Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
RECUEIL DE JURISPRUDENCE
CONTENTIEUX DU GENOCIDE
TOME III
K
Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique
en partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux
de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutien
de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie,
de la Commission Européenne,
de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise.
TABLE DES MATIERES
PREFACE………………………………………………………………………………………...5
A. T.P.I. BUTARE :
B. CS BYUMBA :
C. CS CYANGUGU :
D. T.P.I. GIKONGORO :
E. CS GISENYI :
F. CS GITARAMA :
G. CS KIBUNGO :
H. CS KIBUYE :
N°8 :Le 22/03/2000, Ministère Public C/BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard ……..193
I. CS KIGALI :
J. CS NYAMATA :
3
K. CS RUHENGERI :
L. CS RUSHASHI :
A. CA CYANGUGU :
B. CA KIGALI :
C. CA NYABISINDU :
D. CA RUHENGERI :
CONSEIL DE GUERRE
ANNEXES
4
PREFACE
Depuis la parution du 1er tome, en janvier 2002, la méthode s’est affinée. D’une part,
l’expérience a permis d’améliorer la qualité des traductions. D’autre part, les réactions
recueillies de la part des acteurs judiciaires –magistrats, avocats et défenseurs judiciaires – nous
ont amenés à ajuster la méthode d’indexation, de manière à répondre au plus près à leurs attentes
et à leurs besoins. Enfin, les contacts systématiques instaurés avec l’ensemble des juridictions
du pays ont permis de recueillir des décisions émanant de chacune d’entre elles : c’est ainsi que
ce recueil rassemble des décisions prononcées par tous les Tribunaux de première instance,
par le Conseil de Guerre, et par toutes les Cours d’appel. Dix-sept décisions qui nous
paraissent représentatives de la justice rendue à ce jour par les tribunaux rwandais.
Elles sont présentées ici dans leur intégralité. Certaines d’entre elles sont très longues : c’est le
prix de la pratique qui consiste à retranscrire l’ensemble des débats dans le corps du jugement,
pratique grâce à laquelle le lecteur dispose d’une source d’information unique sur l’histoire
et le déroulement du génocide et des massacres.
L’observateur relèvera également le souci grandissant des magistrats de motiver leurs décisions
en droit, d’entendre les victimes, de respecter les droits de la défense, de distinguer selon le
degré de responsabilité, mais également de sanctionner par un acquittement les accusations
abusives.
Le présent recueil paraît à l’heure où les juridictions gacaca ont entamé leur travail.
Dans l’immédiat, les juridictions ordinaires restent saisies des affaires qui leur avaient été
transmises par le Parquet avant le 15 mars 2001, date d’entrée en vigueur de la Loi organique du
26 janvier 2001 portant création des « juridictions gacaca » et organisation des poursuites des
infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité. Elles continuent,
dans ces dossiers, à appliquer la Loi organique du 30 août 1996 (publiée ici en annexe).
Certaines des dispositions contenues dans la Loi organique de 2001 sont cependant
d’application immédiate : c’est le cas notamment de son article 96 qui supprime les Chambres
spécialisées des Tribunaux de première instance et des juridictions militaires, et prévoit que les
affaires dont elles avaient été saisies seront jugées par les juridictions dont faisaient partie ces
Chambres spécialisées : c’est ainsi que figurent, parmi les décisions sélectionnées, deux
décisions postérieures au 15 mars 2001, prononcées par des Tribunaux de première instance, et
non plus par des Chambres spécialisées.
Rappelons par ailleurs qu’en vertu de la Loi organique du 26 janvier 2001 portant création des
« juridictions gacaca » et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de
génocide ou de crimes contre l’humanité, et la Loi du 22 juin 2001 qui la modifie et la complète,
les personnes relevant de la première catégorie restent justiciables des juridictions ordinaires.
5
A l’issue de l'«instruction » menée par les assemblées générales des juridictions gacaca de
cellules, les juridictions ordinaires seront donc prochainement appelées à appliquer
intégralement la Loi organique de 2001.
La jurisprudence et l’expérience développées par les Chambres Spécialisées et les Cours d’appel
sous l’empire de la Loi organique de 1996 constituera, à cet égard, une importante source
d’interprétation. En mettant à la disposition des praticiens du droit de nouvelles décisions, nous
espérons leur offrir un outil de travail pertinent et nourrir le débat juridique.
Caroline STAINIER,
Responsable de projet,
Avocats Sans Frontières.
6
PREMIERE PARTIE
TRIBUNAUX DE
PREMIERE INSTANCE
ET
CHAMBRES
SPECIALISEES
7
8
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE
DE
BUTARE
9
10
N°1
2. Procédure – témoins tenus hors des débats avant déposition – descente du Tribunal sur le
lieu des faits.
4. 2ème prévenu – procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant publication du nom sur
la liste des personnes de première catégorie – conformité à l'article 6 de la Loi organique du
30/08/1996 – infractions établies.
6. Action civile – responsabilité civile de l'Etat dans le génocide (article 91 de la Loi organique
du 26/01/2001) – condamnation solidaire du 2ème prévenu et de l'Etat – dommages moraux
ex- æquo et bono – dommages matériels suivant la valeur du préjudice.
7. Action civile liée à une infraction non poursuivie – demande sans fondement – rejet.
11
1. L'audience est remise afin de permettre aux prévenus d'accomplir les démarches nécessaires
pour bénéficier de l'assistance d'un conseil.
2. Les témoins tant à charge qu'à décharge sont exclus de la salle d'audience jusqu'au moment
de leur déposition. Le Tribunal décide d'effectuer une descente sur le lieu des faits afin
d'interroger la population.
3. Ni les éléments produits par le Ministère Public, ni les témoignages à charge ne permettent
d’établir la part de responsabilité que le 1er prévenu aurait eue dans le génocide.
- Doit être écartée comme inexacte l’allégation selon laquelle le prévenu aurait désigné un
comité de dix personnes chargé d’assurer la sécurité, comité dont certains membres ont ensuite
été impliqués dans des massacres, les témoignages recueillis établissant que ces personnes
avaient été élues par la population.
- Est également inexacte l’affirmation selon laquelle il ordonnait les assassinats, les témoignages
recueillis lors de la descente sur le lieu des faits établissant au contraire qu’il a fait ce qui était en
son pouvoir pour que les victimes soient épargnées, notamment en fournissant aux personnes
menacées des pièces d’identité en remplacement de celles qui faisaient mention de leur ethnie
Tutsi.
4. La procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité du 2ème prévenu est acceptée tant par le
Ministère Public que par le Tribunal comme conforme au prescrit de l'article 6 de la Loi
organique du 30/08/1996. Le prévenu est reconnu coupable de l'ensemble des infractions à sa
charge.
5. Le zèle et la méchanceté excessive dont a fait preuve le 2ème prévenu, notamment en utilisant
une hache pour tuer une dame âgée avec laquelle il entretenait de bonnes relations,
permettent de le ranger en première catégorie; en raison de son plaidoyer de culpabilité
intervenu avant la publication de son nom sur la liste des personnes relevant de la première
catégorie, il doit être rangé en deuxième catégorie conformément à l'article 9 alinéa 2 de la
Loi organique du 30/08/1996.
Il est condamné à l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique.
6. L’Etat, qui a reconnu sa responsabilité dans le génocide, doit être condamné au paiement des
dommages et intérêts alloués aux parties civiles, solidairement avec le prévenu reconnu
coupable, selon les dispositions de l'article 91 de la Loi organique du 26/01/2001 portant
création des juridictions Gacaca.
Les dommages et intérêts moraux réclamés apparaissent excessifs; tenant compte des liens de
parenté, ils sont fixés ex- æquo et bono car « un être humain n’a pas de prix ». Les
dommages matériels doivent être alloués en tenant compte de la valeur des biens
endommagés.
7. Ne peut être reçue, l'action civile d'une partie qui est fondée sur une infraction dont le
Tribunal n'a pas été saisi.
8. L’action publique concernant les prévenus dont l’identification est restée incomplète est
disjointe.
(NDLR: L'appel du Ministère Public est pendant devant la Cour d'appel de NYABISINDU).
12
(Traduction libre)
13
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
1er feuillet.
CONTRE :
14
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
PREVENTIONS :
2ème feuillet.
A)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou
complices, commis l’infraction d’association de malfaiteurs prévue et réprimée par les articles
89, 90 et 91 du Code pénal Livre I (sic).
B)- Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu, en date du 22/04/1994, comme auteurs,
coauteurs ou complices, assassiné NYIRABANANI Cécile, NYIRABAKEKA, Pauline et son
enfant, MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE, l’épouse de KADENESI et ses deux enfants,
l’épouse de Gervais, l’épouse de NYAMBIRIRA, l’épouse de KANYABIHAHO Xavier , la fille
de RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI, infraction prévue et réprimée par l’article 3 de la
Loi organique n° 08/96 du 30/08/96, les articles 89, 90 et 91 du livre I et 312 du Code pénal
Livre II.
15
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
C)- Avoir, au même endroit que ci-dessus au cours du génocide d’avril à juillet, comme auteurs,
coauteurs ou complices, commis l’infraction de dévastation du pays par les massacres, les
destructions de maisons et de bétail ainsi que les pillages, infraction prévue et réprimée par les
articles 89, 90 du livre I ainsi que les articles 169, 144 du livre II du Code pénal(sic).
D)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction de violation
de domiciles d’autrui, infraction prévue et réprimée par les articles 304 et 305 du livre II du
Code pénal.
PARTIES CIVILES.
3ème feuillet.
LE TRIBUNAL,
Vu que seuls deux des vingt-deux prévenus poursuivis par le Ministère Public ont été identifiés,
NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugène ont été régulièrement cités à
comparaître, qu’ils ont comparu à cette date en présence du représentant du Ministère Public et
de quelques-unes des parties civiles ;
Vu que l’une des parties civiles à savoir MUSAYIDIRE Eugénie résidant à BUSASAMANA est
accompagnée par des journalistes allemands et par un journaliste rwandais de la télévision
nationale en la personne de RUTAREKA Alexis qui demandent au Tribunal de les autoriser à
faire un reportage sur le déroulement de l’audience, qu’après avis du Ministère Public, cette
autorisation leur est accordée dans le cadre des bonnes relations entre le Rwanda et l’Allemagne
16
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
et notamment certains de ses Lands, que le reportage ne doit pas servir à des fins commerciales ;
Attendu qu’à la question posée à NSANGANIRA Eugène de savoir s’il accepte de plaider sa
cause, celui-ci répond qu’il le souhaite ardemment surtout qu’il entend plaider coupable ;
Attendu que la parole est accordée à quelques-unes des parties civiles pour émettre leur avis, que
MUSAYIDIRE Eugénie dit qu’elle a accusé NSANGANIRA Eugène seul, mais que
NTEZIRYAYO Emmanuel peut faire un effort pour assurer personnellement sa défense étant
donné qu’ils ont fait un long voyage à partir de l’Allemagne pour suivre l’audience, que
NYIRANTEGEYINKA dit quant à elle qu’elle et MUSAYIDIRE Eugénie poursuivent la même
action civile et qu’à ce titre, elle ne saurait s’en tirer seule au cas où cette dernière partirait sans
que l’affaire soit clôturée ;
4ème feuillet.
Vu que l’audience est suspendue jusqu’à 14 heures pour que le Tribunal puisse entrer en
communication avec le Bureau de Consultation et de Défense avant de décider la date à laquelle
l’audience doit être reportée ;
Vu que le Bureau de Consultation et de Défense informe le Tribunal qu’il n’a pas reçu la lettre
de NTEZIRYAYO Emmanuel datée du 09/11/2001 ;
Vu que l’audience est reportée au 27/11/2001 pour qu’une copie de la lettre de demande
d’assistance judiciaire soit envoyée à KIGALI (au BCD et au CDDH) par FAX ;
Vu qu’en date du 27/11/2001 les deux prévenus comparaissent, NTEZIRYAYO Emmanuel étant
assisté par Maître SAYINZOGA J. Pierre, NSANGANIRA Eugène étant quant à lui assisté par
Maître SENDAMA Cyrdion, les parties civiles ayant pour Conseil Maître NKURIKIYIMFURA
Innocent ;
Vu que d’autres parties civiles se sont constituées et qu’elles sont ainsi au total au nombre de
cinq ;
Attendu qu’il est fait lecture de l’identité des prévenus et des préventions libellées à leur charge ;
Attendu qu’à la question de savoir si des témoins tant à charge qu’à décharge se trouvent dans la
salle d’audience, l’Officier du Ministère Public dit qu’il y a des détenus qui ont été cités comme
17
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
témoins à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’ils sont tous invités à sortir pour être appelés
à la barre au moment opportun ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande lui aussi que les témoins à décharge soient
exclus de la salle d’audience pour être entendus le moment venu ;
Attendu qu’après un rappel des préventions à charge des prévenus, NSANGANIRA Eugène est
invité à dire s’il maintient son recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et
qu’il répond par l’affirmative, que l’audience se déroule alors selon la procédure prévue par
l’article 10 de la Loi organique du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide et des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er
octobre 1990 ;
Attendu que la parole est accordée au Ministère Public pour présenter son réquisitoire, que
l’Officier du Ministère Public requiert que NSANGANIRA Eugène soit rangé dans la deuxième
catégorie et bénéficie d’une diminution de la peine suite à son plaidoyer de culpabilité ;
Attendu que le greffier fait lecture de tous les procès-verbaux contenant les aveux de
NSANGANIRA Eugène portant sur le lieu, les dates et les victimes de ses actes, l’identité de ses
coauteurs ainsi que les excuses qu’il présente ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a volontairement recouru à la procédure d’aveu et s’il a
été informé de la peine prévue par la loi pour les actes à propos desquels il plaide coupable, ainsi
que de l’impossibilité d’interjeter appel contre le jugement de condamnation consécutif à cette
procédure, il répond qu’il a volontairement avoué mais que le Ministère Public ne l’a pas
informé de l’interdiction d’interjeter appel en pareille circonstance, qu’à la question de savoir
5ème feuillet.
s’il est prêt à accepter la peine qui sera prononcée par le Tribunal en vertu de la Loi organique
n°08/96 du 30/08/1996, il répond par l’affirmative mais dit que l’Officier du Ministère Public a
été injuste à son égard en requérant qu’il soit rangé dans la première catégorie alors qu’il n’a pas
agi en qualité d’autorité ;
Vu que NSANGANIRA Eugène est informé que la décision sur la recevabilité de ses aveux sera
prononcée le 28/11/2001, qu’ensuite l’audience se poursuit ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’il a des
inquiétudes sur le cas de NSANGANIRA Eugène à cause de la méchanceté excessive dont il a
fait preuve lors du meurtre d’une vieille dame au cours duquel il a fait usage d’une hache qui
d’ordinaire est lourde et du fait qu’il ne précise pas le nombre de coups de hache qu’il a donnés à
la victime, et que par ailleurs, tout en reconnaissant qu’ils ont gardé des gens pendant la nuit, il
ne donne aucun renseignement sur les actes qu’ils ont commis sur eux, qu’il demande que les
prévenus soient poursuivis du chef de l’infraction de séquestration prévue par l’article 388 du
Code pénal livre II, que la peine requise par le Ministère Public soit majorée dès lors que
l’intéressé n’indique pas pourquoi il s’en est pris à cette vieille dame mais se plaint plutôt de ce
que la peine requise par le Ministère Public est élevée ;
Attendu que Maître SEMANDA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, dit qu’il parlera
en temps opportun de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de son client, mais qu'il
18
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
demande que la loi soit respectée car il ne comprend pas comment le Tribunal peut prononcer
une peine non prévue par la loi, qu’il reconnaît le caractère extrêmement grave des infractions
commises par NSANGANIRA Eugène, mais qu’il en plaide justement coupable et notamment
celle d’avoir tué une vieille dame alors qu’il était en patrouille pendant la journée et que, selon
l’entretien qu’il a eu avec son client, celui-ci a commis ce crime sur ordre de
NKUNDABAGENZI Alphonse ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que l’action introduite par le Conseil des parties
civiles sur base de l’article 388 du Code pénal Livre II est irrégulière en la forme, car il devrait
plutôt porter plainte auprès du Ministère Public dont l’inaction pendant une période de 6 mois
pourrait alors ouvrir la voie à la citation directe ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, dit que l’article 39
de la Loi organique n° 08/96 dispose que toutes les formes de saisine des juridictions non
contraires aux lois ordinaires demeurent d’application en matière de génocide, qu'ainsi l'on ne
peut empêcher les parties civiles de faire la citation directe et qu’il a d’autres éléments qu’il
souhaite soumettre aux membres du siège dans cette affaire ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’ils ne
s’opposent pas à la sanction de toutes les infractions qui ont été commises, mais qu’il faut
respecter la procédure ;
Attendu que la parole est accordée à l’Officier du Ministère Public pour qu’il donne son avis sur
l’incident soulevé par l’avocat des parties civiles, qu’il dit que le Ministère Public a libellé huit
(8) préventions après l’instruction préparatoire, mais que l’Officier du Ministère Public est
également compétent pour relever d’autres infractions non découvertes auparavant, qu’il
demande que cet incident soit examiné conformément à la loi et dit que NSANGANIRA Eugène,
en faisant valoir être victime d’injustice de la part de l’Officier du Ministère Public qui le
6ème feuillet.
range dans la première catégorie alors qu’il n’était pas une autorité, fait semblant d’ignorer que
certains prévenus ont acquis une renommée à cause du zèle qui les a caractérisés en tuant les
victimes à coups de petites houes usagées ;
Attendu qu’à la question de savoir le but qu’il vise en invoquant devant le Tribunal des
infractions dont celui-ci n’a pas été saisi et s’il souhaite que l’audience soit reportée pour que le
Ministère Public puisse engager des poursuites du chef des infractions concernées, Maître
NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, répond que son objectif est la
manifestation de la vérité, qu’à celle de savoir si le Tribunal peut connaître de ces infractions
sans en avoir été saisi il répond qu’il y a lieu de voir si les prévenus veulent présenter leurs
moyens de défense sur le champ ou à une autre date mais qu’il vaudrait mieux que l’affaire soit
examinée rapidement ;
Attendu qu’après examen des avis respectifs de l’avocat des parties civiles en la personne de
NKURIKIYIMFURA Innocent, du Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel et de l’Officier du
Ministère Public, le Tribunal constate que la détermination de la peine à charge de
NSANGANIRA Eugène se fera selon le prescrit de la loi, spécialement la Loi organique sur
l’organisation des infractions constitutives du crime de génocide, que l’action relative aux faits
qualifiés de nouveaux par NKURIKIYIMFURA Innocent est irrecevable car elle est irrégulière
en la forme dès lors qu’il ne précise pas s’il s’agit d’une exception qui par ailleurs devrait être
19
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
invoquée au seuil des débats sur le fond, qu’il décide à cet égard que l’audience doit se
poursuivre par la défense de NTEZIRYAYO Emmanuel ;
Attendu qu’interrogé sur les infractions qui lui sont reprochées, NTEZIRYAYO Emmanuel dit
qu’il plaide non coupable ;
Attendu que le Ministère Public est invité à rapporter les preuves à la base des poursuites à
charge de NTEZIRYAYO Emmanuel pour lui permettre d’y répliquer ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel était conseiller de
secteur et qu’il a agi en coaction avec un groupe de 10 individus qu’il a choisis lui-même pour la
mise en exécution du plan de génocide ; qu’en date du 21/04/1994, ils ont mené une expédition
au cours de laquelle ils se sont saisis de 13 tutsi et les ont conduits à l’endroit où une barrière
était érigée et où ils ont passé la nuit, qu’ils les ont tués le lendemain dans un boisement se
trouvant à proximité, qu’il poursuit en disant que les intéressés, après avoir tué les victimes,
incendiaient et détruisaient leurs maisons et mangeaient leur bétail, que NTEZIRYAYO
Emmanuel reconnaît les faits et notamment la formation d’une association de malfaiteurs
composée de 10 personnes, que c’est lui qui donnait chaque fois l’ordre de tuer tel que cela
apparaît dans les procès-verbaux portant les cotes 6 et 10 du dossier ;
Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il y a
lieu d’interroger la population du secteur qu’il dirigeait sur sa conduite au cours du génocide,
qu’il n’a fait aucune discrimination entre les Rwandais et qu’il s’est plutôt opposé aux massacres
tel que NSANGANIRA l’a confirmé, qu’il poursuit en demandant au Tribunal d’interroger la
population de tout le secteur de BUSASAMANA et dit qu’il a en vain formulé le même souhait
auprès du Ministère Public, qu’il déclare avoir, à l’époque du génocide, secouru
MUKAMURIGO et sa fille, KAMASHARA, les membres de la famille NZAYISOMA (cellule
BUNYESHYIRA) si bien qu’ils ont même attrapé des tueurs auxquels ils ont pris une petite
hache, qu’interrogé sur l’identité de ces tueurs il répond qu’ils ont établi un procès-verbal qu’ils
ont remis au responsable de la cellule, et que parmi eux figuraient les nommés Chadrack,
SHEMBU, le fils de MUNYENDAMUTSA, le fils de
7ème feuillet.
KIMONYO qui est mort, ainsi que celui de BIMENYIMANA, que cette liste se trouve entre les
mains de l’actuel conseiller de secteur qui était le responsable de cellule à l’époque des faits ;
Attendu qu’invité à s’expliquer sur la liste des tueurs qu’il lui est reproché d’avoir établie,
NTEZIRYAYO Emmanuel répond qu’il ne l’a pas dressée et que ces individus ont été au
contraire choisis par toute la population pour assurer la sécurité dans tout le secteur ; que
concernant les quatre barrières il dit qu’elles ont été érigées par les militaires et qu’il ne
comprend pas pourquoi le Ministère Public l'en rend responsable, qu’à la question de savoir s’il
a participé à la réunion relative aux massacres (réunion des conseillers de secteurs), il répond ne
pas avoir pris part à une quelconque réunion autre que celle qui a eu lieu un mercredi au cours de
laquelle le commandant de gendarmerie s’est informé sur la situation sécuritaire et qu’on lui a
demandé à cette occasion d’expliquer pourquoi il plaçait des tutsi aux barrières à l’exemple du
père de GISAGARA JMV qui a été tué parce qu’il s’opposait aux massacres ;
Attendu qu’à la question de savoir si KAREGE ne lui a pas fait parvenir un message émanant du
bourgmestre, NTEZIRYAYO Emmanuel répond par la négative et dit que ces affirmations sont
20
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
de pures inventions de la part des autres prévenus qui visent l’acceptation de leurs aveux, qu’il
poursuit en disant que GISAGARA qui était bourgmestre à cette époque venait d’être tué alors
qu’ils s’étaient tous deux opposés aux massacres, que lui-même a subi à son domicile une
attaque à la grenade ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît avoir
participé à une réunion au cours de laquelle les massacres ont été planifiés mais qu’il n’explique
pas pourquoi ceux-ci ont commencé dans le secteur immédiatement après cette réunion, que cela
prouve qu’il a mis en exécution les décisions prises ;
Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que le Ministère Public se fonde essentiellement sur
les déclarations des plaignants figurant dans différents dossiers sans daigner tenir compte du fait
qu’il y avait d’autres personnes dans ce secteur qui peuvent confirmer que ladite réunion n’avait
pas pour objet la planification des massacres, qu’il est cependant vrai que ceux qui l’ont dirigée
étaient des tueurs si bien que quelques-uns d’entre eux avaient déjà commis des tueries et
menaçaient de s’en prendre à son secteur (le secteur de BUSASAMANA) dont la population ne
s’était pas impliquée dans les massacres ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J . Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que le
bourgmestre GISAGARA JMV et NTEZIRYAYO E. étaient tous deux membres d’un même
parti politique (PSD) et s’opposaient aux massacres, qu’après la mort de GISAGARA JMV, le
nommé MASONGA François a été désigné bourgmestre et s’en est pris à NTEZIRYAYO
Emmanuel, lui en voulant de ne pas avoir pris part aux tueries, que les dix personnes dont il est
question dans l’accusation ont été choisies par la population de toutes les ethnies au cours d’une
réunion convoquée par le conseiller de secteur mais sur ordre du bourgmestre GISAGARA JMV
dans le but de veiller à leur sécurité, qu’il poursuit en disant qu’il était reproché au PSD de
collaborer avec les INKOTANYI si bien qu’une réunion a eu lieu au cours de laquelle son client
a été réprimandé et que, en prenant ses fonctions, MASONGA François a vivement reproché à
l’intéressé le fait que rien n’avait été fait dans son secteur relativement aux massacres, que la
population charge le conseiller d’avoir dirigé une réunion sans cependant indiquer une victime
qu’il aurait tuée ou menacée, que l’acceptation des aveux d’un prévenu ne confère point à ses
déclarations la force probante et que, NSANGANIRA dit lui-même que NTEZIRYAYO
Emmanuel était pourchassé parce qu’il cachait les tutsi, qu’il termine en demandant au Ministère
Public de rapporter un quelconque acte répréhensible commis par NTEZIRYAYO Emmanuel ;
Attendu qu’à la question de savoir quand GISAGARA JMV est mort, NTEZIRYAYO
Emmanuel répond que c’est en avril, qu’à celle de savoir si des victimes n’étaient pas
8ème feuillet.
mortes auparavant il répond qu’elles ont été tuées par les militaires et des jeunes hommes, que
concernant le message émanant du bourgmestre dont il est question, il dit qu’il n’a jamais existé
et qu’il est par ailleurs prêt à se plier à la sanction s’il est établi qu’il a désigné les 10 personnes
qu’on l’accuse d’avoir réunies dans une association de malfaiteurs ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que Maître SAYINZOGA J . Pierre fait valoir que
le Ministère Public n’a pas rapporté de preuves, alors que le prévenu n’a pas nié la tenue de la
réunion incriminée et que les 10 personnes dont il est question qui ont été désignés pour assurer
la sécurité ont plutôt contribué à l’insécurité ; que Maître NKURIKIYIMFURA Emmanuel,
21
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
avocat des parties civiles, renchérit en disant que NTEZIRYAYO Emmanuel a demandé au
Tribunal d’entendre la population du secteur qu’il dirigeait sur sa conduite à l’époque du
génocide alors que ceux qui ont été interrogés, dont NSANGANIRA, en font partie et qu’ils ont
affirmé que c’est NTEZIRYAYO qui a formé un comité de 10 personnes auxquelles il a donné
des instructions et que, dans la soirée, celles-ci ont commencé à ériger des barrières et à tuer,
qu’il devrait dès lors indiquer la nature du conflit qui l’oppose à ces personnes qui le mettent en
cause ; qu’il continue en disant que si des personnes qui étaient pourchassées et que
NTEZIRYAYO Emmanuel aurait défendues sont encore en vie, elles devraient être citées à
comparaître aux fins de témoigner sur les circonstances dans lesquelles il les a secourues, qu’il
arrivait cependant que quelqu’un sauve certaines personnes et en tue d’autres plus nombreuses ;
qu’il termine en demandant que NTEZIRYAYO poursuive sa défense sur les faits qui lui sont
reprochés et que les personnes qu’il a sauvées puissent témoigner par la suite ; que relativement
au moyen de défense du prévenu qui dit avoir été réprimandé lors des réunions pour l'inactivité
de son secteur dans les tueries, il demande que le prévenu produise le compte rendu de la
réunion au cours de laquelle ces faits ont eu lieu ; que le prévenu rétorque cependant que le
bourgmestre ne l'a pas invité à ladite réunion ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les nommés KABERA Adiel, RUKEBESHA
Aloys, HATEGEKIMANA et MPUNGIREHE qui ont été condamnés à la peine de mort dans
l’affaire RMP 49457/S7 ainsi que DUSINGIZIMANA Israël (ex-conseiller) qui est encore
prévenu mais est passé aux aveux ont mis NTEZIRYAYO Emmanuel en cause ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que son confrère, Conseil des parties civiles,
invoque comme preuves les déclarations figurant au dossier et faisant état de la réunion de la
population qui a eu lieu, que cependant NTEZIRYAYO Emmanuel ne nie pas la tenue de cette
réunion à laquelle a pris part la population de toutes les ethnies, que des gens peuvent se révéler
bons lors de leur élection et changer par la suite, mais que NTEZIRYAYO Emmanuel ne saurait
aucunement répondre de ce changement, qu’il termine en demandant au Tribunal de bien vérifier
si les 10 personnes ont été désignées par NTEZIRYAYO E. ou choisies par la population et qu'il
dit que l’Officier du Ministère Public s’appesantit sur les réunions comme preuves à charge sans
cependant en indiquer la date ni démontrer ce qui y a été débattu, qu’il déclare également ne
point approuver les déclarations des détenus qui ont été définitivement condamnés ;
Attendu qu’interrogé sur les victimes que DUSABEMARIYA Marguerite l’accuse d’avoir tuées
tel que cela apparaît à la cote 20 du dossier, NTEZIRYAYO répond que l’intéressée devrait
expliquer au Tribunal les circonstances des faits allégués et qu’il estime quant à lui que cette
accusation relève de l’habitude que les gens avaient adoptée à la fin de la guerre en 1994 de faire
de fausses dénonciations ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que la
déclaration de DUSABEMARIYA figurant à la cote 20 n’est point crédible car une seule
personne ne peut pas en toute logique tuer d’aussi nombreuses victimes qui sont au nombre de
15 personnes, qu’il demande au Tribunal d’en faire un examen avec délicatesse et de punir son
client si les faits sont avérés ;
9ème feuillet.
Attendu qu’invité à répliquer aux déclarations des témoins à sa charge, NTEZIRYAYO dit que
ces témoins se fondent sur l’unique réunion qu’il a dirigée, qu’il estime que Israël peut le
22
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
disculper s’il le veut, car il sait bien que les massacres ont commencé quand MASONGA
François est entré en fonction, qu’à la question de savoir s’il a envoyé à Hassan un message lui
interdisant de relâcher toute personne arrêtée même s’il ne s’agissait que d’un simple passant, il
répond que c’est une fausse accusation et termine en disant qu’il n’a jamais pratiqué la
discrimination ethnique et que le compte rendu de la réunion au cours de laquelle les 10
personnes ont été choisies est gardé par le responsable de cellule qui est l’actuel conseiller de
secteur ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO E, dit que le procès-
verbal portant la cote 20 n’a aucune force probante car il n’a pas été établi conformément aux
règles de procédure et que le verbalisant n’est pas clairement identifié ;
Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense sur les preuves rapportées par le Ministère
Public et spécialement les déclarations des détenus condamnés, il répond que même en prison où
ils se trouvent, ces détenus lui en veulent beaucoup, notamment le nommé RUKEBESHA, car
celui-ci a été fortement ébranlé par la peine d’emprisonnement à perpétuité à laquelle il a été
condamné, que ces détenus ne supportent pas qu’il n’ait pas subi le même sort si bien que lors
des séances dites Gacaca, RUKEBESHA a dit aux autres de lui attribuer faussement des
infractions, qu'il ne leur en tient cependant pas rigueur quant à lui, mais qu’il va prier pour eux ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les déclarations faites par les détenus avant
leur condamnation doivent être considérées comme crédibles ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit que
NTEZIRYAYO Emmanuel persiste à plaider non coupable alors qu’après l’élection des 10
personnes il est resté avec elles et que par la suite des gens sont morts, qu’il n’explique ni
pourquoi il est resté avec eux ni comment il a fait un suivi des activités de ce comité ;
Attendu qu’invité à répliquer aux arguments du Conseil des parties civiles, NTEZIRYAYO
Emmanuel dit que les 10 personnes ont été choisies par toute la population et qu’elles ont
entretemps été utiles jusqu’à l’arrivée des militaires qui a provoqué une scission au sein de ce
comité si bien que quelques-unes d’entre elles ont pris part aux massacres, qu’il a fait au mieux
pour faire un suivi de ses activités ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par le prévenu
NTEZIRYAYO Emmanuel, NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit que
c’est avant la mise sur pied du comité dont il est question que le prévenu a sauvé des gens mais
que les victimes ont été tuées après la désignation dudit comité, que ses moyens de défense n’ont
pour but que de semer le doute dans l’esprit du Tribunal ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il est resté avec les personnes qui venaient d’être
choisies, NTEZIRYAYO Emmanuel répond que c’était pour les enregistrer, que ce comité n'était
pas destiné à exécuter les massacres et qu’il n’en faisait pas partie, qu’à celle de savoir s’il a
collaboré avec MASONGA François après la mort de GISAGARA JMV il répond par
l’affirmative et dit qu’ils avaient une réunion chaque vendredi et que MASONGA l’accusait de
placer les Tutsi à la barrière si bien qu’il lui est arrivé d’amener 6 militaires pour vérifier cette
accusation, qu’il poursuit en disant que la population peut confirmer ce qu’il dit, que les gens qui
fréquentaient les cabarets où ils mangeaient de la viande grillée avaient pour objectif de
perpétrer des tueries dans le secteur BUSASAMANA où la population s’était abstenue de les
commettre ;
23
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
10ème feuillet.
Attendu qu’interrogé sur la façon dont MASONGA François l’a persécuté, NTEZIRYAYO
Emmanuel répond qu’ils étaient en réunion au bureau communal quand il lui a demandé
pourquoi il place des Tutsi à la barrière et notamment le père de GISAGARA JMV, qu’ils l’ont
mis à bord d’un véhicule pour aller vérifier le fait sur les lieux, qu’à la question de savoir s’il a
changé de comportement à l’époque où MASONGA François était en fonction après la mort de
GISAGARA JMV qui s’opposait aux massacres, il répond qu’il s’est gardé de participer aux
méfaits, que la déclaration de NSANGANIRA selon laquelle le bourgmestre lui a envoyé un
message est fausse, car GISAGARA JMV avait fui et qu’il a gardé ses distances à l’égard de
MASONGA François si bien qu’il n’allait au bureau communal que les vendredi dans les
réunions hebdomadaires ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO a lui aussi supervisé les
massacres car il reconnaît que MASONGA François est venu lui demander des informations ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre souhaite que NSANGANIRA E soit interrogé sur les
circonstances dans lesquelles il a entendu parler du message que le bourgmestre a envoyé à
NTEZIRYAYO le menaçant de commencer par tuer les membres de sa famille s’il continuait à
s’abstenir de prendre part aux massacres ;
Attendu qu’invité à donner des éclaircissements sur ce message qui a été envoyé au conseiller
NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène dit qu’il a participé aux réunions comme il
l’a déjà dit dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant la cote 1 et que même Israël qui
participait à cette réunion le charge, qu’à la question de savoir comment ce message a été
communiqué à NTEZIRYAYO, il répond que c’est son collègue de service à la laiterie, en la
personne de KAREGE, qui le lui a rapporté au moment où ils étaient au service ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par NSANGANIRA,
Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il se peut que, contrairement à cette affirmation, ce
message n’ait pas été communiqué à NTEZIRYAYO ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il est sûr que ce message dont il a eu connaissance au
service à la laiterie est effectivement parvenu à NTEZIRYAYO, NSANGANIRA répond par
l’affirmative et dit que NTEZIRYAYO s’est d’abord opposé aux tueries mais qu’il a par la suite
fait preuve de faiblesse et a participé à une réunion au bureau communal, qu’interrogé sur la
nature de cette faiblesse et sur les moyens dont disposait le prévenu, il répond que l’intéressé a
une part de responsabilité dans les massacres car, dès qu’ils ont commencé, il n’a organisé
aucune réunion en vue de demander pourquoi des gens étaient tués, qu’il doit ainsi en répondre
devant le Tribunal ;
24
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
11ème feuillet.
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que la
population était divisée et que MASONGA François est allé rendre visite à NTEZIRYAYO,
qu’ils se sont alors concertés et que celui-ci lui a obéi, que c’est à ce moment que les victimes
innocentes ont commencé à être tuées ;
Attendu que maître SAYINZOGA J. PIERRE, Conseil de NTEZIRYAYO, dit que durant la
période où GISAGARA était encore bourgmestre, les gens n’ont pas été tués, que la population a
changé de comportement et a participé aux massacres à l’époque où cette fonction était exercée
par MASONGA François qui a été un meurtrier, qu’il se peut que le message envoyé à
NTEZIRYAYO ait existé mais qu’il ne lui soit pas parvenu, qu’il termine en disant que seul le
bourgmestre doit répondre des tueries qui ont été commises étant donné que le conseiller ne
pouvait d’ailleurs rien faire pour résister à six militaires ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’il estime que c’est le conseiller qui a
ordonné les massacres car il est resté avec les membres du comité après sa constitution et que les
victimes ont été tuées le lendemain ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît que les
individus qui ont été élus par la population sont restés pour se faire enregistrer après la réunion,
que Maître NKURIKIYIMFURA argumente que ces personnes sont restées pour recevoir des
instructions sans cependant indiquer comment celles-ci ont été données ni la voie par laquelle il
en a eu connaissance ;
Attendu qu’invité à dire quelque chose sur la réunion au cours de laquelle les personnes chargées
du maintien de la sécurité dans le secteur BUSASAMANA ont été élues, l’Officier du Ministère
public répond que NTEZIRYAYO devrait lui aussi dire au Tribunal si cette réunion de sécurité a
atteint ses objectifs ;
Attendu que NTEZIRYAYO dit que ce comité a mené ses activités dans la cellule
BUNYESHWA de façon qu’il a même pris à un groupe de malfaiteurs une hache qui devait
servir à commettre les tueries, mais qu’il s’est dissout après que des gens ont été tués par balles à
la laiterie par les militaires, que par ailleurs, des gens avaient reçu des grenades de sorte qu’il ne
pouvait pas les affronter, qu’il termine en disant que quelques- uns de ces individus ont commis
les massacres mais qu’en ce qui le concerne, il y a lieu d’interroger la population qu’il dirigeait
pour qu’elle témoigne à sa décharge ; qu’à la question de savoir si quelques-uns des membres de
ce comité chargé de la sécurité n’ont pas pris part aux massacres il répond par l’affirmative et
25
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
cite KAMATALI et AMULI, qu’interrogé sur l’ordre du jour des réunions hebdomadaires qu’ils
tenaient au bureau communal à l’époque du génocide, il dit qu’ils examinaient des questions
relatives à la sécurité ainsi que la situation qui prévalait aux barrières, qu’à la question de savoir
si des victimes ont été tuées aux endroits où des barrières étaient érigées dans son secteur, il dit
que cela est arrivé aux barrières que surveillaient NSANGANIRA et sa bande, mais qu’aucune
victime n’a été tuée aux autres barrières où il a pu se rendre et notamment celle érigée chez
KITUMVA ;
Attendu que NSANGANIRA dit qu’il ne connaît pas KAMATALI mais qu’il a vu AMULI
portant une tenue militaire emmener des victimes, que NTEZIRYAYO relève que le recours à la
procédure d’aveu emporte le fait de dire toute la vérité, que si NSANGANIRA n’a pas dénoncé
AMULI auparavant, cela est la preuve qu’il ment, que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande
au Tribunal d’examiner attentivement le plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA
12ème feuillet.
étant donné qu’il ajoute de nouveaux éléments si bien qu’il y a lieu de se demander pourquoi il
n’a pas fait ces révélations auparavant ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit que la responsabilité d’une personne ne
se limite pas aux seuls faits dommageables commis par elle, mais qu’elle s’étend également aux
dommages causés par ceux qu’elle a la charge de diriger et qu’à cet égard le prévenu n’a fait
aucun suivi des activités du comité de sécurité, qu’il termine en demandant que
KANYANDEKWE, KANAZI et NYIRANTEGEYINKA soient admis à faire leur témoignage ;
Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il lui est reproché de n’avoir pas fait de rapports
sur les crimes qui étaient commis alors qu’il en a fait une fois quand une victime avait été tuée
par balle mais que, l’ayant remis au commandant de place, celui-ci lui a dit qu’il ne voulait pas
un quelconque rapport de ce genre au motif que c’était l’état de guerre ;
Attendu qu’invité à donner l’identité des victimes tuées et ayant des liens de parenté avec lui, la
partie civile KANYANDEKWE Eugène dit que ce sont son père KANYANDEKWE Canisius,
ses oncles paternels NSABIMANA et NSHUNGUYINKA Jean, son beau-frère MBARAGA
Egide, sa sœur MUGIRANEZA Renata, sa cousine KAYISIRE Béata, sa sœur UMUHOZA, son
petit frère GISAGARA JMV, son petit frère KAYIRANGA J. Claude et sa mère
MUKANDUTIYE Vénantie, qu’à la question de savoir si toutes ces victimes ont été tuées dans
le secteur BUSASAMANA il répond que les trois dernières ont été emmenées d’autres endroits
26
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
pour être tuées à NYANZA, qu’à celle de savoir s’il vivait à cette époque à NYANZA il répond
qu’il vivait à KIGALI et qu’il n’est arrivé à NYANZA que le 19/04/1994, qu’interrogé sur ce
qu’il a vu après son arrivée à NYANZA il répond qu’il a vu beaucoup de choses mais qu’il
entend principalement parler du cas du conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’il s’excuse
quand même pour ne pas s’être constitué partie civile auparavant car il ignorait que
NTEZIRYAYO Emmanuel avait été retrouvé, qu’il poursuit en disant que l’exercice des
fonctions de bourgmestre de la commune par son frère GISAGARA a été caractérisé par l’unité
de la population mais que tout a changé à partir du 24/04/1994 quand les massacres ont
commencé à MWOGO après une réunion qui a été dirigée à BUTARE par le Président du
gouvernement intérimaire et à laquelle son petit frère a assisté, qu’entre temps GISAGARA est
intervenu à MWOGO avec les policiers communaux pour mettre fin aux massacres qui étaient
commis par des gens venus de GIKONGORO pour rechercher à NYANZA les personnes
pourchassées qui y avaient trouvé refuge, qu’il dit avoir, du champ de sorgho où il se cachait, vu
NTEZIRYAYO dans le véhicule qui a servi au transport de 7 personnes qui se trouvaient au
domicile de la famille KANYANDEKWE et qui ont été conduites au stade et tuées, que le
nommé RUKEBESHA Aloys, lors de sa défense devant le Tribunal dans l’affaire à sa charge, a
également témoigné à charge du prévenu en affirmant que c’est lui qui lui a montré ces victimes
qui ont été tuées au stade ; qu’à la question de savoir s’il sait quelque chose sur le cas de
NSANGANIRA il répond qu’il ne le connaissait pas et qu’il l’a vu pour la première fois au
Tribunal ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que toute action doit être introduite dans la
forme légale, qu’il estime que son client ne peut pas présenter ses moyens de défense sur cette
nouvelle prévention qui n’a point été libellée par le Ministère Public, que la vérité doit triompher
car il se peut que le témoin ne mente pas mais, qu’ils doivent se borner à se défendre sur les
crimes faisant l’objet des présentes poursuites ;
13ème feuillet.
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que le
témoignage de KANYANDEKWE est une façon de montrer les autres actes répréhensibles
commis par NTEZIRYAYO, qu’il demande au Tribunal d’en connaître car à son avis
NTEZIRYAYO est accusé de peu d’infractions, que Maître SAYINZOGA J. Pierre, conseil du
prévenu, dit qu’ils ne s’opposent pas à ce que d’autres plaintes soient déposées, mais qu’il faut
respecter la procédure prévue à cet effet ;
Attendu que la partie civile NYIRANTEGEYINKA Véronique dit que ses proches parents ont
été tués à savoir sa belle-sœur Catherine MUJAWAYEZU, sa nièce KAYIREBWA, sa belle-
sœur MUKARUZIGA Marguerite, sa belle-fille MUKARUSHEMA et ses quatre enfants ainsi
que UWAYEZU Alphonsine, qu’à la question de savoir si elle se trouvait dans la région lors des
événements qui ont coûté la vie à ces victimes elle répond qu’elle s’y trouvait au début des
massacres et dit que ce sont les prévenus qui dirigeaient les expéditions meurtrières et que
NTEZIRYAYO a donné l’ordre d’ériger des barrières dont l’une se trouvait devant le domicile
de sa famille (sur la route) ; qu’elle poursuit en disant que NSANGANIRA a dit au nommé
TWAGIRAYEZU, le fils de KADENESI, que la barrière devait être déplacée et surveillée par
des personnes munies de cartes d’identité complètes ; qu’un samedi, un groupe de gens en
provenance de BUSASAMANA a emporté deux vaches, qu’ils sont revenus et ont pillé les biens
se trouvant dans les maisons ; qu’interrogée sur la part de responsabilité du conseiller
NTEZIRYAYO Emmanuel, elle dit que c’est lui qui envoyait des messagers mais qu’elle n’en a
27
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
pas été témoin à part en avoir entendu parler, car même NSANGANIRA qui a déplacé la barrière
a dit que c’est sur ordre du conseiller qu’il le fait ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, déclare vouloir
apporter quelques précisions sur les victimes car les renseignements que le Ministère Public a
donnés sont incomplèts, qu’il dit que Pauline est l’épouse de NSABUMUKUNZI tandis que le
mari de KADENESI est TWAGIRAYEZU, que le Ministère Public a parlé de deux enfants
victimes alors qu’ils sont quatre, que MUKAMUZIMA est l’épouse de Grégoire et non de
Gervais, qu’il y a l’épouse de NYARUHIRIRA nommée MUJAWAYEZU Catherine, l’épouse
de KANYABIHORO qui est également la fille de RUBINDO et s’appelait KAYITESI, que les
noms des enfants de KADENESI sont MUKASHYAKA Olive, KIBWANA,
NKURIKIYIMFURA et SHEMA ;
Attendu qu’invité à témoigner sur les prévenus qui ont comparu, KANAZI dit que
NTEZIRYAYO Emmanuel était un ami de la vieille dame MUKANGWIJE à qui il avait
d'ailleurs offert un poste radio à son retour d'Europe ; que le jour de l'assassinat, la victime avait
été rendre visite à KANAZI et que, en rentrant, elle a croisé les prévenus qui l'ont alors tuée,
qu’il poursuit en disant que NSANGANIRA l'a tuée à un endroit où était érigée une barrière,
qu’invité à faire des observations sur le moyen
14ème feuillet.
de défense de NTEZIRYAYO selon lequel la population peut le disculper, il dit qu’il ne peut pas
le disculper et que ceux qui peuvent le faire sont ses coauteurs ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de Emmanuel NTEZIRYAYO, dit qu’il y a
lieu de demander à KANAZI s’il a été témoin oculaire de ce qu’il rapporte ou s’il l’a appris,
qu’il répond que c’est son épouse qui le lui a dit et qu’elle ne peut pas lui mentir ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que la déclaration de NTWALI figurant à la
cote 10 ne concorde pas avec celle de KANAZI en ce que NTWALI a dit que MUKANGWIJE a
accouru pour voir son fils qui avait été appréhendé et qu’elle lui apportait du thé ;
Attendu qu’invité à dire laquelle de ces deux déclarations différentes est véridique, KANAZI dit
qu’elle a communiqué au Tribunal l’identité de la personne qui lui a appris les faits ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA, avocat des parties civiles, dit que les deux
déclarations sont complémentaires car l’objectif de tuer MUKANGWIJE a été atteint ;
28
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que ces deux déclarations sont plutôt
contradictoires dès lors que selon l’une, cette vieille dame a été emmenée de la maison pour être
tuée et que selon l’autre, elle apportait du thé à la barrière, qu’il y a lieu de les examiner
attentivement ;
Attendu que Maître Innocent NKURIKIYIMFURA, avocat des parties civiles, demande que
NSANGANIRA qui a tué cette vieille dame en explique les circonstances ;
Attendu qu’invité à répliquer aux témoignages à sa charge, NTEZIRYAYO Emmanuel dit que
toux ceux qui témoignent à sa charge déclarent rapporter ce qu’ils ont entendu dire, que
NDAHAYO est le gendre de ces témoins si bien qu’ils se sont entendus sur le témoignage à
faire, que la sœur de RUKEBESHA nommée Marie se trouvait à la barrière et donnait le
signalement des victimes et qu’il a quant à lui expliqué les circonstances dans lesquelles il a été
appréhendé, qu’interrogé sur la barrière dont il a ordonné le déplacement ainsi que sur deux
vaches qui ont été pillées, il dit qu’il n’en sait rien ;
Attendu que l’audience est suspendue pour continuer le 28/11/2001 par l’audition des témoins de
toutes les parties c’est-à-dire à charge ou à décharge ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que chaque
prévenu devrait indiquer les faits sur lesquels il souhaite que les témoins le disculpent, qu’il
demande également au Tribunal de faire une descente sur les lieux des infractions en vue d’une
meilleure manifestation de la vérité, qu’à cette date six témoins en liberté ainsi que quatre
témoins détenus présentés par le ministère Public ont comparu ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il revient en principe au Tribunal de décider
les faits sur lesquels il va interroger chaque témoin ou que le témoin à décharge répond selon les
questions qui lui sont posées, qu’il désapprouve dès lors l’argument de Maître
NKURIKIYIMFURA Innocent ;
15ème feuillet.
Vu que seul le Tribunal doit diriger les débats en audience en se conformant à la loi en vue d’une
meilleure manifestation de la vérité, qu’à cet égard NTEZIRYAYO Emmanuel est invité à
préciser les éléments sur lesquels il souhaite voir RWANDENZI Donatus le disculper, qu’il
répond que l’intéressé peut témoigner à sa décharge sur les circonstances dans lesquelles
MASONGA et les militaires sont venus à bord d’un véhicule et celles dans lesquelles il a
secouru les personnes qui étaient sur le point d’être tuées dans un boisement, que l’une des
personnes sauvées peut le confirmer et que le témoin, peut par ailleurs parler de sa conduite à
l’époque du génocide car ils sont voisins ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a des liens de parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel,
RWANDENZI Donatus dit qu’il n’en a pas, qu’ils sont voisins, qu’il poursuit en disant que
l’intéressé a été élu conseiller de secteur en 1991, qu’interrogé sur les crimes atroces commis
dans son secteur il dit qu’il se trouvait à la maison et n'a pas suivi le déroulement de ces crimes,
qu’interrogé également sur les circonstances dans lesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel, en sa
qualité d’autorité, a défendu selon ses moyens les personnes qui étaient pourchassées, il répond
29
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
qu’il a protégé MUJAWIMANA et UWAMAHORO Béatrice quant l’une d’entre elles lui a dit
que ses beaux-frères étaient sur le point d’être tués, qu’il n’avait cependant pas les moyens de les
secourir sinon qu’il a requis l’intervention d’un gendarme qui avait accepté de l’aider, qu’ils se
sont rendus ensemble dans un boisement où ils ont trouvé une vieille dame qui avait été tuée et
que NTEZIRYAYO Emmanuel et MUJAWIMANA Collette y étaient, qu’à la question de savoir
ce que NTEZIRYAYO faisait dans ce boisement il répond que seul l’intéressé peut y répondre,
qu’interrogé sur le rôle qu’a joué NTEZIRYAYO dans la protection de cette enfant il dit qu’il a
empêché les tueurs de la tuer et l’a gardée près de lui jusqu’à ce qu’elle soit sauvée, qu’interrogé
sur les moyens qu’avait NTEZIRYAYO Emmanuel pour protéger les victimes, il dit qu’il n’en
avait pas et que ce sont les militaires qui disposaient des moyens, qu’il poursuit en disant que
NTEZIRYAYO se comportait bien en interdisant aux gens de s’entre-tuer et qu’il ne sait pas si
l’intéressé a par la suite changé de comportement;
Attendu que RWANDENZI Donatus est interrogé sur l’endroit d’où son beau-frère qui allait être
tué a été emmené, qu’il répond que l’intéressé a été emmené de GATUMBA où la mère de
MUNYESHYAKA avait été tuée, qu’invité à parler du véhicule qui a transporté les membres de
la famille KANYANDEKWE et des circonstances de mise sur pied du comité chargé de la
sécurité, il dit ne pas avoir vu ce véhicule car il n’était pas présent, qu’il n’était pas présent non
plus lors de la désignation des membres du comité de sécurité, qu’il dit cependant qu’il a appris
que ce sont dix personnes qui ont été désignées pour assurer la sécurité en faisant le tour et
pourchasser les INYENZI ; qu’à la question de savoir si de son point de vue ces gens assuraient
réellement la sécurité, il répond ne pas avoir eu le temps de le vérifier car les INKOTANYI sont
très vite arrivés et que la population a fui ; qu’à celle de savoir pourquoi à son avis les massacres
ont tardé à commencer dans son secteur, il répond que c’est parce que NTEZIRYAYO
Emmanuel empêchait les gens de s’entre-tuer, que même s’il y a eu des victimes, il a fait de son
mieux pour empêcher les gens de s’impliquer dans les tueries ;
Attendu qu’invité à faire ses observations sur les témoignages faits au cours de l’audience du
27/11/2001 selon lesquels le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté au
moment où GISAGARA était encore bourgmestre et s’opposait aux massacres au point d'avoir
été tué pour cette raison, mais que l’intéressé a changé de conduite quand MASONGA François
qui encourageait les tueries est entré en fonction,
16ème feuillet.
il répond qu’il ne l'a pas, quant à lui, vu changer de comportement à moins qu’il ait commis des
tueries ailleurs, mais qu’il n’entretenait pas de conversation avec lui, qu’à la question de savoir
s’il connaît NSANGANIRA Eugène il répond qu’ils ne sont pas voisins et qu’il ne peut pas le
charger car il ne l’a pas vu, qu’il dit également qu’il ne connaissait pas la vieille dame nommée
MUKANGWIJE Suzanne ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, demande que
RWANDENZI dévoile le nom du gendarme qui était son ami, que l’intéressé répond qu’il
s’appelait MBARAGA, que l’avocat renchérit en disant que ce MBARAGA était un tueur et
collaborait avec le conseiller et qu’il en veut pour preuve la déclaration selon laquelle
NTEZIRYAYO Emmanuel et MBARAGA se trouvaient dans un boisement où il y avait des
victimes tuées et d’autres en vie, que cela démontre le pouvoir qu’avait NTEZIRYAYO
Emmanuel de tuer ou sauver qui il voulait, qu’il poursuit en disant que RWANDENZI est un ami
de NTEZIRYAYO Emmanuel car il semble le protéger dès lors qu’il dit d’une part qu’il ne sait
30
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
pas s’il a commis des crimes et d’autre part qu’il empêchait aux gens de s’entre-tuer ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le nommé RUKEBESHA Aloys a, dans
l’affaire RMP 49457/S7 dont le jugement a été rendu le 27/11/2000, affirmé que NTEZIRYAYO
Emmanuel se trouvait à bord du véhicule qui transportait les militaires ; que Maître
SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, relève que l’Officier du
Ministère Public invoque des éléments de preuve qu’il n a pas versés au dossier pour qu’ils
puissent y répliquer, que l’Officier du Ministère Public rétorque que le jugement existe et qu’il
peut être remis à quiconque le souhaite pour consultation ;
Attendu que RWANDENZI dit que ce n’est pas en compagnie de MBARAGA qu’il est allé dans
le boisement mais bien un autre gendarme, qu’il a appris cependant que ce dernier est mort ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, ICYIMPAYE dit qu’il n’a aucun lien de parenté avec
NTEZIRYAYO et que, au cours du génocide, il l’a vu une fois être conduit par des militaires
dans leur camp, qu’interrogé sur le comportement de l’intéressé quand deux personnes n’ayant
pas la même position sur les massacres ont successivement exercé les fonctions de bourgmestre,
il répond que GISAGARA s’est opposé aux massacres, qu’il a été tué pour cette raison mais
qu’il avait d’abord fui, qu’il ignore cependant quel a été le climat de collaboration entre
NTEZIRYAYO et MASONGA, qu’il accuse le nommé DUSINGIZIMANA d’être arrivé dans le
secteur BUSASAMANA à bord d’une motocyclette en possession de deux fusils et d’avoir dit
que rien n’y avait été fait alors qu’ailleurs les tueries étaient terminées, que les Interahamwe sont
venus le lendemain pour tuer, qu’à cette époque la fonction de bourgmestre était assurée par
MASONGA François, qu’il poursuit en déclarant ignorer comment MASONGA François
collaborait avec les conseillers NTEZIRYAYO Emmanuel et Israël DUSINGIZIMANA, qu’il
n’a cependant jamais vu MASONGA François chez NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’interrogé sur
l’endroit d’où les militaires ont emmené NTEZIRYAYO Emmanuel et l’ont conduit au camp
militaire en vue de lui faire signer pour que les Tutsi soient tués, il répond qu’ils l’ont emmené
de chez lui par force et qu’il leur a dit qu’il n’y avait pas de Tutsi dans son secteur, qu’il est
directement tombé malade à son retour du camp militaire de sorte qu'il ne l’a plus revu,
17ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir si des victimes n’ont pas été tuées là où il habite,
ICYIMPAYE Z. répond qu’elles ont été tuées par des Interahamwe envoyés par le conseiller du
secteur MUSHIRARUNGU et qu’on affirmait que NTEZIRYAYO Emmanuel devait lui aussi
être tué parce qu’il était un complice ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que
ICYIMPAYE introduit dans son témoignage des éléments que le prévenu n’a pas fait valoir et
qu’à cet égard il veut le protéger, que sa déclaration ne doit pas être considérée comme crédible,
que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève qu’il ne revient pas à son confrère d’accorder une
valeur probante aux déclarations faites, mais que cela est de la compétence du Tribunal, que
31
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
concernant les moyens de défense que NTEZIRYAYO n’a pas invoqués, il dit que l’audience se
poursuit et qu’il a donc encore le temps de s’en prévaloir ;
Attendu qu’invité à faire ses observations sur le témoignage et les arguments des deux avocats,
NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ICYIMPAYE dit la vérité, que relativement aux éléments
dont il n’a pas parlé, il dit que cela est dû au fait qu’il vient de passer un temps long en prison si
bien qu’il oublie au fur et à mesure certaines preuves dont il devrait se prévaloir à sa décharge ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public souhaite que le Tribunal demande au prévenu s’il
participait aux réunions qui avaient lieu au bureau communal, que l’intéressé répond que c’est
par force qu’il prenait part aux réunions administratives mais qu’il se gardait de mettre en
exécution les recommandations qui y étaient formulées et disait qu’il n’y avait pas de Tutsi dans
son secteur ;
Attendu qu’à la question de savoir si les Tutsi n’ont plus été tués à son retour du camp militaire,
il répond que quelques-uns ont été tués par les militaires et d’autres par les malfaiteurs qui se
promenaient pendant la nuit, qu’à celle de savoir s’il n’a pas eu de problème avec les militaires
quand les gens ont commencé à être tués alors qu’il leur avait dit qu’il n’y avait pas de Tutsi
dans son secteur, il répond qu’il n’a plus paru en public pour cause de maladie ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a rien fait pour sauver MUKANGWIJE Suzanne
alors que les éléments recueillis au cours de l’instruction préparatoire et le témoignage de
KANAZI Athanase montrent qu’ils entretenaient des relations amicales, NTEZIRYAYO
Emmanuel répond que l’endroit où habitait cette vieille dame n’était pas très proche de chez lui
et qu’il était par ailleurs malade, que concernant le témoignage de KANAZI, il dit qu’il n’est pas
véridique ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKASHARANGABO Bernadette dit qu’elle n’a pas de
lien de parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’à la question de savoir ce qu’elle a à dire sur
les préventions mises par le Ministère Public à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel d’avoir
incité la population aux tueries et pillages et d’avoir désigné dix personnes dans le secteur
chargés de pourchasser les gens menacés, elle répond que les dix personnes ont été désignées par
la population en vue du maintien de la sécurité, mais qu’elle ignore comment ils sont finalement
devenus des tueurs, qu’elle était elle aussi présente lors de leur élection, qu’elle poursuit en
disant que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté et qu’elle n’a entendu parler d’aucune
victime qu’il aurait tuée, mais qu’ils ne se promenaient pas ensemble, qu’à la question de savoir
s’il y a des tueurs que NTEZIRYAYO Emmanuel envoyait commettre ces crimes, elle répond ne
pas en avoir entendu parler, qu’en réponse à la question de savoir si elle connaissait
MUKANGWIJE Suzanne,
18ème feuillet.
elle dit qu’elle la connaissait, mais qu’elle n’a appris sa mort que le lendemain de son assassinat
et qu’elle n’a eu aucun renseignement sur les circonstances de ce crime tout comme celles de
l’assassinat d’autres victimes qui ont été tuées sur sa colline ;
Attendu qu’à la question de savoir si elle faisait partie des Rwandais pourchassés,
MUKASHARANGABO Bernadette répond par l’affirmative et dit qu’elle figurait au nombre
des gens qui devaient mourir, qu’elle n’a été sauvée que par les INKOTANYI à leur arrivée à
32
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il est difficile d’expliquer comment les victimes
ont été tuées, mais qu’il a fait de son mieux pour contrecarrer les tueurs comme le confirme
MUKASHARANGABO Bernadette, mais que les victimes sont quand même mortes, que
Bernadette le sait, car elle était membre du comité de cellule ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA, Conseil des parties civiles, souhaite qu’il soit
demandé à MUKASHARANGABO Bernadette si, quand elle a vu NTEZIRYAYO Emmanuel se
rendre au camp militaire, celui-ci était accompagné par des militaires, et si, quand il l’a informé
de son renvoi, il lui en a appris le motif, qu’elle répond qu’aucun militaire ne conduisait
NTEZIRYAYO quand ils se sont rendus au camp militaire et que concernant son renvoi, il lui a
dit qu’il attendait l’acte émanant de l’autorité communale ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’il est
clairement établi que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est volontairement rendu au camp militaire,
qu’il allait donc faire son rapport et que le fait que
19ème feuillet.
Bernadette a été exclue des dirigeants des cellules constitue lui aussi la preuve qu’elle était
33
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
réellement pourchassée ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, avocat de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’il
ignore d’où Maître NKURIKIYIMFURA Innocent tire les arguments qu’il fait valoir car ils ne
figurent pas au dossier comme par exemple celui consistant à dire que NTEZIRYAYO
Emmanuel a apporté un rapport au camp militaire alors que le concerné dit qu’il y a été conduit
par les militaires, qu’il est faux de dire que MUKASHARANGABO a été exclue des membres
des comités de cellule car il l’a laissée assister à la réunion alors qu’il avait le pouvoir de l’en
écarter, mais qu’il ne l’a pas fait car aucun conflit ne les opposait ;
Attendu que ICYIMPAYE est invité à dire si sa déclaration est plus véridique que celle de
Bernadette qui dit que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est rendu lui-même au camp militaire alors
qu’il affirme quant à lui qu’il était conduit par les militaires ; qu’il répond avoir vu lui-même ce
qu’il a dit car l’intéressé était conduit par deux militaires et qu’ils se trouvaient encore sur la
route et n’avaient pas encore atteint le camp militaire quand ils l’ont interrogé, que les victimes
ont été tuées par les gens qui sont actuellement en fuite et d’autres qui sont décédés, que
MUKASHARANGABO termine quant à elle en disant qu’elle n’a rien à ajouter ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMURINA Julienne dit qu’elle n’a pas de lien de
parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel ; qu’interrogée sur l’endroit où elle vivait à l’époque du
génocide et sur le comportement de NTEZIRYAYO Emmanuel qui était conseiller de secteur,
elle répond qu’elle vivait à BUSASAMANA et qu’elle ignore la conduite du prévenu car dit-
elle, après l’assassinat de son fils Emmanuel, elle a commencé à se cacher dans des boisements
avec d’autres membres de sa famille, qu’à la question de savoir de quoi elle disculpe
NTEZIRYAYO qui l’a présentée comme témoin à décharge elle dit qu’à un moment, on a dit
que la paix avait été rétablie et que ceux qui se cachaient sont sortis de leur cachette, qu’il y a eu
par la suite une attaque au cours de laquelle elle a reçu un coup de hache, que ceux qui étaient
avec elle sont morts sur le coup, mais qu’elle n’est pas morte quant à elle, que le nommé
MUREGO est arrivé sur les lieux et que, constatant qu’elle respirait encore, il l’a conduite chez
le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel qui lui a donné une lettre de recommandation qu’elle a
remise à BISOMA chez qui elle est restée jusqu’à l’arrivée des INKOTANYI à NYANZA ;
qu’interrogé sur la conduite de NTEZIRYAYO Emmanuel avant la guerre elle répond que la
situation était bonne ;
Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que MUKAMURINA Julienne a crié au secours et
qu’il a accouru en compagnie des dix personnes chargées de la sécurité et élues par la population
si bien qu’ils ont attrapé ceux qui lui ont donné les coups d’une petite hache, qu’ils en ont établi
un procès-verbal, qu’il poursuit en disant que l’attaque avait été menée chez KAMASHARA et
chez MUKAMURIGO la fille de NZAYISOMA ;
Attendu que l’avocat des parties civiles, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, dit que
NTEZIRYAYO Emmanuel sauvait qui il voulait et faisait tuer qui il voulait, que c’est ainsi qu’il
donnait des pièces à qui il voulait et que ceux à qui il les refusait étaient tués ;
34
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Attendu que Maître Jean Pierre SAYINZOGA, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que
si Maître NKURIKIYIMFURA Innocent a besoin de plus amples explications, il peut s’adresser
au Tribunal pour qu’il pose des questions y relatives, que le prévenu NTEZIRYAYO Emmanuel
a suffisamment et clairement dit que même ceux à qui il donnait ces pièces les présentaient en
cachette ;
20ème feuillet.
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMAZINA dit qu’elle n’a pas de lien de parenté
avec NTEZIRYAYO Emmanuel, mais qu’ils sont voisins, qu’interrogée sur ce dont elle le
disculpe puisqu’il l’a présentée comme témoin à décharge, elle dit qu’elle n’en sait rien, qu’à la
question de savoir où elle se trouvait à l’époque du génocide elle répond qu’elle était à la maison
attendant de mourir, qu’interrogée sur l’origine de la chance qu’elle a eu elle répond qu’elle ne
doit son salut qu’à Dieu, mais que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel leur donnait des
pièces tenant lieu de cartes d’identité et attestant que celles mentionnant leur ethnie ont été
perdues, qu’elle poursuit en disant que NTEZIRYAYO ne refusait ces pièces à personne ;
Attendu qu’invitée à faire des observations sur les témoignages selon lesquels NTEZIRYAYO
Emmanuel a bien agi au moment où GISAGARA assumait les fonctions de bourgmestre mais
qu’il a changé quand ce poste a été occupé par MASONGA après l’assassinat du premier,
MUKAMAZINA répond qu’ils l’ont vu être emmené de force pour signer en vue de l’exécution
des massacres, qu’il est immédiatement tombé malade à son retour et qu’il n’a commis aucun
méfait, mais qu’un militaire nommé MUSAFIRI s’est révélé méchant, qu’à la question de savoir
si NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas changé après avoir signé, elle répond par la négative et dit
que les gens lui ont demandé des pièces, qu’il les leur a données et que le cachet de la commune
y était apposé et ce, dans le but de les protéger ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKARUGOMWA J. d’Arc dit qu’elle n’a pas de lien de
parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’elle vivait dans le secteur BUSASAMANA à
l’époque du génocide et qu’elle faisait partie des personnes recherchées, qu’interrogée sur les
circonstances dans lesquelles elle a échappé aux massacres elle répond qu’ils se sont d’abord
cachés, mais qu’il a été dit que ceux qui se cachent ont quelque chose à se reprocher, qu’ils ont
quitté leurs cachettes et ont regagné leurs domiciles où ils sont restés, qu’interrogée sur les
préventions mises à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel par le Ministère Public dont celle
d’incitation au génocide, elle répond qu’elle ne l’a pas vu commettre ces infractions, qu’il n’est
pas arrivé chez elle et qu’elle ne l’a pas vu emmener des gens, qu’à la question de savoir si elle
n’a pas entendu après la guerre parler des faits répréhensibles qu’il aurait commis, elle répond
qu’il exerçait les fonctions de conseiller de secteur, mais qu’elle n’a pas personnellement
entendu parler d’une personne à qui il aurait fait du mal ;
Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît des personnes qui étaient pourchassées et que
le conseiller aurait protégées, elle répond qu’au début des massacres, elle lui a personnellement
envoyé son enfant à qui il a donné des pièces tenant lieu de cartes d'identité pour elle et ledit
enfant, qu’à la question de savoir si le conseiller ne fait pas partie de ceux qui les ont empêchés
de se cacher, elle répond que c’est le nommé SEMBU qui le leur a interdit en disant qu’ils les
35
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Vu que l’audience est suspendue pour reprendre à 15 heures par le prononcé de la décision du
Tribunal sur la recevabilité de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de
NSANGANIRA Eugène ;
21ème feuillet.
Attendu que l’Officier du Ministère Public, SHUMBUSHO Daniel dit qu’il y a également lieu
d’entendre les membres du comité de sécurité du secteur BUSASAMANA dont font partie
MUKASHARANGABO Bernadette, KABANDA et KIMONYO Aaron ainsi que d’autres
témoins qui sont en liberté à savoir Antoine SIBOMANA, NAHAYO Hassan et
SINDIKUBWABO ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que le Ministère Public a indiqué dans le dossier
judiciaire les témoins qu’il voulait faire citer devant le Tribunal et qui ont été entendus au cours
de l’instruction préparatoire, que ceux qu’il présente actuellement auraient dû être entendus eux
aussi de façon que les procès-verbaux de leurs déclarations soient versés au dossier, qu’il estime
dès lors que le Ministère Public a eu un retard dans cette tâche du moment que l’affaire est déjà
passée en audience ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que la loi autorise le Tribunal à rechercher des
preuves pour pallier à la carence du Ministère Public, qu’il peut à ce titre entendre ces témoins
surtout quand le Ministère public les lui indique ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J . Pierre dit que les témoignages déjà recueillis suffisent,
mais que le Tribunal peut entendre d’autres témoins s’il le juge nécessaire, que Maître
SEMANDA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, dit qu’il y a des témoins que le
Ministère Public a entendus, mais qu’il veut faire citer devant le Tribunal, qu’il estime que c’est
une façon de faire traîner le procès, qu’il y a lieu pour le Ministère Public d’entendre ces témoins
s’il le faut, et de verser au dossier les procès-verbaux subséquents ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le Tribunal devrait faire une descente sur les
lieux des infractions s'il le souhaite, que le Tribunal pourrait à cette occasion recueillir d’autres
témoignages qu’il estime nécessaires ;
36
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Attendu que le Tribunal estime nécessaire d’interroger le témoin DUSINGIZIMANA Israël, l’un
des témoins présentés par le Ministère Public mais qui est prévenu dans une autre affaire non
encore jugée et qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et était à
l’époque des faits le conseiller du secteur MUSHIRARUNGU ; qu’après avoir prêté serment et à
la question de savoir combien de fois GISAGARA qui était bourgmestre de la commune
NYABISINDU a tenu des réunions avec eux, il répond que de nombreuses réunions ont eu lieu
mais que, au début des massacres, il a fui si bien qu’il n’a tenu aucune autre réunion,
qu’interrogé sur l’identité de la personne qui les a conviés à des réunions après la fuite de
GISAGARA, il répond que ce sont le capitaine BILIKUNZIRA, le conseiller remplaçant le
bourgmestre en la personne de MASONGA François et le Sous-Préfet KAYITANA G. qui ont
tenu environ trois réunions, que le but desdites réunions était l’extermination des Tutsi et qu’ils
écoutaient les ordres donnés et les mettaient à exécution dès leur arrivée dans les secteurs sous
leur autorité si bien que celui qui s’abstenait de le faire ne retournait pas à la réunion, mais était
plutôt pourchassé et tué à l’exemple de
22ème feuillet.
MPIRWA Azarias qui était le conseiller du secteur GAHONDO et MUTAGANDA qui était le
conseiller du secteur NYANZA qui ont été tués pour cette raison ;
Attendu qu’en réponse à la question de savoir si des listes des Tutsi pourchassés ou de ceux qui
avaient été tués n’ont pas été établies, DUSINGIZIMANA Israël répond qu’ils n’en faisaient pas
usage car chacun connaissait les Tutsi habitant dans son secteur surtout que la mention ethnique
figuraient sur les cartes d’identité ; qu’interrogé sur la façon dont ils obtenaient les
renseignements sur l’identité des Tutsi qui étaient morts et ceux qui étaient encore en vie, il
répond que ceux qui étaient morts étaient directement identifiés à part qu’ils ont été tués à
différents endroits, qu’il dit que le comité de dix personnes chargées de la sécurité n’a pas existé
dans le secteur MUSHIRARUNGU et qu’il ne sait rien de ce comité dans le secteur
BUSASAMANA ; qu’à la question de savoir s’il a entendu dire que NTEZIRYAYO Emmanuel
a été persécuté pour avoir placé des Tutsi aux barrières, il répond par la négative ; qu’à celle de
savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel était opposé à la manière dont le bourgmestre MASONGA
François exerçait ses fonctions, il répond qu’ils ont collaboré avec l’intéressé jusqu’à leur fuite
et que ceux qui étaient opposés à MASONGA ont été tués comme dit plus haut ;
37
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Attendu qu’à la question de savoir dans quelle partie il peut ranger les conseillers qui ont eu le
courage de sauver des gens malgré l’adhésion au plan des massacres comme il le dit, à
l’exception de ceux qui ont été tués et notamment ceux des secteurs NYANZA et GAHONDO, il
répond qu’il a commis des tueries et a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité, qu’il a sauvé certaines victimes mais en a tué d’autres ; qu’à la question de savoir
dans quelle partie il classe un conseiller de secteur qui présente les victimes qu’il a sauvées et
contre lequel il n’existe pas la preuve qu’il a comploté contre une victime et n’a tué personne
tout en ayant pris part aux réunions au cours desquelles des ordres de commettre le génocide ont
été donnés, il répond que la participation aux réunions ne constitue pas une infraction, mais que
des gens ont commis les massacres dans le secteur BUSASAMANA dont certains sont en aveu à
l’exemple de HATEGEKIMANA qui a mis en cause le conseiller NTEZIRYAYO affirmant que
l’intéressé a dirigé l’attaque au cours de laquelle Madeleine et Languide ont été tuées ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il reviendra au Tribunal d’apprécier la validité
du témoignage de DUSINGIZIMANA Israël mais qu’ils estiment quant à eux qu’il n’est pas
crédible dès lors que ICYIMPAYE a dit que c’est DUSINGIZIMANA Israël qui a déclenché les
massacres dans le secteur BUSASAMANA quand il est arrivé là à bord d’une motocyclette et
portant deux fusils ; qu’il ne peut pas dire la vérité surtout qu’il ne fait que rapporter ce qui lui a
été dit par des détenus condamnés à l’emprisonnement à perpétuité, qu’il ne sait rien d’autre que
ce qu’ils lui ont dit, qu’il devrait plutôt se préoccuper des faits à sa charge même s’il n’a pas
encore comparu pour présenter ses moyens de défense, qu’il n’était pas en mesure de savoir ce
qui s’est passé dans le secteur BUSASAMANA à part que c’est lui qui y a entraîné les
massacres ;
23ème feuillet.
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les arguments de Maître SAYINZOGA J.
Pierre semblent être une intimidation du témoin DUSINGIZIMANA pour le contraindre à se
rétracter dans son témoignage, qu’il aimerait néanmoins que le Tribunal demande au témoin de
dire ce qu’il a fait lorsqu’il s’est rendu dans le secteur BUSASAMANA à bord d’une
motocyclette, ou si NTEZIRYAYO Emmanuel et lui se sont vus ;
Attendu que DUSINGIZIMANA dit que Maître J. Pierre SAYINZOGA devrait conseiller à
NTEZIRYAYO Emmanuel de plaider coupable des infractions qu’il a commises ; qu’il est arrivé
à BUSASAMANA à deux reprises, qu’il est cependant faux de dire qu’il portait deux fusils car il
n’en avait pas encore reçu à cette époque, qu’il était effectivement à bord d’une motocyclette et
était allé voir le policier communal que le capitaine BIRIKUNZIRA l’avait envoyé chercher
pour qu’il remette le fusil qu’il avait, qu’à la question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel
était complimenté ou réprimandé au cours des réunions, il répond qu’on lui disait qu’il n’aurait
pas de problème dans son secteur de BUSASAMANA car il pourrait bénéficier de l’intervention
des militaires dont le camp se trouvait là, que les conseillers demandaient plus de moyens en
général ;
Attendu qu’à la question de savoir comment il a décidé de mettre sur pied un comité de dix
personnes dans son secteur alors que cela ne se faisait pas ailleurs, NTEZIRYAYO Emmanuel
répond que cela a été fait à la demande de la population ;
Attendu qu’interrogé sur l’objet des réunions qui avaient lieu tous les mercredis,
DUSINGIZIMANA Israël dit que ces réunions qui se tenaient les mercredis ont eu lieu à
l’époque où GISAGARA exerçait les fonctions de bourgmestre, qu’il a parlé plus haut de celles
38
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
qui ont eu lieu au cours de la guerre, que NTEZIRYAYO intervient et dit que Israël ment car
d’autres conseillers qui sont en détention avec eux savent ce que l’intéressé disait auparavant ;
Attendu qu’invité à dire ce qu’il ajoute à sa déclaration, Israël DUSINGIZIMANA dit que ce
qu’il dit est vrai et qu’il conseille aux autres de plaider coupable sans crainte ;
Attendu que l’audience se poursuit sur les lieux des faits dans le secteur BUSASAMANA chez
le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel et que le Tribunal interroge par surprise la population ;
Que le Tribunal arrive dans le secteur BUSASAMANA dans la ville de NYANZA en province
de BUTARE et ce, en présence des prévenus et de leurs Conseils, celle des parties civiles et de
leur avocat, ainsi qu’une population nombreuse de la colline où habite NTEZIRYAYO
Emmanuel et où se trouve le boisement dans lequel a été tuée la vieille dame qui était l’épouse
de MUNYESHYAKA et où RWANDENZI a dit avoir trouvé NTEZIRYAYO Emmanuel en
compagnie d’une jeune fille nommée Goretti MUJAWIMANA qu’ils devaient secourir ;
Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il est arrivé dans ce boisement,
NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il a été alerté par un militaire qui lui a dit que dans ce
boisement se trouvaient des personnes qui allaient être tuées et qu’il devrait intervenir, qu’il s’y
est rendu et y a trouvé des tueurs ayant en leurs mains MUJAWIMANA, qu’ils ont
immédiatement donné à une vieille dame un coup à la tête et qu’elle est tombée, que le militaire
a alors effectué les manœuvres de maniement de son fusil et qu’ils se sont sauvés en courant ;
Attendu que la question de savoir s’il y a quelqu’un qui a un témoignage à faire à charge de
NTEZIRYAYO Emmanuel, l’ex- conseiller de secteur, est posée à la population présente ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, la nommée NYINAWINGERI dit que NTEZIRYAYO
Emmanuel est leur protecteur car c’est à lui qu’ils doivent d’être encore en vie,
24ème feuillet.
qu’il a bien agi à leur égard en leur donnant des pièces tenant lieu de cartes d’identité qui leur
ont permis d'échapper au génocide, qu’elle produit sur le champ la pièce qu’il lui a donnée et
dont lecture est faite en public, qu’à la question de savoir ce qu’elle dit sur les déclarations selon
lesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté au moment où les fonctions de
bourgmestre étaient encore exercées par GISAGARA, mais qu’il a changé quand MASONGA
François est entré en fonction, elle répond que le prévenu n’a jamais mal agi à part que des gens
l’ont contourné et ont déclenché les massacres dans le secteur BUSASAMANA, qu’elle n’a
cependant pas pu connaître leur identité ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUJAWIMANA Collette dit qu’elle n’a pas de lien de
parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel à part que c’est un voisin ; qu’interrogée sur le
témoignage fait au Tribunal sur elle et selon lequel des malfaiteurs étaient sur le point de la tuer
dans ce boisement, elle répond que de nombreuses personnes sont arrivées là dont
NSABIMANA, Fidèle et NTEZIRYAYO, mais que celui-ci n’avait pas d’arme, qu’à la question
de savoir comment elle a finalement échappé aux massacres, elle répond qu’un militaire du nom
de RWAKIBIBI Emmanuel et le sieur RUTEBUKA ont eu connaissance du plan de les tuer et
les en ont avisé, qu’ils leur ont dit de sortir de leur cachette et que rien ne leur arriverait, qu’il
sont alors allés à la maison et qu’un jour, elle a été emmenée au cours d’une attaque, que
39
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
NTEZIRYAYO Emmanuel la suivait de près, disant aux tueurs de ne pas la tuer ni la toucher,
qu’ils ont été conduits dans un vallon où ils ont été sommés de s’asseoir par terre, qu’entretemps
NTEZIRYAYO s’est empressé d’alerter le militaire qui était au camp concerné ainsi que son
beau-frère RWANDENZI qui sont immédiatement accourus et sont arrivés après que la vieille
dame MUKAMUGEMA Madeleine venait d’être tuée, que les tueurs se sont sauvés en courant
et que c’est ainsi qu’ils ont échappé à ces crimes ; qu’elle continue en disant qu’elle témoigne à
décharge de NTEZIRYAYO Emmanuel car il l’a sauvée quand il a empêché les tueurs de la
toucher au moment où le militaire et son beau-frère n’étaient pas encore arrivés là où elle se
trouvait, qu’elle termine en disant que le prévenu leur avait donné auparavant des pièces tenant
lieu de cartes d’identité au vu lesquelles ils étaient considérés comme étant de l’ethnie Hutu ;
Attendu que l'heure est avancée, que l’enquête se poursuivra le 29/11/2001 à KAGURI dans le
secteur BUSASAMANA où des victimes ont été tuées et où habitait la vieille dame
MUKANGWIJE Suzanne ;
Attendu que NSANGANIRA Eugène relate les circonstances dans lesquelles ces victimes ont été
tuées en disant qu’ils les ont emmenées en date du 22/04/9194, mais qu’ils ont d’abord tenu une
petite réunion à laquelle participaient MURINDABYUMA, SEBIRAZA, NSANGANIRA et
d’autres à l’issue de laquelle ils ont convenu de ce que la décision finale appartenait au conseiller
NTEZIRYAYO Emmanuel, que le messager qu’ils lui ont envoyé est revenu en disant que le
conseiller venait de décider que les victimes devaient être tuées, que c’est alors que
NKUNDABAGENZI Alphonse a ordonné aux victimes de se coucher par terre et a commencé à
les tuer à coups de massue, qu’il a été relayé par les gens originaires de GIKONGORO qui
logeaient chez MUHAMUDU, que NKUNDABAGENZI a donné à NSANGANIRA l’ordre de
tuer MUKANGWIJE Suzanne et que celui-ci s’est exécuté en donnant à la victime deux coups
de hache à la tempe, que le nommé NTWALI a été quant à lui sommé de tuer sa marâtre parce
qu’il l’avait cachée et qu’il l’a tuée à coups de massue ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande la parole et dit que l’allégation selon
laquelle c’est NTEZIRYAYO Emmanuel, alors conseiller de secteur, qui a donné l’ordre
25ème feuillet.
de tuer ces victimes est un moyen de défense invoqué en désespoir de cause par les malfaiteurs
dont fait partie NSANGANIRA Eugène car ils ne produisent pas une pièce attestant cet ordre
qu’il leur aurait donné surtout qu’il aurait pu se rendre sur les lieux lui-même, que la preuve que
NSANGANIRA ment est qu’il n’a pas fait part de ce fait dans ses aveux qu’il a présentés
antérieurement ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, demande la
parole et dit que c’est avec une méchanceté extrême que NSANGANIRA a commis les faits à sa
charge et que ses aveux sont incomplets dès lors qu’il ne précise pas si ceux qu’il met en cause
pour lui avoir donné l’ordre de les commettre lui ont également ordonné de se promener en
portant une hache, qu’il veut ainsi se décharger de sa responsabilité dans les actes atroces qu’il a
40
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
commis dont l’assassinat de la marâtre de NTWALI qu’il attribue faussement à ce dernier alors
qu’il est de notoriété publique que c’est lui qui l’a fait arrêter pour être mise en détention ;
Attendu que l’enquête sur les lieux des faits est terminée et que l’audience se poursuit là où le
Tribunal siège en itinérance ; que l’avocat des parties civiles dit qu’une dame veut dire quelque
chose sur la conduite de NTEZIRYAYO Emmanuel lors de l’assassinat des membres de la
famille GISAGARA, que la parole est accordée à cette dame nommée MUKESHIMANA
Marthe qui dit qu’elle veut porter plainte contre NTEZIRYAYO Emmanuel pour avoir fait tuer
son mari RURANGIRWA Emmanuel, que le Tribunal lui dit qu’elle devrait suivre la voie légale
pour déposer sa plainte et lui conseille de s’adresser à l’Officier du Ministère Public ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, est invité à
expliciter les dommages et intérêts qu’ils réclament ainsi qu’à produire les preuves à la base de
leur action, qu’il commence par faire la genèse des actes atroces qui ont eu lieu au Rwanda et qui
ont coûté la vie à de nombreuses victimes dont celles dont la mort sert de fondement aux
dommages intérêts réclamés, qu’il dit que dès le début de la guerre de libération du pays en
1990, la population de l’ethnie Tutsi a été persécutée par le régime en place, qu’elle a été tuée et
fait l’objet de pillages et d’autres méfaits, qu’un plan de son extermination a été conçu et mis en
exécution après la mort de l’ex-Président, que ce plan a été déclenché dans la province de
BUTARE par le Président du régime qui s’est déclaré être un régime des sauveurs quand, dans
un discours tenu à GISAGARA dans la commune NDORA, il a dit que la population de
BUTARE se comportait comme si elle n’était pas concernée, ainsi que par le Premier Ministre
de ce régime quand il a dit que toute la population doit pourchasser l’ennemi partout où il est,
l’ennemi à cette époque étant le Tutsi, que c’est dans ce cadre qu’ont été institués des comités de
sécurité qui en réalité avaient pour mission de rassembler tous les Tutsi pour qu’ils soient tués,
que le conseiller NTEZIRYAYO a agi de la même manière dans son secteur ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMLFURA dit que les dommages et intérêts réclamés par ses
clients sont fondés sur trois motifs qui sont avoir perdu les moyens par lesquels ils subsistaient,
avoir perdu toute valeur dans leur vie de sorte que quelques-uns sont désespérés et d’autres
mènent une vie solitaire, que les actes de NTEZIRYAYO Emmanuel et sa bande dont fait partie
NSANGANIRA Eugène en sont l’origine, et que c’est pour ce motif qu’ils doivent réparer
solidairement les dommages causés ;
26ème feuillet.
Que concernant les preuves, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’ils fondent leur action
sur le plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA qui a expliqué comment les massacres ont été
planifiés et mis à exécution, sur le fait que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel a reconnu
que c’est lui qui a mis sur pied le comité qualifié comme étant chargé de la sécurité et ce, de sa
propre initiative, ainsi que sur les témoignages recueillis tant par le parquet que par le Tribunal
dont celui du conseiller DUSINGIZIMANA Israël qui a expliqué comment ils ont été autorisés à
tuer les Tutsi et à s’emparer de leurs biens, qu’il relève que le Tribunal a effectué une descente
sur les lieux des faits ;
Que Maître NKIRIKIYIMFURA Innocent dit qu’en droit, leur action est fondée spécialement
41
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
sur les Conventions internationales dont celle du 09/12/48 relative à la répression du crime de
génocide et des crimes contre l’humanité, celle de Genève portant sur la protection des
personnes civiles en temps de guerre ainsi que celle du 26/11/1968 relative à l’imprescriptibilité
du crime de génocide et des crimes contre l’humanité, de même que sur la Loi organique n°
08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de
génocide et des crimes contre l'humanité commises entre le 1/10/1990 et le 31/12/1994, sur le
Code pénal rwandais en ce qui concerne les infractions d’assassinat, de destruction des biens et
d’animaux, de pillage, de violation de domiciles, d’enlèvement et séquestration et d’autres ;
Que l’action en dommages et intérêts est fondée sur les articles 135 et 136 du Code
d’organisation et compétence judiciaires, sur les articles 71 et 72 du Code de procédure pénale,
sur l’article 91 de la Loi organique n° 40/2000 du 26/01/2001 portant création des juridictions
GACACA, sur les articles 27 à 32 de la Loi organique n° 08/96 du 30/01/1996 sur la répression
du génocide, sur les articles 258, 259 et 260 du Code civil livre V ainsi que les articles 197 à 211
du Code civil livre I ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’elles
réclament des dommages moraux fondés sur la douleur ressentie suite à la perte des parents
proches qui leur étaient chers ainsi que des dommages matériels fondés sur la perte de leurs
biens qui ont été pillés, détruits, et des maisons incendiées, ces dommages étant conçus ainsi
comme suit :
1. DOMMAGES MORAUX
1. DOMMAGES MATERIELS
27ème feuillet
42
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Attendu également que le Conseil des parties civiles réclame en faveur de RWAGATARE Jean
des dommages moraux de 10.000.000 Frw pour la perte de sa mère MUKARUZIMA qui était
l’épouse de KIMONYO G., 5.000.000 Frw pour la perte de sa sœur UWAYEZU qui était
l’épouse de KANYABIHOHO, 3.000.000 Frw pour la perte de chacune des victimes suivantes :
sa belle-sœur MUKARUSHEMA Grâce l’épouse de KADENESI et ses quatre enfants
MUKASHYAKA Olive, KIBWANA, NKURIKIYIMFURA et SHEMA, ainsi que des
dommages matériels de 15.342.000 Frw, tous étant à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel et
NSANGANIRA Eugène ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, poursuit en disant
que sur base de l’article 207 du Code d’organisation et compétence judiciaires il demande au
Tribunal de leur accorder le bénéfice de l’exécution provisoire, qu’il termine en demandant
également au Tribunal de déclarer recevables et fondées l'action du Ministère Public et l’action
civile, les prévenus reconnus coupables devant être condamnés au paiement des dommages
intérêts en fonction de la catégorie à laquelle ils sont rattachés ;
28ème feuillet.
Attendu qu’invité à présenter son réquisitoire, l’Officier du Ministère Public dit qu’il ne peut
rien dire d’autre sinon faire ses réquisitions à charge des prévenus, qu’il poursuit en disant que
NTEZIRYAYO Emmanuel était une autorité au niveau du secteur à l’époque du génocide, qu’il
fait dès lors partie des organisateurs et des exécutants du génocide, que c’est ainsi qu’il a pris
part à deux réunions après lesquelles il a érigé des barrières et mis sur pied des comités soi-
disant chargés de la sécurité dont les membres ont tué de nombreuses victimes tel que cela figure
au dossier, qu'il a personnellement pris part aux attaques comme le dit MUJAWIMANA qui
affirme que NTEZIRYAYO Emmanuel dirigeait l’attaque qui a été menée chez eux, qu’il
disposait du droit de vie et de mort dans son secteur ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public poursuit en disant que NSANGANIRA plaide
coupable et met en cause son coprévenu, que même si NTEZIRYAYO ne pouvait pas sortir de la
maison, il doit cependant répondre des actes qui ont été commis par les personnes qu’il avait la
charge de diriger, que même s’il plaide non coupable il reconnaît avoir mis sur pied le comité
prétendument chargé de la sécurité, qu’il requiert que l’intéressé soit rangé dans la première
43
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
catégorie et puni de la peine de mort, que NSANGANIRA Eugène ayant recouru à la procédure
d’aveu et de plaidoyer de culpabilité qui a été acceptée, il requiert qu’il soit rangé dans la
deuxième catégorie et puni de la peine d’emprisonnement à perpétuité, qu’il requiert enfin que
NTEZIRYAYO et NSANGANIRA soient condamnés au paiement des frais d’instance et qu’il y
ait disjonction des poursuites à charge des prévenus non identifiés ;
Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il
ne peut pas payer les dommages intérêts car il n’a commis aucune infraction, que si cependant le
Tribunal estime sa culpabilité établie, des dommages intérêts peuvent être alloués aux parties
civiles ; qu’à la question de savoir s’il n’y a pas une exagération dans les dommages intérêts
réclamés relativement aux maisons, il répond que c’est la vérité et qu’il ne peut formuler aucune
contestation sur ce point, qu’il dit que ce que dit l’Officier du Ministère Public est faux car le
comité dont il est question a été désigné par la population qui l’a d’ailleurs confirmé lors des
témoignages, qu’il n’a pas procédé par discrimination dans la délivrance des pièces aux gens
comme le dit l’Officier du Ministère Public car, il délivrait ces pièces à ceux qui avaient perdu
leurs cartes d’identité et à ceux qui le lui demandaient, qu’il termine en disant que la
catégorisation d’un prévenu doit être faite en fonction des infractions commises par lui, qu’il
revient au Tribunal d’examiner s’il en a réellement commis ;
Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NSANGANIRA Eugène dit qu’il n’a
pas suffisamment de connaissances juridiques, et qu’il demande à son Conseil d’intervenir, que
le Tribunal lui dit que celui-ci peut l’assister mais qu’il faut qu’il présente sa défense d’abord,
que l’intéressé dit alors qu’il plaide coupable d’avoir mangé du bétail et emporté des tuiles, des
tôles, ainsi que la baratte de MUKANGWIJE, qu’il doit en principe répondre des dommages
qu’il a causés, qu’il demande au Tribunal d’examiner attentivement les faits et qu’il est prêt à se
plier à sa décision à part qu’il se demande comment il pourra payer les dommages intérêts dès
lors qu’il est en prison ;
Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit au Tribunal de leur accorder une
exécution provisoire en ce qui concerne les dommages et intérêts car les actes qui ont été
perpétrés sont atroces ;
Attendu que Maître SEMANDA Cyridion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, invité à faire sa
plaidoirie, commence par rappeler les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène est
poursuivi et le fait qu’il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité ; qu’il dit
que cela est un acte courageux de sa part, que les aveux de son client concordent par ailleurs
avec les éléments que le Ministère Public a recueillis au cours de l’enquête et que c’est pourquoi
il les a acceptés, qu’il ne comprend cependant pas comment il est qualifié de tueur de renom
alors qu’il n’a tué qu’une seule victime étant donné qu’en général, le tueur de renom est celui qui
a eu une renommée à cause du zèle qui l'a caractérisé et qui a tué beaucoup de victimes tel que
cela figure dans le commentaire de Daniel de BEER sur la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996
relative à la répression du génocide ;
29ème feuillet.
Attendu que Maître NSANGANIRA Emmanuel dit que son client devrait être rangé dans la
44
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
deuxième catégorie et bénéficier d’une diminution de la peine, qu’il mérite à ce titre d’être
condamné à la peine allant de 7 à 11 ans car il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité avant les poursuites et que cela constitue une circonstance atténuante qui devrait
entraîner une diminution de la peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertu de l’article 83, 3°
du livre I du Code pénal ;
Attendu que relativement aux dommages intérêts réclamés, Maître SEMANDA Cyridion dit
qu’ils doivent être alloués en fonction de l’économie du pays, que les biens qui ont fait l’objet de
réparation ne doivent pas être pris en compte, que les parties civiles doivent en outre prouver les
liens de parenté qu’ils ont avec les victimes tuées ainsi que le lien de causalité entre les
dommages subis et les actes commis par les prévenus ; que chacun des prévenus doit être
responsable des dommages qu’il a causés sans que ceux-ci soient l’objet d’une évaluation
excessive, que celui qui réclame des dommages intérêts en faveur des orphelins doit produire
l’acte attestant que c’est lui qui a la charge de les éduquer, que des dommages intérêts ne
peuvent pas être alloués pour les biens qui ont été endommagés mais dont la valeur n’est pas
clairement déterminée ;
Attendu que Maître SEMANDA Cyridion termine en demandant au Tribunal de déclarer que
NSANGANIRA a été entraîné dans les massacres par les autorités, et de lui accorder le bénéfice
d’une diminution de peine car il a dit la vérité sur les événements de 1994 et a ainsi facilité la
tâche au Tribunal ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, après avoir
rappelé les préventions mises à charge de l’intéressé, dit qu’il en a plaidé non coupable car il n’a
à aucune fois pratiqué la discrimination, qu’au contraire, en 1994, l’ex-conseiller du secteur
BUSASAMANA en la personne de NTEZIRYAYO Emmanuel, en collaboration avec le
bourgmestre GISAGARA JMV, a poursuivi les miliciens Interahamwe et de la CDR si bien que
GISAGARA a été tué pour cette raison, que face à cette situation la population de
BUSASAMANA a demandé au conseiller de convoquer une réunion au cours de laquelle 10
personnes ont été choisies pour être chargées du maintien de la sécurité, mais que le nommé
MASONGA François, après avoir accédé au poste de bourgmestre, s’en est mêlé et a persécuté
NTEZIRYAYO au motif qu’il a refusé de tuer les Tutsi ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre poursuit en disant que les preuves sur lesquelles le
Ministère Public fonde ses poursuites à charge de NTEZIRYAYO ne sont point fondées dès lors
que les témoignages invoqués ne font pas ressortir clairement la part de responsabilité de son
client, qu’ils évoquent seulement le fait qu’il a dirigé la réunion au cours de laquelle les dix
personnes ont été désignées alors que cela ne constitue pas une infraction étant donné que ces
personnes ont été élues par la population comme le témoin SINKUNDWANABOSE V. présenté
par le Ministère Public l’a confirmé dans son audition figurant à la cote 17 du dossier, que le
nommé NAHAYO Hassan parle de cette réunion sans en indiquer l’objet, que d’autres
témoignages sont divergents à l’exemple de ceux de KANAZI Athanase et NTWALI Selemani
relativement à l’assassinat de MUKANGWIJE Suzanne ;
45
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
les avoir sauvées, qu’une personne dont les mains sont tâchées de sang ne peut nullement
souhaiter à quelqu’un d’autre de vivre en toute tranquillité, surtout que l’intéressé est allé dans le
secteur que dirigeait le prévenu comme les témoins entendus l’ont confirmé ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’environ 9 témoins entendus par le Tribunal et
dont la majorité est constituée de rescapés, ont affirmé qu’ils doivent d’être encore en vie à
Emmanuel car il les a aidés en
30ème feuillet.
leur délivrant des pièces qui les faisaient passer pour des personnes de l’ethnie Hutu, qu’il l’a
fait pour MUKASHARANGABO Bernadette qui était responsable de cellule qui a dit n’avoir
connaissance d’aucun méfait de la part du prévenu, ainsi que pour MUKAMAZINA E. ,
MUKAMURIGO Julienne, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, NYINAWINGERI et
MUJAWIMANA qui ont toutes affirmé que le conseiller NTEZIRYAYO les a aidées,
MUKAMAZINA ayant d’ailleurs remis au Tribunal la pièce qu’il lui a donnée dans ce but, que
la déclaration de NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable par laquelle il dit que c’est le
conseiller qui, par l’intermédiaire du nommé Enéas, a autorisé l’assassinat des victimes dont
faisait partie MUKANGWIJE Suzanne est une pure invention, car il n’a pas fait cette révélation
lors de son recours à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité figurant aux cotes 6, 7 et
8 du dossier, que les témoignages des détenus définitivement condamnés ne peuvent être
examinés dès lors qu’ils sont frappés par la dégradation civique prévue à l’article 66 du Code
pénal et sont donc déchus du droit de témoigner ;
Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre termine en demandant au Tribunal de déclarer que
NTEZIRYAYO a protégé sa population jusqu’au moment où il a été surpassé par les attaques
venues d’autres secteurs, de déclarer non fondée l’action du Ministère Public, d’ordonner la
libération immédiate de NTEZIRYAYO et de mettre les frais d’instance à charge de
NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable ;
Vu qu’en date du 30/11/2001, les parties ont dépose au Tribunal des conclusions écrites, que
Maître NKURIKIYIMFURA a saisi l’occasion pour remettre les pièces portant sur les liens de
parenté existant entre les parties civiles et les victimes et sur les biens endommagés ou pillés,
toutes ces pièces ayant été délivrées par la mairie de la ville de NYANZA le 29/11/2001 ;
Vu que les débats sont clos et que la date du prononcé est fixée au 30/11/2001 à 13 heures, que
l’affaire est mise en délibéré ;
Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;
Constate que l’action civile est elle aussi recevable car elle est régulière en la forme ;
Constate que le Ministère Public a engagé les poursuites à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel,
NSANGANIRA Eugène et 21 autres prévenus non identifiés pour les infractions suivantes :
46
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou
complices, commis l’infraction d’association de malfaiteurs
- Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu, en date du 22/04/1994, comme auteurs,
coauteurs ou complices,
31ème feuillet.
- Avoir, au même endroit que ci-dessus, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis
l’infraction de dévastation du pays par les massacres, les destructions de maisons et de bétail
ainsi que les pillages
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction de violation de
domiciles d’autrui.
Constate que les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène plaide coupable à savoir
celles de génocide, d’association de malfaiteurs, d’assassinat et spécialement les assassinats de
la vieille dame MUKANGWIJE Suzanne et d’une autre dame dont il n’a pas pu connaître le
nom, de pillage, de destruction de bétail et de maisons, de violation de domiciles, sont en
concours idéal et qu’elles le rangent dans la catégorie 1 c à cause du zèle et de la méchanceté
excessive qui l’ont caractérisé (L.O 08/96 art.2 cat.1c) ;
47
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Constate que même si les infractions commises par NSANGANIRA Eugène le rangent dans la
première catégorie, son nom n’avait pas encore été publié sur la liste des personnes de la
première catégorie tel que prévu par l’article 9 alinéa 2 de la Loi organique ci-haut citée, que son
plaidoyer de culpabilité ayant été reçu, il doit être classé dans la deuxième catégorie et puni en
vertu de l’article 18 de cette Loi organique ;
Constate que le Ministère Public fonde ses poursuites à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel
sur les témoignages affirmant que c’est lui qui a mis sur pied une association de malfaiteurs
composée de 10 personnes dans le secteur dont il était le conseiller (BUSASAMANA) chargées
de pourchasser les tutsi et qu’il a décidé les massacres de ces derniers, ces témoignages émanant
principalement de NTWALI Selemani, NAHAYO Hassan, SINKUNDWANABOSE Vérédianne
et NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable, et d’autres dont l’un a été condamné dans
l’affaire RMP 49457/S7/NKR/MSD ;
32ème feuillet.
Constate que NTEZIRYAYO Emmanuel plaide non coupable de toutes les infractions en disant
que le Ministère Public n’a pas accédé à son souhait exprimé de voir mener une enquête dans le
secteur qu’il dirigeait, qu’il affirme n’avoir tué ou agressé personne, mais qu’il a au contraire
protégé de nombreuses personnes parmi celles qui étaient pourchassées et cite comme témoins à
sa décharge quelques-unes d’elles notamment MUKASHARANGABO Bernadette qui était
responsable de cellule KIVUMU dans le secteur BUSASAMANA, MUKAMURIGO Julienne,
MUKAMAZINA Eustochie, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, et d’autres qui ont été témoins
de sa conduite dont RWANDENZI et ICYIMPAYE ;
Constate que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, affirme que
NTEZIRYAYO Emmanuel a été un bon dirigeant à l’époque où les fonctions de bourgmestre
étaient exercées par GISAGARA JMV qui a été tué au motif qu’il avait rejeté toute
discrimination au sein de la population sous ses ordres, mais qu’il a changé quand MASONGA
François a accédé à ce poste et s’est joint aux malfaiteurs, cette affirmation étant également
soutenue par KANYANDEKWE Eugène le frère de feu GISAGARA ;
Constate que le Tribunal, lors de son enquête faite dans le secteur BUSASAMANA, ville de
NYANZA, où une population nombreuse étai présente, a demandé si quelqu’un a quelque chose
à dire sur NTEZIRYAYO Emmanuel qui exerçait les fonctions de conseiller à l’époque du
génocide, que seuls des témoins à décharge ont pris la parole à savoir NYINAWINGERI qui a
affirmé qu’elle lui doit la vie et a produit la pièce tenant lieu de carte d’identité qu’il lui a donnée
le 27/05/1994 mentionnant qu’elle est de l’ethnie Hutu pour la protéger en cas de nécessité, ainsi
que MUJAWIMANA Collette qui a affirmé que NTEZIRYAYO Emmanuel l’a aidée jusqu’à ce
que le militaire du nom de RWAKIBIBI Emmanuel intervienne ;
Constate que les preuves invoquées par le Ministère Public en soutien aux poursuites contre
NTEZIRYAYO Emmanuel ne sont pas fondées car aucun des témoignages produits ne montre la
part de responsabilité du prévenu dans le génocide et les autres infractions qui ont été commis
dans le secteur qu’il dirigeait, l’accusation d’avoir désigné les 10 personnes dont il est question
étant fausse, car les personnes entendues dont des rescapés affirment que ces personnes ont été
élues par toute la population sans distinction, qu’il est également faux de dire que c’est lui qui
décidait de tuer les victimes, car au contraire, la population a affirmé qu’il a tout fait pour les
protéger en leur donnant des pièces, en remplacement de cartes d’identité qui mentionnaient
l’ethnie menacée à savoir celle des Tutsi ;
48
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Constate qu’il est aussi faux de dire que NTEZIRYAYO Emmanuel a changé quand
MASONGA François a accédé au poste de bourgmestre et s’est joint aux malfaiteurs car il a été
établi qu’il n’a jamais été caractérisé par des idées discriminatoires, surtout qu’il a délivrés les
pièces susmentionnées à l’époque où MASONGA François était en fonction ;
Constate que l’argument de Maître SEMANDA Cyridion tendant à obtenir que NSANGANIRA
Eugène puisse bénéficier d’une diminution de peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertu
des articles 15 de la Loi organique n° 08/96 et 83 du Code pénal au motif qu’il a été entraîné
dans les massacres par les autorités et qu’il ne peut être rangé dans la première catégorie car il
n’a tué qu’une seule victime n’est pas fondé car son client a avoué avoir tué deux victimes en
compagnie d’autres tueurs et qu’il a fait preuve d’une méchanceté excessive en faisant usage
d’une arme particulière que les autres ne portaient pas (une hache) lors de l’assassinat d’une
vieille dame avec laquelle il avait vécu en très bonnes relations ;
33ème feuillet.
Constate que les dommages intérêts réclamés doivent être alloués en fonction des liens de
parenté existant entre les parties civiles et les victimes tuées, mais qu’ils doivent être évalués ex
æquo et bono car ceux qui sont réclamés sont excessifs alors qu’en principe l’être humain n’a
pas de prix, et que les dommages matériels doivent être alloués en fonction de la valeur réelle
des biens endommagés, pillés ou détruits, que ces dommages intérêts doivent être mis
solidairement à charge des personnes reconnues coupables et de l’Etat qui reconnaît sa
responsabilité dans le génocide et ce, conformément à l’article 91 de la Loi organique n°
40/2000 du 26/01/2001 portant création des juridictions GACACA ;
Constate que des dommages intérêts ne peuvent être alloués à KANYANDEKWE qui s’est
constitué partie civile en cette affaire car le Tribunal n’a pas été saisi de l’infraction à la base de
son action ;
Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du 1er
octobre 1990, spécialement les articles 1, 2, 4, 6, 8, 9, 10, 17, 18, 24, 29, 36, 37, et 39 ;
49
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,
spécialement les articles non modifiés à savoir 16, 19, 20, 24, 25, 26, 37, 40, 41, 59, 61, 63, 71,
73, 80, 81, 90, 130, 138 ;
Vu le Décret-loi n° 21/77 du 18/08/1977 instituant le Code pénal tel que complété à ce jour,
spécialement les articles 28, 30, 32, 33, 34, 39-39, 66,(1°,3° et 5°), 90-92, 93, 94, 95, 168, 281,-
283, 304, et 311 ;
Vu la Loi n° 03/97 du 19/03/1997 portant création du barreau rwandais, spécialement les articles
1, 2, 6, 49-50 ;
34ème feuillet.
STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;
Déclare recevables, l’action du ministère Public et l’action civile car elles sont régulières en la
forme, et les déclare partiellement fondées ;
Déclare établies à charge de NSANGANIRA Eugène les infractions qui lui sont reprochées,
qu’elles le rangent dans le première catégorie et sont en concours idéal, qu’il doit en être puni tel
qu’expliqué du 6ème au 8ème exposés des motifs, qu’il doit être puni par la peine la plus sévère ;
Déclare non établies à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel les infractions qui lui sont
reprochées tel qu’expliqué du 12ème au 14ème et au 16ème exposés des motifs ;
Déclare que des dommages intérêts doivent être alloués à MUSAYIDIRE Eugène,
NYIRANTEGEYINKA Véronique, MUNYANSHONGORE Mussa, MUKARUBAYIZA et
RWAGATARE Jean car ils ont produit les attestations qui leur ont été délivrées par la mairie de
la ville de NYANZA sur leurs liens de parenté avec les victimes tuées tel qu’expliqué eu 17ème
exposé des motifs ;
Déclare que NSANGANIRA Eugène perd la cause, que NTEZIRYAYO Emmanuel obtient gain
de cause ;
Ordonne à NSANGANIRA Eugène de payer la ½ des frais d’instance s’élevant à 13.400 Frw
dans le délai légal et édicte une contrainte par corps de 10 jours faute d’exécution volontaire,
suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;
Acquitte NTEZIRYAYO Emmanuel des infractions qui lui sont reprochées et ordonne sa
libération immédiate ;
50
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
1. MUSAFIRI
35ème feuillet.
GREFFIER
NAKAREMA Nadine
51
RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001
RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE
36ème feuillet.
52
. 53
CHAMBRE SPECIALISEE
DE BYUMBA
. 54
. 55
N°2
1. Procédure - nouveaux dossiers liés au dossier initial − jonction des dossiers – complément
d’enquête - remise.
3. Droit de comparution personnelle des prévenus − droit de prendre part aux débats sur sa
cause.
4. 1er prévenu − infractions non établies (détention illégale d'armes à feu, usurpation de
fonctions ou titres pour ériger des barrières et vols à l'aide de violence).
. 56
5. 1er prévenu − infractions établies (association de malfaiteurs, assassinat, tentative
d'assassinat, pillage et destruction, non-assistance à personnes en danger, violation de
domicile).
10. 3ème prévenu - position d'autorité (responsable du parti MRND au niveau de cellule) −
première catégorie − peine de mort et dégradation civique totale et perpétuelle.
11. 4ème et 6ème prévenus − procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites 4ème
prévenu - tueur de grand renom (non) ;
4 ème
et 6ème prévenus − deuxième catégorie −10 ans de prison (article 15 Loi organique du
30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).
12. 10ème, 12ème, 14ème et 16ème prévenus − infractions établies (associations de malfaiteurs,
assassinat, violation de domicile, pillage et destruction) − deuxième catégorie −
emprisonnement à perpétuité et dégradation civique totale et perpétuelle.
13. 5ème, 7ème, 8ème, 11ème 15ème et 17ème prévenus − procédure d'aveu et de plaidoyer de
culpabilité pour la première fois à l’audience − 2ème catégorie − 12 ans de prison (article 16
Loi organique du 30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).
14. 18ème prévenu − infraction d'assassinat seule établie − deuxième catégorie − contrainte à la
participation criminelle − circonstances atténuantes − 2 ans d'emprisonnement.
15. 9ème prévenu − absence de preuve du Ministère Public − témoignage à charge non crédible
(vengeance) − prévenu ayant intercédé en vain pour les victimes − acquittement.
1. Le Ministère Public demande et obtient la jonction au dossier initial des dossiers connexes
de personnes poursuivies comme coauteurs du prévenu principal et qui viennent de rentrer
d'exil. Une remise est prononcée, afin de permettre au Ministère Public d’approfondir ses
enquêtes.
. 57
2. L’existence de conflits d’intérêts entre différents prévenus assistés par un même avocat
justifie que celui-ci se retire de la défense de ceux qui n’avouent pas et sont mis en cause par
d’autres qui eux, sont en aveux. Une remise est prononcée, afin de permettre aux prévenus
dépourvus d’avocat d’exercer leur droit d’être assisté d’un conseil.
3. Est écartée la demande du Ministère Public visant à ce que les prévenus qui n'avouent pas
soient exclus de la salle d'audience au moment des dépositions de ceux qui avouent; il est
fait droit à l’argument de la défense selon lequel ces prévenus doivent pouvoir suivre
l'affaire à leur charge et préparer ainsi leur défense, d’autant plus qu'ils sont mis en cause par
ceux qui avouent.
4. Les infractions de détention illégale d'armes à feu, d’usurpation de fonctions ou de titres par
l’érection de barrières et celle de vols à l'aide de violence ne sont pas établies à charge du 1er
prévenu:
− La détention illégale d'armes à feu n'est pas établie, car le prévenu avait reçu le fusil qu'il
détenait des autorités compétentes.
− L'infraction d'usurpation de fonctions ou de titres par l’érection de barrières n'est pas
établie, car lesdites barrières ont été instituées par le régime de l'époque auquel il devait
obéissance en sa qualité de responsable de cellule.
− L'infraction de vol avec violences n'est pas établie, car le Ministère Public n'a pas spécifié
les objets qui auraient fait l’objet du vol et le prévenu n'en est pas accusé par les témoins
à l'exception d'une plaignante dont la seule déclaration ne peut emporter la conviction du
Tribunal.
− Association de malfaiteurs, car il est mis en cause par ceux qu'il dirigeait en sa qualité de
responsable de cellule, ainsi que par les membres des familles des victimes.
− Assassinat, car les accusations de ses coprévenus, des témoins résidant dans la cellule
dont il était responsable et des membres des familles des victimes concordent à établir
que toutes les victimes ont péri dans des attaques qu’il dirigeait dans ce but.
− Tentative d’assassinat, car il est constant que c’est lui qui a donné l’ordre de tirer sur trois
personnes qui ont eu la chance de ne pas être atteintes.
− Pillage et destruction, car de nombreux témoins l'en accusent, ces actes ayant été commis
lors des attaques menées par le prévenu.
− Non-assistance à personnes en danger, car le prévenu, fort de sa qualité d’autorité et
possédant un fusil, aurait pu défendre les victimes s'il n’avait pas fait partie des attaques.
− Violation de domicile, car ses co-prévenus ont confirmé que les membres des attaques
qu’il dirigeait s’introduisaient dans les maisons à la recherche des victimes à tuer.
. 58
7. Les allégations du deuxième prévenu selon lesquelles les aveux qu’il avait formulés en cours
d’instruction lui auraient été soutirés sous la contrainte ne sont pas crédibles, les aveux en
question, consignés par écrit, proposant une description précise de la façon dont les
massacres ont été organisés, et le prévenu ne fournissant aucune preuve de la torture qu’il
invoque, comme des certificats médicaux indiquant qu’il aurait dû se faire soigner par la
suite. Le crime de génocide est établi à sa charge, le prévenu ayant organisé, encadré et mis à
exécution le génocide en tenant des réunions, en tant que conseiller de secteur, avec les
responsables de cellules, réunions au cours desquelles il ordonnait que lui soient
communiquées les listes des victimes à tuer. L’infraction de non-assistance à personne en
danger est établie, le prévenu ayant lui-même reconnu qu'il n'a pas mis fin aux massacres
perpétrés dans le secteur dont il était le conseiller, et soutenant qu'il a défendu les biens de sa
famille au détriment de la population.
N'est pas, par contre, établie à charge du 2ème prévenu, l'infraction de détention illégale
d'arme à feu, le fusil qu'il détenait lui ayant été remis par l'autorité compétente.
8. Le Tribunal range le 2ème prévenu en première catégorie en tant que personne ayant agi en
position d'autorité comme conseiller de secteur et en tant qu'organisateur, encadreur et
superviseur du génocide. Il le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique totale
et perpétuelle.
− Association de malfaiteurs, car les personnes qu'il prétend avoir secourues lors de
l'attaque le mettent en cause, de même que ses propres témoins à décharge.
− Complicité d'assassinat, car les victimes ont été tuées par des gens qui étaient dans le
même groupe que lui, et il était responsable du parti MRND au niveau de la cellule
− Violation de domicile, car le prévenu et les gens de son groupe s’introduisaient dans les
maisons pour en déloger les victimes.
− Pillage et destruction, car ces actes ont été commis publiquement par le groupe dont il
faisait partie au moment du génocide.
10. Les infractions retenues à charge du 3ème prévenu ont été commises alors qu'il était
responsable du parti politique MRND au niveau de la cellule. Le Tribunal le range en
première catégorie en tant que personne ayant agi en position d'autorité au sein d'un parti
politique au niveau de la cellule. Il est condamné à la peine de mort et à la dégradation
civique totale et perpétuelle.
11. Les aveux du 4ème et du 6ème prévenus qui ont recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer
de culpabilité avant les poursuites, sont acceptés.
En dépit des réquisitions du Ministère Public visant le classement du 4ème prévenu en
première catégorie en tant que tueur de grand renom, il est fait droit aux arguments de la
défense selon laquelle les aveux d’un prévenu n’impliquent pas nécessairement la
reconnaissance de la catégorisation proposée par le Ministère Public et l’acceptation de la
peine requise. Les nombreux témoignages à charge de ce prévenu ne peuvent suffire à le
qualifier de tueur de grand renom, aucun élément n’indiquant qu’il se serait « caractérisé par
un zèle ou une méchanceté particulière par rapport à ses coauteurs ».
. 59
Les deux prévenus sont rangés dans la deuxième catégorie et en application des réductions
de peines prévues à l'article 15 de la Loi organique du 30 août 1996, ils sont condamnés
chacun à 10 ans d'emprisonnement et à la dégradation civique limitée telle que prévue à
l'article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal.
12. En dépit du fait qu’ils plaident non coupable, les infractions d'association de malfaiteurs,
d’assassinat, de violation de domicile, de pillage et de destruction sont établies à charge des
10ème, 12ème, 14ème et 16ème prévenus, car ils sont mis en cause par ceux qui, parmi leurs co-
prévenus, ont recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité Ils sont rangés en
deuxième catégorie et sont condamnés à l'emprisonnement à perpétuité ainsi qu'à la
dégradation civique totale et perpétuelle.
14. Seule l'infraction d'assassinat est établie à charge du 18ème prévenu. Il est rangé en deuxième
catégorie. Mais pour avoir été contraint à la participation criminelle par ses coauteurs qui lui
ont donné un coup de machette pour l'obliger à tuer, il doit bénéficier de la clémence du
Tribunal. En raison de cette circonstance atténuante, il est condamné à 2 ans
d'emprisonnement.
15. Doivent être écartés comme non probants les témoignages des personnes qui mettent en
cause le 9ème prévenu qui a toujours nié les faits, car il apparaît que leurs auteurs sont mus
par la vengeance, le prévenu ayant tenté de les empêcher de tuer.
(NDLR: Par arrêt en date du 09/12/1997 la Cour d’appel de Kigali a déclaré irrecevable
l’appel des prévenus et confirmé ce jugement).
. 60
. 61
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
(Traduction libre)
1er feuillet.
CONTRE :
. 62
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
13- NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney, fils de SEMBWA André et KAGAJU P., né en
1964 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture
UMUTARA, en République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à
MUKARUBAYIZA Bélancille, père de 4 enfants, cultivateur, possédant une propriété
foncière, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.
. 63
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
3ème feuillet.
18- KAGINA Félicien, fils de SEMBWA André et KAGAJU Thérèse, né en 1953 dans la
cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,
République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à UWIMANA Marcienne,
cultivateur, possédant une propriété foncière, sans antécédents judiciaires connus,
actuellement en détention préventive.
PREVENTIONS :
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé, dirigé et supervisé un groupe de
malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi et les autres adversaires politiques au MRND
et à la CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi
organique n° 08/96 du 30/8/1996, et les articles 281 et 282 du Code pénal rwandais.
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, dirigé les expéditions meurtrières qui
ont coûté la vie à GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIYINDA,
BAZIGAGA Thérésie, NZEYIMANA, les membres de la famille NJONGO, la sœur de
SANKARA Aloys nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver qui se cachaient avec leur
mère SUMWIZA Philomène, KAYIRANGA, et HABIMANA, infraction prévue et réprimée par
les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique supra-citée, et l’article 312 du Code
pénal rwandais livre II.
Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/79 du 07
mai 1979.
Avoir, portant ce fusil, érigé une barrière à RUBILI où il a placé ses hommes pour intercepter les
. 64
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
4ème feuillet.
infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique ci-haut
citée, et l’article 217 du Code pénal rwandais.
Avoir mené deux attaques chez GATERA Claver entre les mois d’octobre 1990 et décembre
1992 et y avoir commis des vols avec violences et menaces en traitant l’intéressé d'Inkotanyi,
infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 4 de la Loi organique sus-citée, et l’article
401 du Code pénal rwandais.
Avoir, en compagnie de ses acolytes, en avril 1994, commis des actes de pillages et de
destructions, et mangé le bétail des victimes tuées, infraction prévue et réprimée par l’article 2
catégorie 4 de la Loi organique sus-citée, et les articles 168 alinéa 1 et 444 du Code pénal
rwandais.
S’être abstenu de porter secours aux personnes menacées de mort alors qu’il en était capable et
qu’il était chargé de leur sécurité, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 2 et
14(b) de la Loi organique sus-citée, et l’article 256 alinéa 1 du Code pénal rwandais.
S’être introduit, hors les cas où la loi le permet, aux domiciles d’autrui, infraction prévue et
réprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi organique sus-citée, et l’article 304 du Code pénal
rwandais.
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, organisé, encadré et mis à exécution les
actes de génocide en tenant des réunions des responsables des cellules de son ressort auxquels il
a demandé de lui remettre les listes des victimes à tuer, infraction prévue et réprimée par l’article
2 catégorie 1(a et b) et 14(a) de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, et par l’article 312 du
Code pénal rwandais.
5ème feuillet.
. 65
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret loi n° 12/79 du 7
mai 1979.
S’être abstenu de porter secours aux personnes menacées de mort alors qu’il en était capable et
qu’il était chargé de leur sécurité, infraction prévue les articles 2 alinéa 3 et 14 b de la Loi
organique sus-citée et par l’article 256 du Code pénal rwandais.
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, fait partie d’une association des
malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux personnes et à leurs propriétés, infraction
prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique supracitée, et par
les articles 281 et 282 du Code pénal rwandais.
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur ou complice , assassiné
les nommés GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIKIYINDA,
BAZIGAGA Thérèsie, NZEYIMANA , les membres de la famille Pie NJONGO, la soeur de
SANKARA nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANA
en raison de leur ethnie, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de
la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 312 du Code pénal rwandais.
S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, introduit dans les domiciles
d’autrui contre leur gré dans l’intention de tuer; infraction prévue et réprimée par l’article 2
catégorie 3 de la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 du Code
pénal rwandais.
S’être distingué dans le milieu où il résidait et partout où il est passé à cause du zèle et de la
méchanceté qui l’ont caractérisé dans les tueries, infraction prévue et réprimée par
6ème feuillet.
les articles 2 catégorie 1(c) et 14(a) de la Loi organique précitée, et par l’article 312 du Code
pénal rwandais.
S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, introduit dans les domiciles
d’autrui contre la volonté des occupants avec l’intention de tuer et piller, infraction prévue et
réprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et
. 66
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Avoir, comme auteur ou complice, commis des actes de pillage et de destruction et mangé le
bétail appartenant aux victimes tuées. Infraction prévue par l’article 2 catégorie 4 de la Loi
organique précitée, et par les articles 89, 90, 91,168 al.1 et 444 du Code pénal rwandais.
E) A charge de :
1. NYILINKWAYA Pierre Damien alias FLECHE
2. RWAMAKUBA Hamada
3. MAKUZA Jean Damascène
4. GACACA Jérémie
5. NTUYEHE Simon
6. MUGABUSHAKA Jean Bosco
7. KARANGWA Jean
8. RUKESHA Obed
9. NTIVUGURUZWA J.M.Vianney
10. NTUYEMBARUSHA Jean Claude
11. MUNYABUGINGO Augustin
12. MBONABUCYA Cyprien
13. HAVUGIMANA Jean Bosco
14. KAGINA Félicien :
- créé une association de malfaiteurs dans le but d’exterminer les Tutsi et d’autres personnes
opposées au MRND – CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90, 91, 281 et
282 du 89, 90, 91 et 311 du Code pénal rwandais.
- assassiné les personnes précitées à cause de leur appartenance ethnique, infraction prévue et
réprimée par les articles 2 catégorie 2 et 14(b) de la Loi organique précitée, et par les articles
89, 90, 91 et 311 du Code pénal.
- Etre entrés illégalement dans les domiciles d’autrui contre la volonté des occupants avec
l’intention de tuer et de piller, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi
organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 du Code pénal.
- Avoir volé et tué le bétail de leurs victimes, fait prévu par la Loi organique précitée en son
article 2 catégorie 4, prévu et puni également par les articles 89, 90, 91, 168 alinéa 1 et 444 du
Code pénal.
7ème feuillet.
. 67
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Le Tribunal,
Attendu que les enquêtes préliminaires terminées, le Ministère Public a transmis le dossier au
Tribunal en date du 04/12/1996 pour fixation, que ce dossier a été inscrit au rôle sous le
n°RP003/I/C.SP/96/BY ;
Attendu que KANYABUGANDE François reconnaît comme sienne l’identité qui lui est lue par
le greffier mais plaide non coupable de toutes les infractions ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public précise que d’autres personnes ayant participé avec
KANYABUGANDE François à la perpétration des infractions poursuivies s’étaient exilées mais
viennent de rentrer, qu’il estime mieux de joindre leur dossier et celui de KANYABUGANDE
François et demande au Tribunal de surseoir à statuer sur le fond de la présente affaire pour
permettre au Ministère Public de faire une enquête rapide et approfondie ;
Attendu que KANYABUGANDE François dit qu’à son avis l’audience devrait continuer car il
ne sait pas si d’autres personnes seront impliquées dans cette affaire ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public indique que d’autres infractions ont été constatées,
qu’il demande qu’elles puissent être examinées dans ce dossier et que les parties civiles aient la
possibilité de comparaître ;
Attendu que KANYABUGANDE François dit que le Ministère Public peut faire les enquêtes
nécessaires pour qu’à son tour il puisse connaître l’identité de ces personnes ainsi que les faits
qu’elles vont mettre à sa charge ;
Attendu que l’audience est reportée pour permettre au Ministère Public d’approfondir les
enquêtes, qu’elle aura lieu lorsque ces enquêtes seront terminées ;
Attendu que le Ministère Public a transmis en date du 06/02/1997 à la Chambre Spécialisée une
note de versement des dossiers portant les numéros RMP 11513, 11527, 11301. 11414, 11324,
11413, 11525, 11515, 11516, 11526, 11521, 11522, 11523, 11529, 11518 et11517/S3/CT/KB
dans celui portant le n°10529/S3/ND/KB à charge de KANYABUGANDE François ;
Attendu qu’après la clôture des enquêtes sollicitées par lui, le Ministère Public a porté une
nouvelle action devant le Tribunal par sa lettre n°1/0063 du 17/02/1997 ;
Attendu qu’aucune nouvelle inscription au rôle n’a eu lieu et que le n°RP003/1/C.SP/96/BY a
été seul maintenu ;
Attendu que les prévenus ont été régulièrement cités à comparaître en date du 09/04/1997 à 8
heures du matin ;
Attendu que les prévenus comparaissent au jour et à l’heure indiqués, KANYABUGANDE
François, KAREKEZI Augustin, MUHOZI Samuel et NSENGIYUMVA Abdu étant assistés par
. 68
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Maître Luc WALLEYN tel qu’attesté par l’autorisation de plaider n°1314/06.25 qui lui a été
délivrée en date du 08/04/1997 par le Ministre de la Justice, les autres prévenus étant assistés par
BIMENYIMANA André, tandis que les parties civiles sont représentées par Maître Josette
KADJI, en présence de l’Officier du ministère Public MUSUHUKE François ;
8ème feuillet.
Attendu que KANYABUGANDE reconnaît comme sienne l’identité telle que lue par le greffier,
que KAREKEZI Augustin relève qu’on a omis de mentionner les biens qu’il possède à savoir un
bois de 5 ha, une plantation de caféiers, une bananeraie de 60 ares, un champ cultivable de 2ha,
une maison au centre commercial de KIRAMURUZI et qu’il est père de 4 enfants, que
NSENGIYUMVA fait observer qu’il a été omis dans son identité le fait qu’il est marié à
MUKARUSAGARA et père de 3 enfants et qu’il possède 3 boisements sis à l’endroit où il
habite, que MUHOZI Samuel dit quant à lui qu’il possède un bois et une bananeraie, que
RWAMAKUBA Hamada reconnaît son identité mais précise qu’il est aussi marié, que
GACACA Jérémie reconnaît que son identité telle que lue par le greffier est exacte mais ajoute
qu’il est marié à NYIRANEZA E, que MAKUZA Jean Damascène reconnaît comme exacte son
identité mais dit qu’il faut mentionner qu’il est marié à NIYONSABA Joséphine, que
NTUYEHE Simon reconnaît que son identité est exacte mais dit qu’il n’est plus commerçant,
que MUGABUSHAKA Jean Bosco, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA JMV,
KARANGWA Jean Baptiste et RUKESHA Obed reconnaissent comme exacte chacun en ce qui
le concerne, l’identité lue par le greffier, que MUNYABUGINGO Augustin reconnaît comme
exacte son identité ajoutant cependant qu’il possède une maison couverte de tôles et une
bananeraie, que MBONABUCYA Cyprien, HAVUGIMANA Jean Bosco, KAGINA Félicien et
NYILINKWAYA Pierre reconnaissent eux aussi comme exacte l’identité lue ;
Attendu que Maître BIMENYIMANA André déclare qu’il assiste les quatorze prévenus
restants ;
Attendu que Maître WALLEYN, ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il a demandé
au Ministre de la Justice l’autorisation de plaider à BYUMBA mais qu’une erreur s’est glissée
dans la réponse, qu’il se demande si celle-ci ne peut pas constituer un motif de remise
d’audience ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit avoir adressé
au Ministre de la Justice en date du 2/4/1997 une lettre qui est parvenue dans ses bureaux le
04/04/1997, que le délai de l’autorisation a commencé à courir à partir du 08/04/1997, date à
laquelle il a reçu la réponse à sa lettre ;
Attendu que Maître WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète déclare qu’il avait
mandat d’assister 4 prévenus mais qu’il a constaté que des contradictions ressortent de leurs
moyens de défense, qu’il ne peut pas assurer la défense des prévenus ayant des conflits
d’intérêt ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit que
KANYABUGANDE est victime d’une certaine injustice, que MUHOZI Samuel avoue les faits
mis à sa charge et charge KANYABUGANDE, que la déontologie professionnelle interdit
. 69
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il va
assister MUHOZI Samuel et qu’il va se charger de chercher un autre avocat pour assister
KANYABUGANDE et les autres qui ne sont pas assistés ;
Attendu que KANYABUGANDE François déclare qu’il ne peut plaider sans être assisté par un
défenseur, mais qu’il pourrait plaider pour éviter de retarder le procès ;
Attendu que BIMENYIMANA André dit qu’il ne peut pas lui aussi assister KANYABUGANDE
François et ses coaccusés sous peine de violer la déontologie professionnelle, et qu’il y a lieu de
leur chercher un autre avocat ;
Attendu que Maître KADJI Josette, ayant SIBOMANA Modeste pour interprète déclare que la
liste des parties civiles n’est pas complète puisqu’il y a d’autres qu’elle n’a pas pu joindre,
qu’elle demande le report d’audience en vue de permettre aux parties civiles constituées de
chercher les pièces administratives requises pour soutenir leur action ;
9ème feuillet.
Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Modeste déclare que
seules 3 parties civiles ont été assignées et que les autres ont spontanément comparu, que
d’autres enfin l’ont contactée après cette comparution et que c’est à ce moment qu’il leur a
donné les formulaires à remplir, qu’elle demande que l’affaire soit renvoyée à une autre date,
soulignant que les parties civiles ne sont pas instruites sur la procédure judiciaire ;
Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Modeste dit qu’elle
souhaite d’abord obtenir les attestations à délivrer par l’autorité communale, que même les
parties civiles qu’elle devait représenter en ce jour n’en ont pas encore obtenu ;
Attendu que Maître BIMENYIMANA André dit qu’il assiste les prévenus qui avouent et
plaident coupables ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public demande que les prévenus qui plaident non coupable
soient invités à sortir de la salle d’audience au moment où ceux qui plaident coupable vont être
entendus ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il n’est
pas de l’avis du Ministère Public, car même les prévenus qui n’avouent pas doivent suivre les
débats en audience et être informés des faits dont leurs co-prévenus les accusent pour pouvoir
présenter leurs moyens de défense le moment venu ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que l’objection de Maître WALLEYN n’est pas
fondée car les prévenus qui avouent devront, le moment venu, être appelés à la barre pour
. 70
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il ne
comprend pas pourquoi les prévenus qui plaident non coupable ne pourraient pas suivre les
débats en audience sur l’affaire à leur charge ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les prévenus qui plaident coupable mettent en
cause ceux qui plaident non coupable, que c’est le motif pour lequel il estime que ces derniers ne
doivent pas assister à l’audition de leurs co-prévenus, qu’il demande au Tribunal de prendre une
décision à ce sujet ;
Attendu que le représentant du Ministère Public dit que de tous les prévenus qui ont recouru à la
procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, seuls MUHOZI Samuel, RWAMAKUBA
Hamada, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA Jean Bosco ont maintenu leurs
aveux que le Tribunal est appelé à examiner ;
Attendu que le Ministère Public dit que ces prévenus doivent être rangés dans la deuxième
catégorie en vertu de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 au vu de leurs aveux et plaidoyer
de culpabilité, qu’il requiert la peine d’emprisonnement à perpétuité à charge de MUHOZI
Samuel au motif qu’il a été un tueur de renom, 15 ans d’emprisonnement à charge des autres
ainsi que la dégradation civique de chacun d’eux, de même que la condamnation au paiement des
frais de justice, les parties civiles pouvant se constituer ;
Attendu que MUHOZI Samuel dit qu’il plaide coupable comme il l’a fait devant le Ministère
Public ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN, avocat de MUHOZI Samuel, ayant pour interprète
HABIMANA Aloys, dit qu’il existe une différence entre les faits infractionnels que son client
avoue et ceux dont parle le Ministère Public qui range l’intéressé dans la première catégorie, que
le prévenu désapprouve la peine requise à son encontre par le Ministère Public, qu’il devrait être
rangé dans la deuxième catégorie pour les deux motifs suivants : 1°. Il ne suffit pas de dire que
son client est un tueur de renom, il faut en produire les preuves, et 2°, il a participé à deux
meurtres et ce, faisant partie d’un groupe d’autres meurtriers, il doit être rangé dans la même
catégorie que les autres qui plaident coupables ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit que même au
cas où MUHOZI Samuel aurait été un tueur de renom, il ne devrait pas être fait application de
l'article 5 al.3 mais plutôt de l'art. 9 al.2 qui dispose que la personne qui a recouru à la procédure
d’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant la publication de son nom sur liste de la première
catégorie et dont les aveux sont sincères, doit être rangé dans la deuxième catégorie,
10ème feuillet.
qu’il ne devrait pas encourir la peine d’emprisonnement à perpétuité mais plutôt la peine de 12 à
15 ans d’emprisonnement, qu’il ajoute par ailleurs qu’il devrait être fait application de l’article
15 au lieu de l’article 16 car son client a spontanément avoué l’infraction avant toute poursuite
quand il s’est livré lui-même à la gendarmerie en date du 26/12/1996, que ses déclarations du
20/01/1997 ne sont appuyées par aucune preuve à part les faits qu’il avait avoués, qu’il a recouru
à cette procédure depuis le début jusqu'à ce jour pour pouvoir bénéficier de l’avantage de ne pas
. 71
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
être condamné à la peine de mort, qu’il doit être condamné à la peine prévue par l’article 15 (a) à
savoir 7 à 11 ans d’emprisonnement ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN, avocat de MUHOZI Samuel ayant HABIMANA Aloys
pour interprète, demande au Tribunal de condamner son client à une peine réduite au motif qu’il
n’a pas fait d’études, est jeune et a exécuté les ordres reçus des autorités, qu’il a rendu visite à
l’intéressé en prison où il a constaté qu’il regrettait profondément ses crimes et était tellement
traumatisé qu’il n’a pas su lui dire l’âge de son enfant, qu’il poursuit en implorant la mansuétude
des juges, en leur demandant de tenir compte des excuses que MUHOZI continue à présenter et
de lui appliquer une peine qui peut lui permettre de dédommager les victimes de ses actes ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public déclare qu’il n’est pas d’accord avec Maître Luc
WALLEYN, Conseil de MUHOZI, quand il dit que son client ne peut pas être rangé dans la
première catégorie mais plutôt dans la deuxième, qu’en application de la Loi organique, ce sont
ses actes qui le rangent dans la première catégorie, lesquels actes sont rapportés par les témoins à
sa charge et ont fait de lui un tueur de renom dans la région où il habitait, qu’il s’est rendu
célèbre par le zèle qui l’a caractérisé dans les tueries qu’il a perpétrées partout où il est passé,
ceci étant par ailleurs attesté par les témoins à sa charge dont le nombre s’élève à plus de 13 et
dont les déclarations sont consignées dans les procès-verbaux cotés 7, 14, 24, 34, 45, 66, 69,
115, 138, 195, 197 et 227 dans le dossier, qu’ainsi l’avis selon lequel MUHOZI doit être rangé
dans la première catégorie est fondé sur ses actes, qu’il n’est pas exact de dire que l’article 9 n’a
pas été observé car ses actes le rangent dans la première catégorie mais que, suite à son recours
à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant la publication de son nom sur la liste
des personnes de la première catégorie, il a été rangé dans la deuxième catégorie, que le
ministère Public estime non fondée l’application de l’article 15 au lieu de l’article 16 tel
qu’invoqué par Maître Luc WALLEYN car il est faux de prétendre que MUHOZI a avoué de
son propre gré étant donné qu’il était recherché quand il s’est livré à la brigade à son retour
d’exil ;
Attendu que Maître Josette KADJI, avocat des parties civiles ayant pour interprète SIBOMANA
Modeste, demande au Tribunal d’appeler les témoins à charge à la barre pour qu’ils puissent
appuyer le Ministère Public par leurs témoignages ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il ne voit
pas pourquoi SUMWIZA Philomène doit être interrogée comme témoin à charge dès lors que
MUHOZI Samuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, qu’il ne peut y
avoir de déposition de témoins en pareilles circonstances et que la partie civile ne doit rien
réclamer ;
Attendu que l’audience est suspendue à 13 heures pour prendre un repos, qu’elle se poursuit à 14
heures ;
Attendu que RWAMAKUBA Hamada dit qu’il a avoué sans contrainte les faits qui lui sont
reprochés et qu’il maintient ses aveux ;
Attendu que Maître BIMENYIMANA André, Conseil de RWAMAKUBA Hamada, dit que son
client a effectivement avoué les infractions pour faciliter la tâche à la justice, que cela constitue
un repentir et une façon de présenter des excuses aux victimes de ses actes, que l’intéressé est
jeune et a été entraîné dans les crimes comme l’ont été beaucoup d’habitants de ce pays, que
RWAMAKUBA Hamada est prêt à réparer les dommages qu’il a causés et à entretenir de bonnes
. 72
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
relations avec ceux qui ont subi un préjudice résultant de ses actes, que c’est pour cette raison
qu’il insiste pour implorer la clémence du Tribunal, cette clémence pouvant se fonder sur des
circonstances atténuantes consistant en ce que RWAMAKUBA Hamada a fait preuve d’une
bonne conduite depuis sa naissance jusqu’au jour où il fut entraîné dans les crimes, qu’il n’a pas
d’antécédents judiciaires, qu’il n’a pas pu résister aux ordres émanant de mauvais dirigeants qui
l’ont contraint à prendre part à des actes criminels, qu’ainsi le Tribunal peut faire preuve de
perspicacité et de clémence dans la fixation de la peine, qu’il continue en disant que
RWAMAKUBA Hamada et ses coaccusés sont des jeunes gens constituant les forces vives du
pays et qu’à cet égard, ils ne faudrait pas qu’ils continuent à croupir en prison où ils doivent être
nourris au lieu de reconstruire le pays dans ces mauvais moments où il a besoin de tous ses
citoyens qui doivent resserrer les coudes pour que le Rwanda recouvre son image d'antan ;
11ème feuillet.
Attendu que MUNYABUGINGO dit qu’il continue à avouer les infractions à sa charge comme il
l’a fait auparavant sans contrainte et qu’il présente ses excuses ;
Attendu que HAVUGIMANA dit qu’il maintient ses aveux tels que faits antérieurement sans
contrainte ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il est prêt
à assister n’importe quel prévenu dont les intérêts ne sont pas en conflit avec ceux des
prévenus qu’il a assistés le même jour, mais qu’il compte quitter le pays à la fin de la semaine et
qu’il vaudrait mieux que ces prévenus sollicitent l’assistance d’autres avocats lorsqu’ils auront
obtenu l’autorisation du Ministre de la Justice dans une semaine environ ;
Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA dit qu’elle demande un
délai de deux semaines pour permettre aux parties civiles de se faire délivrer les attestations
requises car elles habitent des endroits séparés et éloignés ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que compte tenu des souhaits des avocats, il y a
lieu de reporter l’audience dans deux semaines ;
Attendu que l’audience est remise dans deux semaines pour permettre aux prévenus qui plaident
non coupable de chercher des avocats pour les assister ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il a des
observations à faire sur ce qu’a dit le Ministère Public, que concernant la catégorie dans laquelle
son client doit être rangé, le contenu de l’article 2 dans son point c ne se réfère point à la gravité
des faits reprochés au prévenu mais plutôt au fait que le prévenu a été qualifié de meurtrier de
grand renom, que s’il en avait été ainsi pour son client MUHOZI, celui-ci n’aurait pas été
chargé par 13 personnes seulement, mais par plus d’une centaine de personnes de sa région, de
. 73
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
sa commune et voire même de tous les lieux où il est passé, que l’article 9 alinéa 2 doit être
interprété d’une seule façon relativement aux personnes de la première catégorie qui sont
rangées dans la deuxième catégorie, que même en cas d’interprétations différentes de la loi, seule
celle qui est favorable au prévenu doit prévaloir, que relativement au recours à la procédure
d’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant les poursuites, le Ministère Public allègue que son
client était recherché avant qu’il ne se livre aux autorités habilitées mais que rien ne prouve cette
allégation car aucune pièce y relative ne figure au dossier, qu’il relève par ailleurs que le fait
d’être recherché ne signifie pas être poursuivi et qu’à cet égard, il n’estime pas que son client a
été poursuivi, que les lois pénales accordent aux Officiers de Police Judiciaire et Inspecteurs de
Police Judiciaire la compétence de constater et de rechercher les infractions, mais que les
poursuites relèvent de la compétence de l’Officier du Ministère Public, le parquet étant seul
compétent pour les exercer, qu’aucune pièce émanant du parquet et datée d’avant le 22/12/1997
ne figure au dossier, que cela démontre que MUHOZI a avoué et présenté ses excuses avant les
poursuites ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il termine
en demandant au Tribunal d’appliquer la loi et d’être clément à l’égard de son client MUHOZI,
que cela constituera un signe d’encouragement aux autres prévenus à recourir à la procédure
d’aveu et de faciliter ainsi la tâche à la justice ;
Attendu que Maître Luc WALLEYN, Conseil de MUHOZI, ayant pour interprète HABIMANA
Aloys explique qu’un meurtrier de grand renom doit être connu de tout le monde dans la région
où il réside et doit avoir été caractérisé par le zèle et la méchanceté extrême avec lesquels il a
perpétré les tueries, qu’il ajoute qu’il est regrettable que le législateur n’ait pas explicité ce qu’il
faut entendre par un meurtrier de grand renom mais qu’en pareille circonstance, seule
l’interprétation favorable au prévenu doit être retenue ;
12ème feuillet.
Attendu qu’à cette date l’audience est reportée au 24/04/1997 à huit heures du matin pour
permettre aux prévenus n’ayant pas d’avocats de pouvoir bénéficier d’une assistance judiciaire ;
Attendu qu’en date du 24/04/1997, l’audience reprend en présence des prévenus, de Maître
Georges RAYMOND qui a pour interprète RUBANGO Epimaque et assiste les personnes
précisées sur l’autorisation de plaider portant le n°1416/06.25 du 7/4/1997, ainsi que de Maître
Josette KADJI, avocat des parties civiles ayant pour interprète NDIKUBWIMANA ;
Attendu que les interprètes prêtent serment d’accomplir leur mission en honneur et conscience ;
Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète RUBANGO Epimaque demande au
Tribunal de procéder à la disjonction de l’action civile au motif qu’elle ne s’est pas suffisamment
préparée ;
Attendu que KAREKEZI Augustin dit qu’il plaide non coupable de toutes les infractions qui lui
sont reprochées à l’exception de celle de détention d’une arme à feu ;
. 74
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Attendu que GACACA Jérémie dit qu’il a nié les faits en date du 09/04/1997 parce qu’il croyait
que son avocat allait venir avant la date d’audience de façon qu’ils puissent étudier le dossier
ensemble, que lui et ses co-prévenus pensaient que cet avocat pouvait leur être utile en vue d’une
éventuelle réduction de peine ;
Attendu que GACACA Jérémie dit que ce n’est pas volontairement qu’il a nié les faits à lui
reprochés lors de son interrogatoire par l’Officier du Ministère Public ;
Attendu que l’Officier du Ministère du Ministère Public relève que GACACA avait plaidé non
coupable lors de la dernière audience mais qu’il plaide coupable aujourd’hui, que son recours à
la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité peut être acceptée en application de l’article
11 de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 ;
Attendu que Maître Georges RAYMOND ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit qu’il
accepte d’assister GACACA Jérémie et qu’il présente des excuses pour lui, qu’il demande au
Tribunal de ne pas considérer seulement le fait que l’intéressé a auparavant plaidé non coupable
mais de faire application de l’article 15 de la Loi organique se rapportant à la procédure d’aveu
et de plaidoyer de culpabilité ;
Attendu que concernant la réduction de la peine demandée par Maître Georges RAYMOND en
faveur de GACACA, l’Officier du Ministère Public dit qu’il y a lieu d’appliquer l’article 16 a)
qui dispose que le prévenu qui recourt à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité après
les poursuites est puni de la peine d’emprisonnement de 12 à 15 ans, qu’il requiert à cet égard 15
ans d’emprisonnement à charge de GACACA ;
Attendu que GACACA dit que chacun des prévenus est poursuivi individuellement pour les
infractions qu’il a commises, qu’il n’était pas en compagnie de ses co-prévenus lors des faits ;
Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète NDIKUBWIMANA demande au
Tribunal d’autoriser les parties civiles à témoigner à charge des prévenus car elles sont sorties de
la salle d’audience ;
Attendu que KAREKEZI dit que les aveux qu’il a faits lors de son interrogatoire lui ont été
extorqués au moyen des coups qui lui ont été administrés ;
Attendu que KANYABUGANDE François dit qu’il plaide non coupable de toutes les infractions
et demande au Tribunal de procéder par chaque infraction pour qu’il puisse présenter ses moyens
de défense, que concernant la première infraction d’organisation du génocide, il dit qu’il n’était
pas en bons termes avec ceux qui l’en accusent car il a fait emprisonner celui qui a tiré, qu’il ne
pouvait donc pas oser aller commettre les infractions avec eux, qu’il plaide non coupable des
assassinats dont il est question dans le dossier en disant que ce sont ceux qui l’en chargent qui
les ont commis eux-mêmes car il n’était plus membre du parti politique MRND au moment des
faits, que le meeting dont il est question a été organisé par KAREKEZI qui était le conseiller de
secteur,
13ème feuillet.
. 75
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
car il avait quant à lui intégré le parti politique MDR, qu’il ne tranchait plus de litiges entre les
gens, que ceux qui l’accusent ont perdu des membres de leurs familles et s’en sont pris à lui
parce qu’il était seul présent étant donné que les auteurs de ces crimes étaient en exil ;
Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il plaide non coupable de détention illégale d’arme à
feu, que le fusil dont il est question était détenu par le milicien Interahamwe du nom de
MUSHIMIYIMANA Laurent et que le conseiller de secteur en était au courant, qu’il n’a pas
érigé la barrière à RUBIRI car seule l’autorité communale décidait de l’endroit où il faut placer
une barrière, qu’il ne pouvait donc pas s’opposer à ce que cette barrière soit érigée à cet endroit
dès lors qu’il n’en était pas chargé ;
Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes qui ont surveillé la barrière,
KANYABUGANDE dit qu’il s’agit de KAGINA, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA,
KARANGWA et d’autres, qu’il déclare ignorer les circonstances de la mort de KAYIRANGA
qui a été tué par les gens qui se trouvaient à AKAMASINE ;
Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il n’a pas voulu tirer sur Yahaya et MUNYANEZA
Salomon qui ont été abattus par MUSHIMIYIMANA Laurent en sa présence et d’autres
personnes, qu’il ne pouvait pas l’empêcher de le faire car il n’avait aucune autorité sur lui,
l’intéressé étant sous les ordres des militaires ;
Attendu que KANYABUGANDE nie avoir mené une attaque au domicile de GATERA en le
traitant de complice des INKOTANYI et dit que SUMWIZA l’en accuse faussement car il est
inconcevable qu’il ait attaqué quelqu’un et que celui-ci n’ait pas fait appel à ses voisins pour le
secourir, qu’il y a lieu de demander au conseiller qui est présent si une plainte relative à cette
accusation aurait été portée devant lui, qu’il continue en disant que ceux qui témoignent contre
lui disaient à qui voulait les entendre quand ils étaient encore en exil en Tanzanie que, dès leur
retour, ils impliqueraient les gens qu’ils trouveraient au Rwanda ;
Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il a sauvé les gens qu’il a pu secourir de façon qu’ils
ont échappé au génocide, qu’il poursuit en disant que HABINEZA a emmené et livré
SUMWIZA à ses acolytes Interahamwe pour qu’ils la tuent, que ces derniers l’ont cependant
épargnée et n’ont tué que ses enfants, qu’il ignore l’identité des auteurs de ces crimes ;
Attendu que KANYABUGANDE nie avoir commis des pillages et avoir mangé le bétail
d’autrui, qu’il dit qu’il en est accusé à tort ;
Attendu que Maître Georges Raymond ayant pour interprété NDIKUBWIMANA, dit qu’il ne
peut pas assister KANYABUGANDE, à moins que celui-ci le demande de façon expresse s’il le
désire ;
Attendu que KAREKEZI dit qu’il était malade à son arrivée et que c’est à la gendarmerie et à la
commune qu’il a rédigé les déclarations écrites que fait valoir le Parquet, que c’est suite aux
coups qui lui ont été administrés qu’il a fait ces aveux pour sauver sa vie, que ce qu’il a écrit lui
était même dicté au fur et à mesure, qu’à la question de savoir s’il dispose des pièces médicales
attestant qu’il s’est fait soigner il répond les avoir données à son avocat ;
Attendu que KAREKEZI dit qu’il réfute les témoignages à sa charge car leurs auteurs habitent
. 76
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
dans le secteur UMUREHE qui est très éloigné de son domicile et dans lequel il n’est pas arrivé,
que KANYABUGANDE qui était responsable de cellule peut le confirmer ;
Attendu que KAREKEZI dit qu’il n’a pas su que des personnes ont été tuées après la mort de
l’ex- chef de l'Etat HABYARIMANA, qu’il ne l’a appris qu’une fois en exil car, sitôt après la
mort du président, un communiqué des Forces Armées interdisant toute sortie à la population a
été diffusé et qu’il l’a observé en restant sur place avec ses voisins ;
Attendu que KAREKEZI dit qu’il détenait un fusil pour assurer sa sécurité et celle de la
population, qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas porté secours aux personnes qui étaient
tuées, il répond qu’il n’était pas à la hauteur de combattre les militaires ;
Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sont
reprochées, que ceux qui le chargent le font pour des motifs inavoués étant donné qu’il n’a
jamais quitté son domicile, que les massacres ont été commis par KANYABUGANDE et son
groupe de miliciens Interahamwe à l’exception de NTUYEHE Simon ;
Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il pense que c’est le nommé SANKARA qui le met
injustement en cause, que ZILINYINSHI et l’épouse de GATARE peuvent témoigner à sa
décharge parce qu’il leur a sauvé la vie ;
Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit que BARAHIRA le charge par peur d’être poursuivi
car il s’est approprié leurs biens de manière illicite et qu’il était jaloux du fait que
NSENGIYUMVA avait une plus grande clientèle à l’époque où tous les deux vendaient de
l’essence ;
14ème feuillet.
Attendu que KAREKEZI dit qu’il ne sait pas si NSENGIYUMVA Abdu a participé aux
massacres car il n’est jamais arrivé dans la cellule UMUREHE ;
Attendu que NSENGIYUMVA dit que la famille de BUGINGO n’a jamais été en sécurité à
partir du moment où KANYABUGANDE a eu un fusil en sa possession , qu’il s’y est rendu en
leur portant secours , que HAVUGIMANA dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconque
méfait que NSENGIYUMVA aurait commis ;
Attendu que MUHOZI Samuel dit que les déclarations de NSENGIYUMVA renferment des
mensonges car il dirigeait lui aussi des expéditions meurtrières en compagnie du conseiller, que
RWAMAKUBA dit que NSENGIYUMVA est victime d’injustice car il n’a aucune part de
responsabilité dans les massacres, que GACACA dit que NSENGIYUMVA est allé porter
secours à la famille de BUGINGO tandis que NYILINKWAYA dit qu’il n’a pas vu
NSENGIYUMVA tuer qui que ce soit à part qu’il l’a vu chez BUGINGO ;
Attendu que NSENGIYUMVA dit qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer les membres des
familles de BUGINGO et de GATARE, qu’il y est allé pour leur porter secours car cette famille
leur avait donné une vache en cadeau, qu’il est prêt à se reconnaître perdant si quelqu’un vient à
affirmer l’avoir vu commettre des pillages aux domiciles des victimes après leur assassinat ou
manger leurs vaches ;
. 77
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il s’est réfugié en compagnie de ZIHINJISHI, que
celui-ci le charge sur l’instigation de SANKARA car ce dernier tient des réunions pour inciter
ses codétenus à porter des accusations;
Attendu que NSENGIYUMVA dit que le conflit qu’il a avec SANKARA vient du fait que
SANKARA qui lui avait donné sa maison en location l'en a expulsé avant le terme parce qu'il
était persécuté, qu'ils se sont tous exilés, mais que SANKARA est rentré d’exil avant lui et a fait
assassiner les membres de sa famille ;
Attendu que SUMWIZA Philomène, après avoir prêté serment de dire la vérité, affirme que
l’attaque qui a été menée à leur domicile était dirigée par NSENGIYUMVA qui a tué son mari
GATERA Claver et qu’il n’a rien fait pour les protéger malgré qu’ils lui avaient donné une
vache en cadeau ;
Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit que ce que vient de dire SUMWIZA n’a aucun
fondement car si cela était vrai, sa belle-mère ZIHINJISHI n’aurait pas cherché refuge auprès de
lui si elle savait qu’il avait commis des crimes à leur encontre ;
Attendu que SUMWIZA dit qu’en date du 11/04/1994, NSENGIYUMVA Abdu, en provenance
de chez son beau-père, est venu tuer ses enfants, qu’elle affirme disposer de témoins qui peuvent
confirmer les faits ;
Attendu que SUMWIZA dit qu’elle a vu NSENGIYUMVA tuer son mari à coups de machette,
que l’intéressé n’exerçait pas de fonction particulière dans la cellule sinon qu’il était le chef de la
milice Interahamwe ;
Attendu que NSENGIYUMVA dit que SUMWIZA ne peut pas être rendue responsable de ses
allégations car il y a des gens qui les lui dictent, qu’il n’aurait pas fui avec sa belle-mère si ce
qu’elle dit était vrai ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, ZIHINJISHI dit que NSENGIYUMVA a effectivement
accouru à leur secours mais qu’il faisait partie de l’expédition qui a coûté la vie à GATARE et à
son mari ;
Attendu que dans sa défense, NYILINKWAYA dit qu’il n’a jamais rencontré ceux qui le mettent
en cause et planifié les massacres avec eux, qu’il poursuit en disant être allé chez BUGINGO
sous la contrainte de HABIYAKARE Froduald et KANYABUGANDE qu’il venait de croiser en
chemin au moment où il allait pulvériser un pesticide sur ses tomates, qu’à leur arrivée sur les
lieux, BUGINGO avait déjà été tué par MUHOZI et MUNYABUGINGO, ainsi que
RUTAREMARA, MANIRAGUHA et HATEGEKA qui ne sont pas présents, qu’il a seulement
aperçu NSENGIYUMVA mais ne l’a pas vu tuer ;
Attendu que NYILINKWAYA dit que NSENGIYUMVA le charge injustement car ils ne se sont
vus que dans les circonstances qu’il vient de décrire et qu’il n’a par ailleurs pas commis d’actes
de pillage ;
Attendu que Maître Georges RAYMOND, conseil de NYILINKWAYA, ayant comme interprète
NDIKUBWIMANA, demande à NYILINKWAYA s’il n’a pas de témoins à décharge, que
NSENGIYUMVA dit avoir trouvé NYILINKWAYA chez BUGINGO mais qu’il n’a pas
connaissance d’un quelconque acte répréhensible sur son compte, tandis que NTUYEHE précise
. 78
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
que ce qu’il peut dire sur le compte de NYILINKWAYA est que, quand le parquet l’a interrogé
sur la mort de BUGINGO, il a dit que l’intéressé y a pris part ;
15ème feuillet.
Attendu que l’Officier du Ministère Public demande la parole et dit qu’il voudrait réagir à la
suggestion de Maître Georges RAYMOND qui demande à NYILINKWAYA de produire des
témoins à sa décharge, qu’il veut dire au Tribunal à ce sujet que des témoignages à charge du
prévenu figurent aux côtes 7, 14, 26, 42, 66, 69, 78, 115, 139, 166, 167, 178, 187, 227 et 239 du
dossier ;
Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il ne connaît pas certains des témoins à sa charge, que les
aveux qu’il a faits lors de son interrogatoire lui ont été extorqués au moyen des coups qui lui ont
été administrés ;
Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il mérite d’être acquitté des préventions à sa charge, que
c’est parce qu’il était dans un état critique qu’il a avoué les faits devant l’Officier du Ministère
Public et qu’il demande au Tribunal de mener une enquête à ce sujet ;
Attendu que l’audience est suspendue pour prendre une pause et qu’elle reprend à quatorze
heures trente ;
Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil des prévenus ayant pour interprète
NDIKUBWIMANA, dit qu’il y a d’autres prévenus qui veulent recourir à la procédure d’aveu et
de plaidoyer de culpabilité à savoir KARANGWA Jean, MAKUZA Damien et
NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’aux termes de l’article 11 de la Loi organique,
les aveux et le plaidoyer de culpabilité de KARANGWA, MAKUZA et NTIVUGURUZWA ne
peuvent pas être acceptés dès lors qu’il n’en ont pas formulé la demande directement après la
lecture des préventions à leur charge par le greffier ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’en vertu de l’article 11 alinéa 2, lorsque le
prévenu en fait la demande directement après la lecture des préventions à sa charge, le recours à
la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité est acceptée à l’exemple du cas de GACACA,
que les concernés n’ont rien dit après la lecture des infractions à leur charge ;
Attendu que Maître Raymond Georges ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit que selon
l’article 11 de la Loi organique, le prévenu peut présenter des aveux et plaider coupable à
n’importe quelle étape de l’audience avant la clôture des débats, que le rejet par le Tribunal des
aveux de ses clients peut avoir des conséquences préjudiciables au pays, qu’il demande dès lors
que leur procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité soit acceptée, que le retard mis pour y
recourir est dû au fait qu’ils n’a jamais eu d’entretien avec eux pour leur expliquer l’intérêt de
cette procédure, que si le Tribunal estime que l’acceptation des ces aveux est impossible sur base
. 79
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
de l’article 12, il demande que l’affaire soit renvoyée à une autre date ;
Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il a auparavant prétendu pouvoir produire des témoins à sa
décharge mais que, après réflexion, il se rend compte qu’il ne peut pas en disposer, qu’il préfère
dès lors avouer, que l’expédition meurtrière à laquelle il a pris part a causé la mort de GATERA,
GATARE et BUGINGO, que ses coauteurs sont MUHOZI, HATEGEKA qui n’est plus en vie,
KANYABUGANDE, NSENGIYUMVA et NTUYEHE Simon ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public demande à NYILINKWAYA de faire une description
détaillée des faits conformément au prescrit de l’article 6 de la Loi organique ;
Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil de NYILINKWAYA ayant pour interprète
NDIKUBWIMANA, dit que son client avait déjà avoué au parquet, qu’il demande au Tribunal
d’accepter ses aveux ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NYILINKWAYA avait présenté les aveux
mais qu’il s’est rétracté devant le Tribunal, que cela pourrait être envisagé également pour les
autres prévenus qui n’ont pas avoué devant le parquet ;
Attendu que KARANGWA dit avoir pris part en date du 07/04/1994, en compagnie de
NSENGIYUMVA, à une attaque dirigée par HABIYAKARE le chef des miliciens, que les
victimes ci-haut citées avaient déjà été tuées à son arrivée, qu’il a intercédé en faveur de
ZIHINJISHI, qu’il présente ses excuses pour avoir participé à cette attaque, que quand il est
retourné à la maison, soucieux du sort des enfants qui s’étaient cachés à son domicile, il les y a
retrouvés et qu’ils sont encore en vie ;
16ème feuillet.
Attendu que MAKUZA dit qu’il avoue avoir mangé des vaches et pillé des haricots chez
KARASIRA, que les victimes NZEYIMANA et GATARE ont été tuées en sa présence par
MUHOZI, RUTAREMARA, HATEGEKA et NTIRENGANYA, que sont eux qu’il a vus ;
Attendu que NTIVUGURUZWA dit qu’il reconnaît être parti en compagnie du responsable de
cellule en la personne de KANYABUGANDE et que, arrivés chez HABAMUNGU, ils ont
constaté que celui-ci s’était caché, qu’ils ont demandé à sa sœur où il était mais qu’elle leur a
répondu qu’elle n’en savait rien, qu’ils ont dit qu’il n’y avait pas de différence entre
NTIVUGURUZWA et les complices des INKOTANYI dès lors qu’il ne les aidait pas à tuer les
Tutsi, qu’il a été emmené de force en compagnie de HABIYAKARE Froduald qui avait un fusil
et que c’est dans ces circonstances qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vie à NJONGO Pie,
KAMBANDA et NYAMULINDA, qu’après ces crimes qui ont été commis en date du
07/04/1994 il est rentré chez lui où il est resté pendant la journée du 08/04/1994, qu’il a fui en
date du 09/04/1994 vers KAWANGIRE en compagnie des personnes qui avaient trouvé refuge
chez lui et avec lesquelles il est rentré d’ailleurs, qu’il présente ses excuses pour avoir pris part à
cette attaque mais qu’il n’a pas tué ;
Attendu que NTUYEHE Simon dit qu’il a lui aussi pris part à une expédition mais qu’il n’a
toutefois tué personne, qu’il est allé au domicile de BUGINGO pour lui porter secours et qu’il a
sauvé des gens tels que ZIHINJISHI et SUMWIZA Philomène, que cependant ZIHINJISHI qui
. 80
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
se trouve dans la salle d’audience affirme que NTUYEHE ne lui a été d’aucune utilité ;
Attendu que NTUYEHE dit qu’il a quitté son domicile suite au cri d’alarme poussé par un jeune
homme nommé Mustafa à cause d’une attaque qui était menée chez BUGINGO, qu’ils sont
partis ensemble et que GATERA avait déjà été tué quand ils sont arrivés sur les lieux, qu’il a
alors intercédé auprès des tueurs en faveur de GATARE, ZIHINJISHI, le beau-frère de
SUMWIZA et MUKANYILIGIRA qui étaient encore en vie, que les tueurs auxquels il s’est
adressé sont NTEZIRYAYO John, NYILINKWAYA, MANIRAGABA et BAPFAKURERA
mais que ceux-ci ont malgré tout tué GATARE, qu’il était en compagnie de NSENGIYUMVA,
BARAHIRA, RUDASINGWA Mustafa et HABINEZA qui l’ont aidé à supplier les tueurs en
vue d’épargner les personnes citées ci-haut, que MUHOZI était sur les lieux et peut en
témoigner, qu’il relève enfin qu’il ne figure pas sur la liste que ZIHINJISHI a établie
relativement à l’identité des personnes qui ont tué les membres de sa famille, qu’il est prêt à se
reconnaître perdant s’il est avéré qu’il figurait sur la dite liste ;
Attendu que SUMWIZA Philomène qui est dans la salle d’audience dit qu’elle n’a pas vu
NTUYEHE à cette date où une attaque a été menée à leur domicile ;
Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il a entendu des cris dans la matinée du 07/04/1994, qu’il
est allé voir de quoi il s’agissait et a vu un groupe de gens dont faisaient partie
KANYABUGANDE et MUHOZI, mais que NSENGIYUMVA n’a pas su quant à lui ce qu’il en
était, qu’il a constaté que c’était une attaque menée chez GATERA et que les intéressés étaient
en train de rechercher son épouse, qu’il a, à son arrivée, intercédé en faveur des personnes
menacées en disant qu’elles n’ont jamais été complices des INKOTANYI, qu’ils les ont alors
envoyées loger chez HABINEZA ;
Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a tué personne mais qu’il avoue avoir pourchassé des
gens, que c’est cette infraction qu’il estime établie à sa charge et que c’est pourquoi il en
présente ses excuses, qu’il poursuit en disant qu’il était en compagnie de RUTAREMARA,
NTEZIRYAYO, MANIRAGABA, NTEZIRIZAZA, HATEGEKA et RUKESHA, qu’il n’a
jamais chargé KANYABUGANDE, NYILINKWAYA, NTUYEHE et les autres dont il n’a pas
cité les noms plus haut ;
Attendu que RUKESHA dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sont reprochées car
tout au long des faits, il s’était fait une foulure au moment où il se trouvait à l’endroit où était
érigée la barrière que lui et KANYABUGANDE contrôlaient, qu’il n’a cependant pas en sa
possession les ordonnances médicales qui lui ont été délivrées quand il s’est fait soigner, mais
que KANYABUGANDE est au courant de son accident, qu’il poursuit en disant qu’il réfute la
déclaration de MUGABUSHAKA par laquelle il le met en cause car il n’est allé nulle part à
cause de l’entorse dont il souffrait si bien que même ZIHINJISHI lui a demandé de la conduire
aux Interahamwe pour qu’ils la tuent, mais qu’il lui a répondu par la négative parce qu’il était
malade, qu’il est prêt à accepter d’être puni si des gens viennent à l’inculper ;
Attendu que NTUYEMBARUSHA plaide non coupable des faits qui lui sont reprochés et
poursuit sa défense en disant qu’il n’a jamais pris part aux expéditions meurtrières, qu’il y a eu
des cris en date du 07/04/1994 et qu’il a remarqué un va-et-vient ininterrompu de gens, que
quelques instants plus tard, il a entendu des gens dire que les maisons de BUGINGO et de
KARASIRA étaient en feu, que KANYABUGANDE le charge par vengeance par suite de son
refus de surveiller la barrière, qu’il se trouvait au centre de RUBILI quand il appris tout cela, que
les membres des familles de GATERA et BUGINGO ont été tués par MUHOZI qui a par ailleurs
. 81
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Attendu que MBONABUCYA dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sont
reprochées car le génocide a commencé deux jours après sa sortie de l’hôpital de
RWAMAGANA , qu’il a appris que HABYARIMANA qui était chef de l'Etat était mort et que
vers 11 heures, un communiqué radiodiffusé a donné injonction à la population de rester chez
elle, que c’est à ce moment qu’il a vu KANYABUGANDE et son fils commettre des tueries,
que la raison qui pousse KANYABUGANDE à le mettre injustement en cause est qu’ils
n’étaient pas membres d’un même parti politique et que KANYABUGANDE le mettait souvent
en prison pour ce motif, qu’il poursuit en disant que les biens qui ont été retrouvés dans sa
maison appartenaient à KANYABUGANDE et à son fils qui les lui avaient confiés pour qu’il les
garde pour eux ;
17ème feuillet.
Attendu que KAGINA dit que sa défense consiste en ce qu’il disposait de la bière de sorgho
qu’il avait fait fermenter chez lui, qu’il n’est donc allé nulle part et n’a tué personne, qu’il n’a
pris part à aucune attaque, que cependant, RWAMAKUBA Hamada le charge d’avoir tué
MUHIRE et KARANGWA à KABARONDO, que dans sa défense, KAGINA dit que les
miliciens Interahamwe l’ont trouvé à KABARONDO, l’ont traité de vaurien et lui ont donné un
coup de machette au cou, que c’est sous la contrainte qu’il a tué ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que KAGINA est mis en cause par de nombreux
témoins d’avoir notamment, en compagnie de NTIVUGURUZWA, incendié la maison de
NDAMAGE Protais et d’avoir commis beaucoup d’autres actes répréhensibles qui sont
mentionnés dans le dossier ;
Attendu que KAGINA dit que tous les témoins qui le chargent le font injustement par haine
surtout qu’ils habitent dans les propriétés foncières de sa famille, qu’il n’était ni membre du
comité de cellule, ni conseiller de secteur ou une quelconque autre autorité, que RWAMAKUBA
Hamada le charge dans le cadre d’un complot ourdi contre sa personne et visant à ce qu’il soit
mis en prison avec eux, que les rescapés du génocide savent très bien qu’il n’a pas pris part aux
tueries ;
Attendu que le Ministère Public , sur base de l’article 2 de la Loi organique n°08/96 du
30/8/1996, demande au Tribunal de ranger KANYABUGANDE dans la catégorie 1(b) pour
avoir agi en position d’autorité au niveau de la cellule dont il était le responsable et requiert les
peines ainsi qu’il suit :
. 82
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Pour KAREKEZI Augustin, qu'il doit être rangé dans la catégorie 1 ( a et b) pour avoir été
incitateur, superviseur, encadreur du crime de génocide et avoir agi en position d’autorité en tant
que conseiller de secteur. Que les peines requises à sa charge sont :
Pour l’infraction d’avoir été membre d’une association des malfaiteurs : 15 ans
d’emprisonnement ;
Pour l’infraction d’assassinat : peine de mort ;
18ème feuillet.
Pour MUHOZI Samuel, qu'il doit être rangé dans la catégorie I (c) pour avoir été un meurtrier
de grand renom qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partout où il est passé à cause
du zèle et de la méchanceté excessive qui l’ont caractérise dans les tueries.
Pour l’infraction d’assassinat : peine mort ;
Pour l’infraction d’association de malfaiteurs : 15 ans d’emprisonnement ;
Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement;
Pour les infractions de participation criminelle, de pillage , de destruction des biens et des
animaux : 20 ans d’emprisonnement soit par cumul la peine de mort en vertu de l’article 18 de la
Loi organique n° 08/96 du 30/8/96, mais, qu'en application de l’article 9 alinéa 2, il doit être
rangé dans le 2ème catégorie car il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité
avant que son nom soit publié sur la liste des personnes de la première catégorie et à cet égard, il
est requis la peine d’emprisonnement à perpétuité ;
A charge de :
. 83
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
A charge de :
Il requiert en outre que les frais d’instance soient mis à leur charge, la disjonction de l’action
civile, la saisie de leurs biens, de même que la dégradation civique totale à charge de
KANYABUGANDE François, KAREKEZI Augustin, NSENGIYUMVA Abdu et MUHOZI
Samuel tel que prévu à l'article 17 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, la dégradation
civique à charge de NYILINKWAYA alias Flèche, RWAMAKUBA Hamada, GACACA
Jérémie, MAKUZA J. Damascène, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA J. Bosco.
19ème feuillet.
Il demande par ailleurs au Tribunal d’allouer des dommages et intérêts aux victimes non encore
identifiées (art. 30 alinéa 3 de a Loi organique du 30/08/96) ;
Attendu que MUHOZI dit qu’il n’a rien à ajouter à ses moyens de défense à part présenter ses
excuses ;
Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il est victime d’injustice et demande au Tribunal
d’examiner son cas ;
Attendu que KAREKEZI dit qu’il a rédigé ses aveux sous la torture à cause des coups qui lui
étaient administrés, que le fusil qu’il avait lui avait été donné par l’autorité communale et qu’il
n’a pas participé aux tueries ;
Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il réfute les déclarations de SANKARA, MUHOZI
et NYILINKWAYA, que les faits dont ils parlent ne sauraient être établis à sa charge et qu’il n’a
pris part à aucune attaque ;
Attendu que NTUYEHE dit qu’il ne figure pas sur la liste de ceux qui ont commis des tueries
chez BUGINGO, qu’il ne faisait pas non plus partie des miliciens Interahamwe;
Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a rien à ajouter sinon présenter ses excuses ;
. 84
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Attendu que RUKEBESHA Obed dit qu’il n’ajoute rien à ses moyens de défense et qu’il n’a pris
part à aucune attaque ;
Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil de quelques-uns des prévenus et ayant pour
interprète NDIKUBWIMANA , dit qu’il n’est pas facile d’assister 14 prévenus à la fois, mais
qu’ils ont beaucoup de points communs, qu’aucun d’entre eux n’était une autorité mais qu’ils
étaient de simples citoyens qui ont reçu les ordres de commettre les infractions, qu’ils ne
pouvaient pas agir autrement car toute résistance leur aurait coûté la vie, qu’après un examen
attentif le Tribunal constatera que les intéressés n’ont eu aucune responsabilité dans les faits qui
ont eu lieu, qu’il estime lourdes les peines requises par le Ministère Public à l’encontre de ses
clients, qu’ils devraient à son avis être rangés dans la 3ème catégorie eu égard à la responsabilité
de chacun, qu’il y a lieu pour le Tribunal de procéder à la catégorisation des 14 prévenus étant
entendu qu’il doit être fait application de l’article 15 de la Loi organique aux 6 prévenus qui ont
recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité car ils ont avoué avant leur poursuite
par le Ministère Public, mais non l’article 16 de cette Loi organique, que le Tribunal doit tenir
compte des excuses qu’ils ont présentées, que concernant les prévenus qui ont cité des témoins à
leur décharge, il y a lieu d’entendre ceux-ci, que pour ceux qui n’en ont pas produit il faudra
considérer leurs propres témoignages, qu’ils ont participé aux attaques mais n’ont commis aucun
acte criminel, qu’il y a des circonstances atténuantes en leur faveur, que la dégradation civique
doit être prononcée par le Tribunal mais qu’il implore sa mansuétude car les prévenus n’étaient
pas des autorités, qu’il demande au Tribunal d’entendre les témoins que KAGINA souhaite
présenter à sa décharge ;
Attendu que le Tribunal, après examen des moyens de défense des prévenus, des arguments
développés par les avocats de la défense ainsi que des réquisitions du Ministère Public ;
Constate que l’action introduite par le Ministère Public est recevable car elle est régulière en la
forme ;
Constate que la responsabilité des 18 prévenus diffère par les actes qu’ils ont commis et par le
recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de quelques-uns qui ont en outre
présenté leurs excuses ;
20ème feuillet.
Constate que l’infraction reprochée à KANYABUGANDE et consistant dans le fait d’avoir créé,
encadré, incité et supervisé un groupe de malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi et
d’autres personnes qui étaient opposées au MRND et à la CDR et d’avoir mis ce plan en
exécution est établie à sa charge sans aucun doute car, même s’il en plaide non coupable, il est
mis en cause par ceux qu’il dirigeait en sa qualité de responsable de la cellule UMUREHE dans
le secteur GAKENKE en commune MURAMBI et notamment les nommés MUHOZI Samuel,
NYILINKWAYA Pierre Damien, NSENGIYUMVA Abdu, GACACA Jérémie, MAKUZA Jean
Damascène, MUNYABUGINGO Augustin, RWAMAKUBA Hamada, NTUYEHE Simon,
KARANGWA Jean Baptiste, BAPFAKURERA Innocent, RUKESHA Obed, ainsi que par les
. 85
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Constate que l’infraction d’avoir dirigé les attaques qui ont coûté la vie à GATERA Claver,
BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKURIKIYINKA, BAZIGAGA Thérèse,
NZEYIMANA, les membres de la famille de Pie NJONGO, la sœur de SANKARA Aloys
nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANA est également
établie à sa charge car toutes ces victimes ont péri lors des attaques dirigées par lui dans ce but,
et il en est chargé par ses co-prévenus, les membres des familles auxquelles appartenaient les
victimes qui ont été tuées ainsi que les témoins entendus qui résident dans la cellule dont il était
responsable ;
Constate que l’infraction de s’être comporté en milicien en érigeant des barrières alors qu’il
portait un fusil, et d’avoir placé des hommes sous ses ordres en vue d’intercepter ceux qu’il
qualifiait de complices des INKOTANYI n’est pas établie à sa charge car lesdites barrières ont
été instituées par le régime de l’époque auquel il devait obéissance en sa qualité de responsable
de la cellule UMUREHE, qu’ainsi aucune intention délictueuse ne peut lui être imputée dans la
mise en place de cette barrière ;
Constate que l’infraction de tentative d’assassinat de Charles NTAGANZWA, YAHAYA et
MUNYANEZA Selemani est établie à charge de KANYABUGANDE car c’est lui qui a donné
au nommé BENDA Laurent l’ordre de tirer et que l’intéressé s’est exécuté, à part que les
victimes visées ont eu la chance de ne pas être atteintes par les balles ;
Constate que l’infraction à charge de KANYABUGANDE d’avoir commis des vols à l’aide de
violences et menaces au préjudice de GATERA Claver en le traitant de complice des
INKOTANYI entre octobre 1990 et décembre 1992 ne peut être retenue car le Ministère Public
n’a pas précisé les objets qu’il aurait volés et que les témoins entendus ne l’en chargent pas à
l’exception de SUMWIZA Philomène qui est plaignante, cette seule déclaration ne pouvant pas
être considérée comme crédible par le Tribunal ;
Constate que l’infraction d’avoir, en compagnie de ses acolytes, commis des actes de pillage, de
destructions des maisons et du bétail appartenant aux victimes qu’ils venaient de tuer telle que
reprochée à KANYABUGANDE est établie à sa charge car de nombreux témoins l’en chargent
et que ce bétail a été effectivement mangé et des maisons ont été détruites, qu’ainsi ces actes ont
été commis lors des attaques menées par lui ;
. 86
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Constate que toutes les infractions établies à charge de KANYABUGANDE sont en concours
réel ;
Constate que KAREKEZI est coupable de l’infraction à lui reprochée d’avoir organisé, encadré
et mis en exécution le génocide en tenant des réunions des responsables des cellules du secteur
dont il était le conseiller au cours desquelles il leur intimait l'ordre de lui communiquer la liste
des victimes à tuer même s’il en plaide non coupable en alléguant que les aveux qu’il a faits
devant l’Officier de Police Judiciaire lui ont été extorqués au moyen de coups, ce moyen de
défense ne pouvant pas lui être utile dès lors que ses aveux rédigés
21ème feuillet.
en date du 18 janvier 1997 contiennent une description qui lève tout doute sur les circonstances
dans lesquelles les faits ont été organisés, et que rien ne prouve qu’il a rédigé ces aveux sous la
contrainte, que si même il avait été réellement battu, il n’a pas produit les ordonnances médicales
qui lui auraient été délivrées à l’occasion des soins médicaux reçus suite à ces coups ;
Constate que l’infraction de détention illégale de fusil n’est pas établie à charge de KAREKEZI
car il l’a reçu de l’autorité compétente ;
Constate que malgré son changement de déclaration, KAREKEZI Augustin a auparavant accepté
de plaider coupable de non assistance à personnes en danger, que cette infraction est établie à sa
charge car il reconnaît lui-même qu’il n’a pas mis fin aux massacres qui ont été commis dans le
secteur GAKENKE dont il était le conseiller, disant qu’il a défendu les biens de sa famille au
détriment de la population ;
Constate que les infractions à charge de KAREKEZI Augustin sont en concours réel,
Constate que l’infraction de violation de domiciles est établie à charge de NSENGIYUMVA car
les victimes ont été tuées après avoir été dénichées de leurs maisons où des endroits où elles
avaient cherché refuge et se cachaient, la preuve éclatante étant qu’il prétend avoir été chez
BUGINGO pour porter secours à sa famille alors que l’épouse de la victime, en la personne de
SUMWIZA, affirme que son objectif n’était point de leur porter assistance ;
Constate que l’infraction de pillage, destruction de maisons et de bétail est établie à sa charge car
ces actes ont été commis publiquement à l’époque du génocide par le groupe de malfaiteurs dont
. 87
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
il faisait partie ;
Constate que les infractions d’association de malfaiteurs dans le but de tuer les Tutsi et autres
opposants au MRND-CDR, d’assassinat de GATERA et des autres victimes dont il est question
au 5ème exposé des motifs et ce, en raison de leur ethnie, de violation de domiciles dans le but de
commettre des tueries, des pillages, ainsi que celles de pillage, destruction de maisons et de
bétail sont établies à charge de MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA, RUKESHA
Obed et MUGABUSAHAKA Jean Bosco car ils sont mis en cause par leurs co-prévenus qui ont
recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité ;
Constate que MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada ont recouru à la procédure d’aveu et
de plaidoyer de culpabilité avant les poursuites et qu’ils se sont livrés eux-mêmes à l’autorité
compétente à cause des infractions qu’ils ont commises ;
Constate que les infractions mises à charge de MUHOZI Samuel par le Ministère Public sont les
suivantes :
1. Avoir été un meurtrier de grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou
partout où il est passé à cause du zèle qui l’a caractérisé dans les tueries et de la méchanceté
excessive avec laquelle elles ont été exécutées ;
22ème feuillet.
2. Avoir fait partie d’une association des malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux Tutsi
et à leurs biens à l’époque du génocide ;
3. Violation de domiciles en vue de piller et de tuer ;
4. Pillage, destruction de maisons et de bétail ;
que rien ne prouve cependant que MUHOZI Samuel a été un meurtrier de grand renom tel qu’il
en est accusé, les 13 témoignages à sa charge ne pouvant pas suffire pour qu’il soit qualifié
comme tel dès lors qu’aucun élément du dossier ne montre qu’il a été caractérisé par un zèle ou
une méchanceté excessive particulière par rapport à ses coauteurs, qu’ainsi le Tribunal estime
qu’il doit être rangé dans la deuxième catégorie tel que prévu par l’article 2 de la Loi organique
n°08/96 du 30/8/1996 ;
Constate que les infractions mises à charge de RWAMAKUBA Hamada par le Ministère Public
sont les suivantes :
1. Avoir formé une association de malfaiteurs dans le but de massacrer les Tutsi et d’autres
adversaires politiques du MRND et de la CDR ;
2. Avoir tué avec préméditation les personnes citées plus haut en raison de leur ethnie ;
3. Violation de domiciles d’autrui dans le but de tuer et de piller des biens ;
4. Avoir pillé des biens, détruit des maisons, abattu le bétail appartenant aux victimes tuées en
raison de leur ethnie ;
. 88
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Constate que NTUYEHE Simon doit être acquitté de toutes les infractions à sa charge car le
Ministère Public n’en a pas rapporté de preuves tangibles, qu’il apparaît clairement au contraire
que c’est pour porter secours qu’il est arrivé au même moment que l’attaque, cela étant confirmé
par le fait qu’il n’a pas hésité à intercéder en faveur des personnes qui étaient menacées d’être
tuées même si ses supplications n’ont servi à rien puisque ces personnes ont malgré tout été
emmenées et tuées, que par ailleurs les personnes qui le chargent parmi lesquelles figurent
MUHOZI Samuel, MAKUZA, NYILINKWAYA et GACACA, le font par vengeance parce qu’il
les empêchait de tuer, l’autre preuve de son innocence étant que la majorité de ses co-prévenus
l’ont disculpé au cours des débats en audience et qu’il a lui-même nié les faits tout au long de la
procédure ;
23ème feuillet.
Vu la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité spécialement en ses articles 1
et 2, 1ère catégorie a et b, 2ème et 4ème catégories, 4, 6, 9, 19, 11, 14a, 15, 16, 17, 18, 30 alinéas 1
et 2, 37 et 39 ;
Vu les articles 6, 12, 57, 1 04, 118, 119, 129, 199, 200 et 201 du Décret-loi n°09/80 du 7/7/1998
portant Code d’organisation et de compétence judiciaires au Rwanda ;
Vu les articles 58, 59, 61, 62, 63, 71, 73, 75, 76, 80, 83, 90, 129, 130 et 138 de la Loi du
23/3/1963 portant Code de procédure pénale tel que modifiée jusqu'à ce jour par le Décret-loi
n°07/82 du 07/01/1992 ;
Vu les articles 25, 66 al.2, 3 et 5, 68, 69, 82, 83, 89, 90, 91, 94, 168 al.1, 256 al.1, 281, 282, 304,
311, 312 et 444 du Code pénal, livre I ;
. 89
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
Vu l’article 81 al.2 de la Loi du 15/07/1964 portant Code de procédure civile et commerciale tel
que modifiée par la Loi n°32/85 du 08/11/1985 ;
Déclare recevable l’action du Ministère Public car régulière en la forme et la dit partiellement
fondée ;
Déclare KANYABUGANDE François coupable des infractions à sa charge mais l’acquitte des
infractions de détention illégale d’arme à feu et de participation à un groupe paramilitaire en
érigeant une barrière, comme cela est expliqué dans les motifs et le range dans la première
catégorie (b) ;
Déclare KAREKEZI Augustin coupable des infractions à sa charge mais l’acquitte de
l’infraction de détention illégale d’arme à feu comme expliqué dans les motifs et le range dans la
première catégorie (a et b) ;
Déclare NSENGIYUMVA Abdu coupable des infractions à sa charge comme expliqué dans les
motifs et le range dans la catégorie 1(b) ;
Déclare MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada coupables des infractions à leur charge
comme expliqué dans les motifs, mais comme ils ont recouru à la procédure d’aveu et de
plaidoyer de culpabilité avant les poursuites, ils doivent bénéficier d’une réduction de peine
comme prévu par la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 en son article 15 et sont rangés dans la
2ème catégorie ;
24ème feuillet.
Déclare KAGINA Félicien coupable de la seule infraction de meurtre commis sous la contrainte,
qu’il doit bénéficier d’une réduction de peine à cause de cette circonstance atténuante comme
expliqué dans les motifs et qu’il est rangé dans la 2ème catégorie ;
Acquitte NTUYEHE Simon de toutes les infractions qui lui sont reprochées comme expliqué
dans le dernier exposé des motifs;
. 90
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
25ème feuillet.
Ordonne aux condamnés de payer solidairement les frais de justice correspondant aux 17/18 de
. 91
R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997
R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA
45.775, soit 43.231 francs, dans le délai légal (15 jours), et édicte une contrainte par corps de 30
jours chacun, suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;
Dit que le délai d’appel est de 15 jours à partir du prononcé de ce jugement, mais que ceux qui
ont recouru à le procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité n’ont pas le droit d’interjeter
appel ;
SIEGE
. 92
93
CHAMBRE SPECIALISEE
DE CYANGUGU
94
95
N°3
2. 7ème prévenu – détention préventive – demande formulée par le Ministère Public en cours
de procès – rejet (art. 55 CPP).
7. 3ème prévenu – témoignages - infractions établies – assassinat (art. 312 CP) – association de
malfaiteurs (arts. 281,282 et 283 CP) – génocide – catégorisation (art.2 L.O. du
30/08/1996) – président des jeunes du MRND - première catégorie – peine de mort et
dégradation civique.
8. Destruction volontaire d’habitations (art. 444 CP) – charge de la preuve – infraction non
établie.
9. Dommages et intérêts - préjudice moral – appréciation souveraine quant au montant.
96
1- Le deuxième prévenu ayant recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité
avant poursuites, l’audience est organisée à son égard conformément au prescrit de l’article
10 de la Loi organique du 30 août 1996.
2- La demande du Ministère Public visant la mise en détention provisoire du 7ème prévenu qui
comparaît librement est rejetée, l’article 55 du Code de procédure pénale exigeant que le
prévenu demeure jusqu’à la fin du procès dans la condition qui était la sienne au moment
où le Tribunal a été saisi.
4- Il appartient au Ministère Public de prouver les faits objet de la poursuite ainsi que leur
imputabilité aux prévenus. Les 1er, 6ème et 7ème prévenus sont acquittés aux motifs qu’aucun
élément figurant au dossier répressif, et aucun des témoignages reçus à l’audience ne
permet d’établir leur culpabilité.
6- Il résulte de leurs aveux partiels et des témoignages recueillis que les 4ème et 5ème prévenus
ont participé aux attaques qui leur sont imputées. Les infractions d’assassinat,
d’association de malfaiteurs et de génocide sont établies à leur égard. Leurs actes de
participation criminelle les rangent dans la deuxième catégorie. Ils sont condamnés à la
peine de prison à perpétuité et à la dégradation civique.
7- En dépit ses dénégations, les témoignages recueillis concordent à établir que le 3ème
prévenu était le chef des Interahamwe du secteur et qu’il a dirigé les massacres d’avril
1994 au cours desquels l’ont tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions. Les
infractions d’assassinat, d’association de malfaiteurs et de génocide sont établies à son
égard. Il est classé en première catégorie et condamné à la peine de mort et à la
dégradation civique perpétuelle.
9- Le Tribunal reçoit en la forme les actions civiles qui ont été introduites suivant les formes
prescrites. Les 2ème, 4ème et 5ème prévenus sont condamnés solidairement au paiement des
dommages moraux dont le montant est fixé souverainement.
97
ème
− Sur appel du Ministère Public, le 7 prévenu acquitté en première instance est rangé en
première catégorie et condamné à la peine de mort.
ème
− Sur appel du Ministère Public, le 6 prévenu acquitté en première instance est rangé en
deuxième catégorie et condamné à l'emprisonnement à perpétuité.
ème
− L'appel du 2 prévenu est déclaré irrecevable.
99
100
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
(Traduction libre)
1er feuillet.
CONTRE :
2ème feuillet.
101
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
PARTIES CIVILES
PREVENTIONS :
2. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou
complices commis le crime de génocide, infraction prévue et réprimée par les articles IIIa,
IIIc, et IIIe de la Convention internationale du 9/12/1948 sur la prévention et la répression du
crime de génocide, et l’article 1b de la Convention internationale du 26/11/1968 sur
l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, infraction prévue et
réprimée également par les articles 1, 2, 3, 14, 17 de la Loi organique du 30/8/1996;
3ème feuillet.
3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou
complices, volontairement détruit les maisons appartenant à autrui, infraction prévue et
réprimée par l’article 444 du Code pénal et l’article 14d de la Loi organique du 30/8/1996;
4. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, crée une association de malfaiteurs,
infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal;
LE TRIBUNAL,
102
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
Vu que les prévenus se sont vus régulièrement signifier la date d’audience à laquelle ils ont
comparu, le Ministère Public étant représenté par KARANGWA R. Laurent et en présence des
parties civiles ;
Attendu que le greffier fait lecture de l’identité de tous les prévenus et des préventions mises à
leur charge à savoir celles d’assassinat, de génocide, de destruction volontaire des maisons et
d’association de malfaiteurs, que les prévenus reconnaissent chacun en ce qui le concerne,
l’exactitude de l’identité lue ;
Attendu que le greffier fait lecture du procès-verbal de recueil des aveux de GAHUNGA
Célestin par l’Officier du Ministère Public, que GAHUNGA reconnaît comme sienne la
déclaration contenue dans ledit procès-verbal et confirme ses aveux tout en présentant ses
excuses, qu’il dit avoir avoué volontairement en toute conscience et sachant les avantages de
recourir à cette procédure ;
Attendu que dans son réquisitoire, le Ministère Public dit que les vérifications faites ont établi la
sincérité des aveux de GAHUNGA qui portent notamment sur le fait d’avoir, dans la cellule
4ème feuillet.
Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu'il n'a commis aucune des infractions qui lui sont
reprochées, qu’il est victime de fausses accusations ;
Attendu que l'Officier du Ministère Public affirme que UWIBAMBE Jean Pierre a tué le mari de
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile (MIRUHO Casimir), ses cinq enfants et ceux de
NYIRANDARUHUTSE Eugènie, que UWIBAMBE réfute catégoriquement les faits en disant
que les enfants de NYIRANTIBIRAMIRA à savoir Révocate et Samuel sont morts après son
arrivée sur les lieux mais qu’il ne les a pas tués, qu’il y a trouvé GAHUNGU Célestin et
beaucoup d'autres personnes en train de discuter sur le meurtre de ces enfants qui étaient chez
HATEGEKIMANA Ladislas, qu’ils les ont tués sous ses yeux;
Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes qui ont tué les enfants de
103
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile, UWIBAMBE Jean Pierre dit que ce sont GAHUNGU Célestin,
TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste;
Attendu qu’à la question de savoir d’où il venait quand il est arrivé sur le lieu où ces enfants
Révocate et Samuel ont été tués et pourquoi il y est resté, UWIBAMBE J. Pierre répond qu’il se
trouvait dans un centre de négoce local et que le vieil homme BAYAVUGE Cyprien les a alertés
en disant qu’il était attaqué par des animaux, qu’ils ont accouru et ont constaté qu’il s’agissait
d'êtres humains et non des animaux ;
Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas,
Madame Félicitée, NDEREYA, CYUMA et MUSHEDIYO résidant à GISHOMA peuvent
confirmer ce qu’il dit ;
5ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir si, comme le dit le Ministère Public, il était le chef des
miliciens Interahamwe au niveau du secteur, UWIBAMBE Jean Pierre répond qu’il était le chef
de la jeunesse du MRND dans le cadre de l’animation ;
Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu’il y avait dans son secteur deux groupes de jeunes
du MRND, qu’il était le président de toute la jeunesse du MRND ;
Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit que TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA
Vénuste font partie de la jeunesse dont il était le président ;
Attendu que lecture des préventions à sa charge lui étant faite, HABIMANA Vénuste dit qu’il a
décidé de dire la vérité sans fatiguer inutilement les juges ;
Attendu que HABIMANA Vénuste dit qu’il plaide coupable de l’assassinat de REBAHINO
Samuel et NGABONZIZA Révocate qu’il a commis en compagnie de GAHUNGA Célestin et
TWAGIRAMUNGU Trojan ;
Attendu qu’il dit que sa part de responsabilité consiste en ce qu’il a donné des coups de massue à
ces enfants, que TWAGIRAMUNGU leur a quant à lui donné des coups de machettes;
Attendu que HABIMANA déclare n’avoir pas vu UWIBAMBE faire quoi que ce soit à ces
enfants sinon qu’ils sont partis ensemble jusqu’à l’endroit où ils étaient ;
Attendu que HABIMANA Vénuste dit que ces enfants ont été tués à cause de leur appartenance
à l'ethnie Tutsi ;
Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort des autres enfants de MIRUHO, Vénuste
104
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
6ème feuillet.
Attendu qu’interrogé sur sa part de responsabilité dans l’assassinat des trois enfants de
NYIRANDARUHUTSE Eugènie, HABIMANA Vénuste dit qu’il n’a pas participé à ce crime et
qu’il n’en connaît pas les auteurs ;
Attendu qu’après lecture des préventions à sa charge, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il
plaide coupable d’avoir tué à coups de machettes deux enfants de MIRUHO Casimir à savoir
REBAHINO Samuel et NGABONZIZA Révocate ;
Attendu qu’invité à dire la raison pour laquelle il s’en est pris à ces enfants, TWAGIRAMUNGU
dit qu’il n’en sait rien, sinon qu’il avait entendu dire que ces enfants avaient pourchassé ceux de
Cyprien ;
Attendu que TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il entendait dire que les personnes qui étaient
tuées à cette époque étaient des Tutsi ;
Attendu que TWAGIRAMUNGU Trojan nie catégoriquement avoir fait partie d’un groupe de
malfaiteurs et dit qu'il ne pouvait pas refuser de tuer REBAHINO Samuel et NGABONZIZA
Révocate car la situation était mauvaise ;
Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort des autres enfants de MIRUHO Casimir et
de ceux de NYIRANDARUHUTSE Eugénie, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il n’en sait
rien ;
Attendu que lecture des préventions à charge de BAZABAZWA Déogratias lui est faite ;
Attendu que dans sa défense, BAZABAZWA dit qu’il n’a pas pris part au génocide, qu’il a
plutôt été attaqué par les Interahamwe qui voulaient piller ses biens et tuer son épouse qui était
de l’ethnie Tutsi et qui vivait dans un buisson où elle se cachait ;
Attendu que BAZABAZWA dit qu’en date du 13/04/94, il a été victime d’actes de pillage et de
destruction commis par la bande dirigée par MUGUNDA et dont faisaient partie
TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste ;
Attendu que BAZABAZWA dit qu'il a encore été la cible de l’attaque du 16/04/94 dirigée par
KANYAMAHANGA Vianney et dont faisaient partie TWAGIRAMUNGU Trojan et
HABIMANA Vénuste, au cours de laquelle quelques-uns des membres de la famille de
MIRUHO Casimir ont été tués ;
7ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir comment il ose nier faire partie des personnes qui ont tué les
enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile alors qu’il a pris les devants pour s’approprier sa
propriété foncière, il répond qu’elle lui a été octroyée par la commune et qu’une quittance lui a
été délivrée à cet effet ;
Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’association de malfaiteurs, BAZABAZWA dit
qu’il n’a pas pris part aux attaques et n’a pas appris comment elles étaient organisées ;
105
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
Attendu que les témoins présentés à sa décharge par BAZABAZWA sont entendus à savoir
HATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, qu’ils disent que BAZABAZWA ne fait
pas partie des personnes qu’ils ont vues prendre part aux massacres car il était tout le temps chez
lui, qu’il était d’ailleurs seul à la maison car son épouse était pourchassée et se cachait dans des
buissons où BAZABAZWA lui envoyait à manger par l’intermédiaire de son petit frère
RWAMULINDA Antoine ;
Attendu que RWAMULINDA Antoine nie avoir commis les infractions qui lui sont reprochées,
que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, interrogés, affirment ne
jamais l’avoir vu dans une attaque ;
Attendu que RUHINGUBUGI Jean plaide non coupable des infractions de génocide,
d’assassinat et d’association de malfaiteurs en disant qu’il n’y a pas pris part, les témoins
entendus ayant affirmé ne pas l’avoir vu dans les attaques ;
8ème feuillet.
Attendu que le Ministère Public fait un exposé des preuves à charge de GAHUNGA Célestin,
TWAGIRAMUNGU Trojan, HABIMANA Vénuste, BAZABAZWA Déogratias,
RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDA Antoine ;
Attendu que le Ministère Public requiert à l’encontre de UWIBAMBE Jean Pierre, HABIMANA
Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan et BAZABAZWA Déogratias la peine de mort sur base de
l’article 14 de la Loi organique, ainsi que la dégradation civique perpétuelle sur base de l’article
17 a de la Loi organique ;
106
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
Attendu que le 22/05/1998 toutes les parties comparaissent devant le Tribunal et que l'audience
continue;
Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre plaide non coupable en disant qu’il n’a pas pris part aux
assassinats qui lui sont reprochés, mais qu’il en a été témoin oculaire car il se trouvait sur les
lieux ;
9ème feuillet.
Attendu que UWIBAMBE dit que la preuve qu'il n'a pas commis ces crimes est qu’aucun de ses
coprévenus ne l'en accuse ;
Attendu que relativement à l’action civile, UWIBAMBE dit qu’il ne peut pas être redevable des
dommages et intérêts car il ne se reconnaît pas coupable ;
Attendu que HABIMANA Vénuste dit qu’il plaide coupable mais qu’il réfute le fait d’avoir
détruit un boisement et une bananeraie ;
Attendu que HABIMANA dit qu’il peut être rendu redevable des dommages et intérêts en faveur
de NYIRANTIBIRAMIRA mais qu’il n’a pas les moyens de les payer ;
Attendu que la parole est donnée à TWAGIRAMUNGU Trojan qui dit qu’il plaide coupable de
l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile mais qu’il rejette toute part de
responsabilité dans l’assassinat des enfants de NYIRANDARUHUTSE Eugénie ;
Attendu que concernant l’action civile, TWAGIRAMUNGU reconnaît qu’il est redevable de
dommages moraux à NYIRANTIBIRAMIRA mais dit qu’il n’en a pas les moyens ;
Attendu que BAZABAZWA Déogratias dit qu’un conflit l'oppose au nommé KAYINAMURA
qui a été présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, que ce conflit est né du fait
qu’il a acheté la propriété foncière de KAYINAMURA lors d’une vente aux enchères et qu’un
sentiment de haine s’est installé entre eux ;
Attendu que le Ministère public émet le souhait que BAZABAZWA soit immédiatement mis en
détention préventive parce qu’il y a lieu de craindre sa fuite après les réquisitions à son
encontre ;
Attendu que BAZABAZWA Déogratias dit qu’il sera redevable des dommages-intérêts s’il est
reconnu coupable ;
107
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
10ème feuillet.
Attendu que le Tribunal se retire en délibéré en date du 22/05/1998 sur l’incident soulevé par le
Ministère Public concernant la mise en détention préventive de BAZABAZWA Déogratias
jusqu'au prononcé du jugement, que sur base de l'article 55 du Code de procédure pénale qui
dispose que le prévenu reste dans l’état où il se trouve au moment où la juridiction est saisie
jusqu’au jugement, il déclare la requête du Ministère Public non fondée et que BAZABAZWA
doit rester en liberté jusqu'à ce que le Tribunal se prononce définitivement sur les infractions qui
lui sont reprochées ;
Attendu que quelques-uns des prévenus demandent que des témoins à leur décharge soient cités,
que quelques-unes des parties civiles formulent une demande dans le même sens ;
Attendu que le Tribunal rend un jugement avant dire droit en date du 25/05/1998 et décide que
les témoins présentés par les parties doivent être cités avant le jugement définitif, que la
réouverture des débats est fixé au 11/06/1998 ;
Attendu que l'Officier du Ministère Public est invité à expliquer cette détention de
BAZABAZWA et qu’il dit que le Ministère Public n’en est pas informé ;
Attendu que l'un des prévenus n’ayant pas comparu parce qu’il est en détention, l’audience est
reportée au 26/06/1998;
Attendu que l’audience se poursuit en date du 26/06/1998 par l’audition des témoins à savoir
MPIMUYE François qui dit qu'il ne sait rien sur les infractions reprochées à BAZABAZWA
sinon qu’il le voyait chez lui entrain de veiller sur son épouse, HATEGEKIMANA Ladislas qui
dit avoir été témoin oculaire de l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA à savoir
NGABONZIZA Révocate et de REBAHINO Samuel qui ont été tués par TWAGIRAMUNGU
Trojan, HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin mais que BAZABAZWA n'a aucune part
de responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés, MUKANDOLI Candide qui dit qu'elle n'a
pas vu BAZABAZWA, RUHINGUBUGI et RWAMULINDA dans les expéditions meurtrières,
qu’elle a cependant entendu dire qu’ils participaient aux rondes ;
11ème feuillet.
Attendu que tous les témoins n'ayant pas été entendus, l'audience est remise au 09/07/98;
Attendu qu'à cette date l'audience se poursuit en présence de toutes les parties par l'audition des
témoins, que NSABIMANA André dit qu'il sait que les enfants de Casimir à savoir
NGABONZIZA Révocate et REBAHINO Samuel ont été tués par TWAGIRAMUNGU Trojan,
HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin ;
Attendu que le témoin BARANZAMBIYE Jacques, invité à parler de la mort des enfants de
NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et de son mari ainsi que de celle des enfants de
108
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
Attendu que Maître Boubou DIABIRA, Conseil des parties civiles, dit qu’il ne change rien sur
les déclarations des témoins entendus mais qu’il faudrait en entendre d’autres ;
Attendu que la parole est donnée en dernier lieu aux prévenus et que les débats sont ensuite clos,
le prononcé étant fixé au 16/7/1998 ;
12ème feuillet.
Attendu qu’à cette date le prononcé n’a pas lieu car l’un des membres du siège est malade, qu’en
date du 21/07/1998, le Tribunal reçoit un procès-verbal subséquent émanant du parquet et relatif
au cas de BAZABAZWA Déogratias seul, faisant état du motif de détention du prévenu, qu'il dit
que ce motif n'a aucun lien avec les faits criminels poursuivis en cette affaire, mais que le
Tribunal déclare que cela n'est pas fondé ;
Quant au pénal
Constate que l’action introduite par le Ministère public est recevable car elle est régulière en la
forme et, après examen, constate qu’elle est partiellement fondée ;
Constate que GAHUNGA Célestin est poursuivi pour génocide, assassinat et association de
malfaiteurs ;
Constate que lors des débats en audience, GAHUNGA Célestin a confirmé son plaidoyer de
culpabilité et présenté ses excuses ;
Constate que les infractions pour lesquelles GAHUNGA Célestin est poursuivi sont en concours
idéal, qu’il doit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de
109
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
génocide ;
Constate que les infractions reprochées à GAHUNGA Célestin le rangent dans la 2ème catégorie ;
Constate que GAHUNGA a avoué et plaidé coupable du crime de génocide, qu’il doit bénéficier
d’une réduction de peine tel que prévu par l’article 15 de la Loi organique n°08/96 du
30/08/1996 ;
Constate que UWIBAMBE Jean Pierre est poursuivi pour assassinat, génocide et association de
malfaiteurs ;
Constate que UWIBAMBE Jean Pierre a nié catégoriquement toutes les infractions à sa charge,
mais qu’il ressort des témoignages de KAYINAMURA Callixte, MURANGA Faustin et
HATEGEKIMANA Ladislas qui a été cité par BAZABAZWA, que UWIBAMBE J. Pierre était
le chef des Interahamwe au niveau du secteur, et qu’il a dirigé les massacres en avril 1994 à
l’époque où l’on tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions ;
13ème feuillet.
Constate que les infractions reprochées à UWIBAMBE sont en concours idéal, qu’il doit être
condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de génocide ;
Constate que les infractions à charge de UWIBAMBE Jean Pierre le rangent dans la première
catégorie ;
Constate que HABIMANA Vénuste est poursuivi pour assassinat, génocide et association de
malfaiteurs ;
Constate que de toutes les infractions qui lui sont reprochées, HABIMANA Vénuste plaide
coupable de l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile à savoir NGABONZIZA
Révocate et REBAHINO Samuel à cause de leur appartenance à l’ethnie Tutsi, qu’il plaide non
coupable des autres infractions, mais qu’il est établi qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vie
à MIRUHO Casimir le mari de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et ses 3 fils KAYIRANGA
Canisius, MURWANASHYAKA Théogène et RUGEMINTWAZA Louis, et qu’il a participé
également à l’assassinat des enfants de NYIRANDARUHUTSE Eugénie à savoir NIYIBIZI
Théoneste et HABIMANA Théodore ;
Constate que ces infractions reprochées à HABIMANA Vénuste sont en concours idéal, qu’il
doit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de génocide ;
Constate que les infractions reprochées à TWAGIRAMUNGU Trojan le rangent dans la 2ème
catégorie ;
Constate que RWAMULINDA Antoine est poursuivi pour assassinat, génocide et association de
malfaiteurs ;
110
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
acquitté ;
Constate que RUHINGUBUGI Jean est poursuivi pour assassinat, génocide et association de
malfaiteurs ;
Constate cependant qu’il n’y a aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour le
déclarer coupable, qu’aucune infraction n’est établie à sa charge et qu’il doit être acquitté ;
14ème feuillet.
Constate que BAZABAZWA Déogratias est poursuivi pour assassinat, génocide et association
de malfaiteurs ;
Constate cependant qu’aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour le déclarer
coupable ne se dégage ni du dossier établi par le Ministère Public ni des témoignages recueillis ;
Constate que concernant l’arrestation de BAZABAZWA Déogratias dont il est question dans le
procès-verbal subséquent transmis au Tribunal par le Ministère Public, il ressort de l'examen de
ce procès-verbal que cette détention de BAZABAZWA est illégale, qu’il doit être libéré;
Constate que l’infraction de destruction volontaire de maisons habitées n’est établie à charge
d’aucun prévenu car le Ministère Public n’en a pas rapporté la preuve et que les témoins
entendus ne l’ont pas confirmée ;
111
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
15ème feuillet.
Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises depuis le 1er
octobre 1990 spécialement en ses articles 12, 14, 15, 17, 20, 21, 23, 30, 36, 37, 39 ;
Vu le Décret-loi du 23 novembre 1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce
jour en ses articles 16, 17, 19, 20, 58, 61, 71, 76, 83, 90 ;
Vu le Décret-loi n°21/77 du 18 août 1977 instituant le Code pénal rwandais tel que modifié à ce
jour spécialement en ses articles 82, 83 et 312 ;
Déclare recevable l’action introduite par le Ministère Public car elle est régulière en la forme et,
après examen, la déclare partiellement fondée ;
16ème feuillet.
112
RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998
RP 0010/98 C.S.CYANGUGU
SIEGE
GREFFIER
NYIRAHAGENIMANA E.
113
114
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE
DE
GIKONGORO
115
116
N°4
1. Saisine du Tribunal – renvoi par la Cour de Cassation suite à requête en suspicion légitime.
4. Témoin ayant suivi les débats – témoin ayant un lien de parenté avec le prévenu – audition
hors serment.
7. Action civile – préjudice lié à des infractions non établies –action recevable mais non fondée.
1. Le Tribunal est saisi sur renvoi prononcé par la Cour de cassation qui a fait droit à la requête
en suspicion légitime introduite par le prévenu à l’encontre de la Chambre Spécialisée du
Tribunal de Première Instance de Butare devant laquelle l’examen de l’affaire avait été
entamé.
3. L’huis clos est accordé à un témoin qui dénonce l’organisation de faux témoignages, afin
qu’il puisse dénoncer ceux qui ont l’ont incité à mettre en cause le prévenu.
117
4. Le Tribunal fait droit à la demande du prévenu visant à ce que un témoin à charge qui a suivi
les débats lors des audiences précédant sa déposition ne soit pas entendu sous serment Il fait
également droit à la demande de l'avocat des parties civiles visant à ce que un témoin qui a un
lien de parenté avec le prévenu ne soit pas entendu son serment.
− Assassinat, car les témoins qui le mettent en cause ne précisent pas l’identité des victimes de
la mort desquelles il serait responsable, et même son principal accusateur ne lui attribue pas
cette infraction. Les témoignages concernant l’arme dont il aurait fait usage ne peuvent être
considérés comme probants dès lors qu’ils se contredisent.
− Violation de domicile, car les témoins entendus ne l’accusent pas d’être entré dans des
maisons.
− Destruction de maisons, dont il est disculpé par les différents témoignages recueillis,
l’accusation restant en défaut de réfuter les affirmations du prévenu selon lesquelles la
maison en cause aurait été détruite avant son arrivée dans la région, et selon lesquelles les
matériaux qu’il déclare avoir achetés ne provenaient pas des maisons détruites.
− Détention illégale d'arme à feu car les infractions constitutives du crimes de génocide visées
par la Loi organique du 30 août 1996 sont celles prévues par le Code pénal. L’infraction de
détention illégale d’arme à feu n'étant pas prévue par le Code pénal, elle ne peut faire l’objet
de poursuites dans un procès de génocide.
6. Est déclarée établie à charge du prévenu, l'infraction d'association de malfaiteurs, car même
s'il n'a pas commis de meurtre, les témoignages entendus démontrent qu'« il avait l'habitude
de se promener en compagnie de quelques-uns des tueurs» parmi lesquels figurait son petit
frère, qu’il a participé à des réunions, qu’il a pris part à une perquisition en compagnie des
malfaiteurs, et qu’il suivait de près les actes des tueurs. L’infraction établie range le prévenu
en troisième catégorie. Il est condamné à 5 ans d'emprisonnement ainsi qu'à la dégradation
civique.
7. L’action des parties civiles est déclarée recevable mais non fondée, le préjudice qu’elles
invoquent étant lié à la perte de membres de leur famille ou à des atteintes à leurs biens pour
lesquels la responsabilité du prévenu n’a pas été retenue.
118
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
CONTRE :
PREVENTIONS :
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur ou
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis des
assassinats dans le but de détruire le groupe ethnique Tutsi, infraction prévue et réprimée par
l’article 312 du Code pénal livre II ;
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux comme auteur, coauteur ou
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, fait partie d’une
association de malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi, infraction prévue et
réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal livre II ;
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, violé les domiciles d’autrui,
infraction prévue et réprimée par l’article 305 du Code pénal livre II ;
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur ou
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, détruit les maisons
d’autrui, infraction prévue et réprimée par l’article 444 du Code pénal livre II ;
119
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
2ème Feuillet.
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur ou
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, omis de porter
assistance ou de provoquer du secours en faveur des personnes en péril alors qu’il ne pouvait
en résulter aucun danger pour lui, infraction prévue et réprimée par l’article 256 du Code
pénal livre II ;
LE TRIBUNAL :
Vu que par arrêt de renvoi RPP006 du 24/10/2000 rendu par la section Cour de Cassation de la
Cour Suprême, l’affaire a été renvoyée pour connaissance au fond à la Chambre Spécialisée du
Tribunal de Première Instance de GIKONGORO ;
Vu qu’à cette date l’audience n’a pas lieu car deux des magistrats du siège participaient à un
séminaire de formation à KIGALI, qu’elle est reportée au 18/10/2001, date à laquelle elle a lieu,
le prévenu BIZIMANA Antoine ayant pour Conseil Me GRACIAS NOUTAIS-HOLO de
l’association « Avocats Sans Frontières » et Me BIZINDORI Robert, les parties civiles étant
représentées par Me RWANGAMPUHWE François, avocat au barreau du Rwanda ;
Attendu que BIZIMANA Antoine plaide non coupable et dit que les accusations portées contre
lui sont de pures inventions, que ceux qui le mettent en cause n’ont pas été témoins oculaires de
ce qu’ils allèguent et qu’il y a de nombreux témoins qui peuvent le disculper ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il y a de nombreuses pièces irrégulières, soit celles qui
sont incomplètes, soit celles qui lui attribuent mensongèrement les faits qui lui sont reprochés,
qu’ainsi les accusations portées à son encontre ne sont pas fondées ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit que l’allégation de l’Officier du Ministère Public selon
laquelle le prévenu avait accès à toute correspondance parvenue aux services du Premier
Ministre est fausse dès lors qu’il n’était pas, en date du 20/06/1997, un agent de ces services, que
même la lettre écrite par le Bourgmestre de la commune MBAZI n’a pas de valeur dès lors
qu’elle n’a pas de destinataire ;
Attendu que BIZIMANA Antoine soulève l’irrégularité des procès-verbaux cotés de 285 à 289
ainsi que ceux cotés de 298 à 303,
120
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
3ème Feuillet.
en ce que les premiers ne mentionnent pas leur auteur et ne sont même pas signés, et que ce n’est
pas la lettre envoyée au Premier Ministre qui a fait l’objet du rapport établi mais que c’est plutôt
le procès-verbal dressé par le Sergent KABASHA qui a été envoyé sans cependant comporter la
formule de serment de cet officier de police judiciaire, qu’il poursuit en disant qu’il conteste
également les procès-verbaux cotés de 304 à 309 car le Procureur Général près la Cour d’Appel
de NYABISINDU a relevé les noms des témoins à charge de BIZIMANA Antoine ainsi que les
faits dont ils l'incriminent sans que les procès- verbaux de leurs auditions aient été établis et qu’il
est fait mention d’un Officier du Ministère Public inexistant nommé MUYOBOKE Félicien,
qu’il dit qu’aucune force probante ne doit être attachée à ce procès-verbal dès lors que le dossier
n’était pas encore au degré d’appel quand le Procureur Général à NYABISINDU l’a dressé ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’aucune force probante ne doit également être attachée
aux procès-verbaux cotés de 274 à 283 ainsi qu’à celui du Dr. RUCYAHANA même s’il ne
l’incrimine en rien, qu’il poursuit en disant qu’il n’était pas au Rwanda avant la guerre et n’a pas
pris part aux activités des partis politiques, qu’il en produit pour preuve un passeport et souligne
qu’il aurait quitté le pays s’il avait réellement commis le génocide, qu’il dit qu’il avait reçu un
éclat aux jambes de sorte qu’il était incapable de se livrer à des meurtres et produit des
documents médicaux délivrés à BUTARE qui sont versés au dossier;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il existe des rapports établis par le Parquet de BUTARE
qui confirment son innocence et notamment ceux cotés de 290 à 294 et de 295 à 297, que leur
contenu concorde avec celui des rapports établis par les services de renseignements ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il se trouvait à KIBABARA mais qu’il est accusé de
faits perpétrés à GIHINDAMUYAGA, qu’il produit la carte portant sur les emplacements de ces
endroits qui est versée au dossier ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit que l’autre preuve de son innocence est que quarante trois
personnes qui ont été interrogées par le parquet ont dit qu’il n’a pas participé au génocide, que le
nommé "M" a par ailleurs indiqué dans un écrit que ceux qui accusent BIZIMANA Antoine lui
ont demandé un concours à cet effet ;
Attendu que l’audience continue le 19/10/2001 et que BIZIMANA poursuit sa défense en disant
que les accusations à sa charge ne sont pas étayées par des preuves palpables, qu’il demande au
Tribunal d’inviter le Ministère Public à produire les preuves afin qu’il puisse présenter ses
moyens de défense en connaissance de cause ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public fait un exposé sur les circonstances de lieux des
infractions reprochées à BIZIMANA Antoine ;
Attendu que BIZIMANA dit que le crime de génocide est d’une très grande gravité si bien qu’il
faudrait en produire des preuves formelles, que cela n’est cependant pas le cas de la part du
Ministère Public ;
121
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il va aborder sa défense par le témoignage du Dr.
RUCYAHANA Alexandre qui est à l’origine de toutes ces accusations, qu’il explique qu’il se
trouvait à GISENYI avant la guerre et qu’il est venu à BUTARE pour la fête de Pâques mais
que, arrivé à KIGALI, il a logé à KACYIRU jusqu’au 18/04/1994, date à laquelle un projectile
tiré sur son domicile l’a blessé ainsi que son épouse, qu’ils sont passés par BUTARE mais que,
suite aux nombreuses barrières qui jalonnaient leur itinéraire, le conducteur du véhicule à bord
duquel ils se trouvaient a refusé de les conduire au Monastère de GIHINDAMUYAGA
4ème Feuillet.
où il a vécu chez son petit frère HABYARIMANA Joseph qui était le voisin du Dr.
RUCYAHANA Alexandre et où ils sont arrivés dans la soirée du 19/04/1994, car ils devaient se
faire soigner et chercher comment survivre étant donné qu’ils n’avaient rien sur eux, que cela
dément les affirmations du Dr. RUCYAHANA selon lesquelles il est arrivé là le 15/04/1994,
qu’il n’était donc pas sur les lieux quand des jeunes hommes ont commis, aux dates des 18 et
19/04/1994, les faits dont parle le Dr. RUCYAHANA qui va jusqu’à affirmer que BIZIMANA
était présent ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas assisté à un quelconque meurtre durant son séjour à
GIHINDAMUYAGA car même ceux qui sont morts à GIHINDAMUYAGA ont été tués en date
du 22/04/1994 au camp des jeunes en face du domicile de son petit frère où il se trouvait ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’ils sont allés se faire soigner à BUTARE le 20/04/1994
et sont revenus le 21/04/1994, date à laquelle les miliciens Interahamwe venus de tous les coins
ont encerclé RUGANGO, le camp des jeunes et SOVU sous la direction de REKERAHO, que
BIZIMANA était à ce moment chez son petit frère en compagnie de celui-ci, et que c’est là où se
cachait Bonifride si bien que BIZIMANA était présent quand REKERAHO et les miliciens
Interahamwe l’ont enlevée ;
Attendu que BIZIMANA dit que de nombreuses personnes étaient dans les différentes chambres
de cette maison, que BIZIMANA se cachait car il était opposé aux miliciens Interahamwe et
pouvait même être tué à cause des fonctions qu’il exerçait ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit que KAYITESI qui le charge d’avoir trempé dans le
meurtre de Bonifride se trouvait à cette date à KIGALI, qu’il relève que KAMPOGO Jeanne,
dans son témoignage figurant à la cote 28, affirme avoir vu BIZIMANA dans l’attaque qui a
coûté la vie à Bonifride au moment où elle se cachait dans des bambous mais change de
déclaration à la cote 140 et dit qu’elle ignore où la victime a été tuée, que cela prouve que
KAMPOGO ment ;
122
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que BIZIMANA dit que KAMPOGO ment quand elle affirme l’avoir vu à SOVU le
20/04/1994, car elle se trouvait chez MUKANTAGARA Jacqueline à cette date, que même
REKERAHO, lors de ses aveux des crimes commis à SOVU, n’a point dit que BIZIMANA en a
été son coauteur ;
Attendu que BIZIMANA déclare être arrivé à la paroisse de RUGANGO en date du 26/04/1994
juste à la fin de l’enterrement des victimes qui avaient été tuées le 22/04/1994, que c’est avant
l’enterrement qu’on leur a dit qu’il y avait dans les cadavres un enfant encore en vie, que la
population a alors décidé de chercher le Dr. RUCYAHANA qui est venu et que l’enfant a été
transporté à l’hôpital, mais qu’ils ne sont pas arrivés là où se trouvait l’enfant ;
Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il n’a eu aucune part de responsabilité dans les
assassinats de KAREMERA Vital, BUTERA J. Paul, BUTERA Marthe et BUTERA Antoine car
l’auteur de l’assassinat de KAREMERA est mentionné dans les procès-verbaux cotés de 280 à
294 et que le curé du monastère en a détaillé les circonstances, et que
5ème Feuillet.
Attendu que BIZIMANA dit qu’il se trouvait à KIBABARA lors de l’assassinat des enfants de
Marceline en date du 25/04/1994 et que cela est confirmé par les témoignages de
MUKAKARUTA, BAKUNDUKIZE Isaïe, NDASUBIRA Alphonse, BAGARAGAZA Thadée
et SEKAMANA Déo, qu’il continue en disant qu’il était également à KIBABARA lors de
l’assassinat des enfants de MBUNGIRA ;
Attendu que BIZIMANA dit que ce n’est pas lui qui a tué les moines car le curé a donné
l’identité de leurs assassins et a bien spécifié que BIZIMANA n’en faisait pas partie, que même
les autres frères religieux ont dit que les auteurs de ces assassinats sont REKERAHO et les
miliciens Interahamwe ;
Vu que l’audience est reportée au 24/10/2001, qu’à cette date BIZIMANA poursuit sa défense en
disant qu’il ne pouvait rien faire pour défendre Bonifride étant donné que REKERAHO dirigeait
les attaques en appliquant les consignes qui lui étaient données par les autorités et étant avec des
militaires ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il y a lieu d’entendre le médecin qui l’a soigné le 21/04/1994
pour établir qu’il n’est pas personnellement arrivé au camp des jeunes à cette date car il avait
subi un examen de radiographie le 20/04/1994 ;
Attendu que la partie civile UWIRINGIYE Agnès dit que les tueries qui ont été perpétrées au
camp des jeunes n’ont pas eu lieu le 22/04/1994 mais plutôt le 21/04/1994, qu’elle a vu, en date
du 25/05/1994, BIZIMANA en compagnie de REMERA et HABYARIMANA et que c’est à
cette date que les 4 enfants de NYIRAMUKAMISHA ont été tués et jetés dans les latrines de
MBUNGIRA, de même que deux fils de KARUYUNDO et les enfants de
MUKARUTEGANYA, que la responsabilité de BIZIMANA réside en ce qu’il disait qu’il ne
voulait plus les revoir et qu’il avait une massue ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il plaide non coupable d’association de malfaiteurs, car il est
123
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
faux de dire qu’il se trouvait au camp des jeunes en date du 21/04/1994 en compagnie de
REKERAHO et HABYARIMANA étant donné qu’il était allé voir le médecin à BUTARE ;
Attendu que BIZIMANA relève que tous ceux qui le chargent ne sont pas unanimes quant aux
habits qu’il portait quand ils l’ont vu ;
Vu que l’audience est reportée au 26/10/2001, mais qu’à cette date, les parties sont informées de
la décision ordonnant une enquête préalable, que l’audience est encore remise au 30/10/2001 ;
6ème Feuillet.
Vu qu’à cette date du 26/10/2001 le Tribunal fait une descente à KIBABARA, et à NDOBOGO,
lieu de naissance de BIZIMANA Antoine et que, après une visite des lieux, il entend la mère de
BIZIMANA en la personne de MUKAGAKWAYA Marie qui dit que la maison de
HABYARIMANA a été construite en 1976, que les briques qui ont servi à la construction des
murs de la maison de BIZIMANA leur ont été données par un frère religieux blanc ;
Attendu que la sœur de BIZIMANA nommée NYIRAHABIMANA Antoinette dit que les
maisons qui sont là existaient quand elle a atteint l'âge de raison, que les murs ont été construits
après, que celui se trouvant du côté méridional et sans crépissage a été construit en 1994 au
moyen des briques que Antoine a achetées à MATENE, BAKUNDUKIZE Isaïe et
BAGARAGAZA Thadée qui les lui apportaient ;
Attendu que l’enquête s’est poursuivie à KABAKONO et que MUKANDEKEZI Vestine, après
avoir prêté serment, dit qu’elle connaît BIZIMANA et que celui-ci vivait à GISENYI, que les
miliciens Interahamwe l’ont blessé à coups de machettes et que le nommé Joseph l’a fait soigner,
qu’interrogée sur l’identité des victimes que BIZIMANA a tuées, elle répond qu’il ne vivait pas
dans la région à moins qu’il n’ait commis des tueries à GISENYI ;
Attendu que UWIMANA Françoise, après avoir prêté serment, déclare ne pas avoir vu
BIZIMANA en 1994 car il ne vivait pas dans la région, qu’elle n’entend pas dire que
BIZIMANA s’est livré aux massacres ;
Attendu que NYIRASONI Madeleine, après avoir prêté serment, dit que son mari et ses enfants
124
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
ont été tués à SOVU au cours des attaques dirigées par REKERAHO et KAMANAYO, que les
attaques qui ont eu lieu à NDOBOGO étaient dirigées par NDAGIJIMANA, NTAMUNOZA et
BIHEHE, que HABYARIMANA s'est lui aussi mal comporté mais qu’elle ne connaît pas
BIZIMANA et n’a pas connaissance des tueries qu'il aurait commis ;
Attendu que MUKANDEKEZI Anastasie, après avoir prêté serment, dit qu’elle a vu le nommé
Xavier originaire de NYANZA lors des massacres commis à SOVU, que BIZIMANA n’y est pas
arrivé car il ne vivait pas dans la région et qu’elle ne sait rien sur lui à cette époque ;
Attendu que poursuivant son enquête, le Tribunal arrive à la paroisse RUGANGO où elle trouve
Sœur Suzanne qui lui dit qu’elle se trouvait au BURUNDI où elle avait été mutée à l’époque des
faits, que constatant qu’elle ne peut pas lui être utile, le Tribunal se rend à RUGANGO à
l’endroit où se trouvait le domicile de MBUNGIRA avant les massacres ;
Attendu que MUKAMUSONI Thacienne, après avoir prêté serment, dit qu’elle était la voisine
de MBUNGIRA et que celui-ci est mort en avril 1994 tandis que son épouse et morte des suites
d’une maladie avant le génocide, que les tueurs avaient cependant épargné MBUNGIRA et qu’il
est décédé environ une semaine après l’attaque à son domicile ;
Attendu que NYIRANSEKANABO Dorothée, après avoir prêté serment, dit que les sieurs
NYANDWI, NTIBAHANGANA et SINYAGIRA ont pris part à l’attaque qui a eu lieu au
domicile de MBUNGIRA sous la direction de l’Adjudant REKERAHO Emmanuel, que
HABYARIMANA n’en faisait pas partie ;
7ème Feuillet.
Attendu que MAYONGA dit que ce sont REMERA et REKERAHO qui dirigeaient les attaques,
qu’il ne connaît pas BIZIMANA à part entendre parler de lui ;
Attendu que l’audience continue le 30/10/2001, que les témoins qui ont comparu sont priés de
rester en dehors de la salle d’audience et que BIZIMANA Antoine et les parties civiles sont
informées des résultats de l’enquête du 26/10/2001 ;
Attendu qu’invité à y répliquer, BIZIMANA dit que ce qui a été dit au cours de l’enquête est vrai
car il n’a pas trempé dans des actes de génocide ;
Attendu que BIZIMANA dit que les actes de destruction de maison qui lui sont reprochés sont
des accusations mensongères car le Ministère Public n’indique ni les maisons détruites ni leurs
propriétaires et qu’au contraire le nommé BAGARAGAZA est mis en cause par
BAKUNDUKIZE d’avoir détruit la maison de MBARAGA à une date à laquelle BIZIMANA
125
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que dans sa défense sur l’infraction de non assistance aux personnes en danger, il dit
qu’il n’avait pas les moyens d’assister ces personnes étant donné qu’il était malade, qu’il
poursuit en disant qu’il n’était membre d’aucun parti politique pour que des adeptes aient pu
l’aider à s’opposer aux actes qui étaient commis surtout que Bonifride a été tuée au cours d’une
attaque dirigée par REKERAHO et composée de nombreuses personnes armées de fusils de
manière que BIZIMANA n’aurait pas pu lui barrer la route, qu’il ne pouvait pas non plus
provoquer du secours dès lors que ces actes étaient soutenus par les autorités ;
Attendu que concernant l’infraction de détention illégale de fusil, il dit qu’elle n’est pas fondée
car ceux qui l’accusent n’indiquent pas le type de fusil qu’il avait ou l’endroit où ils l’ont vu le
porter et notamment à KIBABARA, alors que le nommé NYIRAMUKAMISHA a dit lors de son
audition que BIZIMANA se promenait armé de massue d’une part, et qu’elle a dit d’autre part
qu’il n’a jamais eu un fusil au moment où les uns parlent de gourdin, d’autres de massues et
d’autres enfin affirment qu’il n’avait pas d’arme ;
Attendu que l’audience est suspendue pour reprendre le lendemain 31/10/2001 par les
dépositions des témoins ;
Attendu que BIZIMANA dit que MUKAKARUTA Spéciose peut témoigner à sa décharge sur
les tueries qui ont été commises au camp des jeunes et qu’elle sait que MUKARUTEGANYA a
amené ses enfants chez MBUNGIRA où elle les a laissés et s’en est aussitôt allée ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait chez
elle au moment des massacres commis au camp des jeunes, qu’elle a entendu des explosions de
grenades mais qu’elle n’a pas vu les tueurs à part qu’elle a entendu par la suite parler de
SEKUGABANYA et NYIRIMANA ;
8ème Feuillet.
Attendu que MUKAKARUTA dit que ceux qu’elle a vu emmener Bonifride sont NDANGA
Alfred, SEKUGABANYA et de nombreux autres qu’elle n’a pas identifiés, que REKERAHO
était à la tête de ces assaillants ;
Attendu que MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait sur les lieux lorsque BIZIMANA
Antoine a été arrêté à MBAZI, que NZAMWITAKUZE Claire lui a demandé d’affirmer que
Antoine porte les habits de son mari mais qu’elle a refusé, qu’elle termine en soulignant qu’au
contraire, Antoine n’a pas pris part au génocide ;
Attendu qu’interrogé sur les faits relatifs aux infractions dont peut le disculper "M",
BIZIMANA dit qu’il peut parler du contenu de sa lettre ainsi que des tueries commises au camp
des jeunes car il était sur les lieux et qu’à ce titre, il peut donner l’identité des personnes qu’il a
vues sur place ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, "M" dit qu’il était au camp des jeunes quand les massacres
y ont été perpétrés, que cela peut être confirmé par son cousin DUSABE, sa mère Salomée et ses
enfants qui étaient avec elle ;
Attendu que "M" dit que NYIRAMARIZA ne sait pas ce qui s’est passé au camp des jeunes car
elle a quitté le camp des jeunes auparavant tandis que Spéciose a emmené ses enfants et n’est
126
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
revenue qu’une fois quand elle apportait à son mari des patates douces, qu’il est parti avec sa
mère, mais que celle-ci est restée chez Suzanne, que "M" a poursuivi sa route avec sa grand-
mère, DUSABE et DUSENGUMUREMYI, que NDAMAGE n’est pas quant à lui arrivé au
camp des jeunes même s’il a fui avec les autres personnes de chez lui ;
Attendu que "M" dit que, lors de l’attaque au camp des jeunes, il est sorti avec sa mère mais que
celle-ci a été tuée après des discussions, les uns disant qu’il ne fallait pas la tuer car elle a été
mariée à un Hutu, que leur employé Fidèle a été tué, qu’il dit que son petit frère a été brûlé à
l’intérieur de la maison car il l’a attendu mais en vain, qu’il a alors regagné leur domicile à
MPUNGWE et est revenu après 6 jours, qu’il a croisé MUSENGAMANA qui avait alors forcé
DUSABE Alice à s’unir avec lui et que celui-ci l’a poursuivi en courant, que quand ils sont
arrivés à SOVU, l’intéressé lui a demandé pourquoi il ne lui a pas donné de l’argent alors qu’il a
bien tué sa mère ;
Attendu que NDAMAGE dit qu’il ne se trouvait pas au camp des jeunes au cours des tueries
mais qu'il se cachait près de là, qu’il a appris que "M" n’était pas sur les lieux ;
Attendu que "M" dit que les tueurs qui sont venus au camp des jeunes sont REKERAHO,
KABAGEMA, RUGAMBWA, MUSENGAMANA, HABYARIMANA Joseph, NTIGURA et
MACUMU, que BIZIMANA n’est pas arrivé au camp des jeunes ;
Attendu que "M" dit qu’il se trouvait sur les lieux au moment de l’arrestation de BIZIMANA à
MBAZI car il était allé participer à l’inhumation des restes des victimes en compagnie de
NDAMAGE, KAYITESI Béatrice, MUKAKALISA Régine et Gertrude, qu’il était environ dix
heures et qu’ils étaient en train de causer en disant que VORIVORI a lui aussi été inhumé avec
les leurs, que BIZIMANA est alors arrivé et les a salués, que NDAMAGE a dit que BIZIMANA
est bon mais que HABYARIMANA Joseph est un meurtrier, qu'après la messe, le bourgmestre a
pris la parole et parlé des circonstances du génocide à MBAZI, que lorsque lecture de la liste des
tueurs a été faite, HABYARIMANA le petit frère de BIZIMANA a été mentionné et que c’est
alors que Régine s’est adressée aux autres en se demandant ce qu’est venu faire son "salaud" de
grand frère, qu’il était alors entre midi et quatorze heures, que Marie BUTERA est arrivée et
que, ayant entendu de quoi ils parlaient, elle leur a demandé qui était BIZIMANA car elle ne le
connaissait pas ;
9ème Feuillet.
qu’ils le lui ont montré là où il se tenait debout, qu’elle leur a dit de faire en sorte qu’il ne leur
échappe pas, que la dame qui était avec Marie BUTERA a dit que c’est bien d’agir contre une
personne de haut rang comme lui car les instances supérieures en seront informées et les a
exhortés à le faire, que BIZIMANA est alors descendu de la tribune et que Marie BUTERA l’a
attrapé de derrière en disant que même les habits qu’il portait appartenaient à son mari ;
Attendu que "M" dit que le militaire qui assurait la garde rapprochée de BIZIMANA a failli tirer
sur NDAMAGE et ceux qui étaient avec lui, mais que les agents de l’ordre se sont saisis de
BIZIMANA et ont invité ceux qui ont des accusations à formuler contre lui à aller témoigner à
sa charge, que Marie BUTERA est venue au moment où Marcella disait à "M" qu’elle ne sait
rien sur BIZIMANA, et a demandé à sa camarade si elle a déjà oublié ses enfants qui ont été tués
et à "M" s’il a oublié sa mère, que Marcella a alors pleuré ;
127
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que "M" dit que Marcella est descendue et allée là où on avait conduit BIZIMANA et
que, interrogée sur ce qu’elle sait sur son compte, elle a pleuré sans répondre, que les militaires
l’ont alors chassée disant qu’elle est en état d’ivresse, qu’elle est rentrée aussitôt et que "M" en a
fait de même ;
Attendu que "M" dit qu’il a demandé à MUKARUTEGANYA ce qu’elle en sait et qu’elle lui a
répondu qu’elle ne peut pas faire un faux témoignage à charge d’un fils rwandais, que c’est à
cette date et en peu de minutes que le dossier de BIZIMANA a été ainsi monté, que par la suite,
quand il croyait que l’affaire était terminée, "M" s’est vu contacter par des gens qui lui disaient
de témoigner à charge de BIZIMANA, qu’interrogé sur l’identité de la personne qui l’a contacté,
il répond qu’il ne peut pas le dire en audience publique, que le Tribunal décide alors de
l’entendre à huis clos ;
Attendu que "M" dit que toutes ces dames qui sont venues témoigner à charge de BIZIMANA y
ont été incitées par l’Association des Rescapés du Génocide, qu’ils sont arrivés à
GIHINDAMUYAGA et ont invité "M" à venir témoigner à charge de BIZIMANA, qu’ils ont
tenu des réunions à cet effet, mais que tous ceux qui étaient avec "M" à MBAZI plaignaient le
prévenu disant qu’il est victime des actes perpétrés par son petit frère HABYARIMANA Joseph,
qu’il poursuit en disant que ce problème l’a brouillé avec sa sœur NYIRAMARIZA et
NYIRAMUKAMISHA Marcella qui a dit une fois qu’il faut que BIZIMANA livre ses "salauds"
d’enfants pour qu’on les tue afin qu’ils soient sur un pied d’égalité ;
Attendu que "M" dit qu’après avoir constaté qu’il n’adhérait pas à leur projet, elles sont allées
dire à l’Officier du Ministère Public nommé Azarias qu’il ne faut pas que "M" fasse un
témoignage, que ledit Officier du Ministère Public est venu le voir au service à KIGALI et lui a
enjoint de faire un témoignage écrit, qu’il l’a fait car l’autre croyait qu’il s’agit d’un témoignage
à charge de BIZIMANA, mais que, constatant que ce n’est pas le cas, on a commencé à le
menacer d’emprisonnement ;
Attendu que "M" dit qu’aucune des personnes qui sont venues témoigner à charge de
BIZIMANA n’était avec lui au camp des jeunes, que leur attitude est en grande partie guidée par
la volonté de se voir allouer des dommages intérêts car, avant le début du procès à BUTARE,
l’Association des Rescapés du Génocide leur a demandé de faire l’inventaire des biens
endommagés auxquels ils ont affecté des sommes très élevées comme contre-valeur à leur
allouer, que la majorité d’entre elles agissent par convoitise de l’argent car on leur promettait
d’être désintéressées sitôt après le procès, qu’il précise que ces témoins à charge sont les
membres de sa famille ;
10ème Feuillet.
Attendu que BIZIMANA Antoine dit que MUKAMULIGO Bonifride peut témoigner en sa
faveur sur les tueries qui ont été commises au centre des jeunes tandis que Agnès peut le faire
sur celles qui ont été perpétrées au domicile de MBUNGIRA ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, UMUHOZA Agnès déclare avoir demandé à Spéciose de
lui dire ceux qui ont emmené de chez son grand-père MBUNGIRA les enfants pour les tuer et
128
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
qu’elle lui a parlé de NYIRIMANA et SEKAZUNGU, mais qu’elle ne lui a pas dit que
BIZIMANA Antoine participait à cette attaque ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, DUSABE Alice dit qu’elle se cachait chez
MUSENGIMANA lors de l’attaque qui a été menée chez son grand-père MBUNGIRA, que cette
attaque était composée de Fidèle, NSENGIMANA, Emmanuel originaire de RUGANGO,
MINANI le fils de NDIMUBANZI, KALISA et MUSENGIMANA, qu’elle ne connaît pas
BIZIMANA Antoine mais qu’elle a entendu dire que l’intéressé n’était pas présent lors de
l’assassinat des enfants de MUKARUTEGANYA ;
Attendu que DUSABE Alice dit qu’elle a cherché refuge au camp des jeunes après l’incendie de
la maison de sa famille, qu’elle a quitté le camp un mercredi et que les tueries y ont été
commises un jeudi, qu’elle était avec "M" au camp des jeunes et que celui-ci n’aurait pas
manqué d’identifier une nouvelle figure si BIZIMANA avait pris part à cette attaque car celle-ci
n’était composée que des membres de la population locale ;
Attendu que MUKAMULIGO Bonifride prête serment et dit que c’est NYIRAMUKAMISHA
qui lui a appris l’attaque qui a eu lieu chez MBUNGIRA en lui parlant de ses enfants tués, que
les enfants de NYIRAMUKAMISHA ont été emmenés par SEKAZUNGU, MAREMBO, un
policier du nom de MPOZENZA Charles, MUROGORO et NYIRIMANA, mais que
BIZIMANA n’était pas présent tout comme REKERAHO et HABYARIMANA ;
Attendu que DUSABE dit que Spéciose n’était pas présente lors de l’assassinat de ses enfants
car elle s’en était allée, que DUSABE dit qu'il a suggéré à Spéciose d’aller chercher refuge pour
ses enfants chez KAMANZI, mais qu’elle lui a répondu qu’elle n’a pas à se préoccuper de ceux
dont le sort est réglé, qui vont inévitablement périr;
Attendu que MUKABONERA prête elle aussi serment et dit que SEKAZUNGU,
SEKUGABANYA et NYANDWI sont passés à son domicile et ont perquisitionné sa maison
quand ils se rendaient chez MBUNGIRA, qu’à la question de savoir comment les enfants de
Spéciose sont arrivés chez MBUNGIRA, elle répond que c’est Spéciose qui les y a conduits et
que quand SEBAZUNGU lui a demandé pourquoi elle les amenait là, elle a dit que quand Dieu
veut reprendre ce qu’il t’a prêté, tu ne discutes pas ;
Attendu que MUKABONERA dit qu’elle connaissait BIZIMANA mais qu’il n’est pas arrivé sur
les lieux, qu’il se peut que les gens lui en veuillent à cause de son petit frère HABYARIMANA ;
11ème Feuillet.
Attendu qu’après avoir prêté serment, NYIRAHABIYAMBERE Salomée déclare avoir réchappé
aux massacres qui ont été commis au camp des jeunes où elle a passé deux jours car elle s’est
cachée dans les chambres quand les tirs ont été déclenchés, que quand les tueurs se sont
retrouvés à court de munitions, les victimes ont couru, qu’elle est sortie et que GAKURU
Emmanuel lui a donné un coup de bâton, qu’il y avait là SORINYA, le fils de
MUVUZANKWAYA, GAKURU, KALISA et d’autres qui tuaient, qu’elle connaît BIZIMANA,
mais que celui-ci n’est pas arrivé au camp et qu’elle ne l’a vu aller chez lui que lorsque les
tueries au camp des jeunes avaient déjà été commises ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKARWEGO Marguerite dit qu’elle connaît
BIZIMANA, que la maison de MBARAGA a été détruite à la fin du mois d’avril 1994, mais que
129
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
BIZIMANA n’était pas encore arrivé à KIBABARA, que les maisons de MBARAGA avaient
déjà été détruites quand elle a vu BIZIMANA ;
Attendu que MUKARWEGO poursuit en disant qu’elle est arrivée chez BIZIMANA vers le
mois de mai alors que le nommé HITIYAREMYE construisait un mur, qu’elle y a vu un petit
tas de briques ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMBONYI Béata déclare avoir été témoin oculaire
de l’attaque qui a été menée chez MBUNGIRA et composée de SEKAZUNGU Joseph,
KUBWIMANA Fidèle, MUSENGIMANA et d’autres, qu’elle se trouvait chez MBUNGIRA et
qu’elle les a vus emmener les enfants de Marcella, que Spéciose n’était pas présente mais qu’elle
se trouvait plutôt à MBOGO, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA ne faisait pas partie de
ladite attaque mais qu’elle a plutôt vu REMERA et REKERAHO ;
Attendu que l’audience est suspendue en vue de continuer le 06/11/2001 par l’audition des
témoins à charge ;
Attendu que MUKANGENZI Aloysie, présentée comme témoin par les parties civiles, dit que ce
qu’elle sait est que, en 1994, BIZIMANA faisait partie d’un groupe de meurtriers à NDOBOGO,
que c’est lui qui, au cours de la réunion qui a eu lieu chez BIHEHE et dont son père
NZABAMWITA a été exclu, a précisé comment les choses devaient se passer, que les dirigeants
des attaques qui ont été désignés sont BUCYANA Pascal, BIHEHE, MUTALI Pancrace et de
nombreux autres, que BIZIMANA dirigeait cette réunion mais qu’il est parti aussitôt et n’a pas
dirigé d’attaque ;
Attendu que MUKANGENZI Aloysie dit que les victimes qui ont été tuées à NDOBOGO après
cette réunion sont tous les Tutsi qui y résidaient tels NZABAMWITA, NGARAMBE Vincent et
ses 7 enfants, deux grandes sœurs de MUKANGENZI à savoir NIKUZE et HATEGEKIMANA
ainsi que les membres de la famille HABIMANA, qu’elle poursuit en disant qu’au cours de la
réunion, BIZIMANA a dit qu’il faut tuer les victimes et détruire les maisons, mais qu’elle ne se
souvient pas de l’arme qu’il avait, qu’elle ne le connaissait pas et qu’elle a plutôt entendu parler
de lui, que d’autres réunions se sont tenues sous la direction de BIHEHE et ses acolytes ;
12ème Feuillet.
130
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que NDAMAGE dit que les témoins qui ont déposé à décharge de BIZIMANA ont été
contactés par "M", que celui-ci était présent lors de l'arrestation de BIZIMANA ;
Attendu que BIZIMANA dit que c’est à tort que NDAMAGE le qualifie d’instigateur,
planificateur et superviseur car il ressort de la copie du jugement à charge de REKERAHO que
ce dernier ne l’a point mis en cause ;
Attendu que l’audience est suspendue pour continuer le 24/11/2001, date à laquelle la partie
civile KARUYUNDO Stéphanie dit qu’elle ne s’est pas cachée, qu’elle habite à
GIHINDAMUYAGA, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA a commis le génocide en mai
1994, mais que par la suite elle se ravise et dit que BIZIMANA n’a pas tué mais a plutôt amené
des tueurs qui, après avoir tué les enfants de Marcella chez MBUNGIRA, sont venus chez elle et
ont tué ses petits enfants dont MUNYEBWATO Abel et son fils KANYAMUNEZA Innocent,
que BIZIMANA avait une massue mais qu’il n’en a pas fait usage car il ne faisait que donner des
ordres, qu’elle ne l’a pas revu ailleurs dans des attaques ;
Attendu que KARUYUNDO dit qu’elle sait que Spéciose était présente lors des tueries qui ont
eu lieu au domicile de MBUNGIRA, qu’elle n’oublie rien sur le comportement de BIZIMANA ;
Attendu qu’à propos de l’audition de BAKUNDUKIZE, BIZIMANA dit que l’intéressé a assisté
aux débats lors des audiences des 18 et 19/10/2001, qu’il ne peut donc être autorisé à faire une
déposition, que, quoique BAKUNDUKIZE nie avoir assisté à une quelconque audience, le
Tribunal décide que l’intéressé ne va pas déposer sous serment pour ce motif ;
13ème Feuillet.
que les membres de la famille MBARAGA ont été tués mais que ces hommes étaient partis après
en avoir donné l’ordre, qu’il sait également que des gens se rencontraient chez BIZIMANA chez
qui ils apportaient les matériaux provenant des maisons qu’ils détruisaient, que ces actes ont été
commis le 22/04/1994 et le 23/04/1994 sous la supervision de BIZIMANA, mais que les
victimes de ces actes de pillage n’ont pas vu BIZIMANA et que c’est BAKUNDUKIZE qui
assistait aux faits pour son compte ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, UMULISA Agnès dit qu’elle avait trouvé refuge au camp
des jeunes de GIHINDAMUYAGA au moment du génocide, qu’elle a quitté les lieux aussitôt
après son arrivée, mais qu’elle sait ce qui s’est passé à cet endroit, qu’elle poursuit en disant
131
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que BIZIMANA relève que, compte tenu de ses déclarations faites au cours de
l’instruction préparatoire, UMULISA se contredit ;
Attendu que UMULISA dit qu’elle était présente lors de l’arrestation de BIZIMANA, qu’il a été
arrêté après la messe par Marie BUTERA, Jeanne KAMPOGO, MUKASHYAKA Josepha et
NDAMAGE Théophile, que Marie BUTERA lui demandait ses enfants, que BIZIMANA a été
appréhendé par un garçon natif de KIBABARA, que UMULISA et d’autres se sont alors saisi de
lui et l’ont conduit à MBAZI ;
Attendu que l’audience est reportée au 05/12/2001 mais qu’elle n’a pas lieu pour cause
d’absence de l’Officier du Ministère Public, que l’affaire est renvoyée au 10/12/2001, date à
laquelle l’Officier du Ministère Public demande le report de l’audience pour permettre à l’avocat
des parties civiles de déposer ses conclusions car l’audience a commencé avant qu’il n’arrive ;
Attendu que Me ISSA, conseil du prévenu, demande au Tribunal de concilier les intérêts des
deux parties et de remettre l’audience à une date proche, qu’il ajoute cependant qu’il y a lieu de
poursuivre les débats si le Tribunal l’estime ainsi ;
Attendu que Me RWANGAMPUHWE, avocat des parties civiles dit que les témoins qui ont été
assignés n’ont pas comparu, qu’il demande ainsi au Tribunal d’accorder un crédit aux
déclarations qu’ils ont faites à BUTARE et précise qu’ils sont parties civiles ;
Attendu que l’audience est reportée au 17/12/2001 en vue de permettre la comparution de ces
témoins faute de quoi l’audience devra continuer, l’avocat des parties civiles étant alors appelé à
prendre ses conclusions ;
14ème Feuillet.
Attendu que l’audience reprend le 17/12/2001 par l’audition des témoins présentés à charge de
BIZIMANA, mais qu’un doute sur la qualité de Marie BUTERA est soulevé pour savoir si elle
doit être considérée comme témoin ou partie civile, qu’après avoir entendu les deux parties, le
Tribunal décide de l’entendre à titre de témoin ;
Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle habitait et vivait à GIHINDAMUYAGA au moment du
génocide, que ce sont BIZIMANA Antoine, HABYARIMANA Joseph, REMERA,
REKERAHO et KABANZA Innocent qui organisaient et exécutaient les massacres ;
Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle a cherché refuge chez le Dr. RUCYAHANA et y est
restée, qu’elle a eu connaissance des massacres commis au camp des jeunes car elle a entendu
les explosions des grenades et les détonations ;
132
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que Marie BUTERA dit que BIZIMANA est venu chez le Dr. RUCYAHANA en
compagnie de HABYARIMANA et sa bande, qu’ils leur ont dit d’aller chercher de la chaux
pour recouvrir les cadavres car ils avaient attiré une nuée de mouches, qu’elle les a entendus,
qu’ils ont dit que Bonifride qui était chez HABYARIMANA a été tuée, que RUCYAHANA leur
a dit alors que Marie, l’épouse de Vital, se trouvait chez lui, qu’ils ont dit qu’il faut la cacher et
que c’est alors qu’on l’a cachée dans le plafond ;
Attendu que Marie BUTERA dit que le jour où on est allé enterrer les cadavres à RUGANGO,
les intéressés sont, à leur retour, passés chez Alexandre RUCYAHANA et lui ont dit qu’il y a un
enfant encore en vie au milieu des cadavres, qu’elle a regardé à travers les fenêtres et a vu
BIZIMANA mais qu’elle n’a pas vu les armes qu’ils portaient, que la participation de
BIZIMANA dans les massacres lui a été rapportée par Alexandre ;
Attendu que Marie BUTERA déclare avoir quitté le domicile de RUCYAHANA le 27/04/1994
après avoir mis au monde, qu’on l’a alors conduite à l’hôpital de BUTARE, qu’elle a revu
BIZIMANA à MBAZI lors de l’inhumation des restes des victimes car elle vivait à NYAMATA
au BUGESERA.
Attendu que Marie BUTERA déclare avoir entendu quelqu’un dire : « Voici BIZIMANA », ce
qui l’a surprise, qu’ils se trouvaient à MBAZI, que tous les rescapés de cette région ont alors
passé la ceinture des agents de l’ordre pour se saisir de BIZIMANA qu’ils ont remis aux mains
de ces mêmes agents de l’ordre, que Marie BUTERA était avec Jeanne, Béatrice, Agnès,
Scolastique et Béatrice de GIHINDAMUYAGA, qu’elle dit que "M" était présent car c’est lui
qui lui a rapporté les propos que tenaient les meurtriers à l’instar de MACUMU, que
NDAMAGE également était présent ;
Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle ne sait rien de ce qui est dit sur le fait que BIZIMANA,
lors de son arrestation, portait les habits de son mari, que cela est possible mais qu’elle ne saurait
en témoigner car les vêtements peuvent se ressembler ;
15ème Feuillet.
Attendu que BIZIMANA dit que Marie BUTERA ment et en donne pour preuve que l’intéressée
a, au cours de son audition au parquet, déclaré ne pas l’avoir vu parmi les personnes qui sont
venues chez RUCYAHANA car, répondant à la question qui lui était posée sur l’identité des
auteurs des massacres à GIHINDAMUYAGA, elle a cité plus de vingt personnes mais n’a à
aucun moment cité le nom de BIZIMANA.
Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAKALISA Régine dit qu’elle est allée à la paroisse
RUGANGO entre le 10 et le 15/04/1994, qu’il y régnait une insécurité telle qu’elle n’y a pas
passé la nuit et a préféré se cacher sur la colline où elle dormait à la belle étoile, que voulant se
rendre à BUTARE, elle a dû se cacher dans les buissons au monastère où elle a passé un temps
assez long après le 15/04/1994, qu’elle a vu après le 18/04/1994 HABYARIMANA,
NYANDWI, SEKUGABANYA, KIMWETERI et REKERAHO, qu’elle dit que ce sont eux qui
ont commis les massacres à RUGANGO et à GIHINDAMUYAGA ;
Attendu que MUKAKALISA Régine dit qu’elle s’est cachée seule du 18/04/1994 au
27/04/1994, se nourrissant de peu de nourriture qu’elle avait emportée de la maison ;
Attendu qu’interrogée sur la responsabilité de BIZIMANA dans le génocide, MUKAKALISA
133
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
répond qu’il disait aux gens rassemblés sur les routes de ne pas avoir peur de tuer ;
Attendu que MUKAKALISA déclare avoir revu BIZIMANA à MBAZI quand Marie BUTERA
et d’autres l’avaient arrêté, mais qu’elle n’a pas quant à elle participé à cette arrestation car elle
attendait le début du procès au Tribunal pour dire ce qu’elle sait ;
Attendu qu’à la question de savoir si lors de son arrestation, BIZIMANA portait les habits du
mari de BUTERA Marie, elle répond qu’elle ne le sait pas car les habits se ressemblent ;
Attendu que BIZIMANA relève que l’actuelle déclaration de MUKAKALISA diffère de celle
qu’elle a faite devant l’Officier du Ministère Public, que par ailleurs, sa grande sœur Scolastique
a dit que MUKAKALISA n’est jamais arrivée à GIHINDAMUYAGA et que même NDAMAGE
et NYIRAMUKAMISHA, eux aussi témoins à charge de BIZIMANA, affirment que les tueries
avaient pris fin quand elle y est arrivée ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, KAMPOGO Jeanne dit qu’elle est arrivée au camp de
jeunes, à SOVU et à GIHINDAMUYAGA, qu’elle a cherché refuge à RUGANGO où elle a
laissé son père, sa mère et son frère, qu’elle est arrivée au camp des jeunes avant les tueries et
que celles-ci ont eu lieu un jour après son arrivée, qu’elle y a passé une seule nuit, qu’elle est
allée à SOVU le 17/04/1994 et le 18/04/1994 où elle a trouvé de nombreuses personnes, que
c’est pour cette raison qu’elle est revenue au camp des jeunes où elle a passé la nuit, qu’elle a
quitté ce camp des jeunes le 19/04/1994, qu’elle dit que les tueries ont eu lieu le 21/04/1994
après celles de RUGANGO, que lorsque les gens étaient en train de dépecer la vache de Claude à
midi, elle est allée s’asseoir sur des bambous se trouvant à environ 20 mètres du couvent des
prêtres avec ses deux enfants, qu’elle a vu quelques instants après l’abbé Baudouin appeler Vital
mais qu’elle n’a pas vu ce dernier, que c’est à treize heures 20 minutes
16ème Feuillet.
qu’elle a entendu des coups de sifflets des Interahamwe qui battaient également le tambour en se
dirigeant vers le camp des jeunes, qu’elle est restée là où elle était, essayant de calmer ses
enfants qui avaient peur, que le nommé RUTAYISIRE se cachait également à cet endroit et
qu’elle n’y a vu personne d’autre, que ces miliciens se sont alors livrés aux tueries, qu’elle a vu
BIZIMANA, REMERA, NSHIMIYE, NYANDWI, MUSONI et REKERAHO circuler avec
d’autres qu’elle ne connaît pas en provenance de chez HABYARIMANA, que BIZIMANA avait
une grenade, HABYARIMANA ayant un fusil, REKERAHO étant lui aussi armé d’un fusil alors
que REMERA avait un morceau de bois, que BIZIMANA n’a pas fait usage de la grenade qu’il
avait ;
Attendu que KAMPOGO Jeanne dit qu’elle a quitté sa cachette après les tueries au camp des
jeunes et est allée passer la nuit au milieu des cadavres, que quand les miliciens Interahamwe
subalternes ont donné des coups de sifflets, elle est allée à SOVU à 23 heures ;
Attendu que KAMPOGO dit qu’elle a quitté SOVU en compagnie de ses enfants et a rejoint
134
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
MAKOMBE à la CONFIGI et que celui-ci l’a mise dans une étable, qu’elle a entendu par la
suite Victor dire à Claude que des massacres ont été commis au camp des jeunes, que
KAMPOGO est retournée à SOVU et a dit à ceux qui étaient là qu’elle ne va pas rester sur place,
que les Interahamwe sont retournés chez MAKOMBE Siméon à huit heures et que KAMPOGO
est allée derrière la maison de Victor, qu’elle a cherché refuge chez Jacqueline à KARUBANDA
quand les militaires ont commencé à rassembler les gens ;
Attendu que KAMPOGO déclare ne pas avoir vu BIZIMANA lors de l’attaque qui a eu lieu à
SOVU et qu’il y avait longtemps qu’elle l’avait vu, qu’elle l’a encore vu à MBAZI lors de
l’inhumation, que BIZIMANA a été appréhendé par elle, BUTERA et d’autres ;
Attendu que KAMPOGO dit avoir vu NDAMAGE au camp des jeunes, mais qu’elle ignore si
Marie BUTERA était là ;
Attendu que KAMPOGO déclare avoir survécu en trouvant refuge chez Jacqueline
MUKANTABANA, que la bande à REKERAHO est venue la chercher à KARUBANDA mais
qu’elle n’a pas vu BIZIMANA, qu’elle ne se souvient pas de la couleur des habits qu’il portait
au moment où elle l’a vu ;
Attendu que KAMPOGO Jeanne déclare avoir entendu dire que UMULISA Agnès et Marie
BUTERA se cachaient ensemble au camp des jeunes, que NYIRAMALIZA était avec elle et que
c'est la population qui l'a sauvée en disant qu’elle ignorait son ethnie ;
Attendu que KAMPOGO dit qu’il reviendra au Tribunal de déterminer laquelle de ses
déclarations faites devant le Ministère Public et devant le Tribunal est crédible ;
17ème Feuillet.
Attendu que BIZIMANA dit que, comparativement à sa déclaration faite devant le Ministère
Public, KAMPOGO ment, étant donné que, ayant dit auparavant que BIZIMANA avait une
massue, elle dit au Tribunal qu’il avait une grenade et qu’elle est passée dans des buissons
jusqu’à KARUBANDA, affirmant que les faits ont eu lieu à la même date du 21/04/1994 ;
Attendu que l’audience est reportée au 20/12/2001, qu’elle se poursuit par l’audition des
témoins ;
Attendu que RUTAYISIRE Innocent prête serment et dit qu’il ne peut que témoigner sur les
assassinats des frères religieux de GIHINDAMUYAGA ainsi que des voisins du monastère de
GIHINDAMUYAGA car il ne sortait pas ;
Attendu que RUTAYISIRE Innocent dit que les Frères religieux de GIHINDAMUYAGA ont été
tués au camp des jeunes avec d’autres membres de la population, qu’ils ont été emmenés de leur
couvent par REKERAHO Emmanuel, HABYARIMANA Joseph et un motard de haute taille qui
habitait près du terrain de football, que BIZIMANA et REMERA sont arrivés sur les lieux ;
Attendu que BIZIMANA dit que RUTAYISIRE ment étant donné qu’il ne fait que reprendre le
contenu de la déclaration de RUCYAHANA comme le fait d’ailleurs Marie BUTERA, mais
qu’ils ne le font pas fidèlement car le Dr. RUCYAHANA dit qu’ils étaient au nombre de 3 alors
que RUTAYISIRE dit qu’ils étaient deux, qu’il relève par ailleurs qu’il ne pouvait pas être chez
HABYARIMANA et à la plantation de café au même moment ;
135
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que NZABIRINDA Benoît s’apprête à déposer sous serment comme témoin, mais que
l’avocat des parties civiles, Me RWANGAMPUHWE, dit que l’intéressé a des liens de parenté
avec BIZIMANA, que celui-ci dit que son neveu NDAKEMWA est le mari de la sœur de
NZABIRINDA nommée MUKAKINANI Agnès, que le Tribunal décide de l’entendre sans lui
faire prêter serment ;
Attendu que NZABIRINDA dit qu’ils se trouvaient au monastère quand les tueries ont
commencé à GIHINDAMUYAGA, qu’ils ont entendu des explosions de grenades mais n’ont pas
pu sortir, que les nommés REKERAHO, REMERA, HABYARIMANA et Alexandre sont
arrivés et leur ont dit qu’un colonel voulait les voir, qu’ils ont eu un doute mais sont finalement
partis, qu’un peu en contrebas, ils les ont refoulés leur disant qu’ils voulaient parler à GATERA
Gaëtan, RUTAGWENA Innocent et Antoine, qu’ils emmenaient environ neuf personnes et qu’ils
leur ont demandé de leur montrer leurs pièces d’identité, mais que certains d’entre eux n’ont pas
pu les leur montrer car ils les avaient laissées au monastère, qu’ils ont dit que RUTAGWENA a
exercé les fonctions d’inspecteur de police judiciaire et a un différend avec REKERAHO, qu’ils
sont restés et que les autres ont été refoulés au monastère à coups de pierre, que c’est le groupe
des personnes qu’il a citées qui a commis les massacres ;
Attendu que NZABIRINDA dit qu’il n’a pas vu BIZIMANA parmi ceux qui ont emmené les
Frères religieux et qu’il le connaissait ;
18ème Feuillet.
Attendu que l’audience est reportée au 27/12/2001, date à laquelle l’avocat des parties civiles
prend ses conclusions ;
Attendu que Me RWANGAMPUHWE François dit qu’il n’a pas encore obtenu les pièces de ses
clients dont le nombre s’élevait à 305 parties civiles, que la cause en est la réforme
administrative récente, qu’il demande également à être autorisé à poser des questions à
BIZIMANA sur les témoignages, qu’il déclare disposer de ses conclusions mais qu’il ne les a
pas encore communiquées à la partie adverse, qu’il poursuit en disant qu’il pourrait déposer les
pièces manquantes ultérieurement étant donné que les pièces dont dispose le Tribunal ne
concernent pas plus de quarante parties civiles, qu’il lui est pourtant rappelé que le Tribunal n’a
que des pièces de 9 parties civiles seulement ;
Attendu que Me RWANGAMPUHWE François dit que cinq cent personnes figurent sur la liste
des parties civiles, mais que les pièces disponibles ne concernent que trois cent cinq d’entre elles
seulement ;
Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que REKERAHO était l’épée et que BIZIMANA
était son cerveau, que BIZIMANA a fait suffisamment d’études si bien que l’ordre qu’il donnait
était exécuté, que ce sont ses idées qui ont guidé le génocide à MARABA, MBAZI, HUYE et
ailleurs ;
Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit qu’il existe des rapports qui disculpent BIZIMANA à
tort car il est mis en cause d’avoir pris part aux massacres à certains endroits, qu’il a été
vivement touché par la mort de NYIRAMUKAMISHA Marcelle qui était un témoin principal,
qu’il espère qu’il y aura justice de sorte que le génocide ne se reproduira pas ;
136
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que les miliciens Interahamwe détruisaient les
maisons et en apportaient les matériaux à BIZIMANA qui s’en servait dans la construction de
ses maisons, qu’ils ont en vain demandé la jonction des dossiers à charge de BIZIMANA et
REKERAHO, que la bande de BIZIMANA collaborait avec celle du Colonel MUVUNYI, du
Colonel SIMBA, NZEYIMANA et d’autres, qu’une liste de cinq cents personnes qui devaient
être tuées à GIHINDAMUYAGA avait été établie ;
Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que BIZIMANA a été depuis longtemps caractérisé
par une idéologie discriminatoire tel que cela ressort du rapport établi par l’Association des
Rescapés du Génocide – MPUHWE, qu’il a même été un partisan du MDR Power ;
Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que les parties civiles fondent leur action sur quatre
motifs à savoir la perte d’un descendant, l’incapacité de travail, l’altération de la santé et la perte
de considération qui se traduit par la solitude ;
19ème Feuillet.
Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que l’allocation des dommages – intérêts devra se
faire sur base des articles 258 et 260 du livre III du code civil et d’autres éléments mentionnés
dans les conclusions écrites qu’il va déposer ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’est pas nécessaire que Me RWANGAMPUHWE fasse
lecture de ses conclusions quant aux dommages-intérêts réclamés car il les connaît, qu’il ne va
se préoccuper pour sa part que de produire les preuves de son innocence ;
Attendu que l’audience est reportée au 15/01/2002, qu’elle n’a pas lieu à cette date et est remise
au 12/02/2002, date à laquelle la parole est donnée à l’Officier du Ministère Public KANANIYE
Théoneste pour présenter son réquisitoire ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public KANANIYE Théoneste, après l’énoncé des
préventions, des circonstances des infractions et des preuves à la base des présentes poursuites,
dit que BIZIMANA est rangé dans la première catégorie car il fait partie des instigateurs et
encadreurs du génocide, qu’il requiert dès lors la peine de mort et la dégradation civique totale à
charge du prévenu, qu’il dit que l’intéressé doit être rendu responsable des dommages causés à
travers tout le pays et que le Ministère Public demande des dommages-intérêts de 100.000.000
Frw en faveur des autres victimes non encore identifiées qui ont été tuées à
GIHINDAMUYAGA et demande que BIZIMANA Antoine soit condamné au frais d’instance ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il a produit de nombreuses preuves de son innocence dès le
début du procès, que le Ministère Public n’a pas rapporté de preuve de sa culpabilité à part les
témoignages mensongers et contradictoires à sa charge, qu’il poursuit en disant que l’action du
Ministère Public s’appuie sur des procès-verbaux irréguliers ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il existe des rapports établis par le Ministère Public lui-même
sur son innocence et qui ont été communiqués au Ministre de la Justice, aux hautes instances du
137
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
pays et autres, qu’un de ces rapports démontre qu’il n’a pas pris part au génocide et prouve
plutôt que le Dr. RUCYAHANA Alexandre a remis à UMULISA Agnès et Marie BUTERA un
écrit sur lequel elles se sont appuyées pour porter plainte contre lui ;
Attendu que BIZIMANA dit que les services de renseignements ont fait une enquête et que,
ayant conclu à son innocence, il a été libéré ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis l’infraction de planification et d’incitation au
génocide étant donné qu’il ne pouvait pas en sa qualité de diplomate, se livrer à des activités
politiques, qu’il ne pouvait pas quitter GISENYI où il était un agent de la CEPGL et dépasser
KIGALI pour aller tuer un citoyen
20ème Feuillet.
à GIHINDAMUYAGA, qu’il a d’ailleurs dit au Ministère Public qu’il avait un éclat dans la
jambe à son arrivée à BUTARE ;
Attendu que BIZIMANA dit que REKERAHO et KAMANAYO ont été jugés par le Conseil de
Guerre à BUTARE et ont plaidé coupables de certaines des préventions à leur charge, qu’il leur
a été demandé ce qu’ils savent sur la responsabilité de BIZIMANA dans les massacres perpétrés
à GIHINDAMUYAGA, mais qu’ils ont répondu qu’ils n’ont pas connaissance de sa
participation au génocide, que plus de quarante personnes entendues par le Ministère Public ont
bien dit que BIZIMANA n’a pas commis le génocide, qu’il ajoute que les autres éléments de sa
défense seront consignés dans les conclusions ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’assassinat, que l’Officier du Ministère
Public n’a pas indiqué la victime qu’il a tuée et l’endroit du crime, que les plaignants
KANAMUGIRE, MUKAREMERA, KARUYUNDO et BAKUNDUKIZE Isaïe se sont
contredits et ont dit que BIZIMANA n’a tué personne ;
Attendu que BIZIMANA dit que le fait qu’il logeait chez son petit frère ne prouve pas qu’il a
commis l’infraction d’association de malfaiteurs, que REKERAHO a été interrogé sur les
réunions supposées avoir eu lieu au domicile de HABYARIMANA, qu’il a répondu qu’ils
étaient des amis, mais que des réunions n’ont pas été tenues chez HABYARIMANA ;
Attendu que BIZIMANA dit que la prévention de violation de domiciles n’est pas fondée car, en
parlant des personnes qui sont venues faire une perquisition à son domicile à la recherche de
Marie BUTERA, le Dr. RUCYAHANA ne l’a point cité ;
Attendu que BIZIMANA dit que le Ministère Public l’accuse injustement, que la catégorie dans
laquelle il est rangé ne convient pas car il n’avait aucun intérêt à détruire des maisons et tuer ;
138
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’actes de destruction, qu’il ne pouvait pas le
faire alors qu’il n’était pas présent ;
Attendu que BIZIMANA dit qu’il ne s’est pas rendu coupable de détention illégale de fusil car il
n’en a jamais eu en sa possession ;
Attendu que BIZIMANA dit que les peines requises à son encontre n’ont pas de fondement dès
lors qu’elles s’appuient sur des mensonges, qu’il demande au Tribunal de l’acquitter et de
21ème Feuillet.
Attendu que Me Laurent KENNES, Conseil de BIZIMANA, soutient que BIZIMANA dit la
vérité et fait une plaidoirie à l’appui de cette affirmation, qu’il remet au Tribunal les conclusions
écrites ;
Attendu que Me BIZINDOLI, Conseil de BIZIMANA, dit qu’il se base sur les moyens de
défense de BIZIMANA ainsi que sur ce qu’a dit Me Laurent KENNES, qu’il dit que ceux qui
témoignent à charge de BIZIMANA mentent car ils ne font que rapporter ce qui leur a été dit et
que leurs déclarations divergent, que tous ces éléments sont mentionnés dans ses conclusions ;
Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter, BIZIMANA dit
qu’il a produit toutes les preuves de son innocence, que ses conseils en ont également rapporté,
que la dernière preuve dont il entend se servir est qu’il a été réintégré au service sur demande du
Vice Président de la République et que, en date du 11/04/1996, un passeport diplomatique lui a
été délivré et qu’il est allé en Belgique, en Suisse et en Allemagne, qu’il ne serait pas revenu au
pays s’il avait ces crimes sur la conscience, qu’il termine en remettant au Tribunal ledit
passeport ainsi que ses conclusions écrites ;
Attendu que les débats sont clos et que les parties sont informées que la date du prononcé est
fixée au 20/02/2002 à 11 heures ;
Constate que dans cette affaire, BIZIMANA Antoine alias MABUYE est poursuivi pour avoir, à
GIHINDAMUYAGA ex- commune MBAZI, Province de BUTARE, République Rwandaise,
entre avril et juillet 1994, commis le crime de génocide constitué des assassinats dans le but de
détruire le groupe ethnique Tutsi, d’association de malfaiteurs, de violation de domiciles, de
destruction de maisons, de non-assistance à personnes en danger et de détention illégale d’arme à
139
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
feu ;
Constate que le crime d’assassinat n’est pas établi à charge de BIZIMANA Antoine car aucun
des témoins qui le mettent en cause n’indique aucune victime que BIZIMANA a tuée ou fait
tuer, même le Dr. RUCYAHANA Alexandre n’accuse pas BIZIMANA d’assassinat, les
allégations selon lesquelles il avait une arme étant fausses dès lors que les uns parlent de massue,
d’autres parlent de grenade, d’autres enfin de fusil, une autre partie de témoins affirmant qu’il
n’avait pas d’arme ;
22ème Feuillet.
Constate que l’infraction de violation de domiciles n’est pas établie à charge de BIZIMANA
Antoine car les témoins entendus n’ont pas dit, qu’il est entré dans des maisons surtout que le
crime d’assassinat n’est pas établi à sa charge ;
Constate que l’infraction de destruction de maisons n’est pas établie à sa charge car les témoins
entendus tant par le Ministère Public que par le Tribunal le disculpent, et que ceux qui l’accusent
de cette infraction ne l'ont fait que quand ils ont vu les briques et les tôles dont il s’est servi pour
construire et ont prétendu que ces matériaux proviennent des maisons qui ont été détruites, alors
que la maison de MBARAGA dont il est question a été détruite avant l’arrivée de BIZIMANA
dans cette région et que BIZIMANA dit avoir acheté ses briques et tôles, ceux qui le chargent
n’ayant pas prouvé que ces matériaux proviennent des maisons qui ont été détruites ou que
ceux qui ont détruit ces maisons étaient en compagnie de BIZIMANA Antoine ;
Constate que l’infraction de non-assistance à personnes en danger n’est pas établie à charge de
BIZIMANA Antoine car rien ne démontre qu’il avait les moyens de porter secours à ces
personnes mais qu’il ne l’a pas fait, le Ministère Public et les plaignants étant restés en défaut de
prouver qu’il pouvait le faire sans risque pour lui, et que, l’intéressé étant accusé de vouloir tuer
ces personnes, il s’ensuit qu’il ne pouvait pas porter secours à ceux dont il souhaitait la mort ;
Constate que l’infraction de détention illégale de fusil n’est pas constitutive du crime de
génocide car, aux termes de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, les infractions
constitutives du génocide sont celles qui sont prévues par le Code pénal, que cette infraction
n’étant dès lors pas prévue par ce Code, il ne peut, pour cette raison, en être poursuivi dans un
procès de génocide ;
Constate que l’infraction retenue à charge de BIZIMANA Antoine le range dans la troisième
140
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
catégorie ;
Constate que BIZIMANA Antoine ne peut pas être condamné au paiement de dommages-intérêts
car les parties civiles se fondent sur la mort des membres de leurs familles ou sur la perte des
biens qui ont été endommagés, et que BIZIMANA n’a pas commis d’assassinat ou une
quelconque autre infraction qui aurait causé un préjudice aux parties civiles ;
23ème Feuillet.
Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du
01/10/1990 en ses articles 1, 2, 14, 17, 36 et 39 ;
Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,
spécialement en ses articles 2, 16, 17, 19, 37, 39, 59, 61, 62, 63, 67, 80, 83, 90, 113, 123, 138,
140, 144, et 145 ;
Vu les articles 1, 6, 7, 20, 25, 27, 35, 36, 48, et 90 du livre I du Code pénal, et les articles 281 et
283 du livre II du Code pénal,
Déclare recevables l’action du Ministère Public et celle des parties civiles car régulières en la
forme, mais déclare celle du Ministère Public partiellement fondée et celle des parties civiles non
fondée ;
Ordonne à BIZIMANA Antoine de payer la moitié de 161.050 Frw de frais de justice soit 80.925
Frw dans le délai de trois mois et à défaut, édicte une contrainte par corps de 30 jours suivie de
l’exécution forcée sur ses biens ;
Met la moitié des frais à charge du Trésor Public ;
141
RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002
RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO
24ème Feuillet.
SIEGE
JUGE GREFFIER
Thadée HABIYAMBERE NDABAGARUYE J.Damascène
(Sé) (Sé)
142
CHAMBRE SPECIALISEE
DE GISENYI
143
144
N°5
1. L’affaire est mise en continuation afin de permettre au Tribunal de poursuivre ses enquêtes et
d’assurer la comparution des parties civiles.
2. Se fondant sur les témoignages recueillis et les résultats des enquêtes effectuées et nonobstant
ses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre du 1er prévenu les infractions
d’assassinat, de génocide, d’attentat en vue de porter la dévastation, le pillage ou le massacre
et d’association de malfaiteurs. Le 1er prévenu est rangé en première catégorie en raison du
zèle dont il a fait preuve et des atrocités commises. Les infractions ayant été commises en
concours idéal dans le but d’exterminer une partie de la population, seule la peine la plus
lourde est prononcée. Il est condamné à la peine de mort.
3. Se fondant sur les témoignages recueillis et les résultats des enquêtes effectuées et nonobstant
ses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre de la seconde prévenue les
infractions de complicité d’assassinat et de génocide, car il apparaît que c’est elle qui est allée
chercher l'une des victimes avant que les Interahamwe viennent chez elle pour l’y tuer. Ses
actes la rangent en deuxième catégorie. (NDLR : le tribunal ne précise pas la condamnation
prononcée à son égard).
145
4. Le Tribunal accorde des dommages et intérêts aux parties civiles constituées, statuant « dans
sa sagesse » ; les deux prévenus sont condamnés solidairement à leurs paiement.
(NDLR: Par arrêt de la Cour d’appel de RUHENGERI en date du 25/11/1998, ce jugement est
partiellement réformé. L’arrêt est publié dans le présent Recueil, décision n° 16).
146
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
(Traduction libre)
1er feuillet.
CONTRE:
PREVENTIONS :
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur ou
complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal rwandais livre I, assassiné
KARUHIMBI et RUTAYISIRE ;
A charge de tous :
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, assassiné
KABALISA Dieudonné et sa mère KARUHIMBI, infraction réprimée par l'article 312 du
Code pénal livre II;
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteurs, coauteurs ou
complices, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis
l'infraction de dévastation, pillage et massacres, infraction réprimée par l'article 168 du Code
pénal livre II;
147
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
dégradé des maisons de particuliers, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90 et 91
du Code pénal livre I, et par l'article 444 du Code pénal livre II;
LE TRIBUNAL :
Vu la notification par le greffier aux prévenus de leur citation à comparaître à la date fixée par
ordonnance du président, date à laquelle les prévenus sont effectivement présents ;
Attendu que l’audience a lieu le 12/06/1997, qu’invité à présenter ses moyens de défense sur les
préventions à sa charge, BARITIMA Jules déclare qu’il plaide non coupable ;
Attendu qu’invitée à présenter ses moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés,
NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle ne les reconnaît pas ;
Attendu qu’invité à expliciter les faits à charge des prévenus dès lors que ceux-ci plaident non
coupable, KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public soutient que les deux
2ème feuillet.
prévenus ont perpétré le crime de génocide, commis des actes de pillage et tué KARUHIMBI,
KABALISA et beaucoup d’autres victimes citées dans le présent dossier ;
Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles les victimes qu’il est accusé d’avoir
tuées ont trouvé la mort, BARITIMA répond que c’était le matin lorsqu'est arrivé un militaire
accompagné d’une personne qui allait lui montrer le domicile de KAREMERA, qu’ils ont détruit
le plafond de la maison de ce dernier en y recherchant des victimes potentielles, que ne les ayant
pas trouvées, le militaire et cet individu se sont rendus au bureau communal, que pendant ce
temps KAREMERA et sa mère se trouvaient dans la famille de BARITIMA, qu’ils leur ont
conseillés de fuir de peur qu’ils ne se fassent tuer par le militaire et son ami, que dans la foulée,
des Interahamwe ont mené une attaque à laquelle prenait part le nommé KIGINGI, que lorsque
ces miliciens sont arrivés chez NYIRASHAKO ils y ont délogé KABALISA qui leur a échappé
par la suite, mais que celui-ci a finalement été tué par MUSSA à coups de massue, qu’enfin la
mère de KABALISA aurait été tuée à la barrière par le nommé SEDERI ;
Attendu qu’à la question de savoir si MUSSA faisait partie d’un groupe d’assaillants qui sont
venus fouiller chez eux, BATITIMA Jules répond que MUSSA n’était pas présent lors de cette
attaque, car il était resté sur la route ;
Attendu que le Ministère Public demande que BARITIMA Jules explique les circonstances dans
lesquelles KABALISA est décédé et qu’il dit que, bien que mis en cause, MUSSA ne pouvait
pas prendre part à cette attaque parce que la victime était sa voisine;
148
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
Attendu qu’à la question de savoir s’il aurait été interrogé par le Ministère Public, BARITIMA
répond par l’affirmative ;
Attendu qu’à la question de savoir si ses actuelles déclarations ne contredisent pas celles qu’il a
faites devant le Ministère Public, BARITIMA Jules répond par la négative ;
Attendu que pour sa part NYIRASHAKO Lénie dit que ce qu’elle vient de déclarer n’est
aucunement en contradiction avec les déclarations qu’elle a faites devant le Ministère Public ;
Attendu que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO Lénie a reconnu qu’elle s’était
rendue au domicile de FAYI pour inviter les membres de cette famille à venir se cacher chez elle
et soutenu qu’elle se trouvait à RUHENGERI lorsque la mère de KABALISA fut tuée alors que
sa fille affirme qu’elle était bel et bien à la maison ;
Attendu qu’à la question de savoir si elle s'était rendue chez FAYI, NYIRASHAKO Lénie
répond qu’elle n’y a jamais mis les pieds ;
Attendu qu’à la question de savoir si elle a des liens de parenté avec KABALISA Dieudonné,
elle répond par la négative ;
Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles KABALISA a trouvé refuge chez
elle, NYIRASHAKO déclare que KABALISA s’est réfugié chez elle comme il pouvait trouver
refuge partout ailleurs où sa sécurité pouvait être assurée ;
Attendu que le représentant du Ministère Public est invité à apporter les preuves que
NYIRASHAKO s’est rendue chez FAYI et qu’elle a tué KABALISA, qu’il explique que les
preuves se trouvent dans le dossier et que UWIMBABAZI FAYI a bien expliqué cela;
Attendu qu’interrogée sur l’endroit où elle se trouvait lorsque KABALISA a été emmené et sur
un conflit qui l’opposerait à FAYI, NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle était chez elle parce
que les assaillants venaient de la battre et de la dépouiller de 80.000 Frw, et qu’aucun conflit ne
l’oppose à FAYI ;
149
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
Attendu qu’interrogée sur d’autres victimes qui auraient été tuées dans leur quartier,
NYIRASHAKO répond qu’à sa connaissance il n’y a pas eu d’autres victimes sur leur avenue
mais que sur d’autres avenues il y en a eu beaucoup ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi elle continue de dire qu’elle n’était pas à la maison
pendant cette période des massacres alors que le Ministère Public soutient que sa fille a bien dit
qu’elle n’a jamais quitté son domicile, NYIRASHAKO répond qu’elle ne vivait pas là bas ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi elle a dit à KABALISA de retourner d’où il venait
en prétextant que les Interahamwe savaient qu’il y était, après quoi elle l’a mis hors de sa
maison, NYIRASHAKO répond que les Interahamwe sont venus la chercher ainsi que son
domestique sans savoir que KABALISA s’y trouvait ;
3ème feuillet.
Attendu que BARITIMA Jules est invité à expliquer ses allégations selon lesquelles MUSSA a
tué KABALISA et à préciser l’endroit où il se trouvait lorsque cela a eu lieu, qu’il déclare qu’il
était chez lui et précise qu’on peut voir ce qui se passe sur la route bitumée à partir de son
domicile ;
Attendu qu’invitée à produire les preuves tangibles attestant qu’elle a effectivement donné de
l’argent aux assaillants pour racheter la vie de KABALISA, NYIRASHAKO répond que tout le
monde est au courant de cette affaire ;
Attendu que le Ministère Public dit que NYIRASHAKO soutient que seul KABALISA se
cachait chez elle alors que dans son audition devant le Ministère Public( P.V.n°16) la nommée
Vestine a déclaré que beaucoup de gens se cachaient chez NYIRASHAKO, que KABALISA a
été tué sur la route et non chez cette dernière et que BARITIMA Jules était en compagnie des
meurtriers de KABALISA ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il n’organisait pas de réunions, il répond que c’est le
responsable en personne qui tenait des réunions et que son rôle à lui se limitait à superviser les
travaux communautaires (Umuganda) et à prodiguer des conseils à ceux qui l’entouraient ;
Attendu que le Ministère Public dit que BARITIMA ne dit pas la vérité, que les travaux
communautaires ordinaires avaient cessé pendant cette période et que la seule activité qui était
faite en commun était celle de faire la chasse aux Tutsi et aux opposants au régime de l’époque ;
150
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
Attendu qu’invité à réagir aux allégations du Ministère Public, il répond qu’il supervisait les
travaux communautaires (Umuganda) même avant la guerre ;
Attendu qu’interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à ne prévenir que VESTINE tout en
condamnant les autres à se débrouiller, NYIRASHAKO répond que l’épouse de MINGA qui est
la tante maternelle de VESTINE a envoyé cette dernière se cacher au domicile de
NYIRASHAKO ;
Attendu que le Ministère Public soutient que NYIRASHAKO a reconnu que les Interahamwe
sont venus à son domicile chercher sa belle-fille VESTINE, mais que ces miliciens y ont trouvé
KABALISA au lieu de VESTINE, ce que NYIRASHAKO réfute catégoriquement ;
Attendu que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO s’est activement impliquée dans la
perpétration du génocide et en donne pour preuve le fait que c’est le militaire qui vivait chez
NYIRASHAKO qui, le premier, frappa KARUHIMBI, que NYIRASHAKO réagit à cette
accusation en disant que ce militaire vivait chez elle parce qu’il y avait trouvé refuge ;
Attendu qu’à la question de savoir ce que ce militaire aurait dit à KARUHIMBI, si ce militaire
vivait dans la même maison qu’elle et ce qu’elle aurait fait pour voler au secours de
KARUHIMBI lorsque ce militaire l’a battue au point de lui arracher les dents, NYIRASHAKO
répond qu’elle vivait effectivement avec ce militaire, qu’avant de fuir, KARUHIMBI lui a dit
qu’elle se rendait au Zaïre et a pris pour toute provision de la bière de sorgho en se faisant passer
pour une vendeuse, qu’elle a chauffé de l’eau pour masser KARUHIMBI à la suite des coups
qui lui avaient été administrés par ce militaire et qu’enfin elle a saisi de ce cas les autorités en
commençant par celles au niveau de cellule;
Attendu qu’interrogé sur la manière dont on a arraché les dents à KARUHIMBI, BARITIMA
Jules explique qu’il l’a vue saigner mais qu’il n’a rien vu d’autre ;
Attendu que le Ministère Public soutient que ce militaire est sorti de la maison de
NYIRASHAKO en disant que les minables Tutsi lui rendaient la vie difficile, que
NYIRASHAKO était bien là, que ce militaire a aussitôt frappé KARUHIMBI, que celle-ci a
appelé BARITIMA Jules à son secours mais en vain, que cependant Jules explique qu’il n’avait
pas les moyens de la secourir ;
Attendu qu’invité à émettre son avis, BARITIMA Jules répond que THERESE l’a fait arrêter à
un endroit dit «ETAG » directement après son retour d’exil, que les témoins à sa charge à savoir
NYIRANGIRUMPATSE, KAREMERA, UWIMBABAZI, MUKANYIRIGIRA,
NZAYISENGA, NYIRAMABIRIKA, SAFARI et UZABUMUKOBWA se sont en même
temps constitués parties civile et qu’il ne connaît même pas les trois derniers témoins ;
4ème feuillet.
Attendu qu’invitée à émettre son dernier avis, NYIRASHAKO dit que sa belle-fille VESTINE
l’accuse injustement parce qu’à l’époque des faits elle était séparée de son mari, qu’elle lui a
conseillé d’aller chez sa tante maternelle qui est aussi l’épouse de MINGA parce que deux
enfants se cachaient déjà à son domicile et qu’elle craignait que les Interahamwe ne reviennent et
ne l’y trouvent, qu’elle ajoute que ceux qui l’accusent sont issus d’une même famille et qu’ils lui
en veulent parce qu’elle a plus de biens qu’eux, que dès lors, elle demande au Tribunal de
l’acquitter des infractions à sa charge ;
151
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
Attendu que les parties civiles n’ont pas été invitées à se constituer dans les délais, que la seule
partie civile qui a pu se présenter à l’audience a demandé au Tribunal de leur accorder
suffisamment de temps pour pouvoir se constituer et que le Tribunal a accédé à cette requête ;
Attendu que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public et que
dans ses réquisitions il retrace l’historique du présent procès, qu’il clôture son réquisitoire en
demandant que les deux prévenus en l’occurrence BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie
soient respectivement rangés dans la première et deuxième catégorie en application de la Loi
organique n°08/96 du 30/08/1996, qu’il requiert contre eux la peine capitale pour le crime de
génocide et l’infraction d’assassinat, une peine d’emprisonnement de 20 ans pour l’infraction de
dévastation du pays, de massacre et de pillage, une peine d’emprisonnement de 10 ans pour
l’infraction d’association de malfaiteurs, une peine d’emprisonnement de 5 ans pour l’infraction
de destruction et de dégradation de maisons d’autrui, une peine d’emprisonnement de 2 ans pour
l’infraction de violation de domicile au moyen de menaces, la peine d'emprisonnement à
perpétuité pour l’infraction de participation criminelle prévue aux articles 89 et 90, 3° du Code
pénal Livre I, que dans la mesure où toutes ces infractions sont en concours idéal tel que prévu
par l’article 93 du Code pénal Livre I, il requiert spécialement contre NYIRASHAKO Léonie la
peine d’emprisonnement à perpétuité et la dégradation civique prévue par l’article 66 du Code
Pénal Livre I, qu’il demande enfin que les frais d’instance soient mis à charge des deux
prévenus et que des dommages et intérêts soient alloués aux parties civiles ;
Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA Claude
répond qu’il demande des dommages et intérêts sur base de la douleur qu’il ressent suite à la
perte de sa mère KARUHIMBI et de son grand frère KABALISA, qu’il dirige son action contre
ceux qui les ont tués à savoir BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie, qu’il poursuit en
disant que cette dernière a induit en erreur sa mère à laquelle elle a arraché les dents en lui
demandant de trouver refuge ailleurs, que celle-ci a fini par partir mais que dans sa fuite elle est
arrivée sur une barrière tenue par le frère de BARITIMA et que c’est là qu’elle a trouvé la mort ;
Attendu que KAREMERA charge BARITIMA Jules d’avoir assassiné sa mère KARUHIMBI et
son petit frère KABALISA avec l’aide de NYIRASHAKO Léonie et qu’il leur demande de
l’indemniser, qu’invité à produire les preuves de ce qu’il avance, il répond que NYIRASHAKO
est venue à leur domicile et y a enlevé KABALISA et qu’une heure plus tard celui-ci a été tué,
que RUTAYISIRE et lui se cachaient ensemble derrière le domicile de Jules, que lorsqu’ils ont
voulu se réfugier ailleurs, ils ont dû aider RUTAYISIRE à escalader la clôture mais que celui-ci
n’y est pas parvenu, que c’est de cette façon que Jules l’a trouvé là et l’a tué ;
Attendu qu’invitée à expliciter les dommages et intérêts qu’elle réclame, MUREKATETE dit
152
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
que ces dommages et intérêts résultent de la perte de sa mère tuée par BARITIMA, que celui-ci a
vu cette dernière lorsqu’il était venu piller des biens dans leur maison, qu’il est directement allé
alerter les miliciens Interahamwe qui sont venus à bord d’un véhicule dans lequel ils ont
emmené sa mère au bureau communal où il y avait une grande fosse au fond de laquelle des
victimes étaient précipitées, que son père à lui a passé trois jours dans cette fosse avant de rendre
l’âme, mais que Jules y est retourné pour l’achever, et que Jules a tué beaucoup d’autres victimes
en les brûlant avec du pétrole ;
Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI déclare que son
action est dirigée contre BARITIMA Jules qui a assassiné sa tante paternelle KARUHIMBI qui
payait ses frais d’études et au domicile de laquelle il passait ses vacances, qu’il soutient donc que
c’est bien lui qui a tué sa tante puisqu’après son forfait il a changé la disposition de la porte de la
maison de cette dernière de manière à ce que celle-ci donne directement sur sa maison à lui et
qu’après ces transformations il a mis la maison de sa tante en location ;
Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAFARI dit que
BARITIMA a tué son père avec la complicité de l’Etat au service duquel il agissait, qu’il ne
doute pas un seul instant
5ème feuillet.
que c’est bien lui et ses acolytes qui l’ont tué parce qu’ils les a vu l’emmener, car il était dans les
environs lorsque cela est arrivé, que pour cette raison il réclame les dommages et intérêts
s’élevant à 50.000.000 Frw parce qu’il a perdu un père qui les nourrissait, lui et ses six petits
frères à savoir DUSABIMANA, MUGABO, DIANE, DIDIER, BOBO et ASHIHE, et qu’ils ont
tous dû suspendre leurs études pour cause de manque de moyens ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter à sa demande, il demande au
Tribunal de leur rendre justice au plus vite dans la mesure où ils mènent actuellement une vie
très difficile ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, le nommé NGIRUMPATSE explique qu’il a vu de ses
propres yeux, à partir de chez RUCANANKUBIRI où il se cachait, NYIRASHAKO conduire
KABALISA chez elle d’où BARITIMA l’a ensuite emmené, après quoi ils l’ont directement
tué ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, UMUTONI explique qu’elle se cachait tout près de chez
NYIRASHAKO lorsqu’elle a vu KABALISA là où on l’avait fait asseoir, que plus tard elle
entendra BARITIMA se vanter que l’ennemi KABALISA venait de mourir ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, NIWEMWANA explique qu’en date du 30/04/1994 elle
était avec d’autres personnes lorsqu’elle a croisé BARITIMA Jules en compagnie des miliciens
Interahamwe armés de machettes, que ceux-ci leur ont demandé de présenter leurs cartes
d’identité après quoi ils sont allés chercher un véhicule pour les emmener, qu’à l’arrivée du
véhicule ils ne les ont pas fait monter à bord pour des raisons qu’elle ignore, que cette opération
ayant tourné court, BARITIMA est allé piller des biens dans leur domicile suite à quoi ils ont fui,
que cependant il avait vu auparavant BARITIMA brûler avec du pétrole une femme inconnue,
ainsi que le nommé Emmanuel qui faisait du commerce au marché, qu’elle soutient que toutes
les attaques qui ont été menées dans cette région étaient dirigées par BARITIMA parce qu’il
était responsable de cellule ;
Attendu qu’interrogé sur le montant des dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA
153
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
explique qu’étant donné leurs biens qui ont été pillés et l’importance des membres de sa famille
tués, surtout que ce sont eux qui payaient son minerval et subvenaient à ses autres besoins, qu'il
demande que l’Etat rwandais soit condamné solidairement avec les auteurs des faits qui lui ont
causé un préjudice à lui verser les dommages et intérêts de 22.000.000 Frw ;
Attendu qu’interrogé sur le montant des dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI demande
qu’il lui soit alloué des dommages et intérêts de 10.000.000 Frw ;
Attendu qu’invitée à préciser le montant des dommages et intérêts qu’elle réclame, UWIMANA
Jeanne d’Arc dit que son oncle RINGA subvenait à tous ses besoins et que pour cela elle
voudrait être indemnisée pour un montant de 12.000.000 Frw ;
Attendu qu’invité à réagir aux accusations portées contre lui par ceux qui le chargent et dont
certains se sont constitués parties civiles, BARITIMA Jules répond que toutes ces personnes
l’accusent injustement, que concernant les dommages et intérêts, il dit qu’il ne saurait les payer
parce qu’il n’a rien fait ;
Attendu qu’interrogé sur le sort qui serait le sien au cas où sa culpabilité serait retenue, il répond
qu’il appartient au Tribunal de se prononcer et qu’en tout état de cause il ne possède pas
suffisamment de biens pour désintéresser ces parties civiles ;
Attendu que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public et
qu’il dit que les preuves qu’il a pu rassembler contre les prévenus sont amplement suffisantes,
qu’il trouve plutôt que les dommages et intérêts réclamés ne sont pas suffisants au vu des faits
accablants reprochés aux prévenus ;
Attendu qu’invitée à réagir aux accusations dont elle fait l’objet de la part des personnes dont
certaines se sont constitués parties civiles, NYIRASHAKO Lénie répond qu’outre le fait d’être
injustement accusée elle trouve que les dommages et intérêts qui lui sont réclamés dépassent
largement les moyens dont elle dispose, qu’elle rappelle toutefois qu’elle n’a pas encore perdu la
cause et demande que des enquêtes supplémentaires soient menées ;
Attendu que la parole est accordée à KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public et
qu'il dit que les enquêtes qui ont été menées jusqu’ici sont amplement suffisantes et qu’une
nouvelle enquête serait sans objet, que quant aux dommages et intérêts demandés, il les trouve
très en deçà du montant qui aurait dû être réclamé compte tenu du nombre des victimes tuées par
BARITIMA, surtout que le nombre de parties civiles pourrait augmenter à l’avenir, que pour
cette raison, il a ajouté 50.000.000 Frw au montant global des dommages et intérêts réclamés
par les actuelles parties civiles en faveur de celles qui sont présentement inconnues ;
Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner et qu’il y a lieu de se
retirer pour dire le droit ;
Constate que l’action introduite par le Ministère Public ainsi que celle intentée par les parties
154
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO ont régulièrement été cités à comparaître
6ème feuillet.
et qu’en date du 20/06/97 le Tribunal a suspendu l’audience pour mener ses propres enquêtes
puis l’a renvoyée au 26/06/1997, date à laquelle les deux prévenus ont comparu et plaidé
personnellement leur cause ;
Constate qu’une fois devant le Tribunal, BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont été
invités à se défendre sur les préventions dont celle de génocide mises à leur charge par le
Ministère Public ;
Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont tué KABALISA Dieudonné et sa
mère KARUHIMBI, que la preuve en est les procès - verbaux d’audition transmis au Tribunal
par le Ministère Public ainsi que les déclarations des témoins en l’occurrence NDAYISENGA,
SAYIDI, NIWEMWANA, MUREKATETE, NGIRUMPATSE, UWIMANA, UMUTONI et
beaucoup d’autres qui chargent BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie de ces atrocités,
infractions qu’ils ont commises avec l’unique intention d’exterminer une partie de la population ;
Constate que ces témoins sont venus déposer à charge de BARITIMA Jules et NYIRASHAKO
Léonie à l’audience du 12/06/1997, à celle du 15/06/1997 ainsi qu’à celle du 26/06/1997 et que
leurs témoignages s’accordent sur un point, à savoir que les deux prévenus ont perpétré des
tueries ;
Constate que BARITIMA Jules est poursuivi pour génocide, assassinat, association de
malfaiteurs et dévastation du pays, massacre et pillage ;
Constate que la prévention d’assassinat est établie à charge de BARITIMA Jules tel qu’il ressort
des déclarations des témoins entendus, de l’instruction menée par le Ministère Public et des
résultats de l’enquête effectuée par le Tribunal ;
Constate que la prévention d’association de malfaiteurs est établie à charge de BARITIMA Jules
tel qu’explicité dans les précédents « Constate » ;
Constate que les préventions à charge de BARITIMA Jules sont en concours idéal tel que prévu
par l’article 93 Code Pénal Livre I, qu'ainsi BARITIMA Jules doit être condamné pour la
prévention la plus grave à savoir la prévention de génocide ;
Constate que BARITIMA a commis toutes ces infractions avec la ferme intention d’exterminer
une partie de la population par exemple en portant atteinte à leur intégrité physique, qu’il a
commis ces faits entre le 07/07/1994 et le 17 /07 /1994 avec une extrême méchanceté tel que
prévu par les lois nationales et les conventions internationales ;
155
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné avec le concours de
BARITIMA Jules ;
Constate que des témoins chargent NYIRASHAKO Lénie d’avoir été complice de l’assassinat de
KABALISA car, comme cela est soutenu par ces témoins, elle est allée le prendre à son
domicile, et que par la suite les Interahamwe l’ont trouvé chez NYIRASHAKO et lui ont donné
la mort ;
Constate que NYIRASHAKO est poursuivie pour avoir comploté contre KABALISA
Dieudonné ;
Constate qu’aux dates susmentionnées les témoins se sont présentés à l’audience pour charger
NYIRASHAKO Lénie et qu’ils sont tous unanimes pour dire que cette dernière a fait tuer
KABALISA Dieudonné ;
Constate que cette complicité d’assassinat est établie à charge de NYIRASHAKO Lénie tel qu’il
ressort des déclarations des témoins qui ont déposé à sa charge et qu’elle reconnaît que les
miliciens INTERAHAMWE ont tué KABALISA après l’avoir délogé de son domicile à elle ;
Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné par pure méchanceté et
qu’ainsi elle est rangée dans la 2ème catégorie ;
Constate que pour toutes les raisons développées ci-dessus BARITIMA Jules est rangé dans la
1ère catégorie ;
Constate que les dommages et intérêts réclamés par KARUHIMBI, MUREKATETE, SAYIDI et
KAREMERA conjointement avec le Ministère Public pour la perte des membres de leur famille
et de leurs biens sont fondés, mais que le Tribunal va les évaluer dans sa sagesse;
7ème feuillet.
Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er
octobre 1990 spécialement en ses articles 1, 2, 14, 18, 20, 21, 29, 30, 39 ;
Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale en ses articles 16, 58, 59, 61, 71, 73,
156
RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997
RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI
Vu la Loi n°21/77 du 18/08/1997 portant Code pénal en ses articles 89,90, 91, 93, 168, 281, 282,
283, 304, 305, 312 et 444 ;
Décide de recevoir l’action intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;
Déclare que les infractions à charge de BARITIMA Jules sont en concours idéal, qu'ainsi il doit
être condamné pour l’infraction la plus grave c’est à dire celle de génocide ;
Lui ordonne de verser au trésor public les frais d’instance équivalant à 4.000 Frw sous peine de
s’exposer, en cas d’inexécution, à une contrainte par corps de 30 jours suivie d’une exécution
forcée sur ses biens ;
Leur ordonne de payer dès le prononcé de ce jugement la somme de 78.000 Frw au titre de droit
proportionnel de 4 % sinon exécution forcée sur leurs biens ;
GREFFIER
BAYINGANA J.B
Sé/
157
158
CHAMBRE SPECIALISEE
DE GITARAMA
159
160
N° 6
4. 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus –concours idéal d'infractions – deuxième catégorie –
emprisonnement à perpétuité et dégradation civique limitée.
1. Les prévenus ne pouvant pas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours en
même temps, ils sont tous acquittés de l’infraction de non-assistance à personnes en
danger, y compris le prévenu qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité pour l’ensemble des infractions.
161
infractions avouées par le 1er prévenu le rangent en deuxième catégorie; contrairement aux
réquisitions du Ministère Public qui soutient que le prévenu a avoué après poursuites et
réclame une peine d’emprisonnement de douze ans, le Tribunal constate que le prévenu a
recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites, dès la
publication de la loi.
En application de l'article 15a de la Loi organique du 30/08/1996, il est condamné à une
peine d'emprisonnement de 10 ans.
3. Sont déclarées établies à charge des 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus, les infractions
d'assassinat et d'association de malfaiteurs, car :
- certains prévenus ont avoué, lors de l'instruction préparatoire, avoir participé à
l'assassinat des victimes ;
- les prévenus s'accusent mutuellement d'avoir participé aux assassinats ;
- leur coprévenu qui a recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité les
met en cause ;
- les prévenus sont accusés par de nombreux témoins entendus lors de l'instruction
préparatoire ;
- même si certains prévenus disent être mis en cause injustement, ils n'indiquent pas la
raison pour laquelle ils auraient été accusés à tort ;
Les infractions établies sont constitutives du crime de génocide, car les victimes ont été
visées en raison de leur appartenance ethnique.
4. Les infractions établies à charge des 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus ont été commises en
concours idéal et les rangent dans la deuxième catégorie. Ces prévenus sont condamnés à
l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique telle que prévue par l'article 66,
2°, 3° et 5° du Code pénal.
5. L’action des parties civiles est recevable et partiellement fondée. Des dommages moraux
doivent être accordés tant à l’épouse et à la mère des deux victimes qu’aux enfants
survivants. Les montants réclamés à ce titre sont cependant excessifs, et le Tribunal
procède à une évaluation ex æquo et bono. La demande visant l’allocation de dommages
et intérêts matériels est rejetée, la partie civile restant en défaut de rapporter la preuve de
ces dommages, et les prévenus n’ayant pas été poursuivis pour destruction ou dégradation
de biens, infractions auxquelles se seraient rattachés les dommages réclamés .
162
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
(Traduction libre)
1er feuillet.
JUGEMENT DU 02/04/1999
CONTRE :
Préventions :
163
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
2ème feuillet.
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteurs, coauteurs ou
complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre premier et l’article 3a
de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, assassiné NDAGIJIMANA Alexis et son fils
SINGIZIMANA Léonard, infraction prévue et punie par l’article 312 du Code pénal Livre II ;
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, alors qu’ils en étaient capables et
qu’il ne pouvait en résulter aucun danger pour eux et pour les tiers, omis de porter secours aux
personnes qui se trouvaient en péril, infraction prévue et punie par l’article 256 du Code pénal
Livre II ;
PARTIES CIVILES :
164
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
LE TRIBUNAL,
Vu que le dossier de cette affaire a été inscrit au rôle sous le n° RP 70/GIT/CH.S/2/99 en date du
04/01/1999 ;
Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui dit que le prévenu
BUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité
prévue par la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des
infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, qu’il a décrit les
circonstances des faits tout en indiquant les noms de ses coauteurs et a présenté ses excuses ;
Attendu qu’en vertu de la loi ci-haut citée, le représentant du Ministère Public requiert la peine
de 12 ans d’emprisonnement à charge de BUGIRIMFURA Emmanuel ;
Attendu qu’invité à dire s’il ne va pas interjeter appel contre la décision qui sera prise par le
Tribunal sur son cas, il répond par l’affirmative ;
Attendu qu’il continue en disant qu’il est parti en compagnie de RUHANIKA Michel,
KABANDA et MUSABYIMANA et qu’ils sont allés voir HABIMANA Célestin avec lequel ils
se sont rendus chez NDAGIJIMANA où ils ont trouvé son épouse et ses trois enfants, qu’à ce
moment KABANDA a demandé à cette dame de lui présenter sa carte d’identité qu’il a
examinée, que RUHANIKA, MUSABYIMANA et HABIMANA Célestin sont entrés dans la
cuisine d’où ils ont sorti NDAGIJIMANA Alexis qui avait entre ses mains un maïs grillé, que
NCYUYUBUHORO Obald, KABANDA Edouard et Emile le fils de Balthazar ont sorti
SINGIZIMANA Léonard d’une autre maison et l’ont placé à côté de son père NDAGIJIMANA,
qu’ils leur ont demandé de leur donner leurs cartes d’identité mais que NDAGIJIMANA n’a pas
pu en produire tandis que SINGIZIMANA leur a montré la sienne ;
165
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
Attendu qu’il déclare qu’ils ont dit à NDAGIJIMANA qu’étant donné que la carte d’identité de
son fils porte la mention de l’ethnie Tutsi, il est lui aussi Tutsi, qu’ils les ont alors emmenés chez
le nommé MPARAYE mais qu’ils n’avaient pas encore croisé FASHAHO à ce moment ;
Attendu que BUGIRIMFURA dit qu’arrivés chez FASHAHO, ils lui ont demandé sa carte
d’identité, qu’il n’a pas pu la leur montrer et leur a dit l’avoir égarée depuis longtemps, qu’ils
lui ont demandé si NDAGIJIMANA n’était pas son oncle, mais qu’il a nié avoir une parenté
quelconque avec lui, qu’il leur a dit être en possession de la carte d’identité de son grand frère et
qu’il peut la leur montrer pour vérification de son ethnie, qu’ils ont alors constaté que ladite
carte d’identité portait la mention de l’ethnie Hutu ;
4ème feuillet.
qu’ils n’en ont pas été convaincus et sont allés s’informer auprès de BICAMUMPAKA qui leur
a confirmé que MPARAYE est de l’ethnie Hutu, qu’ils ont emmené NDAGIJIMANA et son fils
SINGIZIMANA Léonard et que, arrivés derrière le domicile de BUGUMYA, ils ont croisé
plusieurs personnes en provenance de GATONGATI qui ont commencé à donner des coups à
NDAGIJIMANA Alexis en exigeant qu’il produise sa carte d’identité ;
Attendu qu’il affirme que c’est à ce moment qu’il a suggéré à SINGIZIMANA Léonard de se
sauver car son père allait être tué, que SINGIZIMANA est descendu en courant mais qu’il a été
rattrapé et ramené, qu’il ne connaît cependant pas ceux qui l’ont rattrapé à part qu’ils étaient
nombreux ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il plaide coupable des faits qui lui sont reprochés,
RUHANIKA Michel avoue avoir participé à l’attaque qui a coûté la vie à NDAGIJIMANA et
son fils, mais dit qu’il a agi sous la contrainte, qu’il n’a cependant rien fait à leur arrivée au
domicile de NDAGIJIMANA, qu’il reconnaît seulement avoir fait partie du groupe de gens qui
les ont emmenés et qui, arrivés derrière le domicile de BUGUMYA, ont croisé un groupe de
personnes en provenance de GATONGATI qui leur ont demandé où ils conduisaient les
victimes, ce à quoi ils ont répliqué les emmener à KABGAYI où étaient les autres, que c’est
alors qu’ils ont commencé à les rouer de coups et qu’il en présente ses excuses ;
Léonard s’est sauvé en courant, que BUGIRIMFURA a donné l’ordre de le ramener et qu’ils
l’ont tué ;
166
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
Attendu que MUSABYIMANA Théoneste dit qu’il plaide coupable d’association de malfaiteurs
seulement et précise qu’il a été incorporé dans ce groupe par des gens qui l’ont trouvé chez lui,
que ce groupe de malfaiteurs n’avait pas pour but de sauver des gens mais plutôt de tuer et que
c’est ainsi qu’il a tué NDAGIJIMANA Alexis et son fils SINGIZIMANA Léonard, qu’il n’a pas
quant à lui pris part à ce crime auquel il assistait passivement pour cause de maladie car il venait
à peine de quitter l’hôpital de NYARUSANGE, que c’est à tort que FASHAHO et
BUGIRIMFURA le mettent en cause, mais qu’il ne saurait en indiquer le motif ;
Attendu que FASHAHO Jean plaide non coupable de toutes les infractions qui lui sont
reprochées et dit qu’il n’était pas présent au moment de leur perpétration, que BUGIRIMFURA
le met injustement en cause, lui en voulant de l’avoir vu chez NDAGIJIMANA Alexis qui venait
d’être tué avec son fils, qu’à la question de savoir ce qu’il allait faire chez NDAGIJIMANA
alors que celui-ci était mort, il répond qu’il voulait voir ce qui s’était passé là ;
Attendu que RUHANIKA Michel, interrogé sur la présence de FASHAHO sur les lieux où se
trouvaient les victimes, répond que l’intéressé était là et fait partie de ceux qui leur donnaient des
coups ;
Attendu qu’à la question posée à MUSABYIMANA de savoir si FASHAHO fait partie des gens
qui donnaient des coups aux victimes NDAGIJIMANA et son fils, il répond l’avoir vu sur les
lieux mais qu’il est arrivé après la mort desdites victimes, que HABIMANA Célestin affirme
quant à lui ne pas l’avoir vu à cet endroit ;
5ème feuillet.
Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui dit que les prévenus
réfutent les faits qui leur sont reprochés alors qu’ils s’en sont rendus coupables, que
RUHANIKA a avoué lors de son premier interrogatoire mais qu’il s’est rétracté par la suite
alléguant avoir été soumis à la contrainte sans pouvoir le prouver, que le prévenu prétend qu’il se
trouvait à l’hôpital alors qu’il était en compagnie de son frère KABANDA Edouard, que ses co-
prévenus qui le mettent en cause n’ont pas confirmé la contrainte dont il aurait été l’objet ;
Attendu que le représentant du Ministère Public qualifie de mensongères toutes les allégations de
HABIMANA car dit-il, dans sa déclaration du 04/03/1996, il a affirmé avoir croisé ceux qui
venaient de tuer les victimes dont il est question dans le présent dossier, mais qu’il ne faisait pas
partie de ce groupe, qu’il a par ailleurs reconnu devant le Tribunal avoir fait partie du groupe qui
a emmené les victimes, qu’ainsi son système de défense n’a pour but que d’induire le Tribunal
en erreur, ignorant délibérément les témoignages faits à sa charge ;
Attendu qu’il poursuit en disant que dans sa défense devant le Tribunal, MUSABYIMANA dit
qu’il était malade quand NDAGIJIMANA et son fils ont été tués, alors que, dans son
interrogatoire du 03/11/1997, il a affirmé qu’il venait de rendre visite à son petit frère quand il
est arrivé sur les lieux du crime, que cependant cette première déclaration ne saurait être prise en
compte surtout que ses co-prévenus le chargent ;
Attendu qu’il dit que FASHAHO plaide non coupable alors qu’il se trouvait sur les lieux où
SINGIZIMANA a été tué et qu’il a participé à ce crime tel qu’il en est chargé par RUHANIKA
et BUGIRIMFURA dans leurs déclarations respectives, que c’est en désespoir de cause qu’il
adopte un tel système de défense qui ne saurait lui être utile, qu’il n’est pas étonnant par ailleurs
167
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
que MUSABYIMANA et HABIMANA essaient de le disculper dès lors qu’ils ont eux-mêmes
commencé par réfuter les faits à leur charge et n’ont avoué qu’une fois devant le Tribunal, que
partant, le système de défense de FASHAHO est sans fondement ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public prend la parole et dit que FASHAHO ne passait pas
toute la journée au service de NYANDWI Faustin, qu’il estime que NYANDWI Faustin ne
pourrait apporter aucun éclaircissement au Tribunal, à moins qu’il soit au courant de l’heure de
la mort de NDAGIJIMANA ;
Attendu que BUGIRIMFURA dit que FASHAHO ment car il est venu en compagnie de
BUNANI, faisant partie des personnes qui sont allées emmener SINGIZIMANA Léonard pour le
tuer, et qu’il a appelé NYIRAMASUKA quand ils sont arrivés chez BUGUMYA ;
Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU, Conseil des parties civiles ayant pour interprète
KAKUZE Joséphine se présente, que l’interprète prête serment de remplir fidèlement la mission
qui lui est confiée ;
Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU produit l’autorisation de plaider qui lui a été
délivrée en date du 11/03/1999 par le barreau du Rwanda en vue de représenter
NYIRAMASUKA et ses enfants qui se sont constitués parties civiles dans cette affaire ;
Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU est accompagné par l’interprète KAKUZE
Joséphine qui prête serment de remplir fidèlement sa mission ;
6ème feuillet.
Attendu qu’invitée à expliciter les dommages-intérêts réclamés par les parties civiles ainsi que
leur fondement, Maître Véronique CHAUVEAU dit que NYIRAMASUKA Euphrasie s’est
constituée partie civile en cette affaire suite à l’assassinat de son mari NDAGIJIMANA Alexis et
de son fils SINGIZIMANA Léonard, ainsi qu’à la destruction de sa maison et la dégradation de
sa bananeraie et des arbres fruitiers, qu’elle dit que NYIRAMASUKA a perdu son mari qui
devait l’aider à éduquer tous les enfants y compris ceux qui sont encore en bas âge, qu’elle
précise que leur action vise tant les dommages moraux que matériels ;
Attendu qu’elle dit que les dommages – intérêts qu’elle réclame pour NYIRAMASUKA et ses
ayants cause sont les suivants : 2.461.600 Frw de dommages matériels, 82.000.000 Frw de
dommages moraux pour NYIRAMASUKA et ses enfants suite à l’assassinat de son mari et de
son fils, soit au total 2.461.600 Frw + 82.000.000 Frw =84.461.600 Frw à allouer à
NYIRAMASUKA Euphrasie par tous les prévenus ;
Attendu que tous les prévenus présentent leur défense sur l’action civile, que BUGIRIMFURA
dit qu’il n’a rien endommagé au préjudice de NYIRAMASUKA Euphrasie et que ses biens ont
été plutôt détruits et dégradés par le groupe venu de GITONGATI, que RUHANIKA,
HABIMANA, FASHAHO et MUSABYIMANA disent tous qu’ils sont incapables de réunir les
sommes réclamées ;
168
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui remet au Tribunal la
note de fin d’instruction contenant l’exposé des faits et des preuves à charge de RUHANIKA
Michel, HABIMANA Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean et dans
laquelle il requiert que BUGIRIMFURA Emmanuel soit rangé dans la deuxième catégorie et soit
condamné à la peine d’emprisonnement à perpétuité pour le crime d’assassinat, à 20 ans
d’emprisonnement pour association de malfaiteurs, à 5 ans d’emprisonnement pour non-
assistance aux personnes en danger, mais qu’il requiert en définitive la peine de 12 ans
d’emprisonnement prévue par l’article 16 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 au motif
que BUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité
après les poursuites et que ses aveux remplissent les conditions prévues à l'article 6 de la loi ci-
haut citée ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public requiert que RUHANIKA Michel, HABIMANA
Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean soient rangés dans la deuxième
catégorie et soient condamnés à l’emprisonnement à perpétuité pour assassinat, 20 ans
d’emprisonnement pour association de malfaiteurs, 5 ans d’emprisonnement pour non-assistance
à personnes en danger ainsi qu’à la dégradation civique et au paiement solidaire des frais de la
présente instance, l’action civile étant laissée à la diligence des parties lésées ;
Attendu que les prévenus sont invités à conclure, que RUHANIKA dit qu’il continue à plaider
coupable, que HABIMANA présente des excuses et dit qu’il a été entraîné dans un crime qui
n'était pas nécessaire, que MUSABYIMANA dit quant à lui qu’il est arrivé sur les lieux du crime
mais n’y a pas participé,
7ème feuillet.
qu’il a fait une fausse déclaration au parquet en affirmant qu’il est passé à cet endroit en allant
rendre visite à son petit frère, que FASHAHO demande au Tribunal de faire une enquête ;
Attendu que les débats sont clos, que la date du prononcé est fixée au 02/04/1999 à 14 heures et
est annoncée publiquement et signifiée à toutes les parties, que le Tribunal prend l’affaire en
délibéré ;
Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme et, après
examen, constate que l’une des préventions n’est pas fondée ;
Constate que l’examen des infractions de génocide ou d’autres crimes contre l’humanité mises à
charge de BUGIRIMFURA Emmanuel et ses 4 co-prévenus par le Ministère Public doit être
précédé par celui de leurs éléments constitutifs ;
Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel s’est conformé sans contrainte à la loi susmentionnée
169
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
dès sa publication tel qu’il l’a lui-même confirmé au cours des débats, qu’il doit ainsi bénéficier
d’une diminution de la peine en vertu de l’article 15 a) de la loi organique n° 08/96 du
30/08/1996 ci- haut citée ;
Constate que même s’il plaide coupable de toutes les infractions, BUGIRIMFURA Emmanuel ne
peut être condamné du chef de non-assistance à personnes en danger étant donné qu’il ne pouvait
pas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours en même temps, qu’il doit ainsi être
puni pour les deux crimes restants qui constituent le crime de génocide ou autres crimes contre
l’humanité ;
Constate que le crime d’assassinat commis sur les personnes de NDAGIJIMANA Alexis et son
fils SINGIZIMANA Léonard en raison de leur appartenance à l’ethnie Tutsi est établi à charge
de RUHANIKA Michel, MUSABYIMANA Théoneste, HABIMANA Célestin et FASHAHO
Jean, car RUHANIKA Michel a, au cours de l’instruction préparatoire, avoué avoir, en
compagnie de CYUBUHORO non poursuivi dans la présente affaire, tué NDAGIJIMANA
Alexis à coups de massue, et qu’il est par ailleurs mis en cause par son co-prévenu
FASHAHO Jean qui dit qu’ils ont tué SINGIZIMANA Léonard, ainsi que par les témoins
MINANI Pierre, MUTARAMBIRWA Léonidas, MURAGIJEYEZU Hélène, SEBYENDA
Védaste, BUGUMYA Eulade, MPARAYE Emmanuel et NTAGUNGIRA Onesphore qui ont été
entendus par le Ministère Public au cours de l’instruction préparatoire ;
8ème feuillet.
Constate que les moyens de défense de FASHAHO Jean qui plaide non coupable sont non
fondés pour les motifs cités précédemment, surtout que, au cours des débats en audience, son co-
prévenu BUGIRIMFURA Emmanuel qui plaide coupable l’a mis en cause en affirmant que
FASHAHO Jean faisait partie du groupe des personnes qui ont ramené SINGIZIMANA Léonard
pour le tuer au même endroit que son père et qu’il lui donnait des coups, FASHAHO n’ayant pas
pu contredire cette affirmation à part dire qu’il est injustement mis en cause sans cependant
indiquer le conflit qu’il a avec tous ceux qui le chargent, qu’il ne peut dès lors échapper à la
condamnation car tous ceux qui le chargent, y compris BUGIRIMFURA Emmanuel, affirment
l’avoir vu parmi les assassins des victimes, les faits ayant été perpétrés en plein jour ;
Constate que l’infraction d’association de malfaiteurs est elle aussi établie à charge des prévenus
tel que ci- haut démontré car ils ont tous ensemble tué NDAGIJIMANA Alexis et son fils
SINGIZIMANA Léonard, qu’ils doivent en être punis ;
Constate que toutes les infractions établies à charge des prévenus en cette affaire sont en
concours idéal car elles ont été commises dans l’intention de détruire le groupe ethnique Tutsi,
ainsi que les Hutu opposés au régime de l’époque ;
Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel doit bénéficier d’une diminution de la peine car il a
plaidé coupable et présenté ses excuses ;
170
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
Constate que NYIRAMASUKA Euphrasie et ses enfants se sont tous constitués parties civiles
dans la présente affaire, que leur Conseil, Maître Véronique CHAUVEAU, a démontré le
fondement des dommages – intérêts et prouvé l’existence des liens de parenté entre les parties
civiles et les victimes, que des dommages-intérêts doivent leur être alloués ex aequo et bono par
le Tribunal car ceux réclamés sont excessifs ;
Constate cependant que seuls les dommages moraux doivent être alloués en cette affaire car,
relativement aux dommages matériels, Maître Véronique CHAUVEAU n’en a pas rapporté la
preuve et que le Ministère Public n’a pas initié l’action publique de destruction ou dégradation
des biens qui devrait en constituer la base ;
9ème feuillet.
Vu la Loi Fondamentale, spécialement la Constitution du 10 juin 1991 en ses articles 12, 14, 16,
33, 92, 93 et 94 ;
Les Accords de Paix d'ARUSHA dans sa partie relative au partage du pouvoir spécialement en
ses articles 25, 26 ;
Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou d’autres crimes contre l’humanité commises à partir du 1er
octobre 1990 jusqu’au 31/12/1994 en ses articles 2, 4, 6, 14, 15, 16, 17, 19, 24 ;
Vu le Code de procédure pénale spécialement en ses articles 58, 73, 76, 80, 90 ;
Déclare recevables l’action du Ministère Public et celle des parties civiles car elles sont
régulières en la forme ;
Déclare que le contenu des 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème, 10ème, 11ème et 12ème « constate » du
présent jugement doit être respecté ;
171
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
Condamne tous les prévenus à payer les frais de la présente instance s’élevant à 29.750 Frw dans
le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcée
sur leurs biens ;
10ème feuillet.
Les condamne en outre à lui allouer solidairement les dommages moraux évalués à 800.000 Frw
suite à l’assassinat de son fils SINGIZIMANA Léonard et payables dans le délai sous peine
d’une contrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;
Leur ordonne de payer à NYIRAMASUKA Euphrasie tous les dommages moraux s’élevant à
6.300.000 Frw dans le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de 60 jours suivie de
l’exécution forcée sur leurs biens ;
Leur ordonne de payer solidairement 252.000 Frw représentant le droit proportionnel de 4% des
dommages intérêts dans le délai immédiat sinon exécution forcée sur leurs biens ;
Rappelle que le délai pour interjeter appel est de 15 jours à compter du prononcé ; mais que cela
ne concerne pas BUGIRIMFURA Emmanuel qui a plaidé coupable et présenté ses excuses tel
que prévu par la loi ;
172
RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999
RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA
SIEGE
Greffier
USHIZIMPUMU Sylvère
(sé)
173
174
CHAMBRE SPECIALISEE
DE KIBUNGO
175
176
N°7
2. 1er,2ème, 3ème 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus – aveux - infractions établies (crime
de génocide, assassinat, attentat ayant pour but de porter dévastation, massacres et pillage).
4. 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus – intention délictueuse unique –
concours idéal.
6. 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus – deuxième catégorie – procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité avant poursuites (article 15 de la Loi organique du 30/08/1996) – 11 ans
d’emprisonnement.
7. 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus – aveux pour la première fois devant le Tribunal –
circonstances atténuantes (article 83 CP) – réduction de peines.
177
8. 8ème, 11ème et 12ème prévenus – absence de preuve – infractions non établies – acquittement
et ordre de libération immédiate.
9. Action civile – preuve du lien de parenté – preuve des dommages subis - dommages et
intérêts ex æquo et bono.
2. Sur la base des aveux recueillis dans le cadre de la procédure d’aveux et de plaidoyer de
culpabilité présentées par les 1er, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus, et sur la base des aveux
partiels que les 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus ont présentés pour la première fois à
l’audience, sont établies à leur charge les infractions de :
- génocide, les prévenus ayant formé un groupe et mené des attaques dans l’intention
de détruire le groupe ethnique Tutsi, sachant que de tels actes étaient commis dans
tout le pays car il s’agissait de la mise à exécution de l’ordre de l’autorité suprême du
pays;
- assassinat, les prévenus reconnaissant leur participation aux assassinat de certaines
victimes;
- attentat ayant pour but le pillage, les massacres ou la dévastation, les attaques
menées ayant dévasté le secteur, et les tueries ayant été accompagnées d’actes de
pillage et de destruction.
4. Les infractions établies à l’encontre des prévenus procèdent d’une intention délictueuse
unique, celle du génocide. Elles sont en concours idéal.
5. Les faits établis à charge du premier prévenu le rangent en deuxième catégorie. Ses aveux
étant intervenus après poursuites, il est condamné à une peine d’emprisonnement de 15 ans
en application de l'article 16 de la Loi organique du 30/08/1996.
6. Les faits établis à charge des 2ème, 3ème, 4ème, et 5ème prévenus qui ont recouru à la procédure
d’aveux et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites, et dont les aveux avaient été acceptés
par le Ministère Public, les rangent en deuxième catégorie, et en application de l'article 15 de
la Loi organique du 30/08/1996, ils sont condamnés à 11 d'emprisonnement chacun.
178
7. Les infractions établies à charge des 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus les rangent en
deuxième catégorie. Le fait d’avoir facilité la tâche du Tribunal par leurs aveux est
constitutif de circonstances atténuantes, et le bénéfice des réductions de peine prévues par
l’article 83 du Code pénal doit leur être accordé.
Les 6ème, 9ème et 10ème prévenus sont condamnés à une peine d'emprisonnement de 16 ans,
tandis que le 7ème prévenu est condamné à une peine d'emprisonnement de 8 ans.
8. En l’absence de toute preuve tangible produite par le Ministère Public et eu égard au fait
que leurs explications relatives aux conflits personnels qui auraient amené le seul
cinquième coaccusé à persister dans sa mise en cause paraissent crédibles, les préventions
de génocide, d’assassinat, d’association de malfaiteurs et de dévastation ne sont pas
établies à l’encontre des 8ème, 11ème et 12ème prévenus qui plaident non coupable. Ils en
sont acquittés et leur libération immédiate est ordonnée.
9. Le Tribunal ne peut faire droit à la demande de dommages moraux réclamés par une
partie civile restée en défaut de produire les pièces établissant son lien de parenté avec la
victime. Sont déboutées de leur action les parties civiles qui ne se sont pas présentées
devant le Tribunal pour la soutenir. Les dommages et intérêts moraux et matériels sont
fixés par le Tribunal ex æquo et bono.
179
180
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
(Traduction libre).
1er feuillet.
CONTRE :
181
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
2ème feuillet.
Préventions :
3ème feuillet.
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis des assassinats,
infraction prévue et réprimée par l’article 312 du Code pénal Livre II et par la Loi
organique n° 08/96 du 30/08/1996.
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association de
182
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281 et 283 du Code pénal
rwandais Livre II et par la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996.
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction d’attentat
ayant pour but de porter la dévastation du pays par les massacres ou les pillages,
infraction réprimée par l’article 168 Code pénal rwandais Livre II et par la Loi organique
n° 08/96 du 30/08/1996.
LE TRIBUNAL:
Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître MUNYANKINDI, le
Ministère Public étant représenté par MBAYIHA MUSAFIRI Pierre ;
4e feuillet.
Attendu que le greffier fait lecture des procès verbaux des aveux de culpabilité de
MBWIRUWUMVA, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, et HABUMUGISHA ;
183
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
Attendu que BIZURU André décrit des circonstances des faits à sa charge et indique l’identité
de ses coauteurs et complices, qu’il plaide coupable d’avoir dirigé l’expédition au cours de
laquelle NYIRANDORA a été assassiné, d’avoir encadré le génocide dans le secteur KIGINA
et d’avoir fait partie de groupes de malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux Tutsi et à
leurs propriétés ;
Attendu que BUGINGO Wilson plaide coupable des faits qui lui sont reprochés et dit qu’il
faisait partie de l’attaque qui était dirigée par HABUMUGISHA et au cours de laquelle
MUTYARA a été tuée ainsi que de celle qui a été menée chez sa marâtre qui était de l’ethnie
Tutsi, qu’il a fait partie d’un groupe de malfaiteurs quand, au lieu de se rendre à son travail à
la paroisse, il s’est joint à HABUMUGISHA et d’autres pour tuer MUTYARA en raison de
son ethnie, qu’il reconnaît sa part de responsabilité dans l’attentat ayant pour but de porter la
dévastation du pays, mais nie toute participation aux actes de pillage ;
5ème feuillet.
Attendu que SEBAGABO plaide non coupable et dit qu’il était lui-même menacé par ses
frères utérins dont HABUMUGISHA qui lui en voulaient du fait qu’il est né d’un père Tutsi
et en sont arrivés à le chasser pour cette raison, que c’est à cause de cette haine qu’ils ont
envers lui qu’ils l’ont mis sur la liste des auteurs du génocide alors qu’il n’y a pas pris part et
ne peut aucunement être inculpé de pillage ;
Attendu que dans sa défense, NDARUHUTSE plaide coupable d’avoir participé à l’attaque au
cours de laquelle Vasta et ses deux enfants ont été tués sachant que le but était d’exterminer
les Tutsi, ainsi qu’à celle au cours de laquelle GATARE, KAZINGO, NYIRABAJE et
Daphrose ont été tués, qu’il plaide également coupable de dévastation de son secteur de
KIGINA par les massacres et de participation au pillage ;
Attendu que RUGUMIRE Antoine plaide coupable d’avoir participé à l’attaque au cours de
laquelle Litira a été tuée sous la direction de NGOBOKA et à celle au cours de laquelle
ZIHINJISHI et son enfant ainsi que GAKWAYA ont été tués, qu’il a agi sous l’influence du
pouvoir en place ;
Attendu que NSABIMANA Siméon plaide non coupable et nie toute participation au
génocide en disant qu’il était lui-même menacé car il était suspecté de verser des cotisations
au FPR, que HABUMUGISHA le met en cause par vengeance parce qu’il n’a pas honoré la
promesse qu’il lui avait faite en compagnie d’un militaire dont il ignore le nom de leur donner
une vache s’il parvenait à échapper au génocide, tandis que BUGINGO Wilson l’incrimine
pour qu’il soit emprisonné comme eux ;
184
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
Attendu que dans sa défense, BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA dit qu’il reconnaît que le
génocide a eu lieu mais nie son implication, qu’il dit qu’il était tout le temps à son travail à la
station service de RWANTERU où il était chargé de veiller sur les véhicules jour et nuit,
faisait la garde jour et nuit, que HABUMUGISHA le charge à tort à cause des relations
conflictuelles entre leurs familles ayant pour origine le viol que HABUMUGISHA a commis
sur sa sœur ;
6ème feuillet.
Attendu qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public requiert la peine de mort et
celle de dégradation civique à charge de BIZURU André, la peine de 20 ans
d’emprisonnement à l’encontre de BUGINGO, KAYIJUKA (sic), NDARUHUTSE,
NSABIMANA Siméon et SEBAGABO, 11 ans d’emprisonnement à charge de KABAGEMA
et MBWIRUWUMVA, 12 ans d’emprisonnement à charge de NZIRORERA, 9 ans
d’emprisonnement à charge de BUGINGO Célestin et HABUMUGISHA François, 8 ans
d’emprisonnement à charge de BUGINGO Wilson alias KAYIJUKA (sic) ainsi que leur
condamnation au paiement des frais de justice, l’action civile étant laissée à la diligence des
parties civiles ;
Attendu que les parties civiles en cette affaire disent que les dommages et intérêts réclamés
sont fondés sur la perte des membres de leur famille qui ont été tués par les prévenus qui ont
par ailleurs dégradé leurs biens ;
Attendu que Maître MUNYANKINDI Joseph, avocat de la défense, dit que ses clients sont en
deux catégories à savoir ceux qui ont fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité et ceux qui ont plaidé selon la procédure ordinaire, que ceux qui plaident coupable
doivent bénéficier d’une réduction de peine et que ceux contre lesquels le Ministère Public
n’a pas rapporté de preuves doivent être libérés ;
Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste qu’à dire le droit ;
7ème feuillet.
Constate que le crime de génocide est établi à charge de BIZURU André, BUGINGO
Célestin, KABAGEMA Célestin, MBWIRUWUMVA Claver, HABUMUGISHA François,
185
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
Constate que le crime de génocide est établi à charge de NZIRORERA François, BUGINGO
Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine car, dans leur défense, ils avouent avoir
participé aux attaques menées contre les Tutsi dans le secteur KIGINA, munis d’armes
traditionnelles et sachant que de tels actes étaient commis dans tout le pays ;
Constate que le crime de génocide n’est pas établi à charge de BUGINGO Célestin alias
KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère Public ne rapporte pas
de preuves tangibles de leur véritable part de responsabilité dès lors que, même si
HABUMUGISHA François dit qu’ils ont participé aux attaques à ses cotés, il n’indique pas
un quelconque acte répréhensible qu’ils auraient commis avec lui, et que même
MUKABUGINGO, partie civile, dit avoir vu NSABIMANA dans trois attaques sans indiquer
cependant l’acte criminel concret que l’intéressé aurait commis ;
8eme feuillet.
Constate que l’infraction d’assassinat n’est pas établie à charge de BUGINGO Célestin alias
KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère public n’a pas présenté
des preuves tangibles à leur charge surtout que les prévenus ont rapporté au Tribunal les
raisons qui poussent HABUMUGISHA à les mettre en cause et notamment qu’il n’était pas
en bons termes avec SEBAGABO au motif que celui-ci est son frère utérin si bien que même
le mari de la mère de l’intéressé le persécutait en lui disant de quitter les propriétés foncières
de ses enfants, tandis que BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA a dit que HABUMUGISHA
a violé sa sœur qui était encore mineure, ce que ce dernier a reconnu et qui a été à l’origine
d’un climat de haine entre les deux familles, NSABIMANA ayant quant à lui invoqué son
refus de leur donner la vache qu’il leur avait promise pour qu’ils ne le tuent pas car ils
disaient qu’il versait des cotisations au FPR ;
Constate que l’infraction de création d’une association de malfaiteurs est établie à charge de
BIZURU André seul car il avoue avoir, à la demande d’un militaire dont il ignore le nom,
appelé quelques-uns des membres de la population qui habitait le secteur dont il était le
conseiller à prendre part aux attaques visant les Tutsi et notamment NYIRANDORA et
186
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par les
massacres et les pillages est établie dans le chef de BIZURU André, MBIRUWUMVA
Claver, HABUMUGISHA, RUGUMIRE Antoine, BUGINGO Wilson, NDARUHUSTE,
NZIRORERA François, KABAGEMA Célestin et BUGINGO Célestin, car ils avouent tous
que les attaques qu’ils ont menées ont dévasté le secteur KIGINA et que les tueries
auxquelles ils se sont livrés étaient accompagnées d’actes de pillage et de destruction ;
9ème feuillet.
Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par les
massacres et les pillages n’est pas établie à charge de BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA,
SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car il ressort des déclarations sur lesquelles s’appuie
le Ministère Public à savoir celles de BUGINGO Wilson et HABUMUGISHA, que
BUGINGO dit au Tribunal qu’il a menti tandis que HABUMUGISHA maintient sa position
en affirmant qu’ils étaient ensemble dans les attaques, que cette contradiction entre les deux
déclarations provoque dans l’esprit du Tribunal le doute qui doit profiter aux prévenus ;
Constate que pour les dommages et intérêts, ils doivent être alloués ex aequo et bono à
quelques unes des parties civiles ainsi qu’il suit ;
187
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
N.B : Total des dommages moraux alloués à ses 5 enfants 7.500.000 Frw
10eme feuillet.
188
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
7. MUKAGATARE :
- Des dommages moraux ne peuvent lui être alloués pour la perte de NYIRABUKOKO
car elle n’a pas produit les pièces justifiant ses liens de parenté avec elle. Il lui est
alloué des dommages matériels équivalent à ses 10.000Frw qui ont été pillés.
11eme feuillet.
189
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
12eme feuillet.
Constate que les infractions retenues à leur charge les rangent dans la deuxième catégorie
prévue par l’article 2 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;
190
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
Constate que sur base de l’article 15 de la même Loi organique, MBWIRUWUMVA Claver,
BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA François doivent
bénéficier d’une diminution de peine et que BIZURU doit bénéficier d’une réduction de la
peine en vertu de l’article 16 de cette loi ;
Constate que sur base de l’article 83 du Code pénal livre I, NZIRORERA François,
RUGUMIRE, BUGINGO Wilson et NDARUHUTSE doivent bénéficier d’une diminution de
peine car ils ont facilité la tâche du Tribunal par leur aveux ;
13eme feuillet.
Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide spécialement en ses articles 1, 2, 20, 21, 24, 30, 39, 15 ;
16, 39 ;
Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée partiellement
par les Décrets lois n° 01/82 et n°12/84 respectivement du 26/01/1982 et du 12/05/1984,
modifiée également par la loi n°31/85 du 08/11/1985, spécialement en ses articles 16, 17, 19,
58, 59, 61, 62, 63, 73, 76, 90, 95, 121, 130, 133 et 138 ;
Vu les articles 281, 282, 93, 83, 168 et 450 du Code pénal rwandais ;
191
RMP 80795/S4/ND JUGEMENT DU 22/09/2000
RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO
14eme feuillet.
Déclare que ce jugement n’est pas susceptible d’appel pour BIZURU André,
HABUMUGISHA François, KABAGEMA Célestin, BUGINGO Célestin et
MBWIRUWUMVA Claver qui ont fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité, et que le délai d’appel est de 15 jours à dater du prononcé pour NZIRORERA
François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine ;
GREFFIER
192
CHAMBRE SPECIALISEE
DE KIBUYE
193
194
N° 8
1. Le Tribunal décide de plusieurs remises afin de permettre aux prévenus d'être assistés d'un
avocat.
195
3. Les infractions d'assassinat et de crime de génocide ne sont pas retenues à charge du 2ème
prévenu car:
− Les témoignages qui le chargent sont indirects, et aucun des témoins n'affirme l'avoir vu
parmi ceux qui ont emmené l'une des victimes qu'il est accusé d'avoir assassinée.
− La déclaration d’un témoin poursuivi par ailleurs ne peut être tenue pour crédible car il est
lui-même poursuivi pour l'assassinat des mêmes victimes et se contredit, proposant
plusieurs versions divergentes des faits. Ce même témoignage diverge d'avec celui de la
personne qui cachait les victimes et qui ne met point en cause le second prévenu.
4. Le second prévenu a avoué avoir consommé de la viande des vaches qui ont été pillées chez
les victimes, ceci étant confirmé par un témoignage. Le Tribunal retient comme établie
l'infraction d'association de malfaiteurs (en vue de pillage). Au regard de la seule infraction
d'association de malfaiteurs retenue à sa charge, le Tribunal range le second prévenu en
quatrième catégorie, et le condamne à une peine de cinq ans de prison avec sursis pendant
quatre ans.
196
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE
(Traduction libre)
1er Feuillet.
CONTRE :
PREVENTIONS :
3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association de
malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal
Livre II ;
197
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE
2ème Feuillet.
LE TRIBUNAL ,
Vu que l’affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP. CH.SP.002/01/2000 et que le Président a
pris l’ordonnance fixant la date d’audience au 09/02/2000 ;
Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu mais que l’audience n’a pas eu lieu au motif
qu’ils n’étaient pas assistés, que le même motif a été invoqué le 14/02/2000 et que l’audience
a été reportée au 21/02/2000 ;
Vu qu’à cette date l’affaire n’a pas été appelée et a été renvoyée au 22/02/2000, les prévenus
en ayant été informés ;
Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître NDONDERA Christian, le
Ministère Public étant représenté par Monsieur NSENGIYUMVA Eugène ;
Attendu que BUREGEYA est poursuivi du chef des infractions de génocide, d’assassinat et
d’association de malfaiteurs en rapport avec la mort de AKIMANA UWAMALIYA et
NYIRACOROGO ;
Attendu que UWITONZE Bernard est poursuivi pour génocide, assassinat et association de
malfaiteurs en rapport avec la mort de MUKARUSINE, NIWEMUKOBWA et
198
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE
BALIGANDE ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public prend la parole après que les deux prévenus aient
plaidé non coupables de toutes les préventions mises à leur charge et dit que BUREGEYA
avait requis l’aide d’un groupe de personnes qu’il avait placées chez lui en vue de protéger
son épouse, que le jour où sa mère a été blessée par un Tutsi, ce groupe de personnes a
accouru en compagnie de BUREGEYA et que, à leur retour, ces personnes ont tué deux
enfants sur ordre de BUREGEYA et ce, à cause de leur ethnie ;
3ème Feuillet.
Attendu que dans sa défense, BUREGEYA dit qu’il est faussement accusé, car il ne pouvait
pas se rallier aux meurtriers alors que la première attaque a été menée à son domicile, que
HABIYAKARE et KARUTA ne s’étaient rendus chez lui que pour piller ses biens, qu’il nie
avoir ordonné le meurtre des victimes et affirme avoir eu au contraire des discussions avec les
tueurs en vue de les empêcher de commettre ces crimes ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que BUREGEYA veut induire le Tribunal en
erreur parce que ces personnes étaient ses proches parents, qu’il connaissait donc leurs
intentions surtout qu’elles fréquentaient son cabaret, qu’il a pris part à de nombreuses rondes
et attaques, qu’il doit montrer les cicatrices dues aux blessures à lui causées par les coups de
lance qu’il prétend avoir reçus ;
Attendu que BUREGEYA dit qu’il n’a jamais exploité un cabaret, que c’est parce qu’il
habitait à proximité du chemin qu’il a pu être au courant des intentions des tueurs, qu’il a par
ailleurs dit qu’ils l’ont brutalisé en le poussant et non qu’ils lui ont donné des coups de lances
pour qu’il soit invité à en montrer les cicatrices ;
Attendu qu’il dit qu’il donnait souvent de l’argent à ces tueurs qui le mettent injustement en
cause pour qu’ils ne tuent pas son épouse ;
Attendu que UWITONZE Bernard présente sa défense à son tour en disant que ces gens qui
l’accusent d’avoir collaboré avec eux mentent, car il cachait 3 personnes, même si l’une
d’elles a été tuée, qu’ils le qualifiaient de complice, que l’infraction de pillage de vaches lui
est faussement attribuée étant entendu qu’après ledit pillage, ces vaches ont été abattues près
de chez lui à la chapelle et qu'ils lui ont donné une part en prétendant que cela lui éviterait de
mourir d'envie;
Attendu qu’il poursuit en disant que le Ministère Public l’accuse d’avoir battu le tambour
pour donner le signal aux tueurs, mais que ce sont plutôt ces tueurs qui l’ont fait après avoir
tué la personne qui se cachait chez lui, que ledit tambour se trouvait à l’intérieur de la
chapelle où MARANDINI l’a pris après avoir tué LANGUIDA ;
Attendu que UWITONZE Bernard dit qu’il n’a pas été au domicile de BUTORANO d’où la
victime BAHIGANDE a été emmenée, qu’il y a lieu de demander à ce sujet aux membres de
la famille BUTORANO s’ils l’ont vu à cet endroit ;
Attendu que les témoins BUSHISHI et GAFURAFURA disent ne pas avoir connaissance
d’un quelconque acte répréhensible que BUREGEYA aurait commis et que les membres de la
première attaque ont au contraire fait pression sur l’intéressé pour le forcer à tuer, mais qu’il a
refusé ;
199
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE
Attendu que NYINAWINTWARI Alvera, entendue comme témoin, dit que c’est
HABIYAKARE qui a emmené l’enfant qu’elle portait au dos et qu’elle a entendu dire que,
sur le lieu de crime, BUREGEYA a refusé de le tuer et que ce sont KARUTA et
HABIYAKARE qui l’ont exécuté ;
Attendu que SEKABERA Jean, présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, dit
qu’il n’est au courant d’aucune infraction commise par BUREGEYA et UWITONZE et nie
avoir dit que c’est UWITONZE qui a battu le tambour, que l’Officier du Ministère Public dit
qu’il est bien clair que les témoins se sont concertés pour ne pas dénoncer les tueurs car
SEKABARA a fait cette déclaration lors de l’audience publique relative à l’affaire
HABIYAKARE ;
Attendu que les différents témoins présentés par les prévenus tel que MUNYANKINDI
l’oncle paternel de la victime NYIRACOROGO, MUKAKARANGWA la fille de
MUKARUSINE, NIWEMUKOBWA, UYAKUVUGA et AYINKAMIYE affirment tous
qu’ils ne savent rien sur les infractions reprochées à BUREGEYA et UWITONZE, et qu’ils
n’ont rien entendu de mal sur leur compte ;
4ème Feuillet.
Attendu que BUREGEYA et UWITONZE déclarent successivement qu’ils n’ont rien à dire
sur les dépositions des témoins, qu’il appartient au Tribunal d’en faire une appréciation ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public demande au Tribunal de ne pas se fonder sur les
témoignages car aucun témoin n’affirme qu’il se trouvait sur les lieux où NYIRACOROGO et
AKIMANA ont été tuées, qu’il faut plutôt prendre en considération les déclarations faites par
HABIYAKARE et KARUTA qui se trouvent dans le dossier et selon lesquelles c’est
BUREGEYA qui a fait tuer ces enfants qui étaient d’ailleurs membres de sa famille, que la
preuve de sa part de responsabilité est que les enfants n’ont pas été tués à l’endroit où ils ont
été trouvés et que les tueurs ont dû les conduire chez BUREGEYA qui avait accouru au
secours de sa mère qui venait d’être blessée ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public, après une description des circonstances des
infractions reprochées à UWITONZE et BUREGEYA, dit que BUREGEYA est mis en cause
par ses proches parents KARUTA, HABIYAKARE ainsi que MUZIGANTAMBARA qui par
ailleurs avoue avoir fait partie de l’attaque qui a été menée à GITWA, alors que ceux qui
témoignent à sa décharge ne savent rien des faits poursuivis étant donné qu’ils n’ont pas été
sur le lieu où les victimes ont été tuées, que UWITONZE est quant à lui mis en cause par
MUNYANDEKWE qui affirme qu’ils sont allés chez BUTORANO ensemble ainsi que par
SEBABUMBYI qui avoue qu’ils ont tué tous les deux les victimes MUKARUSINE et
NIWEMUKOBWA, l’intéressé reconnaissant lui-même avoir mangé de la viande des vaches
pillées chez BUTORANO ;
Attendu qu’il dit que les infractions mises à charge des prévenus les rangent dans la 2ème
catégorie et qu’elles sont en concours idéal, qu’il requiert à leur encontre la peine
d’emprisonnement à perpétuité et celle de dégradation civique prévue par l’article 17 de la
Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;
200
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE
Attendu que BUREGEYA et UWITONZE disent qu’ils ne s’estiment pas mériter les peines
requises à leur charge ;
Attendu que Me NDONDERA Christian, dans sa plaidoirie, fait un exposé détaillé des
moyens contenus dans les conclusions écrites qu’il a déposées et dit que les témoins à
décharge de BUREGEYA et UWITONZE sont nombreux et sont des parents proches des
victimes qui ont été tuées, que ce sont eux qui doivent servir de base à la manifestation de la
vérité, qu’il termine en demandant que ses clients soient libérés ;
Vu qu’il ne reste rien d’autre à examiner sinon statuer sur les moyens invoqués, que le
Tribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugement ci-après ;
Constate que l’action du Ministère Public est recevable car régulièrement introduite ;
Constate que de tels témoignages émanant des personnes que le prévenu dénonce pour les
actes criminels qu’elles ont commis ne suffisent pas pour lever le doute quant à sa culpabilité,
doute qui doit profiter au prévenu ;
Constate que le Ministère Public n’a pas rapporté la preuve que le prévenu a volontairement
pris part aux attaques, et non sous la contrainte tel que le prévenu le dit dans sa défense, ni
même la preuve que le prévenu est arrivé à GITWA ;
5ème Feuillet.
Constate que le fait que ces enfants ont été tués devant le domicile de BUREGEYA dont la
mère venait d’être blessée ne constitue nullement une preuve tangible de la responsabilité
personnelle de BUREGEYA surtout que les autres victimes tuées ont été emmenées de leurs
domiciles et conduites à l’endroit où se trouvait un trou, et qu’il n’y a pas lieu de dire que
toutes ces victimes ont été tuées à cause du fait que la mère de BUREGEYA a été blessée ;
201
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE
Constate que la seule déclaration de SEBABUMBYI, lui aussi poursuivi du chef d’assassinat
de ces victimes (MUKARUSINE et NIWEMUKOBWA), ne peut être considérée comme
crédible car elle renferme des contradictions flagrantes consistant notamment en ce qu’il dit
d’une part que UWITONZE l’a emmené par contrainte, que d’autre part il déclare qu’il lui a
dit de l’accompagner pour récolter des régimes de bananes, qu’à un autre endroit il dit qu’il
n’est pas entré dans la maison, mais qu’il change ensuite et dit qu’il a été soumis à la
contrainte pour tuer, sa déclaration et celle de la personne qui cachait les victimes avant
qu’elles soient tuées sont divergentes car cette dernière ne met pas UWITONZE en cause ;
Constate que le tambour a été battu à la chapelle afin d’appeler les gens à se livrer aux tueries
mais que, à part SEBABUMBYI, personne d’autre n’affirme que c’est le prévenu qui battait
ce tambour, qu’il y en a au contraire qui affirment que ce sont des Twa qui le faisaient ;
Constate que seule l’infraction d’association de malfaiteurs est établie à sa charge et le range
dans la 4e catégorie, qu’il doit en être condamné avec sursis ;
Vu la Loi du 23/02/63 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour en ses
articles 19, 20, 58, 61, 67, 76, 80, 86 et 90 ;
Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/96 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité en ses articles 16, 14 d, 19,
20, 21, 36 et 39 ;
6ème Feuillet.
202
R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000
R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE
Ordonne à UWITONZE Bernard de payer les frais de justice évalués à 12.450 Frw dans le
délai légal, sinon exécution forcée sur ses biens ;
Dit que le prononcé a lieu tardivement parce que les membres du siège étaient occupés par
une autre affaire de 32 prévenus jugée dans la même période que celle-ci ;
SIEGE
LE GREFFIER
BIMENYIMANA Fidèle
(sé)
203
204
CHAMBRE SPECIALISEE
DE KIGALI
205
206
N°9
1. Procédure - droits de la défense (droit de lire son dossier et droit d'être assisté d'un avocat) -
remise.
1. Une remise est accordée à la prévenue afin de lui permettre de lire son dossier et d’être
assistée d'un avocat.
207
3. Sont déclarées non établies à charge de la prévenue, les infractions de:
- assassinat, les preuves présentées par le Ministère Public et les témoignages étant
contradictoires d'une part, et aucun témoin n'affirmant avoir vu la prévenue commettre
des tueries d'autre part;
- association de malfaiteurs, le Ministère Public et ceux qui mettent la prévenue en cause
ne rapportant pas de preuves palpables; le seul fait que ses frères aient été des
Interahamwe ne peut suffire à fonder sa culpabilité, dès lors qu’il n’est nullement établi
qu’elle aurait commis un quelconque acte avec ce groupe;
- port illégal d'armes, de nombreux témoins affirmant que la prévenue ne portait pas
d'armes et ceux qui la mettent en cause n'ayant pu rapporter les preuves tangibles de cette
accusation;
- tortures et viol, les personnes supposées êtres victimes de ces faits ayant elles-mêmes
démenti qu'ils aient été commis.
- menace d'attentat contre les personnes et persécution, la prévenue ayant menacé de livrer
aux tueurs les personnes de l'ethnie Tutsi qu'elle soupçonnait d'avoir dérobé son bois de
chauffe. Le Tribunal retient que de telles menaces proférées à cette occasion démontrent,
sans aucun doute, que la prévenue avait coutume de menacer ses voisins de les livrer aux
tueurs;
- violation de domicile, la prévenue ayant reconnu avoir fouillé des maisons à l'occasion
du vol dont elle avait été victime, comme l'en chargent des témoins;
- crime de génocide, les infractions établies à charge de la prévenue ayant été commises en
relation avec les événements entourant le génocide et les crimes contre l'humanité tel que
prévu à l'article 1b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996.
208
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
CONTRE:
PREVENTIONS :
3. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, en avril 1994, menacé les
Tutsi de les livrer à la mort, infraction prévue et réprimée par l'article 340 du Code pénal
Livre II ;
209
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
2ème feuillet.
5. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, entre avril et mai 1994, fait partie
d'une association de malfaiteurs formant une milice et composée de Abdalah, SUGUTI,
Silas, Charles, MATABARO le fils de BIZIMANA, Népo et BIZIMANA avec lesquels elle
surveillait une barrière et auxquels elle indiquait les filles à violer, infraction prévue et
réprimée par les articles 282,283 et 360 du Code pénal Livre II ;
6. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, porté illégalement des armes
(grenade, poignard et massue), infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/1979 ;
7. S'être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, introduite dans les domiciles
d'autrui sans autorisation et hors le cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée par
l’article 304 du Code pénal Livre II ;
8. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, commis des actes de torture à
l’encontre des enfants de MUKAWERA Isabelle. Loi organique n° 08/96, article 1 catégorie
3;
LE TRIBUNAL,
Attendu que lecture de son identité lui ayant été faite, MUKAKAYIJUKA dit qu'elle ne peut pas
plaider parce qu’elle n'a pas lu son dossier car elle est analphabète et précise qu’elle est encore à
la recherche de quelqu'un qui lui en fera lecture, qu'ainsi l'audience est reportée au 14/10/1997 à
8 heures du matin pour permettre à la prévenue de préparer son dossier ;
Attendu qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparait sans l’assistance d’un avocat, que
l'audience a lieu publiquement, le Ministère Public étant représenté par MUKARUSHEMA ;
3ème feuillet.
Attendu que MUKAKAYIJUKA confirme que l'identité dont lecture vient d'être faite est bien la
sienne, qu’à la question de savoir si elle va assurer personnellement sa défense, elle répond
qu’elle aurait pu le faire mais qu'elle n'a pas lu le dossier car elle est analphabète, qu'elle souhaite
qu'un délai lui soit accordé à cet effet ;
210
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA aurait dû solliciter une
assistance judiciaire ou chercher quelqu'un pour lui faire lecture du dossier dès lors qu’elle est
analphabète car elle en a eu largement le temps ;
Attendu que MUKAKAYIJUKA dit qu'elle plaide non coupable, que la parole est accordée à
l'Officier du Ministère Public qui dit que, forte du soutien de ses frères, MUKAKAYIJUKA a,
entre avril et mai, menacé les Tutsi en leur disant qu’elle finirait par les livrer à ses frères qui
collaboraient avec les Interahamwe, qu’elle voulait livrer SAWUDA aux malfaiteurs, qu'elle a
découvert LIVILIYANI, GAHONGAYIRE qui était venue de KIVUGIZA et Alexis dans leur
cachette et les a signalés à BIZIMANA qui est actuellement en détention, qu'arrivée à
GITARAMA, elle a tué une dame en la traitant d'Inyenzi, qu'elle a donné aux enfants d'un voisin
de la bouillie contenant du sable fin;
Attendu qu’à la question de savoir si elle plaide coupable de la première infraction, Hadidja
MUKAKAYIJUKA répond par la négative disant qu’elle n’avait pas d’autorité sur les
Interahamwe, que l'Officier du Ministère Public dit que le contenu du procès-verbal portant la
cote 18 démontre qu'elle a incité ses frères à agresser la nommée Isabelle, qu'elle a par ailleurs
tenu des propos cyniques en ces termes: "qu'ils acceptent de mourir" ;
Attendu que MUKAKAYIJUKA nie tous ces faits et dit qu'elle est en conflit avec Isabelle à
cause d’un homme avec lequel elle entretient des liens contre la volonté de cette dernière, que
l'Officier du Ministère Public dit que les propos que la prévenue a tenus ont été confirmés par
l'épouse de BIZIMANA qui les a rapportés à maman Pamela, que Hadidja réfute les faits et dit
qu'elle n'était pas une autorité tout comme ses frères et qu’ainsi, elle ne pouvait pas commettre
les faits qui lui sont reprochés; que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA
Hadidja était une amie de la nommée Christine et que c’est celle-ci qui lui rapportait les
nouvelles de M. SAWUDA dont le mari collaborait avec les Inkotanyi comme le dit Christine
elle-même, que MUKAKAYIJUKA réplique en disant que Christine était une domestique de M.
SAWUDA et que le mari de cette dernière ne collaborait pas avec les Inkotanyi ;
Attendu que Maître BOUBACAR dit que tous ces témoins devraient être entendus, spécialement
le nommé BIZIMANA en vue de la manifestation de la vérité, qu’il y a également lieu de citer à
comparaître l’enfant de SAWUDA qui se trouvait sur les lieux, que Maître BOUBACAR
poursuit en disant que relativement à l’infraction de viol et tortures, les dames supposées avoir
été violées ainsi que le nommé Népo devraient être cités à comparaître pour témoigner sur la part
de responsabilité de sa cliente, que l’audience devrait être reportée étant donné que sa cliente est
poursuivie pour plusieurs infractions pour que le Tribunal procède à la recherche d’autres
éléments de preuves et que les témoins soient cités car, au retour de MUKAKAYIJUKA en
provenance de GITARAMA, ses enfants ont dit qu’elle y a tué d’autres dames, qu’il estime
quant à lui qu’il y a doute et qu’à cet égard, ces enfants doivent être cités à comparaître pour
faire leurs dépositions ;
4ème feuillet.
Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que les arguments du Conseil de
MUKAKAYIJUKA Hadidja sont pertinents, mais qu’il relève que certains des témoins dont il
211
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
est question ont été entendus et notamment FAIDA, SALIMA et SAWUDA tel que cela ressort
du dossier, qu'il dit qu’il serait mieux d’entendre BIZIMANA et Népo, qu'il se demande
cependant comment ces Interahamwe peuvent avouer alors que MUKAKAYIJUKA elle-même
nie les faits qui lui sont reprochés, qu’il dit qu’il serait utile d’entendre les enfants de la prévenue
ainsi que la nommée maman SABINA ;
Attendu que tenant compte du souhait du Ministère Public, l'audience est reportée au 28/10/97,
qu'à cette date MUKAKAYIJUKA et les parties civiles n’ont pas comparu et que la parole est
accordée à l'Officier du Ministère Public qui dit que la non comparution de MUKAKAYIJUKA
est due au fait qu'elle n'a pas lu le dossier et que le surveillant de prison qui devait la conduire au
Tribunal est absent, qu’il demande le report d’audience ;
Attendu que l'audience est reportée au 03/12/1997, qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparait
en l’absence des témoins, que la parole est accordée à l'Officier du Ministère du Ministère Public
qui dit que ces témoins n'ont pas été cités et que la responsabilité en revient au Ministère Public,
qu'il demande que l'audience soit reportée, qu'à peine vient-il d’exprimer ce souhait que
quelques-uns des témoins à savoir les enfants de MUKAKAYIJUKA arrivent au Tribunal ;
Attendu qu'invité à donner son avis sur la demande de report d'audience exprimée par l'Officier
du Ministère Public pour citer les témoins et rechercher d’autres preuves, MUKAKAYIJUKA
répond qu'elle estime que ces preuves n’existent pas dès lors qu'elles n'ont pas été réunies bien
auparavant, que la parole est accordée à son Conseil en la personne de Me KADIDIA qui
demande si d'autres témoins ont été entendus, qu'il lui est répondu que MUKAKAYIJUKA n'en
a pas donné l'identification tel que prescrit par l'article 6 du Code pénal (sic);
Attendu que Maître KADIDIA dit qu'il y a lieu de suspendre l'audience aux fins de citer les
témoins à comparaître, qu'il demande aux voisins de MUKAKAYIJUKA présents à l’audience
de les aider à préciser l'identité des témoins, que l'audience est reportée au 09/12/98, qu'à cette
date la prévenue comparait assistée par Me KABAYABAYA et que les témoins sont présents,
qu’interrogée sur l’infraction d’avoir menacé les gens de les livrer quand elle le voudra,
MUKAKAYIJUKA Hadidja la rejette, que la parole est accordée à l'Officier du Ministère Public
qui, dans un bref exposé, dit comment MUKAKAYIJUKA a comploté contre MUBARAKA et
GAHONGAYIRE et les a livrés aux tueurs, que relativement à l’infraction de menaces, elle
disait à qui voulait l'entendre que ZAWADI et son frère, tous enfants de NYIRAMANZI, avaient
en leur possession des photos des Inkotanyi ;
5ème feuillet.
Attendu qu’invitée à présenter ses moyens de défense, MUKAKAYIJUKA plaide non coupable
en disant qu'elle n'était pas une autorité, que MUKAWERA Isabelle la met en cause par
vengeance car elles en sont venues aux mains quand MUKAWERA voulait devenir la maîtresse
de son concubin, qu'elle a usé de sa fonction de responsable des dix ménage pour inciter les gens
à faire de faux témoignages à sa charge, qu'à la question de savoir la nature du conflit qu’elle a
avec les autres dames, MUKAKAYIJUKA répond que MUKAWERA a rassemblé les dames
dans le but de réunir une somme d'argent devant servir à faire libérer une autre dame qui était en
212
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
détention mais que MUKAKAYIJUKA s'y est opposée, que ces dames peuvent donc lui en
vouloir;
Attendu qu'à la question de savoir si elle connaît ABOUBACAR et Abdallah et si elle sait
comment ils se sont comportés au cours de la guerre, MUKAKAYIJUKA Hadidja répond que ce
sont ses frères mais qu'ils n'ont jamais fait partie des miliciens Interahamwe, qu’elle poursuit en
disant qu'elle n'était membre d'aucun parti politique et qu'en cas de doute, il y a lieu d’entendre la
nommée Maman J. Paul qui peut témoigner sur sa conduite, qu’interrogée sur ses liens de
parenté avec UWIMANA elle répond que celle-ci est sa fille qu'elle a citée comme témoin car la
preuve avancée à propos de l’accusation selon laquelle elle aurait tué des personnes à BUTARE
est que ce sont ses enfants qui s’en vantaient ;
Attendu que Maître KABAYABAYA relève qu'aucune infraction n’est établie à charge de sa
cliente, que le fait cependant qu'elle s'est disputée avec Isabelle à cause de son concubin
constitue un élément probant et qu’elle ne peut pas répondre du fait que ses frères faisaient partie
des Interahamwe, à moins qu'elle n'ait commis une infraction en usant de leur soutien ;
Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA, armée d’une grenade, est
allée fouillé des maisons en compagnie des Interahamwe, qu'elle ment quand elle prétend s'être
disputée avec Isabelle car elle n'en a rien dit auparavant, que MUKAKAYIJUKA a
effectivement menacé les gens car elle s'est emparée des photos de MUBARAKA en disant que
ce sont celles des Inkotanyi, qu’interrogée sur ces faits, MUKAKAYIJUKA nie avoir vu les
photos dont il est question et dit que MUBARAKA était un Interahamwe et qu'il surveillait la
barrière si bien qu’il est actuellement en détention, que concernant les photos prises à MULINDI
elle dit qu’elle comprend mal comment les intéressés les auraient gardées à la maison sachant
que leurs voisins sont des Interahamwe, que ces gens n'étaient pas influents au sein du FPR au
point d’avoir en leur possession des photos prises à KINIHIRA ;
Attendu que MUKAKAYIJUKA plaide non coupable d'avoir fait assassiner Révérien,
GAHONGAYIRE et Alexis, que l'Officier du Ministère Publique prend la parole et dit que
MUREKATETE Hamida affirme que MUKAKAYIJUKA a amené des Interahamwe dont
Charles et SUGUTI qui avait une grenade et un poignard, faire une fouille au domicile de
SAWUDA, qu'ils sont revenus par la suite et ont tué ces victimes, que MUKAKAYIJUKA
réplique en disant qu'elle connaît ces miliciens Interahamwe mais nie avoir collaboré avec eux,
qu’interrogée sur les circonstances de la mort de GAHONGAYIRE, elle répond avoir appris de
Marie que cette victime avait été tuée chez SAWUDA par Charles et a été enterrée par ces
miliciens Interahamwe et les membres de la famille où elle avait été tuée , qu'elle n’a pas assisté
à cet enterrement car elle ne connaissait pas la victime ;
Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit que c'est SAWUDA qui a tué GAHONGAYIRE,
mais que SAWUDA l’accuse d’être responsable de la mort de celle-ci parce que
GAHONGAYIRE s’était réfugiée chez elle à NYAMIRAMBO, et qu’elle l’avait envoyée chez
elle à NYAKABANDA où elle lui faisait parvenir de la nourriture par l’intermédiaire de son
frère, qu’elle affirme que SAWUDA a pris part à ce meurtre, qu'à la question de savoir pourquoi
elle ne l'a pas dit au Ministère Public et à la police judiciaire, elle répond l'avoir déclaré au
parquet ;
Attendu qu'en réponse à la question de savoir pourquoi elle a nié auparavant avoir su que
GAHONGAYIRE avait trouvé refuge chez SAWUDA, MUKAKAYIJUKA nie catégoriquement
213
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
en avoir eu connaissance, que l'un des magistrats lui rappelle qu’elle a dit que GAHONGAYIRE
était une amie de SAWUDA, et qu'il lui pose la question de savoir pourquoi elles se sont
brouillées par la suite, elle répond qu’elle ne sait pas pourquoi ;
Attendu qu'après avoir prêté serment, UMWALI M. Goretti est invitée à parler des circonstances
de la mort de GAHONGAYIRE, qu’elle dit que Hadidja est arrivée chez SAWUDA
NYIRAMANZI et a dit qu'elle allait amener des Interahamwe parce que sa maison avait été
pillée, qu’un groupe de malfaiteurs composé de SUGUTI, KAGABA et d’autres est
effectivement arrivé et qu’ils ont tué GAHONGAYIRE, que UMWALI et d’autres ont fui en
courant ;
6ème feuillet.
Attendu qu'interrogée sur ce qui la pousse à affirmer que c'est MUKAKAYIJUKA qui a amené
le groupe de tueurs, elle répond que c'est parce qu'elle venait de quitter à peine les lieux en disant
qu'elle allait amener des miliciens Interahamwe que les membres de ce groupe sont arrivés en
disant qu'il y avait une dame Inkotanyi qui se cachait à cet endroit, qu'elle termine en disant
qu'elle ne sait rien d'autre concernant la prévenue à part qu'elle persécutait les voisins en les
traitant d'Inkotanyi et qu'elle n'a pas participé physiquement à cette expédition meurtrière ;
Attendu qu’à la question de savoir si elle a été effectivement en possession des photos dont il est
question, KANZAYIRE répond par la négative et dit que MUKAKAYIJUKA le disait pour la
faire tuer, qu’interrogée sur ce qui s’est passé quand MUKAKAYIJUKA les a dénoncées aux
miliciens qui surveillaient la barrière, elle répond que ces miliciens les ont pardonnées et laissées
saines et sauves, qu'interrogée sur l'identité du témoin qui aurait entendu MUKAKAYIJUKA les
traiter d'Inkotanyi, elle dit que ce sont les miliciens Interahamwe et une vieille dame qui est
décédée, qu’elle poursuit en disant que GAHONGAYIRE a été trahie par Hadidja car c’est elle
qui savait l’endroit où elle se cachait et racontait à qui voulait l’entendre que KANZAYIRE
cachait un Inyenzi, que la preuve la plus éclatante est qu’elle a emporté les vêtements de la
victime qu’elle n’a pas hésité à porter au vu et au su de tous, qu’elle termine en disant que la
prévenue a pillé les vêtements des membres de la famille MULIGANDE après leur assassinat ;
Attendu qu'interrogé sur l'identité du témoin qui aurait vu Hadidja porter les vêtements pillés
chez MULIGANDE ou ceux de GAHONGAYIRE, KANZAYIRE dit qu'il y avait à cette époque
beaucoup de tueries si bien que personne ne sortait, que c’est parce qu’elle vivait avec elle
214
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
qu’elle l’a su, qu’à la question de savoir pourquoi elle était traitée d’Inyenzi au cours de la
guerre, elle répond que toute personne de l’ethnie Tutsi ou opposée au régime de l'époque était
traité comme tel ;
7ème feuillet.
Attendu que KANJISHI Agnès est invitée à témoigner sur les faits reprochés à
MUKAKAYIJUKA Hadidja et que, après avoir prêté serment, elle dit qu'elle n'a pas longtemps
vécu avec MUKAKAYIJUKA Hadidja sinon qu'elle sait que l’intéressée, à son retour de
GITARAMA, s’est disputée avec Rose lui reprochant d’avoir volé son bois de chauffage, qu’à la
question de savoir si elle faisait partie de la milice Interahamwe elle répond par la négative et dit
que ce sont plutôt ses frères Abdallah et Aboubacar qui en faisaient partie, qu'à la question de
savoir si c'est elle qui a conseillé à KANZAYIRE de fuir parce que Hadidja avait comploté
contre elle auprès de SUGUTI, elle répond par l'affirmative;
Attendu que KANJISHI dit que SUGUTI était un milicien Interahamwe de renom dans cette
localité, qu'elle ne sait cependant pas s’il collaborait avec MUKAKAYIJUKA Hadidja, qu’à la
question de savoir si ce sont les Interahamwe qui tranchaient les litiges, elle répond que les
Interahamwe disposaient à cette époque du droit de vie et de mort;
Attendu que Maître KABAYABAYA relève que KANJISHI Agnès vient de dire que Hadidja est
allée alerter SUGUTI à cause de son bois de chauffage que l'on avait volé alors que Rose et
Marie affirment quant à elles avoir fui parce que Hadidja était allée alerter les Interahamwe pour
les tuer, que d’autre part, Agnès dit qu’elle n’a pas connaissance d’une quelconque méchanceté
sur le compte de Hadidja, que ces déclarations sont dès lors contradictoires;
Attendu qu'invité à dire ce qu’il sait sur les infractions reprochées à MUKAKAYIJUKA,
KAYIHURA Vincent, après avoir prêté serment, dit que MUKAKAYIJUKA a causé de
l’insécurité en disant au milicien Interahamwe nommé BIZIMANA que SAWUDA s'était fait
prendre en photo aux cotés des Inkotanyi et se rendait à KINIHIRA, qu'à la question de savoir si
MUKAKAYIJUKA était membre de la milice Interahamwe, il répond qu’elle en faisait partie à
cause des propos qu’elle tenait, qu’il termine en disant que les gens qu’elle menaçait en sont
arrivés à lui demander de les épargner ;
Attendu que l'Officier du Ministère Public demande à KAYIHURA de préciser si après ce geste,
Hadidja a cessé de les menacer, que KAYIHURA dit qu'il n'en a rien été et qu'elle a poursuivi
215
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
son œuvre, que Maître KABAYABAYA demande que KAYIHURA explique pourquoi il était
traité d’Inkotanyi et que celui-ci répond que c'est parce qu'il écoutait la radio MUHABURA
alors que c'était interdit, qu’interrogé sur l’endroit où les photos ont été retrouvées, il répond que
cette photo a été découverte par la domestique de SAWUDA et qu’on pouvait y voir SAWUDA
et un militaire avec lequel elle avait des liens de parenté ;
Attendu que l'audience est suspendue pour continuer le 27/04/98, qu'à cette date elle est reportée
au 13/07/98 au motif que la prévenue n’a pas comparu, que l’audience a par la suite fait l'objet
de plusieurs reports pour divers motifs, et que par la suite la prévenue comparait assistée de
Maître KABAYABAYA ;
Attendu que l'Officier du Ministère Public fait un exposé sommaire des circonstances des
infractions et dit que MUKAKAYIJUKA est mise en cause par des témoins oculaires qui n’ont
aucune raison de le faire injustement car ils n’ont aucun litige avec elle, qu'il requiert la peine
d'emprisonnement à perpétuité pour la première infraction, la peine de mort pour la deuxième
infraction, sept ans d'emprisonnement pour la troisième infraction, huit mois d'emprisonnement
pour la quatrième infraction, deux ans d’emprisonnement pour la cinquième infraction, un an
d'emprisonnement pour la sixième infraction et un an d'emprisonnement pour la septième
infraction ;
8ème feuillet.
Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle rejette les infractions qui lui sont reprochées
et demande au Tribunal de faire preuve de perspicacité en vue de la manifestation de la vérité ;
Vu que le Tribunal rend un jugement avant dire droit par lequel il décide d'entendre le témoin
qui a été désigné sous le pseudonyme de maman Jean Paul pour une meilleure manifestation de
la vérité ;
Attendu qu'en date du 16/12/1998, les délégués du Tribunal composés des juges NDIZIHIWE et
216
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
Attendu qu'après avoir prêté serment, MUKANDAMAGE Euphrasie dit qu'elle ne sortait pas au
cours de la guerre car elle n'avait rien à faire à l'extérieur, qu'elle n'a pas vu MUKAKAYIJUKA
porter un poignard ou une grenade, qu'elle l'a seulement entendue dire à haute voix qu'elle allait
faire quelque chose d'extraordinaire ce jour à cause du bois de chauffage qui lui avait été volé,
qu'elle l'a entendue de ses propres oreilles, qu'elle a entendu également le nommé HABIBU
demander si Hadidja avait juré de tuer des gens, et qu’elle termine en disant que Hadidja a été
poursuivie à cause des mauvais propos qu’elle tenait ;
Attendu qu'à la question de savoir si c'est elle qui a entendu les enfants de MUKAKAYIJUKA
dire que cette dernière aurait tué une dame inconnue à GITARAMA, MUKANDAMAGE répond
par la négative et précise qu'elle a entendu RUGINA et Peruth le dire, qu’interrogée sur les
vêtements que Hadidja a pillés et qu’elle portait à son retour du refuge, elle répond qu’elle ne
saurait l’affirmer à part qu’elle en a entendu parler, qu’elle ajoute qu’elle est sa voisine mais
qu’elle ne l’a jamais vue porter ces vêtements soit au cours de la guerre soit après ;
9ème feuillet.
Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja est invitée à répliquer après la lecture des résultats de
l’enquête, qu’elle dit que les déclarations de MUKANDAMAGE (Maman J. Paul), sont
motivées par la haine dont elle fait l’objet, qu’elle se demande comment cette dernière, qui était
en cachette, l’a entendue dire à RUGINA qu’elle a tué une personne à GITARAMA,
qu’interrogée sur le problème relatif au bois de chauffage, elle répond qu’effectivement elle n’en
a pas retrouvé à son retour de GITARAMA, et qu’elle dit que si même ce bois n’était pas un bien
d’une grande valeur, il était logique qu’elle s’alarme, car à cette époque chaque personne s’en
servait pour faire sa cuisson ;
Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que le témoignage de MUKANDAMAGE n’est
pas faux et qu’il corrobore d’autres témoignages selon lesquels l’accusée est responsable de la
mort de GAHONGAYIRE, qu'il estime que c'est elle qui est à l’origine de la mort de la victime
dès lors qu’elle était allée là où elle se cachait sous prétexte qu’elle cherchait le bois de
chauffage et que l’attaque est arrivée immédiatement après son départ, que même le témoin à
décharge qu’elle avait fait citer l’a plutôt chargée, que donc la prévenue ne peut nullement
prétendre que ledit témoin la met injustement en cause ;
Attendu que Maître RAUXYAO Athanase dit que d'autres avocats ont assisté la prévenue avant
lui et qu'il n'est pas nécessaire qu'il reprenne tout ce qu’ils ont dit, que MUKANDAMAGE a été
citée par MUKAKAYIJUKA comme témoin à sa décharge et qu’elle semble la mettre en cause
si l’on tient compte de ce qui a été dit, mais qu'il relève quant à lui qu'elle n'a à aucun moment
spécifié un quelconque acte matériel qu'elle aurait commis sinon dire qu'elle tenait des mauvais
propos sans cependant indiquer les actes qui en ont découlé, que n'importe qui peut prononcer de
telles paroles quand il est victime de vol et que cela ne signifie nullement passer aux actes
217
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
concrets, que le fait que Hadidja avait un frère qui était un Interahamwe ne constitue pas une
infraction pour elle, que le témoignage de MUKANDAMAGE ne suffit pas pour établir la
culpabilité de Hadidja car elle ne l'a pas vue commettre une infraction, qu'il termine en
demandant que l'intéressée soit acquittée ;
Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle n'a rien à ajouter, qu'elle attend la décision
du Tribunal ;
10ème feuillet.
Constate que l'infraction d'association de malfaiteurs n'est pas établie à sa charge car le
Ministère Public et les témoins n'ont pas rapporté de preuves palpables, le fait que ses frères
étaient des Interahamwe ne pouvant signifier qu'elle a fait partie d'une association de malfaiteurs
dès lors qu'il n'y a aucun acte qu'elle aurait commis avec ce groupe de gens ;
Constate que l'infraction de port illégal d'arme n'est pas établie à sa charge car de nombreux
témoins affirment qu'elle n’en a pas porté et que même les plaignants n'en ont pas apporté des
preuves tangibles ;
Constate que l'infraction de tortures exercées contre les enfants de MUKAWERA n'est pas non
plus établie à sa charge, car MUKAWERA fonde son accusation sur les déclarations de Hadidja
selon lesquelles les filles de MUKAWERA ont été violées en sa présence chez elle, et que
MUKAWERA pense que MUKAKAYIJUKA était au courant de ce viol qui était projeté contre
ses filles, mais que ses filles nient en avoir été victimes, que donc les déclarations de
MUKAWERA ne peuvent être considérées comme vraies ;
Constate que l’infraction de menace de livrer les gens aux tueurs et de persécution sont établies
à sa charge car elle reconnaît avoir beaucoup crié à cause de son bois de chauffage qu’elle ne
trouvait pas, que les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour sont constitutives de ces
infractions surtout qu’elle disait qu’elle allait alerter les Interahamwe pour qu’ils tuent les Tutsi
qui se seraient emparés de son bois de chauffage si jamais celui-ci n’était pas retrouvé, que
malgré qu’elle n’a pas mis en exécution son intention parce que son bois de chauffage avait été
218
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
retrouvé, les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour là démontrent sans aucun doute
qu’elle menaçait tout le temps ses voisins de les dénoncer aux tueurs ;
Constate que l'infraction de violation du domicile est établie à sa charge car, en plus des
témoignages de ses voisins, elle reconnaît elle aussi avoir fouillé des maisons à la recherche de
son bois de chauffage qui avait disparu ;
Constate que le crime de génocide est établi à sa charge car elle a menacé de dénoncer les gens
et a fait des fouilles aux domiciles des Tutsi à l'époque du génocide, ces actes étant constitutifs
de ce crime tel que prévu par l'article 1b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/96 sur la
répression du crime de génocide ;
Constate que les infractions commises par MUKAKAYIJUKA la rangent dans la troisième
catégorie, qu'elles sont en concours idéal et qu'elle doit être punie de la peine de deux ans qui est
la plus sévère de celles prévues pour les infractions établies à sa charge ;
11ème feuillet.
Vu les articles 6, 12, 76,104,129,199, 200 de la Loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code
d'organisation et de compétence judiciaires ;
Vu les articles 1, 2, 14, 29, 36 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l'organisation des
poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ;
Vu les articles 16, 17, 58, 59, 76, 83, 84, 90,138 du Code de Procédure Pénale ;
Déclare recevable l'action du Ministère Public car elle est régulière en la forme et la dit
partiellement fondée ;
Déclare que MUKAKAYIJUKA Hadidja perd la cause quant aux infractions précisées aux
exposés des motifs ;
219
RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999
RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.
GREFFIER
BIKINO J. Claude.
sé
220
CHAMBRE SPECIALISEE
DE NYAMATA
221
222
N°10
1. Procédure – non comparution des témoins – insuffisance des charges – descente sur les lieux
– audition de témoins.
4. Acquittement.
1- Face à l’insuffisance des charges invoquées par le Ministère Public et la non comparution
des témoins, le Tribunal décide d’office de procéder à une descente sur les lieux en vue
d’interroger les témoins et d’autres personnes dont l’audition lui paraîtra utile.
2- Ne constitue pas une charge suffisante, le témoignage d’une personne qui se contredit dans
ses déclarations et qui n’a pas personnellement vu les faits qu’elle relate. Il en est de même
des accusations portées contre la prévenue par deux sœurs, dont la plus jeune a reconnu en
cours de procès avoir agi de concert avec son aînée dans le dessein de faire condamner à tort
la prévenue au motif qu’elle entretenait des relations de concubinage avec le mari de celle-ci.
3- Les poursuites ayant été engagées sur la base de témoignages qui se sont avérés non
crédibles ou faux, le Ministère Public renonce aux poursuites et demande au Tribunal
l’acquittement de la prévenue.
223
224
RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000
R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA
(Traduction libre)
1er feuillet
CONTRE :
MUKANSANGWA Pascasie.
PREVENTIONS:
LE TRIBUNAL,
Vu la comparution à cette date de l’accusé assisté par Me. SEMANDA Cyridion, le Ministère
Public étant représenté par KAYINAMURA Vincent ;
Attendu que le Ministère Public énonce les préventions et produit les preuves à charge de
l’accusée ;
Attendu que MUKANSANGWA plaide non coupable, et dit que ceux qui la chargent le font à
tort et demande au Tribunal de les faire citer pour qu’ils puissent lui être confrontés ;
225
RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000
R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA
Attendu que Pascasie déclare que toutes les accusations portées contre elle par NIKUZE
Consolée sont motivées par le fait qu’elle entretenait des relations de concubinage avec le mari
de Consolée nommé NSENGIYAREMYE ;
Attendu qu’en date du 27/06/200, au cours de la descente sur les lieux, la petite sœur de
NIKUZE du nom de NYIRAMINANI est interrogée, et déclare qu’elle a accusé
MUKANSANGWA à tort, conjointement avec sa grande sœur, pour la faire emprisonner ;
Constate que l’action publique est recevable, car elle régulière en la forme ;
Constate que MUKANSANGWA Pascasie est poursuivie pour les infractions de génocide,
d’assassinat et d’attentat ayant pour but de porter la dévastation et le pillage ;
Constate que MUKANSANGWA Pascasie nie toutes les infractions à sa charge et dit qu’elle
n’a pas participé au génocide qui a endeuillé tout le pays ;
2èmefeuillet.
Constate que lors de l’audience du 25/06/2000, le Ministère Public n’a pas pu fournir à charge de
l’accusée des preuves suffisantes, et qu’en plus les témoins à charge n’ont pas été entendus
puisqu’ils n’avaient pas comparu ;
Constate que même tous les témoins entendus au cours de la descente du 26/06/2000 à
NYAGIHUNIKA où les infractions dont Pascasie est accusée ont été commises ont affirmé que
cette dernière est innocente à l’exception de MUKAKIMENYI qui l’accuse d’avoir tué
Damascène au moyen d’une houe usée, mais que dans ses déclarations elle s’est souvent
contredite, et qu’à la fin elle a fini par reconnaître qu’elle n’a pas été témoin oculaire ;
Constate que les déclarations de NYIRAMINANI ne sont pas fondées parce qu’elle déclare
avoir, conjointement avec sa grande sœur NIKUZE, accusé faussement MUKANSANGWA
Pascasie, parce que le mari de sa grande sœur nommé NSEGIYAREMYE, entretenait des
relations de concubinage avec Pascasie, et que c’est pour cette raison qu’elles l’ont fait
emprisonner ;
Constate que les déclarations de NIKUZE Consolée n’ont pas de fondement puisqu’elle
reconnaît avoir comploté avec sa petite sœur NYIRAMINANI pour témoigner faussement
contre Pascasie, et qu’elle dit que sa petite sœur s’est trahie, que par conséquent elles n’ont plus
de moyen de défense ;
Constate que même les témoins qui ont été interrogés à RIRIMA le 27/06/2000, à savoir
NTEZIYAREMYE, SAFARI et MUNYAGIHE, n’ont pas mis en cause MUKANSANGWA
Pascasie ; que dans son témoignage, MUNYAGIHE a aussi affirmé qu’on pouvait croire que
Pascasie était la femme de NSENGIYAREMYE, et à la question posée à Pascasie de savoir
pourquoi elle entretenait des telles relations avec le mari d’autrui, elle répond que c’était en
guise de remerciement aux soldats de l’APR pour avoir vaincu l’ennemi ;
Constate que dans cette affaire aucune partie civile ne s’est constituée ;
Constate que dans ses conclusions, le Ministère Public s’est rétracté et a demandé que Pascasie
soit libérée ;
226
RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000
R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA
Déclare que l’action publique n’est pas fondée car le Ministère Public lui-même le reconnaît ;
Déclare qu’il n’y a aucune preuve à charge de la prévenue, et qu’elle est acquittée ;
SIEGE
GREFFIER
NSENGIYUMVA Ignace
Sé
227
228
CHAMBRE SPECIALISEE
DE RUHENGERI
229
230
N°11
1. Le prévenu récuse les témoignages qui le chargent, soutenant qu'ils trouvent leur origine
dans le conflit qui oppose sa famille à celle des témoins; cet argument n'est pas retenu par le
Tribunal qui constate que plusieurs témoins dont la propre mère du prévenu démentent
l'existence d'une inimitié entre les deux familles.
2. Sont déclarées établies à charge du prévenu, les infractions d'assassinat et de génocide car:
- les témoins à charge et à décharge, dont sa propre mère, le mettent en cause dans
l'assassinat de la victime ;
- les témoignages recueillis lors de la descente du Tribunal sur le terrain incriminent le
prévenu ;
- les auteurs des attaques dans la région, cités par le prévenu et sur qui il rejette la
responsabilité de l'assassinat de la victime, reconnaissent avoir mené l'attaque qui a
emporté d'autres personnes, mais soutiennent que la victime leur avait échappé et n'a été
tuée que plus tard par le prévenu ;
- le Tribunal constate que la victime a été visée en raison de son appartenance au groupe
ethnique Tutsi.
231
3. Les infractions d'assassinat et de génocide retenues à charge du prévenu ont été commises en
concours idéal et le rangent en deuxième catégorie.
232
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI
(Traduction libre)
1er feuillet.
CONTRE :
PREVENTIONS :
− Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur ou
complice, assassiné RUSHENZI, infraction prévue et réprimée par l’article 312 du Code
Pénal livre II ;
2ème feuillet.
LE TRIBUNAL,
Vu qu’à cette date l’audience est remise au 19/10/2000 à la suite du défaut du Ministère Public,
qu’à cette date l’audience est une nouvelle fois remise au 26/10/2000, date à laquelle l’audience
n’est pas non plus tenue parce que l’un des membres du siège participe à une formation, que ce
233
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI
Qu’à cette date l’audience a lieu en présence du Ministère Public représenté par SEBUTUNDA
Emmanuel et de NTAHONDI assisté de Maître Joséphine NYIRAHATEGEKIMANA ;
Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense sur la prévention d’avoir assassiné
RUSHENZI à cause de son appartenance au groupe ethnique Tutsi, NTAHONDI alias
BIZIMANA répond qu’il plaide non coupable ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît les circonstances de l’assassinat de RUSHENZI,
NTAHONDI répond qu’il connaissait RUSHENZI, que celui-ci a été tué par une attaque de
miliciens Interahamwe en provenance de CYABINGO à laquelle prenaient part les nommés
HATEGEKIMANA Vianney et MUTABARUKA Raphaël qui reconnaissent d’ailleurs les faits,
qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ils sont passés à proximité de leur domicile après avoir
consommé leur forfait, et qu’en compagnie d’autres personnes il est arrivé sur le lieu où gisait le
cadavre de RUSHENZI ;
Attendu qu’invité à réagir aux déclarations des témoins MUKAMANA Justine, ZIBONUMWE
et MANYINYA qui le chargent du meurtre de RUSHENZI, NTAHONDI répond qu’il était
impossible pour MUKAMANA Justine (la mère de RUSHENZI) d’être témoin de cet assassinat,
que MANYINYA le charge injustement parce qu’il est le fils de ZIBONUMWE lequel est
l’ennemi du père de NTAHONDI qui s’appelle NSANZABARUNGU car, soutient-il,
ZIBONUMWE a soutenu par le passé les fils de NSANZABARUNGU (qui sont en fait les grand
frères de NTAHONDI) qui étaient en procès contre leur père, ce qui constitue à son avis une
raison suffisante pour ceux qui l’accusent de lui attribuer cet assassinat ;
Attendu que NTAHONDI dit au Tribunal que les gens qui peuvent corroborer sa thèse sont
notamment sa mère KASINE, ses sœurs ainsi que le nommé Daniel alias Innocent ;
3ème feuillet.
Attendu que le Tribunal lui fait remarquer que sa mère KASINE et Daniel l’ont chargé devant le
Ministère Public et qu’il répond que Daniel n’a fait que rapporter les propos de MUKAHIRWA
qui a également tenu le même discours à KASINE, qu’il poursuit en disant que le conseiller
MUNYAMPENDA Simon et MUNYAMBIZI sont au courant de la mésentente qui existe entre
ZIBONUMWE et sa famille ;
Attendu que le Ministère Public dit que NTAHONDI Ildéphonse veut induire le Tribunal en
erreur en prétendant que RUSHENZI a trouvé la mort chez son père MUNYAMPUNDU alors
qu’il a été tué par NTAHONDI dans un vallon, que NTAHONDI n’a pas précisé l’endroit où
leurs malentendus ont été débattus, qu’il continue en disant que RUSHENZI a trouvé la mort
près de chez NTAHONDI dans une parcelle appartenant au dénommé MUHIRIMA, à environ
15 mètres à partir de chez NTAHONDI ;
Attendu que le Ministère Public procède à l’exposé des faits à charge de NTAHONDI et requiert
contre lui la peine d’emprisonnement de 20 ans ainsi que le paiement des frais occasionnés par la
présente procédure et les dommages et intérêts aux parties civiles qui pourront se constituer ;
Attendu que NTAHONDI réagit au réquisitoire du Ministère Public, que Maître
NYIRAHATEGEKIMANA qui l’assiste demande que son client soit déchargé par
234
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI
Attendu qu’invité à émettre son dernier avis, NTAHONDI répond qu’il n’a rien à ajouter à son
procès, que l’audience est clôturée et le prononcé fixé au 06/11/2000, qu’à cette date le Tribunal
décide d’effectuer une descente sur les lieux du crime en dates du 16 et 17/11/2000 ;
Attendu que la nommée HAKORIMANA Edith déclare ne rien savoir sur l’assassinat de
RUSHENZI ;
4ème feuillet.
Attendu que ZIBONUMWE explique au Tribunal que l’assassinat de RUSHENZI lui a été
rapporté par son épouse NDINDAYINO Florida, son fils NSABIMANA et MANYINYA qui lui
ont dit qu’ils ont vu NTAHONDI tuer RUSHENZI, qu’il déclare être sûr de la véracité de ce
qu’ils lui ont dit en ce sens qu’à son arrivée à la maison, ces derniers lui ont dit qu’ils avaient eu
peur d’aller chercher de l’herbe pour le bétail parce que NTAHONDI avait tué RUSHENZI sous
leurs yeux, qu’il poursuit en disant qu’il n’est pas en conflit avec NSANZABARUNGU, que par
contre il avait souvent l’habitude d’accompagner celui-ci du temps où il était en procès avec
MUHIRIMA ;
Attendu qu’après avoir prêté serment de dire la vérité, NDINDAYINO Florida déclare qu’elle a
vu NTAHONDI tuer RUSHENZI à coups de gourdin, que RUSHENZI criait au secours en
disant «toi aussi BIZIMANA tu me tues ? », qu’il montre l'endroit où NTAHONDI a donné la
mort à sa victime et que NTAHONDI confirme que c’est effectivement à cet endroit que
RUSHENZI a été assassiné tout en réfutant cependant sa responsabilité dans cet assassinat ;
Attendu que NSABIMANA alias MANYINYA explique que RUSHENZI a été tué par
BIZIMANA alias NTAHONDI, qu'il a été témoin oculaire des faits, que lorsque la victime est
sortie du buisson qui lui servait de cachette, NSABIMANA lui a dit de se réfugier à
CYINTARE, que chemin faisant RUSHENZI a croisé NTAHONDI qui lui a demandé où il
allait, et que quelques instants après, NSABIMANA a entendu RUSHENZI appeler au secours
en disant « Toi aussi BIZIMANA tu me tues ? » ;
Attendu que dans sa défense NTAHONDI dit que la déclaration de NSABIMANA alias
MANYINYA ne devrait pas être prise en considération dans la mesure où celui-ci est arrivé sur
les lieux de l’assassinat 10 minutes après la mort de RUSHENZI et qu’il n’a démontré nulle part
que NTAHONDI aurait participé à cet assassinat ;
Attendu que tous les autres témoins notamment UWIMANA Daniel, HAKUZIMANA,
NZIHANA, NYIRAMAJANGWE, RUSHENZI ainsi qu’un membre de la famille
MUNYAMPUNDU sont entendus, que Daniel reconnaît avoir pris part à l'enterrement de
235
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI
RUSHENZI et qu’à cette occasion, il a constaté que ce dernier avait succombé à des coups de
gourdin ou de massue, que NZIHANA qui abonde dans ce sens déclare l’avoir appris de Florida,
qu’interrogé à ce propos MURAHIRWA dit que KASINE (la mère de NTAHONDI) lui a dit que
RUSHENZI a été tué par NTAHONDI ;
Attendu que KASINE, la mère de NTAHONDI, explique au Tribunal qu’un procès a opposé les
grands frères de NTAHONDI à leur père NSANZABARUNGU lequel a d’ailleurs eu gain de
cause et que ZIBONUMWE l’accompagnait toujours à ce procès et lui prodiguait des conseils ;
5ème feuillet.
Attendu qu’en réplique aux déclarations de MUTABARUKA, NTAHONDI dit que ce dernier
ment et qu’il nie les faits qu’il avait pourtant reconnus auparavant, que réagissant à ces propos,
MUTABARUKA revient à la charge en affirmant que l’attaque dont il est question a coûté la vie
à trois personnes et que l’autre leur a échappé en fuyant à travers la bananeraie, qu’ensuite ils
sont partis sans rien laisser sur place ;
Attendu que HAKESHIMANA J.M. dit que la famille MUNYAMPUNDU a été attaquée, que
trois de ses membres ont été tués et que seul un jeune homme a pu échapper aux assaillants en se
sauvant à travers la bananeraie, qu’il apprendra plus tard que ce dernier a été tué par
NTAHONDI, que poursuivant sa déposition, HAKESHIMANA dit que les déclarations de
NTAHONDI sont mensongères parce que cet enfant n’a pas trouvé la mort sur place, que
NTAHONDI ment quand il soutient qu’il gardait le bétail lorsqu’il a vu ces assaillants passer à
proximité de leur domicile, car il ne les connaissait pas, que l’audience est remise au 05/12/2000
et qu’à cette date elle est en continuation ;
Attendu que NTAHONDI explique au Tribunal que les gens le chargent à tort et que les détenus
qui le chargent le font pour se disculper, que pour sa part Maître NYIRAHATEGEKIMANA
demande que son client soit acquitté parce qu’aucune preuve n’a pu établir sa culpabilité et que
ceux qui le chargent le font parce qu’ils sont en aveu alors que son client plaide non coupable ;
Vu qu’aucune partie civile ne s’est constituée ;
Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner, que le Tribunal prend
l’affaire en délibéré ce 12/12/2000 et rend le jugement ci-après :
Constate que NTAHONDI Ildéphonse alias BIZIMANA est poursuivi par le Ministère Public
pour avoir assassiné RUSHENZI à cause de son appartenance au groupe ethnique Tutsi ;
236
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI
6ème feuillet.
Constate que NTAHONDI a plaidé non coupable aussi bien devant le Ministère Public que
devant le Tribunal, qu’il a même affirmé à l’audience du 30/10/2000 savoir que RUSHENZI a
été tué par une attaque venue de CYABINGO et à laquelle prenaient part les nommés
HAKESHIMANA Vianney, MUTABARUKA et MUNYAMPENDA et que c’est à cette
occasion que la famille MUNYAMPUNDU a été massacrée, qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ils
sont passés chez eux et que HAKESHIMANA et MUTABARUKA détenus à la prison de
RUHENGERI reconnaissent les faits dont il est accusé ;
Constate que les preuves dont le Ministère Public se prévaut sont notamment les déclarations de
NDINDAYINO Florida qui a entendu le petit RUSHENZI appeler au secours en disant : « Toi
aussi NTAHONDI (alias BIZIMANA) tu me tues ? » ainsi que celles de MANYINYA qui avoue
qu’il était avec RUSHENZI quand NTAHONDI a dit à celui-ci de les rejoindre en lui assurant
qu’aucun mal ne lui arriverait, que RUSHENZI les ayant rejoints dans un vallon où ils étaient
(endroit où le Tribunal s’est transporté et où NTAHONDI et MANYINYA soutiennent que
RUSHENZI a été assassiné), il a entendu RUSHENZI s’étonner de ce que NTAHONDI voulait
également le tuer ;
Que cette version des faits est corroborée par les déclarations de ZIBONUMWE qui soutient que
son fils MANYINYA lui a dit que RUSHENZI a été tué par NTAHONDI, que cela faisait suite à
la question qu’il venait de lui poser de savoir pourquoi il n’avait pas rentré tôt le bétail du
pâturage à la maison, que son fils lui a répondu qu’il ne l’a pas fait parce que RUSHENZI qui
gardait le bétail avec lui venait de se faire tuer et qu’il a eu peur ;
Constate qu’en date du 22/11/2000 le Tribunal s’est transporté sur le lieu du crime, qu’il a
entendu les personnes qui sont au courant des procès qui ont opposé NSANZABARUNGU (le
père de NTAHONDI) et ses propres fils, qu’à la question de savoir le rôle que ZIBONUMWE
aurait joué dans cette affaire, ces personnes ainsi que la mère de NTAHONDI ont nié
catégoriquement que ces procès aient jamais eu lieu (sic) ;
Constate que la descente s’est poursuivie le lendemain le 23/11/2000, que le Tribunal a interrogé
les nommés MUKESHIMANA J.M.V, MUNYAMPENDA Siméon et MUTABARUKA
Raphaël au sujet de l’assassinat de RUSHENZI, que ces personnes ont avoué avoir massacré la
famille de MUNYAMPUNDU, mais que RUSHENZI leur avait échappé ;
7ème feuillet.
Constate que NTAHONDI et son conseil n’ont pas pu contredire les preuves rapportées par le
Ministère Public, qu'ainsi NTAHONDI doit être puni pour avoir assassiné RUSHENZI à cause
de son appartenance à l’ethnie Tutsi à l’image de ce qui se faisait partout dans le pays, que les
infractions établies à sa charge (assassinat et génocide) sont en concours idéal, qu’il bénéficie
cependant de la réduction de la peine parce qu’il était mineur au moment des faits tel que prévu
237
MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000
RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI
Constate que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner ;
Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er
octobre 19990 en ses articles 1, 2 2ème catégorie, 14b, 18, 19, 20, 21, 22 al.1, 24, 36, 37 et 37 ;
Vu les articles 77 et 312 de la loi n°21/77 du 18 août 1977 portant Code pénal
8ème feuillet.
Déclare recevable l’action du Ministère Public parce que régulière en la forme et la dit fondée ;
Déclare que les préventions à charge de NTAHONDI sont établies et le rattachent à la 2ème
catégorie ;
Condamne NTAHONDI à payer les frais occasionnés par la présente procédure équivalant à
68.000 Frw ;
Rappelle à toute personne désireuse d’interjeter appel que le délai d’appel est de 15 jours et qu’il
y est statué sur pièces ;
238
CHAMBRE SPECIALISEE
DE RUSHASHI
239
240
N°12
Ce prévenu a fait des aveux complets et les infractions avouées (génocide et crimes contre
l'humanité, association de malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays) le
rangent en deuxième catégorie. En application de l'article 16)a de la Loi organique du
30/08/1996, il est condamné à 15 ans d'emprisonnement.
241
association de malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays sont déclarées
établies à charge du 1er prévenu, car:
- Il est mis en cause par le 2ème prévenu qui a avoué les faits, les déclarations de ce
co-prévenu concordant avec celles d'autres témoins.
- Ses affirmations selon lesquelles ceux qui le mettent en cause n’auraient agi que par
dépit ou vengeance n’apparaissent pas fondées.
- Les témoins à décharge qu'il a lui-même cités ne le disculpent pas.
- Ses moyens de défense recèlent des contradictions. Il ne subsiste pas de doute
quant à sa participation au complot qui a abouti à l'assassinat de la victime et de ses
quatre enfants.
3. Les infractions retenues à charge du 1er prévenu ont été commises en concours idéal et
permettent de le ranger en deuxième catégorie. Il est condamné à l'emprisonnement à
perpétuité et à la dégradation civique.
- Les déclarations du 3ème prévenu, qui explique sa présence sur les lieux où ont été
débusquées les victimes par sa crainte de voir attaquer des membres de sa famille
paraissent plausibles ; le fait qu’il n’ait pas pris part aux assassinats paraît confirmé
par le prévenu en aveu.
- Il apparaît que la déclaration du 3ème prévenu chargeant le quatrième d'avoir été
parmi les gens qui ont débusqué les victimes n’est pas conforme à la vérité et doit
être écartée, car elle est fondée sur un conflit qui les oppose.
(NDLR: L’appel interjeté contre ce jugement est pendant devant la Cour d’appel de Kigali).
242
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
(Traduction libre)
1er feuillet.
JUGEMENT DU 21/09/2000.
CONTRE :
PARTIES CIVILES :
PREVENTIONS :
243
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
2ème feuillet.
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, volontairement tué la nommée
MUKAKARASI Thérèse et ses 4 enfants, infraction prévue et réprimée par l’article 311 du
Code pénal livre II.
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, enlevé des personnes qu’ils sont allés
noyer dans la rivière, infraction prévue et réprimée par l’article 388 du code pénal livre II.
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, commis l’infraction de dévastation du
pays par les massacres, infraction prévue et réprimée par l’article 168 du Code pénal livre II.
QUALIFICATION LEGALE :
- Association de malfaiteurs :articles 281, 282, 283 du Code pénal livre II.
- Meurtre : article 311 du Code pénal livre II.
- Enlèvement : article 388 du Code pénal livre II.
- Attentat portant la dévastation du pays : article 168 du Code pénal livre II.
LE TRIBUNAL,
3ème feuillet.
Vu qu’après signification, les prévenus ont été, à leur demande, autorisés à consulter le dossier à
leur charge,
Vu qu’à la date d’audience prévue, les prévenus ont comparu, chacun assurant personnellement
sa défense, le Ministère Public étant représenté par l’Officier du Ministère Public NDEJEJE
Pascal tandis que RUVUZANDEKWE Seth, quoique régulièrement cité, n’a pas comparu ;
Attendu qu’après l’énoncé des préventions à leur charge, les prévenus sont invités à dire s’ils
plaident coupable ou non coupable, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il plaide coupable
comme il a avoué les faits devant le Ministère Public et a par ailleurs recouru à la procédure
d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, que GASANA Appolinaire, SEROMBA Michel et
244
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
Attendu que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il est allé rendre visite à sa grand-mère au cours
d’une matinée au mois d’avril 1991(sic) et que, en cours de route, il a croisé GASANA et
RUVUZANDEKWE qui lui ont dit que des Tutsi se cachaient à NYAMATO, qu’ils doivent les
débusquer pour qu’ils soient tués, que c’est ainsi qu’ils sont partis ensemble et ont déniché
MUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants et sont allés les tuer ;
Attendu qu’il poursuit en disant qu’ils ont emmené MUKAKARASI Thérèse et ses quatre
enfants à la rivière où ils leur ont donné l’ordre de se noyer, qu’il était en compagnie de
GASANA et RUVUZANDEKWE mais qu’il nie avoir vu SINARUHAMAGAYE sur les lieux,
qu’il affirme avoir vu SEROMBA portant une machette et une lance après qu’ils venaient de
débusquer les victimes mais qu’il n’a pas vu celui-ci à la rivière où ils ont noyé les victimes ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il nie avoir vu SEROMBA à la rivière alors que
celui-ci s’y trouvait portant une machette et une lance et que cela est la preuve qu’il prenait part
à cette expédition, il répond qu’il ne peut pas affirmer ce qu’il n’a pas vu, qu’il sait simplement
qu’il l’a vu là où ils ont débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne l’a vu nulle
part ailleurs et qu’il ignore comment il est rentré ;
4ème feuillet.
Attendu qu’il demande au Tribunal d’accepter son plaidoyer de culpabilité comme l’a fait le
Ministère Public car il dit la vérité ;
Attendu qu’après les réquisitions du Ministère Public, le Tribunal prend l’affaire en délibéré et
décide de recevoir la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de
NTAWUMENYUMUNSI et de le classer dans la deuxième catégorie en vertu de l’article 16 de
la Loi organique n° 08/96 du 30/8/96 ;
Attendu que SEROMBA Michel dit qu’il plaide non coupable et demande au Ministère Public
de produire les preuves à la base des poursuites exercées contre lui ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les infractions reprochées à SEROMBA
Michel sont établies à sa charge car de nombreux témoins entendus le mettent en cause ainsi que
245
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
Attendu que SEROMBA Michel dit que le frère de MUKAKARASI est son gendre et qu’il se
cachait chez lui à l’époque du génocide, qu’en entendant une clameur, il a pensé que c’est son
gendre que l’on venait de découvrir, qu’il a accouru et a constaté que c’est plutôt
MUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne participait donc pas à cette attaque mais
redoutait que ce soit son gendre qui puisse être tué ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il veut nier les faits qui lui sont reprochés alors que
des témoins l’ont vu à l’exemple de NTAWUMENYUMUNSI alias NIYONSHUTI qui a
recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, il répond que MUKAKARASI était
entre les mains des tueurs quand il est arrivé là où elle a été débusquée, qu’il a dit pourquoi il
s’est rendu à cet endroit et qu’il ne portait pas une lance et une machette, que
NTAWUMENYUMUNSI le met en cause par vengeance car il l’a dénoncé avec son père
SAMVURA pour avoir pillé les maniocs de MUKAKARASI et qu’ils ont été punis à cet effet du
paiement de 1.000 Frw et de la bière de banane ;
5ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir s’il n’a pas vu GASANA Appolinaire, il répond par la
négative mais dit qu’il se peut qu’il se soit éclipsé après la réunion pour faire croire que ce n’est
pas lui qui a indiqué la cachette de MUKAKARASI et ses enfants, qu’il y avait par ailleurs une
foule de gens si bien qu’il ne pouvait pas identifier tout le monde surtout qu’il avait peur ;
Attendu que SINARUHAMAGAYE Jean dit qu’il plaide non coupable, qu’il demande au
Ministère Public de produire les preuves sur lesquelles il fonde ses poursuites ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les infractions reprochées à
SINARUHAMAGAYE Jean sont établies à sa charge car SEROMBA affirme l’avoir vu sur les
lieux parmi ceux qui ont débusqué MUKAKARASI et ses quatre enfants ;
Attendu qu’il nie être arrivé sur les lieux et dit qu’il a un différend avec SEROMBA contre qui
un procès l’a opposé, mais qu’il croyait définitivement clos suite à la conciliation intervenue
entre eux au sein de la famille de manière qu’il ne pensait pas que l’intéressé puisse lui attribuer
faussement l’infraction de génocide ;
Attendu qu’il demande que d’autres personnes que SEROMBA soient interrogées et dit qu’il est
prêt à reconnaître sa responsabilité si quelqu’un d’autre le met en cause ;
Attendu que GASANA Appolinaire dit qu’il plaide non coupable et demande que le Ministère
246
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que toutes les infractions reprochées à GASANA
sont établies à sa charge car il est mis en cause par ses coauteurs à savoir RUVUZANDEKWE
Seth et NTAWUMENYUMUNSI qui est en aveu, que GASANA n’a aucun motif de les réfuter ;
Attendu que GASANA nie avoir pris part à l’attaque qui a coûté la vie à MUKAKARASI
Thérèse car il était malade du début à la fin du génocide, qu’il a au contraire vu MBYARIYEHE
emmener les victimes alors qu’il se trouvait chez lui ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas porté secours à sa voisine qui allait être
tuée, il répond qu’il n’aurait rien pu faire faute de moyens, car il était faible et que l’attaque était
composée de nombreuses personnes portant des armes telles que des massues et autres ;
Attendu que GASANA Appolinaire dit qu’il ne pouvait pas diriger une réunion alors qu’il n’était
qu’un simple citoyen, que c’est après la guerre qu’il a eu la qualité d’autorité et que, sur
demande du bourgmestre et des militaires, il a dénoncé les malfaiteurs, que c’est pour cette
raison que les gens le mettent injustement en cause, qu’il ne pouvait pas prendre part aux
attaques à cette époque où il était traité d’Inyenzi ;
Attendu que GASANA dit que ce sont KARARISI Pascal et RUVUZANDEKWE Seth qui l’ont
fait arrêter, le motif en étant que, après la mort de MUKAKARISA et ses enfants, KARARISI a
voulu vendre la propriété foncière de la victime mais qu’il le lui a interdit en sa qualité
d’autorité, que c’est donc par vengeance qu’il l’accuse à tort d’avoir commis le génocide ;
Attendu qu’il dit que des différends divers l’opposent à RUVUZANDEKWE Seth et notamment
le fait qu’il a tranché une affaire de vol à sa charge à l’issue de laquelle l’intéressé a été puni, que
cela peut être la raison pour laquelle il l’accuse injustement, qu’il demande au Tribunal
d’entendre les témoins HABUMUGISHA, SEMANA et MURWANASHYAKA et se déclare
prêt à se plier à leurs témoignages car ils savent bien qu’il a puni RUVUZANDEKWE dans une
affaire de vol ;
247
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
Attendu qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public dit que les infractions
reprochées à GASANA sont établies à sa charge car il en a rapporté les preuves, qu’il requiert la
peine d’emprisonnement à perpétuité à sa charge ainsi que celle de 15 ans d’emprisonnement à
charge de NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité, qu’il requiert également la peine d’emprisonnement de 10 ans à charge de
SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean, tous les prévenus devant être condamnés au
paiement solidaire des frais d’instance ;
Attendu que la parole est donnée aux prévenus en vue de répliquer aux réquisitions du Ministère
Public et aux témoignages, que GASANA dit que la peine requise est très élevée et qu’il
demande au Tribunal de lui rendre justice, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il consent à être
puni car il a plaidé coupable, que SEROMBA et SINARUHAMAGAYE disent qu’ils
désapprouvent la peine requise car ils sont certains de n’avoir rien fait et demandent au Tribunal
de leur rendre justice ;
Attendu que les débats sont clos, que le Tribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugement
dans les termes ci-après :
Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;
Constate que les aveux de NTAWUMENYUMUNSI doivent être acceptés car ils remplissent les
conditions prévues à l’article 6 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996 ;
Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association de
malfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et de dévastation du pays sont établies à charge de
NTAWUMENYUMUNSI car il a avoué tant devant le Ministère Public que devant le Tribunal,
avoir débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants qui se cachaient à l’arrière du
domicile de GASANA Appolinaire, qu’ils les ont ensuite emmenés et noyés dans la
NYABARONGO à cause de leur ethnie Tutsi ;
7ème feuillet.
248
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
qui a dirigé une réunion au cours de laquelle il a demandé aux gens d’aller rechercher
MUKAKARASI et ses quatre enfants au motif qu’elle l’importune en lui demandant de quoi
manger ;
Constate que le moyen de défense de GASANA Appolinaire qui nie avoir organisé la réunion
destinée à rechercher MUKAKARASI n’est pas fondé car il est inconcevable que des gens
habitant loin de l’endroit où MUKAKARASI et ses 4 enfants se cachaient aient accouru en
entendant des cris, mais que GASANA qui se trouvait à 800 mètres du lieu comme il le dit lui-
même, n’est pas allé voir ce qui se passait près de son domicile ;
Constate que GASANA Appolinaire a usé d’une grande astuce et, qu'après avoir indiqué aux
tueurs l’endroit où MUKAKARASI et ses enfants se cachaient, a disparu pour que sa part de
responsabilité dans ce crime reste incertaine ;
Constate que le fait que GASANA nie avoir conduit MUKAKARASI et ses enfants à la rivière
NYABARONGO où ils ont été noyés ne peut le disculper dès lors qu’il est à l'origine de tous ces
méfaits car les victimes n’auraient pas été inquiétées s’il n’avait pas organisé la réunion et
indiqué l’endroit où elles se cachaient ;
Constate que les témoins présentés par GASANA à sa décharge à savoir MURWANASHYAKA,
BATUMANYEHO et AYIGIHUGU affirment que GASANA a eu à trancher une affaire de vol
de régimes de bananes à charge de RUVUZANDEKWE, mais qu’aucun d’entre eux n’affirme
que c’est effectivement RUVUZANDEKWE seul qui a fait arrêter GASANA et qu'ils ne disent
rien
8ème feuillet.
sur les circonstances de la mort de MUKAKARASI Thérèse, que leurs témoignages n’ont donc
aucun rapport avec les faits reprochés à GASANA ;
Constate que les deux témoins NZABAGERAGEZA et RIBAKARE présentés par GASANA
pour confirmer l’avoir vu se rendre à KINUNGA le jour de l’assassinat de MUKAKARASI
Thérèse et de ses enfants ont nié ces allégations et ont affirmé que l’intéressé n’avait d’ailleurs
pas de champ à KINUNGA ;
Constate que les déclarations de GASANA renferment des contradictions dès lors qu’il dit d’une
part qu’il souffrait du pied à l’époque des faits et qu’il dit d’autre part être allé voir l’état de ses
récoltes, que cela démontre sans l’ombre d’un doute qu’il a participé au complot sur l’assassinat
de MUKAKARASI et ses quatre enfants ;
Constate que toutes les infractions reprochées à GASANA sont établies à sa charge et ont été
commises en concours idéal, qu’elles le rangent dans la deuxième catégorie en vertu de la Loi
organique n°08/96 du 30/8/1996 ;
249
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association de
malfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et de dévastation du pays ne sont pas établies à charge de
SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean ;
Constate que NTAWUMENYUMUNSI qui plaide coupable dit avoir vu SEROMBA Michel là
où MUKAKARASI Thérèse a été débusquée, que l’intéressé le reconnaît lui aussi mais affirme
s’être rendu sur les lieux en entendant des cris pour voir ce qu’il en était car il a cru que c'étaient
les membres de sa famille que l’on venait de découvrir et qui étaient eux aussi recherchés ;
Constate par ailleurs que NTAWUMENYUMUNSI affirme avoir vu SEROMBA Michel à cet
endroit, mais non parmi les gens qui ont conduit MUKAKARASI et ses enfants pour les noyer
dans la NYABARONGO ;
Constate que SINARUHAMAGAYE réfute avoir été là où MUKAKARASI et ses enfants ont
été débusqués et dit qu’il ne connaît même pas ceux qui les ont emmenés car il ignore quand les
faits ont eu lieu, NTAWUMENYUMUNSI qui plaide coupable l’ayant par ailleurs disculpé ;
Constate également que même le Ministère Public n’a pas rapporté de preuves tangibles sur la
participation de SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean dans l’attaque qui a coûté la
vie à MUKAKARASI et ses 4 enfants ;
Constate que les témoignages recueillis et les preuves fournies par le Ministère Public ne
parviennent pas à lever le doute ;
9ème feuillet.
Constate que le doute profite au prévenu, qu’ainsi les infractions qui lui sont reprochées ne sont
pas établies à sa charge tel que prévu par l’article 20 du Code de procédure pénale ;
Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement en ses articles 12, 25, 86,
94 ;
Vu la Loi du 23/2/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,
spécialement en ses articles 16, 17, 20, 58, 76, 61, 71, 76, 83, 130, 138, 140 ;
250
R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000
RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI
Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du
1er/10/1990 spécialement en ses articles 1, 2, 4, 5, 10, 14, 15, 19, 20, 22 et 39 ;
Vu le Code pénal rwandais en ses articles 1, 2, 26, 45, 50, 89, 90, 91, 92, 93, 168, 281, 282, 283,
311, 312, 388, 444 ;
Déclare recevable l’action du Ministère Public car elle est régulière en la forme ;
Déclare l’action du Ministère Public partiellement fondée c’est à dire en ce qui concerne
NTAWUMENYUMUNSI et GASANA qui sont coupables ;
10ème feuillet.
Leur ordonne de payer les frais d’instance de 17.375 Frw dans le délai légal sous peine d’une
contrainte par corps de 60 jours suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;
251
252
DEUXIEME PARTIE
COURS D’APPEL
253
254
COUR D’APPEL
DE
CYANGUGU
255
256
N°13
1. Est déclaré recevable l'appel du prévenu interjeté dans les délais et basé sur des violations de
la loi et des erreurs de faits flagrantes:
- L’accusation n’a pas été en mesure de renverser les témoignages selon lesquels le prévenu ne
se trouvait pas à KARAMBI quand les massacres s’y sont produits.
- Les témoignages sur lesquels le Ministère Public se fonde pour arguer de la responsabilité du
prévenu dans les massacres de KARAMBI sont imprécis, indirects ou non pertinents. Un
257
écrit accusateur en contradiction avec l’ensemble des autres témoignages ne peut être tenu pour
probant.
- Les témoignages recueillis indiquent que le prévenu s’est rendu à MIBIRIZI en étant
mandaté par le Préfet qui avait été alerté de l’attaque qui s’y déroulait. Le fait qu’il y soit
arrivé séparément du responsable des tueries, qu’il ait privilégié la voie de la négociation,
qu’il ait quitté les lieux dans un autre véhicule que lui, et qu’il n’ait pas partagé la bière avec
les tueurs permet de douter de la thèse selon laquelle il aurait agi en concertation avec eux. Il
apparaît qu’il n’a pas lancé l’attaque en question mais qu’au contraire, il a tenté d’en secourir
les victimes.
- Le Tribunal ne pouvait valablement se fonder sur les seules déclarations des parties civiles.
Leurs accusations selon lesquelles le prévenu aurait participé à la sélection des réfugiés à
tuer au stade peuvent d’autant moins êtres tenues pour probantes qu’elles sont contredites par
les témoignages de rescapés qui s’y trouvaient, témoins à décharge qui n’avaient pas été
entendus.
En l'absence de preuve fournies par le Ministère Public et les parties civiles, il subsiste un doute
sur la culpabilité de l'appelant; il est acquitté de l'ensemble des infractions mises à sa charge.
258
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
(Traduction libre)
1er feuillet.
CONTRE :
La Cour d'appel,
Vu que cette affaire a été déférée au premier degré à la Chambre spécialisée du Tribunal de
Première Instance de CYANGUGU en date du 27/01/1997, mettant en cause le Ministère Public
contre MUNYANGABE Théodore poursuivi pour:
259
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
2ème feuillet.
Vu que l'affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP 001/97/S2/CSC, qu’elle a été appelée aux
audiences respectives des 14/02/1997, 17/02/1997 et 18/02/1997 et que le jugement a été
prononcé en audience publique du 26/02/1997 de la manière suivante :
"Déclare que les infractions mises à charge de MUNYANGABE Théodore sont en concours
idéal et en concours réel et qu'elles ont été commises dans l’intention délictueuse unique du
génocide, que la peine encourue est celle prévue pour l'infraction la plus grave et ce, en vertu de
l'article 18 de Loi organique n° 08 du 30/ 08/1996 ;
"Déclare que les actes d’incitation de la population aux massacres et au génocide alors qu’il était
une autorité au niveau préfectoral rangent MUNYANGABE dans la première catégorie sur base
de l'article 2 a, b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;
"Le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique prévue à l'article 66, 2°, 3° et 4° du
Code pénal rwandais ;
260
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
"Le condamne au payement des dommages intérêts comprenant les dommages moraux et les
dommages matériels dont le montant total s’élève à 34.200.000 Frw, dans le délai légal, sinon
exécution forcée sur ses biens;
3ème feuillet.
"Le condamne à 79.300Frw de frais de justice payables dans le délai légal sinon exécution forcée
sur ses biens ;
Attendu que MUNYANGABE Théodore, non satisfait de ce jugement, a interjeté appel à la Cour
d'appel de CYANGUGU le 11/03/1997, que cet appel a été inscrit au rôle sous le n° RPA
003/R1/97 ;
Attendu que dans ses conclusions, Maître Etienne BALLO, Conseil de MUNYANGABE, dit
que l'appel de MUNYANGABE est intervenu dans le délai de 15 jours et qu'il doit être examiné
aux motifs qu’il y a eu violation du droit du prévenu d’être assisté par un défenseur de son choix
et que le Tribunal n’a pas fait droit à sa demande de faire entendre les témoins présentés à sa
décharge, mais que les témoins à charge ont été admis à faire leurs dépositions alors qu’ils
avaient suivi en audience les moyens de défense de l'intéressé, que le Tribunal n’a pas motivé sa
décision, qu’il a statué "ultra petita" et modifié les témoignages en attribuant à leurs auteurs des
déclarations qu’ils n’ont pas faites en audience publique ;
Attendu que dans ses conclusions, MUNYANGABE Théodore dit que ceux qui l'accusent ne
rapportent pas de preuves à l'appui de leurs affirmations, qu'il a au contraire fait échec à une
attaque qui était menée à KARAMBI, qu’il a également essayé de faire de même à MIBIRIZI
mais a échoué à cause de BANDETSE qui est arrivé en tirant alors qu’il n’était point de
connivence avec lui, que c'est pour leur sécurité qu'il a conduit à CYANGUGU en date du
20/04/1994 les personnes qui se trouvaient à SHANGI et que cela a réussi comme le confirment
quelques-unes d'entre elles, qu'il n'a jamais été au stade KAMARAMPAKA au moment du triage
des victimes à tuer ;
Attendu également qu’en résumé, MUNYANGABE Théodore invoque dans ses conclusions les
moyens ci-après :
261
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
- qu'il ne s'est pas rendu à KARAMBI en date du 10/04/1994 mais qu’il y était plutôt le
09/04/1994 et qu'il n'a tenu aucun discours malveillant,
- que ceux qui le mettent en cause sont des parties civiles qui intentent contre lui une
action en dommages et intérêts, que leurs déclarations sont non seulement divergentes
mais sont aussi contradictoires alors qu’ils affirment avoir appris les faits de la même
source d’information, MUKANTAMATI reconnaissant ne pas en avoir entendu parler
elle-même tandis que MUKARUTAZA Léocadie et NSABIMANA Berchmans ont
inventé les faits qu’ils ont déclarés au Tribunal sans en avoir parlé lors de leur
interrogatoire au parquet,
- qu’il est allé à SHANGI parce que les sœurs religieuses avaient requis l’intervention des
autorités et qu’il leur a envoyé des gendarmes en vue du maintien de la sécurité comme
l’affirment d’ailleurs quelques-uns de ceux qui le mettent en cause à l’exemple de
MUKAMUGEMA Francine et de l’Officier du Ministère Public, cela étant la preuve qu'il
ne voulait pas y semer des troubles,
- qu'il n'a eu aucune part de responsabilité dans les massacres du 18/04/1994 commis à
l’encontre des personnes qui avaient cherché refuge à MIBIRIZI, qu'il y avait été envoyé
par le conseil de sécurité préfectoral, suite à la demande de secours formulée par les
responsables de la paroisse en faveur de ces personnes,
4ème feuillet.
- Qu'il est allé là en compagnie de Pierre KWITONDA seul et que BANDETSE et NGAGI
les y ont rejoints, qu’ils ignoraient d’où venaient les intéressés et n’étaient pas de
connivence avec eux comme l'affirment ceux qui le chargent dont l’Abbé MUCYO,
TWAHIRWA et les autres,
- Qu'il a, en compagnie de l’Abbé BONEZA Joseph qui hébergeait ces réfugiés, procédé à
des négociations avec les auteurs de l’attaque étant donné que c’était la seule voie
possible, et que c’est l’Abbé BONEZA qui a demandé que ces réfugiés retournent dans
l’enceinte de la paroisse tel que confirmé par la déclaration de TWAHIRWA,
- Que c'est BANDETSE Edouard et NGAGI qui ont été à l’origine des massacres car ils
sont arrivés en tirant au moment où il était en train de négocier avec les assaillants qui
étaient prêts à revenir à la raison,
- Qu'il n'était pas en collusion avec les auteurs de l’attaque car il n'aurait pas commencé
par négocier avec eux pendant tout ce temps si tel avait été le cas,
- Que l’Officier du Ministère Public n’a rapporté aucune preuve que le but de la réunion du
conseil de sécurité préfectoral du 18/04/1994 était d’organiser le génocide comme il l'a
dit au Tribunal, le procès-verbal de cette réunion pouvant être retrouvé au Ministère de
l'Intérieur,
- Qu'il ne s'est pas rendu à MIBIRIZI en date du 20/04/1994, cela étant confirmé par
NKURUNZIZA qui le charge cependant, ainsi que par les rescapés des massacres
commis à SHANGI qui affirment qu’il se trouvait plutôt à SHANGI à cette date, qu'il
n'était pas non plus à SHANGI en date du 27/04/1994 comme RUTABURINGOGA l’a
262
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
- Qu'il n'a pas commis d'infractions en date du 20/04/1994 à l’encontre des personnes qui
avaient trouvé refuge à SHANGI car, s’y étant rendu à la demande des sœurs religieuses,
il a pu, par la voie des négociations, faire échec à l’attaque qui s'y préparait,
- Que le fait d'amener à CYANGUGU 40 de ces personnes qui avaient cherché refuge à
SHANGI était motivé par le souci de protéger celles qui sont restées sur place, que c’est
parce qu’il estimait que rien ne leur arriverait qu'il a accepté de les y évacuer après leur
avoir expliqué qu'il allait les conduire au stade KAMARAMPAKA où se trouvaient
d'autres réfugiés, jugeant que leur sécurité serait assurée par les gendarmes,
- Qu’il est de notoriété publique que RWIGARA Samuel a été tué à son domicile et enterré
dans sa parcelle, qu’il n’avait aucune raison de le séparer des autres,
- Qu'il n'a jamais trié des victimes à tuer parmi les personnes qui avaient cherché refuge au
stade, qu'il n'est mis en cause pour cette infraction que par deux personnes avec qui il est
en litige, l’une d’elles n’ayant pas comparu au Tribunal pour témoigner car elle savait
qu'il s'agit d'un mensonge,
- Que c’est par crainte de la manifestation de la vérité que le parquet et le Tribunal ont
refusé d'entendre les personnes qui étaient sur les lieux des faits et qui ont vu tout ce qui
s'y est passé, notamment un agent de la Croix-Rouge qui enregistrait toutes les personnes
qui y cherchaient refuge ainsi que quelques uns des rescapés qu'il a présentés comme
témoins à décharge, de même que les responsables du Centre pastoral, qu'en outre, le
parquet a mal interprété le témoignage de KAMONYO, essayant par là de conclure à sa
culpabilité,
- Que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de faits flagrantes notamment en allouant des
dommages intérêts aux personnes n’ayant été victimes d’aucune infraction, aux
bénéficiaires qui ne se sont pas constitués parties civiles (à l’exemple de HABINEZA
J.B), et en accordant plus qu'il n’a été demandé, le Tribunal ayant alloué à TWAHIRWA
des dommages intérêts de deux millions de francs alors qu’il n’a réclamé qu’un million,
- Que l’absence de la copie d'assignation dans le dossier prouve que la procédure n’a pas
été respectée,
- Qu'il a communiqué au Tribunal la liste des témoins qu’il souhaitait faire entendre mais
que cela n'a pas été fait,
Attendu que les conclusions du Ministère Public renferment les moyens ci-après:
5ème feuillet.
263
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
ruse, a détourné les Tutsi de leur point stratégique ( où ils avaient amassé des pierres dont
ils devaient se servir pour repousser ceux qui les ont attaqués) sous prétexte de
négociations, ce qui a permis à BANDETSE et d'autres assassins de les attaquer et les
exterminer, que partant, le moyen invoqué par MUNYANGABE selon lequel le Tribunal
l’a condamné pour des infractions qui ont été commises par d'autres et qui par conséquent
devraient en répondre n’est pas fondé,
- Qu'il ne peut pas se prévaloir d’avoir été privé du droit de répliquer aux dépositions faites
au Tribunal par les témoins présentés par le Ministère public, car il revient au Tribunal
d’apprécier l’admissibilité et la pertinence des témoignages;
- Que MUNYANGABE ment en disant que le Tribunal a omis délibérément d'entendre les
témoins présentés à sa décharge car le Tribunal n’avait aucune raison de refuser de les
entendre ;
- Qu’aucune des huit infractions à sa charge n’est dépourvue de preuve irréfutable, que
partant tous les moyens d'appel de MUNYANGABE sont non fondés,
- Que relativement au moyen invoqué par le Conseil de MUNYANGABE qui dit que les
droits de la défense ont été bafoués en ce que son client n’a pas été assisté par un
défenseur de son choix, le Ministère Public estime que lors du procès de
MUNYANGABE, la route menant à CYANGUGU n'était pas fréquentée à cause de
l'insécurité qui régnait dans la région;
- Qu’il n’est pas fondé de dire que son client n’a pas été informé des préventions mises à
sa charge ainsi que de la date et du lieu des faits incriminés, car MUNYANGABE a eu
toutes ces informations tant sur la citation à comparaître que dans la copie du jugement,
- Que le moyen arguant de la modification des témoignages par le Tribunal n’est pas fondé
car celui-ci ne saurait être partial jusqu’à déformer les témoignages reçus en audience
publique,
- Qu’est également non fondé le moyen selon lequel le Tribunal a statué "ultra petita" en
condamnant MUNYANGABE pour des infractions n’ayant pas été mentionnées sur la
citation à comparaître car le prévenu a été poursuivi du chef de huit préventions sur
lesquelles il a présenté sa défense pendant huit jours, que le fait pour le Conseil de
MUNYANGABE de se fonder sur les dates des faits n’apporte aucun changement sur les
actes pour lesquels MUNYANGABE est poursuivi et ne les réfute nullement, sinon en
donner une autre image,
- Qu’ainsi, par ces motifs, l'appel de MUNYANGABE est régulier car interjeté dans les
délais, mais qu’il n’est pas fondé et qu’à cet égard, le jugement querellé doit être
confirmé ;
264
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
Attendu que dans ses conclusions, l'Officier du Ministère Public dit qu’il n’y a pas lieu
d’examiner le témoignage écrit de KAMATALI Daniel au motif que, comme il l’a déjà dit dans
ses conclusions précédentes, la loi a été respectée et qu’il n'y a pas eu d'erreur de fait flagrante,
que dans ce témoignage, KAMATALI Daniel parlait des bienfaits de MUNYANGABE à leur
égard quand ils étaient à SHANGI, affirmant qu'il les a défendus pour qu’ils ne soient pas tués et
ce, même après leur arrivée à CYANGUGU;
Constate que MUNYANGABE Théodore a été privé du droit d’être assisté par un avocat de son
choix tel que prévu à l'article 36 de la Loi organique du 30/08/1996 car, il ressort du procès-
verbal d’audience du 14/02/1997, que le Tribunal a refusé de faire droit à sa demande de report
d’audience en vue de lui permettre de plaider en présence de son Conseil ;
6ème feuillet.
Constate que le prévenu est arrivé à KARAMBI le 09/04/1994 car sa déclaration concorde à ce
sujet avec celles des plaignants figurant dans la lettre du14/03/1995, mais qu'aucune preuve ne
vient étayer que des discours tendant à soulever les citoyens les uns contre les autres y ont été
prononcés à cette date ou qu'il y a eu des tueries car c'est à cette même date qu'il y a affecté des
gendarmes en vue du maintien de la sécurité, et que par ailleurs, il est clair que le contenu de la
lettre du 14/03/1995 à sa charge ne relève que d’une pure invention dès lors qu’il diffère des
déclarations faites devant l’Officier du Ministère Public par quelques-uns de ses signataires à
l’exemple de MUKAMUGEMA Francine, MUKAYITESI Immaculée et d’autres, certains ayant
affirmé ne pas avoir quitté le milieu rural et ne rien savoir sur les tueries qui ont eu lieu à
MIBIRIZI, tout comme ils ne connaissent pas autrement MUNYANGABE Théodore sinon qu'ils
ont entendu dire que l’intéressé était Sous-Préfet ;
Constate que c’est en date du 08/04/1994 que MUNYANGABE Théodore s'est rendu à
MIBIRIZI comme l'affirme l’un des prêtres qui étaient à MIBIRIZI en la personne de l’Abbé
MUCYO Antoine qui déclare qu'une attaque y a été menée à cette date, et qu'ils ont directement
téléphoné au Préfet BAGAMBIKI Emmanuel qui a envoyé le Sous-Préfet MUNYANGABE
Théodore en compagnie du Député KWITONDA Pierre, cela étant également confirmé par la
Sœur Maman Adeline MUKAZANA dans son témoignage écrit du 03/06/1997 qui déclare que le
prêtre BONEZA et les sœurs religieuses de MIBIRIZI lui ont téléphoné, lui apprenant qu'ils
265
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
étaient assiégés par une attaque d’envergure, qu'elle en a elle aussi directement avisé le Préfet
par téléphone, qu’il lui a répondu que cette demande de secours était bien parvenue à destination
et qu'il allait y avoir une intervention, que le conseil de sécurité a alors décidé d'envoyer
MUNYANGABE Théodore et sa suite, qu'ainsi donc l'attaque était déjà en cours sur les lieux et
n’y a pas été menée par MUNYANGABE Théodore qui n’est intervenu que pour porter secours,
que par ailleurs, la Cour ne peut se fonder sur aucun élément de preuve pour affirmer que le
conseil de sécurité a envoyé le prévenu avec mission d’exterminer ceux qui avaient demandé
secours, le Ministère Public lui-même qui l'affirme n'ayant pas pu produire le procès-verbal dudit
conseil de sécurité pour en établir la preuve ;
7ème feuillet.
Constate que, MUNYANGABE Théodore et BANDETSE Edouard n’étant pas partis à bord
d’un même véhicule, que les deux n'ayant pas regagné CYANGUGU ensemble, que
MUNYANGABE et KWITONDA Pierre n'ayant pas partagé avec BANDETSE Edouard les
boissons que ce dernier a offert à ceux qui venaient de l'aider dans ses actes ignobles, dont le
nommé NGAGI qui n’était pas membre de la délégation et qui a été le premier à tirer sur les
victimes, il subsiste un doute sérieux sur la connivence prétendue entre le prévenu et ces tueurs,
surtout que le lendemain des faits, MUNYANGABE a téléphoné à l’Abbé BONEZA Joseph
pour lui dire qu’il avait passé une nuit blanche, bouleversé par les massacres des victimes
innocentes, ce sentiment ayant par ailleurs été confirmé par l’Abbé Antoine MUCYO qui s’est
entretenu avec l’intéressé à ce sujet quand ils se sont rencontrés à KIGALI, entretien au cours
duquel le prévenu a également dit à l’Abbé Antoine MUCYO qu’il a été aussi fortement ébranlé
266
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
Constate que, contrairement aux accusations portées contre lui, MUNYANGABE Théodore n'est
pas retourné à MIBIRIZI le 20/04/1994 pour prendre part aux actes d'assassinats, cela étant
prouvé par les témoignages des personnes qu'il a amenées de SHANGI à cette date, dont
NKURUNZIZA J. Pierre ;
Constate qu’à cette date du 20/04/1994, MUNYANGABE Théodore a été envoyé à SHANGI
suite à l’appel au secours adressé à l’autorité préfectorale par les Sœurs religieuses et qu’il a, à
son arrivée sur les lieux, dirigé une réunion au cours de laquelle il a été décidé d’évacuer à
CYANGUGU les personnes que les miliciens Interahamwe accusaient ouvertement d’être en
possession d’armes fournies par les INYENZI/INKOTANYI et de créer un climat d’insécurité en
milieu rural pendant la nuit, car on était en droit de croire qu’elles seraient en sécurité au stade
KAMARAMPAKA de CYANGUGU qui était gardé ;
Constate que toutes les 40 personnes que MUNYANGABE a amenées de SHANGI au stade
KAMARAMPAKA ont échappé au génocide comme le confirment KAMATALI Daniel et
NKURUNZIZA J. Pierre, ainsi que d'autres qui étaient avec eux ;
Constate que ce n’est pas en date du 27/04/1994 que MUNYANGABE est allé à SHANGI d'où il
a amené 40 personnes, que cela a plutôt eu lieu le 20/04/1994 comme le confirment les
intéressés, que ce n'est pas non plus MUNYANGABE Théodore qui les a choisies parmi les
autres, mais qu'elles ont été citées par ceux qui, étant à la tête de l’attaque, voulaient s’en prendre
à elles, tout cela ayant été confirmé par RUTABURINGOGA Aloys dans son audition du
17/01/1997 par l’Officier du Ministère Public et par le rescapé RUDAKUBANA Ephrem qui ont
affirmé tous que c’est grâce au Sous-préfet MUNYANGABE qu’ils ne sont pas morts car, non
seulement il les a évacués de SHANGI, mais il les a également sortis de la brigade de RUSIZI où
ils étaient détenus et battus, pour les conduire au stade KAMARAMPAKA où ils ont pu
échapper aux massacres ;
Constate que BUSHIRU Gaëtan est partie adverse de MUNYANGABE à qui il réclame des
dommages matériels suite à la perte de ses biens qui ont été soit endommagés soit pillés par les
miliciens Interahamwe, et qu'à cet égard, il affirme l'avoir vu au stade KAMARAMPAKA en
date du 16/04/1994 en compagnie du préfet et d’autres en train de trier les victimes à tuer, mais
qu’il n’en rapporte pas la preuve surtout que MUNYANGABE réfute les faits et que, tout en
reconnaissant avoir été au stade à trois reprises, il en indique les raisons précises à savoir
accompagner le délégué du CICR venu de BUKAVU, y conduire les personnes qu’il venait
d’évacuer de SHANGI, et y chercher les clés de l'Ecole Normale Pédagogique de MURURU qui
étaient entre les mains de la secrétaire de cette école qui y avait cherché refuge, que le voisin et
ami de BUSHIRU en la personne de KAYUMBA Sébastien met lui aussi le prévenu en cause
sans pouvoir cependant rapporter la preuve que l’intéressé est arrivé au stade
KAMARAMPAKA en date du 16/04/1994
8ème feuillet.
en compagnie des personnes qui, semble-t-il, étaient envoyées par le conseil de sécurité de la
préfecture pour trier les victimes à tuer, car il est établi que la réunion dudit conseil de sécurité
s’est tenue le 18/04/1994, date à laquelle MUNYANGABE a été envoyé à MIBIRIZI ;
267
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
Constate que MUNYANGABE nie avoir été au stade le 16/04/1994 et a présenté des témoins qui
étaient au stade à cette époque dont GATETE Gilbert mais qui n'ont pas été entendus, que dans
son témoignage écrit du 17/06/1994, le Sous-Préfet KAMONYO affirme que MUNYANGABE
ne faisait pas partie des personnes qui sont allées au stade pour trier les victimes à tuer ;
Constate que les parties civiles ont été présentées comme témoins à charge et que c’est sur base
de leurs témoignages que le Tribunal a rendu un jugement de condamnation à l’encontre de
MUNYANGABE Théodore, qu'il est clair que le Ministère Public et les parties civiles n’ont pas
rapporté la preuve de la culpabilité de MUNYANGABE, à l’exemple du nommé SIBOMANA
Charles, né à MURURU, commune CYIMBOGO qui, tout en affirmant faire partie des
personnes qui avaient cherché refuge à SHANGI quand MUNYANGABE s’y est rendu en date
du 20/04/1994, n’a cependant pas été interrogé par le Ministère Public et n’a pas été entendu lors
des débats en audience publique, qui n'a comparu qu'à la date où il a réclamé les dommages
intérêts alors qu’il ne s’était pas constitué partie civile, et dont le nom a été enregistré en bas de
la déclaration de NZISABIRA Joseph tout en apposant sa signature à la place réservée à
NGARAMBE Alphonse à cet effet ;
Constate que, tel que cela a été confirmé par ses voisins, RWIGARA Samuel qui faisait partie
des personnes que MUNYANGABE a évacuées de SHANGI a débarqué du véhicule qui les
transportait à CYANGUGU et que, arrivé chez lui en milieu rural, il a été tué par les miliciens
Interahamwe ;
Constate que la raison pour laquelle MUNYANGABE n'a pas laissé NKURUNZIZA J. Pierre en
chemin est qu'il n'y avait pas de sécurité, que c'est pourquoi il a demandé qu'ils partent à bord
d’un même véhicule alors que toutes les personnes qui étaient pourchassées se dirigeaient dans
leur fuite au stade où elles espéraient se retrouver en sécurité, que s'il avait voulu le tuer ou le
faire tuer, il ne l’aurait pas conduit jusqu’à l’endroit où d'autres réfugiés s’étaient rassemblés
sous l'assistance de la Croix Rouge (CICR) ;
Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,
spécialement en ses articles 16, 19, 20, 83, 86 ;
Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l'organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l'humanité commises depuis le
01/10/1990, spécialement en ses articles 24,36 et 39 ;
9ème feuillet.
Déclare recevable l'appel de MUNYANGABE Théodore car interjeté dans les délais légaux et
déclare qu’il doit y être statué sur le fond car il est fondé sur les questions de droit, l’intéressé
268
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
ayant été privé du droit d'être assisté par un défenseur de son choix, ainsi que sur des erreurs de
faits flagrantes consistant en la condamnation du prévenu sans que le Tribunal se soit d’abord
prononcé sur les infractions établies à sa charge et en la condamnation au payement de
34.200.000Frw de dommages intérêts sans indiquer les bénéficiaires et le fondement de ces
dommages et intérêts ;
Déclare que MUNYANGABE Théodore s'est rendu à KARAMBI le 09/04/1994 et y a laissé les
gendarmes chargés d’assurer la sécurité comme dit dans les exposés des motifs, et qu’en date du
10/04/1994, il était à SHANGI comme l'ont confirmé les témoins dont le sieur MUGENZI
Epimaque qui témoigne à sa charge;
Déclare que le 18/04/1994 MUNYANGABE Théodore s'est rendu à MIBIRIZI, non pour y
mener une attaque, mais pour aller au secours de ceux qui l’avaient demandé, et qu'il a essayé de
calmer les Interahamwe qui y menaient une attaque, ce qui laisse subsister un doute sérieux
quant à la connivence entre MUNYANGABE et ces miliciens, ainsi qu'avec BANDETSE
Edouard, dans le but de commettre les massacres ;
Déclare que MUNYANGABE n'est pas allé au stade le 16/04/1994 en compagnie des personnes
qui ont trié les victimes à tuer, car BUSHIRU Gaëtan et KAYUMBA Sébastien n’en ont rapporté
aucune preuve ;
Déclare MUNYANGABE Théodore acquitté des infractions mises à sa charge pour défaut de
preuves et au bénéfice d’un doute sérieux ;
Déclare que MUNYANGABE Théodore obtient gain de cause, que le Ministère Public perd la
cause et que les parties civiles sont déboutées;
Dit que les frais de justice sont mis à charge du Trésor public;
Dit que le jugement R.P.001/97/CSC rendu par la Chambre spécialisée du Tribunal de Première
instance de CYANGUGU en date du 26/02/1997 est infirmé;
269
RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999
RP 001/97/CSC CA CYANGUGU
RPA 003/R1/97
Greffier
GATERA NYAKAGABO Charles
Sé
270
COUR D’APPEL
DE
DE KIGALI
271
272
N°14
1. Appel du prévenu – respect du délai légal (art. 24 L.O. 30/08/1996) - appel portant
sur une question de droit – défaut d’information du droit de recourir à la procédure
d’aveu et de plaidoyer de culpabilité (art.4 al.2 L.O. 30/08/1996) – appel recevable
(art.24 C.P.) – renvoi au Parquet pour respect du prescrit légal.
1. Est déclaré régulier quant aux délais, l’appel du prévenu intervenu 13 jours après le
prononcé du jugement. L’appel est recevable, le fait que ne figure pas au dossier la
preuve que le prévenu aurait été informé de son droit et de l’intérêt qu’il avait de
recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité constituant une erreur de
droit au sens de l’article 24 de la Loi organique du 30/08/1996. Le dossier est
renvoyé au Parquet, afin que le prescrit de l’article 4 al.2 de la Loi organique soit
respecté.
2. La Cour d’appel procède à l’examen du dossier au fond après que le prévenu ait
formellement refusé de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.
Après avoir entendu le rapport du Conseiller rapporteur, la Cour d’appel offre à la
défense la possibilité de déposer de nouvelles conclusions.
3. Aucune réduction de peine ne peut être accordée au prévenu reconnu coupable, dès
lors qu’ayant été admis à avouer et à plaider coupable, il y a renoncé. Le jugement du
Tribunal de première instance est confirmé.
273
274
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
(Traduction libre)
1er feuillet.
PREVENTIONS :
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur ou complice tel que
prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, formé une association de malfaiteurs qui
se comportait en milice, infraction prévue et réprimée par les articles 282 et 283 du Code pénal
livre II ;
Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur ou complice,
volontairement commis des actes de participation criminelle dans l’assassinat de
RWASUBUTARE, MUHIRE, KABUBARE, MUKAGASANA, MUKANYARWAYA, Thérèse
et deux enfants, Collette, infraction prévue par les articles 89, 90, 91 du Code pénal livre I et 312
du Code pénal livre II ;
S’être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, introduit dans les domiciles d’autrui
sans leur permission et hors les cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée par l’article
304 du Code pénal livre II ;
275
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
2ème feuillet.
« Déclare recevable l’action du Ministère Public car régulière en la forme et la dit fondée ;
« Déclare établies à charge de KAYIJUKA les infractions qui lui sont reprochées ;
« Lui ordonne de payer 3.250 Frw de frais d’instance dans le délai légal et édicte une contrainte
par corps de 30 jours suivi de l’exécution forcée sur ses biens,
« Dit que le prononcé a lieu tardivement à cause du grand volume d’activités des juges ;
Vu qu’après notification du jugement aux parties, KAYIJUKA n’en a pas été satisfait et a relevé
appel à la Cour d’appel de KIGALI en date du 07/11/1997, que cet appel a été inscrit au rôle
sous le n° RPA 28/97/R1/Kig ;
Vu que l’audience n’a pas eu lieu à cette date et a été reportée au 18/06/1998 et au 30/07/1998
aux motifs respectifs de l’absence de l’Officier du Ministère Public et de non signification au
prévenu, qu’elle a été une fois encore reportée au 17/09/1998, mais qu’elle n’a pas eu lieu non
plus au motif que l’un des magistrats a été appelé à d’autres fonctions, qu’elle a été remise au
16/10/1998, date à laquelle le Ministère public est représenté par MUDAHERANWA S.J., le
Conseil du prévenu n’ayant pas comparu, que le Président du siège demande au greffier de faire
l’énoncé de l’identité du prévenu et des préventions à sa charge ;
276
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
3ème feuillet.
Attendu que la parole est donnée au conseiller rapporteur qui dit que, par lettre n°A/25/RMP
6219/S11/NG/PRORE du 16/06/1997, le Premier Substitut Près le Tribunal de Première Instance
de KIGALI, KALISA Pascal, a transmis pour fixation le dossier RMP 6219/S11/NG/PRORE à
charge de KAYIJUKA C. lequel a été inscrit au rôle sous le n° RP 027/CS/KIG, que le Président
de la Chambre Spécialisée a pris l’ordonnance fixant la date d’audience au 20/08/1997, qu’a
cette date, le Ministère Public était représenté par KALISA Pascal mais que KAYIJUKA a
demandé le report d’audience en vue de lui permettre de chercher un conseil ;
Que l’audience a été reportée au 30/09/1997, qu’à cette date KAYIJUKA a comparu assisté par
Me Absi HAMANI, le Ministère public étant représenté par NZIBONERA, que Me Absi
HAMANI a sollicité la remise de l'audience au motif qu’il n’avait pas pu lire le dossier qui lui
est parvenu juste avant le début de l’audience et qu’il n’a pas pu s’entretenir avec son client
KAYIJUKA ;
Que le Tribunal a estimé non fondés les motifs invoqués et a décidé de siéger ;
Que l’audience a eu lieu à cette date et que, dans son jugement, le Tribunal s’est fondé sur les
motifs suivants ;
- Association de malfaiteurs ; cette infraction est établie à charge de KAYIJUKA car il a été
vu dans différentes attaques, dont les membres portaient des armes traditionnelles dont les
machettes et les massues, ceci étant affirmé par des témoins oculaires qui disent l’avoir vu en
compagnie des malfaiteurs, faits qu’il a initialement réfutés, mais a fini par reconnaître, lors
de l’enquête faite par le Tribunal, que ces malfaiteurs et lui se connaissaient, qu’ils étaient
d’ailleurs ses voisins.
- Participation criminelle dans l’assassinat de personnes, fait qu’il a avoué devant le Ministère
public mais qu’il a contesté en audience ; cette infraction est établie à sa charge car il a été
établi lors des enquêtes effectuées par le Tribunal, que KAYIJUKA a personnellement sorti
RWASUBUTARE de sa maison et que lui et ses coauteurs l’ont tué à coups de massues ; par
ailleurs, l’assassinat de MUKANYARWAYA Thérèse et son petit enfant, ainsi qu’un autre
enfant nommé KABWA est établi à sa charge étant donné que c’est lui qui les a dénichés
dans un champ de sorgho et les a tués après leur avoir pris un poste de radio tel que cela est
confirmé par la personne qui était cachée par l’épouse de KAYIJUKA et qui le voyait de très
près.
- Violation de domiciles : cette infraction est établie par le fait de sortir RWASUBUTARE de
sa maison et celui d’être allé chercher chez HABARUGIRA la nommée Florida, fille de
NAMANI, pour la tuer.
- Génocide : toutes ces infractions ayant été commises à l’encontre des Tutsi sans motif autre
que le but de les exterminer, l’infraction de génocide est établie à sa charge ; ces infractions
sont en concours et le rangent dans la deuxième catégorie, il doit ainsi être puni des peines
prévues à cet effet ; l’action civile est disjointe car KAYIJUKA n’est pas rattaché à la
première catégorie ;
277
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
Attendu que le Conseiller rapporteur poursuit en parlant de l’appel et dit que l’affaire RP
027/CS/Kig est passée en audience du 13/10/1997, que le prononcé du jugement a eu lieu le
24/10/1997 ;
4ème feuillet.
Que Me Daniel WEBER en a relevé appel par lettre du 06/11/1997 adressée au Président de la
Cour d’Appel, lettre reçue au greffe de la Cour en date du 07/11/1997, que cet appel de
KAYIJUKA a été inscrit au rôle sous le n° RPA 28/97/R1/Kig ;
Attendu que concernant les moyens d’appel, le conseiller rapporteur dit que dans sa lettre du
06/11/1997, Me D.WEBER, Conseil de KAYIJUKA, promettait de communiquer les moyens
d’appel dès qu’il aurait à sa disposition la copie du jugement attaqué, et qu’en date du 23/04/98,
Me KONARE TIECORO a déposé les conclusions contenant leurs principaux griefs relatifs à la
violation des dispositions légales ci-après ;
- l’article 90 du Code de procédure pénale prescrit que tout jugement doit indiquer le délai
d’appel prévu par la loi, mais cette indication essentielle ne figure pas dans le jugement dont
il est fait appel et, qu'à cet égard, la Cour d’appel doit examiner le fond de l’affaire ;
Attendu que dans les conclusions du Ministère Public, l’Officier du Ministère public
MUDAHERANWA Sande John dit que l’appel de KAYIJUKA est recevable car il a été interjeté
dans les délais, mais qu’il n’y a pas lieu d’en faire un examen dès lors que les moyens d’appel de
KAYIJUKA n'ont pas été communiqués à la Cour avant l'audience et que l'intéressé a été
caractérisé par un zèle dans les massacres tel que cela figure au 5e exposé des motifs du
jugement querellé ;
Attendu que la Cour met la cause en délibéré et rend l’arrêt dont la teneur suit ;
Constate que le dossier RMPA 1/0013/171/G, RPA 28/97/R1/Kig doit être retourné au Ministère
Public en vue de la mise en application de l’article 4 point 2 de la Loi précédemment évoquée ;
278
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
- Réinterrogé par l’I.P.J. KALISA Pascal le 07/10/1996 pour voir s’il maintenait ses
déclarations, le prévenu a nié les infractions et prétendu que les aveux lui avaient été
extorqués par des coups. A la question de savoir si l’Officier du Ministère Public
HABINSHUTI l’avait également battu, il a répondu par la négative mais a dit qu’il avait
perdu la tête à cause des coups qui lui avaient été administrés à BICUMBI, et il a demandé
qu’il soit procédé à une enquête.
TEMOINS :
1. KANTAMAGE Victoire : dit que c’est KAYIJUKA qui a tué son mari RWASUBUTARE.
Celui-ci se cachait en contrebas de son domicile, mais à un moment, il est allé chercher du
feu dans la maison pour fumer sa pipe. A sa sortie, KAYIJUKA l’attendait et l’a tué à coup
de massue, et l’intéressé, armé également d’une machette, était en compagnie de nombreuses
autres personnes, il a aussi tué ses deux beaux-frères MUHIRE et KABUTURA.
2. GASENGAYIRE Caritas ; voyait KAYIJUKA dans des attaques mais n’a pas vu les victimes
qu’il a tuées lui-même, dit que KAYIJUKA faisait partie de l’attaque qui a tué environ 65
victimes qui étaient chez elle et chez son beau-père, qu’elle n’a dû son salut qu’au fait
qu’elle avait une carte d’identité portant la mention de l'ethnie Hutu et que ceux qui
participaient à cette attaque ont dit qu’elle était des leurs.
279
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
6ème feuillet.
qu’il allait incendier la maison si nous ne sortions pas. Goretti est sortie ; elle a été tuée,
MUKAYISENGA est sortie, elle aussi et MPIRIMBA a dit : « Celle-ci est des nôtres », ils
l’ont laissée en vie et ont tué les autres à coups de machettes. KAYIJUKA a lui aussi
participé à ces tueries.
5. GAKARA Jean Pierre ; à cette époque, il voyait KAYIJUKA commettre des pillages, et il a
par la suite commencé à tuer.
6. AYIRORA Agnès ; il était difficile de mettre les pieds dans la localité où habitait
KAYIJUKA, c’était un quartier des Interahamwe. Le nommé NGARAMBE qui vit
actuellement à KIGALI connaît bien KAYIJUKA, il est connu que KAYIJUKA pillait.
7. MUKAKAMANZI Jeannette : KAYIJUKA s’est mal conduit, mais elle ne l’a pas vu tuer à
part que la nommée KANTAMAGA l’a trouvée dans sa cachette et lui a dit que KAYIJUKA
venait de tuer son mari RWASUBUTARE, qu’il était avec ses deux frères dans cette localité,
qu’on dit que KAYIJUKA faisait partie de l’attaque qui a eu lieu chez TANGANIKA, mais
qu’elle ne l’a pas vu car elle avait perdu la tête ;
Avis de l’O.P.J. KABANDANA Barnabé qui a fait une enquête dans la commune BICUMBI:
Il dit que l’examen des moyens de défense de KAYIJUKA qui affirme être victime de fausses
accusations, que ses premiers aveux lui ont été extorqués au moyen des coups, qu’il avait perdu
la tête lors de son interrogatoire au parquet à cause des coups qu’il avait reçu à BICUMBI même
si l’officier du Ministère Public ne l’a pas battu, ainsi que celui des témoignages de la population
à sa charge à commencer par ceux des témoins entendus, révèle que ces moyens de défense sont
mensongers et sont faits en désespoir de cause. Il est dès lors établi que KAYIJUKA a été un
grand tueur et a commis de nombreux actes de pillage.
- Le Ministère Public l’accuse de participation aux côtés d’autres dont son grand frère
MUYANGE et son petit frère NDARUHUTSE à des attaques qui ont tué des victimes dont
fait partie RWASUBUTARE ; KAYIJUKA a tué MUKAGASANA, MUKANYARWAYA,
Thérèse et ses deux petits-enfants après leur avoir ravi un poste de radio, KAYIJUKA a pris
part à l’attaque qui, sous la direction du conseiller, a tué Goretti et d’autres.
- Dans sa défense, KAYIJUKA dit être faussement accusé et nie avoir tué ; il était lui aussi
pourchassé et cela l’a contraint à rester à la maison, se cachant près de son domicile, qu’il
ignore l’identité de ceux qui ont mené des expéditions meurtrières car il n’était pas en leur
compagnie, qu’il ignore tout des victimes que le Ministère Public l’accuse d’avoir tué ;
280
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
7ème feuillet.
- A la question de savoir pourquoi il rétracte ses aveux faits à la brigade, il a dit que le
Ministère Public l’accuse à tort, qu’il n’a pas tué car, n’étant pas une autorité, il n’en avait
pas le pouvoir, et cite les exemples de NTIYAMIRA Denis (Conseiller) et de MPILIMA qui
était un militaire.
- Invité à parler des circonstances de la mort de MUKAGASANA et d’autres victimes qui ont
été tuées dans sa localité, il a dit qu’on rapporte que MUKAGASANA a été tuée par Samuel,
que la vache de MUKAGASANA qu’on lui attribue d’avoir pillé est venue en suivant
d’autres vaches et est arrivée chez lui, mais qu’il l’a remise au retour d’exil.
- AYIRORA dit qu’il voyait souvent KAYIJUKA armé d’un bâton, mais qu’il ne l’a jamais vu
piller, à part qu’il l’a vu une fois transportant des biens qu’il venait de piller, que tout le
monde affirme que KAYIJUKA a tué les Tutsi, qu’il a vu KAYIJUKA et BYEMAYIRE
dans une attaque qui incendiait les maisons, que KAYIJUKA suivait ceux qui prenaient part
à des attaques et qu’il a emmené chez lui une vache.
- GASENGAYIRE dit que KAYIJUKA se déplaçait, armé d’une machette, en compagnie des
tueurs lors de leurs expéditions, que KAYIJUKA et le conseiller Denis l’ont trouvé un jour
chez HABARUGIRA, disant qu’ils étaient à la recherche d’une « Inyenzi » nommée Florida
fille de NAMANI ;
- KAGARA dit que KAYIJUKA a pris part au génocide, mais, répondant aux autres questions
qui lui sont posées, il dit ne pas bien savoir les circonstances de la mort de son père même
s’il l’avait affirmé auparavant ;
281
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
- La parole lui étant accordée, Me ABSI, conseil de KAYIJUKA, relève qu’il y a une
contradiction ;
· GAKARA a d’abord affirmé que sa mère a été tuée par KAYIJUKA, mais il a dit par la
suite qu’il ne le sait pas bien.
· KAYIJUKA a lui aussi avoué avoir tué des victimes et a cité leurs noms ainsi que ceux de
ses coauteurs, mais il a par la suite tout rejeté ; il termine en demandant d’en faire un examen
attentif avant toute décision.
Attendu que Me Boubou DIABIRA, Conseil de KAYIJUKA, commence par les moyens relatifs
à l’inobservation par le tribunal des articles 4 alinéa 2, 24, 36 de la Loi n°08/96 ;
8ème feuillet.
du 30/08/1996 et du Code de procédure pénale ; mais que lesdits moyens figurent dans les
conclusions déposées auparavant par Me KONARE TIECORO et dans le rapport du conseiller
rapporteur ;
Attendu que Me Boubou DIABIRA dit que KAYIJUKA est inculpé de 4 infractions à savoir :
1. association de malfaiteurs
2. violation de domiciles
3. participation criminelle aux assassinats
4. génocide, mais que le Tribunal l’a malgré cela condamné à l’emprisonnement à perpétuité
alors qu’une telle sanction doit être prononcée en tenant compte à la fois des dispositions du
Code pénal, du Code de procédure pénale et de la Loi organique du 30/08/1996 ;
Que les juges n’ont pas indiqué de façon explicite les cas d’assassinats imputés à KAYIJUKA et
qu’il y a des circonstances atténuantes en ce que KAYIJUKA est un simple citoyen analphabète
qui , comme de nombreux autres, ont été pendant plusieurs années soumis à une idéologie de
haine ethnique en leur promettant une meilleure existence, alors qu’ils étaient d’ordinaire de
bonne conduite, qu’ils ont été entraînés dans des massacres fondés sur une politique de
discrimination ethnique ;
Que KAYIJUKA a avoué avec un grand repentir mais que, au lieu de le condamner à une peine
mitigée, le Tribunal lui a plutôt réservé une peine trop élevée sans base légale, qu'ainsi la
juridiction d'appel devrait en tenir compte dans l'examen de cette affaire, qu’il termine en
demandant à la Cour d’infirmer le jugement dont appel et de condamner KAYIJUKA à une
peine inférieure à celle d’emprisonnement à perpétuité sur base de sa personnalité et du fait que
ceux qui ont commis des infractions à l’époque des faits étaient entraînés par le régime ;
Attendu que tous les moyens sont épuisés, la Cour prend la cause en délibéré et rend l’arrêt ainsi
qu’il suit ;
Constate que l’appel de KAYIJUKA Célestin est recevable car il est régulier en la forme ;
282
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
Constate que par décision du 26/10/1998, la Cour a retourné au Ministère Public le dossier de
KAYIJUKA en vue de lui permettre d’accomplir les prescriptions de l’article 4 point 2 de la Loi
organique n° 08/96 du 30/8/1996, mais que consécutivement au procès-verbal d’information du
prévenu de son droit et de l’intérêt de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité du 27/05/1999, KAYIJUKA a répondu qu’il n’avoue pas avoir tué et qu’il va
continuer à plaider, que cela démontre que le prévenu a refusé de recourir à cette procédure ;
Constate que, à la page 4 des conclusions déposées en date du 04/12/2000 par Me Boubou
DIABIRA, Conseil de KAYIJUKA, il dit que le fait que son client était un simple citoyen
analphabète qui fait partie de nombreux autres qui ont été soumis à l’idéologie de haine ethnique
en leur promettant une meilleure existence constitue pour lui une circonstance atténuante;
9ème feuillet.
qu’ils ont été entraînés dans les massacres fondés sur une politique de discrimination ethnique,
qu’il termine en demandant à la Cour de condamner KAYIJUKA à une autre peine que celle de
l’emprisonnement à perpétuité ;
Constate cependant que l’article 16 de la Loi sus évoquée dispose que le prévenu qui offre un
plaidoyer de culpabilité après les poursuites est condamné à un emprisonnement allant de 12 à
15 ans quand il est rangé dans la deuxième catégorie, qu’il est établi que, ayant été admis à
avouer et plaider coupable en date du 27/08/1999, KAYIJUKA y a renoncé, que la diminution de
peine demandée par Me Boubou DIABIRA est irrecevable et que la condamnation prononcée
par la juridiction inférieure doit être confirmée ;
Déclare recevable l’appel de KAYIJUKA car régulier en la forme et après examen, le dit non
283
R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000
R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI
fondé ;
Lui ordonne de payer 10.500 Frw de frais de justice dès le prononcé, et édicte une contrainte par
corps de 14 jours en cas d’inexécution, suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;
SIEGE
Greffier
MUKANTAGANDA E.
Sé
284
COUR D’APPEL
DE
NYABISINDU
285
286
N°15
1. Est déclaré recevable, car régulière en la forme, l'opposition faite par le prévenu à l'arrêt
d'appel qui l'avait condamné par défaut.
2. N'est pas établie à charge du prévenu, la complicité de génocide qui avait été retenue par la
Cour d'appel, car l'article 3 de la Loi organique du 30/08/1996 qui définit la complicité vise:
- d'une part les personnes qui, ayant été convoquées par les autorités, soustraient à ces
dernières des criminels ou omettent de fournir des renseignements à leur sujet ; or, il apparaît
que le prévenu, dès qu'il a été convoqué, a dénoncé les meurtriers et n'a jamais omis de
fournir les renseignements dont il disposait à leur sujet;
- d'autre part les personnes qui ont apporté une aide indispensable à la commission du crime de
génocide; or, il n’est pas établi que le prévenu aurait apporté une telle aide, les témoignages
qui l'en accusent étant soit indirects, soit contradictoires, soit encore motivés par le désir de
vengeance de ceux qu'il a dénoncés. Il apparaît en outre que, contrairement aux affirmations
du Ministère Public selon lesquelles le prévenu aurait reconnu avoir dénoncé l'appartenance
ethnique de la victime, aucun élément du dossier ne l’indique.
287
288
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU
RMPA : 2/4150/Prog
RPA : 29/1/97/NZA
RPA : 02/1/97/NZA
EN CAUSE :
Prévenu :
Préventions :
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, volé de l’argent à MUREKEZI à
l’aide de violences, infraction prévue et réprimée par les articles 396 et 409 du Code pénal livre
II ;
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, assassiné MUREKEZI, infraction
prévue et réprimée par l’article 312 du code pénal livre II ;
- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, participé aux massacres qui avaient
pour but d’exterminer l’ethnie Tutsi et les opposants du régime de l’époque, et que c’est dans ces
circonstances qu’ils ont tué MUREKEZI, infraction prévue par la Convention internationale sur
la prévention et la répression du crime de génocide, réprimée par la Loi- organique n° 08/96 du
30 août 1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide
ou de crimes contre l’humanité, commises à partir du 1er octobre 1990 ;
2ème feuillet.
289
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU
RMPA : 2/4150/Prog
RPA : 29/1/97/NZA
RPA : 02/1/97/NZA
"Déclare recevable l’action du Ministère Public, car régulière en la forme, mais la dit
partiellement fondée ;
" Déclare en plus recevable l’action civile de MUKANYANDWI, car régulière en la forme ;
" Déclare que RUKIMIRANA et HARELIMANA sont coupables de toutes les infractions à leur
charge et qu’elles sont en concours idéal, qu’ils doivent donc en être punis tel que prévu par la
loi, et tel qu’expliqué ci-haut, que par contre NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune des
infractions à sa charge pour manque de preuve ;
" Déclare non fondée l’action civile de MUKANYANDWI Alvera, car l’Etat Rwandais qui est
civilement responsable n’a pas été cité, que par conséquent l’action civile est disjointe ;
" Déclare que d’autres personnes qui sont poursuivies dans cette affaire, mais qui n’ont pas pu
comparaître seront poursuivies ultérieurement ;
"Ordonne que RUKIMIRANA et HARELIMANA soient déchus définitivement des droits dont
il est question à l’article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal Livre I ;
"Leur ordonne de payer solidairement les frais occasionnés par ce procès équivalant aux 2/3 de
7000 Frw, c’est à dire 4668 Frw, et édicte une contrainte par corps de 30 jours en cas
d’inexécution, suivie de l’exécution forcée sur leurs biens, ces frais ayant été calculés comme
suit:
3ème feuillet.
290
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU
RMPA : 2/4150/Prog
RPA : 29/1/97/NZA
RPA : 02/1/97/NZA
Attendu que le conseiller rapporteur dit que NEMEYIMANA Israël a été acquitté par le
Tribunal de 1ère instance, raison pour laquelle le Ministère Public a interjeté appel avançant les
motifs suivants :
Vu qu’en appel, en date du 24/03/1997, NEMEYIMANA Israël n’a pas comparu, que l’affaire a
été jugée par défaut, et que la Cour a déclaré qu’il était coupable de complicité d’assassinat, car
il était présent au moment de la commission du crime, et qu’il a reçu une somme de 5000 Frw
qu'il devrait remettre à la femme de la victime, mais qu’il ne l’a pas fait, qu’il n’a même pas
informé les autorités des circonstances dans lesquelles ce crime a été commis, qu'ainsi il doit être
puni sur un pied d’égalité avec ses coprévenus et être condamné à la peine d’emprisonnement à
perpétuité car il est classé dans la deuxième catégorie ;
Vu l’opposition formulée le 17/12/1997 par l’Association "Avocats sans Frontières", qu’en outre
les conclusions du Ministère Public ont été déposées, et que la Cour a déclaré l’opposition
recevable, car régulière en la forme ;
Constate que NEMEYIMANA est poursuivi par le Ministère Public pour les deux infractions ci-
haut précisées, à savoir :
1. Avoir été complice en soustrayant aux autorités les meurtriers tel que prévu par les
articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre I et l’art 3 de la Loi organique n° 08/96 du
30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de
génocide ou de crimes contre l’humanité et avoir, avec d’autres personnes, formé une
association ayant pour but de porter atteinte aux personnes ;
2. Avoir prêté une aide indispensable en informant les tueurs que MUREKEZI était Tutsi
de la famille royale, ce qui a occasionné son assassinat ;
Constate pourtant, que NEMEYIMANA n’est pas coupable de complicité du crime du génocide
pour avoir soustrait les auteurs de la mort de MUREKEZI aux autorités, car il n’a pas omis de
les dénoncer à tout degré d’instruction quand il a été convoqué, qu’il les a en plus mis en cause
lorsqu’il a été auditionné et que son interrogatoire figure à la page 14 du dossier, qu’en outre
d'éminents juristes confortent cela, parmi lesquels Daniel DE BEER qui dans son ouvrage
intitulé Commentaire et Jurisprudence sur la Loi organique du 30 août 1996 sur l’organisation
des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre
l’humanité, à la page 37, dit: « Il serait d’ailleurs inhumain de condamner une victime ou un
témoin qui ne se serait pas spontanément rendu auprès des autorités pour porter plainte ou
291
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU
RMPA : 2/4150/Prog
RPA : 29/1/97/NZA
RPA : 02/1/97/NZA
témoigner » ;
Constate que le contenu de l’article 3 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, concerne les
personnes ayant été convoquées par les autorités mais qui, dans leurs déclarations, soustraient à
ces dernières les criminels ou omettent de fournir des renseignements à leur sujet, qu’en
revanche NEMEYIMANA n’est pas concerné par cet article, car lorsqu’il a été convoqué par les
autorités, il n’a jamais omis de leur fournir des renseignements au sujet des auteurs de
meurtres commis ;
4ème feuillet.
2. qu’un autre témoin nommé RUKIMIRANA s’est souvent contredit dans ses déclarations car
d’une part, à la côte 5 du dossier, il a dit n’avoir pas été témoin oculaire de la mort de
MUREKEZI car il était à son domicile, que d’autre part à la côte 12 du dossier, il a dit que
NEMEYIMANA a pris de la poche de MUREKEZI 5000 Frw, et qu’il dit en plus à la côte
43, qu’il a ouï dire que ce dernier avait remis une autre somme de 5000 Frw à
NEMEYIMANA afin qu’il la remette à son épouse ;
Que l’élément de preuve sur lequel le Ministère Public se fonde est que NEMEYIMANA s’est
accaparé de l’argent de MUREKEZI et qu’il a même reconnu avoir dit que MUREKEZI était un
Tutsi de la famille royale, mais qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier que
NEMEYIMANA l’a reconnu, que même les déclarations de RUKIMIRANA devant le Parquet
de la République ne sont pas les mêmes que celles faites devant le Parquet Général près la Cour
d’Appel, qu’au contraire RUKIMIRANA charge NEMEYIMANA par vengeance, ce que
soutient NEMEYIMANA, car ce dernier l’avait chargé ;
Constate que l’opposition faite par NEMEYIMANA est recevable car régulière en la forme et la
dit fondée ;
292
RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998
RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU
RMPA : 2/4150/Prog
RPA : 29/1/97/NZA
RPA : 02/1/97/NZA
Déclare que NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune des infractions à sa charge tel que libellé
dans les motifs ;
Ordonne que la moitié de frais de justice soit mise à charge du trésor public ;
Ordonne que l’autre moitié de frais de justice soit payée par MUKANYANDWI Alvera, c’est à
dire la moitié de 3825 Frw équivalant à 1913 Frw dans les délais légaux sinon exécution forcée
sur ses biens ;
5ème feuillet.
SIEGE
Greffier
MUNGANYINKA Spéciose
sé
293
294
COUR D’APPEL
DE
RUHENGERI
295
296
N°16
1. Procédure – descente sur les lieux – audition des prévenus – audition de témoins.
2. 1er prévenu - appel interjeté hors délai – responsabilité de la direction de la prison non
établie – appel irrégulier – confirmation du premier jugement.
4. 2ème prévenue – appel régulier - moyens d’appel – erreur de fait manifeste – appel
recevable.
1. Insuffisamment éclairée quant au bien-fondé des moyens d’appel, la Cour d’appel procède
à une descente sur le terrain. Elle entend les prévenus et auditionne plusieurs témoins.
2. L’appel du premier prévenu interjeté, plus de deux mois après le jugement, est irrégulier
quant aux délais et ne doit pas être examiné. L’argument du prévenu selon lequel ce
retard serait imputable à la direction de la prison n’est pas fondé, car il est inconcevable
qu’elle ait pu faire suivre le recours de la deuxième prévenue dans les délais, tout en
retardant celui du premier prévenu.
4. L’appel de la seconde prévenue est régulier quant aux délais. Il apparaît que la prévenue
n’a pas livré aux tueurs les personnes assassinées. L’appel fondé sur cette erreur de fait
manifeste est recevable.
297
5. Aucun élément probant ne permet d’établir une complicité quelconque dans le chef de la
seconde prévenue. Il apparaît au contraire qu’elle a porté assistance à ceux qui s’étaient
réfugiés chez elle, y compris à ceux qui à présent la mettent en cause. Elle est acquittée
de l’ensemble des préventions mises à sa charge, et sa libération immédiate est ordonnée.
298
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
(Traduction libre)
1er feuillet.
EN CAUSE:
APPELANTS:
PREVENTIONS :
A charge de BARITIMA
• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur ou
complice, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I , assassiné
KARUHIMBI et RUTAYISIRE, infraction réprimée par l’article 312 du Code pénal livre
II ;
A charge de tous
• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme coauteurs, tel que prévu
par les articles 89,90 et 91 du Code pénal livre I, tué le nommé KABALISA et sa mère
KARUHIMBI, infraction réprimée par l’article 312 du Code pénal livre II ;
2ème feuillet.
299
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou
complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis
l’infraction de dévastation du pays, massacre et pillage, infraction réprimée par l’article
168 du Code pénal livre II ;
• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, intentionnellement détruit les
maisons des particuliers, infraction prévue par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre
I et réprimée par l’article 444 du Code pénal livre II ;
LA COUR D’APPEL,
Vu que cette affaire a été introduite au premier degré devant la Chambre Spécialisée du
Tribunal de Première Instance de GISENYI, enregistrée sous le numéro R.P. 33/R1/97/G et
jugée le 12/06/1997 et le 26/06/1997 de la manière suivante :
″Décide de recevoir l'action civile intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;
″ Déclare que les préventions à charge de BARITIMA sont en concours idéal, qu’ainsi il doit
être condamné pour l’infraction la plus grave en l’occurrence celle de génocide ;
″Lui ordonne de verser au trésor public les frais d'instance équivalent à 4000 Frw, sous peine
de s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corps de 30 jours suivie d'une
exécution forcée sur ses biens;
″ Ordonne à BARITIMA Jules de verser, dans un délai de trois mois, solidairement avec
NYIRASHAKO Lénie, à la famille KARUHIMBI la somme de 5.000.000 Frw, à
MUREKATETE la somme de 4.000.000 Frw, à SAYIDI la somme de 2.000.000 Frw et à
UWIMANA Jeanne d’Arc la somme de 2.000.000 Frw, que le total des dommages et intérêts
dont ils sont redevables est de 13.500.000 Frw, qu'ils sont tenus de payer cette somme dans un
délai de trois mois, sous peine de s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corps
de 10 jours suivie d'une exécution forcée sur leurs biens;
″ Leur ordonne de payer dès le prononcé de ce jugement la somme de 78.000 Frw au titre le
droit proportionnel de 4% sinon exécution forcée sur leurs biens en cas d’inexécution ;
3ème feuillet .
300
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
Vu la lettre du greffier près la Cour d’appel adressée au Tribunal qui a rendu le jugement
querellé pour transmettre à ladite Cour le dossier complet, ce qui a été fait le 13/07/1998 ;
Vu la lettre du greffier près cette Cour d’appel adressée au Parquet Général près ladite Cour
pour l’informer de l’appel interjeté et de la date d’audience fixée par le Président ;
Vu qu’à cette date la Cour a statué sur pièces, le Parquet Général près cette Cour d’appel étant
représenté par le Substitut du Procureur Général MUSUHUKE François ;
Ouï le conseiller rapporteur relater l’origine de la présente affaire et reprendre les moyens
dont se prévalent les appelants ;
Attendu que pour soutenir son appel, BARITIMA Jules argumente en disant que seuls les
rescapés du génocide appartenant à une même famille ont été interrogés au cours de
l’instruction, qu’il a caché puis nourri certains de ces rescapés jusqu’à ce qu’ils traversent la
frontière rwando-zaïroise et qu’il a réparé la maison de son voisin rescapé, mais que la
Chambre spécialisée n’a pas apprécié ce geste à sa juste valeur, que ladite chambre lui a dénié
l’accès au dossier en lui refusant de le faire lire, qu’ainsi il n’a pas eu assez de temps pour
prendre connaissance de son contenu, qu’en outre cette chambre n’a pas tenu compte des
révélations qu’il lui a faites concernant les noms des tueurs et à partir desquelles elle pouvait
mener ses enquêtes, qu’elle a refusé d’interroger les témoins qu’il a cités et qui ont assisté au
meurtre des victimes, qu’en plus le greffier lui a attribué des mots qu’il n’a pas prononcés car,
profitant de ce qu’il ne sait ni lire ni écrire, ils ont noté qu’il plaidait coupable alors que ce
n’était pas le cas ;
Attendu que les moyens d’appel de NYIRASHAKO Lénie sont libellés comme suit :
1er moyen :
Je suis accusée par la nommée UWIMBABAZI qui soutient que j’aurais comploté contre son
frère KABALISA Dieudonné qui a été tué le 08/04/1994 à 11 heures du matin après avoir été
délogé de mon domicile. Elle m’accuse également d’avoir comploté contre sa mère
KARUHIMBI qui, comme son fils KABALISA, a été victime du génocide d’avril 1994 ;
4ème feuillet.
301
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
J’ai réfuté cette prévention aussi bien devant la Police Judiciaire et le Ministère Public que
devant le Tribunal ; raison pour laquelle j’ai demandé à toutes ces instances de mener des
enquêtes sur les allégations de cette bande composée de membres d’une même famille.
Pourtant cette enquête n’a jamais été menée tel que cela ressort des conclusions que j’ai
remises au Tribunal ;
2ème moyen :
Les témoins à ma charge à savoir KAREMERA, NDAYISENGA et NYIRANGIRUMPATSE
Hélène alias ZALUNA appartiennent tous à une même famille et sont donc des frères, tandis
que les nommés BAGAZA et MUKANYIRIGIRA sont leurs cousins. Par ailleurs ils vivent
tous dans une même maison. Pourquoi le Tribunal qui n’a pas ordonné l’enquête que j’avais
réclamée n'a-t-il pris en considération que leurs déclarations ?
3ème moyen :
Les membres d’une même famille qui me chargent, en l’occurrence NYIRANGIRUMPATSE
Hélène alias ZALUNA et NDAYISABA se sont par la suite constitués partie civile. Comment
les plaignants qui sont en même temps des témoins à charge peuvent-ils également réclamer
des dommages et intérêts ?
4ème moyen :
Un autre témoin cité dans cette affaire nommé ROSE JEANNETTE, fille de
NYARURWAMO, a déclaré qu’elle se cachait dans la bananeraie derrière mon domicile aux
environs de 19 heures lorsqu’elle m’a entendue dire à feu KABALISA de mourir dignement
parce que sa fin était arrivée. J’ai dit au Tribunal que cette déclaration était dénuée de
fondement et je lui ai demandé d’organiser une descente à cet endroit situé derrière mon
domicile où ROSE prétend qu’elle se cachait. Je me suis engagé à reconnaître ma
responsabilité au cas où le Tribunal y trouverait une bananeraie. Ce qui m’a le plus attristée
est que le Tribunal n’a pas fait cette descente pour vérifier si cette bananeraie existe
réellement à cet endroit ; et ce alors qu’elle sait pertinemment qu’il ne peut y avoir de
bananeraie dans une circonscription urbaine ;
5ème moyen:
KABALISA Dieudonné a été tué le 08/04/1994 à 11 heures du matin. Il a été emmené par des
assaillants qui ont attaqué mon domicile à la recherche de ma belle-fille VESTINE. Ces
assaillants étaient dirigés par MENYO Théoneste originaire de la commune MUKINGO,
préfecture de RUHENGERI en compagnie de MANIRAFASHA, originaire de KARAGO, ex-
aide chauffeur du véhicule de BYIRINGIRO ainsi que de THEOGENE, originaire de
KIBUYE qui était le domestique DE RUKAZABIGONDO, ex-responsable de la cellule
KIVUMU. Telles sont les personnes que j’ai pu identifier lors de l’attaque qui a été menée
chez moi, en plein jour, au vu de la population qui observait ce qui m’arrivait. J’ai même
demandé que la population qui résidait à cet endroit au moment des faits et qui a vu ce qui
s’est passé soit entendue, dans la mesure où j’ai aussi été violée quand j’ai refusé de remettre
aux assaillants la clé de ma chambre à coucher
5ème feuillet.
302
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
jusqu’à ce qu’ils défoncent la porte. Une fois à l’intérieur, ils y ont trouvé KABALISA qui
était arrivé chez moi la veille, c’est à dire le 07/04/1994 à 21 heures. J’ai aussitôt été battue et
maltraitée parce qu’ils m’accusaient d’être la complice des Inyenzi et ce jusqu’à ce que je leur
donne quatre-vingts mille francs ( 80.000 Frw). Ils ont même forcé ma valise en y recherchant
de l’argent. Comme ils n’ont rien trouvé, ils ont emporté une douzaine de bracelets-montres
pour dames. Cela s’est passé au grand jour, au vu et au su de la population. J’ai demandé au
Tribunal de se transporter à mon domicile pour constater lui-même l’état de la porte de ma
chambre et pour mener des enquêtes sur tout ce qui m’est arrivé et que j’ai exposé plus haut
afin qu’il tienne compte des déclarations de cette bande qui vise à s’approprier mes biens ;
6ème moyen :
En ce qui concerne la mort de KARUHIMBI, il a été dit que je l’ai trahie. C’est totalement
faux parce que j’ai passé plusieurs jours avec elle pendant lesquels je lui ai donné à
manger ainsi qu’à ceux qui l’accompagnaient à savoir BAGAZA et sa tante maternelle
MUKANYIRIGIRA, et cela jusqu’à ce que les habitants de la cellule KIVUMU d’où ils
étaient venus aient trouvé refuge au Zaïre. Je dois dire que je n’étais pas là lorsque cette
vieille femme a traversé la frontière puisque j’étais partie à RUHENGERI. Toutefois, cela
faisait plusieurs jours qu’elle me disait qu’elle achèterait un jerrycan de bière de sorgho et
jouerait à la vendeuse de cette bière pendant tout le trajet jusqu’à ce qu’elle atteigne GOMA.
Il faut remarquer que nous vivions encore ensemble lorsqu’elle a décidé de partir. Comment
aurais-je pu la trahir après l’avoir nourrie pendant tout ce temps ? J’ai pourtant demandé, en
vain, au Tribunal de mener une enquête sur la mort de cette vieille femme. Quant à dire que
j’ai donné l’ordre à HABARUSHAKA Martin de battre MUKARUHIMBI, cela n’est pas du
tout fondé dans la mesure où j’ai moi-même été attristée par ce qu’il a fait de sorte que je l’ai
chassé avec l’aide des autorités de la cellule parmi lesquelles Jules qui était un membre du
comité de cellule et qui est mon coprévenu dans ce procès. De plus, MUKARUHIMBI n’est
pas directement partie après cet incident. Elle est plutôt partie plus tard comme je l’ai
expliqué plus haut ;
Attendu que la parole est accordée au Substitut du Procureur Général pour livrer à la Cour ses
conclusions, qu’il demande à la Cour de déclarer irrecevable l’appel de BARITIMA Jules
parce qu’interjeté tardivement, de recevoir et d’examiner au fond celui de NYIRASHAKO
Lénie parce que formé dans les délais légaux et que le premier juge n’a pas tenu compte de
certains des moyens développés en appel et dont elle s’était pourtant prévalue au premier
degré ;
Attendu qu’il affirme que la Chambre spécialisée n’a pas pris en considération les arguments
développés par NYIRASHAKO Lénie pour démontrer qu’elle n’a pas comploté contre feu
KABALISA, étant donné que ce dernier a été emmené de chez elle où il se cachait par des
assaillants et que ceux-ci l’ont emmené après avoir battu NYIRASHAKO Lénie, détruit sa
maison et pillé ses biens ;
Attendu qu’il termine son intervention en demandant à la Cour d’appel d’ordonner la descente
que NYIRASHAKO
303
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
6ème feuillet.
Vu qu’après avoir délibéré, la Cour décide de se transporter sur le lieu des faits conformément
au souhait des prévenus qui s’étonnent de ce qu’ils sont uniquement accusés par les rescapés
du génocide et qui trouvent que des personnes neutres devraient être interrogées pour
expliquer la part de responsabilité des prévenus dans la mort des victimes, et cela dans la
mesure où la rumeur dit que les victimes ont été assassinées par MENYO, MUSA et l’ex-
responsable de la cellule KIVUMU, nommé Théogène ;
Attendu qu’après avoir prêté serment, ces trois personnes disent qu’elles connaissent très bien
BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie et que ceux-ci n’ont pas participé à l’assassinat
des victimes du génocide de 1994 qui leur est pourtant imputé à tort ;
Attendu que NYIRASHAKO Lénie s’explique en disant que ce qui lui fait de la peine est
qu’elle est chargée par les membres d’une même famille qui auraient dû la remercier pour les
avoir cachés et nourris ainsi que pour des conseils qu’elle leur a prodigués jusqu’à ce qu’ils
arrivent au Zaïre dont elle est originaire, qu’elle n’a cependant pas pu faire la même chose
pour KABALISA qui est arrivé à son domicile tardivement et que toutes les issues étaient
sous contrôle des tueurs lorsqu’elle a cherché à l’aider à traverser la frontière ;
Attendu qu’à la question de savoir la raison pour laquelle il a interjeté appel tardivement,
BARITIMA Jules répond qu’il a rédigé sa lettre d’appel dans les délais, qu’il l’a ensuite
remise à la direction de la prison qui l’a transmise à la Cour avec retard ;
Attendu que les deux prévenus sont invités à émettre leurs derniers avis, que NYIRASHAKO
Lénie déclare que la Cour devrait la rétablir dans ses droits dès lors qu’elle n’a jamais rien fait
de mal et qu’aussitôt après la guerre elle a dénoncé les meurtriers de ces victimes innocentes
dont l’assassinat lui est faussement attribué, que pour sa part BARITIMA Jules nie avoir
trempé dans les massacres pour lesquels il est poursuivi, dans la mesure où il souffrait de la
malaria au moment des faits et que cela est confirmé par NYIRASHAKO ;
Vu que tous les moyens sont épuisés et que le prononcé est fixé au 25/11/1998 ;
Que l’affaire est prise en délibéré et que l’arrêt est prononcé en audience publique dans les
termes ci-après :
7ème feuillet.
304
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
Constate que le jugement querellé a été irrégulièrement rendu quant à NYIRASHAKO Lénie
dès lors que la chambre spécialisée qui l’a reconnue coupable ne l’a pourtant condamnée à
aucune peine ;
Constate que l’appel de NYIRASHAKO Lénie a été interjeté dans les délais légaux et
qu’après l’examen de ses moyens d’appel, la Cour arrive à la conclusion que la prévenue n’a
jamais signalé aux miliciens Interahamwe la présence des victimes que sont RUTAYISIRE,
KARUHIMBI et KABALISA, que donc son appel doit être reçu et examiné ;
Constate que l’appel de NYIRASHAKO Lénie est fondé parce que rien ne prouve la trahison
dont elle est accusée dès lors qu’elle a pu aider ceux qui avaient trouvé refuge chez elle, dont
les plaignants, à traverser la frontière rwando-zaïroise d’où elle est originaire, qu'ainsi elle
doit être acquittée ;
Constate que l’appel de BARITIMA Jules ne doit pas être reçu ni examiné parce qu’interjeté
en dehors des délais, que son argumentation selon laquelle sa lettre d’appel aurait traîné à la
direction de la prison est dénuée de fondement parce qu’il n’est pas compréhensible que la
direction de la prison ait transmis à temps la lettre d’appel de NYIRASHAKO puis traîné
avec celle de BARITIMA Jules ;
Vu la Constitution du 10/06/1991 telle que modifiée à ce jour, spécialement en ses articles 12,
14, 88, 92 et 94 ;
Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,
spécialement en ses articles 16, 18, 20, 53, 54, 61, 63, 67, 70, 76, 80, 83, 84, 90, 99, 100, 103,
104, 107, 110, 138 et 139 ;
305
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
8ème feuillet.
Vu les articles 89-91, 93,168, 281, 282, 283, 304, 305, 312 et 444 du Code pénal livre II ;
Déclare recevable l’appel de NYIRASHAKO Lénie qui n’a été condamnée à aucune peine
par le premier juge, dit son appel régulier en la forme et fondé ;
Déclare que NYIRASHAKO Lénie n’a jamais comploté contre les victimes dont il est
question dans le présent dossier, qu’elle a par contre sauvé la vie de ceux qui l’accusent
aujourd’hui et qu’ainsi elle est acquittée de toutes les préventions pour lesquelles elle était
poursuivie ;
Déclare que NYIRASHAKO Lénie obtient gain de cause, et que BARITIMA Jules perd la
cause ;
Déclare que BARITIMA Jules est redevable envers le trésor public d’un montant de 4.758
Frw représentant la moitié des frais de justice équivalant à 9.476 Frw, l’autre moitié étant à
charge du trésor public parce que NYIRASHAKO qui aurait dû la payer obtient gain de cause
et, en cas de défaillance, édicte une contrainte par corps de 10 jours suivie d’une exécution
forcées sur ses biens ;
9ème feuillet.
Rappelle que, conformément à la Loi organique du 30/08/1996, le présent arrêt n’est pas
susceptible de pourvoi en cassation ;
306
R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998
R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERI
R.P.A. 24/GC/R1/RUH
R.M. P.A 3/13/T.K
GREFFIERE
MUKAMUSONI Bernadette
Sé
307
308
TROISIEME PARTIE
JURIDICTION MILITAIRE
CONSEIL DE GUERRE
309
310
N°17
3. Viol (art. 360 CP), tortures sexuelles (art. 2, 1 d) L.O. 30/08/1996) et assassinat (art. 312 CP)
– témoignages contredisant les déclarations de la plaignante – plainte tardive – doute
(art.20 CPP) - acquittement.
311
1. La qualité de membre des forces armées qui fonde la compétence du Conseil de Guerre peut
s’apprécier au moment du début des enquêtes. Nonobstant les déclarations du prévenu selon
lesquelles il ne faisait pas partie de l’armée à l’époque des faits, le Conseil de Guerre se
déclare donc compétent, retenant qu’au moment de son arrestation, il était soldat de l'Armée
Patriotique car il avait suivi un recyclage et avait été intégré dans la nouvelle armée,
conformément à l’article 8 de la Déclaration du FPR relative à la mise en place des
institutions.
2. Une remise est accordée au prévenu afin de lui permettre de prendre connaissance des
constitutions de partie civile et d’organiser sa défense.
Une seconde remise d'audience est accordée à la demande des parties civiles pour leur
permettre de préparer le dossier et pour que soit cité l’Etat rwandais comme civilement
responsable.
3. Les déclarations d’une plaignante qui soutient qu’après avoir tué son mari, le prévenu l’aurait
enlevée, séquestrée et violée à de nombreuses reprises sont en totale contradiction avec la
version des faits présentée par le prévenu, qui déclare l’avoir protégée et hébergée. Les
témoignages recueillis et le fait que la plaignante n'ait pas alerté les autorités lorsqu'elle a reçu
la visite du prévenu dans son magasin postérieurement aux faits, jettent un doute sur la
crédibilité de son témoignage. Le prévenu est acquitté, au bénéfice du doute, des préventions
de viol et de torture sexuelles, ainsi que de la prévention d’assassinat du mari de la
plaignante.
4. Les témoignages concordent à établir que le prévenu a entraîné des jeunes de la CDR, qui se
sont ensuite rendus coupables de massacres dans la région. C’est en vain que la défense
soutient que les entraînements en question visaient la mise sur pied d’équipes de « défense
civile », ces jeunes ayant été entraînés à massacrer les gens plutôt qu’à les protéger. Il est
également démontré que le prévenu a participé personnellement à au moins deux attaques qui
ont fait plusieurs victimes, et qu’il a frappé à la machette une personne laissée pour morte. En
outre, le prévenu est en aveu d’avoir participé à des actes de pillages. Il est déclaré coupable
d’association de malfaiteurs, d’assassinat, de tentative d’assassinat et d’attentats ayant pour
but de porter le pillage.
5. La prévention de génocide est établie, car le prévenu «avait pour but d’exterminer les Tutsi
lors des crimes qu’il a commis ».
312
8. Les dommages et intérêts matériels liés à la perte d’un époux et d’un père sont fixés en
fonction du nombre d’années qui séparaient la victime de l’âge de la retraite.
Les dommages moraux réclamés étant exagérés, le Tribunal les évalue dans sa sagesse.
9. L'Etat ne peut être condamné solidairement au paiement des dommages et intérêts alloués, car
le prévenu n’occupait aucune fonction publique au moment des faits.
(NDLR: ce jugement a été confirmé par la Cour militaire dans un arrêt en date du
20/12/1999).
313
314
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
(Traduction libre)
1er feuillet.
CONTRE :
PREVENTIONS :
1. Avoir, entre avril et juillet 1994, à CYAHAFI, commune NYARUGENGE, comme auteur
ou complice, commis le crime de génocide prévu par la Convention du 9 décembre 1948
ratifiée par le Rwanda en date du 12 février 1975, et par la Loi organique n° 08/96 du 30
août 1996 ;
2ème feuillet.
6. Avoir tenté d’assassiner NYOMBAYIRE Sixte, infraction prévue et réprimée par les
articles 20, 21, 22, 24 et 312 du Code pénal ;
Vu que le sergent gendarme BARAYAGWIZA dont l’identité est reprise ci-dessus est
315
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Vu que le dossier relatif à l’affaire en cause le Ministère Public contre le sergent gendarme
BARAYAGWIZA Ildephonse a été transmis à la Chambre Spécialisée du Conseil de Guerre
pour fixation par lettre de l’Auditeur Militaire du 21 juillet 1998 ;
Vu qu’à cette date le Ministère Public est représenté par le sergent NZAKAMWITA Faustin,
que le sergent BARAYAGWIZA Ildephonse comparait assisté par Maître SONEVILLE
Isabelle ;
Attendu qu’après lecture de son identité et des préventions à sa charge, le sergent gendarme
BARAYAGWIZA dit qu’il ne reconnaît pas la qualité de militaire qui lui est attribuée car il
n’est qu’un civil ;
Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il plaide coupable des infractions qui lui sont
reprochées, il répond qu’il en plaide non coupable ;
Attendu que la parole est accordée à l'Auditeur militaire qui dit que le Sergent gendarme
BARAYAGWIZA a été poursuivi comme militaire car il reconnaissait lui-même cette qualité,
que l’Auditorat Militaire est compétent pour exercer des poursuites contre les militaires et
leurs complices non militaires tel que prévu à l’article 3 modifié de la Loi fondamentale ainsi
que par la déclaration du FPR relative à la mise en place des institutions en son article 8 telle
qu’agréée par les forces politiques appelées à participer aux dites institutions qui dispose que
l’intégration des éléments des anciennes Forces Armées Rwandaises se fera par triage des
individus sains et qui ne se seraient pas personnellement compromis par des actes
répréhensibles, que c’est dans ce cadre que le prévenu est allé au regroupement qui a eu lieu à
GAKO ;
3ème feuillet.
Attendu que l'Auditeur militaire dit qu’à l’époque du génocide, le sergent BARAYAGWIZA
s’est comporté comme un militaire et que, usant de son rang, il a collaboré avec des militaires
parmi lesquels figurent le caporal HATEGEKA dont l’adresse actuelle est inconnue et le
lieutenant Richard qui lui a donné un fusil, qu’il y a dès lors opportunité des poursuites ;
Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA figure sur la liste nominative des éléments
des anciennes Forces Armées Rwandaises ainsi que sur celle des militaires qui ont commis
des infractions, qu’il ressort du commentaire de la Loi organique par des juristes sur la
compétence des chambres spécialisées qu’il n’est tenu compte que des fonctions exercées par
la personne poursuivie au moment de l’instruction préparatoire et que, dans le cas actuel,
l’intéressé était un militaire quand les enquêtes ont commencé, que selon même la doctrine du
Général LIKULIA BOLONGO, le Conseil de Guerre est seul compétent pour juger le
prévenu ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il n’était plus membre des anciennes Forces
316
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Armées Rwandaises à l’époque des faits en 1994 parce qu’il avait été renvoyé en date du
21/01/1990, qu’il ne devrait pas par ailleurs être encore au grade de sergent s’il est tenu
compte de l’époque à laquelle il est censé avoir été réintégré dans l’Armée Patriotique
Rwandaise, qu’il n’a même pas de numéro matricule au sein de cette dernière et que, ayant
été incarcéré en compagnie de militaires, ceux-ci ont continué à recevoir leurs soldes alors
qu’il n’en n’était pas de même pour lui, qu’il est considéré comme un élément de l’armée
actuelle alors qu’aucune tâche ne lui a été confiée au sein de celle-ci depuis sa mise en
détention et qu’il avait l’étiquette d’un milicien Interahamwe lors de ses séjours respectifs
dans les prisons de RILIMA, KIBUNGO et MULINDI ;
Attendu qu’il dit que le Chef d’Etat-Major est arrivé à KIBUNGO en août 1996 et leur a dit
qu’ils n’étaient pas inscrits parmi les éléments de l’Armée Patriotique Rwandaise, qu’il
poursuit en disant qu’il y a lieu, en ce qui le concerne, de consulter sa fiche individuelle
d’identification ou le Journal Officiel pour être suffisamment renseigné sur le motif de son
renvoi, qu’il ne fait même plus partie des personnes affiliées à la Caisse Sociale ;
Attendu qu’il affirme avoir démontré au Ministère Public qu’il agissait en qualité de civil à
part que ses pièces ont été volées ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a jamais été victime
de vol, que ses moyens de défense tendant à nier sa qualité de militaire ne visent qu’à
détourner l’attention du Tribunal, qu’il demande que l’intéressé parle plutôt du lieu où il a été
arrêté ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été arrêté à KIGALI par des militaires
qui l’ont d’abord conduit à l’endroit où se trouve l’immeuble appartenant à KABUGA et
ensuite au lieu dénommé " la fraîcheur" où un officier qu'il pense être le capitaine Joseph l’a
trouvé, que celui-ci a dit que BARAYAGWIZA n’était pas militaire ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que sergent BARAYAGWIZA ment car il a été arrêté au
camp militaire de "GAKO REORGANISATION SCHOOL" après sa formation, que ce camp
militaire est doté de structures administratives militaires effectives et que l’Armée Patriotique
Rwandaise n’a jamais procédé à la formation de personnes civiles ;
4ème feuillet.
Attendu que l'Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA était un partisan fidèle
de HABYARIMANA, la preuve étant qu’il a été son employé dans la boîte de nuit dénommé
KIGALI- NIGHT, au TAM-TAM et EXOTICA, qu’il est poursuivi en qualité de militaire car
il figure sur la liste exhaustive des militaires, sur la liste nominative et sur celle des militaires
ayant commis des infractions, qu’il est faux de prétendre qu’il avait été renvoyé de l’armée
317
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
car la période à laquelle il prétend avoir fait l’objet de cette mesure ne s’y prêtait guère, à
cette époque en effet, l’on rappelait plutôt sous les drapeaux des membres de la réserve
militaire en leur envoyant des télégrammes ;
Attendu qu’interrogé sur son numéro matricule à l’époque où il était sergent en 1988, le
sergent BARAYAGWIZA dit qu’il avait le n° 7500, qu’à la question de savoir comment on a
appris qu’il avait le grade de sergent, il répond qu’on demandait à chacun les renseignements
sur son grade, les camps militaires où il a vécu, la date à laquelle il avait quitté l’armée, ou
s’il était encore en activités;
Attendu qu’à la question de savoir s’il lui est arrivé de déclarer ne pas vouloir continuer à
servir au sein de l’armée, il répond qu’ils étaient nombreux à le souhaiter mais que certains
autres se sont laissés convaincre de rester ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a subi un quelconque interrogatoire sous la contrainte,
il répond que cela a été le cas lors de son interrogatoire par le sergent KAMANZI, mais qu’il
approuve cependant le procès-verbal de l’autre interrogatoire qu’il a subi, qu’à celle de savoir
s’il y a des personnes qu’il a entraînées militairement, il répond par l’affirmative et dit qu’il a
pu identifier le seul sergent SEBITABI parmi ses collaborateurs mais qu’il ignore où il
travaillait, que c’est parce qu’il n’y avait pas longtemps qu’il habitait à cet endroit qu’il ne
connaît pas les autres, que cette tâche leur a été confié au cours d’une réunion qui a eu lieu à
une école située derrière son habitation et ce, sous la direction du conseiller Rose
KARUSHARA, qu'il pense d'ailleurs que sergent SEBITABI logeait chez ce conseiller ;
Attendu que l'Auditeur Militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a apposé sa signature
sans contrainte sur le procès-verbal de son audition portant le n° 7, qu’il y a un autre procès-
verbal qu’il a signé lui-même sous le grade de sergent GD BARAYAGWIZA, ceci étant la
preuve qu’il se reconnaît militaire et qu’il n’a jamais déclaré ne pas vouloir rester en service,
qu’il y a lieu pour le Tribunal d’apprécier souverainement tous ces éléments de preuve au
moment de prendre sa décision ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il lui est difficile de produire les preuves à
l’appui de sa défense, mais qu’il y aurait lieu de chercher au Ministère de la Défense et à
l’Etat-Major des pièces relatives aux circonstances de son renvoi, que la preuve manifeste
dont il dispose actuellement est qu’il aurait dû avoir le grade d’Adjudant mais qu’il a toujours
celui de sergent alors qu’il a été enrôlé dans l’armée en 1988, que compte tenu du règlement,
il aurait dû déjà porter le grade de Sergent Major au moment de son arrestation ;
5ème feuillet.
Attendu qu’il dit que des discussions portant sur l’endroit où il devait être conduit ont eu lieu
lors de son arrestation, que le lieutenant qui l’a emmené du lieu dénommé "la fraîcheur" lui a
dit à son arrivée à RILIMA qu’il devait vivre avec les militaires, que ce n’est que quand son
identité n’a pas pu être établie plus tard qu’il a été interrogé là-dessus, car à ce moment le
Ministère Public voulait qu’il soit justiciable devant le Conseil de Guerre ;
Attendu que l’Auditeur dit que les conditions de promotion en grades sont énoncées à l’article
34 de l’Arrêté Présidentiel n° 02/02 du 3 janvier 1977 portant Statut des Sous-Officiers tel
que figurant dans le Tome II des Codes et Lois qui dispose que la durée minimum de service
effectif dans chaque grade pour pouvoir être promu est de 3 ans, que la durée maximum n’est
318
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
cependant pas indiquée et qu’il n’y a aucun acte administratif portant renvoi du sergent
BARAYAGWIZA de l’armée ;
Attendu que Me Isabelle SONEVILLE dit que le problème est simple car il s’agit de savoir si
le prévenu était militaire lors de la commission des faits qui lui sont reprochés ou lors de son
arrestation à GAKO, cela ne pouvant être prouvé autrement que par des pièces écrites car la
qualité de militaire doit être confirmée pas le règlement et le n° matricule, qu’elle souhaite
savoir si, au cours de sa formation au camp militaire de GAKO, l’intéressé était considéré
comme un militaire ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que les militaires sont des agents de l’Etat qui ne
sauraient être rémunérés sans être enregistrés, mais que le Ministère de la Défense ayant en
charge la sécurité et la souveraineté du pays dans ses attributions, il ne leur est pas permis de
rendre publique la liste des militaires en service, que par ailleurs, non seulement ce pays a
perdu les victimes qui ont été tuées, mais a également subi des actes de pillage ;
Attendu qu’il dit que les militaires n’avaient pas encore reçu leurs soldes et qu’ils ont été
maintenus aux grades qu’ils avaient en date du 06/04/1994, que c’est ainsi que
BARAYAGWIZA a conservé le grade de sergent qu’il avait à cette date, que la formation a
été clôturée publiquement en présence du Président de la République, du Ministre de la
Défense et des représentants du corps diplomatique, que le problème relatif au n° matricule
est d’ordre purement administratif ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA affirme avoir été renvoyé par le Colonel
BAVUGAMENSHI pour abandon de poste et non respect des consignes du camp, que le
lieutenant GATETE, actuellement militaire de l’APR et qui avait été renvoyé au même
moment que lui peut en témoigner, de même que les nommés NIBARERE et le caporal
KARANGWA qui sont en détention à MULINDI, que quand ils étaient détenus avec des
militaires de l’A.P.R., ces derniers ont reçu leurs soldes et des effets militaires sans qu’il en
soit de même pour eux, que suite à leur requête à cet effet, le Chef d’Etat-Major leur a dit
qu’ils ne sont inscrits nulle part comme militaires ;
6ème feuillet.
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le fait que le sergent BARAYAGWIZA réclamait sa
solde signifie qu’il reconnaissait sa qualité de militaire, que le non paiement de sa solde est un
problème d’ordre administratif qu’il ne devrait pas invoquer en rapport avec les infractions
qui lui sont reprochées, que le lieutenant GATETE qui est supposé avoir été renvoyé en
même temps que le prévenu est actuellement militaire et peut être invité à témoigner, qu’il y a
lieu de relever que le lieutenant colonel KANAMUGIRE et le Major NDAMAGE avaient eux
aussi été renvoyés en violation de la loi, mais qu’ils ont été réintégrés, que les autres
militaires dont parle BARAYAGWIZA sont à un échelon tellement bas qu’ils ne peuvent pas
connaître le motif de son renvoi, que la gravité de l’infraction d’abandon de poste aurait dû
entraîner des poursuites à charge du prévenu qui aurait été par ailleurs mis en détention pour
ce motif, qu’il estime que l’intéressé a été injustement renvoyé et que c’est pour cette raison
qu’il est revenu dans l’armée ;
Vu que le Tribunal se retire en délibéré pour prendre une décision sur cette exception;
319
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il n’y a aucune preuve que l’intéressé a été renvoyé de
l’armée, surtout que le motif prétendu de son renvoi est une infraction pénale pour laquelle il
aurait dû être poursuivi, mais qu’il est établi qu’il n’a jamais été condamné par les juridictions
pour ces faits ;
Attendu que le prévenu dit que la preuve de son renvoi est qu’il n’a eu aucune promotion en
grade jusqu’aujourd’hui et qu’il n’a jamais reçu de solde ;
Constate que le prévenu est allé au camp militaire de GAKO où devait avoir lieu la formation
des militaires des anciennes Forces Armées Rwandaises en vue de leur réintégration dans
l’APR tel que prescrit par l’article 8 de la déclaration du FPR INKOTANYI du 17/07/1994 ;
7ème feuillet.
Constate qu’il a été arrêté pour crime de génocide après sa formation, qu’il avait ainsi été
réintégré dans l’APR ;
Constate que son moyen de défense tendant à renier sa qualité de militaire au motif qu’aucun
numéro matricule ne lui a été octroyé et qu’il n’a pas reçu de solde est non fondé car ces
lacunes sont dus aux problèmes d’ordre administratif qu’avait le pays, surtout que les
militaires qui ont suivi la formation avec lui, mais qui n’ont pas été arrêtés, reçoivent leur
solde et ont des numéros matricules ;
Déclare qu’il était militaire quand il a été arrêté et poursuivi, que le Conseil de Guerre est
compétent pour le juger ;
Attendu que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour un exposé détaillé des faits
reprochés au sergent GD BARAYAGWIZA et de leur qualification légale, qu’il commence
par un rappel de l’histoire et dit qu’en 1959, certaines personnes de l’ethnie Tutsi ont été
tuées et victimes d’actes de pillages, que d’autres se sont exilées et sont devenues des
réfugiés, que lors de l’attaque des Inyenzi en 1963 les Hutu ont tué les Tutsi, qu’il en a été
ainsi en 1967 et qu’en 1973 des Tutsi ont de nouveau été tués et leurs cadavres jetés dans le
trou dénommé RWABAYANGA, que les Tutsi ont été traités de complices des Inkotanyi en
1990 et que quelques-uns ont été mis en prison tandis que d’autres furent tués, que les Tutsi
de la région de GISENYI (LES ABAGOGWE) et ceux de celle du BUGESERA ont été tués
320
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
en 1991, qu’en 1993 les miliciens Interahamwe ont été initiés à la perpétration d’actes
méchants et pourvus de moyens à cet effet et qu’en 1994, il y a eu des tueries telles que même
des fœtus n’ont pas été épargnés, que les meurtriers ont été récompensés à l’exemple de
RWAMBUKA qui, étant bourgmestre au moment des faits, a été d’abord promu Sous-Préfet
et député ensuite ;
Attendu qu’il dit que des militaires ont été manipulés en avril 1994 tel que le sergent
BARAYAGWIZA qui était un adepte de la CDR et travaillait au café TAM-TAM tout en
étant membre du comité de crise de CYAHAFI composé des tueurs nommés
BARARAMBIRWA, MUNYEZAMU F., GAHAMANYI Etienne, RWANDA Christophe,
HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré, ce dernier étant chargé de chercher
des fusils et des munitions qui devaient servir à tuer les Tutsi ;
Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, en collaboration avec ses collègues
militaires et Rose KARUSHARA, alors conseiller du secteur KIMISAGARA, ont soumis les
miliciens Interahamwe à un entraînement militaire sur le terrain de l’école primaire de
KIMISAGARA ;
Attendu qu’il dit qu’en date du 08/04/1994 aux environs de 16 heures et demie, des jeunes
hommes ont attaqué le domicile de NYOMBAYIRE Sixte qui s’est défendu et les a
repoussés, qu’ils sont revenus dans une attaque dirigée par le sergent gendarme
BARAYAGWIZA et dont faisait partie NZARIBARA alias GITENGE, qu’ils ont donné des
coups de machette à l’intéressé et l’ont laissé pour mort, qu’en apprenant que la victime
n’était pas morte, le sergent BARAYAGWIZA l’a poursuivie au Centre Hospitalier de
KIGALI où elle se faisait soigner ;
8ème feuillet.
Attendu qu’il dit qu’en date du 14/04/1994, le sergent BARAYAGWIZA a dirigé une attaque
au cours de laquelle NDENGEYINGOMA Edouard et ses quatre petits frères KALISA,
NIYIBIZI Anaclet, Vianney et Damien ont été tués, que le prévenu a emmené l’épouse de
NDENGEYINGOMA à laquelle il a imposé une cohabitation forcée;
Attendu qu’il dit que la bande du sergent BARAYAGWIZA a détruit des maisons et commis
des actes de pillage chez Bosco et NDAYISABA dans le secteur CYAHAFI ;
Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA s’était surnommé SHITANI à cause de sa
méchanceté ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il accepte de plaider mais relève qu’il n’a
pas eu le temps d’étudier le dossier, qu’il n’en a pas encore fait lecture pour qu’il puisse être
renseigné sur l’identité des personnes qui ont porté plainte contre lui car elle ne figure
normalement pas sur les assignations qui ne mentionnent que les seules préventions mises à
321
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
charge du prévenu;
Attendu que l'Auditeur militaire dit que le prévenu doit présenter ses moyens de défense sur
les faits qui lui sont reprochés et non sur l’identité des plaignants, que par ailleurs, son
Conseil ayant fait lecture du dossier, l’intéressé aurait dû lui aussi l’avoir fait ;
Attendu que Me SONEVILLE dit que son client n’a pas effectivement vu le dossier car celui-
ci n’avait pas encore été traduit du Kinyarwanda quand ils ont eu leur première entrevue, que
le dossier ne lui est parvenu qu’en date du 06/10/1998 et qu’elle a dû le faire traduire avant
d’en communiquer le contenu au prévenu à travers les questions qu’elle doit lui poser, que ce
n’est que vendredi que le dossier lui a été retourné après traduction ;
Attendu qu’elle dit que, au cours de la matinée, l’audience a porté sur l’exception
d’incompétence, qu’elle a demandé des explications et a appris que le sergent
BARAYAGWIZA entend plaider non coupable, que le prévenu doit avoir la possibilité de
présenter suffisamment ses moyens de défense ainsi que des témoins à sa décharge ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que les moyens invoqués par le prévenu sont dilatoires
car il a été régulièrement cité à comparaître et que la négligence de la défense ne saurait être
un motif de faire traîner le procès en longueur ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’il a facilité le contact entre le prévenu et son
Conseil et leur a promis de leur permettre d’avoir une entrevue quand ils le voudraient ;
Attendu que le Conseil du prévenu dit que le Ministère Public leur a effectivement facilité le
contact mais qu’ils n’ont point la volonté de faire traîner le procès, qu’ils veulent plutôt que le
prévenu puisse présenter des témoins à décharge en communiquant leur liste au greffier, qu’il
n’est pas nécessaire que le prévenu fasse lecture de son dossier en sa présence, mais que
l’intéressé doit être informé des réclamations des parties civiles ;
9ème feuillet.
Attendu qu’interrogé sur le temps dont il a besoin pour la lecture de son dossier, le sergent
BARAYAGWIZA répond que deux semaines suffiront, mais demande également qu’on lui
accorde la possibilité d’avoir une entrevue avec son avocat ;
Constate qu’il n’y a pas de motif valable qui l’a empêché de faire lecture de son dossier à
temps ;
322
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Décide de reporter l’audience au 19/10/1998 pour que les parties civiles puissent déposer au
greffe du Tribunal leurs conclusions écrites ;
Attendu que l’audience reprend à cette date du 19/10/1998 par la prestation de serment du
nouvel interprète MUSABYIMANA Mathias ;
Attendu que les avocats des parties civiles prennent la parole, que Me Claudine
GASARABWE demande au Tribunal de reporter l’audience à une autre date au motif qu’ils
ont été tardivement informés de cette affaire, et de citer l’Etat rwandais en qualité de
civilement responsable, que Me Bernadette KANZAYIRE dit que la citation de l’Etat
rwandais en cette affaire est justifiée car le prévenu, sergent gendarme BARAYAGWIZA,
était militaire au moment des faits poursuivis et qu’à cet égard, l’Etat rwandais représenté par
le Ministère de la Défense, en sa qualité d’employeur, est solidairement responsable des
dommages intérêts ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que pour pouvoir représenter valablement les parties
civiles, ces avocats doivent avoir le temps de lire le dossier, qu’il demande au Tribunal de
vérifier s’ils n’ont pas eu connaissance du dossier à temps et de prendre une décision en
conséquence ;
Attendu que le Conseil du prévenu dit qu’il est compréhensible que ses confrères demandent
du temps pour lire le dossier, qu’il ne s’oppose pas au renvoi de l’audience à une autre date
pour les motifs invoqués, mais demande plutôt à être autorisé à déposer une autre liste des
témoins à décharge ;
10ème feuillet.
Attendu que Me Claudine GASARABWE dit que trois semaines leur suffiraient, qu’ensuite le
Tribunal se retire en délibéré ;
Attendu que les Conseils des parties civiles souhaitent qu’un délai leur soit accordé en vue de
se préparer et que l’Etat rwandais, représenté par le Ministère de la Défense, soit cité à
comparaître ;
Constate que la requête des avocats des parties civiles est fondée ;
Décide que l’audience est reportée au 5 novembre 1998 à 9 heures du matin pour permettre
aux avocats des parties civiles de préparer leurs conclusions et pour que l’Etat rwandais soit
cité en qualité de civilement responsable ;
Vu qu’à cette date du 05/11/1998 l’audience a lieu, que Me DJOSSOU KOFFI qui a remplacé
Me SONNEVILLE Isabelle produit son autorisation de plaider et que l’interprète Elysée
NTIVUGURUZWA prête serment ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public fait à nouveau un résumé des faits reprochés au
prévenu ;
Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’avoir donné des entraînements militaires aux
Interahamwe, le sergent gendarme BARAYAGWIZA reconnaît les faits mais dit l’avoir fait à
323
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
la demande de ce qui était appelé″ GARDE CIVILE ″, qu’il nie cependant avoir entraîné les
miliciens Interahamwe car dit-il, au début du mois de juin 1994, le conseiller du secteur
KIMISAGARA en la personne de Rose KARUSHARA a tenu une réunion à laquelle la
majorité des participants étaient des hommes et a dit que les personnes à entraîner seraient
préposées à la protection et la défense du secteur ou seraient enrôlées dans l’armée, que c’est
ainsi que le sergent BARAYAGWIZA et le sergent SEBITABI ont été désignés pour
entraîner ceux qui y étaient aptes, que la liste a été établie au bureau du secteur et que les
concernés ont été répartis en deux groupes de 28 personnes chacun ;
Attendu qu’il dit qu’ils sont retournés sur les lieux le lendemain et y ont croisé trois militaires
qui avaient apporté des fusils devant servir à l’entraînement, lequel a commencé trois jours
plus tard, mais que en raison des obus que les Inkotanyi tiraient sur le terrain choisi à cet
effet, il a eu peur d’y perdre la vie et n’y est pas retourné ;
Attendu que relativement à l’infraction d’encadrement du génocide il dit qu’il ne pouvait pas
diriger le génocide et n’y a même pas pris part, qu’il n’était qu’un simple citoyen et n’était
partisan d’aucun parti politique même s’il est faussement accusé d’avoir fait partie du comité
de crise de CYAHAFI ;
11ème feuillet.
Attendu qu’il dit qu’il se trouvait chez sa sœur à CYAHAFI au début des tueries où il a passé
trois jours à cause du couvre-feu qui était en vigueur, qu'il a ensuite regagné son domicile à
KIMISAGARA et n’a jamais résidé à CYAHAFI ;
Attendu qu’il déclare ne pas avoir commis l’infraction d’association de malfaiteurs, à moins
dit-il, qu’on ne veuille parler des gens qu’il a entraînés militairement sur ordre, encore qu’il
ignore les actes qu’ils auraient commis ;
Attendu qu’il dit qu’Agnès lui attribue l’assassinat de son mari suite au conflit qui les oppose
324
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
relatif notamment à une somme d’argent et d’autres biens de valeur qu’il lui a confiés quand
il est allé à GAKO et que, à son retour, il a constaté, quand il est revenu au cabaret, qu’Agnès
était entretenue par un autre homme, qu’elle a cru alors qu’il venait pour lui réclamer ses
biens, que c’est ainsi qu’après son départ, ils ont envoyé un message pour le faire arrêter au
motif prétendu qu’il constituait une menace à leur sécurité ;
Attendu que concernant l’infraction d’avoir forcé Agnès KAGERUKA à cohabiter avec lui, il
dit qu’il n’apparaît nulle part qu’il l’a commise surtout si l’on examine les questions posées à
Agnès et les réponses qu’elle a données lors de son audition, qu’il reconnaît seulement l’avoir
secourue et conduite chez lui à sa demande, que les accusations qu’elle porte contre lui
affirmant qu’il a tué les victimes qu’elle énumère et parmi lesquelles figurent même celles
qu’il ne connaît pas ne relèvent que de pures inventions qui semblent lui avoir été inspirées
par des tiers;
Attendu qu’il dit qu’elle ment quand elle rapporte les circonstances dans lesquelles il l’a
conduite chez lui en date du 14 , qu’il peut présenter des témoins en vue de la démentir à ce
sujet, qu’il est également faux d’affirmer lui avoir échappé pendant trois semaines, comme
sont également fausses les allégations selon lesquelles il aurait à cette date, après avoir
assassiné Edouard, pillé deux matelas doubles et une armoire, et emmené Agnès en étant
armé d’un fusil, car personne ne peut commettre tous ces actes seul ;
12ème feuillet.
Attendu qu’il dit que les infractions de tortures sexuelles et de viol ont été inventées par
l’Auditorat Militaire car la victime de ces actes n’apparaît nulle part dans le dossier ;
Attendu qu’interrogé sur la durée des entraînements ainsi que sur leur objectif, et à la question
de savoir s’il était payé pour cette tâche, et s’il a été poursuivi quand il l’a abandonnée, il
répond que les gens qui ont participé aux entraînements militaires devaient assurer la défense
du secteur et que cette opération était supervisée par la Préfecture de la ville de KIGALI et
l’Etat-Major représentés respectivement par le Préfet RENZAHO et le lieutenant Esdras qui
ont donné des instructions au conseiller du secteur qui, à son tour, a convoqué les candidats
en vue d’une sélection, qu’il n’était pas payé et qu’aucune poursuite n’a été exercée contre lui
pour avoir cessé de dispenser ces entraînements ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il n’avait pas de fusil, il répond qu’il n’en avait pas à
cette époque et qu’il ne l’a obtenu que vers le 15/06/1994 lors de l’attaque de
NYAMIRAMBO ;
Attendu qu’interrogé sur la différence entre la garde civile et les miliciens Interahamwe, il
répond que c’est sur instruction officielle que les membres de la garde civile ont été entraînés,
325
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
tandis que la milice Interahamwe était une branche du MRND et de la CDR, qu’à la question
de savoir s’il se souvient de quelques-uns des individus qu’il a entraînés, il répond que leur
liste avait été établie mais que comme les gens fuyaient, il a perdu tout contact et n’a plus
suivi de près les activités liées à ces entraînements, qu’il y avait cependant d’autres personnes
qui les supervisaient ;
Attendu qu’interrogé sur les trois organes qui dispensaient des entraînements militaires, leurs
attributions respectives et leur collaboration, il répond qu’il y avait l’armée ainsi que la garde
civile elle aussi instituée par l’Etat pour la défense de la population mais dont certains
membres étaient également enrôlés dans l’armée, que les Interahamwe constituaient quant à
eux une branche d’un parti politique, que ce sont les miliciens Interahamwe et de la CDR qui
ont commis des tueries à KIMISAGARA, que les membres de la défense civile n’ont pas
commis d’actes répréhensibles à part qu’il n’a plus eu connaissance de leurs activités après
avoir cessé de les entraîner, qu’au cours de cette période les massacres avaient cependant
cessé car, ayant été déclenchés le 07/04/1994, ils ont pris fin en juin 1994 suite aux
instructions qui intimaient l’ordre d’y mettre un terme ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA tente de fuir les
accusations portées contre lui, qu’il poursuit en disant que l’Etat prenait en charge la
formation des militaires, des gendarmes et des policiers en vue de la protection du pays et que
seuls ces corps avaient une existence légale alors qu’aucune loi n’avait institué la défense
civile, que ce sont plutôt des miliciens Interahamwe qui ont été entraînés, qu’il est faux de la
part du prévenu d’affirmer avoir reçu un message à lui envoyé par Agnès pour la secourir, que
l’intéressé a au contraire pris part aux attaques comme les autres tueurs et que, en sa qualité
de sergent digne de sa réputation, il en est revenu emmenant Agnès ;
Attendu qu’interrogé sur quoi était fondé son optimisme quand il est allé secourir Agnès, il
répond qu’il vivait à KIMISAGARA où Agnès a fait appel à lui par l’intermédiaire d’un
messager, qu’il lui a envoyé un schéma des endroits où les miliciens Interahamwe se
trouvaient, qu’il poursuit en disant qu’il est un jour arrivé là où Agnès avait été séquestrée si
bien que la sœur du milicien auteur de cette séquestration le sait, qu’Agnès est parvenue à
quitter cet endroit car elle avait une carte d’identité portant la mention de l’ethnie Hutu et un
permis de résidence, qu’elle a croisé en cours de route l’enfant qui lui apportait le schéma qui
lui était envoyé par BARAYAGWIZA, qu’elle a ainsi rejoint ce dernier qui l’a conduite chez
lui ;
Attendu qu’il dit que des miliciens Interahamwe envoyés par HATEGEKA après avoir appris
l’endroit où se trouvait Agnès sont venus chez lui en vue de se faire remettre l’intéressée,
qu’il s’y est opposé et qu’ils l’ont depuis lors persécuté, ce que voyant, il a décidé de chercher
326
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
un fusil en vue de sa défense et de la protection d’Agnès qui était recherchée, qu’il a obtenu
ce fusil du lieutenant Richard, qu’il n’a jamais violé Agnès durant cette période d'autant plus
que sa sœur occupait une chambre dans la même maison ;
Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles ils se sont réfugiés, il répond qu’ils
sont allés à MUSASA d’où il est natif mais que la région a été vite occupée par l’APR et
qu’ils ont dû rester à RUHONDO d’où les militaires les ont conduits dans un camp de
regroupement où il a passé deux semaines en compagnie des membres de sa famille et
d’Agnès, que lors d’une réunion organisée par ces militaires à cet effet, ils ont demandé aux
participants de dénoncer les tueurs mais que personne ne l’a mis en cause jusqu’à ce qu’ils
soient rentrés ;
Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle ils ont fui de KIGALI, il dit qu’ils ont quitté
KIGALI le 04/07/1994 et que les militaires de l’APR sont arrivés à MUSASA le 07/07/1994
et les y ont trouvés ;
Attendu qu’interrogé sur les biens qui sont à l’origine de son conflit avec Agnès ainsi que sur
leur destination actuelle, il dit qu’il s’agit de vêtements (jeans) d’une valeur de quatre vingt
trois mille francs (83.000 Frw), d’un pantalon en laine d’une valeur de quinze mille francs
(15.000 Frw), de chaussures souplesse d’une valeur de trente mille francs et d’autres de
marque Adidas d’une valeur de vingt cinq mille francs (25.000 Frw),
14ème feuillet.
de chaussures de marque Puma d’une valeur de trente cinq mille francs (35.000 Frw), d’une
chaînette en or, d’une montre SEIKO d’une valeur de douze mille francs (12.000 Frw), d’une
somme de soixante quinze mille francs (75.000 Frw), soit au total des biens d’une valeur de
trois cent cinquante huit mille francs (358.000 Frw), qu’il se peut qu’Agnès les ait vendus et
se serait servie du produit de cette vente pour l’ouverture de la boutique qu’il l’a vue exploiter
quand il est allé la voir à son retour de GAKO ;
Attendu qu’en réplique à l’argument selon lequel il est clair que, en se rendant à GAKO, c’est
parce qu’il considérait Agnès comme son épouse qu’il lui a confié ses biens, il dit que cela est
faux, qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas laissé ces biens à sa sœur, il répond qu’il
ne savait pas qu’ils allaient être emportés ;
Attendu qu’il dit qu’aucun autre conflit ne l’oppose à Agnès car elle n’a formulé aucune autre
accusation contre lui et qu’ils ne se sont jamais disputés, qu’à la question de savoir si Agnès
n’a pas pris ces biens parce qu’elle croyait qu’il allait l’épouser, il répond qu’elle ne pouvait
pas penser à une telle éventualité car elle était considérée comme une enfant de la famille où
elle vivait avec la sœur du prévenu, qu’interrogé sur la raison pour laquelle il lui a réservé un
traitement privilégié en lui donnant de l’argent pour ses besoins personnels et sur les
circonstances dans lesquelles ils se sont séparés, il répond qu’ils se sont séparés quand il est
327
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
allé prendre part à la formation à GAKO, qu’il ne l’a pas privilégiée en lui donnant de
l’argent car il en a donné également aux membres de sa famille ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas emporté avec lui sa chaînette et sa
montre il répond qu’il redoutait de les porter à cause de l’insécurité qui régnait à KIGALI,
qu’à celle de savoir les circonstances dans lesquelles Agnès a quitté la maison où il l’avait
laissée il répond qu’il n’en sait rien car il n’était pas là, mais que c’est elle qui a emporté ces
biens car personne d’autre n’avait les moyens d’ouvrir la valise dans laquelle ils se
trouvaient ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA répond avoir donné cette somme d’argent à Agnès
pour l’aider car elle se trouvait dans une région où elle était inconnue, que rien ne manquait
aux membres de sa famille si bien que la somme d’argent qu’il leur a donnée ne devait que
leur servir à se débrouiller, qu’il a eu confiance en elle car elle était considérée comme un
membre de sa famille, mais qu’il ignorait ses véritables intentions, qu’il a laissé ses biens
parce qu’il croyait revenir le lendemain mais qu’il ne savait pas quand Agnès s’en irait car
cela ne dépendait que d’elle,
15ème feuillet.
que la somme d’argent qu’il avait était de loin inférieure à ses revenus et ne constituait même
pas la moitié de son salaire car il a respectivement travaillé à KIGALI-NIGHT CLUB, TAM-
TAM et EXOTICA avant de revenir au TAM-TAM jusqu’au 06/04/1994 ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le procès-verbal portant le n° 9 fait apparaître le
pouvoir du prévenu dans les entraînements des miliciens Interahamwe, qu’à la page 3 dudit
procès-verbal le sergent BARAYAGWIZA parle des biens qu’il a pillés et vendus, que
l’intéressé pillait les biens des victimes qu’il venait de tuer et qu’il a agi ainsi notamment chez
Edouard, chez François et ailleurs ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que les actes de pillage qu’il a commis n’ont
pas visé les domiciles des particuliers mais que, suite à la dégradation de sa situation
financière, il est allé en ville et a aidé les gens à transporter à KIMISAGARA les vêtements
de seconde main qu’ils achetaient, qu’il était payé en fonction de la quantité d’habits
transportés, qu’il l’a fait à deux reprises, mais qu’ils ont été attrapés la troisième fois et qu’on
leur a pris ces habits, qu’il ne se souvient pas de la somme d’argent qui lui a été payée à cet
effet ;
Attendu qu’interrogé sur l’origine de la somme d’argent qu’il a distribuée, il dit qu’il ne peut
qu’assurer qu’il avait une somme de soixante mille francs lors de sa fuite, que les biens de
valeur qu’il avait provenaient des dettes qu’il contractait au magasin de Marcel et des dons à
lui faits par sa sœur qui vivait en Amérique, que sa famille également lui donnait de l’argent ;
328
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’il dit que la réunion dirigée par le conseiller du secteur KIMISAGARA a eu lieu
au début de juin 1994, qu’il a entraîné les gens au maniement de fusils le premier jour, à la
tactique et à la progression le deuxième jour, qu’il n’est plus retourné là-bas quand on leur a
tiré dessus le troisième jour ;
Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA dit avoir cessé les
entraînements quand les Inkotanyi leur ont tiré dessus alors que, dans ses déclarations
antérieures, il a dit d’une part y avoir mis fin à cause du désordre, et d’autre part qu’il usait de
ruse et s’absentait, qu’il devrait apporter des éclaircissements à ces divergences ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare avoir expliqué que le désordre dont il a
parlé était causé par les obus qu’on leur tirait dessus et qu’il a effectivement usé de ruse le
jour où, ayant décidé de mettre fin à sa participation aux entraînements, il a fait semblant de
ne faire que s’absenter alors qu’il y avait en réalité renoncé ;
16ème feuillet.
Attendu qu’il dit que son client est sergent ou l’a été, qu’il veut lui demander d’indiquer la
date et les circonstances de son enrôlement dans l’armée ainsi que la façon dont il en a fait
partie jusqu’en 1990 et comment il a été un gendarme, que le sergent BARAYAGWIZA dit
qu’il a été engagé dans l’armée à l’Ecole des Sous-Officiers en 1986 au grade de soldat, qu’il
a été respectivement promu caporal en 1987 et sergent en date du 04/01/1988 jusqu'en 1990
lors de son renvoi pour abandon de poste et non respect des consignes, qu’il y avait une
discrimination régionale au début de la guerre et que c’est pourquoi il a été renvoyé pour une
infraction pénale sans qu’il lui soit permis de présenter sa défense ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a travaillé pour son propre compte, le sergent
BARAYAGWIZA répond qu’il a travaillé dans différents services privés, qu’à celle de savoir
s’il a été invité à réintégrer l’armée il répond par la négative, qu’interrogé sur les
circonstances dans lesquelles il a été chargé d’entraîner militairement les gens, il dit qu’au
début de juin 1994, le conseiller KARUSHARA a dirigé une réunion au bureau du secteur
KIMISAGARA à laquelle il l’a invité et désigné parmi les personnes estimées compétentes
pour assurer ces entraînements militaires ;
Attendu que le Conseil du prévenu lui demande de dire s’il a pensé à ce moment qu’il était
promu en grade, acquitté ou réintégré dans l’armée, que l’intéressé répond qu’il a reçu l’ordre
d’assurer ces entraînements et qu’il ne pouvait pas s’opposer à l’ordre émanant du conseiller
qui, tel qu’il en a entendu parler, n’était pas bon ;
329
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que le prévenu dit encore qu’il entraînait environ 28 personnes au démontage des
fusils, à la tactique et à la progression, ces deux derniers termes militaires signifiant savoir
utiliser le terrain sur lequel on évolue en se cachant de l’ennemi et en exploitant
rationnellement son temps ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il avait des collaborateurs militaires subalternes lors de
ces entraînements, il répond que les ordres ont été donnés à partir des instances supérieures où
il y avait en l’occurrence un lieutenant de l’Etat-Major et le Lieutenant-colonel RENZAHO,
Préfet de la ville de KIGALI, que seuls des militaires envoyés par l’Etat-Major leur
apportaient des fusils devant servir aux entraînements, qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres,
que ces entraînements avaient lieu au bureau du secteur ;
17ème feuillet.
Attendu que Me DJOSSOU KOFFI dit que dans cette affaire, deux moyens, l’un relatif à la
qualité de militaire et l’autre à celle de civil, ont été invoqués, qu’il ne va cependant pas
aborder ce dernier pour le moment mais qu’il entend, lors des plaidoiries, développer de
manière approfondie celui se rapportant à la qualité de militaire pour permettre au Tribunal de
savoir si le prévenu a agi en cette qualité et au grade de sergent dans le respect de la discipline
militaire, ou s’il a agi en qualité de civil, qu’il ne faut pas se voiler la face car il est possible
que son client ait conscience d’avoir agi contrairement à la loi, qu’il estime nécessaire de lui
poser deux ou trois questions pour clarifier les faits;
Attendu qu’interrogé sur l’objectif de l’attaque qui a eu lieu à NYAMIRAMBO ainsi que sur
son rôle et la mission dont il était chargé dans ladite attaque, le sergent BARAYAGWIZA
répond avoir parlé de cette attaque pour expliquer les circonstances dans lesquelles il a obtenu
un fusil, qu’il n’a cependant pas dit y avoir pris part, que cette attaque a été menée par les
militaires de l’APR à NYAMIRAMBO et qu’il se trouvait à la brigade quand il en a entendu
parler, qu’il se souvient que c’est à ce moment qu’il a obtenu un fusil ;
Attendu qu’à la question de savoir si les miliciens Interahamwe étaient mieux équipés en
armes et à celle de savoir comment ceux-ci tenaient leurs positions, il répond qu’ils avaient
été beaucoup formés auparavant et qu’ils collaboraient avec les miliciens de la CDR si bien
qu’ils étaient plus forts qu’eux surtout que la majorité avaient reçu des fusils alors que ceux
qu’il a entraînés étaient peu nombreux et moins équipés ;
Attendu qu’à la question posée par son avocat de savoir si des Tutsi et des Hutu faisaient
partie des personnes qu’il a entraînées, il répond qu’il ne peut pas répondre avec précision
mais que, vu le contexte de l’époque, il était impossible que des Tutsi en fassent partie, qu’à
la question de savoir s’il n’y a pas eu discrimination lors du choix des personnes à entraîner il
répond que les Tutsi ne pouvaient pas prendre part à la réunion eu égard aux problèmes qu’ils
avaient, qu’il croit dès lors qu’ils n’en faisaient pas partie même s’il n’en a eu que la liste
seulement, qu’à la question de savoir si les personnes qu’il a entraînées n’ont pas participé à
une opération militaire il répond que ces activités n’ont pas duré plus d’une semaine ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a eu le temps de mener une attaque ou d’y prendre part
dès lors qu’on était en guerre, il répond que cela n’a pas eu lieu car l’attaque à laquelle on
s’attendait au bureau du secteur n’y a pas été menée, que quelques-uns des jeunes qu’il a
entraînés ont été cependant acheminés au Mont KIGALI et enrôlés dans l’armée ;
330
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’on s’est attardé sur l’infraction liée à l’entraînement
des miliciens Interahamwe que le sergent BARAYAGWIZA qualifie quant à lui de garde
civile alors que le régime de l’époque a choisi cette appellation pour tromper la communauté
internationale, que des actes criminels ont particulièrement été commis dans le secteur
KIMISAGARA et que ces miliciens Interahamwe ont été entraînés pour parachever le plan
d’extermination des Tutsi que l’APR voulait sauver et qu’une course contre la montre s’était
engagée, les tueurs poursuivant les victimes jusque dans des plafonds et ailleurs ;
18ème feuillet.
Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA doit préciser s’ils auraient protégé des
Tutsi car l’ampleur des massacres aurait été moindre si le groupe des tueurs avec lequel il se
promenait n’avait pas existé, et spécialement les tueries qui ont eu lieu à CYAHAFI où elles
ont été déclenchées par l’intéressé avec la collaboration de BARARAMBIRWA, RUBANDA
Christophe, GAHAMANYI Etienne, HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré,
ce dernier étant notamment chargé de chercher des fusils devant servir à tuer les Tutsi de
CYAHAFI, que des gens ont vu le sergent BARAYAGWIZA en compagnie de ces tueurs de
renom et se souviennent de ce qu’il a dit, que le prévenu a également pris part à d’autres
attaques en compagnie du caporal HATEGEKA ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas présenté ses
moyens de défense sur les attaques qu’il a menées respectivement chez François et
NYOMBAYIRE, que celui-ci est présent et va pouvoir témoigner sur les faits ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant
le n° 7, le sergent BARAYAGWIZA s’est bien expliqué et a décrit le déroulement du
génocide dans son quartier en disant avoir vu sur un terrain se trouvant près de chez lui de
nombreux cadavres, qu’en réplique le sergent dit avoir trouvé sur les lieux le nommé Félicien
qui avait attrapé le sieur Anthère résidant à CYAHAFI et qui s’occupait de faire enterrer les
victimes tuées à KIMISAGARA, qu’il a été lui aussi forcé de participer à l’enterrement des
victimes car on les menaçait de mort en cas de refus ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que le groupe redoutable de tueurs était
331
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
composé de NSHIMIYE Fils, du surnommé DEBANDE qui était un tueur de renom, Yves et
le surnommé Zairois, qu’il passait quant à lui son temps en compagnie d’un jeune homme
journaliste à qui on avait donné un fusil pour se protéger et que c’est pour cette raison que les
tueurs ont commencé à avoir peur de s’attaquer à ce quartier ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il ne connaît pas ceux qui l’accusent, il répond par la
négative mais dit qu’il connaît NYOMBAYIRE et KALISA seuls, depuis bien avant les
massacres, qu’à celle de savoir d’où lui est venu le pseudonyme de SHITANI il répond
l’ignorer, qu’à la remarque selon laquelle il a déjà dit connaître ce surnom il répond ne rien
avoir dit à son propos ;
19ème feuillet.
Attendu qu’il dit avoir habité à KIMISAGARA en janvier 1994 et que ses voisins étaient
Félicien alias MUROKORE, Marcel, NYOMBAYIRE, Caritas, GATENGE, KAREMERA,
Anatole, et HARUNA ;
Attendu qu’à la question de savoir si ceux qui ont tué les victimes dont il a vu les cadavres
n’étaient point concernés par le couvre-feu, il répond que ce couvre-feu avait été décrété par
l’autorité, qu’il ne comprend pas pourquoi ils ont passé outre ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que les tueurs n’ont jamais été régis par le couvre-feu,
que celui-ci ne visait que les personnes que l’on voulait empêcher de sortir pour qu’elles
puissent être retrouvées à l’intérieur des maisons pour être tuées, que le Sergent
BARAYAGWIZA ne s’est jamais caché même quand il était chez Epiphanie et ce, jusqu’à la
fin de la guerre ;
Attendu qu’invité à donner de plus amples explications sur les circonstances dans lesquelles il
a emmené Agnès de l’endroit où elle se trouvait, il dit que lui et le dénommé JEUNE se sont
rencontrés chez la sœur de ce dernier nommée MUKACYAKA qui est également l’épouse de
Syrdion où ceux-ci étaient en train de lui raconter comment Agnès s’est fait séquestrer et
avait été forcée par son ravisseur à cohabiter avec lui, qu’il a alors remis à JEUNE le schéma
à apporter à Agnès ainsi qu’un message écrit recommandant à l’intéressée de mettre des
chaussures dans un emballage et de faire semblant de se rendre chez un cordonnier et enfin de
suivre JEUNE à environ 20 mètres pour qu’elle puisse voir où il se dirigeait afin que le
sergent BARAYAGWIZA qui était prêt soit à même de la conduire chez lui ;
Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort du nommé Edouard, il répond l’avoir
appris des tiers dont le dénommé JEUNE qui lui a dit qu’Edouard avait été tué par
HATEGEKIMANA et sa bande, qu’invité à expliquer comment Agnès pouvait prétendre se
rendre chez un cordonnier comme en temps normal alors qu’elle était pourchassée, il dit
qu’Agnès venait de passer un temps long avec ces miliciens Interahamwe, qu’il n’a quant à
lui pas pris des risques car il aurait été tué s’il avait été attrapé et qu’il n’avait aucun autre
332
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
20ème feuillet.
Attendu qu’il dit que l’avocat de la défense a dit que sa plaidoirie portera principalement sur
la qualité de militaire, voulant peut-être dire par là que sergent BARAYAGWIZA ne peut pas
être puni au motif qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres, qu’il relève cependant qu’il existe trois
théories sur la cause justificative du commandement de l’autorité à savoir celle de
l’obéissance passive qui a été rejetée et désapprouvée, celle de la baïonnette intelligente qui
consiste à vérifier si les ordres reçus sont légaux, la troisième étant celle de l’illégalité
manifeste, que la législation rwandaise ne reconnaît que les deux dernières et qu’il demande à
cet effet au Tribunal de tenir compte de la jurisprudence et notamment des jugements rendus
par le Conseil de Guerre respectivement dans les affaires à charge du lieutenant Michel
MUTABAZI, du capitaine NTUKAZAYAGEMO et du sous-lieutenant Pierre BIZIMANA,
qu’il ne serait pas nécessaire de tenir compte de l’ordre que le sergent BARAYAGWIZA
aurait reçu au cas où il devrait être puni pour avoir donné des entraînements militaires aux
gens ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il ressort des moyens de défense présentés par le
prévenu au cours de l’audience et de la façon dont il traitait Agnès à la maison que
l’infraction de viol est établie, que par ailleurs le prévenu cite des témoins à sa décharge mais
affirme ignorer les témoignages qu’ils feront, qu’il a été démontré que le prévenu était très
influent et que le fait pour lui de reconnaître avoir commis des pillages est la preuve du
pouvoir qu’il avait même s’il déclare ne reconnaître que le seul fait d’avoir donné des
entraînements militaires aux gens ;
Attendu que Me DJOSSOU KOFFI dit que le sergent BARAYAGWIZA a créé un doute dans
l’esprit des gens, mais qu’il a lui-même constaté que son client se compromet tout en voulant
induire le Tribunal en erreur au vu des moyens de défense écrits qu’il a présentés tout au long
de l’audience, qu’il dispose du droit de la défense même dans l’hypothèse où il serait
coupable, mais qu’il veut lui rappeler que le Tribunal n’a point l’intention de l’enfoncer, qu’il
l’invite à noter que ce qui est arrivé est grave et que tout le monde est concerné, qu’il faut
cependant en identifier les auteurs et que le Tribunal doit découvrir la vérité, qu’il l’invite à
se calmer et à donner des réponses pouvant permettre au Tribunal d’aboutir à la manifestation
de la vérité ;
Attendu qu’à la question de savoir si c’est lui qui supervisait les entraînements militaires au
niveau local, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a des caporaux qui étaient envoyés par
l’Etat-Major, qu’ils étaient donc ses supérieurs car il n’était pas militaire, qu’interrogé sur
l’identité de la personne qui assurait leur commandement quand ils allaient en ville à la
recherche des habits, il répond que c’était lui et qu’il avait un fusil ;
333
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’à la question de savoir si une personne de sexe féminin pouvait lui refuser des
relations sexuelles à l’époque du génocide alors qu’elle était pourchassée, il répond qu’Agnès
KAGERUKA ne l’accuse pas de l’avoir violée, qu’elle ne l’a accusé que de menaces lors de
sa première plainte et qu’il n’y a pas lieu de croire qu’elle était incapable de formuler cette
accusation de viol, qu’elle occupait par ailleurs une chambre à elle seule, qu’il s’agit d’une
fausse accusation de sa part de dire qu’il l’a violée dès lors qu’elle ne l’a pas dit auparavant ;
Attendu que l’Auditeur militaire demande que le sergent BARAYAGWIZA indique les
circonstances dans lesquelles il a obtenu un fusil, que l’intéressé répond qu’il en a fait la
demande pour pouvoir protéger Agnès que des garçons venaient chercher et pour se protéger
lui-même ;
21ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir comment on pouvait lui donner un fusil en vue de protéger
une Tutsi, il répond qu'il ignore si le Lieutenant Richard qui le lui a donné faisait lui aussi
partie de ceux qui troublaient la sécurité, auquel cas ce dernier aurait refusé de le lui donner,
qu’ils se trouvaient à l’usine d’épuration d’eau de KIMISAGARA quand il le lui a donné en
juin 1994, que le Lieutenant Richard était chargé du maintien de la sécurité dans les quartiers
de KIMISAGARA, GATSATA et MUHIMA ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que c’est le nommé Jean Paul MUTABARUKA qui
supervisait ces quartiers, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant que l’intéressé
était effectivement affecté dans ces quartiers, mais que le Lieutenant Richard y était lui aussi
à part qu’il ignore quelles étaient ses attributions, qu’à la question de savoir comment, selon
lui, un seul fusil pouvait être efficace, le sergent BARAYAGWIZA répond que d’autres
personnes en avaient obtenu auparavant et ajoute qu’ils n’ont plus été attaqués après
l’obtention de ces fusils ;
Attendu qu’interrogé sur l’identité de la personne qui veillait sur Agnès en son absence quand
il s’était rendu en ville, le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est le nommé UWIMANA qui
était un agent de la radio, était son voisin, et avait un fusil;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que l’ordre de mettre fin aux massacres a été
donné par le Préfet RENZAHO, mais que les tueries avaient à ce moment diminué d’intensité,
qu’elles diminuaient d’ampleur aux endroits où l’APR arrivait ;
Attendu que les heures de service sont épuisées, qu'ainsi l’audience est reportée au 9
novembre 1998 à 9 heures du matin ;
334
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que l’audience reprend à cette date, que l’interprète MUKANTAGARA Agnès, après
présentation des pièces d'identité, prête serment ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA demande la parole et dit qu’il veut insister sur la
distinction entre le groupe des miliciens de la CDR, celui des miliciens Interahamwe et la
défense civile, car le premier était dirigé par le nommé Népo alias CDR, le second par Claver
alors qu’il y avait eu deux contingents de la défense civile, le premier ayant été mis sur pied
vers le 10/04/1994 et le second en juillet 1994 et non en juin 1994, que quelques uns des
miliciens de la CDR et des Interahamwe avaient des fusils bien avant le début du génocide ;
22ème feuillet.
Attendu qu’il dit que certains des Interahamwe étaient célèbres à savoir RWARAHOZE
Anastase, NYIRANTIBIMENYA Rose, KARUSHARA Rose, Maître GITOKI, deux fils du
nommé Ezira dont l’un s’appelait FIFI, MUGENZI, RUTAYISIRE, KALISA et les fils de
KARUSHARA, qu’on lui aurait donné lui aussi un fusil s’il en avait fait partie, qu’il est faux
de dire qu’il s’est fâché et a cassé un poste de radio à cause d’une femme qui venait de lui
échapper ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA est également poursuivi
pour appartenance à une association de malfaiteurs dont le but était de commettre les
massacres, qu’il a reconnu qu’il en faisait partie en juin 1994 et a parlé des groupes des
miliciens de la CDR et des Interahamwe, qu’il a déclaré par ailleurs avoir été membre du
deuxième groupe en compagnie de Rose KARUSHARA comme cela ressort des 2ème et 3ème
préventions libellées par le Ministère Public ;
Attendu qu’il dit que sergent BARAYAGWIZA n’a pas pu expliquer les circonstances dans
lesquelles le lieutenant Richard lui a donné un fusil et a menti en prétendant que la défense
civile a été instituée par une loi, que la jeunesse en ville n’était pas composée des seuls
miliciens de la CDR et Interahamwe car il y avait aussi la jeunesse du Parti social démocrate
et d’autres partis politiques, mais que ce sont les Interahamwe et les miliciens de la CDR qui
se sont le plus illustrés lors du génocide ;
Attendu que Me DJOSSOU dit qu’il constate que son client plaide coupable au fil de
l’avancement des débats en audience, qu’il y a lieu d’en tenir compte sans devoir citer des
témoins à comparaître ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité est
régie par la loi et qu’elle doit intervenir dans les délais légaux prévus à l’article 5 de la Loi
organique n°08/96, que l’intéressé n’y a jamais recouru et que s’il avoue certains faits, c’est
parce qu’il existe des preuves à sa charge ;
Attendu qu’invité à préciser les modifications qu’il a à apporter sur ses moyens de défense
relativement aux faits qu’il avoue et ceux qu’il réfute, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il
avoue seulement avoir dispensé des entraînements militaires aux gens qui n’étaient pas des
malfaiteurs et avoir commis des pillages ;
335
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que l’Auditeur militaire dit que SEDARI Anastase va témoigner sur les circonstances
dans lesquelles il a vu le sergent BARAYAGWIZA dans un groupe de malfaiteurs composant
le comité de crise à CYAHAFI ainsi que sur celles dans lesquelles il a eu connaissance de la
mort de NDENGEYINGOMA Edouard et du viol de son épouse KAGERUKA Agnès;
23ème feuillet.
Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a fait la connaissance du sergent
BARAYAGWIZA, SEDARI répond l’avoir vu chez sa sœur qui est sa voisine de longue
date , qu’il l’y a vu en 1994 et que l’intéressé y passait de temps en temps la nuit, qu’il se
trouvait là au début du génocide ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a connaissance des actes que l’intéressé aurait commis,
il répond l’avoir vu piller le domicile de son voisin NDAYISABA et que le prévenu se
déplaçait à bord d’un véhicule en compagnie des membres du comité de crise dont faisaient
partie les nommés BARARAMBIRWA et Désiré avec lesquels il partageait à boire, qu’il a
également enlevé la fille de KAGERUKA et l’a conduite chez lui où ils ont vécu comme mari
et femme, qu’il portait une tenue civile et n’avait pas de fusil quand il venait chez sa sœur,
qu’il était en compagnie d’un autre individu quand il a pillé une table, des lits et d’autres
objets qu’ils ont transportés chez sa sœur ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît SEDARI, le sergent BARAYAGWIZA répond
par l’affirmative et dit que SEDARI habitait juste en face du domicile de sa sœur, mais que
ses affirmations sont fausses car la bande à BARARAMBIRWA lui est inconnue tout comme
il ne connaît pas NDAYISABA dont il parle, qu’il n’aurait pas transporté chez sa sœur les
biens pillés alors que ce n’était pas chez lui ;
Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il ne connaît pas réellement NDAYISABA, le
sergent BARAYAGWIZA dit qu’il le connaît car il habite près de chez sa sœur, qu’à la
question posée à SEDARI de savoir si la sœur de BARAYAGWIZA est toujours sa voisine,
celui-ci répond qu’ils ont constaté à leur retour de refuge qu’elle avait déménagé tandis que
NDAYISABA est mort en exil à l’étranger, qu’il poursuit en disant que lors de l’instauration
du comité de crise, on disait qu’il était chargé de faire des patrouilles, d’assurer la sécurité et
de superviser les barrières, que la structure de ce comité de crise ressemblait à celle d’un
organe de l’armée ;
Attendu qu’interrogé sur l’identité du superviseur des fusils, SEDARI dit que c’est Désiré qui
a été présenté à la population par le conseiller lors d’une réunion qui a eu lieu à KANYANZA
mais qu’il ignore les critères sur lesquels il se basait pour la distribution de ces fusils ainsi que
les personnes auxquelles il les a donnés, mais que c’est lui qui faisait le tout des barrières
pour vérifier le nombre de fusils et en identifier les détenteurs ;
24ème feuillet.
Attendu qu’interrogé sur l’identité des victimes qui ont été tuées par ce groupe de malfaiteurs,
336
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
il dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconque autre acte répréhensible sur le compte dudit
groupe, mais qu’il estime que ses membres doivent répondre de tous les meurtres qui ont été
commis dès lors qu’ils étaient chargés de la sécurité ;
Attendu qu’interrogé sur l’identité d’un membre de ce comité de crise qu’il connaît, le sergent
BARAYAGWIZA cite le nommé Félicien MUNYEZAMU et dit qu’il le connaît parce qu’il
était maçon et lui a construit ses maisons se trouvant à KIMISAGARA ;
Attendu que Me Bernadette KANZAYIRE demande que SEDARI parle de la sécurité dont
était chargé le comité de crise et des circonstances de la mise en place de la défense civile,
que le témoin répond que concernant la défense civile, des personnes armées de fusils ont fait
une réunion au bureau du secteur sous la direction du représentant du MRND et du conseiller,
réunion à laquelle SEDARI et d’autres autorités locales de base qui étaient avec lui n’ont pas
été admis à prendre part et dont quelques-uns ont d’ailleurs été tués par la suite, que ces
personnes armées étaient censées être chargées du maintien de la sécurité et notamment de
pourchasser les Inyenzi pour les empêcher de pénétrer dans le secteur en identifiant le lieu de
leur provenance ;
Attendu qu’en réponse à la question de savoir si ces Inyenzi ont été attrapés et qu’interrogé
sur l’identité des victimes qu’il connaît, SEDARI répond qu’il n’a assisté à aucune
arrestation, mais que des victimes ont été tuées par balles dans sa bananeraie où elles ont été
enterrées dans un trou qu’on y avait creusé, que l’endroit avait été dénommé KINIHIRA pour
cette raison ;
25ème feuillet.
Attendu qu’interrogé sur la part de responsabilité de la population dans ces actes, il répond
qu’elle a fait des rondes depuis bien avant la mort de HABYARIMANA car elle en avait reçu
l’ordre et était en cela supervisée par les personnes armées de fusils, qu’à la question de
savoir qui, selon lui, était traité d’Inyenzi, il répond que ce sont ceux qui avaient attaqué le
pays ainsi que les Tutsi, que ces derniers étaient par ailleurs qualifiés de complices, qu’à celle
de savoir si ces personnes soi-disant chargées de la sécurité ont porté secours à des victimes
menacées ou ont empêché qu’elles soient tuées, il répond qu’elles n’ont secouru aucun Tutsi ;
Attendu que Me DJOSSOU demande que le témoin explique ce qui s’est passé quand il a vu
le sergent BARAYAGWIZA commettre des pillages, que l’intéressé répond avoir vu le
prévenu quitter le domicile de sa sœur en compagnie d’un autre homme qui logeait dans une
maison se trouvant dans la cour arrière et qu’ils se sont dirigés chez NDAYISABA d’où il les
a vus emporter un lit et une table, qu’il se trouvait devant son domicile quand il les a vus et
que l’épouse de NDAYISABA avait fui, que les faits ont eu lieu après la mort de
HABYARIMANA ;
Attendu qu’invité par Me KOFFI à spécifier l’objet que chacun de ces deux individus a
emporté lors de ce pillage, le témoin dit que tous les deux ont transporté ensemble des objets
qui ont été pillés, chacun le tenant d’un côté, que Me KOFFFI se déclare non satisfait de la
réponse et relève que ce témoin SEDARI est un vieil homme infirme et qu'il faudrait qu’il
donne son emploi du temps pendant la journée et précise l’endroit où il voyait ces gens, que
SEDARI répond qu’il était encore physiquement en bon état de santé avant la guerre et que
l’infirmité dont il est question est intervenue au cours de la guerre, qu’il état donc capable
d’atteindre la route avant son infirmité et que c’est ainsi qu’un jour, dans la matinée, en
337
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
entendant une clameur faisant état du pillage de la maison de NDAYISABA, il est allé aux
nouvelles et a vu le sergent BARAYAGWIZA et son compère, que relativement au fait que le
prévenu partageait à boire avec les membres du comité de crise, il dit qu’il les voyait de la
route en train de boire et manger de la viande grillée, qu’il lui arrivait également de partager à
boire avec un ami et les voyait alors rentrer après avoir commis des tueries ou faire une
réunion, que tous ces faits se sont déroulés devant le domicile de MUNYEZAMU ;
Attendu que le sergent BARAYAGWZA dit que SEDARI ment, qu’il sait bien que l’intéressé
était paralysé même avant la guerre et se déplaçait à l’aide de deux béquilles, que SEDARI
réplique en disant que BARAYAGWIZA ment car il a été victime d’un accident de la route,
un véhicule l’ayant cogné lors des travaux communautaires, qu’il a à un moment abandonné
la béquille et ne s’en est encore servi qu’au cours de la guerre pour fuir ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il était lui aussi pourchassé, SEDARI répond par
l’affirmative et dit qu’il a été destitué de son poste de dirigeant et que sa maison a été détruite,
qu’il a fui au moment où ses collègues Tutsi étaient tués mais que, avant de fuir, il sortait
malgré qu’il était pourchassé car il devait aller chercher de quoi nourrir ses enfants ;
Attendu qu’à la question de savoir si sa vue est normale, SEDARI répond par l’affirmative et
dit qu’il n’a aucun problème de ce côté là ;
Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le sergent BARAYAGWIZA fuit les
choses qu’il sait, qu’il faut qu’il explique pourquoi il a au début nié connaître NDAYISABA
pour finalement reconnaître qu’il le connaît, qu’il espère que le prévenu pourra reconnaître les
autres témoins ;
26ème feuillet.
Attendu qu’un autre témoin nommé NYOMBAYIRE Sixte fils de SEHENE Célestin et
NYIRABAKIGA Anastasie, né en 1947 à RUSATIRA, préfecture BUTARE, veuf, résidant à
KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, préfecture de la ville de KIGALI, sans biens ni
antécédents judiciaires connus, également partie civile, est appelé à la barre ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que ce témoin va parler des entraînements militaires des
malfaiteurs par BARAYAGWIZA ainsi que des actes infractionnels dont il a été
personnellement victime ;
Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes que le sergent BARAYAGWIZA entraînait,
il répond que ce sont environ 40 ou 50 jeunes hommes de KIMISAGARA qui normalement
tenaient compagnie à KARUSHARA, qu’ils ont été entraînés par le sergent
BARAYAGWIZA et NDUWAYEZU alias CDR qui était un agent de l'ONAPO;
338
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’à la question de savoir s’il a vu les concernés tuer des victimes, il répond avoir vu
quelques unes de victimes qu’ils ont abattues par balles et qu’il a vu ces criminels mener une
attaque au domicile de Narcisse alias GICUMBA à CYAHAFI sous la direction du sergent
BARAYAGWIZA en date du 07/04/1994, qu’ils ont donné des coups de machettes à Narcisse
et qu’il est tombé par terre ;
Attendu que le témoin dit qu’il a été attaqué à l’aube du 08/04/1994 par des jeunes hommes
portant des armes traditionnelles et qui voulaient piller, qu’il s’est défendu et a réveillé ses
enfants, qu’ils sont parvenus à repousser l’attaque, qu’il a à ce moment évacué ses enfants par
la cour arrière jusqu’à l’endroit dénommé Maison des Jeunes ;
Attendu qu’il dit que ces malfaiteurs, armés de machettes et d’épées, sont revenus par la suite
en compagnie de KATARYEBA Patrick qui était un employé de HATTON & COCKSON,
Emmanuel KANYAMANZA qui vendait de la bière de bananes, NDUWAYEZU alias CDR
et le Sgt BARAYAGWIZA, qu’il a fui mais a glissé dans la bananeraie et est tombé, qu’ils lui
ont donné des coups de machettes à la cuisse, aux jambes et à la tête, que l’épée appartenant à
BARAYAGWIZA fait partie des armes au moyen desquelles il a été blessé ;
27ème feuillet.
Attendu qu’il dit que son épouse en a informé le conseiller de CYAHAFI, que celui-ci a
envoyé deux gendarmes qui l’ont conduit à l’hôpital et ont également emmené ses enfants et
son épouse, mais qu’il ignore l’endroit où ceux-ci ont été tués plus tard vers le 15/04/1994 ;
Attendu qu’il dit que l’attaque à son domicile a eu lieu au lendemain des meurtres respectifs
de Narcisse, François et son enfant qui était âgé de 17 ans, juste au moment où les gens
commençaient à fuir ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît François, Patrick et UWAYEZU, le sergent
BARAYAGWIZA dit qu’il connaît seulement Népo et Emmanuel KANYAMANZA qui était
un adhérent du MRND, mais qu’il n’a pas connaissance d’un acte répréhensible à leur
imputer ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il sait dans quelles circonstances NYOMBAYIRE avait
été blessé à coups de machettes, il répond qu’il l’a appris de Félicien à son retour du domicile
de sa sœur où il venait de passer trois jours, que celui-ci lui a dit que NYOMBAYIRE a été
blessé par un groupe de miliciens de la CDR et qu’il était au Centre Hospitalier de KIGALI,
qu’à celle de savoir si NYOMBAYIRE l’a vu entraîner militairement les gens, il dit que les
entraînements ont eu lieu en juin 1994 et qu’à cette époque NYOMBAYIRE avait déjà été
blessé, qu’en 1993 il vivait quant à lui à MUHIMA et non à KIMISAGARA ;
Attendu qu’interrogé sur l’identité d’autres victimes que le sergent BARAYAGWIZA aurait
339
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
tuées, Sixte NYOMBAYIRE dit que l’intéressé, et ses coauteurs GITENGE et UZARIBARA
Grégoire qui habitait en face de chez lui, ont tué à coups de machettes les enfants du nommé
Anatole, SENDARASI et d’autres jeunes hommes natifs de NYANZA dont ils ont jeté les
cadavres dans les latrines si bien qu’ils s’y trouvent encore, qu’à la question de savoir s’il y a
des rescapés dans son quartier, il répond que c’est une famille composée de GASHUMBA
Marcel, Caritas et BAYIHORERE Idrissa, qu’à celle de savoir s’il connaît Claver il répond
ne pas en être sûr ;
Attendu qu’interrogé sur les autres actes dont il a connaissance à charge du sergent
BARAYAGWIZA, NYOMBAYIRE répond que les entraînements militaires que l’intéressé
dispensait avaient lieu sur le terrain de l’école primaire et sur celui de la maison des jeunes,
qu’il participait aux réunions dans lesquelles se retrouvaient les membres du MDR Power
dont faisait partie le nommé KANYAMANZA et ceux de la jeunesse du parti social
démocrate, qu’après la mort de HABYARIMANA, ils ont mené une attaque chez
KANYANZA qu’ils ont tué, que les enfants de ce dernier ont fui, que ces criminels se sont
répartis en deux groupes et ont emprunté deux chemins différents lors de cette attaque mais
qu’ils n’avaient pas de fusils, que c’est par la suite qu’il a appris que UZARIBARA et
NDUWAYEZU ont obtenu des fusils ;
Attendu que NYOMBAYIRE dit que les entraînements militaires avaient lieu sur le terrain de
l’école primaire, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant qu’ils se déroulaient au
bureau du secteur, qu’interrogés tous les deux sur ce qui sépare ces deux endroits, ils
répondent que c’est une route ;
28ème feuillet.
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a également un terrain d’une école au
bureau du secteur, que le Tribunal lui ayant rappelé qu’il lui est arrivé de dire s’être trompé et
que la réunion s’est tenue plutôt au bureau du secteur et non à l’école primaire, il dit que la
réunion a en réalité eu lieu au bureau du secteur ;
Attendu qu’interrogé sur l’endroit exact où habitaient François et les autres victimes qui ont
été tuées, NYOMBAYIRE répond que François habitait à environ 150 mètres de la route
340
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
asphaltée, qu’il habite quant à lui à 100 mètres à peu près de cette même route, tandis que 300
à 350 mètres séparent les domiciles respectifs de François et du sergent BARAYAGWIZA,
que les gens savaient que BARAYAGWIZA dispensait des entraînements mais sans autres
détails, que parmi les victimes qui ont été tuées figurent TWAGIRIMANA Vianney, Paul
MURENZI, le domestique nommé Alphonse, Prudence et son petit frère, Alfred HAGUMA,
SENDARASI qui vivait chez sa sœur Agathe, GATETE qui était un commerçant et tous les
membres de sa famille, ainsi que Alexis KANAMUGIRE et tous les membres de sa famille ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare ne pas connaître ces victimes à part les
membres de la famille d’Anatole qui ont été tués plus tard, que NYOMBAYIRE intervient et
dit que le prévenu devrait connaître Alfred HAGUMA car celui-ci était un handicapé
physique qui habitait près de chez NYOMBAYIRE et que son corps, ainsi que celui de
SENDARASI, ont été jetés dans les latrines par le sergent BARAYAGWIZA, qu’interrogé
sur l’identité du coauteur du sergent BARAYAGWIZA qui est encore en vie,
NYOMBAYIRE cite le nommé Népo alias CDR ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi selon lui NYOMBAYIRE le cite parmi ceux qui
l’ont blessé, le sergent BARAYAGWIZA dit que NYOMBAYIRE a été blessé en son
absence, qu’il le met en cause sur incitation de ses voisins avec lesquels il a des litiges se
rapportant à sa maison, qu’il poursuit en disant qu’il y a lieu de demander au nommé Népo
qui est détenu à GIKONDO s’il le connaît ;
29ème feuillet.
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le témoin va dire au Tribunal ce qu’il sait sur les
entraînements militaires que le sergent BARAYAGWIZA a dispensés aux gens ainsi que sur
les circonstances de la mort de ses voisins ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît lui aussi Idrissa BAYIHORERE, le sergent
BARAYAGWIZA répond l’avoir connu au cours de la guerre car il était son voisin, qu’il dit
que c’est à cette époque qu’il a fait connaissance de la majorité de ses voisins ;
341
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
sergent BARAYAGWIZA, BAYIHORERE répond qu’il l’a vu plus tard avec les jeunes
hommes qu’il avait entraînés en mai ou juin 1994, qu’il ne sait pas bien quelle a été la durée
de ces entraînements mais qu’ils ont duré plusieurs jours car ils se déroulaient à l’école
primaire qui se trouve en face de son domicile si bien qu’il pouvait les remarquer ;
Attendu qu’interrogé sur l’identité des individus qui ont été entraînés par le sergent
BARAYAGWIZA, il dit que ce sont DEBANDE, NSHIMIYE, MACUMU et d’autres, qu’à
la question posée au Sgt BARAYAGWIZA de savoir s’il connaît les personnes ci-avant
citées, il répond par l’affirmative mais dit qu’il ne les a pas entraînées et qu’elles faisaient au
contraire partie du groupe de Népo alias CDR ;
Attendu qu’interrogé sur ce qu’il sait à propos du surnom SHITANI, il dit avoir entendu
BARAYAGWIZA s’en prévaloir au cours de la guerre ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il ne connaissait pas KALISA mais qu’il a
appris que son domicile a été attaqué par le bataillon HUYE et que des combats ont eu lieu
car KALISA était armé de fusil si bien qu’il a même fallu l’intervention d’un véhicule blindé,
que ce sont les militaires dudit bataillon qui ont tué les victimes dont il est question ;
30ème feuillet.
Attendu qu’il dit ne rien savoir concernant l’épouse d’Edouard mais qu’il a entendu à cette
époque le nommé GITENGE qui était membre du comité de crise dire qu’il y a une dame que
le sergent BARAYAGWIZA a forcée à cohabiter avec lui, qu’il l’a vue effectivement par la
suite, mais que ce n’est qu’après la guerre qu’il a appris qu’elle était l’épouse d’Edouard ;
Attendu qu’à la question de savoir quelles étaient les attributions du comité de crise, il répond
ne pas le savoir bien mais que, après avoir observé ses activités, il a constaté que ledit comité
avait pour mission de commettre des tueries sélectives en fonction de l’ethnie des victimes,
qu’il ne connaît que GITENGE parmi ses membres ;
Attendu qu’à la question de savoir sur quel front le sergent BARAYAGWIZA est allé se
battre, il répond que l’intéressé était un militaire, qu’il est arrivé une fois vers 20 heures, vêtu
d’une chemise militaire et portant un fusil, disant qu’il venait de se battre avec les Inyenzi,
que souvent les tueurs, quand ils allaient commettre leurs forfaits, disaient qu’ils allaient au
342
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
champ de bataille ;
Attendu qu’interrogé sur l’attaque qui a eu lieu au domicile de NYOMBAYIRE Sixte, il
répond que les faits se sont passés à l’aube aux environs de 4 heures du matin, qu’il a vu les
nommés BIHINJIRI, MACUMU et DEBAND pousser des cris en disant à leurs acolytes
d’amener un militaire pour les épauler, qu’il a compris qu’il s’agissait de sergent
BARAYAGWIZA et que c’est pourquoi il l’implique dans cette attaque ;
Attendu qu’il dit que les nommés Vianney et Paul ont fui de KIMISAGARA et ont cherché
refuge à CYAHAFI, que les tueurs les y ont poursuivis en disant qu’ils allaient partir en
compagnie de leur chef en la personne de Sergent BARAYAGWIZA, qu’ils ont tué Paul sur
le terrain et l’ont dépecé, tandis que Vianney a été tué sur le pont ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il connaît Idrissa car ils passaient les
journées ensemble là où ils habitaient si bien qu’il a assisté aux attaques qui y ont été menées,
qu’il allait des fois chez lui mais qu’il ment quand il le charge de participation aux attaques
car il était au contraire lui aussi victime d’attaques ;
31ème feuillet.
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été lui aussi victime des attaques de ces
hommes dont parle BAYIHORERE, que celui-ci devrait plutôt indiquer l’arme que
BARAYAGWIZA avait lors de l’attaque au domicile d’Edouard, qu’en réplique
BAYIHORERE dit avoir effectivement entendu ces hommes dire qu’ils allaient voir un
militaire qui allait partir avec eux, qu’il l’a alors vu en leur compagnie après qu’ils venaient
de traverser, que le sergent BARAYAGWIZA portait un pantalon jeans mais qu’il n’a pas pu
identifier l’arme qu’il avait ;
Attendu qu’à la question de savoir ce qu’il faisait dès lors qu’il affirme qu’il n’a pas
recherché les victimes et qu’il n’était par ailleurs pas pourchassé, alors qu’il est de notoriété
publique que tous les jeunes hommes qui n’étaient pas recherchés étaient emmenés pour
commettre les tueries, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’en avril et mai 1994, ils passaient
les journées à la maison sans occupation et que dans la soirée, ils allaient faire les rondes à
l’école primaire pour se protéger contre une éventuelle attaque, qu’Idrissa était toujours avec
eux, qu’ils étaient environ 8 à passer la nuit assis à cet endroit, munis d’un fusil appartenant à
UWIMANA, qu’ils regagnaient la maison dès que le jour se levait ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi ils n’ont pas veillé sur les personnes qui ont été
tuées à cette époque, il répond ignorer quand les victimes sont mortes dans son quartier et
que leurs moyens étaient insuffisants, qu’il n’a pas été témoin d’attaques menées durant la
nuit et qu’ils surveillaient ceux qui pourraient commettre des tueries ;
Attendu qu’à la question de savoir combien de fois ils se sont affrontés avec les
343
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Interahamwe, il dit que des attaques n’ont pas été menées pendant la nuit, que par ailleurs,
durant la journée, le nommé UWIMANA qui se rendait au service à la radio emportait le
fusil ;
Attendu qu’IDRISSA dit que le sergent BARAYAGWIZA prétend qu’ils passaient la journée
à la maison alors que le prévenu n’était jamais chez lui, que même les rondes dont il parle
n’ont pas eu lieu dans leur quartier ;
Attendu qu’interrogé sur les personnes qui étaient pourchassées dans son quartier, il répond
que ce sont les Tutsi ;
Attendu qu’à la question de savoir comment les Tutsi ont eu peur de participer aux
entraînements militaires mais ont accepté de faire les rondes, le sergent BARAYAGWIZA dit
que c’est parce que le fusil qu’avait UWIMANA leur inspirait confiance et qu’ils étaient avec
eux et ne les quittaient pas, qu’à celle de savoir où ils les trouvaient pour les emmener faire
les rondes, il dit qu’ils sont restés chez eux jusqu’à la fin de la guerre et qu’ils devaient veiller
eux-mêmes à leur sécurité ;
Attendu qu’il dit qu’il n’était pas pourchassé mais qu’il a accepté de faire les rondes avec les
gens qui l’étaient parce qu’ils en avaient pris l’initiative et étaient des voisins, qu’il ne
pouvait donc pas s’y refuser, que cela était fait à l’insu du conseiller, que les nommés Marcel,
Idrissa, KAREMERA, UWIMANA et Félicien participaient également à ces rondes ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi Idrissa a eu connaissance des attaques qui ont eu
lieu mais que lui n’en a rien su alors qu’ils passaient leurs journées ensemble, le sergent
BARAYAGWIZA répond que c’est parce qu’il ne connaissait pas les gens qui habitaient dans
ce quartier tandis qu’Idrissa les connaissait tous car c’est là qu’il est né, qu’ils ne se sont
d’ailleurs jamais entretenus au sujet des victimes qui étaient tuées ;
32ème feuillet.
Attendu qu’en réponse à la question de savoir quand il a appris la mort de François, Idrissa dit
que c’est après environ une heure car ils étaient voisins, leurs habitations étant séparées par
une distance de 150 ou 200 mètres ;
Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle Agnès est arrivée chez lui, le sergent
BARAYAGWIZA dit que c’est au début du mois de mai 1994, que l’Auditeur militaire dit
qu’il ment car, Edouard étant mort au début d’avril 1994, Agnès a été immédiatement
emmenée, et que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas tardé à la conduire chez lui ;
Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas incorporé BAYIHORERE parmi les
personnes à entraîner, le sergent BARAYAGWIZA répond que la liste des participants lui a
344
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
été remise par le conseiller, qu’il ne lui revenait donc pas de le faire inscrire ;
Attendu qu’invité à décrire les circonstances de l’attaque dont il a parlé et qui a eu lieu vers 4
heures du matin, BAYIHORERE dit qu’elle était composée des jeunes hommes que le sergent
BARAYAGWIZA entraînait, qu’ils sont allés chez NYOMBAYIRE mais que celui-ci s’est
défendu et que ces assaillants ont fui vers la route en disant qu’ils vont requérir l’intervention
d’un militaire qui habitait près de là pour qu’il les aide, qu’il a alors compris qu’il s’agissait
du sergent BARAYAGWIZA ;
Attendu que Me KOFFI relève que BAYIHORERE a dit que le sergent BARAYAGWIZA
aurait participé à quatre attaques et qu’il l’a vu une fois de la fenêtre, qu’il devrait également
préciser où il se trouvait quand il l’a vu lors d’autres attaques, que BAYIHORERE répond
qu’il habitait à proximité du chemin et qu’il l’a vu se rendre chez KALISA, chez François et
au terrain de football ;
Attendu qu’interrogé sur la date de l’attaque qui a été menée au domicile de KALISA,
BAYIHORERE dit qu’elle a eu lieu le 09/04/1994 après celle qui a été menée chez François
le 7/4/1994, que le sergent BARAYAGWIZA dit quant à lui avoir seulement appris que
KALISA a été tué ;
Attendu qu’à la question de savoir quand il a repris une tenue militaire et pourquoi on la lui a
donnée, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’Idrissa qui le dit ment, mais qu’il reconnaît
avoir eu un fusil ;
33ème feuillet.
Attendu que les heures de service sont épuisées, que l’audience est reportée au 12/11/1998 à 9
heures du matin ;
Attendu que les parties comparaissent à cette date, le prévenu étant assisté par Me Ferdinand
NZEPA ayant pour interprète MUKAGIRIMANA Boniface ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA présente un écrit qu’il dit servir de preuve qu’il
n’habitait pas à KIMISAGARA en 1993, voulant par là démentir NYOMBAYIRE qui a
affirmé que c’est au cours de cette année qu’il a entraîné les gens à KIMISAGARA ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il y a un autre témoin nommé MUKAZITONI
Donatille qui va témoigner sur les circonstances dans lesquelles le sergent BARAYAGWIZA
a donné des entraînements militaires et est allé au front, ainsi que celles dans lesquelles il a
forcé une dame à cohabiter avec lui ;
Attendu qu’elle dit qu’elle connaît le prévenu car ils étaient des voisins, que leurs enclos
345
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
étaient mitoyens si bien que leurs maisons n’étaient séparées que par 5 mètres environ;
Attendu qu’en réponse à la question de savoir si elle a connaissance des actes que ces gens
auraient commis, elle répond qu’ils se sont livrés à des tueries et que les nommés KALISA,
François, Alexis et un autre voisin dont elle a oublié le nom font partie de leurs victimes,
qu’elle se souvient bien que François a été attaqué le 07/04/1994 à 15 heures ;
Attendu qu’à la question de savoir si le sergent BARAYAGWIZA était armé d’un fusil
lorsqu’il venait chez GITENGE, elle répond qu’elle ne l’a pas vu en possession d’un fusil
parce qu’il ne venait pas chez GITENGE pour les attaquer, qu’elle ajoute cependant que le
sergent BARAYAGWIZA était de connivence avec les autres tueurs sur ce qui se passait ;
Attendu qu’à la question de savoir le moment auquel la fille que BARAYAGWIZA a violée
est arrivée chez ce dernier, elle répond qu’elle l’a seulement vue là-bas mais qu’elle ne saurait
déterminer le moment auquel elle y est arrivée, qu’elle précise cependant que cette fille l’a
quitté peu avant la fin de la guerre, qu’elle poursuit en disant que le sergent Ildéphonse
BARAYAGWIZA n’a plus parlé à personne dès qu’il a commencé à aller au front, qu’elle
pense qu’il rentrait tard dans la nuit puisqu’il avait un véhicule à sa disposition, qu’il était
encore chez lui le 04/07/1994, et que lorsque les autres ont pris fuite MUKAZITONI et les
siens se sont enfermés dans leur maison ;
Attendu qu’à la question de savoir comment elle a su que le sergent BARAYAGWIZA est
allé au front, elle répond qu’elle a entendu les gens dire qu’il est allé au front vers le
20/06/1994, que s’agissant de la fille que BARAYAGWIZA a violée, MUKAZITONI dit
qu’elle avait l’habitude d’aller voir cette fille et qu’elles causaient devant la maison;
346
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’à la question de savoir depuis quelle date le sergent BARAYAGWIZA est devenu
son voisin, elle répond qu’elle ne s’en souvient pas, mais qu’elle se rappelle qu’elle a habité
dans ce quartier avant le sergent BARAYAGWIZA qui ne s’y est installé que depuis 1992,
qu’interrogée sur le comportement de GITENGE pendant le génocide, elle répond qu’elle a le
sentiment qu’il ne s’est pas bien comporté parce qu’elle le voyait souvent partir et collaborer
avec les meurtriers, qu’en plus il tenait toujours compagnie au sergent BARAYAGWIZA
pendant la journée, que GITENGE partait souvent la nuit et que de retour il énumérait les
noms de ses victimes telles que la famille KALISA, la famille GATETE et d’autres victimes
dont elle ne se rappelle plus les noms, qu’elle précise enfin que la responsabilité du sergent
BARAYAGWIZA est engagée dans ces assassinats ;
Attendu qu’interrogé sur les faits que GITENGE aurait commis, le sergent BARAYAGWIZA
répond qu’il n’en sait rien à moins que GITENGE ait commis ces faits en son absence au
début de la guerre, et que MUKAZITONI sait bien qu’il n’était pas là à ce moment-là ;
35ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir si elle a su que le sergent BARAYAGWIZA faisait partie
des meurtriers qui ont attaqué le domicile de NYUMBAYIRE, MUKAZITONI déclare que ce
dernier fut attaqué à l’aube aux environs de 4 heures du matin, qu’elle ne connaît pas les
assaillants qui ont mené cette attaque et qu’elle ignore si le sergent BARAYAGWIZA en
faisait partie, qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA se trouvait à son domicile aux
dates du 7, 8, 9/04/1994 car elle lui a confié ses biens le 08/04/1994 après s’être réfugiée
chez GITENGE le 07/04/1994 et que même le domestique de BARAYAGWIZA a demandé
à celui-ci à qui ces biens appartenaient ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que MUKAZITONI lui a confié ses biens le
13/04/1994, qu’en plus il n’est pas allé au front, qu’il s’est plutôt rendu chez sa sœur où il a
participé a l’inhumation des deux enfants de cette dernière qui avaient succombé aux éclats
d’un obus qui était tombé chez eux, qu’il y est resté pendant plusieurs jours, qu’il n’a jamais
possédé un véhicule surtout qu’il ne pouvait garer ce véhicule nulle part chez lui faute de
place ;
347
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
BARAYAGWIZA à l’exception de la fille qui vivait avec lui par force, MUKAZITONI
répond qu’elle ne se rendait pas souvent chez lui mais déclare avoir entendu dire que la sœur
du sergent BARAYAGWIZA y vivait également, qu’interrogée sur les dimensions de la
maison de BARAYAGWIZA et les circonstances dans lesquelles il a vécu avec cette fille,
elle répond qu’il s’agit d’une maison de taille moyenne, que cette fille vivait avec
BARAYAGWIZA contre son gré, que cependant elle a le sentiment qu’il la violait
puisqu’après la guerre elle a appris que BARAYAGWIZA et sa bande avaient tué le mari de
cette fille ;
Attendu que MUKAZITONI réplique en disant que BARAYAGWIZA ne dit pas la vérité car
il avait acheté cette parcelle depuis longtemps et avait démarré les travaux de construction
directement après l’avoir achetée, qu’invitée à dévoiler les noms de ceux auxquels il a acheté
cette parcelle car ils ne sont même pas mentionnés dans le contrat d’achat, elle répond que
BARAYAGWIZA l’a achetée au vieux HARUNA, que lors de la conclusion de cette vente
BARAYAGWIZA était avec sa sœur de sorte qu’elle ne se rappelle plus celui qui a contracté
entre les deux ;
Attendu que le Tribunal rappelle au sergent BARAYAGWIZA qu’il a déclaré avoir fait
connaissance de MUKAZITONI pendant le génocide, mais que celle-ci a pourtant apposé sa
signature sur ledit contrat d’achat en qualité de témoin ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que concernant la conclusion dudit contrat il a
mandaté sa femme et que c’est celle-ci qui l’a signé, que contrairement aux affirmations de
MUKAZITONI il ne s’agit donc pas de sa sœur;
Attendu qu’invitée à dire si elle aurait subi une quelconque contrainte lors de l’établissement
des procès-verbaux de son audition, MUKAZITONI répond par la négative ;
36ème feuillet.
Attendu que l’Auditeur militaire rappelle au Tribunal que le sergent BARAYAGWIZA a fait
du bien à MUKAZITONI en acceptant de garder ses biens, qu’il demande que le procès
verbal de MUKAZITONI qui porte le n°2 soit pris en considération car elle a affirmé savoir
que le sergent BARAYAGWIZA dispensait des entraînements militaires aux gens, qu’il a
vécu avec une femme par force et qu’il est allé au front, qu’elle a ensuite cité les personnes
qui étaient souvent en compagnie de BARAYAGWIZA notamment le mari de Donatille,
même si cette dernière soutient que son mari restait terré dans sa cachette ;
348
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
sont les mieux indiqués pour répondre à cette question, qu’elle ne saurait dire s’ils voulaient
le tuer ou simplement lui rendre visite ;
Attendu qu’il dit que le contrat d’achat que le sergent BARAYAGWIZA a produit devant le
Tribunal ne devrait pas faire foi dès lors que son nom n’y est pas mentionné et que la date à
laquelle il s’est installé à KIMISAGARA ne s’y trouve pas mentionnée non plus, qu’en plus il
s’avère que la date et le mot ″ KIMISAGARA″ mentionnés dans ledit contrat y ont été insérés
par la suite, que par conséquent le Tribunal ne saurait les prendre en compte car ils ne se
trouvent pas sur la même ligne que le texte original ;
Attendu qu’à la question de savoir si son mari est encore en vie, MUKAZITONI répond par
l’affirmative, qu’interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas l’entendre, l’Auditeur
militaire répond qu’il peut être interrogé si cela s’avère nécessaire, que néanmoins rien ne
justifiait son audition au cours de l’instruction, qu’étant donné la composition de la famille,
l’officier public qui était chargé de l’enquête a trouvé MUKAZITONI à son domicile et a
estimé que son audition était amplement suffisante ;
Attendu que MUKAZITONI déclare que toutes les informations dont elle dispose lui ont été
rapportées par GITENGE, que celui-ci lui a notamment dit que le sergent BARAYAGWIZA
est allé au front, qu’il s’est également rendu en ville pour voir NYOMBAYIRE, qu’elle
voudrait que les déclarations qu’elle a faites au cours des ses différents interrogatoires fassent
foi ;
37ème feuillet.
Attendu que l’avocat de la défense fait remarquer qu’à la question de l’Auditeur militaire
consistant à savoir si le témoin aurait subi une quelconque contrainte lors de sa déposition,
celui-ci a répondu par la négative, qu’il poursuit en disant qu’il est de notoriété publique que
le témoin ne peut témoigner que de ce qu’il a vu, que s’agissant du contrat d’achat qui a été
évoqué, il est très facile d’interroger toutes les personnes qui y sont mentionnées pour
éclaircir les points obscurs ;
Attendu qu’il dit qu’il est compréhensible et évident que le témoin n’a rien vu, que pourtant
depuis trente minutes on voudrait lui faire dire qu’il a vu quelque chose alors qu’en réalité il
n’a pas vu le véhicule dont on parle, comme il n’a pas été témoin de l’enlèvement d’Agnès ni
été au front pour voir ce qui s’y passait, qu’il continue en disant que le témoin reconnaît avoir
pu identifier la personne qui dispensait des entraînements militaire aux gens, qu’il appartient
au Ministère Public de bien interroger le témoin afin d’avoir toutes les informations dont il a
besoin et qu’en cas de défaillance de la part du Ministère public, son client ne saurait en être
blâmé ;
349
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il n’est pas d’accord avec les propos du conseil de
BARAYAGWIZA et fait observer que le Tribunal aurait réagi s’il avait constaté que le
témoin avait subi une certaine contrainte surtout que le témoin lui-même demande que le
procès-verbal de son audition fasse foi, qu’en plus le dossier a été instruit dans la langue que
l’avocat de la défense ne comprend pas, que concernant l’infraction de viol, le témoin ne
pouvait pas savoir ce qui se passait à l’intérieur de la maison, que tout ce que le témoin sait
est que le prévenu n’était pas marié à Agnès ;
Attendu qu’il poursuit en disant que le contrat d’achat n’a pas été produit par le Ministère
Public et qu’ainsi celui-ci n’a pas pu préalablement analysé son contenu, qu’il n’a fait
qu’exprimer ses préoccupations, lesquelles persistent d’ailleurs aujourd’hui quant à la date
qui y est mentionnée, qu’il n’a pas demandé que le prévenu sorte du prétoire car si tel avait
été le cas le Tribunal aurait donné suite à cette requête, que néanmoins le Tribunal peut
entendre le témoin à huis clos dans la mesure où cette procédure est valable en matière de
génocide ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que des réunions ont été organisées dans tous
les secteurs en vue d’identifier les personnes qui ont commis des tueries pendant le génocide
et qu’il demande au Tribunal de chercher les listes établies à cette occasion pour vérifier si
son nom y est mentionné ;
Attendu que le témoin cité par le sergent BARAYAGWIZA nommé MUKAMFIZI Thérèse
fille de SHYIRAMBERE Basir et de KAMBUGU Marthe, née à NYARUGENGE/P.V.K. en
1928, veuve, résidant à CHAHAFI-NYARUGENGE/ P.V.K., handicapée, sans biens et sans
antécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et qu’il prête serment ;
Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles elle a fait la connaissance du
sergent BARAYAGWIZA, le témoin MUKAMFIZI répond qu’elle l’a vu pour la première
fois aujourd’hui dans le prétoire et qu’elle se demande elle aussi comment le sergent
BARAYAGWIZA la connaît ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité cette vieille femme à sa décharge
parce que le fils de celle-ci et lui se connaissaient, et que sa sœur UWIMANA est la
voisine de cette femme;
Attendu qu’invitée à dire si elle connaît UWIMANA, MUKAMFIZI répond qu’elle la connaît
et qu’on l’appelait ″Maman ERIC″, qu’elle ne connaît pas ses frères ni ses sœurs, que
cependant UWIMANA lui disait qu’elle avait un frère dans l’armée ;
38ème feuillet.
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin parce qu’il était le voisin
de feu Edouard et qu’il estime qu’il pourrait être au courant des circonstances de la mort de ce
dernier, qu’interrogée à ce sujet , MUKAMFIZI dit qu’elle habitait loin du domicile de feu
Edouard, mais qu’elle le connaissait et qu’elle a entendu les gens dire qu’il se trouvait dans sa
cachette lorsqu’il a été tué par les Interahamwe qu’elle ne connaît pas car, comme tout le
monde le sait, ces miliciens attaquaient en grand nombre ;
Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît l’épouse de feu Edouard, MUKAMFIZI
répond qu’il y avait 4 ou 5 jours qu’elle s’était mariée lorsque un jeune homme qui était
également son voisin et dont le nom pourrait être HATEGEKA l’a conduite chez lui et a vécu
350
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
avec elle par force, qu’elle l’a su parce que ce jeune homme occupait illégalement une
maison située à côté de son domicile à elle, que cependant elle ne saurait dire si c’est
HATEGEKA qui a tué Edouard ou si HATEGEKA a tué des gens ou s’il était un
Interahamwe, de même qu’elle ne saurait dire pendant combien de temps HATEGEKA a vécu
avec cette femme, que toutefois elle apprendra plus tard que cette femme a vécu avec un autre
homme dans les mêmes conditions ;
Attendu qu’interrogée sur l’endroit où ″Maman ERIC″ pourrait se trouver actuellement, elle
répond que Maman ERIC a déménagé et qu’on ne la voit plus, qu’interrogée au sujet des
meurtriers de ses voisins, elle répond qu’elle ne les connaît pas, que cependant beaucoup de
gens ont été tués près de son domicile, que ces gens ont été tués par balles dans un tournant et
qu’ils ont même entendu des coups de feu ;
Attendu qu’à la question à lui posée par l’Auditeur militaire de savoir si l’un des membres de
sa famille n’aurait pas été persécuté pendant le génocide, le témoin répond que sa belle-sœur
a été emmenée à trois reprises à l’endroit où on conduisait les victimes pour les tuer,
qu’interrogée sur la personne qui a pu la sauver, le témoin répond que c’est le sergent
BARAYAGWIZA, que prenant la parole l’Auditeur militaire dit qu’il a posé ces questions
pour exprimer ses inquiétudes par rapport aux déclarations de ce témoin ;
Attendu que l’Auditeur militaire demande que le témoin précise à partir de quel moment il a
perdu la vue et que le témoin lui répond que cela s’est produit après la guerre, que l’Auditeur
militaire fait observer que le sergent BARAYAGWIZA n’a cité à sa décharge que des gens
auxquels il a rendu service, qui le respectent et qui ne peuvent pas le dénoncer, que cela
démontre qu’il avait le pouvoir de décider de la vie ou de la mort de quelqu’un, qu’il sauvait
même la vie à ceux qui, tel du bétail à l’abattoir, étaient déjà arrivés là où on conduisait les
victimes pour être exécutées, qu’il trouve que les déclarations de ce témoin ne devraient pas
faire foi dès lors que les propos qu’il a tenus au sujet du sergent BARAYAGWIZA lui ont été
rapportés et qu’il a refusé de dévoiler le nom de la personne qui a emmené Agnès, qu’il
conclut son intervention en disant qu’il est de notoriété publique que le sergent
BARAYAGWIZA a trempé dans la mort de NDENGEYINGOMA Edouard;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il n’a pas sauvé la vie de la belle-fille
de MUKAMFIZI dans la mesure où cette femme vivait chez sa sœur à lui lorsque le génocide
est survenu et qu’elle y est restée pendant trois jours ;
Attendu que MUKAMFIZI déclare que sa belle-fille lui a dit qu’elle a été conduite à trois
reprises là où elle devait être exécutée, que quelqu’un est intervenu et a empêché les
meurtriers de la tuer et que cette personne qui lui a sauvé la vie lui a dit qu’elle était le frère
de EPIPHANIE ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin afin qu’il explique la vie
qu’Agnès a menée pendant sa séquestration et la manière dont il l’a aidée à quitter l’endroit
où elle était séquestrée, qu’il aimerait que d’autres personnes qui sont au courant des
circonstances de la mort de NDENGEYINGOMA soient entendues puisque les informations
qu’il détient à ce sujet lui ont été fournies par Agnès, laquelle a dit qu’il est mort le
14/04/1994, date à laquelle BARAYAGWIZA ne se trouvait plus à CYAHAFI ;
39ème feuillet.
351
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’invitée à citer les noms de sa belle-fille et de son mari, MUKAMFIZI répond que
sa belle-fille s’appelle MUREBWAYIRE Immaculée tandis que son mari s’appelle HAMIMU
BIHAL, qu’interrogée sur le nombre de frères de EPIPHANIE, elle répond qu’elle ne le
connaît pas, tout comme elle ne connaît pas EPIPHANIE elle-même, qu’elle croit plutôt que
son frère dont elle lui a parlé est le sergent BARAYAGWIZA ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il avait un frère qui habitait près de là, le sergent
BARAYAGWIZA répond par la négative ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que la preuve que le sergent BARAYAGWIZA ne dit pas
la vérité est notamment cette personne que le témoin appelle ″ Jeune ″ et qui n’est pourtant
pas connue par ses voisins, qu’en plus le témoin a dit que le caporal HATEGEKA fait partie
des assaillants qui ont attaqué le domicile de Edouard, qu’il a ensuite vécu avec Agnès par
force, que par ailleurs cette dernière a connu le même sort avec quelqu’un d’autre dont
l’identité est restée inconnue, mais que cette personne est inévitablement BARAYAGWIZA
qui était inconnu à cet endroit ;
Attendu qu’invité à dire s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le témoin dit qu’il le
connaît, qu’ils étaient des voisins et que 500 mètres de distance séparaient leurs domiciles
respectifs;
Attendu que l’Auditeur militaire qui a fait citer le témoin demande que celui-ci dise si, à sa
connaissance, le sergent BARAYAGWIZA a participé à des attaques, que le témoin dit que le
sergent BARAYAGWIZA a pris part à l’attaque qui a été menée chez TWAGIRAYEZU
François et qui a coûté la vie à ce dernier ainsi qu’à son fils, que le sergent BARAYAGWIZA
qui était mécontent de ce que la femme de François avait pu s’enfuir avec le concours de
certaines personnes a laissé exploser sa colère en prenant à MUZEHE qui était avec lui le
transistor qu’il avait et en le cassant, que le sergent BARAYAGWIZA était aussi en
compagnie de l’un des fils du nommé KAZUNGU appelé "CDR", des fils de KARUSHARA
et d’un militaire, que c’est KAZUNGU qui a rapporté cela au témoin et à d’autres personnes,
qu’il leur a dit que le sort des Tutsi était réglé et que ceux-ci allaient être exterminés, que
prenant la parole l'Auditeur militaire dit que François a été tué par le sergent
BARAYAGWIZA avec le concours d’un autre militaire, qu’il termine en disant que ce
KAZUNGU dont parle le témoin est le neveu du mari de MUKAMAZIMPAKA ;
352
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
40ème feuillet.
Attendu qu’il dit que ce soir-là, BARAYAGWIZA et sa bande ont attaqué le domicile de
KALISA et qu’ils se sont battus avec KALISA, que ce dernier a pu venir à bout de ces
assaillants après avoir blessé certains d’entre eux à la grenade, que face à cette résistance les
assaillants ont sollicité le concours des militaires de la Garde Présidentielle, lesquels ont
assassiné KALISA et massacré sa famille ainsi que les nombreuses personnes qui avaient
trouvé refuge chez lui ;
Attendu qu’il dit que par la suite le sergent BARAYAGWIZA, GITENGE et KAVAKURE
ont coupé la bananeraie de KALISA et ont appris aux gens à manier les fusils pendant tout le
mois de mai 1994, qu’ils leur dispensaient ces entraînements quotidiennement et à longueur
de journée, que ces entraînements consistaient en des culbutes qu’ils faisaient à travers les
collines de la région de KOVE, et que pendant ces entraînements le sergent
BARAYAGWIZA avait un fusil et portait une chaîne de balles autour des hanches ;
Attendu qu’interrogé sur les raisons qui ont conduit ces Interahamwe à leur rapporter ce qu’ils
faisaient, le témoin répond que KAZUNGU était le neveu de son mari et que MUZEHE était
le fils d’un voisin ;
Attendu qu’interrogé sur le moment auquel il a vu le sergent BARAYAGWIZA, le témoin
répond qu’il l’a vu en 1993 puisque BARAYAGWIZA a acheté sa parcelle à HARUNA en
1992 et s’y est installé en 1993 ;
Attendu que BARAYAGWIZA dit que les propos du témoin sont mensongers dès lors qu’il
n’a pas vu se commettre les faits dont il parle, qu’il trouve que ces faits ont été rapportés au
témoin, qu’il continue en disant que le témoin soutient à tort qu’il a attaqué chez
TWAGIRAYEZU, chez KALISA et chez Maman CARINE, qu’il affirme n’avoir pas été
membre de la bande de NEPO et que tous les témoins l’ont déchargé en disant qu’il n’en
faisait pas partie;
353
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que MUKAMAZIMPAKA dit qu’elle croyait que le sergent BARAYAGWIZA était
un militaire encore en service, qu’il collaborait avec KAVAKURE qui est actuellement en
détention et qui entraînait les gens à manier les fusils, que pour étayer ses dires elle dit que
KAVAKURE a les doigts coupés mais précise qu’elle ignore où ce dernier avait appris le
maniement des armes ;
41ème feuillet.
Attendu que Maître NZEPA demande au témoin d’expliquer pourquoi elle a attendu si
longtemps pour ne livrer son témoignage que le 27/10/1998, qu’elle répond qu’elle a attendu
le retour des militaires pour porter plainte dans la mesure où elle était convaincue que
François avait été tué par un militaire et qu’ensuite elle n’a pas su exactement à quel moment
le sergent BARAYAGWIZA est revenu, qu’en réplique à cette déclaration,
BARAYAGWIZA dit qu’après son retour il a rencontré Agnès dans un cabaret et qu’à cette
occasion il a discuté avec HARUNA et IDRISSA au sujet de son lit;
Attendu qu’il dit qu’ils se sont mariés en 1991 et qu’à cette époque elle était encore en 3ème
année secondaire, qu’après leur union ils ont résidé à MUHIMA , que cependant leur mariage
a eu lieu chez sa sœur, qu’ils se sont installés à MUHIMA en 1992, que vers la fin de cette
année ils ont déménagé du côté de NYAMIRAMBO près de l’hôtel BAOBAB, qu’ils sont
retournés à KABAKENE au début de 1993, date à laquelle sa femme est partie, que
finalement il s’est installé à KIMISAGARA au début de l’année 1994 ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que tous les témoins qui ont déjà déposé soutiennent
qu’ils l’ont vu prendre part à l’attaque menée chez François, que par ailleurs Marianne a
appris cela d’un Interahamwe qui en a été témoin direct, que ce milicien informait les
membres de sa famille des événements qui survenaient et dans lesquels il avait un intérêt ;
354
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’il poursuit en disant que sa maison était proche de celle de François et qu’elles
étaient séparées par une haie en euphorbe à tel point qu’à peine arrivé chez lui en provenance
de chez François, il entendit les gens frapper avec force au portail du domicile de François,
que voulant voir de qui il s’agissait il a vu deux militaires accompagnés de beaucoup de
sympathisants du parti C.D.R., parmi lesquels MUZEHE fils de TWAHA, que pendant qu’ils
creusaient la maison pour en arracher la porte, François leur a demandé ce qu’ils cherchaient,
que le sergent BARAYAGWIZA lui a dit d’ouvrir la porte en lui assurant qu’ils ne lui
feraient rien de mal et qu’ils voulaient seulement vérifier quelque chose ;
Attendu qu'il dit qu’une fois que François a ouvert la porte, ces meurtriers se sont rués à
l’intérieur de la maison, que le sergent BARAYAGWIZA qui était resté légèrement en arrière
a essayé de pousser François à l’intérieur de la maison, que dans sa défense François a voulu
s'emparer du fusil dont BARAYAGWIZA était armé, ce que voyant le sergent
BARAYAGWIZA a aussitôt ouvert le feu si bien que François est immédiatement tombé, que
NDUSHABANDI qui suivait la scène à travers la haie en euphorbe s’est sauvé en courant et
qu’arrivé dans la plantation de café il a entendu un autre coup de feu ;
Attendu qu’à la question de savoir si l’épouse de François était à la maison, le témoin répond
que plus tard la femme de François lui dira qu’elle avait fui ;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que les déclarations de NDUSHABANDI sont
mensongères, que la preuve en est qu’il prétend l’avoir vu pousser puis tuer le mari de sa
tante, mais que curieusement il ne l’a pas tué lui aussi alors qu’il était également recherché,
qu’il réaffirme que NDUSHABANDI le charge à tort et qu’il n’a pas mis les pieds à cet
endroit ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit que les témoignages ont prouvé que le sergent
BARAYAGWIZA portait l’uniforme militaire et allait au front, qu’il demande le huis clos en
faveur du prochain témoin étant donné qu’il va témoigner sur des actes dont il a été victime;
355
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
43ème feuillet.
Attendu qu’interrogée sur la date à partir de laquelle elle a fait la connaissance du sergent
BARAYAGWIZA, KAGERUKA Agnès dit qu’elle le connaît depuis 1994, vers le mois de
mars, qu’elle le voyait passer devant son domicile lorsqu’il se rendait chez sa sœur
UWIMANA, qu’interrogée sur la date à laquelle elle s’est mariée, elle répond que son
mariage est intervenu le 02/04/1994 ;
Attendu qu’interrogé à son tour sur le moment où il a fait la connaissance d’Agnès, le sergent
BARAYAGWIZA dit qu’il la connaît depuis qu’elle était petite et que ses parents à elle
habitaient à NYABUGOGO tandis que lui résidait à CYAHAFI, qu’il a connu Agnès à cause
de certains de ses proches, parmi lesquels le nommé ABRAHAM, qui étaient des voisins de la
famille d’Agnès et que cela remonte à 1979 et 1980 ;
Attendu que KAGERUKA Agnès déclare que la guerre a commencé le 07/04/1994, que le
14/04/1994 entre 9 heures 30 minutes et 10 heures beaucoup d’assaillants sont venus et ont
tué Edouard NDENGEYINGOMA et ses 4 petits frères, qu’elle a pu reconnaître parmi eux le
sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et HATEGEKA, que BARAYAGWIZA a aussitôt
conduit Agnès chez lui à KIMISAGARA, qu’elle a vécu seule chez lui d’avril à juin 1994, à
part qu'il arrivait à la sœur de BARAYAGWIZA d'y séjourner de temps en temps, et que cette
sœur ne les quittait que quand elle allait s’approvisionner en marchandises ;
Attendu qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA participait aux combats aussi bien aux
côtés des militaires que des miliciens Interahamwe, que de retour à la maison il lui énumérait
les victimes qu’il avait tuées, que vers la fin du mois de juin elle l’a quitté parce qu’elle
réalisait qu’il finirait par la tuer elle aussi, qu’elle est allée se cacher à CYAHAFI dans des
buissons où elle a passé trois semaines et mené une vie sauvage;
Attendu qu’interrogé sur l’uniforme militaire que portait le sergent BARAYAGWIZA, elle
répond qu’il en avait deux paires, et trois fusils dont l’un de marque ″ Uzi″ et qu’il y avait
beaucoup de cartouches et de grenades à son domicile;
Attendu qu’à la question de savoir si elle a revu le sergent BARAYAGWIZA après la guerre,
elle répond qu’elle l’a revu en août 1995 et qu’à ce moment il portait l’uniforme de l’Armée
Patriotique Rwandaise ;
Attendu qu’interrogée sur le nombre des assaillants qui les ont attaqués, Agnès répond qu’ils
étaient environ dix personnes, que le sergent BARAYAGWIZA et HATEGEKA portaient
356
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
l’uniforme militaire alors que d’autres assaillants avaient camouflé leur tête avec les feuilles
de bananiers, que HATEGEKA était un militaire tandis que ces assaillants étaient des
Interahamwe, que le sergent gendarme BARAYAGWIZA l’a emmenée parce qu’étant le plus
gradé, le butin trouvé dans cette famille lui revenait de droit ;
44ème feuillet.
Attendu que Maître Ferdinand NZEPA demande qu’Agnès explique la contradiction qui
existe entre sa déclaration selon laquelle elle s’est mariée le 02/04/1994 et le contenu du
procès-verbal de son audition d’après lequel elle devait se marier le 09/04/1994, qu’en
réponse à cette question Agnès dit qu’elle s’est installée chez NDENGEYINGOMA le jour de
leur mariage civil du 02/04/1994, le mariage religieux étant programmé pour le 09/04/1994 ;
Attendu qu’interrogée au sujet des biens que le sergent BARAYAGWIZA aurait pillés, Agnès
répond qu’il s’agit du lit sur lequel ils couchaient tous les deux et qu’il avait pillé chez
NDAYISABA ainsi que des biens de la famille Louise KAYIBANDA et ceux de la famille
BOSCO, qu’elle ne sait rien d’autre puisqu’elle était séquestrée dans une chambre ;
Attendu que Maître NZEPA Ferdinand déclare vouloir lever toute équivoque, qu’il précise
que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas dit qu’il a emmené Agnès par force et qu’il est
plutôt convaincu qu’ils se sont rendus au camp de MUHONDO ensemble;
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il est allé chez Agnès à la demande de
cette dernière et que celle-ci dans ce sens avait sollicité son secours, qu’il trouve très
étonnante la déclaration d’Agnès d’après laquelle elle est allée se cacher dans des buissons en
juin 1994 où elle est restée pendant trois jours parce qu’elle a quitté ce lieu le 04/07/1994, que
cette déclaration est dénuée de fondement du moment qu’ils sont restés ensemble et ont vécu
ensemble au camp de MUHONDO et qu’elle n’a point dit aux militaires qu’il avait tué ses
proches, qu’ils ont quitté ensemble ce camp pour s’installer à KABAGENDANA, qu’il estime
qu’Agnès a préféré passer tout cela sous silence à cause du malentendu qui les oppose et qu’il
a explicité plus haut ;
Attendu qu’il dit qu’il est venu dans un cabaret pendant la période où le gouvernement venait
de frapper la nouvelle monnaie, qu’il y avait des militaires dans ce cabaret qui était par
ailleurs situé près de la brigade, qu’Agnès qui s’y trouvait n’a pourtant rien dit à ces
militaires, qu’ils ont par contre causé comme si de rien n’était, qu’il trouve que des poursuites
devraient être engagées contre elle parce qu’elle a oublié qu’il lui a rendu service et qu’elle a
menti en lui attribuant l’assassinat de ses proches ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il n’a jamais dormi dans un même lit avec Agnès, le
sergent BARAYAGWIZA répond que cela n’a jamais eu lieu, que même dans sa déclaration
actée dans un procès-verbal, Agnès a reconnu que lorsqu’elle était chez le sergent
357
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
BARAYAGWIZA elle vivait avec la sœur de ce dernier et le domestique qui leur préparait à
manger ;
45ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir comment il n’a pas souhaité avoir des relations sexuelles
avec elle alors qu’il venait de la secourir, le sergent BARAYAGWIZA répond que cela est
confirmé par Agnès qui reconnaît elle-même qu’il n’a pas couché avec elle le premier jour,
qu’il ne pouvait pas la violer après l’avoir secourue, qu’il conclut en disant qu’il est capable
de maîtriser son instinct sexuel devant n’importe quelle autre fille ;
Attendu qu’il dit que la seule occasion où ils ont dormi ensemble s’est présentée au camp des
réfugiés, qu’il dormait avec elle sur un matelas simple et que d’autres personnes dormaient à
même le sol à côté d’eux de sorte qu’il ne pouvait pas lui faire l’amour, qu’ils étaient avec son
grand frère, sa sœur et les enfants de son grand frère et qu’il l’a mise sur ce matelas parce
qu’il ne pouvait pas faire autrement ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il n’y avait personne d’autre à KIMISAGARA pour
lequel il pouvait avoir de la compassion et à qui il pouvait sauver la vie, le sergent
BARAYAGWIZA répond qu’il a secouru Agnès parce qu’elle était une connaissance de
longue date et qu’elle a sollicité son secours;
Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA a dit que sa sœur a
vécu chez lui pendant une courte période, que ses déclarations ne sont que des manœuvres
désespérées, que réagissant à cette intervention le sergent BARAYAGWIZA affirme être
resté avec sa sœur jusqu’à ce qu’ils prennent fuite ;
Attendu que l’Auditeur militaire demande qu’Agnès explique les circonstances dans
lesquelles ce lit a été pillé, qu’Agnès répond qu’elle a trouvé ce lit au domicile de
BARAYAGWIZA, qu’il l’avait pillé chez NDAYISABA et qu’après l’avoir pillé il est passé
devant le domicile d’Agnès en le transportant, qu’elle connaissait ce lit et que celui-ci avait
un sommier en triplex ;
Vu que les heures de service sont terminées, que l’audience est suspendue puis remise au
16/11/1998 à 9 heures du matin ;
Attendu que le témoin à décharge nommé 1er sergent RWAMUNINGI François, fils de
BIRIRA Yavan et de NYIRAMARENGANE Félicitée, né en commune RUBAVU, préfecture
GISENYI, en 1961, détenu à la prison de MULINDI pour génocide, marié à
MUKANKURANGA Dorothée et père de deux enfants, sans biens, résidant à CYAHAFI,
commune NYARUGENGE, P.V.K., est appelé à la barre et prête serment conformément à la
loi ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le 1er sergent
RWAMUNINGI François répond qu’il ne le connaissait pas auparavant, que bien qu’après
être renvoyé de l’armée le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a résidé dans la cellule
AKANYANZA du quartier CYAHAFI, le 1er sergent RWAMUNINGI François n’a fait sa
358
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’avant la déposition du témoin il voudrait soulever les
problèmes qu’on observe dans les affaires pénales ou dans les affaires de génocide, dans la
mesure où les prévenus citent à leur décharge leurs codétenus poursuivis pour les mêmes faits
que ceux qui leur sont reprochés, que ceux-ci déroutent forcément le Tribunal parce qu’ils
sont en contact permanent avec les accusés et qu’ainsi il trouve que le témoignage du 1er
sergent RWAMUNINGI n’est pas crédible, qu’il lui est néanmoins répondu que même s’il est
bon de soulever ces inquiétudes, il appartient au Tribunal d’apprécier la déclaration du
témoin ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît la sœur du sergent BARAYAGWIZA, le 1er
sergent RWAMUNINGI répond qu’il ne la connaît pas, qu’interrogé sur
NDENGEYINGOMA Edouard et les circonstances de sa mort, il répond qu’il ne le connaît
pas non plus parce qu’il a habité le quartier CYAHAFI en 1993, que cependant il entendait les
gens dire que NDENGEYINGOMA avait une boutique, qu’il avait l’habitude de passer par là,
que le 10/04/1994 il est allé à RUHENGERI pour participer à l’enterrement d’un enfant à
MUKINGO, que le lendemain lui et les autres ont continué la route pour se rendre à
GISENYI, qu’ils ont néanmoins passé la nuit à BYANGABO, que le jour suivant ils sont
arrivés à GISENYI où il a passé huit jours avant de revenir à KIGALI ;
Attendu qu’interrogé sur le viol de l’épouse d’Edouard, le témoin répond qu’il n’en sait rien
du tout si ce n’est que le sergent BARAYAGWIZA lui demandé s’il la connaissait et qu’il lui
a répondu qu’il ne la connaissait pas en lui précisant cependant qu’il a entendu dire qu’elle
était mariée ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter à cette déclaration, le sergent
BARAYAGWIZA dit qu’il n’a rien à ajouter puisqu’il s’avère que le 1er sergent
RWAMUNINGI ne sait rien en ce qui le concerne;
Attendu qu’interrogé sur les motifs qui l’ont conduit à citer ce témoin, le sergent
BARAYAGWIZA dit qu’il voulait que ce témoin confirme qu’il se trouvait à CYAHAFI
chez sa sœur lorsque la guerre a éclaté ;
47ème feuillet.
359
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît la sœur du sergent BARAYAGWIZA nommée
UWIMANA, NYIRINDEKWE répond qu’il ne la connaît pas mais qu’il a entendu parler de
ce nom, qu’il ne connaissait même pas le sergent BARAYAGWIZA auparavant et que c’est
après leur rencontre en prison que celui-ci lui a dit qu’il résidait dans le quartier CYAHAFI;
Attendu que Maître GASARABWE Claudine dit que Madame MUKAMURIGO Véronique,
une partie civile, voudrait apporter d’autres précisions qui pourraient éclairer le Tribunal au
sujet des tueries perpétrées par le sergent BARAYAGWIZA ;
Attendu qu'interrogée sur le quartier où elle résidait pendant la guerre, elle répond qu’elle
vivait chez son frère à KIMISAGARA où elle est restée pendant de nombreux mois, que les
sympathisants du parti C.D.R. les ont attaqués vers le 25 janvier 1994 à la recherche de son
frère qu’ils accusaient d’avoir coupé la corde au moyen de laquelle ils hissaient le drapeau de
leur parti, que ces mêmes assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA, NEPO,
GITENGE, DEBANDE, KANYAMANZA, FIFI, GILBERT, les fils du Responsable
KAZUNGU et d’autres qui s’étaient camouflés au moyen des feuilles de bananiers sèches
sont revenus le 13/04/1994 à leur domicile à CYAHAFI ;
Attendu qu’elle dit qu’aussitôt que le sergent BARAYAGWIZA est entré dans leur maison il
lui a donné un coup de poing au point qu’il lui a arraché des dents, qu’il lui a ensuite donné
des coups de bottes et un coup de poignard dans les côtes avant de la pousser vers DEBANDE
et les autres assaillants, que ceux-ci lui ont demandé l’endroit où pouvaient se trouver Paul et
TWIZEYIMANA, qu’ils les ont par la suite délogés de leur cachette et les ont emmenés à
KIMISAGARA, qu’ils ont assassiné Vianney à coups de marteaux et de poignards, que
concernant Paul ils l’ont tué par balles après qu’il se soit précipité dans un égout, qu’ils ont
traîné leurs corps jusqu’à un terrain de jeux pour célébrer leurs méfaits, qu’ils les ont dépecés,
qu’ils ont ensuite mis des morceaux de leur chair sur des broches et qu’ils les ont grillés ;
Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît Vianney, le sergent BARAYAGWIZA répond
par la négative ;
360
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
48ème feuillet.
Attendu que le sergent BARAYAGWIZA qui est, à son tour, invité à dire s’il connaît
MUKASHEMA répond par l’affirmative ;
Attendu qu’interrogée sur les faits qui ont été commis par le sergent BARAYAGWIZA,
MUKASHEMA répond qu’à l’exception de quelques jours où il restait à la maison toute la
journée, le sergent BARAYAGWIZA ne passait pas ses journées à son domicile, qu’il donnait
des entraînements militaires aux Interahamwe et aux sympathisants du parti C.D.R. avant
même le déclenchement du génocide, que lorsque la hampe sur laquelle était hissé le drapeau
de la C.D.R est tombée, les gens l’ont ramassée et s’en sont servi comme bois de chauffage,
qu'au vu de cela, les sympathisants de la C.D.R les ont attaqués ;
Attendu que poursuivant son témoignage, MUKASHEMA dit que chaque soir, après avoir
terminé leurs entraînements, ils avaient l’habitude d’aller se positionner sur la route, de
stopper les véhicules et d’en sortir les occupants qu’ils tuaient par la suite, que NEPO était
leur chef et qu’il les rejoignait après le service ;
Attendu qu’elle dit que pendant le génocide des assaillants ont jeté au fond de la toilette de
chez NYOMBAYIRE 4 personnes parmi lesquelles HAGUMA qui était le voisin de
NYOMBAYIRE Alphonse, le petit frère de HAGUMA et SENDARASI Alphonse qui fut
précipité au fond de cette toilette à 10 heures étant encore en vie, qu’à ce moment-là elle a vu
le sergent BARAYAGWIZA, qui était armé d’un fusil et portait l’uniforme militaire, appeler
le nommé GITENGE en lui disant ″ Nous allons vous casser la figure″ ;
Attendu que l’avocat de la défense demande que le témoin parle des conditions de vie
d’Agnès à cette époque, que le témoin répond que dans un premier temps elle est restée dans
la maison sans jamais en sortir pendant de nombreux jours, mais que par la suite elle sortait
quelques fois de la maison car elle l’a vue dehors en train de donner du foin au bétail,
qu’Agnès ne pouvait pas sortir les matins à cause de la clameur de ceux qui pourchassaient
les gens, qu’elle voyait surtout la sœur du sergent BARAYAGWIZA qui avait l’habitude de
361
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que MUKASHEMA dit que le sergent BARAYAGWIZA l’a protégée contre les
tueurs pendant cinq jours, que par après il l’a livrée à trois militaires qui l’ont violée pendant
que le sergent BARAYAGWIZA était en train de consommer de l’alcool en compagnie de
DEBANDE ;
49ème feuillet.
Attendu qu’interrogée au sujet des personnes dont la chair a été grillée sur les broches, elle
répond qu’elle en sait quelque chose, que le sergent BARAYAGWIZA et sa bande se sont
rendus à CYAHAFI et ont mis la main sur Vianney qui s’y était caché, que celui-ci y avait
trouvé refuge parce que les tueries n’avaient pas encore atteint leur paroxysme dans ce
quartier, qu’ils l’avaient activement recherché auparavant pour lui faire du mal, allant jusqu’à
verser du pétrole dans sa bière, qu’ils l’ont emmené ainsi que ceux qui étaient avec lui, et
quand ils sont arrivés au niveau du pont situé devant la maison du sergent BARAYAGWIZA
elle a entendu des coups de feu ;
Attendu que poursuivant son témoignage MUKASHEMA dit que par la suite,
BARAYAGWIZA et sa bande sont venus à son domicile, qu’ils avaient un morceau de
viande et une bouteille de PRIMUS, qu’ils ont frotté ce morceau de viande contre la bouteille
qu’ils tenaient, que par après ils lui en ont fait boire une gorgée en lui disant qu’il s’agissait là
d’un pacte de sang scellé avec elle, qu’ils lui ont ensuite demandé la main de la fille qui vivait
avec elle, qu’à cette occasion le sergent était en compagnie de DEBANDE, NSHIMIYE et
GITENGE et MUZEHE et qu’ils avaient un poste radio et un montant de 45.000 Frw ;
Attendu qu’à la question de savoir si UWIMANA possédait un fusil, elle répond qu’il en avait
un, qu’il l’avait reçu dans le cadre de son service et qu’il ne l’a jamais vu s’en servir dans les
tueries, que le sergent BARAYAGWIZA avait le sien, que par contre UWIMANA et
GITENGE se prêtaient mutuellement leurs fusils, et qu’elle n’a jamais vu UWIMANA
collaborer avec le sergent BARAYAGWIZA ;
Attendu qu’à la question de savoir celui qui, entre lui et UWIMANA, a reçu un fusil le
premier , le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est bien UWIMANA ;
Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il livrera ses observations sur ce témoignage au
moment de la lecture de ses réquisitions ;
362
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’à la question de savoir si les personnes qu’il dit avoir enterrées sont celles dont le
témoin a parlé, le sergent BARAYAGWIZA répond par la négative car, précise-t-il, il n’a
jamais pris de houe pour aller boucher quelque fosse que ce soit, qu’il a inhumé les personnes
dont il ne connaissait pas l’identité et qu’il ne connaît pas non plus les victimes dont le témoin
a parlé ;
Attendu qu’interrogée sur d’autres victimes tuées près de chez elle, MUKASHEMA
CARITAS répond qu’elle se souvient de celles qui ont été tuées près du domicile du sergent
BARAYAGWIZA et dont ce dernier a jeté les corps dans la toilette avec le concours de leurs
meurtriers;
50ème feuillet.
Attendu qu’à la question de savoir pour quelle raison elle n’a pas porté plainte contre le
sergent BARAYAGWIZA auparavant et pourquoi elle a attendu d’être convoquée par le
Tribunal pour le dénoncer, MUKASHEMA répond qu’elle ne le voyait pas, qu’à la question
de savoir si elle ne l’a jamais revu après la guerre, elle répond qu’elle l’a revu en 1996, mais
qu’à cette occasion il était en tenue militaire, que le sergent BARAYAGWIZA lui a demandé
ceux qui avaient pillé ses biens à lui, mais qu’à ce moment elle souffrait gravement d’une
maladie qui lui avait été transmise par le sergent BARAYAGWIZA et sa bande;
Attendu qu’interrogée au sujet de FELICIEN, elle répond que celui-ci s’est installé à
KATABARO après avoir vendu la maison dans laquelle il vivait, que pendant le génocide il
fut malmené par GITENGE et ses acolytes qui l’accusaient de ne pas les aider à faire la ronde
nocturne sous prétexte qu’il était chrétien;
Attendu qu’à la question de savoir si elle connaissait TWAGIRAYEZU François, elle répond
qu’elle le connaissait, qu’il fait partie des victimes de première heure et qu’il fut tué par les
assaillants qui l’ont surpris à son domicile, que ces derniers ont mené cette attaque chez lui
avec le concours du sergent BARAYAGWIZA et que KANYAMANZA, DEBANDE, NEPO
et d’autres y ont pris part ;
Attendu qu’interrogée sur les fonctions qui étaient exercées par le sergent BARAYAGWIZA
avant le génocide, elle répond qu’elle n’en sait rien dans la mesure où il rentrait tellement tard
que les gens n’arrêtaient pas de s’interroger sur les motifs de ces retards à répétition, que la
seule fois où elle lui a adressé la parole c’était en 1993 lorsqu’elle lui disait que l’eau en
provenance de sa concession endommageait sa maison à elle ;
363
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’invité à dire pourquoi il croit que CARITAS a survécu aux massacres, le sergent
BARAYAGWIZA dit que c’est grâce à UWIMANA qui vivait à son domicile et qui avait un
fusil, que lui et UWIMANA ont toujours dénoncé les tueries qui se commettaient dans leur
quartier, qu’interrogé sur sa part de responsabilité dans ces tueries, le sergent
BARAYAGWIZA répond qu’il n’y a pas trempé, qu’il appartient plutôt à CARITAS de dire
s’il a réellement participé à la perpétration des massacres et que, dans le cas contraire, le
Tribunal doit se transporter sur les lieux pour mener une enquête à ce sujet;
51ème feuillet.
Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a cité à sa décharge
MUKAMFIZI Thérèse dont il a sauvé l’enfant et MUKASHEMA Caritas avec l’espoir
qu’elles témoigneraient en sa faveur à cause du service qu’il leur a rendu, que c’était pourtant
sans compter avec le tort qu’il leur a causé lorsqu’il a envoyé à MUKASHEMA les gens
pour la violer et qu’il lui a fait boire une bière mélangée avec du sang humain, que la
déclaration du sergent BARAYAGWIZA selon laquelle MUKAMFIZI a témoigné en faveur
de ses proches est dénuée de fondement dans la mesure où même les propres voisins du
sergent BARAYAGWIZA qui ont témoigné dans cette affaire à savoir NYOMBAYIRE et
MUKAZITONI l’ont aussi chargé des faits dont ils ont été des témoins directs ;
Attendu que les parties civiles sont invitées à présenter leurs conclusions, que prenant la
parole Maître Bernadette KANZAYIRE dit qu’elle représente NYINAWABAGUNGA
Liberata, veuve de feu TWAGIRAYEZU François, qu’elle dit que les dommages et intérêts
réclamés par sa cliente sont motivés par la perte de son mari TWAGIRAYEZU François et de
son fils TWAGIRAYEZU Félix qui ont été tués le 07/04/1994 au tout début du génocide ;
Attendu qu’elle dit qu’ils ont été tués au cours d’une attaque à laquelle prenaient part les
miliciens Interahamwe et les partisans de la C.D.R., que tous ces meurtriers étaient dirigés par
le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et NDUWAYEZU Jean Népo alias CDR, que lors de
cette attaque ils ont blessé un autre enfant de TWAGIRAYEZU nommé MWISENEZA,
actuellement rescapé du génocide.
Attendu qu’elle continue son intervention en disant que sur base de l’action intentée par le
Ministère Public et des dépositions des témoins elle trouve que la famille TWAGIRAYEZU
François a été sérieusement ébranlée, qu’ainsi elle réclame des dommages et intérêts libellés
comme suit :
• des dommages moraux d’un montant de 10.000.000 Frw pour NYINAWABAGUNGA
suite à la perte de son mari TWAGIRAYEZU François;
• des dommages moraux d’un montant de 7.000.000 Frw suite à la mort de
TWAGIRAYEZU Félix, fils de feu TWAGIRAYEZU François ;
364
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
• des dommages matériels aux articles ménagers qui ont été pillés dans leur maison à savoir
:
Attendu que les pièces justificatives relatives aux biens qui ont été pillés et détruits ainsi que
les attestations de service et de salaire sont corroborées par le procès-verbal qui a été établi à
cet effet et qui fut approuvé par les autorités du secteur KIMISAGARA et que toutes ces
pièces ont été intégrées dans le dossier ;
Attendu que pour toutes ces raisons elle demande au Tribunal de recevoir l’action intentée par
NYINAWABAGUNGA Liberata et de lui accorder les dommages et intérêts qu’elle réclame ;
Attendu que la parole est accordée à Maître Claudine GASARABWE et que celle-ci déclare
qu’elle représente les parties civiles suivantes :
• MUKAMURIGO Véronique qui a perdu son frère ;
• WIHOGORA Justine qui a perdu son mari et son enfant ;
• MUKASHEMA Caritas qui a fait tout un récit de ce qui lui est arrivé ;
53ème feuillet.
365
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
• UWINGABIRE Bernadette qui a perdu trois personnes dans sa famille ainsi que
UWADUHAYE Immaculée qui a connu le même sort ;
• MUKAMFIZI Daphrose qui a perdu ses cinq fils,
que Me Claudine GASARABWE s’engage à remettre au Tribunal des conclusions écrites à
14 heures ;
Attendu que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour présenter son réquisitoire, qu’il
déclare que le Ministère Public a engagé des poursuites contre le sergent BARAYAGWIZA
sur base des dispositions légales et notamment la Convention du 09/12/1948 ratifiée par le
Rwanda même si le Gouvernement de l’époque avait émis des réserves concernant l’article 9
de ladite Convention qui l’invitait à instituer des peines contre les contrevenants aux
dispositions de cette Convention que cependant le Gouvernement actuel a pallié cette lacune
en la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996, qu’il continue en disant que ces poursuites ont
également été engagées sur base du Code pénal rwandais et de la jurisprudence de
Nuremberg ;
Attendu qu’il dit qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute que les infractions qui ont été perpétrées
depuis octobre 1990 jusqu’en décembre 1994 sont constitutives du crime de génocide et que
le sergent BARAYAGWIZA a une grande part de responsabilité dans les actes criminels qui
ont été commis contre les Tutsi avec l’intention de les exterminer ;
Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA avait appris à ces Interahamwe une
technique sophistiquée pour commettre les tueries, que ces miliciens ont ravagé la Ville de
KIGALI à la recherche des lieux où les Tutsi se cachaient, qu’il y avait une sorte de course
contre la montre entre les Interahamwe et les militaires du F.P.R. Inkotanyi qui, en même
temps qu’ils se battaient, recherchaient les victimes potentielles dans leur cachette pour les
sauver, que même au cours de leur fuite les Interahamwe n’ont cessé de tuer les Tutsi, qu’une
fois arrivés dans la Zone Turquoise où ils étaient protégés, les Interahamwe ont continué de
massacrer les Tutsi et ceux qui ne partageaient pas leurs opinions ;
Attendu qu’il dit que le moyen de défense du sergent BARAYAGWIZA selon lequel il a
entraîné les gens pour assurer la sécurité dans le cadre de la ″Défense Civile″ est dénué de
fondement car, et cela a été prouvé, pas une seule personne n’a été sauvée par la ″Défense
Civile″, que par contre ceux qui ont été entraînés ont mis à exécution le plan de génocide,
qu’en plus les instances qui étaient chargées de la sécurité à savoir l’Armée Nationale, la
366
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Gendarmerie Nationale et la Police communale étaient bien connues même si elles ont aussi
été utilisées dans l’extermination des Tutsi, que les autorités de l’époque ont mis sur pied la
milice Interahamwe pour peaufiner leur plan machiavélique;
54ème feuillet.
Attendu que poursuivant son réquisitoire l’Auditeur militaire dit que pour des raisons
développées plus haut le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse fait partie de ceux qui ont
planifié le génocide et qu’il doit en être puni, car il ne saurait invoquer l’ordre de ses
supérieurs pour justifier les actes criminels qu’il a commis, dans la mesure où l’article 229 du
Code pénal rwandais dispose qu’un militaire qui aura exécuté un ordre manifestement illégal
doit en être puni;
Attendu qu’il continue en disant qu’après avoir planifié le génocide en avril 1994, le sergent
BARAYAGWIZA l’a ensuite encadré en commençant par le secteur CYAHAFI, que les
responsables de ce secteur furent suspendus de leurs fonctions puis remplacés par une
structure dénommée ″ Comité de crise ″qui était composée par les meurtriers de grand renom
qui ont supervisé et encadré le génocide, que le sergent BARAYAGWIZA a collaboré avec
cette structure, qu’il était toujours en compagnie de ceux qui en étaient membres à bord du
véhicule qu’ils utilisaient pour superviser les tueries, que l’Auditeur militaire fait observer
que BARAYAGWIZA n’est pas parvenu à expliquer pourquoi il leur tenait toujours
compagnie, qu’en plus, poursuit-il, BARAYAGWIZA reconnaît lui-même que certains
membres de cette bande se sont rendus coupables d’actes criminels comme MUNYEZAMU
Félicien, HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré qui était chargé de collecter
des fusils en vue d’exterminer les Tutsi à CYAHAFI ;
Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, KARUSHARA Rose ainsi que les
militaires parmi lesquels le 1er sergent SEBITABI Vincent ont formé une association de
malfaiteurs quand ils ont créé la milice Interahamwe en vue d’exterminer le groupe ethnique
Tutsi, qu’en collaboration avec les personnes précitées ils ont formé militairement les
Interahamwe et créé une bande de malfaiteurs auxquels ils ont appris la technique de tuer,
qu’il a également créé une bande de tueurs baptisée ″ Comité de crise ″ lorsqu’il était à
CYAHAFI, laquelle bande a supervisé les massacres dans ce quartier, qu’ainsi il demande au
Tribunal de faire application des articles 281 et 282 du Code pénal rwandais et de le
condamner à la peine d’emprisonnement de 20 ans ;
367
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
55ème feuillet.
Attendu qu’il dit qu’outre l’association de malfaiteurs et l’initiation des tueurs à la meilleure
technique pour massacrer les gens dont il s’est rendu coupable, le sergent BARAYAGWIZA
a personnellement tué beaucoup de Tutsi uniquement à cause de leur appartenance ethnique,
qu’en collaboration avec le caporal HATEGEKIMANA ils ont attaqué le domicile de
NDENGEYINGOMA Edouard et tué celui-ci, ainsi que ses petits frères en l’occurrence
MUREKEZI Damien, KALISA Antoine, NIYITEGEKA Anaclet et TWAGIRIMANA
Vianney, que le sergent BARAYAGWIZA et les Interahamwe à sa solde ont tué beaucoup
d’autres personnes parmi lesquels TWAGIRAYEZU François et son fils, qu’ainsi le
Ministère Public demande qu’il soit fait application des articles 312 du Code pénal rwandais,
l’article 2, 1ère catégorie, b et l’article 14, a, de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et de
le condamner à la peine de mort ;
Attendu qu’il déclare que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et les meurtriers qu’il
dirigeait, parmi lesquels NZARIBARA alias GITENG, ont attaqué le domicile de
NYUMBAYIRE Sixte, qu’ils ont blessé celui-ci à la machette et l’ont laissé pour mort tel que
cela a été confirmé par NYUMBAYIRE Sixte lui-même qui a vu cette attaque, que le
Ministère Public demande au Tribunal de faire application des articles 21, 22, 24, et 312 du
Code pénal rwandais et de le condamner à la peine de mort pour avoir commis l’infraction de
tentative d’assassinat ;
Attendu qu’il dit que le Ministère Public demande au Tribunal de prononcer la dégradation
militaire visée à l’article 457 du Code pénal rwandais contre le sergent gendarme
BARAYAGWIZA ;
Attendu qu’il dit que les faits commis par le sergent gendarme BARAYAGWIZA Ildéphonse
le rattachent à la première catégorie tel que prévu par l’article 2 de la Loi organique n°08/96
du 30/08/1996, que le Ministère Public demande au Tribunal de faire application de l’article
14, a de la loi précitée et de le condamner à la peine de mort qui est la peine la plus sévère dès
lors que les infractions qu’il a commises sont en concours idéal tel que prévu par l’article 18
de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;
Attendu que la parole est accordée à Maître Ferdinand NZEPA, conseil du sergent
BARAYAGWIZA, pour présenter ses conclusions, qu’il commence par remercier le Tribunal
pour la manière dont les débats ont été dirigés, l’Auditorat Militaire et les parties civiles ;
56ème feuillet.
368
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’il dit que ce matin même certaines parties civiles se sont présentées à l’audience
et ont présenté leurs doléances, qu’il trouve que le Tribunal ne doit pas prendre ces demandes
en considération parce que tardives ;
Attendu que concernant le témoignage de BAYIHORERE Idrissa qui a déclaré avoir vu, à
partir de sa cachette, le sergent BARAYAGWIZA tuer Edouard et ses six petits frères, que le
conseil du prévenu relève que tout le monde a dit qu'Edouard n’avait que quatre petits frères,
qu'il trouve que le témoin a prétendu qu’Edouard avait six petits frères pour enfoncer son
client surtout qu’il avoue qu’une partie de son témoignage lui a été rapportée, qu’ainsi il
estime que ce témoignage ne doit pas non plus faire foi ;
Attendu qu’il dit que le témoignage de KAGERUKA Agnès est très confus, que par exemple
dans le procès-verbal établi lors de son audition, Agnès KAGERUKA soutient qu’elle devait
se marier le 02/04/1994, et qu’elle le lui a confirmé de vive voix;
Attendu qu’elle a prétendu qu’elle était séquestrée alors que le témoin CARITAS a dit qu’elle
sortait souvent de la maison et qu’elle conduisait les chèvres au pâturage, qu’il trouve très
étonnant que la personne dont on a tué le fiancé et 4 beaux-frères ait vécu avec le meurtrier de
ces derniers et qu’elle soit restée à ses côtés alors qu’elle avait la latitude de lui échapper ;
Attendu qu’il dit qu’il est également étonnant qu’elle ait déclaré avoir croisé le sergent
BARAYAGWIZA près de la brigade de la gendarmerie, juste à côté d’une boutique, et
qu’elle ne l’ait pas fait arrêter alors qu’elle savait qu’il avait tué ses proches;
Attendu qu’il poursuit en disant que les interrogatoires de KAGERUKA Agnès par le parquet
démontrent qu’elle ne dit pas la vérité car lors de son audition devant le Tribunal elle a dit que
la sœur de BARAYAGWIZA nommée Epiphanie venait de temps en temps à leur domicile, et
cela alors que dans son procès-verbal établi par le parquet elle a dit que EPIPHANIE résidait
chez eux, qu’en plus elle a déclaré devant le parquet qu’elle a fait la connaissance du sergent
BARAYAGWIZA en 1993 alors qu’à l’audience elle a dit qu’elle ne l’a connu qu’en 1994 ;
57ème feuillet.
369
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu que Me NZEPA continue en disant que la nommée Donatille a dit au Tribunal que le
sergent BARAYAGWIZA et Agnès KAGERUKA ont fui mais qu’elle ne saurait dire s’ils ont
pris la fuite ensemble, que néanmoins Agnès soutient qu’elle s’est soustraite à la surveillance
de BARAYAGWIZA pendant leur fuite, qu’elle s’est cachée par la suite dans des buissons où
elle est restée pendant trois semaines en menant une vie sauvage;
Attendu qu’il dit que telles sont les preuves sur lesquelles les témoins à charge fondent leurs
accusations, que cependant il s’agit de déclarations dénuées de fondement et sur lesquelles le
Tribunal ne saurait baser sa décision ;
Attendu que concernant François TWAGIRAYEZU et son fils, Me NZEPA dit que dans son
procès-verbal NYOMBAYIRE Sixte a accusé BARAYAGWIZA d’avoir tué des gens sans
fournir aucune explication, qu’il continue en disant qu’il a par la suite déclaré que c’est
BARAYAGWIZA et sa bande qui les ont tués, que sur base de cette déclaration le Ministère
Public a poursuivi le sergent BARAYAGWIZA du chef de cette prévention, mais qu’ayant
constaté que cette accusation était sans fondement, le Ministère Public a interrogé
MUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin, que pourtant après lecture
du procès-verbal de Marianne on se rend compte qu’elle ne dit nulle part qu’elle a été témoin
des faits mis à charge de son client, que par contre elle dit que cela lui a été rapporté par
KAZUNGU et MUZEHE, qu’ainsi ce témoignage ne doit pas être pris en considération dès
lors que NYUMBAYIRE prétend avoir tout vu à partir de sa cachette et que ce témoignage a
été fait tardivement, qu’en outre il est étonnant que tous ces témoins qui ont vu ces faits se
commettre en avril 1994 et qui n’ont jamais été malades depuis lors aient choisi de les
dénoncer aujourd’hui seulement ;
Attendu qu’il explique que ses propos n’ont pas pour objectif d’innocenter le sergent
BARAYAGWIZA, mais qu’il estime que le Ministère Public doit apporter les preuves
consistantes, qu’il ne s’oppose pas à ce que les témoins précités soient entendus, le but visé
étant de rendre les preuves plus compréhensibles, que s’agissant de ces témoignages il s’en
remet à la sagesse du Tribunal ;
Attendu qu’en ce qui concerne le rattachement de son client à la 1ère catégorie pour avoir
perpétré le crime de génocide, l’avocat de BARAYAGWIZA trouve que cette catégorisation
de son client est très sévère et qu’au regard de la loi elle n'est pas appropriée en ce sens que,
a-t-il poursuivi, l’Auditeur militaire a parlé des réunions qui se tenaient et des manifestations
qui étaient organisées sans pour autant accuser son client d’y avoir pris part ;
370
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’il dit que même s’il ne conteste pas la qualité de militaire du sergent
BARAYAGWIZA au moment des faits, qu’il est évident que ce dernier n’avait aucun pouvoir
par rapport au colonel RENZAHO et au conseiller KARUSHARA Rose ;
Attendu qu’il dit que son client n’avait aucun pouvoir de superviser ce qui se passait et de
sauver des vies humaines, qu’au regard de l’article 2, I a, b, c, d de la Loi organique n°08/96
il ne doit être rangé dans aucune catégorie ;
58ème feuillet.
Attendu qu’il dit que concernant l’infraction de tortures sexuelles il existe deux versions
divergentes, que d’après Agnès KAGERUKA, le sergent BARAYAGWIZA l’a emmenée
comme un butin de guerre lorsque les tueurs étaient venus à son domicile pour enlever son
mari et ceux qui s’y trouvaient, que pour sa part le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il
l’a emmenée en vue de pouvoir lui assurer la sécurité et qu’il n’a jamais eu de relations
sexuelles avec elle, que d’après Me NZEPA cela place le Tribunal dans une situation très
délicate dans la mesure où il y a également MUKAMFIZI qui déclare avoir entendu dire
qu’Agnès a été emmenée par HATEGEKA ;
Attendu qu’il dit que selon BARAYAGWIZA Ildéphonse, Agnès leur a envoyé le nommé
″Jeune″ pour leur dire d’aller la secourir, que de son côté Agnès dit qu’elle ne pouvait pas
sortir de la maison lorsqu’elle était chez le sergent BARAYAGWIZA, que la nommée
CARITAS a déclaré qu’elle se comportait comme la femme du sergent BARAYAGWIZA et
vaquait aux travaux ménagers quotidiennement, qu’ainsi Me NZEPA dit qu’on ne peut pas
accepter la thèse selon laquelle elle était séquestrée dès lors que les témoins affirment qu’elle
sortait de la maison et qu’elle n’a pas sollicité le concours de CARITAS pour lui trouver les
gens susceptibles de la sortir de là, d’où, conclut-il, BARAYAGWIZA n’est pas coupable de
l’infraction de tortures sexuelles car Agnès qui l’en accuse ne dit pas la vérité ;
Attendu qu’il dit que concernant l’infraction de tentative d’assassinat sur la personne de Sixte,
il existe également plusieurs versions parce que BARAYAGWIZA ne se trouvait pas à
KIMISAGARA le 08/04/1994, mais qu’il se trouvait bien chez sa sœur à CYAHAFI à la date
précitée, qu’il est venu à KIMISAGARA à partir du 11/04/1994 et qu’il ne pouvait donc pas
être à ces deux endroits au même moment ;
Attendu que Me NZEPA soutient qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier que
BARAYAGWIZA a massacré la famille de Sixte, surtout que Idrissa affirme que cette famille
a été massacrée à GAKINJIRO et que le Centre Hospitalier de Kigali où on dit que
371
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’il demande que le témoignage de CARITAS soit écarté parce que tardif, que la
déclaration de cette dernière selon laquelle elle a été violée par les gens qui étaient envoyés
par BARAYAGWIZA ne doit pas être prise en considération car elle n’avait jamais porté
plainte auparavant, que même si elle dit avoir été malade pendant toute une année, elle
pouvait toujours dénoncer ces faits après s’être rétablie, car il y a plein d’organisations d’aide
qui pouvaient lui prêter leur concours en cette matière;
Attendu qu’il fait remarquer qu’il y a un fait qui est resté inaperçu à savoir le pillage par les
enfants de Donatille des biens qui se trouvaient dans la maison de BARAYAGWIZA et que
BARAYAGWIZA a soutenu qu’Agnès a vu ceux qui ont pillé ces biens;
59ème feuillet.
Attendu qu’il dit que le Tribunal ne peut pas établir la culpabilité de BARAYAGWIZA sur
base des preuves qui ont été produites jusqu’à présent, qu’il continue en disant que
BARAYAGWIZA n’était sympathisant d’aucun parti politique, ni un militaire de grade
supérieur et qu’il était plutôt un simple agent, qu’au cas où le Tribunal aurait des preuves que
BARAYAGWIZA aurait commis ces faits, il constaterait qu’il les aurait commis comme un
simple agent, qu’il dit que personne ne doute que ces faits ont été commis par des groupes de
malfaiteurs, mais insiste sur le fait qu’il y a un doute quant à l’implication de
BARAYAGWIZA dans la perpétration de ces actes et que par voie de conséquence, ce doute
doit profiter au prévenu dès lors que nous sommes en matière répressive;
Attendu qu’invité à émettre son avis sur le présent procès, le sergent BARAYAGWIZA
Ildéphonse dit que son conseil a soulevé la plupart des points sur lesquels il devait insister,
qu’il voudrait simplement ajouter que l’Auditeur militaire a dit qu’il a attaqué le domicile de
Sixte le 18/04/1994, que pourtant ce dernier a soutenu au cours de son interrogatoire devant le
parquet que cette attaque a eu lieu le 08/04/1994, qu’il trouve donc que ces déclarations sont
très divergentes ;
Attendu qu’il dit que concernant François TWAGIRAYEZU, il y a un témoin qui soutient que
ce dernier résidait à GAKINJIRO tandis qu’un autre affirme qu’ils étaient des voisins, qu’à
son avis les déclarations faites par Agnès sont mensongères parce que le jour où il l’a trouvée
dans une boutique, elle ne l’a pas dénoncé aux militaires qui étaient non loin de là et qu’elle
n’a pas non plus porté plainte à la Brigade, qu’elle a plutôt décidé de le dénoncer
ultérieurement à cause de ses biens qu’elle a détournés, et que pour arriver à ses fins Agnès
l’a accusé de menaces, qu’à la suite de cette accusation BARAYAGWIZA a été arrêté, et
ensuite remis en liberté par un agent des services de renseignements nommé RUKUNDO
après que celui-ci eût constaté qu’il était innocent ;
Attendu que BARAYAGWIZA dit que dans son procès-verbal, il a réfuté l’accusation selon
laquelle il a blessé Sixte à la machette parce que, soutient-il, il ne se trouvait pas chez lui à ce
moment-là, qu’il ne comprend pas comment Sixte a été au courant de la situation qui a
prévalu après qu’il fut blessé, ni la façon dont il a été évacué par le conseiller avec le
concours des militaires qui montaient la garde au bureau de secteur, encore moins comment il
a eu le temps de revenir à cet endroit pour envoyer son épouse solliciter le concours du
conseiller, qu’ensuite il fait observer que Sixte a déclaré l’avoir vu dispenser des
entraînements militaires aux gens pour pouvoir établir sa participation au génocide ;
372
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Attendu qu’il dit qu’il n’était membre d’aucun parti politique et qu’il n’a participé à aucun
meeting politique ;
Attendu qu’il dit que concernant les accusations de Idrissa, son oncle maternel HARUNA et
Donatille Caritas en ont parlé, qu’il poursuit en disant que certaines personnes lui ont dit que
sa maison aurait été vendue et que cela pourrait avoir servi de prétexte à ses accusateurs pour
le charger ;
Attendu qu’il dit avoir déclaré que KALISA a été tué par les militaires du camp HUYE, que
s’agissant des accusations portées contre lui par Idrissa, il se demande comment ce dernier a
pu observer les faits dont il le charge à partir de sa cachette, qu’il trouve très étonnant que
ceux qui le chargent aujourd’hui ne l’ont pas dénoncé dès son retour dans le quartier;
Attendu qu’il procède à la lecture de la lettre qui lui a été adressée par son collègue ex-
gendarme qui, à cette époque, a rallié la jeunesse de la branche modérée (Amajyojyi) du
M.D.R. dont TWAGIRAMUNGU était le chef, qu’il dit que ce gendarme possédait une
boutique sur la route et participait activement aux activités des partis politiques, qu’il pense
que les gens le confondent avec ce gendarme, que pour ce faire il estime qu’il appartient au
Tribunal d’apprécier souverainement les allégations de ceux qui l’accusent;
60ème feuillet.
Attendu qu’il estime que les déclarations faites par SEDARI au cours de son audition
semblent lui avoir été extorquées parce que SEDARI lui-même déclare ignorer le procès
verbal qui a été établi à cette occasion, que tantôt SEDARI dit que les déclarations qu’il a
faites lui ont été rapportées par Félicien qui construisait la maison de BARAYAGWIZA et
tantôt qu'il voyait BARAYAGWIZA à partir de sa maison où il se cachait ;
Attendu qu’il dit que MUKAZITONI sait de quoi elle parle car elle dit l’avoir vu en tenue
militaire et en possession d’un fusil, que pourtant invitée à dire s’il était un militaire encore en
service, elle a répondu qu’elle croyait qu’il était un sergent gendarme ;
Attendu qu’il dit qu’il ne s’est pas exilé et qu’il n’est pas revenu sous la contrainte de
l’A.P.R., qu’après son retour, le Département des Renseignements Militaires a tenu à tout
contrôler en ce qui le concerne, qu’en outre il déclare avoir avoué quelques-unes des
infractions qui lui sont reprochées et présenté ses excuses par écrit, qu’il demande au Tribunal
d’examiner les preuves qu’il a produites en toute clairvoyance et de le rétablir dans ses
373
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
droits ;
Attendu que l’avocat de la défense est prié de déposer ses conclusions écrites endéans trois
jours ;
Constate que l’action du Ministère Public est recevable et qu’elle est régulière en la forme ;
Constate que, conformément à sa décision prise au début du procès, ce Tribunal est compétent
pour juger cette affaire parce que le sergent gendarme BARAYAGWIZA était un militaire de
l’A.P.R. lors de son arrestation, car il avait terminé la formation militaire et avait été réintégré
dans l’armée tel que prévu par l’article 8 de la Déclaration du F.P.R. relative à la mise en
place des institutions le 17 juillet 1994 ;
61ème feuillet.
Constate que, à l’image de ce qui s’est passé partout au Rwanda, des massacres ont été
commis contre la population Tutsi des secteurs CYAHAFI et KIMISAGARA de la Préfecture
de la Ville de Kigali tel que de nombreux témoignages faits devant le Tribunal l’ont
démontré ;
374
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
dès lors que, tel qu’explicité plus haut, les gens qu’il a entraînés étaient destinés à commettre
des tueries ;
Constate que d’après le témoignage fait par NYUMBAYIRE Sixte, c’est l’attaque à laquelle
prenait part le sergent BARAYAGWIZA qui a coûté la vie à TWAGIRAYEZU François qui
travaillait au ″ MANUMETAL″ et à son fils aîné en date du 07/04/1994 à 16 heures, que cela
a également été dit par MUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin dans
leurs témoignages et que tous ces témoins ont suivi ces faits de près ;
Constate que les assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse, ont
attaqué la famille NYUMBAYIRE Sixte en date du 08/04/1994 à 5 heures du matin, qu’ils
l’ont sérieusement blessé à la machette avant de le laisser pour mort, qu’il a cependant
survécu à ses blessures par la suite tel que NYUMBAYIRE l’a lui-même expliqué au
Tribunal ;
Constate que les circonstances dans lesquelles Agnès est allée chez BARAYAGWIZA sont
très confuses dès lors que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’Agnès a, à maintes reprises et à
travers des messagers qu’elle lui envoyait, sollicité son concours pour l’aider à quitter le
domicile de HATEGEKA, que c’est ce dernier qui , après avoir tué le mari d’Agnès, a forcé
cette dernière à vivre avec lui, qu’en réponse à cette déclaration, Agnès dit que c’est plutôt
BARAYAGWIZA qui lui a imposé une cohabitation forcée après avoir tué son mari
Edouard ;
62ème feuillet.
Constate qu’Agnès dit qu’elle s’est échappée de chez BARAYAGWIZA trois semaines avant
que la population fuie en masse, et qu’elle s’est cachée dans des buissons où elle a mené une
vie sauvage, que de leur côté les voisins du sergent BARAYAGWIZA, parmi lesquels
MUKAMAZIMPAKA Marianne et MUKASHEMA Caritas, soutiennent qu’Agnès se
trouvait Chez le sergent BARAYAGWIZA jusqu’au moment de la fuite massive de la
population, cette déclaration étant corroborée par le fait que le sergent BARAYAGWIZA
reconnaît être arrivé à MUSASA en compagnie d’Agnès, que donc toutes ces déclarations
créent un sérieux doute dans l’esprit du Tribunal quant à la véracité de la déclaration faite par
Agnès ;
Constate également que le fait que le sergent BARAYAGWIZA soit parti voir Agnès dans sa
boutique à elle à GIKONDO et que, l’ayant vu, elle ne l’a pas dénoncé auprès des instances
habilitées renforce le doute du Tribunal quant à la responsabilité du sergent
BARAYAGWIZA dans l’assassinat de NDENGEYINGOMA Edouard, ex-mari d’Agnès
KAGERUKA, et dans le viol dont elle a été l’objet ;
Constate que les motifs développés dans le 4ème Constate font douter le Tribunal quant au
véritable meurtrier de NDENGEYINGOMA Edouard et quant à l’infraction de viol dont
Agnès KAGERUKA a été victime, qu’ainsi le doute du Tribunal doit profiter au prévenu ;
375
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Constate que suite au doute qui s’est installé dans l’esprit du Tribunal, l’assassinat de
NDENGEYINGOMA Edouard n’est pas établi à charge du sergent gendarme
BARAYAGWIZA Ildéphonse ;
Constate que l’infraction de pillage reconnu par le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse lui-
même est établie à sa charge;
Constate que les faits reprochés au sergent BARAYAGWIZA le rattachent à la 2ème catégorie
parce qu’ils le rangent parmi les meurtriers qui ne relèvent pas de la 1ère catégorie, et cela
conformément à l’article 2 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;
Constate que l’action en dommages et intérêts est recevable parce que régulière en la forme;
Constate que, étant classé dans la 2ème catégorie, le sergent BARAYAGWIZA n’est
responsable que pour les dommages qu’il a personnellement causés à ses victimes et à leurs
biens tel que prévu par l’article 30 alinéa 2 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;
Constate que l’Etat rwandais ne doit pas être condamné solidairement avec le sergent
BARAYAGWIZA à payer les dommages et intérêts parce que ce dernier n’exerçait aucune
fonction étatique au moment des faits ;
Constate que des dommages moraux doivent être allouées à la famille TWAGIRAYEZU
François représentée par Maître KANZAYIRE Bernadette compte tenu de ses liens de
parenté avec TWAGIRAYEZU François et TWAGIRAYEZU Félix, que des dommages
matériels doivent être accordés à cette famille en fonction des 13 ans qui restaient à
TWAGIRAYEZU François pour atteindre l’âge de la retraite fixé à 55 ans, que les dommages
matériels doivent également être alloués à NYUMBAYIRE Sixte tel que Maître
376
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
GASARABWE Claudine, son conseil, les a détaillés dans les conclusions qu’elle a remises au
Tribunal ;
Constate que les dommages moraux réclamés par la famille de feu TWAGIRAYEZU
François et de feu TWAGIRAYEZU Félix sont très excessifs et que le Tribunal doit les
évaluer ex aequo et bono ;
64ème feuillet.
Vu la Loi fondamentale telle que modifiée le 18 janvier 1996 spécialement en son article 3 ;
Vu la Loi du 23 février 1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée par le
Décret-loi n°07/82 du 07 janvier 1982 et par la Loi n°09/96 du 08 septembre 1996
spécialement en ses articles 16, 17 al.1, 19, 20, 58, 61, 62, 67, 71, 75,7 6, 78, 80, 84, 90 et
138 ;
Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er
octobre 1990 spécialement en ses articles 2 et 14 ;
Vu le Code pénal rwandais spécialement en ses articles 21, 22, 24, 281, 282, 312, 360, 361 et
457 ;
65ème feuillet.
Déclare que la prévention d’association de malfaiteurs est établie dans le chef du sergent
BARAYAGWIZA et qu’il doit en être puni ;
377
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
BARAYAGWIZA Ildéphonse;
Déclare que le crime de génocide est établi dans le chef du sergent BARAYAGWIZA et qu’il
doit en être puni ;
Déclare que les préventions de tortures sexuelles et de viol des femmes Tutsi ne sont pas
établies à charge du sergent BARAYAGWIZA ;
Déclare que les préventions établies à charge de BARAYAGWIZA le rangent dans la 2ème
catégorie ;
66ème feuillet.
b) Les dommages matériels pour les biens détruits et pillés : 20.950.000 Frw
Le total des dommages et intérêts alloués à NYINAWABAGUNGA Liberata :
43.000.000 Frw + 8.533.512 Frw + 20.950.000 Frw = 72.483.512 Frw
378
R.M.P: 1663/AM/KGL/NZF/97 LE CONSEIL DE GUERRE
R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998
Lui ordonne de payer ce droit proportionnel de 48.100 Frw dans les délais légaux sous
peine de s’exposer, en cas de défaillance, à une contrainte par corps de 20 jours suivie
d’une exécution forcée sur ses biens ;
LE SIEGE
PRESIDENT
Jeannot RUHUNGA
LT
(Sé)
JUGE JUGE
GREFFIER
379
ANNEXES
381
382
TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS
(les chiffres renvoient aux numéros des décisions).
B. :
BIZIMANA Antoine, N° 4.
G. :
GASANA Appolinaire, N°12.
K. :
KANYIJUKA Célestin, N°14.
M. :
MUKAKAYIJUKA Hadidja, N°9.
N. :
NEMEYIMANA Israël, N°15.
R. :
RWAMULINDA Antoine et Consorts, N°3
383
384
INDEX ANALYTIQUE.
(Les chiffres renvoient aux numéros des décisions).
A
Absence de condamnation: 16;
Acquittement: 1; 2; 3; 7; 8; 10; 12; 13; 15; 16; 17;
Actes de torture sexuelles: 17;
Action civile: 3; 5; 7; 17;
disjonction de : 2; 14;
fondement de : 1;
lien de causalité : 1; 4; 6;
Appel: 13; 14; 15; 16;
Arrestation illégale: 3;
Assassinat: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 10; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17;
Association de malfaiteurs: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 12; 13; 14; 15; 17;
Attentat ou complot (ayant pour but de porter dévastation): 2; 5; 7; 10; 12; 13; 16; 17;
Aveux:
partiels: 3; 6; 7; 17;
complets et sincères: 1; 2; 3; 6; 7; 12;
tardifs:
rétractation d': 2;
validité/ recevabilité: 1; 2;
C
Catégories (Loi Organique 30/08/96):
ère
1 catégorie:
(instigateurs, position d'autorité, grands meurtriers, actes de torture sexuelle)
2; 3; 5; 6;
2ème catégorie:
(auteurs, coauteurs, ou complices d'homicides volontaires ou d'atteintes graves contre les
personnes ayant entraîné la mort).
1; 2; 3; 5; 7; 11; 12; 14; 17;
3ème catégorie:
(personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant coupable
d'autres atteintes graves à la personne).
4; 9;
4ème catégorie:
(personnes ayant commis des infractions conte les propriétés).
8;
Circonstances atténuantes: 2; 7;
Compétence du tribunal: 17;
Complicité: 5; 14; 15; 16;
Concours d'infractions:
− concours idéal: 5; 6; 7; 11; 12;
− concours réel: 2 ;
Condamnation in solidium: 1;
385
(prévenu et Etat).
D
Dégradation (infraction contre la propriété): 1; 2;
Dégradation civique: 1; 2; 3; 4; 6; 7; 12; 14;
Dégradation militaire: 17;
Déontologie des avocats : 2;
Descente du tribunal sur le terrain: 1; 4; 9; 10; 11; 16;
Destruction (infraction contre la propriété): 2; 3; 4; 5; 16;
Détention illégale (armes): 2;
Dévastation: 1;
Diminution de peine: 3; 6; 7; 11;
Dommages et intérêts:
− matériels: 1; 6; 7
− moraux: 1; 3; 5; 6; 7
Double incrimination:
Doute:
− bénéfice de: 8; 12; 13; 17;
− sur la culpabilité: 12; 13;
Droits de la défense: 1; 2; 8; 9; 13; 14; 17;
E
Egalité des armes: 12;
Egalité devant la loi:
Elément intentionnel: 11; 12; 17;
Elément matériel:
Emprisonnement:
− à temps: 2; 3; 6; 7; 9; 11; 12;
− à perpétuité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14; 17;
Enlèvement et séquestration: 12;
Enquête: 2; 5; 16;
Exception d'incompétence:
Excuses: 6;
F
Fonds d'indemnisation des victimes:
G
Grâce:
Grands meurtriers: 1; 5;
Grands responsables:
386
Huis clos: 4;
I
Incitation au soulèvement des citoyens les uns contre les autres: 13;
J
Jonction de dossiers: 2;
Juridictions militaires: 17;
L
Libération
conditionnelle:
immédiate: 1; 3; 7; 8; 10; 12; 16;
M
Massacres:
Menaces d'attentat contre les personnes: 9;
Meurtres: 2; 12;
Minorité (excuse de): 11;
Mise à disposition du gouvernement:
Motivation (jugement): 13;
N
Non assistance à personne en danger: 2; 4; 6; 13;
O
Obéissance aux ordres d'un supérieur:
Opposition: 15;
P
Peine de mort: 2; 3; 5;
Port illégal d'armes: 9;
Preuve:
− absence de: 1; 2; 7; 8; 9; 12; 15; 16;
− administration de la: 4; 5; 6; 12; 13;
− admissibilité de la:
− charge de la : 3;
− force probante des: 1; 2; 4; 7; 9; 13; 15;
− insuffisance de: 8; 9; 13;
− production de pièces:
Procédure d'aveu et
de plaidoyer de culpabilité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14;
Q
Qualification:
R
Responsabilité civile:
387
- de l'auteur: 17;
- des ayants droits:
- de l'Etat: 1; 17;
Responsabilité pénale individuelle: 8; 9;
S
Sursis: 8;
Suspicion légitime: 4;
T
Témoignages:
− a charge : 1; 2; 3; 4; 6; 8; 11; 12; 16; 17;
− a décharge : 1; 2; 3; 4; 8; 11; 12; 16;
− concordants: 1; 3; 5; 6; 11;
− confus:
− contradictoires: 4; 7; 8; 9; 10;
− faux témoignages: 4; 10;
− indirects : 10;
− non - probants: 2;
− récusation de : 7; 11; 12;
− validité des :
Tentative d'assassinat: 2; 17;
Torture: 9;
U
Usurpation de fonctions ou titres: 2;
V
Viol: 9; 17;
Violation de domicile: 2; 4; 9; 14;
Violation de la loi : 16;
Voies de recours:
− appel:
− cassation:
− opposition:
Vol:
Vol avec violences: 2; 15;
Z
Zèle et méchanceté excessive : 1; 5;
388
LOI ORGANIQUE N° 08/96 DU 30/08/96
SUR L’ORGANISATION DES POURSUITES DES INFRACTIONS
CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE
L’HUMANITE, COMMISES A PARTIR DU 1ER OCTOBRE 1990
Article premier
La présente loi organique a pour objet l’organisation et la mise en jugement des personnes
poursuivies d’avoir, à partir du 1er octobre 1990, commis des actes qualifiés et sanctionnés par le
code pénal et qui constituent :
a) Soit des crimes de génocide ou des crimes contre l’humanité tels que définis dans la
Convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, dans
la Convention de Genève du 12 août 1948 relative à la protection des personnes civiles en
temps de guerre et les Protocoles additionnels, ainsi que dans celle du 26 novembre 1968 sur
l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées
par le Rwanda ;
b) Soit des infractions visées au Code pénal qui, selon ce qu’allègue le Ministère Public ou
admet l’accusé, ont été commises en relation avec les événements entourant le génocide et les
crimes contre l’humanité.
CHAPITRE II : DE LA CATEGORISATION
Article 2
Selon les actes de participation aux infractions visées à l’article 1 de la présente loi organique,
commises entre le 1 octobre 1990 et le 31 décembre 1994, la personne poursuivie est classée
dans l’une des catégories suivantes :
Catégorie 1.
a) La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les
planificateurs, les organisateurs, les superviseurs et les encadreurs du crime de génocide ou des
crimes contre l’humanité ;
c) Le meurtrier de grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partout
où il est passé, à cause du zèle qui l’a caractérisé dans les tueries, ou de la méchanceté excessive
avec laquelle elles ont été exécutées ;
389
La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les auteurs,
coauteurs ou complices d’homicides volontaires ou d’atteintes graves contre les personnes ayant
entraîné la mort.
Catégorie 3.
La personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant coupable
d’autres atteintes graves à la personne.
Catégorie 4.
Article 3
Pour l’application de la présente loi organique, le complice est celui qui aura prêté une
aide indispensable à commettre l’infraction, ou qui, par n’importe quel moyen, aura soustrait
aux autorités les personnes dont il est question à l’article 2 de la présente loi organique ou aura
omis de fournir des renseignements à leur sujet.
Le fait que l’un quelconque des actes visés par la présente loi organique a été commis par
un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s’il savait ou avait des
raisons de croire que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que le
supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour en punir les auteurs ou pour
empêcher que ledit acte ne soit commis alors qu’il en avait les moyens.
CHAPITRE III :
DE LA PROCEDURE D’AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE
Article 4.
Article 5.
Toute personne ayant commis des infractions visées à l’article 1 a le droit de recourir à la
procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.
Ce droit, qui ne peut être refusé, peut être exercé en tout temps avant la communication
390
du dossier répressif au président de la juridiction. Il ne peut être exercé qu’une seule fois et il
peut y être renoncé tant que l’intéressé n’a pas encore avoué devant le siège.
Sans préjudice aux dispositions de l’alinéa 1er, les personnes relevant de la catégorie 1
prévue à l’article 2, ne peuvent bénéficier des réductions de peine prévues aux articles 15 et 16.
Article 6
Pour être reçus au titre d’aveux au sens de la présente section, les aveux doivent
comprendre :
Les aveux doivent être recueillis et transcrits par un officier de Ministère Public.
Si les aveux sont transmis par écrit, l’officier de Ministère Public en demande confirmation. En
présence de l’officier du Ministère Public, le requérant signe ou marque d’une empreinte digitale
le procès-verbal contenant les aveux ou la confirmation et s’il y en a un, le document remis par
le requérant. L’officier du Ministère Public signe le procès-verbal.
Article 7
Article 8
391
En cas d’acceptation de l’aveu et de l’offre de plaidoyer de culpabilité, le Ministère
Public clôture le dossier en établissant une note de fin d’instruction contenant les préventions
établies par l’aveu et il communique le dossier à la juridiction compétente pour en connaître.
Article 9
Au fur et à mesure que les enquêtes progressent, une liste des personnes poursuivies ou
accusées d’avoir commis des actes les rattachant à la première catégorie est dressée et mise à
jour par le Procureur général près la Cour Suprême. Cette liste sera publiée trois mois après la
publication de la présente loi organique au Journal Officiel et republiée périodiquement par la
suite pour refléter les mises à jour.
Par dérogation aux dispositions de l’article 5 alinéa 3, la personne qui aura présenté les
aveux et une offre de plaidoyer de culpabilité sans que son nom ait été préalablement publié sur
la liste des personnes de la première catégorie, ne pourra pas entrer dans cette catégorie, si les
aveux sont complets et exacts. Si ses faits avoués devaient faire rentrer cette personne dans la
première catégorie, elle sera classée dans la deuxième.
Les personnes qui auront présenté leurs aveux avant la publication de la liste des noms
des personnes de la première catégorie sont classées dans la deuxième si c’est là que les rangent
les infractions commises.
S’il est découvert ultérieurement des infractions qu’une personne n’avait pas avouées,
elle sera poursuivie, à tout moment, pour ces infractions et pourra être classée dans la catégorie à
laquelle la rattachent les infractions commises.
Article 10
392
successivement leur défense à l’action civile ou toute autre déclaration pour atténuer leur
responsabilité ;
10. Le siège reçoit le plaidoyer de culpabilité et les débats sont déclarés clos.
Article 11
Article 12
Si, au cours de l’audience, le siège détermine que ne sont pas réunies les conditions mises
à la validité de l’aveu et du plaidoyer de culpabilité, il prononce un jugement de rejet de la
procédure d’aveu. Il en est de même si le prévenu a renoncé à la procédure d’aveu.
La juridiction peut qualifier autrement les faits dont elle est saisie. La disqualification par
le siège d’un fait avoué n’emporte pas le rejet de la procédure d’aveu et de plaidoyer de
culpabilité. Par contre, le siège ordonne la réouverture des débats afin que, avisé de la nouvelle
qualification, l’accusé puisse confirmer son choix de recourir à la procédure d’aveu et de
plaidoyer de culpabilité, ou y renoncer.
Article 13
Article 14
Les peines imposées pour les infractions visées à l’article 1 sont celles prévues par le
code pénal, sauf :
d) que les actes commis par les personnes de la catégorie 4 donnent lieu à des réparations
393
civiles par voie de règlement à l’amiable entre les parties intéressées avec le concours de
leurs concitoyens et à défaut, il est fait application des règles relatives à l’action pénale et
à l’action civile. Si le prévenu est condamné à une peine d’emprisonnement, il est sursis à
l’exécution de la peine. Pour l’application du présent article en son point (d), les
conditions fixées par l’article 97 du code pénal ne sont pas observées.
Article 15
Article 16
Article 17
Article 18 :
En dépit de l’article 94 du code pénal, seront prononcées les peines déterminées par la
qualification la plus sévère lorsqu’il y a concours idéal ou matériel d’infractions.
Article 19 :
Il est créé au sein des Tribunaux de première instance et juridictions militaires des
chambres spécialisées ayant la compétence exclusive de connaître des infractions visées à
l’article 1.
394
simultanément.
Au moins un de ces sièges est composé de magistrats pour enfants qui connaissent
exclusivement des infractions visées à l’article 1 et commises par les mineurs.
Dans les limites du ressort territorial du tribunal et sur décision de son président, une
chambre spécialisée peut avoir plusieurs sièges, pouvant siéger comme chambres itinérantes aux
endroits et pour la durée qu’il détermine.
En cas de privilège de juridiction en matière personnelle, les chapitres V et VI de la
présente loi organique ne sont pas applicables.
Article 20 :
Les affectations des magistrats de carrière et la désignation des Présidents des Chambres
Spécialisées des Tribunaux de première instance sont arrêtées par ordonnance du Président de la
Cour Suprême, sur décision du collège du Président et des Vice-présidents de la Cour Suprême.
Les magistrats de carrière sont choisis parmi ceux du Tribunal de première instance dont fait
partie la Chambre spécialisée.
Article 21 :
Le siège des Chambres spécialisées est composé de trois magistrats, dont le président est
désigné par le Président de la Chambre.
Article 22 :
Les Officiers du Ministère Public près les chambres spécialisées des Tribunaux de
première instance sont désignés par le Procureur général près la Cour d’Appel parmi ceux du
Parquet de la République sur proposition du Procureur de la République. Ils sont dirigés par un
premier substitut commissionné à cet effet.
Les Officiers du Ministère Public du Parquet général près la Cour d’Appel chargés des
affaires portées au degré d’appel devant cette Cour sont désignés par le Procureur général près la
Cour Suprême sur proposition du Procureur Général.
Article 23 :
395
Les Officiers du Ministère Public près la chambre spécialisée du Conseil de Guerre sont
désignés et dirigés par l’Auditeur militaire.
L’Auditeur militaire général près la Cour Militaire désigne et dirige les officiers du
Ministère Public chargés des affaires portées devant cette juridiction.
Article 24 :
Seul l’appel sur les questions de droit ou des erreurs de fait flagrantes est recevable.
Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt du dossier devant la juridiction d’appel,
celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité du recours. Dans l’hypothèse où il est jugé
recevable, la juridiction d’appel statue sur pièces quant au fond.
Les jugements avant dire droit ne sont pas susceptibles d’appel. Il en est de même des
jugements rendus sur acceptation de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, sauf en
matière d’intérêts civils.
Article 25 :
Par dérogation à l’article 24, dans le cas où la juridiction d’appel, saisie après un
jugement d’acquittement au premier degré, prononce la peine de mort, le condamné dispose d’un
délai de quinze jours pour se pourvoir en cassation. La Cour de Cassation est compétente pour se
prononcer sur le fond de l’affaire. Seul le pourvoi fondé sur des questions de droit ou des erreurs
de fait flagrante est recevable.
Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt du dossier devant la Cour de Cassation,
celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité du recours. Dans l’hypothèse où il est jugé
recevable, la Cour statue sur pièces quant au fond. L’arrêt n’est susceptible d’aucun recours.
Article 26 :
Dans un délai de trois mois suivant le prononcé, le Procureur Général près la Cour
Suprême peut, d’initiative mais dans le seul intérêt de la loi, se pourvoir en cassation contre toute
décision en degré d’appel qui serait contraire à la loi.
396
Article 27 :
Le Ministère Public représente, d’office ou sur demande, les intérêts civils des mineurs et
autres incapables dépourvus de représentants légaux.
Article 28 :
Article 29 :
Les victimes, agissant à titre individuel ou par des associations légalement constituées
représentées par leur représentant légal ou par un représentant spécial qu’elles désignent
conformément à leurs statuts, peuvent requérir la mise en mouvement de l’action publique par
requête motivée transmise au Procureur de la République du ressort. La requête vaut
constitution de partie civile. La partie civile est exemptée du paiement des frais de justice.
Si, à l’expiration d’un délai de six mois à compter du dépôt de la requête, le Ministère
Public n’a pas saisi la juridiction compétente, la partie civile peut la saisir par citation directe.
Dans ce cas, la charge de la preuve incombe à la partie civile. La partie civile est exemptée du
paiement des frais de justice.
La condamnation, au civil et au pénal, est susceptible d’appel, selon les modalités fixées
à l’article 24. L’acte d’appel doit également être notifié au cité. La juridiction d’appel évoque de
plein droit l’ensemble de l’affaire.
Article 30 :
Les personnes relevant des catégories 2, 3 ou 4 encourent la responsabilité civile pour les
actes criminels qu’elles ont commis.
Sans préjudice des droits des victimes présentes ou représentées au procès, la juridiction
saisie alloue des dommages et intérêts, sur requête du Ministère Public, en faveur des victimes
non encore identifiées.
Article 31 :
397
La juridiction saisie de l’action civile se prononce sur les dommages et intérêts même si
l’accusé est décédé en cours d’instance ou s’il a bénéficié d’une amnistie.
Article 32 :
Les dommages et intérêts alloués en faveur des victimes non encore identifiées sont
versés dans un Fonds d’indemnisation des victimes dont la création et le fonctionnement sont
régis par une loi particulière. Avant l’adoption de la loi portant création de ce Fonds, les
dommages et intérêts alloués sont versés au compte bloqué ouvert à la Banque Nationale du
Rwanda à cette fin par le Ministre ayant les affaires sociales dans ses attributions et ce fonds ne
pourra être affecté qu’après l’adoption de ladite loi.
Article 33 :
Le Ministère Public peut citer en justice les personnes qui n’ont pas de domicile ni de
résidence connus au Rwanda ou qui se trouvent à l’extérieur du territoire, et contre lesquelles il
existe des preuves concordantes ou des indices sérieux de culpabilité, qu’elles aient pu être ou
non préalablement interrogées par le Ministère Public.
Article 34 :
Article 35 :
L’incident ou la demande peut être joint au fond ou il peut y être statué par jugement sans
recours.
Article 36 :
Article 37 :
398
L’action publique et les peines relatives aux infractions constitutives de génocide ou des
crimes contre l’humanité sont imprescriptibles.
Article 38 :
En attendant la publication de la loi générale sur le crime de génocide et les crimes contre
l’humanité, quiconque commet, après le 31 décembre 1994, un des actes constitutifs de ces
crimes, sera puni des peines prévues par le code pénal, et ne peut bénéficier des réductions de
peines comme prévu par la présence loi.
Article 39 :
Sauf dispositions contraires à la présente loi organique, toutes les règles de droit,
notamment celles contenues dans le code pénal, dans le code de procédure pénale et dans le code
d’organisation et de compétence judiciaires, demeurent d’application.
Article 40 :
La présente loi organique est rédigée dans les trois langues officielles de la République
Rwandaise, mais le texte original reste celui rédigé en kinyarwanda.
Article 41 :
Kigali, le 30/08/1996
399
400
REMERCIEMENTS
La méthode d'indexation et la liste des verbo ont été élaborées en collaboration avec le Centre Droits
fondamentaux et lien social de la Faculté de Droit des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur-
Belgique).
Sorti de presse en 2003
Dépôt légal : D/2003/9711/3
© ASF-B, 2003
ISBN 90-77321-039