jusqu’au décès en dépit de la
précarité de sa situation méritent un traitement honorable.
L’essentiel serait de remettre aux père et mère, ainsi qu’aux frères
et sœurs du de cujus certains biens symboliques, à l’instar des habits et
autres effets personnels ou intimes du défunt.
La situation du conjoint survivant du de cujus pauvre est assez pré-
occupante et mérite attention particulière.

3.1.3. Particularité de la situation du conjoint survivant


Le conjoint survivant joue un rôle déterminant dans la vie du de
cujus. Ainsi, indépendamment de l’opulence de la succession, il bénéficie

36.  P. Cuynet, Op. cit., p. 54.


37.  Par souvenir de famille, il faut comprendre les biens chargés d’une valeur
morale qui éclipse leur valeur patrimoniale, même si celle-ci peut être importante […]
Leur trait commun est de témoigner de l’histoire familiale. La jurisprudence décide
qu’ils échappent aux règles de dévolution successorale et de partage établies par le
Code, et qu’ils peuvent être confiés à titre de dépôt à celui des membres de la famille
que les tribunaux estiment le plus qualifié. Cf. M. Grimaldi, Droit civil. Successions, Paris,
6e éd., Litec, 2001, pp. 258-259. Ces souvenirs de famille comprennent souvent les
biens, papiers de famille, décoration, armes, portraits…, qui ont sans doute appartenu
dans le passé à tel ou tel membre de la famille, mais qui, en raison de l’idée d’héritage
moral et même plus précisément familial qui leur est attachée, ne sont pas malgré leur
valeur patrimoniale élevée, dévolus et partagés comme les autres. Cf. H. Capitant et
alii, Les grands arrêts de la jurisprudence civile. Introduction - Personnes - Famille - Biens - Régimes
matrimoniaux - Successions, t. I, 11e éd., Paris, Dalloz, 2000, pp. 425-426.

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de l’usufruit légal sur la maison qu’il habitait avec son défunt conjoint et
sur les meubles meublants aux termes de l’article 785 al. 1 qui dispose :
« Le conjoint survivant a l’usufruit de la maison habitée par les époux
et des meubles meublants. » Ce droit est maintenu jusque dans le petit
héritage aux termes de l’article 786, al. 1 et 2 qui disposent :
« Tout héritage qui ne dépasse pas 1.250.000 francs congolais
est attribué exclusivement aux enfants et à leurs descendants par
voie de représentation, en cas de concours éventuel de ceux-ci avec
les héritiers de la deuxième catégorie ou les légataires.
Toutefois, le droit d’usufruit tel que prévu à l’article 785
ci-dessus au profit du conjoint survivant est maintenu. »
Par cette disposition, le législateur marque sa volonté de voir le petit
héritage advenir à la famille conjugale du défunt : en pleine propriété
aux enfants et en usufruit au conjoint survivant.
Or, il est difficile de trouver un petit héritage comportant une mai-
son pouvant supporter l’usufruit du conjoint survivant et être repris pour
le reste. Car, depuis un temps, les concessions foncières s’acquièrent gé-
néralement à plus cher, sauf dans les milieux les plus reculés.
De deux choses l’une : soit le petit héritage comporte une mai-
son (unique bien à valeur marchande) sur laquelle s’exercera le droit
usufructuaire du conjoint survivant et, dans ce cas les enfants du de cujus
doivent en souffrir jusqu’à la fin de l’usufruit ; soit le de cujus ne laisse pas
de maison et dans ce cas, quelle que soit la durée du mariage, le conjoint
survivant s’en tire mains bredouilles, ayant construit ce modeste héri-
tage avec le défunt pour enfin de course être laissé pour compte : exposé
à la ruine et aux remords, ce qui lui laisse l’impression que, le fait d’avoir
accepté de se marier et de maintenir le lien conjugal avec un époux in-
digent était une erreur qui finit par le rattraper, peut être au soir de sa
vie, surtout si les enfants qui se partagent la succession ne sont pas ses
enfants communs avec le de cujus.
Cette dévolution du petit héritage ne protège ni les enfants du de
cujus, ni le conjoint survivant qui peuvent dans tous les cas se trouver
soit temporairement, soit définitivement pénalisés. Ce qui risque de dé-
générer dans tous les deux cas : soit le conjoint survivant diffère la suc-
cessibilité des enfants du défunt jusqu’à la fin de son usufruit, soit ces
derniers l’excluent de la succession, alors que dans cette occurrence, la
liquidation du régime matrimonial ne lui apportera rien de consistant.

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Comment imaginer que le conjoint survivant mérite une si margi-


nale position en dépit de ce qu’il peut avoir enduré à côté du de cujus ?
Comment croire que les enfants parfois majeurs et désintéressés mé-
ritent mieux que lui ? Alors que, naturellement, les deux époux, à la dé-
cohabitation de leurs enfants, se nourrissent mutuellement une grande
affection, à tel enseigne que, s’il était demandé à l’un d’entre eux de
tester, il le ferait plus au profit de son conjoint qu’en faveur des enfants
qui sont occupés chacun à rechercher sa vie et son bonheur 38.
Entre époux restés seuls, le conjoint est la seule personne à vivre,
supporter et peut-être endurer les dernières souffrances au moment où,
les enfants qui viendront les brimer dans l’héritage modeste que laissera
son conjoint, sont parfois loin de lui.
On nous rétorquerait qu’il n’a pas à s’en faire car, la reprise ayant
vocation à durer longtemps, il reste créancier d’aliments de la succes-
sion et de ses enfants. Même alors, il faut reconnaître que cette pension
est un droit qui menace à son tour les intérêts des enfants du défunt et
s’avère, au regard de la modicité de l’héritage, incompatible avec le ratio
legis des règles sur le petit héritage. Dans la mesure où, elle est à perce-
voir selon une périodicité fixée ou selon les besoins réels du survivant sur
la succession du prédécédé qui, pourtant n’est pas de grande envergure.
La conséquence la plus attendue est qu’au cas où le conjoint survi-
vant multiplie des demandes, celles-ci indisposeront les enfants héritiers,
ce qui peut dégénérer si ceux-ci ne sont pas ses enfants communs avec
le de cujus.
Pire encore, au cas où les enfants du de cujus décident de se partager
le petit héritage sans reprise, le sort du conjoint survivant est définitive-
ment scellé. D’où, la nécessité de revoir cette situation. Parce qu’après
tout, ainsi que le fait observer le sociologue Laroussi El-Amri à par-
tir d’une enquête, partout dans les campagnes, les femmes bêchent,
sarclent, irriguent, cueillent à mains nues, rampent dans les sillons, ra-
massent les légumes, les lavent à l’eau du puits, les mettent en bottes,
font la corvée de bois et d’eau, traient les vaches, en plus du travail
domestique habituel, invisible, non comptabilisé. Elles tissent la nuit et

38.  Au sujet de l’impact de la décohabitation des enfants sur leurs relations,


contacts ou rencontres avec les parents, lire Bonvalet et Lelievre qui confirment que
la décohabitation influence les contacts entre enfants et parents. Ils estiment qu’un
enfant célibataire reste plus attaché aux parents dans la mesure où, il n’a pas créé sa
propre famille et, il les prend facilement en charge. Cf. C. Bonvalet et E. Lelievre,
« Relations familiales des personnes âgées », in Retraite et société, 45 (2005), pp. 43-67.

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décorent leurs poteries « près de 12 heures de travail journalier ». Elles


font fructifier un patrimoine dont elles seront exclues plus tard. C’est
injuste et choquant 39.
L’idéal est de mettre le conjoint survivant à l’abri de tel revire-
ment de situations, en le rendant bénéficiaire en pleine propriété,
concurremment avec les enfants du défunt pauvre. Pour cela, il est pré-
férable de l’insérer dans la première catégorie des héritiers du petit hé-
ritage, le laisser jouir conjointement des fruits de la succession reprise
avec les enfants du défunt même si cela ne serait pas suffisant pour sa-
tisfaire à se besoins.
Ainsi, cette catégorie sera celle de la famille nucléaire comprenant
les enfants et le conjoint du défunt, surtout que la solidarité clanique est
en train de s’émousser partout même en milieu rural.
La promotion successorale du conjoint survivant est justifiée par le
triple fait que d’abord dans l’ordre présumé des affections du de cujus,
son conjoint tient une place de choix ; ensuite, durant leur vie com-
mune, les conjoints ont ensemble constitué le patrimoine familial soit
par des apports, soit par des facilités ou des interventions d’ordre moral
ou psychologique pendant que les parents par le sang vaguaient à leurs
propres activités loin d’eux ; enfin, entre époux, il existe un devoir d’as-
sistance qui ne permet pas de laisser au décès de l’un, le survivant dans
le besoin et la gêne 40.
Cette proposition se justifie aussi car, quand un homme moyen tra-
vaille, c’est d’abord pour ses plus proches à savoir ses enfants et son
conjoint. Ainsi, il est hors de question que cette donne soit bouleversée à
sa mort, rendant cette dernière, l’élément déclencheur des circonstances
détestées par le de cujus de son vivant.
En renforçant sa vocation héréditaire, les bénéficiaires familiaux
prioritaires des efforts du de cujus de son vivant, le resteront après sa
mort. On aura réduit la vulnérabilité du conjoint survivant du de cujus
indigent ; diminué la dépendance des enfants à son usufruit et, sauve-
gardé le petit héritage de l’émiettement.
Moyennant cette proposition, les héritiers prioritaires du petit héri-
tage seront : les enfants et le conjoint survivant du de cujus.
Par ailleurs, pour se rapprocher du souhait populaire, le conjoint
survivant qui se remarie pendant la durée de la reprise et avant le par-

39.  N. Omrane, « Héritage inachevé de Bourguiba. Femmes tunisiennes et par-


tage successoral », in Confluences Méditerranée, 38 (2001), pp. 87-93.
40. L. Julliot de Lamorandiere, Droit civil, t. IV, Paris, Dalloz, 1965, p. 444.

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tage définitif de l’hérédité perdra son droit à la succession et, sera pré-
sumé y avoir tacitement renoncé. Car, ce qui justifie sa présence dans
cette catégorie c’est uniquement les besoins de sa survie aux frais de la
succession. De même, lorsqu’elle mène une vie de dévergondage d’une
notoriété publique, le Conseil de famille, d’office ou saisi par toute per-
sonne intéressée, demandera au liquidateur ou à l’héritier repreneur de
suspendre la prise en charge du conjoint survivant dévergondé. Si c’est
ce conjoint survivant qui était le liquidateur ou l’héritier repreneur, il
démissionnera de ce poste. Au cas où il voudra s’y accrocher, il sera dé-
chu par décision du Conseil de famille, qui pourvoira comme de Droit
à son remplacement.
Sa déchéance pour dévergondage, sa perte de qualité pour convole
en autre noce ne peuvent être des causes de cessation de l’indivision
successorale sauf décision contraire du Conseil de famille.
Conformément à ce qui précède, de lege ferenda, l’article 786 du
Code de la famille sera ainsi libellé :
« Tout petit héritage est attribué prioritairement aux enfants ou
à leurs représentants et, au conjoint survivant en cas de concours
éventuel de ceux-ci avec les héritiers de la deuxième catégorie ou
les légataires.
Toutefois, les héritiers de la deuxième catégorie bénéficieront
des biens familiaux symboliques et à usage exclusif du défunt.
La clé de répartition prévue à l’alinéa premier ne jouera pas
si la première catégorie n’est composée que du conjoint survivant.
De même, ce dernier perdra son droit successoral s’il se remarie
durant la reprise ou s’adonne à la débauche outrageante à l’égard
de la mémoire du défunt.
Les règles successorales ordinaires restent d’application dans
les cas où il n’y a pas d’héritiers de la première catégorie. »

3.2. Droits des héritiers du petit héritage en l’absence des enfants


du de cujus
Comme il ressort de la formulation de la disposition qui précède,
en l’absence des héritiers de la première catégorie, le petit héritage est
dévolu en vertu des règles ordinaires. C’est-à-dire sans reprise succes-
sorale, les héritiers de la deuxième catégorie se le partageront selon le
nombre de leurs groupes.

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

Toutefois, une réserve est émise lorsque la première catégorie ne


comprend que le conjoint survivant, en face des héritiers de la deuxième
catégorie.
Étant donné que, dans la mentalité congolaise, lorsqu’un conjoint
survivant n’a pas eu d’enfants avec le prédécédé, cela est une raison
pour l’ignorer sauf lévirat 41, nous plaidons pour son maintien en pre-
mière catégorie. Dans ce cas, il ne sera pas convenable qu’il prime les
ascendants et collatéraux du défunt. Ainsi, il est préférable de lui attri-
buer la moitié du petit héritage, l’autre moitié revenant aux héritiers
de la deuxième catégorie quel que soit le nombre de groupes présents
ou représentés, avec cette réserve que, si le de cujus laisse une maison, le
conjoint survivant aura un choix entre succéder en usufruit viager ou en
propriété et perdre son usufruit.
Pour matérialiser cette exception il est préférable d’insérer un ar-
ticle 786bis dans le Code de la famille ainsi libellé :
« Lorsque la première catégorie d’un petit héritage ne com-
prend que le conjoint survivant, celui-ci se partagera par moitié
entre lui et les héritiers de la deuxième catégorie quel que soit leur
nombre.
Toutefois, le conjoint survivant a, au cas où le de cujus a laissé
une maison, un choix entre succéder en usufruit ou en propriété. »
Le fondement de la succession en usufruit du conjoint survivant
dans ce cas, est le souci de lui assurer un logis au cas où, il ne peut s’en
procurer après partage par moitié avec la deuxième catégorie des héri-
tiers de son défunt conjoint.

41. Se fondant sur le droit traditionnel des successions, Musangamwenya


Walyanga soutient que pour bénéficier de l’usufruit du conjoint survivant, ce dernier
doit avoir au moins mis au monde avec le défunt. De même, dit-il, pour justifier sa
vocation héréditaire ordinaire, le conjoint survivant doit en plus des conditions posées
par le Code de la famille, avoir eu avec le de cujus au moins un enfant ou alors le ma-
riage doit être antérieur au décès d’au moins deux ans en cas de maladie ou d’un an
en cas d’accident. Cf. G. Musangamwenya Wal yanga, De la succession en droit congolais :
problématique de la survivance des coutumes. Thèse de Doctorat, Droit, Université de Lubu-
mbashi, Lubumbashi, 2009, pp. 217-220, inédite.

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Conclusion
Le partage du petit héritage ne doit pas être une occasion d’as-
phyxier et acculer à la ruine certains héritiers qui vivaient épanouis et
aux frais du défunt comme son conjoint qui lui survit.
D’où, le plaidoyer en faveur de la révision du Droit congolais sur
la question, en privilégiant la reprise du petit héritage par l’héritier le
plus méritant et bénéficiant de la confiance unanime sinon majoritaire
de ses cohéritiers ; d’encourager la reprise pour le tout en imposant au
repreneur une ligne de conduite à tenir et éventuellement une activité
lucrative à entreprendre au moyen de la succession reprise pour sa fruc-
tification, question de lui permettre au moyen de revenus de la succes-
sion reprise, de subvenir aux besoins de ses cohéritiers.
Comme la reprise ne peut durer éternellement, la majorité du der-
nier d’entre les enfants du de cujus, peut sans être la cause résolutoire
de la reprise, être une cause de demande de sortie de l’indivision par
l’héritier diligent.
En cas de partage sans reprise, il ne doit pas être question de res-
pecter aveuglement la loi actuelle qui, soit fragilise les enfants du dé-
funt pauvre en leur imposant de respecter l’usufruit du conjoint survi-
vant sur une modique succession ; soit déshérite le conjoint survivant
lorsque le petit héritage ne comporte aucune maison devant supporter
son usufruit, alors que, malgré la précarité des conditions de vie de son
partenaire, il lui était resté fidèle jusqu’à la mort.
Pour parer à toute éventualité, dans le partage du petit héritage, la
famille nucléaire du défunt doit être privilégiée avec cette conséquence
qu’outre ses enfants, son conjoint survivant, pour lui éviter la solitude
meurtrière et le revirement préjudiciable de la situation, doit voir sa
vocation héréditaire renforcée par sa promotion successorale.
Cette promotion successorale signe son entrée dans la première
catégorie des héritiers, bien que doublement encadrée pour rester en
adéquation avec la mentalité sociale qui veut que, le conjoint survivant
qui se remarie avant le partage définitif ou qui mène une vie de déver-
gondage outrancière soit déchu des avantages héréditaires qu’il était en
droit d’attendre ou attendait de son conjoint prédécédé.
Néanmoins, pour ne pas donner l’impression aux autres membres
de la famille qu’ils ont été complètement oubliés lors du partage au nom
de la modicité de l’héritage, ils doivent, sous l’œil regardant du conseil
de famille, bénéficier des biens à signification symbolique, à l’instar des

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

objets personnels du défunt, comme les habits et autres de ses effets


personnels ou intimes.

Références Bibliographiques
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tionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
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modifiée et complétée par la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016.
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William Kabeya Badiambuji

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21. UWERA Kanyamanza, C. et alii, « La fratrie dans les ménages d’enfants
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22. YAV Katshung, J., Les successions en droit congolais. Cas des enfants héritiers, Cap
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conjoint survivant en Droit congolais » [en ligne] mis en ligne le 1-04-
2012. Consulté le 10-01-2022. URL : http ://www.legavox.fr/blog/yav-asso-
ciate.

Résumé — La mort, surtout celle du pilier de la famille, ne doit nullement être le


fait juridique déclencheur de la situation meurtrière pour ceux qui vivaient à ses dé-
pens, ni être l’occasion pour ses proches de vivre les circonstances qu’il avait détestées
de son vivant. Ainsi, si le défunt est pauvre et laisse trop peu de biens, ces derniers
doivent être mieux gérés et dévolus avec souplesse pour qu’ils profitent principalement
à ses proches, sans exclusion injustifiable et suicidaire de ceux dont la charité serait
nécessaire par la suite pour la cohésion familiale et la conservation des intérêts de
l’ensemble.
Pour cela, le partage du petit héritage en Droit congolais doit être repensé pour
qu’au-delà du petit bonheur qu’il assure actuellement aux héritiers de la première
catégorie (par la reprise et leur vocation exclusive), il leur évite le cortège de malheurs
que la cupidité apparente dont il fait preuve peut créer dans le mental familial (la
dislocation des liens familiaux avec le reste du groupe et l’individualisme grandissant
qui ira avec).
Mots clés : Partage successoral - Petit héritage - Héritier - Reprise successorale.

Abstract — Death, especially that of the pillar of the family, should in no way be
the legal fact triggering the murderous situation for those who lived at his expense,
nor be the occasion for his relatives to experience the circumstances he had hated
from his alive. Thus, if the deceased is poor and leaves too few assets, these should be
better managed and flexibly devolved so that they primarily benefit their loved ones,
without unjustifiable and suicidal exclusion of those whose charity would subsequently
be needed to family cohesion and the preservation of the interests of the whole.
For this, the sharing of the small inheritance in Congolese law must be rethought
so that beyond the small happiness that it currently provides to the heirs of the first
category (by the recovery and their exclusive vocation), it avoids them the procession

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Partage du petit héritage en Droit congolais. Heur et malheur des héritiers

of misfortunes that the apparent greed he shows can create in the family mind (the
dislocation of family ties with the rest of the group and the growing individualism that
will go with it).
Keywords : Inheritance sharing - Small inheritance - Heir - Inheritance takeover.

Cikosu — Lufu, nangananga lwa cihanda cya diiku kalwena na cya kushaala mpun-
ga wa kasuba ka badi bashala ni moyi, peshi ka bonsu bavuyi mwambwila bujitu to.
Nunku hikala mufwa kavu ni makuta abungi to, peshi mushiya tuntu tukesa, mbimpa
kutulubulula ni kutwabanya bimpa bwa se benda ba ha bilamba bamwana bwa ku-
sanka naatu, hamwa ni banga beena diiku badi mwa kwambulwisha nshiya yenda.
Nunku, kwabanya kwa bumpyanyi bukesa bushiya kudi mufwa, kudi kulomba ne
bakwelwilwila menji mu meeyi ni mikandu ya ditunga dya Congo bwa se nansha
mudiku kwambwilwisha kakesa baana ba nshiya (badi babulubuluja ni babwabanyan-
gana nkayabu), kubehwila maalu mabi adi bwa kulwa, bwalu bidimba bikwambu bya
diiku, mbifwana kubangata bu beena citu (cintu cidi bwa kwenza ne mu diiku mulwa
lungenyi lwa kaditanta kadyambika) ni kukosolola diiku dijima.
Bishimbi meeyi : Kwabanyangana kwa bumpyanyi - Bumpianyi bukesa - Muhianyi
- Kwangata bintu bya mufwa bwa kubilubuluja.

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À PROPOS DE LA CONDAMNATION ALTERNATIVE
EN APPLICATION DE LA SANCTION DU LICENCIEMENT
SANS MOTIF VALABLE EN DROIT CONGOLAIS

Léon Balekelayi Mulumba 1


Professeur associé à la Faculté de Droit
Université officielle de Mbujimayi
et
Blandine Tshibuabua Mukoka 2
Assistante à la Faculté de Droit
Université officielle de Mbujimayi

Introduction
Dans le cadre de cette réflexion, « la condamnation alternative »,
une technique non prévue par le Code du travail, relève d’une frange
de la jurisprudence. Elle consiste pour les Cours et tribunaux, en cas de
licenciement sans motif valable, à prononcer les deux sanctions prévues
par l’article 63 dans un même jugement pour que l’une soit exécutée
à défaut de l’autre. Généralement, c’est pour contourner les difficultés
d’application de l’article 63 précité que les Cours et tribunaux adoptent
de fois cette technique.
En effet, d’après l’article 63 du Code du travail, « la résiliation sans
motif valable du contrat à durée indéterminée donne droit, pour le tra-
vailleur, à une réintégration. À défaut de celle-ci, le travailleur a droit à
des dommages-intérêts fixés par le Tribunal… ». Le législateur prévoit
ainsi deux sanctions non cumulatives, mais ne précise pas un principe
de leur application. Ce mutisme du législateur est à l’origine des inter-
prétations diversifiées 3. Peut-on considérer que c’est la sanction postu-
lée par le travailleur victime du licenciement sans motif valable que le
juge est censé prononcer ? L’appréciation souveraine de la sanction par
le juge est-elle conforme à l’esprit du législateur ?
À ce sujet, les Cours et tribunaux ne semblent pas avoir adopté les
mêmes positions permettant de construire un droit qui garantit les in-

1.  mulumbabalekelayi@yahoo.com.
2.  tshibuabua100@gmail.com.
3. J. Masanga Phoba Mvioki, Droit du travail congolais, Kinshasa, Édition L’Har-
manttan RDC, 2017, 302 p.

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térêts des parties 4. À propos, un autre courant de jurisprudence adopte


une condamnation alternative.
Bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité dans la doctrine, la condam-
nation alternative semble être une solution efficace grâce à laquelle les
Cours et tribunaux contournent dans certains cas la problématique du
principe d’application de la sanction.
Cette étude va creuser les fondements de différentes tendances ju-
risprudentielles sur cette question, éventuellement en mesurer les écarts,
en vue d’envisager une solution qui garantit la protection des intérêts du
travailleur. Elle va être menée en deux temps. Il s’agit de l’analyse des
divergences issues de l’absence d’un principe d’application de la sanc-
tion prévue par l’article 63 du Code du travail, dans un premier temps ;
et de l’adoption d’une condamnation alternative, dans un second temps.

1. Absence d’un principe d’application de la sanction


L’article 63 du Code du travail prévoit deux sanctions non cumu-
latives en cas de licenciement sans motif valable : la réintégration du
travailleur dans l’entreprise ou l’allocation des dommages-intérêts au
travailleur. Toutefois, cette disposition ne fixe pas un principe d’applica-
tion d’une sanction à défaut de l’autre.
Devant cette imprécision, quelques tendances se dessinent dans la
jurisprudence : l’application de la sanction postulée par le travailleur
(1.1), l’appréciation souveraine de la sanction par le juge (1.2) ; et la
condamnation alternative qui va faire l’objet d’une analyse appropriée
au second point de cette étude.

1.1. Application de la sanction postulée par le travailleur


Ce paragraphe va traiter de quelques cas d’application (1.1.1) et du
fondement de la sanction postulée par le travailleur (1.1.2).

1.1.1. Cas d’application de la sanction postulée par le travailleur


Face à l’imprécision par législateur du principe pouvant fonder
le juge à appliquer une sanction à défaut de l’autre, une tendance ju-
risprudentielle juge que la sanction applicable est celle postulée par

4. L. Balekelayi Mul umba, Plaidoyer pour un régime de réparation plus protecteur des
intérêts des parties en cas de violation des règles relatives au licenciement en droit congolais, Thèse de
Doctorat en Droit, Université de Kinshasa, 2019, p. 5.

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Condamnation alternative en application de la sanction du licenciement sans motif valable …

le travailleur initiateur de l’action en justice. C’est le cas de la Cour


d’appel de Mbujimayi qui avait condamné la SNCC en ordonnant la
réintégration du travailleur licencié abusivement dans l’entreprise sur
demande expresse de ce dernier qui, dans ses conclusions, avait soutenu
qu’étant au bout de sa carrière eu égard à son âge avancé, il préférait
bien préparer sa retraite tout en étant au sein de l’entreprise 5.
Dans le même sens, la Cour d’appel de Kisangani a retenu que la
réintégration est une sanction qui ne peut être prononcée que si le tra-
vailleur licencié la demande expressément au juge 6.
Pour sa part, la Cour d’appel de Gombe a pris la même position
en indiquant que la sanction de réintégration ne peut être appliquée
que sur demande expresse du travailleur lui-même. En effet, sous RTA
6491, cette Cour n’a pas fait droit à la demande de l’employeur d’op-
poser le défaut d’intérêt au travailleur qui, licencié prétendument par
erreur, a refusé de réintégrer l’entreprise en postulant pour les dom-
mages-intérêts 7.
À l’appui de cette décision de la Cour d’appel de Gombe, il y a
lieu de relever que si le législateur lui-même ne fait pas obligation au
juge de réintégrer le travailleur dans l’entreprise, l’employeur ne peut
non plus, pour sa part, en dehors d’une procédure judiciaire, obliger le
travailleur à réintégrer l’entreprise contre son gré. Ce que l’employeur
a qualifié d’« erreur », est plutôt une situation ayant créé une crise de
confiance dans la mesure où le travailleur, dans la procédure de conci-
liation, n’a pas accepté de reprendre les services. Sa demande d’obte-
nir les dommages-intérêts devant le juge ne peut dans le cas d’espèce
manquer d’intérêt car la réintégration prévue par le législateur, apparait
sous forme d’une possibilité qu’il peut ou ne pas accepter.
Certaines législations de travail contemporaines prévoient la pos-
sibilité d’une proposition judiciaire de la réintégration. C’est le cas du
droit français 8.

5.  Mbujimayi, RTA 160, 13 septembre 2006, Mukengeshayi Kazadi c/SNCC,


Inédit.
6.  Kisangani, RTA 441 Kibangula Lubenga c/Bralima, 2009, Inédit.
7.  Kinshasa/Gombe, RTA 6491, 29 novembre 2011, Mumbambi Soki c/G4S
SPRL, Inédit.
8.  Lire les commentaires de Antonmattei sur l’article L.1235-3, al. 1 du Code du
travail français, in P-H. Antonmattei, Droit du travail, Paris, éd. LGDJ, 2021, p. 353.

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1.1.2. Fondement de l’application de la sanction postulée par le travailleur


L’application de la sanction suite à la demande expresse du salarié
licencié rencontre un courant de doctrine qui soutient que « la demande
en justice impose au juge le respect du principe dispositif. Le juge n’ac-
cordera, si la demande est fondée, que ce qui lui a été demandé sans al-
ler au-delà. Il ne peut donc statuer ultra petita. Le juge ne dit le droit, que
dans la mesure de sa saisine et sur initiative des parties. S’il se permet
d’aller au-delà de ce qu’une partie a demandé, il statuerait ultra petita.
S’il ajoutait aux faits articulés dans l’exploit introductif de l’instance
d’autres faits dont il aurait eu connaissance en dehors du cadre de sa
saisine, il statuerait également ultra petita. Si par contre, il retranchait des
faits de la demande pour ainsi statuer en deçà de la demande, il statue-
rait alors infra petita » 9.
Il découle de ce qui précède que lorsque l’ancien salarié postule non
pas sa réintégration dans l’entreprise, mais la condamnation de l’em-
ployeur à lui payer les dommages-intérêts, le tribunal ne peut condam-
ner ce dernier à le réintégrer. S’il le fait, il statue ultra petita 10.
Surabondamment, Iloki indique que « la réintégration du travail-
leur dans son emploi en cas de rupture abusive du contrat de travail
doit constituer un des chefs de demande du travailleur qui a saisi la ju-
ridiction. Dans le cas où cette réintégration ne serait pas sollicitée par le
requérant, l’application des normes procédurales interdit alors au juge
de se prononcer sur un tel point non soumis à son examen, car il ne peut
statuer selon la loi que sur le mérite dont l’objet doit être indiqué. C’est
donc au mépris des principes généraux du droit bien établis en matière
de procédure sociale, que certaines juridictions ont décidé la réintégra-
tion d’office des travailleurs licenciés abusivement » 11.
Par ailleurs, y a-t-il contradiction lorsqu’un travailleur qui sollicite
sa réintégration demande également qu’il lui soit payé son décompte
final ?
En principe, un travailleur réintégré n’a pas droit au décompte final
qui ne peut lui être payé que lorsque la poursuite du contrat de travail
avec l’employeur n’est plus possible. Toutefois, le travailleur qui postule

9.  Matadi Nenga Gamanda, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Édition Aca-
demia Bruyant, 2006, p. 203.
10.  Tshizanga Mutshipangu, Droit des relations de travail, Kinshasa, Édition
Connaissance du droit, 2017, p. 390.
11.  Iloki A., Le droit du licenciement au Congo, Paris, 1re éd., L’Harmattan, 2000,
p. 149.

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Condamnation alternative en application de la sanction du licenciement sans motif valable …

pour sa réintégration peut, dans sa demande, préciser qu’à défaut de


cette réintégration, qu’il lui soit payé son décompte final.
À cet effet, la Cour d’appel de Bandundu a jugé qu’il n’existe pas
de contradiction dans le chef du travailleur lorsque ce dernier, tout en
postulant pour sa réintégration, demande qu’il lui soit payé son dé-
compte final en utilisant l’expression « à l’impossible » qui veut signifier
« à défaut » ou « si le tribunal disposerait autrement ». Par cette expres-
sion, le travailleur laisse au juge le pouvoir d’accorder l’une ou l’autre
demande 12.

1.2. Appréciation souveraine de la sanction par le juge


L’une ou l’autre sanction étant prévue par la loi, le tribunal peut les
appliquer selon sa libre appréciation, sans les cumuler.
En l’espèce, la Cour d’appel de Mbujimayi a ordonné la réintégration
du salarié licencié abusivement contre le gré de ce dernier qui a même
formulé expressément sa demande d’obtenir les dommages-intérêts en
réparation des préjudices que la décision de l’employeur lui a causés 13.
Cependant, le travailleur au bénéfice duquel la Cour a ordonné
cette réintégration a refusé de réintégrer l’entreprise. Cette décision
prise par la Cour d’appel de Mbujimayi est restée non exécutée depuis
2008, surtout que cette Cour n’a pas prononcé la possibilité pour le tra-
vailleur d’être indemnisé en cas de refus de la réintégration.
Par contre, dans une autre affaire, la même Cour a revu l’œuvre
du premier juge ayant ordonné la réintégration du travailleur sans tenir
compte de la volonté des parties. En effet, elle a reproché au premier
juge notamment le fait d’avoir mal appliqué l’article 63 du Code du
travail en ordonnant la sanction de réintégration sans tenir compte du
procès-verbal de non-conciliation produit devant lui et dont le contenu
renferme le refus de l’employeur de procéder à cette réintégration. Pour
la Cour d’appel de Mbujimayi, le premier juge a voulu contraindre
l’employeur à demeurer dans un lien contractuel 14.
Ne vaut pas accord de réintégration du travailleur, le fait pour l’em-
ployeur qui a manifesté le désir de réintégrer le travailleur mais ne l’a
pas concrétisé clairement. C’est le cas notamment lorsque l’employeur,

12.  Bandundu, RTA155, 6 novembre 2012, Baudoin Sambu Lusala c/Bralima,


Inédit.
13.  Mbujimayi, RTA 241, 2008.
14. Mbujimayi, RTA 211, 19 mars 2007, Kambala Kantos c/Tshibasu
Mulumba, inédit.

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après avoir désiré la réintégration du travailleur, observe une longue


période entre le moment du désir et celui où le travailleur saisit l’Inspec-
teur du travail. Cette longue période d’inactivité laisse planer un doute
certain dans le chef du travailleur, mettant ainsi son contrat de travail
dans une insécurité juridique qui laisse croire à un licenciement sans
motif valable 15.
Dans ce cas, le juge saisi ne peut faire foi à la volonté de l’employeur
de réintégrer le travailleur. L’une des difficultés d’ailleurs, c’est comment
savoir si les parties sont d’accord pour la sanction de réintégration. Si le
travailleur qui sollicite sa réintégration devant le juge peut être honnête
dans sa demande, il peut ou ne pas être le cas pour l’employeur qui, peut
formuler cette demande, mais par après ne pas réintégrer effectivement
le travailleur dans l’entreprise.
Or, après avoir prononcé son jugement, le tribunal se dessaisit et ne
peut intervenir par la suite si l’employeur n’a pas réintégré le travailleur.
Ainsi, le tribunal devra examiner toutes les étapes du conflit, peut être
pourra-t-il relever un élément qui guiderait son œuvre dans la sanction
à appliquer.
C’est le cas sous RTA 211/Mbujimayi et RTA 6491/Gombe déjà
cités où le tribunal s’est inspiré respectivement du non-respect de son
engagement de réintégration du travailleur pris par l’employeur suite au
recours du travailleur avant la procédure judiciaire et du refus de l’em-
ployeur de la réintégration lors de la procédure de conciliation devant
l’Inspecteur du travail.

2. Adoption d’une condamnation alternative


Seront traités à ce second point : le principe de la condamnation
alternative (2.1) et la recherche d’une modalité d’application de la
condamnation alternative (2.2).

2.1. Principe de condamnation alternative


Pour contourner les difficultés d’application de la réintégration,
une autre tendance de la jurisprudence adopte une condamnation
alternative.

15.  Kinshasa/Gombe, RTA 6491, 29 décembre 2011, Mumbambi Soki c/Sté


G4S SPRL, inédit.

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Condamnation alternative en application de la sanction du licenciement sans motif valable …

Celle-ci consiste pour le tribunal, à prononcer les deux sanctions


dans un même jugement pour que l’une soit exécutée à défaut de
l’autre. C’est généralement lorsque le tribunal ordonne la réintégra-
tion sur demande expresse du salarié ou à son initiative, et qu’il doute
de l’exécution effective de cette sanction, qu’il fixe également les dom-
mages-intérêts auxquels aura droit le travailleur en cas d’impossibilité
de réintégration.
À cet effet, la Cour d’appel de Matadi a annulé un jugement ren-
du au premier degré par le Tribunal de grande instance de Boma qui,
après avoir déclaré le licenciement du salarié abusif et sans motif va-
lable, a ordonné la réintégration du concerné alors que ce dernier a
postulé pour les dommages-intérêts suite aux préjudices par lui subis à
cause du chômage lui imposé injustement par l’employeur.
Faisant ce que le premier juge aurait dû faire, cette Cour n’a pas
remis en cause le caractère abusif du licenciement, mais a prononcé une
sanction alternative en ces termes : « Dit abusive, la rupture du contrat
de travail et condamne la CVM à réintégrer le salarié dans l’entreprise.
À défaut, lui payer les dommages-intérêts de l’équivalent de … » 16.
En tranchant ainsi, la Cour d’appel de Matadi a accordé la possi-
bilité de l’exécution d’une sanction à défaut de l’autre, contrairement
au Tribunal de Grande instance de Boma qui a imposé la sanction de
réintégration que le salarié n’a pas demandée.
Pour sa part, la Cour d’appel de Mbujimayi a condamné l’em-
ployeur pour licenciement abusif, à une sanction alternative assortie
d’une modalité d’application. En effet, cette Cour a ordonné la réinté-
gration du salarié dans l’entreprise en précisant un délai (6 mois) après
lequel si la réintégration n’est pas exécutée, le salarié aura droit aux
dommages-intérêts fixés ex aequo et bono en l’absence d’éléments objectifs
d’appréciation. Toutefois, relativement à la demande du salarié d’être
payé ses arriérés de salaire pendant la période du licenciement, la Cour
a indiqué que le salarié concerné ne peut pas demander à la fois la re-
prise des rapports contractuels et les arriérés de salaire pour un contrat
qui fut déjà rompu, quoi qu’abusivement. De ce fait, la branche de de-
mande relative aux arriérés étant, d’après la Cour, virtuellement incluse
dans celle afférente aux dommages-intérêts 17.

16.  Matadi, RTA 719, 2 juillet 2011, CMV c/Kalassa Malemo, inédit.
17.  Mbujimayi, RTA 163, 31 octobre 2007, Tshibangu Mpopola Bayamba c/
Miba, inédit.

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Dans une autre affaire, la Cour d’appel de Mbujimayi a prononcé


une sanction alternative à la demande expresse du salarié, s’estimant
lésé par le comportement de l’employeur. Il a donc demandé à la Cour,
en application de l’article 63 du Code du travail, d’ordonner sa réin-
tégration au sein de l’entreprise ou à défaut de ce faire, condamner
celle-ci aux dommages-intérêts en réparation du préjudice par lui subi.
Ainsi, la Cour ayant confirmé le caractère abusif du licenciement, a
retenu que l’employeur s’est exposé aux sanctions prévues à l’article
63 du Code du travail qui dispose que « La résiliation sans motif va-
lable du contrat à durée indéterminée donne droit, pour le travailleur à
une réintégration, à défaut de celle-ci, le travailleur a droit à des dom-
mages-intérêts calculés … ». En application de cette disposition, la Cour
a fixé les dommages-intérêts auxquels le salarié aurait droit à défaut de
sa réintégration dans l’entreprise 18.

2.2. Modalité d’application de la condamnation alternative


La solution de condamnation alternative adoptée par une frange
de la jurisprudence, ne fait pas l’unanimité dans la doctrine. En effet,
certains analystes indiquent qu’« à l’état actuel du droit congolais sur
la sanction du licenciement sans motif valable, le juge doit prononcer
soit la réintégration du travailleur dans l’entreprise, soit l’allocation des
dommages-intérêts à ce dernier, et non pas les deux sanctions dans un
même jugement afin que les parties se choisissent l’une d’entre elles.
Le juge ne peut pas prononcer une condamnation alternative ». Pour
Tshizanga Mutshipangu, « les Cours et tribunaux s’emploient à le faire,
ce qui est condamnable » 19.
En lieu et place d’une condamnation alternative, Mukadi Bonyi
opte pour la proposition de la réintégration aux parties par le tribunal et
qu’en cas de refus de l’une ou de l’autre, le tribunal octroie au travailleur
des dommages-intérêts fixés en tenant compte notamment de la nature
des services engagés, de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise,
de son âge et des droits acquis à quelque titre que soit. Toutefois, le
montant des dommages-intérêts ne peut être supérieur à 36 mois de la
dernière rémunération 20.

18.  Mbujimayi, RTA 194, 28 février 2008, Lobo Katembwe c/Miba, inédit.
19.  Tshizanga Mut shipangu, Op. cit., 2017, p. 391.
20.  Mukadi Bonyi, Droit du travail, CRDS, Bruxelles, 2008, p. 430.

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Condamnation alternative en application de la sanction du licenciement sans motif valable …

L’application d’une telle proposition pourrait être confrontée à une


autre difficulté. En effet, avant de proposer la sanction de réintégration
aux parties, le juge doit d’abord se prononcer sur la validité du licencie-
ment dans un jugement. À quel moment donc de la procédure pourra-
t-il proposer la sanction aux parties ?
En réalité, dans ses critiques, la doctrine précédente n’appuie pas
la condamnation alternative parce qu’elle la considère comme non
conforme à la loi qui prévoit qu’une sanction soit prononcée par le juge
et non les deux à la fois pour que les parties se choisissent une, ce qui
pourrait les opposer.
Cependant, la condamnation alternative parait être une technique
qui garantit la protection des intérêts du travailleur dans la mesure où ce
dernier est rassuré d’une indemnisation au cas où sa réintégration dans
l’entreprise ordonnée par le tribunal n’est pas exécutée.
Ainsi, il y a lieu que le législateur congolais adopte cette technique
dans l’article 63 du Code du travail. Au lieu de prévoir deux sanctions
non cumulatives sans précision d’un principe de leur application, son
œuvre sera plus utile s’il indique expressément qu’en cas de licencie-
ment sans motif valable, le tribunal prononce une condamnation al-
ternative. Toutefois, pour faciliter l’exécution de cette condamnation
alternative, un délai devra être fixé, après lequel si la réintégration n’est
pas exécutée, le travailleur aura droit aux dommages-intérêts.
Dans une affaire opposant Monsieur Lobo Katembwe à la Miba,
la Cour d’appel de Mbujimayi a ordonné la réintégration du travail-
leur dans l’entreprise avec alternative que si cette réintégration n’est
pas exécutée après un délai de six mois, le travailleur aura droit aux
dommages-intérêts 21. Cet arrêt de la Cour d’appel de Mbujimayi offre
un modèle idéal de condamnation alternative assortie d’une modalité
d’application. Seulement, le délai de six mois fixé par cette Cour pour
l’exécution de la sanction de dommages-intérêts à défaut de la réinté-
gration du travailleur dans l’entreprise semble long d’autant plus que ce
dernier étant en état de licenciement, est sans revenu et devra être fixé
rapidement sur l’issue de son action.
En définitive, le législateur congolais peut adopter la reformulation
ci-après de l’article 63 du Code du travail en ce qui concerne la sanction
du licenciement sans motif valable : « la résiliation sans motif valable
du contrat à durée indéterminée donne droit, pour le travailleur, à une

21.  Mbujimayi, RTA 194 déjà cité.

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réintégration. Après un délai de trois mois, si cette réintégration n’est


pas exécutée, le travailleur aura droit aux dommages-intérêts fixés par
le tribunal calculés en tenant compte… ».
Par cette reformulation, le législateur congolais offrirait aux Cours
et tribunaux une sanction permettant d’adopter des positions rappro-
chées étant donné, comme l’avait relevé Kengo wa Dondo dans une
mercuriale, « qu’il n’est pas normal dans l’intérêt d’une bonne justice,
de laisser se maintenir des divergences trop criantes entre les décisions
intéressant un même type de litiges » 22.

Conclusion
Le principe d’application de la sanction en cas de licenciement sans
motif valable divise la jurisprudence, le législateur congolais étant mu-
tique à ce sujet. En effet, à l’état actuel de la législation congolaise en
matière du travail, il n’existe pas de modalité d’application de l’article
63 du Code du travail qui sanctionne le licenciement sans motif valable
soit par la réintégration du travailleur dans l’entreprise, soit par l’alloca-
tion des dommages intérêts à ce dernier.
Cette imprécision est à l’origine d’interprétations diversifiées dans
la jurisprudence : une tendance opte pour l’application de la sanction
postulée par le travailleur dans sa demande ; une autre laisse l’appré-
ciation souveraine au juge d’appliquer la sanction qu’il estime conve-
nable d’entre les deux ; et une autre encore adopte une condamnation
alternative.
Au cours de notre analyse, après avoir creusé les fondements de ces
tendances et dégagé leurs forces et leurs limites, nous avons opté pour
les deux sanctions dans un même jugement pour que l’une soit exécu-
tée à défaut de l’autre. Bien que cette option soit critiquée par certains
analystes qui la considèrent comme non conforme à la loi, il y a lieu
d’admettre qu’elle contourne des difficultés d’application de l’article 63
du Code du travail.
Dans l’intérêt de construire un droit garantissant la pacification des
rapports sociaux, il y a lieu que le législateur congolais, à l’instar d’une ju-
risprudence de la Cour d’appel de Mbujimayi adopte expressément une
condamnation alternative assortie d’un délai raisonnable (par exemple

22.  Kengo wa Dondo, « L’évolution jurisprudentielle de la CSJ au Zaïre. 1968-


1979 », Mercuriale, in Bulletin des arrêts de la CSJ, 1979, p. 184.

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Condamnation alternative en application de la sanction du licenciement sans motif valable …

3 mois) après lequel le travailleur aura droit aux dommages-intérêts en


cas de non-exécution de la réintégration.

Bibliographie

Textes légaux et réglementaires


1. Loi n° 16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi 015/2002
portant Code du travail, in J.O., n° spécial, 29 juillet 2016.
2. Décret du 30 juillet 1988 portant des contrats ou des obligations conven-
tionnelles, B.O., 1988.

Décisions judiciaires
1. Mbujimayi, RTA 160, 13 septembre 2006, Mukengeshayi Kazadi c/
SNCC, inédit.
2. Kisangani, RTA 441, 19 mars 2009, Kibangula Lubenga c/Bralima, iné-
dit.
3. Kinshasa/Gombe, RTA 6491, 29 décembre 2011, Mumbambi Soki c/
G4S SPRL, inédit.
4. Bandundu, RTA 155, 6 novembre 2012, Baudouin Sambu Lusala c/Bra-
lima, inédit
5. Mbujimayi, RTA 241, 19 juillet 2008, Mbuyi Massoka c/Tshibangu Kola
Moyi, inédit.
6. Mbujimayi RTA 211, 16 mars 2007, Kambala Kantos c/Tshibasu Mu-
lumba
7. Matadi, RTA 719, 2 juillet 2011, CMV c/Kalassa Malemo, inédit.
8. Mbujimayi, RTA 163, 31 octobre 2007, Joseph Tshikuna Mpopola Ba-
yamba c/Miba, inédit.
9. Mbujimayi, RTA 194, 28 février 2008, Lobo Katembwe c/Miba, inédit.

Doctrine
1. ANTONMATTEI, P-H, Droit du travail, Paris, LGDJ, 2021.
2. ILOKI, A., Le droit du licenciement au Congo, Paris, 1re éd., L’Harmattan,
2000.
3. KENGO wa Dondo, « L’évolution jurisprudentielle de la CSJ au Zaïre.
1968-1979 », Mercuriale, in Bulletin des arrêts de la CSJ, 1979.
4. LUWENYEMA Lule, Précis de droit du travail zaïrois, Kinshasa, Éd. Lule,
1989.
5. MATADI Nenga Gamanda, Droit judiciaire privé, Louvain-la-Neuve, Aca-
demia Bruylant, 2006.

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Léon Balekelayi Mulumba et Blandine Tshibuabua Mukoka

6. MASANGA Phoba Mvioki, Droit du travail congolais, Paris, Éditions L’Har-


matan, 2017.
7. MUKADI Bonyi, Droit du travail, Bruxelles, Éd. CRDS, 2008.
8. MUKADI Bonyi, Litiges individuels du travail. Chronique de jurisprudence (1980-
1995), Kinshasa, Éd. Collection « Informations juridiques », 1997.
9. TSHIZANGA Mutshipangu, Droit des relations de travail, Kinshasa, Éd.
Connaissance du droit, 2017.

Résumé — La résiliation sans motif valable du contrat à durée indéterminée donne


droit, pour le travailleur, à une réintégration. À défaut de celle-ci, le travailleur a droit
à des dommages-intérêts calculés par le tribunal, prescrit l’article 63 du Code du tra-
vail. Par cette disposition, le législateur congolais ne précise pas un principe d’applica-
tion d’une sanction à défaut de l’autre. Ce mutisme ouvre la voie à des interprétations
diversifiées par les Cours et tribunaux, ce qui ne contribue pas à la construction d’un
droit garantissant la protection des intérêts du travailleur.
Cette étude suggère au législateur congolais la reformulation de la sanction de li-
cenciement sans motif valable en un libellé qui adopte une condamnation alternative
assortie d’un délai raisonnable après lequel, si la réintégration ordonnée par le tribu-
nal n’est pas exécutée, le travailleur aura droit aux dommages-intérêts.
Mots clés : Licenciement - Motif valable - Réintégration - Dommages-intérêts -
Condamnation alternative.

Abstract — Termination without valid reason of the open-ended contract entitles the
worker to reinstatement. Failing this, the worker is entitled to damages calculated by
the court, prescribed by article 63 of the Labor Code. By this provision, the Congolese
legislator does not specify a principle of application of a sanction in the absence of
the other. This silence opens the way to diverse interpretations by the Courts and
tribunals, which does not contribute to the construction of a law guaranteeing the
protection of the interests of the worker.
This study suggests to the Congolese legislator the reformulation of the sanction of
dismissal without valid reason in a wording which adopts an alternative condemnation
accompanied by a reasonable period after which if the reinstatement ordered by the
court is not carried out, the worker will be entitled to damages.
Keywords: Termination - Just Cause - Reinstatement - Damages - Alternative
conviction.

Cikosu — Bilondeshila kanungu ka 63 ka Diiyi dya mudimu mu Congo, muntu mwi-


pata ku mudimu kakuyi bwalu, yeya mukafunda cilumbu, tubadi tudi mwa kulomba
bwa apingana ku mudimu, anyi kukosela cyapu bibawu bya kufuta mwena mudimu.
Kadi kanungu aka kaleeja bilenga njila wa kulonda bwa kufika ku kupingaja muntu
awu ku mudimu anyi bwa dimufuta bibawu. Ne dipanga dya butoka ebu didi difila lu-
tatu lukola bwalu ngumvwilu wa kanungu aka keena wa momumwe kudi bantu bonso.

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Condamnation alternative en application de la sanction du licenciement sans motif valable …

Mu kakanda aka, tudi tulomba kudi mbulamatadi bwa enzulula ne ufundulula


kanungu aka bwa kupesha tubadi mushindu wa kufila manyoka onso abidi mu di-
pangadika dimwa, tufila cipolu cya kuneemeka bwa kupingaja muntu ku mudimu
nkumpala kwa kufuta bibawu.
Bishimbi meeyi : Dipata muntu ku mudimu - Kabingila - Dipingaja muntu ku mu-
dimu - Bibawu - Dinyoka dikwabu.

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PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET EFFICACITÉ
DE LA PRODUCTIVITÉ DES FACTEURS DE PRODUCTION
DANS LES PAYS AFRICAINS

Germain Lubanza Ngoma 1


Professeur associé à la Faculté de Sciences économiques
Université de Kisangani
et
Armand Bongongo Aloma 2
Assistant
Institut Supérieur de Commerce de Kisangani

Introduction
Pourquoi l’Afrique est-elle pauvre ? « Why Africa is poor ? » (Acemoglu
et Robinson, 2010 ; Mills, 2010 et Ayittey, 2000A). Dans l’histoire de la
croissance économique, l’Afrique était oubliée dans la théorie écono-
mique. Cette histoire remonte aux travaux de Solow (1956) et de Swan
(1956), de Cass (1965) et de Koopmans (1965) et à ceux de Römer
(1986) et de Lucas (1988). Les deux premiers fondent l’analyse de la
performance économique.
C’est seulement vers la fin des années 80 que cette partie du monde
commence à intéresser les chercheurs ainsi que les organismes interna-
tionaux 3. La contre-performance enregistrée par les pays africains dans
les années 80 et 90 a augmenté le nombre des pauvres classant plus
de 60 % des pays africains parmi les plus pauvres du monde 4. Durant
cette période, la littérature a été alimentée par des études qui ont tenté
d’expliquer cette contre-performance au moyen des régressions qui in-
corporent une variable indicatrice pour capter la performance des pays
africains (Barro et Lee, 1993 ; Easterly et Levine, 1997 ; Sachs et Warner,
1997 ; Collier et Gunning, 1997 et Temple, 1998). Ces études ont utilisé
un échantillon quasi mondial afin de ressortir la contre-performance

1.  lubanzangoma@gmail.com.
2.  armand.bongongo@unikis.ac.cd.
3. PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, Paris, Economica, 1990.
4.  Razafindrakoto, Mireille et Roubaud, François, « Pauvreté et récession dans
les métropoles africaines et malgaches : éléments de diagnostic », Document de travail,
n° 10, 2001.

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Germain Lubanza Ngoma et Bongongo Aloma

des pays africains dans l’ensemble sans tenir compte de performance


réalisée par certains pays pris individuellement.
À la fin des années 90, les pays africains ont accédé à une nouvelle
aire de croissance. Pendant cette période de croissance que certains
auteurs ont qualifié de miracle africain (Collier, 2008 ; Young, 2012 et
Jerven, 2013b), les pays africains ont réalisé une croissance moyenne de
PIB par habitant de plus de 5 % pendant une période de 25 ans 5.
À travers ces travaux réalisés pendant la période de crise ou pen-
dant celle de croissance, l’Afrique est analysée comme un ensemble.
Ces travaux passent outre les performances individuelles enregistrées
par les pays africains durant les deux périodes. Toutefois, des études
de la littérature empirique sur la croissance qui se sont plus
particulièrement focalisées sur l’économie africaine (Bloom et
Sachs, 1998 ; Acemoglu et al. 2001 ; 2003 ; Nunn, 2009 et Harttegen et
al. 2013), se sont concentrées sur l’accumulation de capital et
ont ignoré en grande partie, le rôle joué par la productivité
totale des facteurs (PTF) alors que, dans la littérature, l’analyse de la
performance économique est basée sur trois approches.
La première approche capte la performance économique d’un pays
ou d’une région au travers la croissance du revenu par habitant ou du
PIB par habitant. Le revenu par habitant constitue un indicateur du
niveau de vie atteint dans un pays. C’est cette approche qui est utilisée
dans les travaux cités ci-haut sur l’économie africaine. La deuxième ap-
proche consiste à examiner le niveau de convergence atteint par les pays
pauvres tout en mesurant les disparités dans la répartition des revenus
dans le monde. La dernière approche analyse l’efficacité de la produc-
tion en considérant la productivité totale des facteurs et de ses compo-
santes dont l’efficacité technique et l’efficacité technologique (Osiewalski
et al. 1998) 6. Le présent papier procède de la troisième démarche.
L’efficacité peut être mesurée au moyen d’une évaluation ciblée
des performances. Ceci est essentiel pour déterminer les domaines

5. PNUD, Rapport sur le développement en Afrique. Croissance, pauvreté et inégalités : lever


les obstacles au développement durable, 2015 ; BAD, Perspectives économiques en Afrique 2020,
2020.
6.  L’opinion selon laquelle la productivité totale des facteurs (PTF) joue un rôle
central dans l’explication de la croissance économique globale remonte aux travaux
d’Abramovitz (1956), probablement la première tentative visant à déterminer les
sources de la croissance de la productivité.

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

prioritaires de la mise en œuvre des mesures efficaces et ceux qui sont


susceptibles d’être améliorés.
Les évaluations transnationales permettent de dresser un tableau
précis de la situation et, par conséquent, d’identifier les problèmes et la
manière dont d’autres pays y font face. Elles servent aussi à déterminer
comment et pourquoi certains pays obtiennent de meilleurs résultats.
C’est pourquoi, les comparaisons entre pays sont d’une importance
capitale pour comprendre l’efficacité ainsi que l’impact des politiques
et des programmes adoptés par chaque pays. Ainsi, les décideurs ap-
prennent les bonnes pratiques des autres pays.
Le présent papier tente d’identifier les sources de croissance des
pays africains. Il utilise le cadre d’analyse de l’enveloppement des don-
nées (DEA) en élargissant l’analyse à la fois par pays et par période
couverte. Il essaie de déterminer le taux de croissance de la productivi-
té totale des facteurs partant de ses composantes : efficacité technique
pure, efficacité d’échelle et changement technologique.
Hormis l’introduction et la conclusion, cet article est organisé
autour de cinq points. Le premier aborde l’esquisse conceptuelle des
termes opératoires et la description de la méthode DEA en panel (in-
dice de Malmquist). Le deuxième est consacré à la littérature revue. Le
troisième se rapporte à la présentation des données et de leurs sources.
Le quatrième a pour toile de fond la présentation des résultats. Une
discussion des résultats intervient au dernier point.

1. Concepts opératoires et méthode DEA


Prise dans son sens large, l’efficacité dépend de la réalisation de
l’objectif que se fixe l’unité décisionnelle (pays pour le cas de notre
étude). L’efficience fait plus appel à la productivité des facteurs. Elle
s’appréhende dans le même sens de l’efficacité technique ou productive.
Un consensus semble se dégager autour des définitions pouvant être as-
sociées au concept « efficacité ». L’efficacité ou la performance produc-
tive résulte d’une meilleure productivité dans une unité décisionnelle
issue d’un arbitrage judicieux de la combinaison des facteurs.
Le concept repose essentiellement sur la capacité d’une entreprise
(branche ou pays) à produire de façon efficace avec les ressources néces-
sairement limitées dont elle dispose. L’aspect judicieux de la combinai-
son des facteurs de production fait pencher le sens du concept vers l’as-
pect technique de production. L’accent est donc mis sur la productivité

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Germain Lubanza Ngoma et Bongongo Aloma

des facteurs. Celle-ci peut être influencée par d’autres éléments suscep-
tibles d’être repérés à partir des recherches empiriques.
La méthode DEA 7 a connu de grands développements ces 20 der-
nières années. Emrouznejad et al. (2018) ont répertorié plus de 10.000
articles publiés dans les revues des rang 1 et 2 entre 1996 et 2016. Elle
s’est diffusée d’abord aux États-Unis par Charnes et al. (1978) puis ces
derniers temps, au reste du monde.
Le présent article procède par cette méthode pour mesurer l’ef-
ficience technique de la croissance économique des pays retenus. Ce
choix est dicté par le nombre des pays pour lesquels les données fiables
et complètes pour l’ensemble de la période ont pu être collectées. Par
ailleurs, cette méthode s’adapte parfaitement à l’étude de l’analyse de
l’efficacité de la production tel que mentionnée précédemment. L’inté-
rêt de la méthode DEA est de pouvoir prendre en compte de multiples
données caractéristiques des activités aussi complexes. Elle permet aussi
de repérer les unités ou pays ayant la meilleure performance parmi les
autres. Aussi, elle offre un cadre pour intégrer et interpréter toute me-
sure de performance.
La mesure des changements de productivité (productivity changes) est
un sujet qui a suscité beaucoup d’intérêt de la part des chercheurs dans
le cadre de l’étude de la performance économique. Cette mesure permet
non seulement de vérifier les variations de performance d’un pays ou de
l’ensemble de pays d’une sous-région au fil du temps, mais également
de mesurer l’impact des changements politiques sur cette performance.
Le paragraphe suivant présente, de façon succincte, l’indice de produc-
tivité globale développé pour la première fois par Malmquist (1953), et
amélioré par Grosskopf (1993) et Färe, Grosskopf et Lovell (1997).
L’indice de PTF Malmquist mesure le changement de productivité
en deux points de données en estimant le ratio des distances de chaque

7.  La technique d’analyse de frontière, proposée initialement par Farrell (1957),


a été reprise par Charnes et al. (1978). Ces derniers ont présenté un cadre de pro-
grammation mathématique pour traiter l’analyse de frontière, connu sous le nom de
Data Envelopment Analysis (DEA). Depuis lors, les travaux qui relèvent du domaine de
l’efficacité productive ont connu de très grands développements. Les frontières non
paramétriques conduisent à ne pas imposer de restriction sur la forme fonctionnelle
de la technologie, mais à caractériser en amont, les propriétés mathématiques du do-
maine des possibilités de production (Charnes, Cooper et Rhodes, 1978). La méthode
DEA est traitée de façon intensive par Seiford et Thrall (1990), Lovell (1993) ; Ali et
Seiford (1993) ; Charnes, Cooper et Seiford (1995) ; Cooper et al. (2007) et Cook et
Seiford (2009).

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

point par rapport à une technologie commune. De cette façon, il dé-


compose justement l’évolution de la productivité en un changement de
l’efficacité technique et en progrès technologique.
Soit la fonction distance orientée output à la période t et une tech-
nologie à rendements d’échelle constants. L’indice de Malmquist se défi-
nit comme suit (Färe 1988) :

F0t(.) mesure l’efficience technique de la production de Farrell (1957).


t
Notons que D0,CRS (xit , yi,t) ≤ 1 si et seulement si (xit , Ɵ yi,t) є SCRS
t
t
et D0,CRS (xit, yi,t) = 1 sur la frontière de production.

L’indice de Malmquist a été exposé pour la première fois par Caves,


Christensen et Diewert (1982) en tant qu’indice théorique nommé in-
dice de productivité de Malmquist. Sten Malmquist a montré comment
construire des indices de quantités comme ratio des fonctions de dis-
tances. D’après les travaux de Färe et al. (1994), l’indice synthétique de
productivité de Malmquist est défini par :

  (2)

La technologie à la période t est celle de référence dans cette formu-


lation. Cette fonction de distance mesure le changement proportionnel
maximum de l’output requis pour rendre (yt+1, xt+1) faisable relativement
à la technologie de la période t. Elle calcule la distance qui sépare une
observation de la frontière technologique. L’équation (2) conceptualise
l’indice de productivité totale de Malmquist. Cet indice synthétique de
Malmquist est la moyenne géométrique des deux indices tels qu’ils ont
été définis par Caves, Christensen et Diewert (1982) de manière à ne pas
choisir une référence particulière.

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Germain Lubanza Ngoma et Bongongo Aloma

La caractéristique importante de l’équation (3) est que cet indice


peut être décomposé en deux composantes indépendantes l’une de
l’autre : le changement sur le plan de l’efficience (EFFCH it ) et le progrès
technologique (TECHCH it ).

L’équation (5) est définie comme le ratio de l’efficience technique


de Farrell à la période t+1 divisé par l’efficience technique de Farrell à
la période t. L’équation (6) traduit la moyenne géométrique de l’évo-
lution technologique observée au niveau des intrants xt+1 et l’évolution
technologique évaluée des intrants xt. L’équation (2) peut être reformulée
comme suit :

Le premier terme de (7) représente le changement de l’efficaci-


té technique c’est-à-dire un rapprochement ou un éloignement de la
frontière des meilleures pratiques. Sur la base des rendements d’échelle
constants (CRS), Färe et al. (1994) ont décomposé l’efficacité technique
en efficacité technique pure et en efficacité d’échelle à l’image de Farrell
(1957). L’efficacité d’échelle fait référence à la taille de l’unité de pro-
duction. L’inefficacité d’échelle met en évidence une taille inadéquate
de cette dernière. L’inefficacité technique pure se réfère à l’utilisation
non optimale des ressources par les gestionnaires de l’unité de produc-
tion. Le second terme de (7) traduit le changement technologique (les

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

innovations). Il est représenté par un déplacement de la frontière de


production à la période t+1.
On peut donc calculer pour chaque unité de production i les tra-
jectoires dans le temps de la productivité, du changement de l’effica-
cité technique et du progrès technique. Une valeur de EFFCH it et d
TECHCH it supérieure à 1 traduit respectivement une amélioration de
l’efficacité technique et du progrès technique entre les deux périodes.

Si xt = xt+1 et yt = yt+1, l’indice de productivité totale M0 (∙) = 1. Une


valeur de M0 (∙) supérieure à 1, traduit un gain de productivité.

2. Littérature revue
Une large littérature empirique a traité de la mesure de l’efficacité
économique dans une variété de domaines en économie. Cette mesure
recourt à la technique de frontière paramétrique et à celle de frontière
non paramétrique. Hunt-McCool et al. (1996), Stanton (2002), Arazmu-
radov (2016) et Alirezaee et Tanha (2016) dans la finance ; Fernandez,
Koop et Steel (2000) et Lozano-Vivas et Humphrey (2002), Abbas, Azid
et Besar (2016), Abel et Le Roux (2016) et Afsharian et Ahn (2016)
dans le domaine bancaire ; Wadud et Blanc (2000), Zhang (2002), Ang
et Kerstens (2016) dans le domaine d’agriculture ; Amaza et Olaye-
mi (2002), simsek (2014) ; Woo et al. (2015) et Baležentis et al. (2016)
dans l’économie de l’environnement ; Perelman et Pestieau (1994),
Worthington, Dollery (2002) et Ayadi et Hammami (2016) en économie
publique ; Thirtle et al. (2000) et Zofı ́o et Prieto (2001) dans l’économie
du développement.
D’autres auteurs ont utilisé l’approche non paramétrique en don-
née de panel (DEA-Malmquist). Ils l’ont qualifiée de souple, rapide et
n’exigeant pas des lois statistiques pour être appliquée. Dans cette ca-
tégorie, Yoruk et Zaim (2005) ont fait appel aux indices de Malmquist
pour analyser la croissance de la productivité totale des facteurs de pays
de l’OCDE de 1983 à 1998. Wang et Fan (2017) ont adopté la méthode
de l’indice DEA-Malmquist pour mesurer la PTF de 30 provinces de
Chine et analyser leur tendance de changement, leurs caractéristiques
de phase et leurs différences régionales. Ces travaux ne présentent que
quelques exemples récents des études pertinentes qui ont porté sur la
mesure de l’efficience de différents domaines de l’économie.

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Germain Lubanza Ngoma et Bongongo Aloma

Récemment, plusieurs travaux ont abordé l’analyse de l’efficacité


dans le domaine de la croissance économique. Yuan et Zhong (2010)
ont utilisé la méthode DEA pour calculer l’efficacité de la croissance
économique de 29 provinces de la Chine. Li (2013) y a recouru pour
estimer l’efficacité économique et l’efficacité environnementale du car-
bone dans 29 provinces en Chine.
Une vaste littérature sur l’analyse de l’efficacité dans le domaine de
la croissance transnationale est consacrée aux pays de l’OECD. Fare et
al. (1994), Moesen et Cherchye (1998), Brockett, Golany et Li (1999),
Arcelus et Arocena (2000), Emrouznejad (2003), Afonso and st. Aubyn
(2013), Zhou et al. (2016) et Skare and Rabar (2016) ont fait appel à la
méthode d’enveloppement des données dans l’évaluation des perfor-
mances macroéconomiques des pays de l’OCDE. Les études faisant ap-
pel à l’analyse de l’efficacité pour justifier la performance économique
de certains pays au monde sont sans doute non exhaustives 8.
Il n’existe pas en Afrique, à notre connaissance, des travaux qui
analysent l’efficacité des pays africains dans le domaine de la croissance
économique. Des travaux, en notre possession, abordent l’analyse d’ef-
ficacité dans des secteurs précis. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer
notamment les auteurs suivants : Mbangala (2008) a analysé l’efficacité
des entreprises œuvrant dans le domaine de chemin de fer en Afrique
subsaharienne ; Nkamleu, (2004) et Nyemeck et Nkamleu (2006) quant
à eux, ont fait appel à l’analyse de l’efficacité dans le secteur agricole
en Afrique ; Et Nyemeck et al. (2003) ont utilisé la méthode DEA pour
mesurer l’efficacité technique de 81 entreprises qui exploitent le café en
Côte d’Ivoire ; Gouse, Kirsten et Jenkens (2003) ont mesuré l’efficacité
technique des grands exploitants du coton bio en Afrique du Sud ; Desta
(2016), à travers les indices de DEA-Malmquist, a cherché à savoir si
les banques africaines, en comparaison des banques étrangères, sont
réellement meilleures.
Le présent document tente une analyse de la performance écono-
mique captée au travers de celle de l’efficacité de production de 43 pays
africains sélectionnés de manière non probabiliste. Cette étude consi-
dère une période allant de 1984 à 2016. Elle procède de l’approche
non paramétrique. La période choisie pour cette étude ne connaît pas
des données manquantes. On y trouve particulièrement des données

8.  Emrouznejad and Guo-liang Yang (2018) ont recensé 10300 travaux qui ont
fait appel à la méthode DEA de 1978 à 2016.

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

disponibles et continues se rapportant aux variables d’étude. La mé-


thode d’enveloppement des données (Data Envelopment Analysis-DEA)
est celle qui a été retenue pour la mesure de l’efficacité technique. Elle
permet aussi de calculer l’indice de productivité totale des facteurs de
Malmquist développée dans la section qui suit.

3. Variables, données et sources


Partant des inputs et des outputs sélectionnés à l’avance, le modèle
d’indice DEA-Malmquist peut être soit un modèle d’orientation input
ou soit un modèle à orientations outputs. Le choix des indicateurs d’in-
trants et des indicateurs d’extrants a un impact direct sur la mesure de
l’efficacité de l’unité de décision (pays). Se conformant à son objectif
fondé sur la théorie de la PTF et prenant en compte des facteurs stig-
matisés dans la littérature existante, cette étude sélectionne les variables
inputs et la variable output correspondantes du point de vue des res-
sources et des contraintes du domaine de la croissance économique.

3.1. Sélection des variables


La sélection des variables du modèle procède du questionnement
de la revue empirique des travaux antérieurs du domaine. La majorité
d’auteurs utilisent le PIB ou ses dérivées pour capter la production (va-
riable output). Cette étude retient le PIB constant.
Comme Emrouznejad (2003), cette étude considère le nombre des
personnes engagées et le stock de capital comme les variables inputs
(intrants). Elles expliquent la productivité des facteurs des pays africains.
Ce papier prend en compte deux variables intrants supplémentaires.
Celles-ci caractérisent particulièrement les pays africains.
En effet, la majorité d’entre les pays africains sont exportateurs des
matières premières. Ainsi, la variable bénéfice tirée des ressources na-
turelles est alors choisie. À ce propos, Rashidi, Shabani, et Saen (2015)
et Simsek (2014) avaient déjà incorporé la consommation de pétrole et
ses dérivées dans leurs études. Par ailleurs, l’économie de certains pays
africain repose essentiellement sur la production et l’exportation des
produits agricoles. Ainsi, la variable terre arable est considérée comme
la quatrième variable d’entrée contre une variable de sortie.

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Germain Lubanza Ngoma et Bongongo Aloma

3.2. Présentation des données et leurs sources


Deux sources des données ont été exploitées : les données de Penn
World Table (PWT91) et les indicateurs du développement de la Banque
Mondiale. Le tableau ci-dessous reprend les variables et leurs sources.

Tableau 1 : Présentation des données et leurs sources

Variable Source Observations Moyenne Écart-type Minimum Maximum


CGDPO PWT91 1.419 58.719,30 132.745,00 561,69 1.050.192,00
EMP PWT91 1.419 5,64 7,55 0,074 63,26
CN PWT91 1.419 156.271,80 345.367,00 291,39 2.785.141,00
RTE BM 1.419 11,90 11,61 0,175 84,23
TERRE BM 1.419 12,89 12,61 0,3 48,72
Source : Auteur.

Les valeurs monétaires sont exprimées en millions de monnaie na-


tionale constante. L’an 2011 est l’année de référence. Il ressort des rap-
ports de Penn World table (PWT91) et de la Banque mondiale (BM)
pour les 43 pays africains échantillonnés sur une période allant de 1984
à 2016, un panel de 1419 observations. CGDPO = PIB réel, EMP =
Nombre de personnes engagées exprimé en million, CN = Stock du
capital, RTE = Bénéfice tiré des ressources naturelles en pourcentage
du PIB, TERRE = Pourcentage de terres arables sur la superficie totale.

4. Résultats
La méthodologie retenue a permis de déterminer cinq indices dif-
férents : l’indice de changement de l’efficacité technique (technologie
CRS) désigné par (EFFCH) ; l’indice de changement de l’efficacité tech-
nique pure (technologie VRS) (PECH) ; l’indice de changement tech-
nologique (TECHCH) ; l’indice de changement de l’efficacité d’échelle
(SECH) ; l’indice de changement de la productivité totale des facteurs
(TFPCH).
L’indice Malmquist utilise la technologie de la période t et celle de
la période t+1. La croissance de la PTF est la moyenne géométrique
de deux indices de la PTF basés sur la production de la période (t) et
la production de la période (t+1). Une valeur inférieure à 1 indique
une diminution de la croissance ou de la performance de la production
par rapport à l’année précédente. Le changement d’efficacité (effet de

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

rattrapage) mesure le changement d’efficacité entre la période actuelle


(t) et la période suivante (t+1), tandis que le changement technologique
(innovation) saisit le changement de technologie aux frontières. L’effica-
cité technique pure mesure l’agilité de la gestion et la stratégie de com-
binaison d’intrants et d’extrants en production. L’efficacité d’échelle
met l’accent sur l’étendue de la production par des opérations à grande
et à petite échelle.

4.1. L’indice de Malmquist et ses deux composantes


Il résulte de l’application de la relation (7) que les pays africains
retenus ont enregistré un taux moyen de croissance économique est de
1,3 % au cours de la période sous étude. Cependant, la productivité
totale des facteurs desdits pays a connu une détérioration. La plus forte
croissance annuelle est observée en 2009-2010 avec un taux de 3 %. Le
taux de croissance de la productivité a diminué jusqu’à 5,9 % en 2007-
2008.
L’ensemble des pays retenu peut accroître sa productivité soit par
une amélioration du niveau d’efficacité dans la production (EFFCH),
soit par la diffusion technologique (TECHCH). Ainsi, l’amélioration de
la productivité est due à l’efficience technique qui a connu un taux de
croissance annuel moyen de 0,5 %. Le progrès technique au contraire
s’est détérioré de 0,4 % en moyenne par an pendant la même période.
Dans l’ensemble, les pays étudiés ont présenté une
contre-performance. Toutefois, ils n’ont pas connu les mêmes per-
formances tant sur le plan d’efficacité technique que sur le plan pro-
grès technique. Seuls l’Afrique du sud (1,6 %), Algérie (0,5 %), Angola
(0,6 %), Botswana (1,4 %), Cap-Vert (1,7 %), Égypte (6,3 %), Ghana
(0,8 %), Guinée-Bissau (0,9 %), Maroc (1 %), Namibie (0,6 %), Nigeria
(0,1 %), Tchad (0,1 %) et Tunisie (0,5 %) ont connu une croissance posi-
tive de la productivité totale des facteurs. Les autres pays ont connu une
performance médiocre.
Exception faite de la Guinée-Bissau et du Tchad dont la produc-
tivité totale des facteurs est induite par la performance de l’efficacité
technique, la performance enregistrée par les autres pays ci-haut cités
est généralement induite par la performance enregistrée par ce pays
en termes de progrès technique. Les performances par pays ne sont
donc pas les mêmes. Le tableau ci-après résume les performances par
sous-région. L’Afrique australe et l’Afrique du nord ont enregistré une
performance par rapport aux autres sous-régions.

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Germain Lubanza Ngoma et Bongongo Aloma

Tableau 2 : Taux de croissance moyen de PTF et ses composantes par


sous-région

Sous-région EFFCH TECHCH TFPCH


Afrique australe 0,999 1,007 1,006
Afrique du Nord 0,995 1,026 1,021
Afrique centrale 1,001 0,985 0,985
Afrique de l’Ouest 1,003 0,984 0,987
Afrique de l’Est 0,997 0,975 0,972
Moyenne 1,000 0,995 0,994
Source : calculs de l’auteur à l’aide de Win4Deap2.

Seules l’Afrique du Nord et l’Afrique australe ont réalisé une per-


formance en termes de croissance de la productivité des facteurs de
l’ordre de 2,1 % et de 0,6 % respectivement. Ces deux sous-régions ont
su améliorer leurs techniques de production en innovant. Elles ont res-
pectivement réalisé une croissance de 2,6 % et 0,7 % du changement
technologique. Par contre, les autres sous-régions ont vu se détériorer
leur technologie de production. Ceci a conduit ces sous-régions à une
contre-performance en termes de la croissance de la productivité totale
des facteurs. La différence entre sous-régions est plus édictée par la dif-
férence de réalisation entre l’efficacité technique de production et le
changement technologique.
La source de performance ou de contre-performance par pays
membre de chaque sous-région devrait permettre de proposer des
politiques d’amélioration de la productivité des facteurs des pays à
contre-performance. Les mesures de la performance par pays sont
contenues dans le tableau n° 3 qui les reprend après une segmentation
en cinq sous régions.
Ce tableau est élaboré sur base des résultats de l’estimation des équa-
tions retenues dans la partie méthodologique et des données récoltées des
pays de l’échantillon tirées des rapports de Penn World table et de la Banque
mondiale de 1984 à 2016. Seuls ont été retenus les pays et les années dont
les données présentaient des séries complètes sans données manquantes.
L’analyse de ces résultats sous régionaux et par pays renseignent
que 27 pays sur 43 soit 62,8 % ont réalisé des gains d’efficacité tech-
nique supérieurs aux gains de changement technologique au cours de
la période d’étude. Ces gains ont stimulé la croissance de la productivité
totale dans chacun des pays. Les gains de l’efficacité technique n’ont pas

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

permis d’améliorer la productivité globale de l’échantillon des pays de


notre étude. Les pays qui ont réalisé une performance de la productivité
des facteurs sont en majorité ceux qui ont réalisé les gains de change-
ment technologique supérieurs aux gains d’efficacité technique.

Tableau 3 : Taux de croissance de l’efficience technique et taux de crois-


sance du niveau technologique

Pays EFFCH (1) TECHCH (2) TFPCH (3) (1) > (2) (2) > (1)
Sous-région de l’Afrique australe
AFRIQUE DU SUD 0,999 1,017 1,016 OK
BOTSWANA 1,002 1,012 1,014 OK
LESOTHO 0,997 0,991 0,987 OK
NAMIBIE 0,999 1,007 1,006 OK
Moyenne 0,999 1,007 1,006 OK
Sous-région de l’Afrique du Nord
ALGÉRIE 1 1,005 1,005 OK
ÉGYPTE 1 1,063 1,063 OK
MAROC 0,984 1,027 1,010 OK
TUNISIE 0,996 1,008 1,005 OK
Moyenne 0,995 1,026 1,021 OK
Sous-région de l’Afrique de l’Ouest
BÉNIN 1,006 0,98 0,986 OK
BURKINA-FASO 1,018 0,965 0,982 OK
CAP-VERT 1,015 1,002 1,017 OK
COTE D’IVOIRE 1,004 0,987 0,991 OK
GAMBIE 0,988 0,983 0,971 OK
GHANA 0,999 1,009 1,008 OK
GUINÉE 1,001 0,97 0,971 OK
GUINÉE-BISSAU 1,032 0,977 1,009 OK
MALI 1,017 0,965 0,982 OK
MAURITANIE 0,988 0,994 0,982 OK
NIGER 1,018 0,97 0,997 OK
NIGERIA 0,979 1,022 1,001 OK
SÉNÉGAL 0,985 1,001 0,986 OK
SIERRA-LÉONE 0,982 0,963 0,946 OK
TOGO 1,008 0,972 0,979 OK
Moyenne 1,003 0,984 0,987 OK

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Pays EFFCH (1) TECHCH (2) TFPCH (3) (1) > (2) (2) > (1)
Sous-région de l’Afrique de l’Est
BURUNDI 1,04 0,958 0,997 OK
COMORES 0,988 1,001 0,989 OK
DJIBOUTI 0,97 0,966 0,937 OK
KENYA 0,993 0,995 0,987 OK
MADAGASCAR 0,992 0,967 0,959 OK
MALAWI 1,018 0,97 0,987 OK
MOZAMBIQUE 0,997 0,963 0,96 OK
OUGANDA 1,004 0,966 0,97 OK
RWANDA 0,986 0,961 0,947 OK
TANZANIE 1,004 0,977 0,981 OK
ZAMBIE 0,992 1,002 0,994 OK
ZIMBABWE 0,978 0,975 0,953 OK
Moyenne 0,997 0,975 0,972 OK
Sous-région de l’Afrique centrale
ANGOLA 0,997 1,009 1,006 OK
CAMEROUN 0,992 0,987 0,979 OK
CENTRAFRIQUE 1,003 0,967 0,97 OK
CONGO 0,968 0,99 0,959 OK
CONGO DEM 1,001 0,984 0,985
GABON 1 0,994 0,994 OK
GUINÉE ÉQUATO-
1,007 0,982 0,989 OK
RIALE
TCHAD 1,04 0,963 1,001 OK
Moyenne 1,001 0,9845 0,985 OK
Source : Auteur. Calculs de l’auteur à l’aide de Win4Deap2.

Tableau 4 : Évolution des indices de changement d’efficacité des


sous-régions

Pays EFFCH PECH SECH


AFRIQUE CENTRALE 1,001 0,997 1,004
AFRIQUE DE L’EST 0,997 0,995 1,001
AFRIQUE DU NORD 0,995 0,996 0,999
AFRIQUE DE L’OUEST 1,003 1,001 1,002
AFRIQUE DU SUD 0,999 1,002 0,997
MOYENNE 1,005 0,998 1,006
Source : Calculs de l’auteur à l’aide de Win4Deap2.

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

De ce tableau, il se dégage que, malgré que les pays africains ne


profitent pas de la situation des économies d’échelle que présentent
leurs systèmes de production pour produire plus, cette situation est plus
alarmante en Afrique centrale suivie de l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique
de l’Est. Ces sous-régions devraient profiter de rendement des écono-
mies d’échelle pour produire davantage. Mais, suite à l’utilisation abu-
sive des ressources, elles ont connu des taux de croissance de la producti-
vité des facteurs les plus médiocres respectivement de -1,5 %, de -1,3 %
et de -2,8 %. Les deux autres sous-régions produisent avec le rendement
d’échelle décroissant. Cependant, ces sous-régions ont réalisé une amé-
lioration en termes de productivité des facteurs non seulement car elles
ont innové mais aussi par ce qu’elles ont utilisé de façon efficiente les
ressources.

4.2. Productivité totale des facteurs et croissance des PIB/H


Le graphique n° 1 permet d’appréhender la corrélation qui existe
entre les deux mesures de la performance économique (croissance de
productivité totale des facteurs et croissance de PIB/H).

Graphique 1 : Évolution de la PTF et croissance du PIB/H.

Source : Auteur à l’aide du logiciel Stata 16.

La lecture de ce graphique permet de conclure que la croissance de


productivité totale des facteurs est corrélée positivement avec la crois-
sance du PIB par habitant durant la période étudiée. Dans l’ensemble,
les pays qui ont réalisé une croissance positive de la productivité totale
des facteurs affichent une tendance positive de croissance du PIB/H.
Nous pouvons alors affirmer que les pays de l’Afrique du Nord et ceux

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de l’Afrique australe ont connu durant la période sous-étude une crois-


sance positive de PIB/H. Ils ont innové et utilisé de façon efficiente leurs
ressources. Par contre, les pays des autres sous-régions ont enregistré
une contre-performance. Ils ont utilisé de façon abusive les ressources.
Ce graphique laisse apparaître une situation plus alarmante en
Afrique centrale. Cinq pays de l’Afrique centrale (RDC, Cameroun,
Gabon, Congo, RCA) sur les 8 qui composent notre échantillon appar-
tiennent à la zone de la croissance de PIB/H négative et de la croissance
de PTF négative. Par contre, trois pays de l’Afrique du Nord (Tunisie,
Maroc, Égypte) sur 4 retenus sont dans la zone de croissance positive
pour les deux agrégats.

5. Discussion
La vérification de la relation entre la performance économique
et l’efficacité de la productivité des facteurs dans les 43 pays africains
échantillonnés sur la période de 1984 à 2026 a recouru à une ap-
proche en panel facilitée par la méthode d’analyse d’enveloppement
des données (DEA). Les résultats ont révélé que la productivité totale
des facteurs s’est détériorée malgré leur taux moyen de croissance éco-
nomique de 1,3 %. Il en ressort que la performance économique est
corrélée positivement à l’efficacité de la productivité des facteurs. La
contre-performance des pays de l’Afrique centrale est due à l’usage abu-
sif des ressources entraînant des taux de croissance de productivité des
facteurs médiocres. Les pays qui ont réalisé une performance de la pro-
ductivité des facteurs sont en majorité ceux qui ont réalisé des gains de
changement technologique supérieur aux gains d’efficacité technique.
Ces résultats corroborent ceux de Brockett Golany et Li (1999) ;
Arcelus et Arocena (2000) ; Emrouznejad (2003) ; Escaith (2006) ;
Ramanathan (2006)  ; Camarero Picazo-Tadeo et Tamarit (2008)  ;
Afonso et St Aubyn (2013) ; Chiu et al (2015) et Skare et Rabar (2016)
lorsqu’ils ont analysé la performance économique en fonction du stock
du capital, du nombre de personnes engagées, de la productivité par
unité de main d’œuvre, de la quantité d’énergie renouvelable et de
l’émission de CO2. Par contre, les résultats de cette recherche divergent
avec ceux de Moesen et Chercye (1998) et de Cherchye (2001) qui eux,
expliquent la performance économique par le taux de chômage, le solde
budgétaire et la variation des prix.

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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

De ce qui précède, nous recommandons aux décideurs des pays


africains de mettre en place des politiques économiques axées sur la
rationalisation des facteurs de production dont surtout les ressources
minérales. Une stratégie d’industrialisation diversifiée est alors de mise.

Conclusion
Cet article a analysé les sources de croissance des pays africains.
Il recourt au cadre d’analyse de l’enveloppement des données (DEA).
C’est une approche en panel. L’analyse a été menée à la fois par pays,
par sous-région et par période couverte. L’indice de Malmquist a été
calculé à l’aide des données publiées par la Banque Mondiale (Rentes
tirées des ressources naturelles et superficie de la terre fertile) et par
PWT91 (PIB dans l’optique de production, nombre des personnes en-
gagées et capital physique). La nécessité de collecter des données com-
plètes nous a contraint à échantillonner 43 pays et à limiter la période
d’étude de 1984 à 2016. Les résultats obtenus induisent des interpréta-
tions et implications de la politique économique.
En moyenne, la productivité totale des facteurs des pays africains
retenus dans cette étude s’est détériorée au taux de croissance annuel
moyen de 1,3 %. Cette croissance est influencée positivement par l’amé-
lioration d’efficacité technique. Celle-ci a connu un taux annuel moyen
de croissance de 0,5 %. Elle est liée négativement au progrès techno-
logique pour un taux de croissance négatif de 0,4 % au cours de la
période sous examen. Individuellement, des pays ont enregistré une
croissance positive de la productivité totale des facteurs. Tels sont les cas
de l’Égypte (6,3 %) ; du Cap-Vert (1,7 %) ; de l’Afrique du Sud (1,6 %) ;
du Botswana (1,4 %) ; du Maroc (1 %) ; de la Guinée-Bissau (0,9 %) ; du
Ghana (0,8 %) ; de l’Angola (0,6 %) ; de la Namibie (0,6 %) ; de l’Algérie
(0,5 %) ; de la Tunisie (0,5 %) ; du Nigeria (0,1 %)et du Tchad (0,1 %).
Seuls ces pays ont connu une croissance positive de la productivité totale
des facteurs.
La présente étude a subdivisé l’Afrique en 5 sous-régions. Seules
deux sous régions ont réalisé une performance en termes de croissance
de la productivité des facteurs. L’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud
ont réalisé respectivement 2,1 % et 0,6 %. Ces deux sous-régions ont su
améliorer leur technique de production en innovant. Elles ont respecti-
vement réalisé une croissance de 2,6 % et 0,7 % du changement techno-
logique. Cependant, elles ont enregistré une performance négative en

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termes de changement d’efficacité technique dans l’ordre de grandeur


de -0,5 % et de -0,1 % respectivement.
La différence en termes de performance entre les sous-régions dé-
pend donc du choix opéré par les pays qui les composent. Ceux ayant
opté pour l’innovation ou le progrès technologique ont été performants.
Par contre, ceux qui ont privilégié l’amélioration de l’efficacité tech-
nique ont en majorité connu la contre-performance de la productivité
totale des facteurs.
Les résultats ont aussi révélé que la croissance de la productivité
totale des facteurs est corrélée positivement à la croissance de PIB/H.
ainsi, la contre-performance des pays de l’Afrique centrale est due à
l’usage abusif des ressources. Ceci entraine des taux de croissance de
productivité des facteurs médiocres. La performance de la productivité
des facteurs caractérisent en majorité ceux des pays ayant réalisé des
gains de changement technologique supérieurs aux gains d’efficacité
technique.
Les résultats susmentionnés peuvent être enrichis par d’autres re-
cherches. Ces perspectives pourraient envisager l’analyse de la perfor-
mance économique et la productivité économiques des facteurs de pro-
duction sous un angle microéconomique.

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ronmental efficiency evaluation based on data envelopment analysis : A
review. Renewable and Sustainable Energy Reviews, 16, 4465-4469.
33. TONE, K. (2001). A slacks-based measure of efficiency in data envelop-
ment analysis. European Journal of Operational Research, 130, 498-509.
34. WOO, C., CHUNG, Y., CHUN, D., SEO, H. & HONG, S. (2015). The
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Energy Reviews, 47, 367-376.

Lubilanji  Revue interdisciplinaire de l’U.O.M. - 2023 [1]


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Performance économique et efficacité de la productivité des facteurs de production en Afrique

35. ZAIM, O. & TASKIN, F. (2000). Environmental efficiency in carbon di-


oxide emissions in the OECD : A non-parametric approach. Journal of
Environmental Management, 58, 95-107.
36. ZHOU, P. & ANG, B. W. (2008). Linear programming models for mea�-
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37. ZHOU, P., ANG, B. W. & POH, K. L. (2006). Slacks-based efficiency
measures for modeling environmental performance. Ecological Economics,
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38. ZHOU, P., POH, K. L. & ANG, B. W. (2007). A non-radial DEA ap�-
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40. ZHOU, P., ANG, B. W. & POH, K. L. (2008b). Measuring environmen-
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41. ZHOU, P., POH, K. L. & ANG, B. W. (2016). Data envelopment analysis
for measuring environmental performance. In S. N. HWANG, H. S. LEE
& J. ZHU (Eds.), Handbook of operations analytics using data envelopment analysis
(pp. 31-49). New York, NY : Springer.
42. ZOFÍO, J. L. & PRIETO, A. M. (2001). Environmental efficiency and
regulatory standards : The case of CO2 emissions from OECD industries.
Resource and Energy Economics, 23, 63-83.

Résumé — Cet article analyse la performance économique des pays africains. L’étude
porte sur la productivité des facteurs et ses composantes. Elle considère au finish 43
pays africains. La période d’étude s’étale de 1984 à 2016. L’étude procède par la mé-
thode d’analyse de l’enveloppement des données (DEA). Celle-ci est une approche en
panel. Cette approche a permis de dégager les résultats qui suivent. La productivité
totale des facteurs dans ces pays s’est détériorée au taux annuel moyen de 1,3 %. La
performance économique est corrélée positivement à l’efficacité de la productivité des
facteurs. L’utilisation abusive des ressources engendre une contre-performance des
pays de l’Afrique centrale. Elle entraîne des taux de croissance de productivité des fac-
teurs médiocres. Les pays ayant atteint une performance de productivité des facteurs
sont en majorité ceux qui ont enregistré des gains de changement technologique supé-
rieurs aux gains d’efficacité technique. D’où, la nécessité d’une politique économique
axée sur la rationalisation des facteurs de production basée sur la stratégie d’industria-
lisation diversifiée.

Économie  Lubilanji
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Germain Lubanza Ngoma et Bongongo Aloma

Mots clés : Efficacité - Productivité - Facteurs de production - Méthode DEA - Perfor-


mance économique.

Abstract — This article analyses the economic performance of African countries.


The study focused on the productivity factor and its components. Based on data
from 43 African countries recorded from 1984 through 2016, this article uses the
data envelopment analysis (DEA) method to achieve the aim. The results show that
total factor productivity in these countries deteriorated at an average annual rate of
1.3 %. In addition, economic performance seemed to be correlated positively with
factor productivity efficiency. The misuse of resources led to poor performance in
Central African countries, which resulted in poor factor productivity growth rates.
Countries that achieved great performance factor productivity recorded technological
change gains over technical efficiency gains. Therefore, an economic policy focused
on the rationalization of the factors of production based on the strategy of diversified
industrialization is needed.
Keywords: Efficiency - Productivity - Production factors - DEA method - Economic
performance.

Cikosu — Kakanda aka kadi kajoja buneema bwa bubanji bwa matunga a
mukwa-mufika. Kadi kashindamena pa biledi bya bubanji mu kabujima ne mu bitupa
byabi. Tudi batangila nangananga matunga makumi anayi ni asatu a mukwa-mufika,
mu cipolu cya 1984 too ni ku 2016. Tudi balonda njila wa dilonga musebela kudi Data
Envelopment Analysis (DEA), ne tudi bafika ku bipeta ebi : bifidi bya bubanji mu matun-
ga aa binyanguka pa bya lukama 1,3 ku cidimu. Bwa butuluaavi, ditanta dya bubanji
ndinyaku mu matunga a Afrika wa pa nkatshi, bufikisha ku bipeta bibi. Matunga adi
matancisha bubanji bwawo, amu adi maya kumpala mu bukebikebi bwa mushindu
wa kushintulula maneema adibo nawu. Nanku, bwa kutancisha mabanji, bidi biken-
gela bwa matunga atabaleela mudimu wa bukebikebi ne dyasa dya byapu ni matanda
mashilashilangana.
Bishimbi meeyi : Bulenga anyi buimpa - Bubanji - Biledi bya bubanji - Njila wa
« DEA » - Bipeta bilelela bya mabanji.

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LA SCOLARITÉ AU PRIMAIRE
FACE AU SYSTÈME ÉDUCATIF CONGOLAIS
REGARD CRITIQUE SUR LES ÉVIDENCES STATISTIQUES DU KASAÏ ORIENTAL

Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi 1


Professeur à la Faculté de Sciences sociales
Université officielle de Mbujimayi

Introduction
Plusieurs années durant, la République Démocratique du Congo a
laissé son système éducatif s’accrocher sur un partenariat de gestion des
écoles publiques, qui a littéralement placé le gouvernement en marge de
ses responsabilités. L’État congolais en effet, s’était longtemps appuyé
sur un partenariat confiant aux réseaux religieux la responsabilité de
gérer ses écoles. Plus encore, il a vu laissé ses écoles dépendre largement
du financement des ménages.
Cette passivité de l’État, mieux cette irresponsabilité de l’État
congolais, a laissé quasiment indifférents plusieurs gouvernements qui
s’étaient succédé dans la gestion du pays, alors que de par le monde, la
tendance qui se généralisait obéissait plutôt à la politique de la prise en
charge effective de l’éducation de base par l’État.
L’entrée effective en vigueur en 2019 de la gratuité de la scolarité
au primaire dans les écoles publiques, a redonné du tonus au système
éducatif congolais en général et à celui du Kasaï Oriental en parti-
culier. Dans cette province, un regard sur les statistiques, montre que
le nombre d’élèves a sensiblement augmenté au primaire, soit 426.644
en 2022 contre 230.648 en 2019, quand bien même par le revers de la
médaille les écoles privées subissent un coup dur dans leur existence. De
ce paradoxe, se dégagent sûrement des défis et des perspectives à partir
des leçons à tirer.
De façon globale, l’enseignement primaire, annoncé pour obliga-
toire et gratuit dans les Établissements publics en R.D.C., comme le
stipule la Constitution du pays promulguée le 18 février 2006, n’avait
pas connu d’application immédiate depuis cette date. Même quatre ans

1.  tshipinda2014@gmail.com.

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Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi

après lorsque le Chef de l’État de l’époque avait vivement manifesté


l’ardent désir de matérialiser son vœu en donnant à son gouvernement,
le 30 août 2010, à la veille de la rentrée scolaire 2010-2011 des instruc-
tions fermes à ce sujet, l’application attendue n’a donné en réalité aucun
résultat souhaité.
C’est plus ou moins dix ans plus tard que la gratuité inscrira ses
lettres d’or dans les annales de l’histoire du système éducatif congolais.
Bien des brèches restent cependant à colmater dans le déroulement du
processus conduisant à l’application effective de cette providentielle po-
litique publique gouvernementale longtemps attendue.
La Province du Kasaï Oriental, avec ses deux provinces éduca-
tionnelles, a vu certes la gratuité produire des effets considérables avec
des effectifs scolarisés qui ont connu une croissance remarquable. Mais
d’autres problèmes de divers ordres ont concomitamment surgi et per-
sistent à tel enseigne qu’un diagnostic mérite d’être posé autour du ca-
ractère obligatoire fondé sur le droit de l’enseignement de base qui se
veut par ailleurs gratuit, et ce en considération des statistiques qui dé-
coulent de l’analyse à faire.
Au-delà de toute considération partisane et émotive, force est de re-
tenir que l’enseignement primaire en RDC est bel et bien gratuit ; cette
gratuité a déjà plus ou moins trois ans de vie et cherche à confirmer
qu’elle est un droit, une obligation et un principe qui a des fondements
d’ordre juridique 2.
La présente étude qui scrute la gratuité de l’enseignement public en
R.D. Congo en général mais en touchant spécifiquement la Province du
Kasaï Oriental, plonge essentiellement sa perception sur des chiffres, et
adopte pour cela une triple démarche.
1° elle jette « un regard liminaire sur la politique de gratuité de l’ensei-
gnement primaire en RDC »;
2° elle opère un état des lieux de l’enseignement maternel et primaire
au Kasaï Oriental, en faisant d’emblée le constat qu’un pas a été
allègrement franchi;

2. L. Tshipinda Kasonga, « La gr at uit é de l ’enseignement pr imair e en RDC :


un principe et une obligation fondée sur le droit », Communication faite au Col-
loque Scientifique organisé par l’ISP/Mbujimayi, avec comme thème central « Écoles
publiques et privées en contexte de la gratuité de l’enseignement primaire public :
diagnostic, perspectives d’avenir et les défis de la mise en place d’un ordre éducatif
solidaire au Kasaï Oriental », Mbujimayi, le 22 août 2022.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

3° enfin, en circonscrivant les évidences chiffrées de la scolarité à


l’école publique et à l’école privée en contexte de la gratuite de
l’enseignement primaire au Kasaï Oriental.

1. Regard liminaire sur la politique de gratuite de


l’enseignement primaire en RDC
Ce n’est pas en 2019 qu’a été évoquée pour la première fois la ques-
tion de la gratuité de l’enseignement dans notre pays. La nécessité de
rendre gratuit l’enseignement, notamment l’enseignement au niveau de
l’éducation de base, avait toujours constitué la préoccupation des gou-
vernants congolais, depuis l’indépendance. Alors dans quel contexte de
justification ont été posées véritablement les bases de cette politique ?
Comment appréhender avec exactitude la politique de gratuité de l’en-
seignement ?
Nous tenterons de réponde à ces deux questions dans le premier
grand axe qui suit de cette analyse.

1.1. Contexte de justification de la politique de gratuité en RDC


Jusqu’il n’y a pas longtemps, la République démocratique du Congo,
notre pays, comme l’affirment Scherezad Latif et Melissa Adelman 3,
restait l’un des rares pays au monde où l’enseignement public n’était
pas gratuit. Dans la mesure où le système éducatif congolais qui était
de mise durant toute cette longue période était piloté par un drôle de
partenariat qui rendait l’État très passif sinon démissionnaire face à ses
responsabilités. En effet, par un partenariat « État-Église », l’État congo-
lais avait choisi de s’appuyer sur l’église pour gérer son système éducatif.
À cette époque, et par ce choix, l’État congolais avait opté pour une
politique qui laissait libre court aux frais de scolarité qui avaient été
initialement introduits dans les années 1960 ; ceux-ci avaient continué
à couvrir les salaires des enseignants et les coûts de fonctionnement des
écoles, suite à une réduction drastique du financement public de l’édu-
cation et à des grèves successives des enseignants.

3.  Scherezad Lat if et Melissa Adel man, « Gr at uit é de l ’enseignement pr i-


maire en RDC : où sommes-nous sur la voie de la réforme », In blogs.worldbank.
org, 3 août 2021, publié sur Éducation for global Développement.

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Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi

En clair, ce sont les églises qui géraient le secteur de l’enseignement


à une échelle de plus de 80 %, pendant que les familles et les ménages
supportaient les frais de scolarité de leurs enfants.
Certes que ce partenariat « Gouvernement-Église » avait amené le
taux de scolarisation de nos enfants à plus de 78 % ; mais négativement
le pays gardait la 2e place du taux de pauvreté le plus bas au monde.
Toujours sous cet angle d’analyse des faits, particulièrement sous celui
de la sexospecificité, des inégalités avaient été perçues dans la scolarisa-
tion : 24 % seulement des filles rurales. De même, la prise en charge des
écoles dépendant fortement du financement des ménages, continuait à
maintenir longtemps nombre d’enfants en dehors de l’école.
Face à cette démission visible de l’État qui rendait incertain le sort
de l’enfant congolais ainsi que son avenir, le même État congolais sous
le règne du Président Félix Tshisekedi Tshilombo, et après des tentatives
formellement infructueuses des régimes précédents, décréta la politique
de la gratuité. Le Président Félix Tshisekedi 4 justifia cette option par sa
volonté de placer « l’homme congolais au centre de sa politique ». Cet
homme, argua-t-il, « doit être formé afin qu’il soit un véritable agent de
développement. L’accès à l’éducation, à cause de son coût, a entraine
un taux de déscolarisation très élevé des jeunes congolais ». Pour pallier
à cette difficulté, le président ordonna la mise en œuvre de la gratui-
té de l’enseignement primaire dans les établissements, et ce, se confor-
mant ainsi aux prescrits de la constitution du pays qui, en son article
43 stipule : « toute personne a droit à l’éducation, il y est pourvu par
l’enseignement national. L’enseignement national comprend les établis-
sements publics et les établissements privés. Les parents ont droit de
choisir le mode d’éducation à donner à leurs enfants. L’enseignement
primaire est obligatoire et gratuit dans les établissements publics. » C’est
donc dans ce contexte bien circonscrit que l’option a été clairement
levée afin que plus ou moins 2.500.000 enfants à l’âge d’être scolarisés
soient retournés à l’école, grâce à un programme de la gratuité de l’en-
seignement de base en République Démocratique du Congo.

4. F. Tshisekedi Tshil ombo, Discours à la nation, Palais du peuple, décembre


2019.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

1.2. Signification de la politique de la gratuité de l’enseignement de


base face à une perception sociale paradoxale
Que signifie « gratuité de l’enseignement », cette politique que le
gouvernement congolais a jugé comme étant la cure de jouvence pour
croiser l’idéal du deuxième objectif des huit objectifs du millénaire pour
le développement, fixés à l’échelle mondiale en matière d’éducation et
de scolarisation des enfants ?
Pour le nouveau pouvoir congolais, la gratuité est une véritable po-
litique publique d’éludation des frais de scolarité, d’entrée et de main-
tien des enfants à l’école. Par cette politique, on évite aux enfants de
traîner à la maison et de faire l’école buissonnière.
Avec la gratuité, on contourne le financement des ménages et les
inégalités dans l’insertion scolaire. On multiplie au contraire les chances
de scolarisation pour tous les enfants sans tenir compte des classes so-
ciales, et donc des niveaux des revenus.
Avec la gratuité, l’heure est venue pour la RDC d’empêcher les
enseignants de réduire leurs élèves en source idéale d’une main d’œuvre
assurée, sans beaucoup d’efforts pour l’exécution des travaux de leurs
champs et d’autres charges domestiques leur permettant d’arrondir
les angles difficiles et trop pesant de leur pouvoir d’achat rendu trop
faible et précaire du fait d’un salaire minable leur dû par leur employeur
qu’est l’État.
L’État congolais qui a fait de cette politique son cheval de bataille,
a de manière simple défini la gratuité comme étant « la prise en charge
par l’État des frais de scolarité de l’éducation de base dans les établisse-
ments publics. » 5
Bernard Toulemonde simplifie d’avantage la compréhension qu’on
peut se faire de ce concept. Il déclare en effet, que la gratuité de l’ensei-
gnement signifie « que la prestation de service, en l’occurrence, l’ensei-
gnement dispensé par les maîtres, ne fait l’objet d’aucune contrepartie
financière de la part des usagers du service public » 6.
En des termes plus simples, comme l’avait clairement dit le Pré-
sident Félix Tshisekedi Tshilombo 7 lors de son discours à la Nation en

5.  Article 7, point 18 de la Loi-Cadre n° 14/004 du 11 février 2014 de l’ensei-


gnement national.
6. Toulemonde Bernard, La gratuité de l’enseignement ; passé-présent-avenir, rapport,
Ministère Français de l’éducation nationale, 1er trimestre 2002.
7. F. Tshisekedi Tshil ombo, Discours à la nation, Palais du peuple, décembre
2019.

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Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi

2019, la gratuité de l’enseignement primaire consiste en la suppression


de tous les frais de scolarité payés par les parents.
La circulaire 2022-2023 du ministre de l’Enseignement primaire,
secondaire et technique qui place l’année scolaire 2022-2023 sous le
signe de poursuite des efforts pour la consolidation et pérennisation de
la gratuité, spécifie clairement les frais qui sont supprimés. Il s’agit du
minerval, d’assurance scolaire, des frais de bulletin scolaire, des frais de
participation à l’ENAFEP ; et des frais d’identification et de suivi infor-
matisée des élèves ; tous ces frais ne doivent plus être payés par les élèves
du primaire des établissements publics d’enseignement.
On comprend aisément que la gratuité instaure ipso facto un droit en
faveur de l’élève lui permettant d’étudier et en même temps de disposer
des ressources pour ce faire. Et pour que cela soit possible, il faut que
d’autres composantes, essentiellement autres que la famille, endossent
la responsabilité des charges à assumer à cet effet. Pour rappel, ces com-
posantes partenaires, sont, outre l’État, les entreprises et certains dona-
teurs partenaires extérieurs.

2. État des lieux de l’enseignement au Kasaï Oriental.


De la maternelle au secondaire : un pas allègrement
franchi
Cet état des lieux se fera sous deux angles essentiellement, à savoir
la brève présentation du Kasaï Oriental comme entité administrative,
avec un regard particulier sur des aspects influant sur l’éducation et le
Kasaï Oriental dans sa composante éducationnelle.

2.1. La Province administrative du Kasaï Oriental, vue au regard de ses


autres secteurs.
La Province du Kasaï Oriental est la toute petite province de la
République Démocratique du Congo, cela est bien connu de tous. Elle
est issue du démembrement de 2015 qui lui a permis de se départir des
Provinces de la Lomami et du Sankuru qui désormais sont ses voisines
avec lesquelles elle fait limite. Elle a aussi des limites avec la Province
du Kasaï Central. Elle n’a par contre aucune frontière avec un pays
étranger. Elle ne bénéficie donc d’aucune transaction frontalière avec
des pays étrangers.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

Petite, cette province l’est dans sa spécificité spatiale ; mais elle a


aussi ses particularités et ses problèmes à divers autres aspects, comme
celui de l’économie ou même celui de l’éducation, une autre réalité, la-
quelle s’accompagne parfois d’un conglomérat d’aléas et des paradoxes.
Vu sur le plan économique, elle est une province agro-pastorale
disposant des étendues de terres arables pour la production tant vivrière
que maraîchère et même pérenne. Il faut ajouter à ces atouts l’élevage
du gros et du petit bétail. Mais au-delà de tout, l’activité de diamant
a provoqué un attrait tel que les autres secteurs de la vie sociale ont
été largement influencés, et même parfois négativement. C’est sous cet
angle que le secteur éducationnel apparait, avec une communauté, celle
des élèves et aussi celle des enseignants, restant très tournée vers les ac-
tivités d’exploitation de diamant et parfois aussi vers celles agricoles, et
au finish, une disponibilité très segmentée dans le processus d’appren-
tissage, d’instruction et d’acquisition des connaissances
La présence des multiples enfants dans les mines est l’autre défi
auquel doit faire face les pouvoirs publics dans leur combat en faveur de
l’éducation pour tous. L’école dans les milieux où l’odeur du diamant
est très forte que la pesanteur de l’instruction, n’apparaît pas comme
une priorité, affirme Augustin 8. Celui-ci va jusqu’à se poser la question
de savoir si « évoluer dans un environnement minier serait synonyme de
finir creuseur ». Il semble répondre par l’affirmative, du moins pour la
province du Kasaï Oriental, où l’entourage des enfants qui veulent et
peuvent aller à l’école les décourage en disant que l’école ne donne pas
l’argent. C’est à croire que « les stigmates du mépris et de la révolte face
à l’école tant moderne que traditionnelle et à leurs valeurs respectives »
continuent à être perceptibles et vivaces, un peu comme à la fameuse
époque du citantisme où le « fualansa » n’était pas le « fualanga » (voulant
dire que « le français et l’instruction ne valent pas l’argent ») 9.
Déjà au départ, la conception que les uns et les autres ont de la
gratuité de l’enseignement ne permet pas à tous d’avoir le même enten-
dement quant à ce. C’est là une véritable problématique qui enveloppe
la question.

8.  AUGUSTIN, « Enfants dans les mines : un véritable fléau à éradiquer », In


Ponabana RDC, Blog des jeunes, 28 février 2021.
9. Lire Kambayi Bwat shia et Mudinga Mukendi, Le « Cit ant isme au cœur de
l’évolution de la société luba Kasaï, (sens et non-sens d’une mentalité) », Kinsha-
sa, Les Auteurs, 1991, pp. 120-121.

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Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi

Car en effet, la logique qui met l’État devant ses responsabilités en


voulant épargner les parents et les élèves des charges des frais de scola-
rité n’est pas perçue de la même manière par les communs des mortels.
Disons d’emblée qu’il ne faudrait jamais oublier que l’affranchisse-
ment des parents des frais identifiés de scolarité de leurs enfants, ne les
affranchit pas pour autant de leurs charges naturelles.
Nombre de parents ne voient pas les choses dans le sens de cette
logique pourtant si facile à croiser. ; eux, ils voient plutôt les choses au-
trement. C’est le cas d’une situation dénoncée par un Directeur d’une
école primaire à Mbujimayi 10, qui affirme : « Certains parents ont mal
appréhendé la notion de la gratuité. Ils croient que, pour le moment,
ils ne peuvent plus rien acheter à leurs enfants; c’est pour cela qu’ils
les amènent sans rien à l’école. » Quand vous leur posez la question de
savoir pourquoi ils amènent les enfants à l’école sans cahiers, stylos ni
uniformes, ils vous répondent : « Mfumu wa ditunga muamba ne kalasa kadi
cianana, nudi nu keba ni tu sumba kabidi cinyi ? » « Le chef de l’État a dit que
l’école est gratuite, que voulez-vous qu’on achète encore ? ».
À ce propos, l’Institut International de Planification de l’Éducation,
en ironisant, rappelle que « même dans les pays où le principe semble
désormais ancré, la gratuité de l’éducation n’implique pas que les dé-
penses privées soient nulles » 11. Et d’ajouter : « en ce sens, la gratuité
de l’éducation est un vœu pieu et s’arrête bien souvent à la gratuité de
l’enseignement. Elle n’exclut généralement par certains coûts tels que
ceux liés au transport, à l’uniforme, à la participation à l’association des
parents, etc. » 12.
Le secteur éducatif du Kasaï Oriental porte quelques caractéris-
tiques qui ont jusque-là dominé, même au lendemain de la gratuité.
ACCELERE 13 note pour nous notamment que les écoles privées ont
été plus nombreuses que les écoles publiques ; elles peinent à subsister
au point de chercher à rejoindre le réseau conventionné ;la société civile
est relativement plus faible qu’ailleurs. Les syndicats des enseignants et

10. M. Shokola Djoma, « Gr at uit é de l ’enseignement en RD Congo. Pour


quelle place des enfants en situation difficile dans un État de droit ? », In REAF-
CU, vol. 1, n° 20, avril 2021, p. 111.
11.  Institut International de Planification de l’Éducation, « L’enseigne-
ment gratuit : quelle conséquence pour la qualité ? » http://unesco.org/images
/0015/001501/150188f.pdf.
12.  Ibid.
13. ACCELERE, Op. cit., p. 2.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

les comités des parents ne sont pas unis dans leurs revendications ; il y
a peu de communication entre les différents réseaux ; la bancarisation
est source de problèmes : les enseignants parcourent toujours de longues
distances pour collecter leurs salaires.
Au regard de tout ce qui précède, le système éducatif du Kasaï
Oriental reste confronté à plusieurs réalités d’ordre aussi bien social que
culturel et autre économique et doit saisir l’opportunité qu’offre la po-
litique de gratuité de l’enseignement pour relever les défis essentiels en
matière de l’éducation.
Quelques chiffres pris à titre indicatif sont révélateurs des efforts à
ce jour déployés et de la tendance vers l’amélioration. Cette province
dispose de deux provinces éducationnelles : la Province éducationnelle
Kasaï Oriental I qui a son siège à Mbujimayi et celle du Kasaï Oriental
II ayant son siège à Kena Nkuna à Kabeya Kamuanga.
La gratuité de l’enseignement a néanmoins produit des effets consi-
dérables dans les deux provinces éducationnelles. Si nous faisons juste
l’évaluation par rapport aux effectifs des élèves scolarisés, il nous est
facile de relever des augmentations notables quant à ce.

2.2. Les provinces éducationnelles dans la Province administrative


du Kasaï Oriental
La Province du Kasaï Oriental, version 26 provinces, héberge effec-
tivement en son sein deux provinces éducationnelles à savoir le Kasaï
Oriental I et le Kasaï Oriental II.

2.2.1. La Province éducationnelle du Kasaï Oriental I


Le Kasaï Oriental I est la grande province éducationnelle de la
Province administrative du Kasaï Oriental ; elle est celle qui a naturel-
lement donné naissance à la deuxième province. Elle est composée de
trois territoires, Katanda, Lupatapata, Tshilenge et d’une ville, la Ville
de Mbujimayi. Cette dernière entité est le siège administratif de la di-
rection provinciale.
Cette direction provinciale de l’EPST dispose de 11 bureaux, de
8 Sous-divisions dont trois installées dans la Ville de Mbujimayi et six
Coordinations provinciales des Écoles conventionnées, une Coordi-
nation Diocésaine et 11 Coordinations Communautaires. À côté de
chaque Sous-division se trouve une antenne du Service de Contrôle de

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Paie des Enseignants (SECOPE) et 8 Antennes Sous-Provinciales du


Service National d’Identification des Élèves (SERNIE).
Quant aux directions provinciales, naturellement aux côtés de la
direction provinciale de l’EPST, se trouvent l’Inspection Principale Pro-
vinciale (IPP), une direction provinciale du SECOPE, une Direction
provinciale du SECOPE (DIPROSEC).
Il va sans dire que nombre de partenaires éducatifs appuient la
province éducationnelle dans la réalisation de ses objectifs. Aujourd’hui
nous remarquons la présence des associations des parents d’élèves (ANA-
PECO, APEP, APEEKI), des associations des Écoles privées agréées
(ASSONEPA, CEPACO, UNEPA et UPEPAC), les syndicats (SYECO,
SEC, SYNECAT) et des Agences du Système de Nations Unies et des
internationales (UNICEF, ENABEL, BAD, PRISE).
La Province éducationnelle du Kasaï Oriental I aligne au total
1581 écoles, tous niveaux confondus, 13.004 classes et 559.265 avec
un taux de scolarisation de 34,33 %, dont 62 % au primaire et 38 %
au secondaire. Les niveaux maternel et primaire présentent les détails
répartis de manière synoptique suivante :

Type Écoles publiques Écoles privées


Niveau Écoles Classes Garçons Filles Écoles Classes Garçons Filles
Maternelles 44 93 1923 1373 83 165 2411 2291
Primaires 346 2732 101811 78907 602 4684 92430 92256
Total 400 2825 103734 80280 685 4849 94841 94547

2.2.2. La province éducationnelle du Kasaï Oriental II


Le Kasaï Oriental II est la deuxième province éducationnelle de
la province administrative du Kasaï Oriental, une province qui n’a
que deux ans d’existence depuis sa création. Elle s’implante sur 2 ter-
ritoires, à savoir le territoire de Kabeya Kamuanga et celui de Miabi,
avec comme siège de sa direction à Kena Nkuna, dans le Territoire de
Kabeya Kamuanga.
Cette jeune province éducationnelle n’a que quatre sous-divisions,
équitablement réparties entre les deux territoires, avec la présence des
directions provinciales des autres services techniques (IPP, SECOPE et
SERNIE) aux côtés de la direction provinciale de l’EPST, autant qu’il y
en a dans la province éducationnelle du Kasaï Oriental I.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

Les partenaires éducatifs ANAPECO, APEP, APEEKI ou les as-


sociations des Écoles privées agréées comme ASSONEPA, CEPACO,
UNEPA et UPEPAC ainsi que les syndicats (SYECO, SEC, SYNECAT)
sont bel et bien présents dans cette nouvelle province éducationnelle.
Mais il y a lieu de déplorer à ce jour l’absence des Agences du Sys-
tème de Nations Unies et des ONG internationales comme l’UNICEF,
ENABEL ou BAD, alors qu’elles sont présentes non loin de là, dans la
première province éducationnelle.
La Province éducationnelle du Kasaï Oriental II se constitue à
peine avec 99 écoles au total, disséminées sur les 2 territoires, tous ni-
veaux confondus, avec 752 classes et 172.600 élèves. Avec ces chiffres
et le besoin s’étant fait ressentir d’occuper les enfants à l’école, la pro-
vince réalise un taux remarquable de scolarisation soit 59 %. La gratuité
a permis ainsi de battre tous les records au primaire dans la province
éducationnelle, avec un taux de scolarisation de 87 % tandis qu’au se-
condaire 73 % de ce taux a été glané, c’est qui est remarquable. Le
tableau qui suit nous renseigne davantage sur le bon score obtenu dans
la scolarité depuis l’instauration de la gratuité, notamment aux niveaux
maternel et primaire.

Type Écoles publiques Écoles privées

Niveau Écoles Classe G F Écoles Classe G F


Maternelles 1 1 19 21 3 3 68 81
Primaires 62 478 19611 37962 3 18 810 720
Total 63 480 19630 18372 6 21 878 801

3. Les évidences chiffrées de la scolarité à l’école


publique et à l’école privée en contexte de la gratuite
de l’enseignement primaire au Kasaï Oriental
Les évidences dont ici question touchent les effets induits de la po-
litique de la gratuité de l’enseignement en RDC, l’évolution de l’école
publique dans le processus de la gratuité de l’enseignement dans la Pro-
vince du Kasaï Oriental ainsi que le sort de l’école privée au lendemain
de la gratuité de l’enseignement au Kasaï Oriental

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3.1. Les effets induits de la politique du Gouvernement congolais dans


le processus de la gratuité de l’enseignement
La gratuité de l’enseignement est l’un des défis, sinon le pari, et
le pari majeur, à absolument gagner par le Gouvernement congolais,
en l’occurrence le Gouvernement du Premier Ministre Sama Lukonde.
Cette politique avait été lancée depuis le 02 septembre 2019 par d’autres
gouvernements qui avaient précédé celui-ci. Mais à ce Gouvernement
(celui de Sama Lukonde), ont été exigés des efforts encore et toujours
plus hardis pour consolider le système éducatif congolais. La démons-
tration en avait été faite lors de la présentation des prévisions budgé-
taires 2022-2023.
En effet, le budget national, présente un projet dont le contour né-
cessite la mobilisation de 2,9 milliards de dollars par an. Quant à la part
consacrée à l’enveloppe salariale des enseignants, celle-ci a connu une
hausse de près de 50 %, à la lumière de la présentation faite à l’Assem-
blée nationale le vendredi 28 octobre 2022 par le Premier Ministre du
gouvernement national.
Comparativement aux situations d’avant la gratuité, le budget
global du gouvernement national lui-même donnait peu de place au
secteur de l’éducation, particulièrement au sous-secteur de l’EPST. En
effet, en 2010 par exemple, la part du budget alloué à l’éducation ne
représentait que 7,78 % et 5,20 % pour le sous-secteur de l’EPST ; la
situation a évolué positivement jusqu’à atteindre 11,81 % au niveau na-
tional et 8 ;88 % au niveau du sous-secteur de l’EPST en 2017 ; 18,3 %
et 12,5 respectivement pour le secteur et le sous-secteur en 2019 14.
Il est clair qu’avant l’avènement effectif de la gratuité, « depuis
2012, la part du budget alloué à l’éducation est restée stable autour de
11 %, alors que le secteur a connu dans le même temps une forte aug-
mentation de la population scolarisable, avec un accroissement moyen
estimé à 45.800 élèves chaque année, qui amène un besoin accru en
infrastructures, en équipement et en ressources humaines ». 15

14.  « La gestion des finances publiques : évolution et défis sur la période 2017-
2018 », Policy Brief, p. 2.
15.  Ibid.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

Les efforts déployés par le Gouvernement pour consolider le sys-


tème éducatif congolais, et ce en marge de la gratuité, peuvent être
appréhendés sous quatre angles qui ont conduit, de 2019 jusqu’au-
jourd’hui, à l’augmentation du nombre d’écoles, qui est passé de 41.739
à 64.889 écoles, soit une montée en flèches de l’ordre de plus ou moins
55 %.
À ce point de vue, on peut saisir la portée de ces efforts en éva-
luant les écoles prises en charge par le Trésor public, les élèves pris en
charge par la gratuité, les écoles construites par le Gouvernement ainsi
que la proportion des enseignants engagés consécutivement aux besoins
suscités par la politique de la gratuité. À ce propos, quatre graphiques
rendent compte de manière synoptique de l’engagement du Gouverne-

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ment 16, l’ancienne situation d’avant la gratuité en comparaison à celle


d’après la gratuité.

Commentaires
— Il ressort clairement de ces quatre tableaux, que le système éduca-
tif congolais a sensiblement connu une montée significative à plus
d’une situation. Tel est le cas du nombre d’écoles prises en charge
par le trésor public. En effet, depuis qu’il avait été décrétée la gra-
tuité de l’enseignement dans notre pays, 64.889 écoles publiques
sont prises en charge par le trésor public contre 43.739 seulement
avant la gratuité, soit une évolution de l’ordre de 48,35 %.
— Conséquemment, 20,4 millions d’élèves sont désormais pris en
charge par la gratuité, alors qu’avant 14,3 millions seulement
l’étaient soit 42,85 %. Il en ainsi du côté des enseignants, ceux-ci, en
nombre déjà remarquable sont partis de 410,3 mille pour atteindre
le chiffre de 676,5 mille enseignants engagés par l’État soit 39,34 %.
Au total 4 millions d’élèves supplémentaires ont regagné le che-
min de l’école, alors que plus ou moins trois ans plutôt 2,5 millions
d’entre eux avaient été récupérés dès l’entame de la gratuité.

3.2. L’évolution de l’école publique dans le processus de la gratuité


de l’enseignement dans la Province du Kasaï Oriental : forces,
faiblesses, opportunités et menaces
Le secteur de l’éducation dans la Province du Kasaï Oriental est
naturellement qualifié de secteur en difficulté, par ACCERLERE 2 17,
tant des signaux très alertes se font jour, surtout en ce qui concerne
l’accès à une éducation de qualité ; son financement dans le budget pro-
vincial n’est pas à la hauteur des enjeux, car subissant des contraintes
énormes de nature diverse. La part du budget allouée par le gouverne-
ment provincial au secteur de l’éducation tournait jusqu’à une époque
récente autour de 2 %, ce qui est manifestement insignifiant, si on consi-
dère la place qu’occupe l’éducation dans le programme du Président de
la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo.

16.  « Gratuité de l’enseignement : comprendre les efforts de l’État congolais en


quatre graphiques », Media Congo, 1er novembre 2022.
17.  ACCELERE 2, Kasaï Oriental, financement de l’éducation en RDC : les
enjeux d’un secteur en difficulté.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

Quoiqu’il en soit, la détermination du gouvernement de la répu-


blique semble prendre le dessus sur les faiblesses du pouvoir provincial.
Quelques chiffres déroulés sur l’ascension de l’école publique au Kasaï
Oriental nous édifient à ce sujet.

Situation évolutive des élèves dans les écoles


primaires du secteur public au Kasaï Oriental
Année Effectifs
2019 -2020 230.648
2020 -2021 307.958
2021 -2022 426.644

Situation évolutive des enseignants dans les


écoles primaires du secteur public au Kasaï
Oriental
Année Effectifs
2018 -2019 652
2019 -2020 869
2020 -2021 864
2021 -2022 1018

Le moins que l’on puisse faire comme analyse panoramique des


effets induits de la politique de gratuité de l’enseignement au Kasaï
Oriental, c’est de ressortir les forces, les faiblesses, les opportunités sans
oublier les menaces qui se dégagent de cette politique.
Comme forces, il faudrait remonter aux objectifs assignés dès le
départ à la gratuité. La gratuité vise entre et autre la réduction du
taux d’analphabétisme, cela a conséquemment pour résultats attendus
d’augmenter le taux de scolarité. À ce jour le taux de scolarité, avec
la récupération exponentielle des enfants qui traînaient en dehors des
salles de classes s’élève à 74 % pour l’ensemble des deux provinces soit
62 % dans le Kasaï Oriental I et 87 % dans le Kasaï Oriental II ; cette
deuxième province éducationnelle est essentiellement située dans le mi-
lieu rural où la déperdition scolaire est généralement forte du fait que
les enfants se transforment facilement en accompagnateurs de leurs pa-
rents dans les champs, soit qu’ils affichent nombreux leurs présences
dans les mines, soit encore qu’ils ne savent pas aller à l’école du fait de la
pauvreté avérée de leurs parents. C’est ici que comme un deuxième ob-
jectif à atteindre, que la gratuité apparait comme une autre force réelle,

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dans la mesure où elle allège véritablement la charge d’une proportion


sociale très importante des parents pour la scolarisation de leurs en-
fants. Car en effet, jadis ces parents étaient obligés de prendre en charge
non seulement les frais d’études de leurs enfants mais encore celle des
enseignants. Il va sans dire qu’en cela, ils ont par ailleurs la possibilité
d’économiser une partie de leurs ressources naturellement maigres et de
pouvoir les affecter ailleurs pour d’autres besoins vitaux.
Au-delà de tout, sur un plan strictement de droit, la gratuité de-
meure une force, dans la mesure où l’accès à un enseignement primaire
universel et gratuit constitue une des principales composantes du droit
à l’éducation et des aspects juridiques liés à ce droit fondamental. Cette
exigence (de la gratuité de l’enseignement primaire) est bel et bien pré-
sente dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
La gratuité au Kasaï Oriental ne présente pas que des forces ; elle
accuse aussi des faiblesses. Sa grande faiblesse est le débordement,
mieux, le surpeuplement de manière inattendue des classes, loin de ré-
pondre aux standards internationalement admis. Cela risque d’impac-
ter négativement sur la qualité des services attendus, comme le stipule
un rapport de l’UNESCO de 2006 : « les classes à large effectif sont
souvent perçues comme l’un des principaux obstacles majeurs à l’amé-
lioration de la qualité de l’éducation ». L’enseignement des langues dont
le français, si l’on en croit E. Nkalenda 18, subit fortement cet impact
négatif. De même que les effets du surpeuplement s’observent aussi sur
la santé physique et mentale de l’enseignant voire de l’élève, car il y a
risque de la déstabilisation de l’intelligence 19.
La gratuité a été en effet surprise, d’après P. Lumanyisha Mutondo 20,
par le phénomène des classes à gros effectifs à l’école primaire, lequel
a refait surface. Jadis cette moyenne était de 25 élèves, aujourd’hui, on
arrive jusqu’à plus de 80 élèves. Ce phénomène provoquerait la mise en
place de la double vacation.

18.  E. Nkalenda, « Quelle didactique pour l’enseignement du français au pri-


maire dans une classe pléthorique ? », Colloque scientifique organisé par l’ISP/Mbuji-
mayi, Mbujimayi, le 22 août 2022.
19.  S. Fuamba, « Effets de l’enseignement gratuit sur la santé de l’enseignant et
de l’élève dans les écoles publiques primaires de Mbujimayi », Colloque scientifique
organisé par l’ISP/Mbujimayi, Mbujimayi, le 22 août 2022.
20. P. Lumanyisha Mut ondo, « Gestion des cl asses à gr ands effect if s à
l’école primaire », Colloque scientifique organisé par l’ISP/Mbujimayi, Mbuji-
mayi, le 22 août 2022.

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

L’impact négatif que provoque la gratuité du fait du surpeuple-


ment des classes sur la qualité des prestations, se remarque aussi sur les
infrastructures scolaires de base, la disponibilité des manuels scolaires et
le niveau de connaissance des étudiants affirme J. Ntambue Ntambue 21
Quant aux opportunités, la gratuité a donné l’opportunité à plu-
sieurs filles et autres enfants défavorisés d’aller à l’école.
Les menaces qui guettent la gratuité ne sont pas à ignorer. Dès lors
que la qualité des prestations est mise à dure épreuve, les parents qui
tiennent à cela, du reste nombreux, se retournent massivement vers les
écoles catholiques et protestantes où ils pensent tant soit peu retrouver la
qualité ratée de l’instruction dans les écoles officielles, en faveur de leurs
enfants. Ce nouvel eldorado vers ces écoles créée un engouement qui
se transforme en une autre explosion de la population scolaire dans les
écoles conventionnées catholiques ou protestantes, avec tout ce que cela
comporte comme conséquence sur la qualité des prestations attendues.
L’autre menace, c’est le déversement non filtré des enseignants et
administratifs des écoles privées sans profil voulu, dans les écoles pu-
bliques. Leur prestation risque d’impacter négativement sur la qualité
de l’enseignement.

3.3. Le sort de l’école privée au lendemain de la gratuité de


l’enseignement au Kasaï Oriental
Depuis l’avènement de la gratuité, il y a floraison des écoles pu-
bliques du fait de la conversion spontanée des écoles privées en écoles
publiques. La raison majeure de ce changement de statut s’explique par
la déperdition des élèves qui entraine un manque à gagner financier
considérable pour les promoteurs des écoles qui se retrouvent face à des
calculs dont ils ne savent plus maîtriser les contours. Ces promoteurs se
retrouvent par ailleurs dans l’incapacité de payer aux enseignants les
salaires au seuil désormais plus alléchant qui sont payés par l’État. Du
coup, le souci des enseignants d’avoir des salaires stables, réguliers et
permanents hantent leurs esprits au point de basculer globalement vers
les écoles à statut public pour plus de sécurité professionnelle. De leur
côté les promoteurs n’ont plus mieux à faire que de se soumettre à la
loi de la nouvelle et pesante réalité. Aussi, une fois soumise à cette dure
réalité, les promoteurs en profitent pour recruter, qui ses neveux, qui ses

21. J. Ntambue Nt ambue, La gratuité de l’enseignement primaire en République démocra-


tique du Congo, Mémoire de licence en SPA, UOM, 2021-2022, p. 42.

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Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi

enfants, qui encore ses nombreux frères du village, parfois sans profil
requis pour exercer la carrière enseignante.
Celles des écoles qui restent dans le secteur privé, restent en fonc-
tionnant avec des enseignants et des administratifs qui sont mal ou sous-
payés, justement à cause de la réduction d’effectifs des élèves,
Face aux écoles du secteur privé, la gratuité s’est révélée être une
correction nécessaire pour des petites écoles qui fonctionnaient au mé-
pris de toute rigueur, fonctionnant plutôt à la vaille que vaille, faisant
inutilement le nombre sans respect des instructions de mise en matière
d’enseignement. Ces écoles ont été appelées à disparaitre d’elles-mêmes,
pour laisser place à celles qui sont à même d’être plus aguerries, plus
compétitives, plus performantes et plus respectueuses des instructions
en vigueur au pays.
Avec la gratuité, les écoles privées sont désormais averties : le ter-
rain de la compétitivité est ouvert. Pour ce faire, les promoteurs sont
tenus à améliorer la qualité de la formation, à revisiter leurs infrastruc-
tures scolaires et à veiller au renforcement des capacités des enseignants
en vue de leur mise à niveau permanent.
Les écoles privées ont certes aussi bénéficié des avantages de la
gratuité notamment la participation pro deo de leurs élèves candidats à
l’ENAFEP. Par contre, elles subissent au même titre que les écoles du
secteur public, la rigueur des instructions officielles, notamment l’ins-
truction interdisant la vente des uniformes, les objets classiques voire
celles stigmatisant l’éludation des frais connexes.

Conclusion
La Constitution de la République Démocratique du Congo s’est
approprié la déclaration relative à la gratuité telle que décrétée dans
la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, comme étant une
chance de scolarisation pour tous et partout. La constitution elle-même
est appuyée en cela par la loi cadre loi-cadre n° 14/004 du 11 février
2014 de l’enseignement national.
La présente réflexion s’est attelée à analyser les contours chiffrés
susceptibles d’attester de l’effectivité de l’enseignement depuis qu’elle a
été déclarée de gratuit au niveau du primaire en R.D. Congo en général
et dans la Province du Kasaï Oriental en particulier. Un état des lieux
préalable de l’enseignement au Kasaï Oriental a été dressé. Celui-ci ré-
vèle que cette province dispose de deux provinces éducationnelles qui se

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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

sont toutes lancées dans le processus de rendre équitable la scolarisation


de tout enfant en âge scolarisable, grâce à la politique de la gratuité.
En dépit de quelques obstacles de divers ordres qui jonchent la
route pour la matérialisation de la politique de la gratuité de l’ensei-
gnement au Kasaï Oriental, les statistiques manipulées attestent d’une
évolution remarquable. Une des forces relevées à l’analyse est assuré-
ment l’effort qui est déployé sur terrain ayant permis la réduction du
taux d’analphabétisme et l’augmentation du taux de scolarité. À ce jour
le taux de scolarité, avec la récupération exponentielle des enfants sco-
larisables s’élève à 74 % pour l’ensemble des deux provinces soit 62 %
dans le Kasaï Oriental I et 87 % dans le Kasaï Oriental II. Le revers de
la médaille est la grande faiblesse de la gratuité qui se solde par le dé-
bordement, mieux, le surpeuplement de manière inattendue des classes,
loin de répondre aux standards internationalement admis. Cela risque,
avons-nous dit, d’impacter négativement sur la qualité des services at-
tendus, sur la santé physique et mentale de l’enseignant voire de l’élève,
car il y a risque de la déstabilisation de l’intelligence.
La gratuité a été une opportunité pour plusieurs filles scolarisables
du Kasaï Oriental, dont les chiffres à ce jour renseigne un score encou-
rageable de 211.982 filles qui se retrouvent sur le banc de l’école dans
les deux provinces éducationnelles, parmi elles, plusieurs enfants des
familles pauvres et défavorisées.
Des menaces guettent l’exécution de la politique en cours de la gra-
tuité, tel est le cas de la reconversion non filtrée des écoles jadis à statut
privé vers les écoles publiques. En effet, la présence des enseignants et
administratifs des écoles privées sans profil voulu, risque de porter pré-
judice à la qualité attendue de l’enseignement dans les écoles publiques.
Au finish, il y a lieu de dire que d’autres défis restent à relever si on
tient à réussir la gratuité dans la province du Kasaï Oriental, notam-
ment le besoin de multiplier les salles des classes, la construction des
bâtiments scolaires supplémentaires, la prise en charge réelle des ensei-
gnants, les besoins en fournitures pédagogiques etc.

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Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi

Références bibliographiques

Livre :
— KAMBAYI Bwatshia et MUDINGA Mukendi, Le « Citantisme » au cœur de
l’évolution de la société luba Kasaï, (sens et non-sens d’une mentalité), Kinshasa, Les
Auteurs, 1991.

Articles de revues :
— AUGUSTIN, « Enfants dans les mines : un véritable fléau à éradiquer »,
In Ponabana RDC Blog des jeunes, 28 février 2021.
— FUAMBA, Sébastien, « Effets de l’enseignement gratuit sur la santé de
l’enseignant et de l’élève dans les écoles publiques primaires de Mbuji-
mayi », Mbujimayi, le 22 août 2022.
— SHOKOLA Djoma, Michel, « Gratuité de l’enseignement en R.D.
Congo. Pour quelle place des enfants en situation difficile dans un État de
droit ? » In Reafcu, n° 20, vol. 1, avril 2021.

Colloques/ Séminaires/ Ateliers/ Lois/ Circulaires/ Discours :


— ACCELERE 2, Kasaï Oriental, financement de l’éducation en RDC : les
enjeux d’un secteur en difficulté, Note technique.
— Circulaire 2022-2023, du ministre de l’Enseignement primaire, secon-
daire et technique qui place l’année scolaire 2022-2023
— Loi-Cadre n° 14/004 du 11 février 2014 de l’enseignement national.
— LUMANYISHA Mutondo, P., « Gestion des classes à grands effectifs à
l’école primaire », Communication faite au colloque scientifique organisé
par l’ISP/Mbujimayi, Mbujimayi, le 22 août 2022.
— NKALENDA, Emmanuel, « Quelle didactique pour l’enseignement du
français au primaire dans une classe pléthorique ? », Communication
faite au colloque scientifique organisé par l’ISP/Mbujimayi Mbujimayi,
le 22 août 2022.
— Policy Brief, La gestion des finances publiques : évolution et défis sur la
période 2017-2018.
— SCHEREZAD, Latif et MELISSA, Adelman, « Gratuité de l’enseigne-
ment primaire en RDC : où sommes-nous sur la voie de la réforme », In
blogs.worldbank.org, 03 août 2021, publié sur Éducation for global Développe-
ment.
— TOULEMONDE, Bernard, La gratuité de l’enseignement ; passé-présent-avenir,
rapport, Ministère français de l’éducation nationale, 1er trimestre 2002.
— TSHIPINDA Kasonga, L., « La gratuité de l’enseignement primaire en
RDC : un principe et une obligation fondée sur le droit », Communication

Lubilanji  Revue interdisciplinaire de l’U.O.M. - 2023 [1]


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La gratuité de la scolarité au primaire face au système éducatif congolais.

faite au colloque scientifique organisé par l’ISP/Mbujimayi, avec comme


thème central « Écoles publiques et privées en contexte de la gratuité de
l’enseignement primaire public : diagnostic, perspectives d’avenir et les
défis de la mise en place d’un ordre éducatif solidaire au Kasaï Oriental »,
Mbujimayi, le 22 août 2022.
— TSHISEKEDI Tshilombo, Félix, Discours à la Nation, Kinshasa, Palais du
peuple, décembre 2019.

Sites internet
— http ://unesco.org/images/0015/001501/150188f.pdf, Institut Inter-
national de Planification de l’Éducation, « L’enseignement gratuit :
quelle conséquence pour la qualité ? »
— www.mediaongo.cd, « Gratuité de l’enseignement : comprendre les
efforts de l’État congolais en quatre graphiques », 1er novembre
2022.

Resumé — Plusieurs années durant, la R.D. Congo a laissé son système éducatif s’ac-
crocher sur un partenariat de gestion des écoles publiques, qui place le gouvernement
en marge de ses responsabilités. Ce partenariat a fait que l’État congolais ait long-
temps confié aux réseaux religieux la responsabilité de gérer ses écoles, sous large
dépendance du financement des ménages.
À partir des chiffres et des statistiques, cette étude jette un regard critique sur la
gratuité de l’enseignement public en R.D. Congo en général mais en touchant parti-
culièrement la Province du Kasaï Oriental.
Elle opère un état des lieux de l’enseignement au Kasaï Oriental, de la maternelle
au secondaire, en faisant d’emblée le constat qu’un pas a été allègrement franchi. Elle
met aussi en exergue les évidences chiffrées de la scolarité à l’école publique et à l’école
privée en contexte de la gratuite de l’enseignement primaire au Kasaï Oriental.
Ces évidences montrent que le nombre d’élèves a sensiblement augmenté au pri-
maire, soit 426.644 en 2022 contre 230.648 en 2019. Le revers de la médaille est que
les écoles privées subissent un coup dur dans leur existence. De ce paradoxe, cette
étude, tout en tirant les leçons, dégage des défis et des perspectives conséquents.
Mots-clés: Gratuité - Enseignement - Éducation - Partenariat - Écoles.

Abstract — For several years, the DRC has let its education system cling to a
partnership in the management of public schools, which places the government on
the margins of its responsibilities. This partnership has meant that the Congolese state
has long entrusted religious networks with the responsibility of managing its schools,
largely dependent on household funding.
Based on figures and statistics, this study takes a critical look at free public education
in the DR Congo in general, but particularly affecting the Province of Kasai Oriental.

Sciences de l’éducation  Lubilanji


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Lazare Tshipinda Kasonga Shambuyi

It carries out an inventory of education in Kasai Oriental, from kindergarten to


secondary school, immediately observing that a step has been taken cheerfully. It also
highlights the quantified evidence of schooling in public and private schools in the
context of free primary education in Kasai Oriental.
This evidence shows that the number of pupils has increased significantly in
primary education, i.e. 426,644 in 2022 against 230,648 in 2019. The other side of
the coin indicates, however, that private schools are suffering a severe blow in their
existence. From this paradox, this study, while drawing lessons, brings out significant
challenges and perspectives.
Keywords: Free Education, Teaching, Education, Partnership, Schools.

Cikosu — Munda mwa bidimu bivula, Congo wa mungalata kacivwa wambula buji-
tu bwa tulaasa tupwekela. Mbulamatadi kulekela bujitu mu byanza bya beena biten-
delelu bishilangane, bu mudi beeba Katolika ne beena Mishonyi misanga nteta, difuta
dya balongeshi dishala dibanza dya baledi.
Mu kakanda aka, tudi tujoja mudi maalu aya mu Kasayi ka kudi diiba dijukila
kacya mbulamatadi wela lubila lwa se baana bonso ba mu Congo badi ne cya kulonga
cyanana.
Bipeeta bya mudimu ewu mbilenga, bwalu mu Kasayi ka kudi diiba dijukila,
baana balongi mbavula mu cidimu cya 2022 kupita muvubu mu cidimu cya 2019. Mu
cidimu cya 2019, balongi bavwa 230.648, mu cidimu cya 2022 bavwa 426.544. Kadi,
mu ciina cipolo eci, balongi mbakepela mu tulaasa tudyashila.
Bishimbi meeyi: Kulonga cyanana - Malonga - Dikolesha - Partenariat - Tulaasa.

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L’ITINÉRAIRE DE L’ÉDUCATEUR EN SOCIÉTÉ

DE LA CAVERNE À LA CAVERNE

Raphaël Dila Ciendela 1


Professeur associé à la Faculté des Lettres et Sciences humaines
Université officielle de Mbujimayi

Introduction
En tant que réalité vivante, l’homme appartient au monde animal.
Il est compris dans la nature. Il est nature. Il deviendra vraiment homme
à travers l’éducation, qui le détachera progressivement de la pure na-
ture brute et l’introduira, à travers la culture, dans l’humanité Or, « la
nature est l’ensemble des phénomènes ou faits physiques qui s’étendent
indéfiniment dans l’espace et dans le temps, et qui sont liés entre eux par
la relation de cause à effet » 2. Cette nature entraîne des automatismes
et tout semble déterminé dans les actions et réactions posées par les
animaux. Et l’homme est un animal parmi tant d’autres, mais c’est un
animal pensant.
Il est vrai que les animaux arrivent au monde suffisamment équipés
pour y survivre de façon parfaite. Aristote soulignait déjà que « la nature
ne fait rien en vain mais, en chaque espèce animale, en réalisant tou-
jours le meilleur selon ce que permet son essence » 3. C’est ainsi que le
petit chien est déjà bien programmé pour accomplir toutes les activités
propres au chien durant toute sa vie de chien.
Contrairement à tous les autres animaux, l’homme est totalement
dépourvu à sa naissance et il ne peut pas se prendre en charge sans
l’aide des adultes. Cette prise en charge lui sera assurée par la société
dans laquelle il naît et selon les canons en usage dans cette société. In-
capable de se satisfaire de ce qu’il reçoit de la nature, l’homme a besoin

1.  raphaeldila@gmail.com.
2. G. Del Vecchio, « L’homme et la nature », in Revue philosophique de Lou-
vain, n° 64 (1961), p. 684. Le texte est en ligne sur https://www.persee.fr/doc/
phlou_0035-3841_1961_num_59_64_5097. Consulté le 04-12-2022.
3. Aristote, Traité de la marche des animaux , II, 704b in http://remacle.org/bloodwolf/
philosophes/Aristote/marche.htm. Consulté le 04-12-2022.

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Raphaël Dila Ciendela

d’éducation pour vivre sa vie d’homme, sinon il ne deviendra jamais


homme toute sa vie. Aussi est-il important que tout celui qui a pour
mission d’aider les autres à devenir hommes soit lui-même réellement
homme pour éviter qu’il n’en vienne à bloquer le chemin du jeune vers
son devenir-lui-même ou qu’il le désoriente, l’amenant ainsi vers des
horizons peu appropriés à l’homme. Devenir homme, c’est réaliser son
potentiel humain au niveau le plus élevé. Devenir homme, en quelque
domaine que ce soit, c’est devenir meilleur. Les adultes indiqueront à
l’enfant la voie pour devenir meilleur, encore faut-il qu’ils soient eux-
mêmes meilleurs.
Après un bref mot sur la croissance de l’enfant vers son âge adulte,
nous présenterons succinctement l’allégorie de la caverne en insistant
sur les deux mouvements de détour de la caverne suivi du retour dans
la caverne pour, enfin, présenter les avantages de ces deux mouvements
pour tout éducateur.

1. L’homme, la nature et l’éducation


Parmi les contingences qui marquent chaque personne, il y a son
lieu et sa date de naissance. L’événement par lequel l’homme arrive
au monde échappe totalement à son choix libre. Se retrouvant déjà-là,
comme jeté dans un milieu déterminé et à une époque bien précise
de l’histoire, l’homme commencera à se rendre compte de lui-même,
à prendre ses décisions personnelles, alors que plusieurs décisions le
concernant ont déjà été prises à son sujet : il parlera dès son jeune âge
une langue qu’il n’a pas choisie mais qui lui est imposée par sa société,
il mangera une nourriture qui lui est imposée et apprendra à l’appré-
cier, il s’habillera en respectant les règles d’une société qui le précède, il
suivra des habitudes qu’il trouvera naturelles mais qui, en réalité, appar-
tiennent à ce milieu et à cette période bien déterminés.
Comme le milieu précède la personne et lui impose ses valeurs,
ceux qui ont vécu longtemps dans un milieu sont supposés mieux maî-
triser la meilleure manière d’y vivre, et c’est pourquoi ils sanctionnent les
connaissances et les actions de tous les membres de cette communauté.
Ayant beaucoup appris de la vie, ils approuvent ceux qui respectent les
coutumes et condamnent à juste titre ceux qui prennent des distances
envers les canons trouvés dans la société et respectés par tous. Or, s’il

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L’itinéraire de l’éducateur en société de la caverne à la caverne

est vrai que « l’homme ne peut devenir homme que par l’éducation » 4,
il est tout aussi incontestable qu’il n’est éduqué que par des hommes qui
ont également été éduqués. D’où la nécessité de veiller à l’éducation
des éducateurs afin que ces derniers soient des personnes très éclairées
et capables de penser une humanité meilleure dépassant des positions
à courte vue de la plupart de ceux qui s’occupent de l’éducation dans
la société.
C’est pourquoi, bien que convaincus d’être dans la vérité, les
adultes d’une société peuvent bien être dans l’erreur, mais ils ne seront
pas en mesure de s’en rendre compte, à moins que quelqu’un d’autre,
convaincant par sa vie et argumenté dans son discours, ne leur révèle les
aspects faux ou négatifs de leur expérience quotidienne. C’est une tâche
risquée car elle expose cette personne à l’opposition de la part de ceux
qu’elle veut aider.
Cependant, une question demeure : les adultes, ceux qui ont long-
temps vécu dans le milieu et qui le connaissent bien, sont-ils toujours
crédibles ? S’ils indiquent aux autres la voie à suivre, cette voie est-elle
celle qui rend meilleurs les jeunes qui l’embrassent ? Y a-t-il lieu que les
aînés, ceux qui ont une longue expérience de la vie, entraînent les autres
dans l’erreur ?
Pour répondre à ces questions, nous nous servirons de l’allégorie
de la caverne de Platon et expliquer ainsi les difficultés que l’éducateur,
principalement l’éducateur des adultes, rencontre pour amener ceux qui
se sont déjà installés dans l’ignorance, ou dans l’erreur, à comprendre la
nécessité de sortir de cette misérable condition et à accéder à la lumière
de la vérité.

2. L’allégorie de la caverne
Au début du livre VII de sa fameuse République, Platon présente la
situation de l’homme en rapport à la connaissance et à l’ignorance. Il y
analyse ainsi, par une allégorie demeurée célèbre 5, le travail de l’édu-

4.  E. Kant, Traité de pédagogie, Traduction de Jules Barni, Université de Königs-


berg, Rink, 1803, p. 6. Le lecteur peut trouver ce texte dans https://psychaanalyse.
com/pdf/TRAITE%20DE%20PEDAGOGIE%20-%20KANT%201803%20(73%20
pages%20-%20422%20ko).pdf ? Consulté le 12-01-2023.
5. Platon, La République, VII, nos 514-517, Traduction nouvelle avec introduc-
tion et notes par Robert Baccou, Paris, Garnier et Frères, sd, p. 247-251. Le texte
peut être gratuitement téléchargé sur http://ugo.bratelli.free.fr/Platon/PlatonRepublique.
pdf. Consulté le 19-11-2022.

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Raphaël Dila Ciendela

cateur, appelé à lutter contre l’ignorance et à indiquer aux autres la


voie pour atteindre la connaissance vraie. Il y indique les difficultés que
l’éducateur lui-même a rencontrées pour accéder à la lumière et pour
s’y habituer et, après avoir eu accès à la lumière, les nouvelles difficultés
dans ses tentatives de libérer les autres. Il nous montre de cette façon
l’hostilité que peut rencontrer, dans l’exercice de son métier, tout celui
qui se donne pour mission d’éduquer ses contemporains.
Nous pouvons signaler deux moments principaux dans cette tâche
de libération : le détour de la caverne, puis le retour dans la caverne. Ce
détour-retour constitue deux pôles d’une même action qui se complètent.

2.1. Le détour de la caverne


Le point de départ de tout éducateur est sa propre libération de sa
propre ignorance, de ses propres illusions. C’est la tâche préliminaire
sans laquelle l’éducation est impossible car elle ne serait que répétition
des illusions ou des faussetés répétées dans la société depuis longtemps.
En plus, on doit se départir de son ignorance qui est la condition de
toute personne humaine. Cette situation fondamentale dans laquelle
chaque homme se trouve est aussi celle de l’éducateur et il doit en sortir
pour s’occuper de sa mission. Mais cherchons à comprendre un tant soit
peu le détour dans cette l’allégorie.
Il faudrait concevoir une caverne au fond de laquelle gisent des pri-
sonniers enchaînés de telle sorte qu’ils ne peuvent pas bouger ni même
tourner leurs têtes. Ils regardent en permanence dans une seule et
même direction du mur de la caverne depuis leur enfance. « Figure-toi,
écrit Platon, des hommes dans une demeure souterraine, en forme de
caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces
hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de
sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne
les empêchant de tourner la tête » 6.
Derrière ces prisonniers, il y a un grand feu et, entre ce feu et les
prisonniers, se trouvent plusieurs personnes qui marchent, parlent, et
portent des objets artificiels comme des figures des hommes et des ani-
maux. Il s’agit des objets fabriqués en bois, en pierres, et en toutes sortes
de matières. Ces personnes sont cachées par un écran de sorte que seuls
les objets artificiels apparaissent au-dessus de l’écran et projettent leurs
ombres sur le mur devant les prisonniers. Ces derniers, toute leur vie, ne

6. Platon, La République, 514a, p. 247.

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L’itinéraire de l’éducateur en société de la caverne à la caverne

voient que ces ombres et n’ont aucune idée de ce qui se passe au-dessus
d’eux. Tout ce qu’ils connaissent comme réalité, ce sont ces ombres
projetées sur le mur de la caverne devant eux. Les ombres qu’ils voient
sont, en fait, des ombres des objets artificiels qui sont présentés par des
marionnettistes. Ainsi, les prisonniers, entendant des gens parler ou per-
cevant d’autres bruits, croiront que ces bruits proviennent des ombres
du mur.
L’auteur nous amène à considérer ce qui arrivera si on délivre ces
prisonniers de leurs chaînes et qu’on les guérisse ainsi de leur ignorance.
Pour lui, « qu’on détache l’un de ces prisonniers, qu’on le force à se
dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux
vers la lumière : en faisant tous ces mouvements il souffrira » 7, la lu-
mière l’éblouira et l’empêchera de distinguer les objets dont il voyait les
ombres auparavant. Il se plaindra même de toutes ces violences qu’on
lui fait pour l’amener de son ignorance vers la connaissance.
Ce prisonnier libéré monte progressivement et arrive à la lumière
du soleil. Obnubilé par cette lumière, il trouve pénible cette expérience
de la lumière et la rencontre de toute cette nouvelle réalité jamais ima-
ginée jusqu’ici, étant donné qu’il a passé toute sa vie dans une obscurité
quasi-totale et qu’il était incapable de se mouvoir. Il est informé que ce
qu’il voit maintenant, c’est ça la vraie réalité ; au contraire toute sa vie,
jusqu’à aujourd’hui, il n’avait vu que des ombres de cette réalité. Confus
et terrorisé, il cherche à retourner à la tranquillité du fond de sa caverne,
mais il est plutôt détourné et orienté vers le niveau supérieur où, aveu-
glé par la lumière du soleil, il est incapable de voir dans l’immédiat les
objets devant lui.
Après beaucoup de temps, l’ancien prisonnier s’habitue à la lu-
mière et commence à percevoir la lumière de la nuit étoilée, puis les
ombres des objets projetées par le soleil et, enfin, les objets eux-mêmes
dans la lumière du jour. Longtemps après, ce prisonnier relâché devient
capable d’oser regarder le soleil lui-même, source de toute chose 8. Il se
rend alors compte que c’est le soleil, en effet, qui produit le changement
des saisons et contrôle tout dans le monde visible, y compris le feu et les
ombres que l’on prenait pour réalité.
À ce niveau, se souvenant de sa première demeure dans la caverne,
et de ses anciens compagnons de captivité, et de ce qui y était reconnu

7. Platon, La République, 515c, p. 248.


8. Platon, La République, 516a-b, p. 249.

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Raphaël Dila Ciendela

comme sagesse basée sur des ombres, et des honneurs qui y étaient dé-
cernés à partir de l’habileté de ceux qui étaient les meilleurs dans la
reconnaissance de la succession des ombres, ce prisonnier ne serait que
très heureux de sa situation actuelle et, pour rien au monde, n’accep-
terait de retourner dans la caverne. Au vrai, il aimera cet endroit et
cette nouvelle situation au point de préférer « mille fois n’être qu’un
valet de charrue, au service d’un pauvre laboureur, et souffrir tout au
monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et de vivre comme
il vivait » 9.
Mais sa place est plutôt dans la caverne. Pour ses intérêts personnels,
le prisonnier libéré préfère rester dans ce monde réel, car il est monté
à des hauteurs tellement élevées que les réalités des ombres ne peuvent
plus l’attirer. Ce ne serait que perte de temps de vouloir s’occuper des
affaires humaines. Son âme aspire sans cesse à demeurer là-haut. En
effet, dans la caverne, il y a des gens qui débattent de la justice, se ba-
sant sur les ombres et sans avoir jamais vu la justice elle-même. Or, il
n’est pas étonnant qu’un homme, qui passe des contemplations divines
vers les misérables choses humaines, aura mauvaise grâce et paraîtra
ridicule lorsqu’il faudra débattre avec des gens qui, de la justice, n’ont
connu que des ombres et jamais la justice elle-même. Aussi la position
du prisonnier libéré de s’éloigner des choses de la caverne et de jouir de
la vraie lumière est-elle fondée. Cependant, en vue d’éclairer les autres
et de faire fonctionner correctement la cité, le prisonnier libéré doit être
forcé à retourner dans la caverne. C’est là que se trouve sa place, pour
les autres, pour la cité. Il faut le forcer à retourner dans la caverne pour
indiquer aux autres la voie pour atteindre la connaissance et vivre la vie
véritable.

2.2. Le retour dans la caverne


Alors, pourquoi le prisonnier devrait-il retourner dans sa caverne ?
C’est pour annoncer à ses anciens compagnons ces merveilleuses choses
qui se trouvent au-delà de l’obscurité de leur expérience habituelle. La
tâche du prisonnier libéré, rentré dans l’obscurité de la caverne, est d’ai-
der les autres à reconnaître qu’ils sont dans le noir, qu’ils regardent dans
la mauvaise direction, qu’ils ont l’obligation d’opérer un détour de cette
situation vers une autre. Le prisonnier revenu dans la caverne remplira
la fonction d’éducateur et, pour Platon, « l’éducation est (…) l’art qui se

9. Platon, La République, 516d, p. 250.

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L’itinéraire de l’éducateur en société de la caverne à la caverne

propose ce but, la conversion de l’âme, et qui recherche les moyens les


plus aisés et les plus efficaces de l’opérer » 10. En face de celui qui est mal
tourné, qui ne regarde pas où il faudrait, l’éducateur s’efforce de l’ame-
ner dans la bonne direction.
Ce prisonnier revenu dans son ancienne demeure sera-t-il alors
bien accueilli et écouté par les prisonniers ? Certainement non. Il sera
au contraire considéré comme un fou, un idiot, et s’il insiste pour les
libérer, ces prisonniers se rassembleraient pour le tuer. Bien que ce pri-
sonnier libéré sache qu’en retournant dans la caverne, il ne sera pas le
bienvenu, qu’il ne sera pas écouté, qu’il risque même de perdre sa vie, il
a cependant l’obligation d’y retourner. Ce serait un crime pour lui que
de garder pour soi toute cette connaissance et de laisser ses compagnons
dans l’ignorance. Le retour dans la caverne est obligatoire pour le pri-
sonnier libéré jusqu’à ce qu’il libère tous ceux qui s’y trouvent encore et
s’y complaisent. L’exigence pour l’éducateur de retourner à sa caverne,
même si Platon insiste pour qu’il y soit forcé, devrait être ressentie par
lui comme un plaisir 11 car ce que l’on fait par simple devoir devient un
poids alors que ce que l’on fait par plaisir devient comme un jeu.
Éducateur de toute la société, l’ancien prisonnier libéré revenu
dans sa caverne est aussi le mieux indiqué pour gouverner la cité. Dans
les États bien organisés, nous dit Platon, on ne laisse pas à n’importe qui
le droit de gouverner la cité. Les gens sans éducation et ceux qui passent
toute leur vie aux études ne doivent pas être autorisés à gouverner la
cité. Celle-ci ne devrait être tenue que par les anciens prisonniers qui
ont réussi à se libérer de leurs chaînes, ont contemplé la lumière et le
soleil lui-même, et résistent à s’occuper de ces réalités humaines, et ne
font ce travail que par nécessité. Ils sont les seuls qui peuvent montrer
aux autres la vraie destination de l’homme dans la société car, comme
le dit si bien Fichte, « la destination du savant en tant que tel n’est donc
pensable que dans la société » 12 et, ici, il pourrait bien être opposé à
d’autres hommes qui ne sont pas encore sortis de leurs ténèbres.
En fait, pour qu’un État soit bien gouverné, il faut que les gouver-
nants aient mieux à faire que de gouverner et qu’ils gouvernent comme
par nécessité, parce qu’il y a un besoin qu’ils peuvent, eux seuls, bien
couvrir. Au contraire, ils seraient heureux de s’occuper d’autres choses

10. Platon, La République, 518d, p. 252.


11.  Cfr A. Ple, Par devoir ou par plaisir ?, Paris, Cerf, p. 272.
12.  J. G. Fichte, La destination du savant, Paris, Librairie philosophique J. Vrin,
2016, p. 41.

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Raphaël Dila Ciendela

beaucoup plus importantes que de gouverner la cité. C’est pourquoi,


pour Platon, la descente dans la caverne, à l’obscurité pour ceux qui
sont dans la lumière, ne devrait pas être laissée à leur libre choix. Ils
doivent y être forcés. On leur dira :
« Il faut donc que vous descendiez, chacun à votre tour, dans la
commune demeure, et que vous vous accoutumiez aux ténèbres qui
y règnent ; lorsque vous vous serez familiarisés avec elles, vous y ver-
rez mille fois mieux que les habitants de ce séjour, et vous connaî-
trez la nature de chaque image, et quel objet elle est l’image, parce
que vous aurez contemplé en vérité, le beau, le juste et le bien » 13.
Cette allégorie, imaginée par Platon, peut s’appliquer à tous les res-
ponsables, à des éducateurs à différents niveaux, à des dirigeants poli-
tiques, car c’est eux qui déterminent la politique, et donc l’éthique, du
pays entier. Elle s’applique de façon particulière à tous les cadres uni-
versitaires, car nous devons considérer que notre vie est un discours à
l’intention de ceux qui nous voient, même s’ils ne nous ont jamais parlé.
Elle nous fait remarquer que chaque homme, provenant d’un milieu
qu’il a tendance à idéaliser et qu’il croit muni de la mission civilisatrice
de tous les autres, peut ériger ses illusions en connaissance.
Les études universitaires, le passage du jeune homme ou de la jeune
fille dans ce monde nouveau où il rencontre des réalités du monde entier
et de toute l’histoire, lui ouvre l’esprit et lui fait comprendre la vacuité
de certaines de ses convictions et de certaines idées retenues comme
définitives dans son milieu d’origine. Mais, que fera-t-il de ces nouvelles
connaissances ? Les gardera-t-il pour lui seul ? Se mettra-t-il lui-même
en question cherchant à comprendre plus clairement ce qu’il sait déjà 14
et à l’approfondir ? Se contentera-t-il du déjà-reçu comme définitif  ?
Sur cette base, rejettera-t-il toute nouveauté ? Sera-t-il un homme libre
capable d’oser penser par lui-même en se servant des lumières reçues à
l’université ou restera-t-il figé sur des structures qui lui interdisent toute
forme de pensée personnelle libre ?

13. Platon, La République, 520c, p. 254-255.


14.  A. Vergnioux, Théories pédagogiques. Recherches épistémologiques, Paris, Librairie
philosophique J. Vrin, 2009, p. 272.

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L’itinéraire de l’éducateur en société de la caverne à la caverne

3. Les avantages du détour-retour de l’éducateur


Bien que très vieille, cette allégorie peut être instructive pour les
hommes et les femmes du xxie siècle. Premièrement, il est évident que
chaque homme, marqué par son milieu, trouve facile de se ranger et de
vivre tranquillement comme tout le monde. Qu’il s’agisse des coutumes
de sa tribu, des exigences de son parti politique, des décisions de son
mouvement culturel ou social, ou même des convictions religieuses de
son église, le simple questionnement des vérités reçues et établies dans
ces différents groupes est souvent interprété comme un mauvais signe 15.
Or, il est nécessaire.
Ensuite, cette allégorie nous indique la nécessité d’une certaine dis-
tance exigée pour tout éducateur. C’est cette distance envers son propre
milieu et envers son groupe qui lui permet de poser un autre regard
sur les réalités qu’il trouverait ordinaires, comme un allant de soi, mais
qui peuvent être réexaminées en profondeur. Cette distance peut bien
être géographique. Il est nécessaire que l’éducateur soit effectivement
sorti de sa terre natale et que, heureux comme Ulysse, il ait fait un beau
voyage. Cette sortie de son village réel — entendu comme son monde
où tout lui semble normal et non questionnable — et la rencontre, par-
fois brutale, parfois douce, d’autres réalités différentes, lui permettent
une profonde rentrée en soi, une remise en question de ses idées, de
ses pensées, de ses convictions, de ses réactions. C’est grâce à la sortie
géographique que la personne se rendra compte de manière effective
du jugement que les autres portent sur lui et sur son milieu et qui lui
permettra de nuancer son propre jugement sur soi et sur les autres.
Mais cette distance doit être essentiellement intellectuelle, mani-
festant un esprit capable de s’éloigner, sur des bases rationnelles, des
idées reçues, des sentiers bâtis, pour comprendre des réalités nouvelles,
peut-être inconnues dans son milieu de vie. Tout en partageant la même
vie dans la même ville, l’homme sera capable, grâce à cette distance
intellectuelle, de poser un autre regard sur la réalité quotidienne. Alors
que tous, autour de lui, applaudiront certains événements, l’éducateur
pourra, au contraire, montrer à ses compatriotes qu’ils applaudissent

15.  Cfr R. Dila Ciendel a, « Le fanat isme viol ent dans une sociét é pl ur al iste.
Pour un vivre-ensemble apaisé et tolérant », in Cahiers africains des droits de l’homme
et de la démocratie ainsi que du développement durable, n° 75, volume 2, juin 2022, p. 320. Le
texte peut être lu sur https://www.cadhd-dr.org/_files/ugd/bc3611_f48fa932e0fe441d8fe
043541fc06ae7.pdf. Consulté le 10-11-2022.

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Raphaël Dila Ciendela

une illusion, une situation qu’ils devraient rejeter en leur présentant


des arguments qui, rarement, les convaincront sur le champ à changer
d’orientation, mais qui peuvent fonctionner par la suite.
Pour réaliser cette distance, ce recul envers son monde ordinaire,
l’homme devrait désapprendre les réponses reçues souvent comme défi-
nitives et réapprendre, comme un enfant, à questionner la réalité quoti-
dienne. L’effort exigé pour parvenir à ce recul nécessaire amène tout
homme à ne jamais cesser de s’interroger sur ses préjugés issus de sa
tradition, de ses penchants et de ses habitudes. L’on ne pourra pas non
plus négliger les idéologies, politiques (là où il y en a), philosophiques
ou religieuses, auxquelles l’on a adhéré et qui deviennent comme des
obstacles à la connaissance objective et que F. Bacon appelle idoles 16.
L’éducateur professionnel pourrait bien être toute personne ins-
truite, ayant fait des études allant jusqu’au niveau minimal du diplôme
d’État 17 et ayant des responsabilités dans la communauté. Mais, il peut
aussi être un leader politique, un ministre du culte, un animateur des
jeunes, un responsable d’entreprise, etc.
Dans le cadre précis de l’éducation, nous pouvons considérer les
milieux dans lesquels nous vivons comme des cavernes, et nos universi-
tés et instituts supérieurs comme des occasions de découvrir la lumière
qui nous indique la réalité vraie. Le séjour des jeunes gens à l’université
est une expérience qui les provoque à revenir sur eux-mêmes, sur leurs
certitudes, sur leurs convictions et à être d’abord éblouis, à se laisser
éblouir, par les lumières qu’ils affrontent dans ce nouveau milieu. Qu’on
se soit déplacé spatialement pour fréquenter une université loin de son
milieu habituel, ou qu’on ait effectué un voyage immobile, demeurant
dans son milieu habituel mais rencontrant à travers la littérature et dif-
férents écrits des époques et des espaces éloignés, il s’agit toujours d’une
expérience nouvelle, provoquante, qui invite à se positionner en face de
cette nouveauté.

16.  Cfr F. Bacon, « Novum organum », n° 38 s., nouvelle traduction en français
avec une introduction et des notes par Lorquet, Paris, Hachette, 1857. Le texte peut
être téléchargé sur https://philo-labo.fr/fichiers/Bacon%20Francis%20-%20Novum%20
OrganumOCR.pdf. Consulté le 11-12-2022.
17.  Les élèves qui sortent de certaines sections du secondaire sont effectivement
des travailleurs qualifiés, d’autres n’obtiendront cette qualification que grâce à des
études supérieures ou universitaires. La responsabilité de ces derniers est naturelle-
ment plus grande.

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L’itinéraire de l’éducateur en société de la caverne à la caverne

Il en va du diplômé d’université comme du prisonnier libéré de


la caverne. Si, pour Platon, l’homme qui s’est libéré de sa prison et
qui est monté jusqu’à contempler le soleil lui-même, et qui s’est rendu
compte des illusions qu’il a prises comme réalité toute sa vie, cet homme
a l’obligation de retourner dans la caverne, non pas pour y reprendre
son ancienne place de prisonnier, mais pour dire aux anciens compa-
gnons qu’ils n’ont pas encore vu la vraie réalité, que tout ce qui défile
devant eux n’est que figurines et ombres, qu’ils ont le devoir de quitter
ce milieu d’ignorance pour entrer dans le monde de la connaissance
vraie. De la même façon, tout cadre universitaire doit retourner dans
son milieu pour y apporter la lumière, pour y combattre l’adhésion aux
illusions, pour libérer ses compatriotes de leur ignorance et les amener à
un style de vie plus éclairé. En effet, garder pour soi toutes les connais-
sances accumulées à travers son éducation et laisser ses contemporains
dans l’ignorance, c’est un crime 18 que la société ne devrait pas tolérer.
Afin d’accomplir cette mission, l’éducateur se rappellera qu’il ne
s’agit pas d’un travail de tout repos. Le retour de l’éducateur dans son
milieu original n’est pas une marche triomphale où il trouvera des gens
qui l’attendaient pour accepter volontiers la conversion qu’il leur pro-
pose, le changement de regard qui doit les détourner des illusions et
les tourner vers la réalité. Ça sera au contraire un combat où les pri-
sonniers qu’il veut libérer de leurs chaînes le traiteront durement, et ne
rateront pas l’occasion de se moquer de lui. Cependant, sa présence au
milieu d’eux restera une interpellation, comme un appel à revenir en
eux-mêmes. Cette présence les aidera à vivre mieux, non pas qu’elle
leur procurera des biens matériels mais elle augmente le nombre de
personnes de grande qualité qui les entourent et avec lesquelles ils inte-
ragissent 19. Mais, son regard et sa vie seront toujours différents.
En réalité, il n’est pas moins fou cet éducateur qui dit le contraire
de ce que les gens voient, et appelle illusoire la réalité en face. Il indique
une réalité et invite à une nouveauté que les ancêtres n’ont pas laissée
à leur descendance. En plus, encore obnubilé par la lumière du soleil,
ce revenant se trouve désaxé, presque désorienté, dans les controverses
engagées dans la cité avec des gens qui n’en sont jamais sortis et qui sont
bien habitués à leur obscurité. Et il n’y a pas à s’étonner là-dessus.

18. R. Jackson, Plato. A complete Introduction, London, Hodder & Stoughton,


2016, p. 60.
19.  S. Pinker, The Village Effect. How Face-to-Face Contact can make us Healthier and
Happier, Toronto, Random House, 2014, p. 61.

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Raphaël Dila Ciendela

Aussi l’éducateur devra-t-il résister à la facilité de vivre tranquillement


avec ses amis, en suivant leur ancien mode de vie. Si son retour dans la
caverne a pour but final de reprendre son ancienne place de prisonnier,
ne serait-il pas en train de se trahir lui-même ? Il connaît la vraie réa-
lité mais, par opportunisme, il vit comme si rien n’a changé en lui. C’est
toujours un grand désastre lorsque l’ancien prisonnier, ayant vu la vraie
lumière, retourne dans sa caverne et y reprend son ancienne place. Ce
désastre ne peut que choquer comme on est choqué lorsqu’un diplômé
universitaire, par sa vie, ne présente pas cette excellence qu’il a rencon-
trée à l’université.

Conclusion
Toute société a besoin d’éducateurs pour indiquer aux autres la
voie pour vivre bien. Cette tâche ne peut revenir qu’à ceux qui ont réus-
si à se libérer de leurs illusions, sont capables de prendre une certaine
distance des vérités retenues dans leur milieu ou leur groupe, et peuvent
résister à la méchanceté de ceux qu’ils veulent aider tout en continuant
leur travail dans leur milieu. Platon voulait qu’on force tous les prison-
niers libérés à retourner dans la caverne pour y éclairer les autres. Nous
préférons qu’ils y retournent volontiers par plaisir. Faudrait-il imaginer
la possibilité de forcer les universitaires demeurés en ville à retourner,
au sens propre comme au figuré, dans leurs villages ? Mais, ça, c’est un
autre problème.

Bibliographie
1. ARISTOTE, Traité de la marche des animaux, in http ://remacle.org/bloodwolf/
philosophes/Aristote/marche.htm. Nous l’avons consulté le 04-12-2022.
2. BACON, F., Novum organum, nouvelle traduction en français avec une in-
troduction et des notes par Lorquet, Paris, Hachette, 1857. Le texte peut
être téléchargé sur https ://philo-labo.fr/fichiers/Bacon %20Francis %20- %20
Novum %20OrganumOCR.pdf. Nous l’avons consulté le 11-12-2022.
3. DEL VECCHIO, G., « L’homme et la nature », in Revue philosophique de
Louvain, n° 64 (1961), pp. 683-692. Le texte est en ligne sur https ://www.
persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1961_num_59_64_5097. Nous l’avons
consulté le 04-12-2022.
4. DILA CIENDELA, R., « Le fanatisme violent dans une société plura-
liste. Pour un vivre-ensemble apaisé et tolérant », in Cahiers africains des
droits de l’homme et de la démocratie ainsi que du développement durable, n° 75,
volume 2 (2022), pp. 315-334. Le texte peut être lu sur https ://www.cad-

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hd-dr.org/_files/ugd/bc3611_f48fa932e0fe441d8fe043541fc06ae7.pdf. Nous
l’avons consulté le 10-11-2022.
5. FICHTE, J. G., La destination du savant, Paris, Librairie philosophique
J. Vrin, 2016.
6. JACKSON, R., Plato. A complete Introduction, London, Hodder & Stough-
ton, 2016.
7. KANT, E., Traité de pédagogie, Traduction de Jules Barni, Université de
Königsberg, Rink, 1803. Le lecteur peut trouver ce texte dans https ://
psychaanalyse.com/pdf/TRAITE %20DE %20PEDAGOGIE %20- %20
KANT %201803 %20(73 %20pages %20- %20422 %20ko).pdf. Consulté le
12-01-2023.
8. PINKER, S., The Village Effect. How Face-to-Face Contact can make us Healthier
and Happier, Toronto, Random House, 2014.
9. PLATON, La République, Traduction nouvelle avec introduction et notes
par Robert BACCOU, Paris, Garnier et Frères, sd. Le texte peut être gra-
tuitement téléchargé sur http ://ugo.bratelli.free.fr/Platon/PlatonRepublique.
pdf. Consulté le 19-11-2022.
10. PLE, A., Par devoir ou par plaisir ?, Paris, Cerf, 1980, 283 p.
11. VERGNIOUX, A., Théories pédagogiques. Recherches épistémologiques, Paris,
Vrin, 2009, 159 p.

Résumé — Tout éducateur est une personne provenant d’une société et il est appelé
à travailler dans sa société en vue de l’améliorer. Il est nécessaire qu’il prenne des dis-
tances envers certains lieux communs, des allants de soi dans sa société, qu’il s’ouvre
à des réalités plus élevées qui sont encore insoupçonnées dans son milieu actuel. Grâce
à l’allégorie de la caverne de Platon, nous montrons les difficultés qu’il y a à apprendre
du neuf, à l’intérioriser, et à le communiquer à d’autres. Plus l’éducateur continuera
à désapprendre la réalité, en maintenant un certain recul devant ses convictions, plus
il sera capable d’aider les autres à regarder dans de nouvelles directions et à ne pas
rejeter ce qui les éblouit par sa grande lumière.
Mots-clés : Éducation - Société - Allégorie de la caverne - Connaissance - Question-
nement.

Abstract — Every educator is a person coming from a society and called to work
in it in order to improve it. It is necessary for him to be away from certain common
ideas which are self-evident in his society, to open up to higher realities which are still
unknown in his current environment. Thanks to Plato’s allegory of Cave, we show
difficulties related to learning new things, internalizing them and communicating
them to others. The more the educator goes on unlearning the reality, maintaining a
certain distance from his convictions, the more he will be able to help others to look in
new directions and not rejecting everything which confuses him highly.

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Raphaël Dila Ciendela

Keywords: Education - Society - Allegory of Cave - Knowledge - Questioning.

Cikosu — Muludiki wa bantu udi ufumina mwaba kampanda ne mmubiikila bwa


kukwatamu mudimu ne kuwulengeja. Bwa kukumbajaye mudimu ewu, bidi bikengela
se anyema minga ngenyi idi bantu bonso banyisha mu mwaba awu ne akangula bon-
go bwa biinende ku maalu mabanda adibu kabayi banji kwelela meeji. Mufwanu wa
nyongolo, mufunda kudi mukalenga Plato, newutwambulwisha bwa kuleeja ntatu mu
ditwadija mwanda mupyamupya, diwushikuluja, ne diwumanyisha bakwabo. Piikala
muludiki wa bantu ukookesha bwa kutangidila myanda pa bula, kujoojolola bidiye
mumanye, nanku neapete makanda a kwambulwisha biinende bwa batangila maalu
mushindu mupyamupya. Diiba adi, kabaa kubenga dyakamwe myanda idi ibapapula
to.
Bishimbi meeyi : Buludiki - Musoko - Mufwanu wa nyongolo - Dimanya -
Dikonkonona.

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« MONSEIGNEUR TSHIBANGU ET L’UNIVERSITÉ CONGOLAISE :
LES DÉFIS D’UN HÉRITAGE »
COLLOQUE SCIENTIFIQUE INTERNATIONNAL
Du 22 au 24 JUIN 2023, à l’UOM
Discours académique d’ouverture
Prof. Apollinaire Cibaka Cikongo, Docteur en théologie, Recteur de l’Université officielle de Mbujimayi (UOM).
Conférences magistrales
1. Mgr Tharcisse Tshibangu Tshishiku. Portrait biobibliographique d’un évêque universitaire
et gestionnaire.
Bertin Makolo Muswaswa, Docteur en études africaines, Professeur à l’Université de Kinshasa (Unikin).
2. Scientia splendet et conscientia. Grandeurs et misères de l’université congolaise.
Crispin Maalu-Bungi, Docteur en linguistique, Président a.i. du Conseil d’Administration des universités du
Congo, Professeur à l’Unikin.
3. Universitas semper reformanda. Profil et perspectives de l’université de Muhindo Zangi.
Kabule Wetu Weva, Docteur en Science de l’éducation, Professeur émérite de l’Université de Moncton (Canada).
4. L’université congolaise à la croisée des chemins. Pour une relecture du corpus juridique de
Mgr Tshibangu.
William Kabeya Badyambuji, Docteur en droit, Professeur à l’UOM.
5. L’université peut-elle se passer de Dieu ? Les axes majeurs de la spiritualité de Mgr Tshibangu.
Roger Dikebelayi Maweja, Docteur en théologie, Professeur à la ISDR-Cibashi (Kananga).
6. La science et l’avenir de l’Afrique. La vocation sociale de l’université selon Mgr Tshibangu.
Alphonse Nkongolo Mulami, Docteur en Science économique, Professeur à l’UOM.
7. L’université et les défis de la culture. Évocations des vœux de Mgr Tshibangu.
François Kabasela Lumbala, Docteur en Science religieuse et Liturgie, Professeur émérite.
8. Entre l’impératif de la politique et le péril de la politisation. Quelques leçons de l’univer-
sité de Mgr Tshibangu.
Lazare Cipinda, Docteur en Science politique, Professeur à l’UOM.
9. L’université et la culture de la qualité. Quelques repères éthiques pour le Congo.
Emmanuel Kambaja Musampa, Docteur en langue et littérature françaises, Professeur à l’ISP Mbujimayi.
10. L’avenir de l’université dans un monde globalisé. Quelques propositions pour la RD Congo
Mgr Dieudonné Mbaya Cyakanyi, Docteur en Histoire, Recteur à l’Université Protestante au Cœur du Congo.
11. L’enseignement de la science et de la technologie dans une université du vingt-unième
siècle. L’expérience de l’Université de Coimbra.
Manuel Carlos Gameiro da Silva, Prof. Catedrático ADAI-LAETA, Departamento de Engenharia Mecânica, Univer-
sidade de Coimbra, PÓlo II, Portugal.
12. Les défis majeurs d’une université européenne au vingt-unième siècle. Le cas de l’Univer-
sité Rey Juan Carlos.
Prof. Francisco Javier Ramos López, Docteur en Sciences de Télécommunication, Recteur de l’Université Rey Juan
Carlos, Espagne.
13. L’université de Mgr Tshibangu. Les enjeux d’un héritage national.
Clément Muabila Malela, Docteur en Sociologie, Professeur émérite à l’Unikin, Secrétaire permanent du Conseil
d’Administration des universités du Congo.
Discours académique de clôture
Prof. Apollinaire Cibaka Cikongo, Recteur de l’U.O.M.
Carrefours d’approfondissement auxquels prendront part professeurs, chercheurs et étudiants.
Communications, préalablement approuvées, qui donneront la parole aux professeurs et
chercheurs.

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Composition et mise en page :
Musangu Bende, La Belle Page, b18page@yahoo.fr
Couverture : Dieudonné Kazadi, dieudonne.kazadi@gmail.com
Achevé d’imprimer en juin 2023, en Espagne.

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