Vous êtes sur la page 1sur 379

Université Montesquieu-Bordeaux 4

École Doctorale de Droit (E.D. 41)

DOCTORAT en DROIT

Kaline Santos Ferreira

LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF EN DEHORS DU JUGE

Étude comparée des Droits Français et Brésilien

Thèse dirigée par M. Alioune Badara Fall, professeur

Soutenue le .. …….. ….

Jury :

M. Celso Luiz Braga de Castro


Professeur à l’Université Fédérale de Bahia

M. Jean du Bois de Gaudusson


Professeur Émérite à l’Université Montesquieu Bordeaux IV

M. Manoel Jorge e Silva Neto


Professeur à l’Université Fédérale de Bahia

M. Pierre Delvolvé
Professeur Émérite l'Université Panthéon-Assas Paris II
rapporteur,
Remerciements

Mes remerciements le plus sincères s’adressent au Professeur Alioune Badara Fall pour avoir
dirigé cette thèse et m’avoir permis de la réaliser dans les meilleures conditions. Je remercie
aussi au CERDRADI et particulièrement à Madame Maryse Dubos et aux doctorants
Monsieur Djibril, Monsieur Ouro-Bodi e Monsieur Diompy.
Mes remerciements s’adressent ensuite au Professeur Pierre Delvolvé qui m’a accueilli à Paris
et qui a bien voulu me consacrer un temps que je lui sais précieux.
Je tiens à remercier les deux organismes brésiliens, l’Advocacia-Geral da União e
l’Université Fédérale de Bahia, par la concession du congé qui m’a permis de faire cette thèse
en France.
Un merci tout particulier à Chantal Spielmann, à Fabrice et Carla Lesseur, à Caroline
Fernandez, à Emmanuelle Bouscatié (à toute la communauté du Pontet), à Cristina Audoin et
à Luanda Belucci pour l’aide inconditionnelle qu’ils m’ont apportée durant la préparation de
cette thèse et aussi pour leurs encouragements répétés au cours de la rédaction de ce travail.
J’adresse mes remerciements aux membres du jury d’avoir accepté de juger ce travail.

2
à Alessander

3
_____________________________________________________________

RÉSUMÉ

Cette thèse traite des modes alternatifs de contentieux administratifs entre l'État et les
particuliers. Il s’agit d’une étude comparée entre le système français et le système brésilien.
Au Brésil, les procédures alternatives ne sont guère utilisées et les juridictions se voient
submergées par des recours de plus en plus nombreux. En France, le manque d’efficience des
modes déjà implantés fait que la justice administrative se retrouve également encombrée.
Notre proposition est d'analyser les diverses formes alternatives de solution des litiges :
conciliation, médiation et arbitrage au Brésil et en France. L'importance de cette recherche se
situe essentiellement au niveau de la contribution sociale qu'elle pourra apporter à la société
brésilienne et à la société française. Cette thèse se propose de présenter une nouvelle option
au contentieux traditionnel : des mécanismes en dehors du juge capables de garantir une
communication entre l'administration publique et les particuliers.

MOTS CLÉS : Contentieux en dehors du juge – procédure administrative – modes


alternatifs
___________________________________________________________________________

ABSTRACT

This thesis deals with alternative ways to administrative litigations between the State and
private individuals. This is a comparative study between the French and the Brazilian system.
In Brazil, alternative procedures are rarely used and therefore, courts of law are inundated
with more and more appeals. In France, the lack of efficiency of already existing ways makes
the administrative justice as inundated. We suggest analyzing the various alternative ways to
litigations: conciliation, mediation and arbitration in Brazil and in France. The importance of
this research mainly lies in the social contribution it will bring on to the Brazilian and the
French society. This thesis will offer a new option to traditional litigations: mechanisms
which do not require a judge and which are able to guarantee a real communication between
the public Service and private individuals.

KEY WORDS: Litigation outside the judge - Administrative Procedure - Alternative


___________________________________________________________________________
CERDRADI - Centre d’Études et de Recherches sur les Droits Africains et sur le Développement Institutionnel
des pays en développement.

4
ABREVIATIONS
I. Ouvrages, annuaires et revues :

AJDA : Annuaire juridique. Droit administratif Bull.


CDE : Cahiers de droit Européen
CE : Bulletin des Communautés Européennes
Gaz. Pal. : La Gazette du Palais
JCP : Semaine juridique. Juris-classeur périodique, édition générale
JCP A :Semaine juridique Edition Administration et Collectivités territoriales
LPA : Les petites affiches RAE : Revue des affaires
DCAP : “Revista de Direito Administrativo Contabilidade e Administração”
RAPO : Recours Administratif Préalable Obligatoire
RDUE : Revue du Droit de l’Union Européenne
Rec. Dalloz : Recueil Dalloz Rép. Dalloz
RFAP : Revue Française d’Administration Publique
RFDA : Revue Française de Droit Administratif
RFDUERJ : “Revista da Faculdade de Direito da Universidade do Rio de
Janeiro”
RGCT : Revue Général des Collectivités Territoriales
RIDC : Revue Internationale de Droit Comparé
RJDA :Revue Juridique de Droit Administratif
RJEP : Revue Juridique de l’Économie Publique
RRJ : Revue de la Recherche Juridique
RT : Revue des Tribunaux
RTDE : Revue Trimestrielle de Droit Européen

II. Institutions, organisations, associations maisons d’édition et


entreprises :

AAI : Autorités administratives Indépendantes


AR : Agence Régulatrice
ART : Autorité de Régulation de Télécommunication
l'Afssaps : l'Agence française de Sécurité Sanitaire des Produits

5
de Santé
AGU : Advocacia Générale de la République(Advocacia-Geral da União)
BNDES : Banque Nationale du Développement
CC : Conseil Constitutionnel
CCAAF : Chambre de Conciliation et de l’Arbitrage de l’administration
Fédérale
CCRA : Comité Consultatif de Règlement Amiable
CDC : Commissions Départementales de Conciliation
CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme
CJUE : Cour de Justice de l’Union européenne
CNAM :Commission Nationale des Accidents Médicaux
CNIL : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
CNJ : Conseil National de Justice (Conselho Nacional de Justiça)
CPAM : Caisse Primaire d’Assistance Maladie
CRA : Commission de Recours Amiable
CRCI : Commissions Régionales de Conciliation et d'Indemnisation
HALDE : Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
ONIAM :Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux
STF : Cour Suprême Brésilienne (Supremo Tribunal Federal)
STJ : Tribunal Supérieur de Justice (Superior Tribunal de Justiça)
TASS :Tribunal des Affaires Sanitaires et Sociales
TCU : Cour de Comptes (Tribunal de Contas da União)
TJ :Tribunal de Justice
TRF : Tribunal Régional Fédéral

III. Abréviations diverses :


REP : Recours pour excès de pouvoir
Art. :Article
Bull. : Bulletin
Chron. : Chronique
Coll. : Collection
Comm. : Commentaire
Concl. : Conclusions
Dir. : Direction
Doc. : Document
Ed. : Edition

6
Ibid. : ibidem
MARLA : modes alternatifs de règlement des litiges administratifs
Mél. : Mélanges
op. cit. :opere citato
RAPO : Recours Administratif Préalable Obligatoire
Rec. : Recueil
Req. :requête
Resp. : Recours spécial
TAC : Terme d'Adéquation du Comportement
t. : Tome
v. : voir

7
Sommaire
Remerciements

Introduction

I PARTIE : L’OUVERTURE DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF AUX MODES


ALTERNATIFS EN FRANCE ET AU BRÉSIL

TITRE I : Les modes alternatifs de règlement des litiges administratifs avant le juge

Chapitre I : Règlement par le consensus

Chapitre II : Règlement par une magistrature d’influence

Chapitre III : Règlement par respect au droit de pétition

Titre II : Les modes alternatifs de règlement des litiges administratifs à la place du juge

Chapitre I : L’arbitrage comme mode alternatif au traditionnel contentieux administratif

Chapitre II : La Chambre de Conciliation et de l’Arbitrage de l’administration


Fédérale(CCAAF) au Brésil

II PARTIE : LA VALORISATION DE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF EN DEHORS


DU JUGE

Titre I : Pour le développement d’une procédure administrative contentieuse et non


juridictionnelle

Chapitre I : Les difficultés de l’organisation de la procédure administrative contentieuse au


Brésil et en France

Chapitre II : La nécéssité de reorganisation du contentieux administratif en dehors du juge

Titre II – Pour une fixation des limites matérielles

Chapitre I - Le contentieux en dehors du juge contre le contentieux de masse

Chapitre II : Les matières contentieuses plus compatibles aux règlements en dehors du juge

CONCLUSION GÉNÉRALE

8
Introduction

Face au juge le contentieux administratif augmente de façon exagérée et il faut trouver des
solutions alternatives efficaces. Les recours administratifs et tous les autres modes non
juridictionnels des règlements des conflits ne sont pas encore en mesure de représenter un
facteur satisfaisant par rapport la dimension de ce problème. Ces mécanismes ont encore
besoin de réformes et de politiques pour les faire avancer, mais une fois mis en œuvre de
façon efficace ils représenteront l’avantage de trouver des solutions pour le contentieux
administratif de manière plus pratique et moins coûteuse.

Cette réalité contradictoire entre l’augmentation du contentieux auprès du juge et la faiblesse


des recours non juridictionnels existe actuellement sein des deux systèmes que nous
proposons d’analyser. Ceci justifie le développement d’une recherche comparée sur une autre
manière de régler les conflits entre l’autorité administrative et les particuliers, sans
l’intervention du juge étatique. Le besoin de cette recherche existe autant en France qu’au
Brésil, d’abord pour soulager le pouvoir judiciaire et ensuite pour améliorer les rapports entre
l’administration publique et les particuliers.

Ce contentieux administratif en dehors du juge est mis en œuvre par une panoplie de
mécanismes dont la désignation varie en fonction des traditions des différents pays où ils sont
utilisés : aux États-Unis, il s’appelle Alternative Dispute Resolution ; au Québec, le terme
courant est celui des Solutions de Rechange au Règlement des Litiges. Au Brésil, il est
désigné par l’expression « Mecanismos Alternativos de Resolução de Conflito » ; et en France
on trouve des expressions telles que: « Règlement Alternatif des Différends, Résolution
Amiable des Différends » ou bien encore « Modes de Régler Autrement les Conflits en matière
Administrative ».1

1
Il est important de remarquer que selon Charles Jarronson aucune de ces appellations n’est autonome, car toutes
se situent en opposition aux modes juridictionnels des règlements. JARRONSON, Charles. Les modes alternatifs
de règlement des conflits. Présentation générale. Revue Internationale de Droit Comparé. 1997, vol. 49, pp. 325-
345.

9
Nous adoptons dans ce travail le terme Modes Alternatifs de Règlement des Litiges
Administratifs pour les raisons suivantes : ces modes non traditionnels qui évitent le juge
étatique sont conçus comme des options parallèles au juge qui permettent à l’État
d’économiser sur le budget des juridictions, et surtout d’établir avec les particuliers un
dialogue direct qui permet d’améliorer leurs rapports. Parler du règlement des conflits par
l’application de modes alternatifs, c’est prendre en considération la rapidité, le coût du temps,
mais c’est aussi parler de la récupération de la bonne image de l’administration par
l’efficience des moyens appliqués.2

En France, le souci d’améliorer les rapports entre l’administration et les administrés ainsi que
les efforts faits pour éviter d’avoir recours au juge existent depuis longtemps, surtout en
comparaison avec le Brésil. Malgré cette différence temporelle, ces modes alternatifs au juge
étatique n’ont toujours pas débouché sur une mise en œuvre satisfaisante dans ces deux pays.
C’est précisément ce processus inachevé qui nous mène à étudier le contentieux administratif
en dehors du juge et les différentes manières de le mettre en œuvre dans ces pays. L’analyse
des difficultés relevées et les efforts entrepris devraient permettre de trouver de nouvelles
orientations pour les systèmes que nous nous proposons de comparer.

Le contentieux administratif présente un accroissement exagéré autant en France qu’au Brésil,


il faut donc trouver une solution. La démarche déjà initiée en France présente des avantages.
Au Brésil malgré le retard accusé, des solutions originales s’annoncent dans ce domaine.
L’étude comparée pourra apporter quelques réponses aux questions encore non résolues pour
les deux pays, ou du moins, pourra présenter l’avantage de faire progresser ce qui est déjà en
marche.

Problématique

L’objectif principal de notre recherche n’est pas l’abordage exhaustif des modes éventuels de
règlements des litiges, ni la présentation d'un inventaire typologique des modes alternatifs de
règlements des litiges administratifs. Nous nous proposons d’analyser ceux déjà mis en
2
Conseil d’État. Régler autrement les conflits, conciliation, transaction, arbitrage en matière administrative.
Paris: Section du rapport et des études, 1993. La documentation française, p. 14

10
œuvre et qui, malgré tous les efforts réalisés, ne parviennent toujours pas à aboutir avec des
résultats entièrement satisfaisants. Les réponses à certaines des questions encore irrésolues sur
les systèmes juridiques français et brésilien requièrent une analyse minutieuse afin de faire
ressortir leurs forces et leurs faiblesses, ce qui sera possible à travers une étude comparative
des mécanismes de leur contentieux administratif en dehors du juge.

Cette analyse pourra nous montrer en outre les limites des techniques alternatives de
règlement des conflits administratifs. Seraient-elles vraiment efficaces pour soulager les
tribunaux et améliorer les relations entre l'administration et les administrés ? Où se situent les
obstacles à la mise en œuvre de ce contentieux alternatif au juge? Comment peut-on les
surmonter?

L’importance de la comparaison

Les deux systèmes présentés parallèlement sont similaires en ce qui concerne la base
théorique du droit administratif, étant précisé que le droit administratif brésilien utilise les
fondements juridiques du droit administratif français, sauf pour la dualité de juridiction.

La dualité des contentieux juridictionnels et administratifs, inspirée du modèle français, fut


adoptée au Brésil pendant l’Empire à la période coloniale. Depuis 1891, la République a opté,
comme en Angleterre et aux États-Unis, pour un système d’unicité de juridiction où les
tribunaux judiciaires ont la plénitude de compétence3. Jusqu’à présent le Brésil est resté fidèle
à ce principe réaffirmé actuellement par l’article 5 de la Constitution de 1998 selon
lequel « La loi ne pourra soustraire à l’appréciation du pouvoir judiciaire aucune atteinte
portée à un droit individuel ».4 C’est la plénitude de compétence du pouvoir judiciaire.5

3
DUMON, Fréderic. Le Brésil. Bruxelles : Éditions de l’Institut de sociologie de l’Université Livre de Bruxelles,
1964, p. 5
4
WALD, Arnold. Wald Arnold. Le droit comparé au Brésil. RIDC, 1999, Vol. 51, n.4, pp. 805-839
5
Néanmoins, lorsque nous parlons de la plénitude de compétence du pouvoir judiciaire, il est important de
préciser qu’il n’est pas juge de l’opportunité de l’acte administratif. Au Brésil, il existe encore la notion d’acte
administratif qui ne peut être revu par le pouvoir judiciaire. Le contrôle juridictionnel de la légalité des activités
administratives discrétionnaires est restreint aux cas d’incompétence ou d’excès de pouvoir.

11
Ces différences d'organisation du droit brésilien sont justifiées par René David par l’argument
qui précise, qu’au fur et à mesure que les réalités de la vie s’imposent aux textes théoriques,
principalement dans les pays d’Amérique Latine, ces droits se distinguent des droits de
l’Europe continentale et constituent une catégorie particulière clairement envisagée. Ainsi,
même si l’inspiration vient fréquemment des pays étrangers, l’application du droit aux faits
sociaux en révèle aussitôt les différences et les particularités. Le droit peut changer en
fonction des modifications culturelles.6

La particularité du système brésilien de droit administratif, par rapport au système français,


est l’adoption de la juridiction unique comme dans les modèles anglais et américain. Mais, le
système juridique de droit administratif brésilien se rapproche beaucoup plus du modèle
français, car le droit administratif brésilien fait partie d’un droit public exorbitant qui met les
règles et les principes du droit administratif en parallèle avec le droit commun.7

La comparaison entre ces deux systèmes peut fonctionner comme instrument de


compréhension des cultures juridiques à condition d’en faire une étude neutre sans critère de
supériorité ou d’infériorité. L’abstention d'une évaluation qualitative des systèmes et
l’absence d’idées préconçues sont justement les points les plus importants de notre analyse
comparée. Comme le dit Ana Lucia Tavares, les spécificités des systèmes étudiés doivent être
comprises, mais elles ne doivent jamais être jugées.8 L’absence de jugement peut être
soutenue par l’utilisation de donnés statistiques officielles du stock du contentieux
administratif en France et au Brésil.

6
DAVID, René. Traité Élémentaire de Droit Civil Comparé, Paris : LGDJ, 1950, p. 279
7
Le Sénégal a été le premier pays africain au sud du Sahara à avoir écarté le modèle français de la dualité de
juridiction. Mais, de façon similaire à la réalité brésilienne, au Sénégal l’administration continue d’être conçue
de la même façon qu’en France, c’est-à-dire qu’elle continue régie par un droit administratif exorbitant. FALL,
Alioune Badara. La responsabilité extra-contractuelle de la puissance publique au Sénégal : essai de
transposition des règles de droit administratif français dans un pays d’Afrique noire francophone.. Thèse pour le
Doctorat d’Etat en Droit. Bibliothèque de l’Université Montesquieu Bordeaux I.
8TAVARES. Ana Lucia. O ensino do Direito Comparado no Brasil Contemporâneo. Dir

eito, Estado e Sociedade, 1996, n° 29. Disponiblesur: http://br.vlex.com/vid/80667339. Consulté le 19 juillet


2010.

12
Des données chiffrées des contentieux administratifs

Au Brésil, 2.082.634 de requêtes ont été enregistrées en 2008 dans lesquelles l’État figurait
comme assigné et 675.838 autres requêtes dans lesquelles il figurait comme auteur de la
saisine. Ces donnés concernent uniquement à la saisine du juge judiciaire fédéral, un
organisme juridictionnel brésilien qui fait partie du Pouvoir Judiciaire créé spécifiquement
pour juger les litiges où l’État Fédéral ou un de ses démembrements, ou encore une entreprise
publique fédérale sont impliqués en tant qu'auteurs ou assignés.9

En France, selon le Rapport Public 2012 du Conseil d’État et de la Juridiction Administrative,


l’activité des tribunaux administratifs en 2011 a enregistré 175.377 affaires nouvelles en
données nettes, soit 4,3 % d’évolution par rapport à l’année précédente; les cours
administratives d’appel ont enregistré 28.279 affaires en données nettes dans la même année,
soit une augmentation de 3,2%. Cet accroissement n’est pas uniforme pour tous les
contentieux: les recours en matière de fiscalité, de fonction publique et de police ont diminué,

9
Art. 109. Il appartient aux juges fédéraux d'instruire le procès et de juger: I - les causes dans lesquelles l'Union,
un démembrement de l'État fédéral ou une entreprise publique fédérale sont impliqués en tant qu'auteurs,
assignés, intervenants ou tiers opposants, à l'exception de celles ayant trait à défaillîtes, des accidents du travail
et de celles qui relèvent de la Justice électorale et de la Justice du travail; II - les causes opposant un État
étranger ou une organisation internationale et une Commune ou une personne domiciliée ou résidant au Brésil;
III - les causes résultant d'un traité ou d'un contrat entre l'Union et un Etat étranger ou une organisation
internationale; IV - les infractions politiques et les infractions pénales commises aux dépens de biens, de services
ou d'intérêts de l'Union, de ses démembrements ou entreprises publiques, à l'exclusion des contraventions, sans
préjudice de la compétence de la Justice militaire et de la Justice électorale; V - les crimes prévus par un traité ou
une convention internationale lorsque l’exécution a été commencée au Brésil et que le résultat s'est produit ou
doit se produire à l'étranger, ou réciproquement; VI - les infractions à l'organisation du travail et, dans les cas
prévus par la loi, au système financier et à l'ordre économico-financier; VII - les demandes d'habeas corpus en
matière criminelle de leur compétence ou lorsque la contrainte est le fait d'une autorité dont les actes ne sont pas
directement soumis à une autre juridiction; VIII - les demandes d'ordonnance de sûreté et d'habeas data
concernant les actes d’une autorité fédérale, sauf compétence des tribunaux fédéraux; IX - les infractions
commises à bord de navires ou d'aéronefs, sans préjudice de la compétence de la Justice militaire; X - les
infractions constituées par l'entrée ou le séjour irrégulier des étrangers, l'exécution des commissions rogatoires
après l'exequatur et celle des sentences étrangères après homologation, ainsi que les causes ayant trait à la
nationalité, y compris en cas d'option, et à la naturalisation; XI - les litiges portant sur les droits d'indiens.
Paragraphe premier. Les causes dont l'Union est l'auteur sont jugées dans la juridiction où l'autre partie à son
domicile.
La Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par : Jacques Villemain et
Jean François Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-
politique-constitution.pdf. Consulté le 12 janvier 2010

13
alors que les contentieux liés au logement, à l’urbanisme et aux étrangers sont en forte
augmentation.10

En outre, l’activité de la Section du contentieux du Conseil d’État a enregistré une légère


diminution du nombre d’affaires enregistrées : 11.361 affaire sont été enregistrées en 2009; en
2010, 10.268 affaires; en 2011, 9.963 affaires ont été enregistrées en données brutes incluant
les séries. Les justificatifs fournis dans son Rapport pour expliquer ce phénomène a été la
baisse du nombre de requêtes en référé et des effets du décret du 22 février 2010 qui a réduit
les compétences du Conseil d’État en premier ressort.11

En ce qui concerne le Brésil, les chiffres de l’année 2008 démontrent un comportement


presque stable pour les requêtes où l’administration publique est demandeur. Par ailleurs,
nous observons un accroissement considérable du total des demandes lorsque l’administration
est assignée. Les chiffres révèlent un rapide décalage sur des périodes de cinq ans.12

Type des demandes 2004 2005 2006 2007 2008 %


Pouvoirs Publics comme 738.773 773.658 735.073 807.604 675.838 -8,50%
auteurs
Pouvoirs Publics comme 1.009.340 1.805.470 1.355.794 1.830.322 2.082.634 106,30%
assignés

Selon les remarques contenus dans le document issu du Programme de Soutien à la


Modernisation de « Advocacia-Geral da União »13 (Projet n° BR-L1277A) le rapport entre les

10
Rapport Public 2012 du Conseil d’État et de la Juridiction Administrative en 2011. Disponible sur :
http://www.conseil-etat.fr/media/document/RAPPORT%20ETUDES/ra12-dp_13-mars-2012.pdf. Consulté le 14
avril 2012.
11
Idem.
12
Programme de Soutien à la Modernisation de l’Advocacia-Geral da União. Projet: BR-L1277. Disponible sur :
http://idbdocs.iadb.org/wsdocs/getdocument.aspx?docnum=35335067. Consulté le 07 novembre 2010 : (...) a
relação entre Poder Público como Demandante e Poder Público como Demandado, tem se modificado de uma
relação de aproximadamente 40% x 60%, para 25% x75%, o que representa uma tendência da redução do
número de ações propostas, para um maior contingente passivo contra a União, Estados, Municípios, INSS,
CEF, Banco do Brasil e outros entes da Administração Pública Indireta contra as ações demandadas. Revelando
mais uma vez a necessidade de uma atuação mais eficaz, desta vez preventiva através de uma atuação
consultiva.
13
L’Adocacia-Geral da União est le grand cabinet juridique du Pouvoir Exécutif. L’article 131 de la
Constitution Fédérale Brésilienne établit que: « L'Advocacia-Geral da União est l'institution qui, soit

14
Pouvoirs Publics comme auteurs de la saisine et les Pouvoirs Publics comme assignés
présente un décalage d’environ 20% pour les premiers, contre 50% pour les deuxièmes. Ceci
montre la tendance à une réduction des requêtes déposées par les Pouvoirs Publics par rapport
au grand volume de requêtes déposées contre l’Etat. Cette réalité a conduit à la conclusion
suivante : la nécessité d’une action préventive par l’administration publique pour éviter ce
contentieux au Brésil.

En outre, une recherche statistique sur la réalité du pouvoir judiciaire national demandée par
la Cour Suprême au Centre de Recherches de l’Université de Brasília (Centro de Pesquisas de
Opinião Pública da Universidade de Brasília - DATAUnB), dans sa première étape en 2005,
après avoir entendu un total de 1.987 personnes, a obtenu le résultat suivant : 323 personnes
considèrent qu’il est inutile de faire appel à la justice, et 137 d’entre elles ont justifié leur
réponse par la lenteur de la justice. Enfin, 1.403 personnes ont affirmé que le pouvoir
judiciaire n’est pas sensible aux besoins du peuple, et 1.682 interviewés ont affirmé que le
pouvoir judiciaire a des problèmes et doit être reformé.14

Dans la Note Technique n°319 de la Banque Mondiale publié en 1996, les données étaient
déjà les mêmes que celles de 2005. Selon le rapport de la note, «au Brésil, 74% de la
population voit la justice comme raisonnable ou insuffisante[...]. Au Brésil, en 1990, plus de
40 millions de procès ont été déposés en première instance, mais seulement 58% de ces
procès ont été jugés jusqu’à fin 1990.»15

directement soit par le biais d'un organe qui lui est rattaché, représente l'Union judiciairement et
extrajudiciairement; il lui appartient, selon les termes de la loi complémentaire qui dispose sur son organisation
et son fonctionnement, d'exercer les activités de conseil et de cabinet juridique du Pouvoir exécutif. La
Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par Traduction: Jacques
Villemain et Jean François Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-
documents/le-bresil-politique-constitution.pdf. Consulté le 12 janvier 2010.
14
Centre de Recherche et Enquête de l’Université de Brasília « CENTRO DE PESQUISAS DE OPINIÃO DA
UNIVERSIDADE DE BRASÍLIA - DATAUnB». 8° Rapport d’Activité, p. 62. Disponible sur :
<http://cedes.iuperj.br/PDF/05maio/stf%20justica%20em%20numeros.pdf> ; Consulté le 07 Novembre 2010.
15
Note Technique n°319, de 1996 de la Banque Mondiale. Document disponible sur : www.anamatra. org.br.
Consulté le 10 mars 2011.

15
Dans une autre recherche plus récente, « Panorama de acesso à Justiça no Brasil », nous
pouvons trouver des informations plus détaillées sur l’accès au Juge. L’étude était basée sur
les litiges pour la période 2004 - 2009.16

Le graphique démontre la réalité en pourcentage :

Figure 1 : 43% des personnes ne cherchent aucune solution ; 22% vont à la Police ; 14% font
appel à d’autres organismes ; 10% recherchent l’organisme de protection des
consommateurs ; 8% font appel à la famille ou aux amis ; 2% à l’église et 2% aux associations
ou aux syndicats.17

Au Brésil, les personnes n’ayant pas saisi le pouvoir judiciaire ont justifié leur attitude par la
méfiance envers ces institutions. On observe dans ce graphique que la majorité des personnes
qui n’ont pas fait appel au pouvoir judiciaire n’ont cherché aucune autre solution (43%), ce
qui démontre également une méfiance envers les autres institutions.

De son côté, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a condamné plusieurs fois la France
pour une lenteur persistante de la justice administrative, ne respectant pas l’article 6°, §1° de

16
Rapport de l’accès à la Justice au Brésil (Panorama de AcessoaJustiça no Brasil), 2004 à 2009. Disponible sur :
http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-judiciarias/ Publicacões/relat_panorama_acesso_pnad2009.pdf. Consulté
le 19 avril 2012.
17
Graphique 6 – Pourcentage des personnes qui ont cherché la Justice entre les années 2004 et 2009 au Brésil.
Panorama do acesso à Justiça no Brasil, 2004 a 2009. Disponiblesur : http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-
judiciarias/ Publicacões/relat_panorama_acesso_pnad2009.pdf. Consultéle 19 avril 2012.

16
la Convention Européenne des Droits de L'Homme qui prévoit pour toute personne le droit à
un délai raisonnable.

Les statistiques de la CEDH sur les violations par article et par État membre de la Convention
Européenne montrent qu’en France 281 requêtes ont été déposées pour violation de l’article 6
concernant le délai raisonnable de la procédure. Ce chiffre n’est précédé que par la Grèce
avec 403 requêtes pour violation, la Pologne avec 412, la Turquie avec 493 et l’Italie qui
compte 1155.18

Les statistiques du graphique ci-dessous montrent que les saisines de la CEDH contre l’État
pour violation de l’article 6 sont beaucoup plus importantes que les saisines pour violation
d’un autre article de la Convention Européenne des Droits de L'Homme.19

Figure 2

18
Cour Européenne des Droits de l’Homme : Statistique - Violations par article et par État 1959-2011.
Disponible sur : http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/37EC6A43-A7E7-4732-A5F1-
E705900AC611/0/TABLEAU_VIOLATIONS_FR_2011V2.pdf. Consulté le 20 avril 2011.
19
Cour Européenne des Droits de l’Homme. Statistique sur les arrêts par l’État.Disponible sur :
http://www.echr.coe.int/ECHR/FR/Header/Reports+and+Statistics/Statistics/Statistical+data/. Consulté
le 20 avril 2012.

17
Dans un autre graphique ci-dessous nous pouvons voir que d’une façon générale, l’objet des
arrêts de violation traités par la CEDH en 2011 est majoritairement de violation de l’article 6
de la Convention, qu’il s’agisse d’équité ou de durée de procédure 20:

Le Département de Recherche Judiciaire Brésilien dispose des données concernant les


requérants les plus réguliers de la justice brésilienne dans les procès non criminels en 2011.
Dans cette recherche, seules les institutions et les personnes morales étaient considérées
comme parties. Le résultat a permis d’établir la liste des requérants. Étant donné que dans le
champ de notre recherche, les litiges ne faisant pas partie du contentieux administratif ne nous
sont pas d’intérêt, nous présenterons uniquement les quatre premiers requérants brésiliens,
tous liés aux matières du contentieux administratif.21

20
Rapport de la Cour Européenne de Droit de l’Homme : En fait et en chiffres 2011. Disponible sur :
http://www.echr.coe.int/Documents/Facts_Figures_2011_FRA.pdf. Consulté le 11 avril 2013.
21
Conseil National de Justice, 100 plus grands litigants, Brasilia, mars, 2011. Disponible sur :
http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-judiciarias/pesquisa_100_maiores_litigantes.pdf. Consulté le 10 avril
2012.

18
Classement au Niveau National Pourcentage Justice
Fédérale

1 INSS – Instituto Nacional do Seguro Social (InstitutNational 22,33% 43,12%


de SécuritéSociale)

2 CEF – Caixa Economica Federal (Caisse Économique 8,5% 18,24%


Fédérale)

3 Contentieux Fiscal 7,45% 15,65%

4 Union Fédérale 6,97% 12,77%

Les graphiques ci-dessous complètent ces informations. Ils démontrent que la majorité des
procès de la Justice Fédérale viennent du secteur public, représentant 77% du total des procès
des 100 requérants les plus importants. On observe que c’est l’État qui est assigné dans 69%
des cas de ce.22

Figure 3

22
Graphiques 3 et 4 : pourcentage des 100 plus grands litigants majors litigants brésiliens, p. 18. Conseil
National de Justice, 100 majors litigants, Brasilia, mars, 2011. Disponible sur :
http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-judiciarias/pesquisa_100_maiores_litigantes.pdf. Consulté le 10 avril
2012

19
Figure 4

La recherche des 100 plus importants requérants au Brésil avait surtout pour but d’identifier
les chiffres concernant les demandes des masses, des litiges qui contribuent énormément à
l’engorgement du pouvoir judiciaire. Pour énoncer une définition du contentieux de masse
avant une explication plus détaillée dans la deuxième partie, nous pouvons résumer que le
contentieux de masse est un contentieux volumineux qui demande un traitement pour ainsi
dire mécanique. Ce contentieux encombre les juridictions mais ne représente aucune
complexité juridique qui justifierait sa judiciarisation.

Ainsi, le rapport a conclu qu’il est important de savoir comment les litiges se forment (surtout
les litiges de masse). Ensuite, il estime que légitimer des mécanismes alternatifs de règlement
des litiges et établir une coopération interinstitutionnelle avec l’administration publique est
aussi une solution viable.

Le Professeur Yves Gaudemet, dans son article sur le contentieux de masse, attire l’attention
sur la massification du contentieux administratif, phénomène qui n’est pas non plus compris
comme celui d'une augmentation uniforme et continue du contentieux administratif. Pour
l’auteur, les contentieux de masse expliquent majoritairement l'augmentation du contentieux
devant le juge administratif. « Il n'y a pas une augmentation générale, uniforme des

20
contentieux, mais une explosion, une croissance rapide et récente de contentieux ciblés parmi
lesquels d'abord les contentieux de masse ».23

L’auteur ajoute son constat sur la massification de l'augmentation et sur le maintien élevé de
certains contentieux: « des 180 246 affaires enregistrées en 2009 devant les tribunaux
administratifs, plus de 85 % des litiges ne relèvent que de 10 des 35 matières retenues pour
suivre l'activité des tribunaux administratifs. Ces dix matières sont les suivantes : étrangers
(près de 25 %), contentieux fiscal (près de 12 %), police (11,5 %), fonctionnaires et agents
publics (près de 11 %), urbanisme et aménagement (6 %), logement (près de 6 %), pensions,
travail, aide sociale, marchés et contrats (ces trois derniers postes à moins de 5 %
chacun) ».24

Ces deux systèmes montrent que la massification du contentieux mérite une attention. Les
chiffres démontrent qu’il y a une prépondérance de l’accroissement de certains litiges et que
ces litiges sont répétitifs et sans difficultés juridiques. Pour les autres affaires les délais
s'allongent et les stocks vieillissent. Ce décalage est dénoncé par la doctrine et par les chiffres
qui analysent le stock des dossiers.

Énoncé de la démarche

Les documents démontrent qu’en France, les efforts faits pour instituer des organismes de
règlement amiable datent d’un certain temps.25 En effet, en 1907 les premiers comités
consultatifs ont été institués, mais ils ont connu un important déclin après 1939. Ce n’est que
dans les années 50 que ces organismes se sont développés dans presque tous les départements
ministériels. Cependant, cette création n’existait vraiment que sur le plan formel vu qu’elle
était incapable d’atteindre sont but, à savoir celui d’éviter les recours juridictionnels.26

23
GAUDEMET, Yves. Approche doctrinale : définition, origines, essai d'explication et
perspectives des contentieux de masse. RFDA, 2011, n° 3p. 464.
24GAUDEMET . Op. cit. p. 469.
25
DELAUNAY, Bénédicte. Bibliothèque de Droit Public, T.172, L’amélioration des Rapports entre
l’administration et les Administrés. Paris : LGDJ, 1993, p. 700
26
DEALAUNAY, Op. cit. p. 701

21
Une loi du 9 juillet 1975 a créé le Médiateur de la République et ainsi modifié l’article 2060
du Code civil français relatif à l’interdiction de compromettre « les contestations intéressant
les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les
matières qui intéressent l'ordre public ». Un second alinéa est ajouté à cet article, aux termes
duquel « toutefois, des catégories d’établissements publics à caractère industriel et
commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre ». Ce texte montre, de manière
significative, l’importance nouvelle accordée aux modes alternatifs de règlement des
différends. Il marque, en effet, une rupture avec un refus traditionnel de l’arbitrage interne
dans les litiges de droit administratif.

Le mouvement s’est poursuivi avec la loi du 31 décembre 1987 portant sur la réforme du
contentieux administratif entreprise en France depuis 1945, dont l’article 13 est destiné à
mettre en œuvre une politique de prévention du contentieux juridictionnel en rendant
obligatoire dans certains cas le stade précontentieux. 27 Mais le dispositif n’est toujours pas
effectif aujourd’hui, les décrets nécessaires à son application n’ayant toujours pas été pris.

Le Conseil d’État a affirmé, dans le rapport publié en 1980 sur les études de prévention au
contentieux administratif, qu’un texte d’application de cette disposition législative était en
cours de préparation et qu’après diverses consultations il devait finalement être publié28. En
1993, un autre rapport de la Haute Juridiction intitulé Régler autrement les confits,29 a analysé
attentivement la même question. Toutefois, l’article 13 n’est toujours pas appliqué, justifiant
ainsi la conclusion exposée par M. Waline, qui considère cette omission comme le reflet de
« la mauvaise volonté de l’administration qui ne souhaiterait pas, une fois de plus, la mise en
œuvre effective d’une disposition votée par le Parlement. Ce ne serait pas la première fois
que l’on ferait semblant d’avoir réglé la question, en votant un texte pour mieux occulter le
problème dont il s’agit ».30

27
« Art. 13. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent dans quelles conditions les litiges contractuels concernant
l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que les actions mettant en jeu leur
responsabilité extracontractuelle sont soumis, avant toute instance arbitrale ou contentieuse, à une procédure
préalable soit de recours administratif, soit de conciliation. »
28
EDCE. Étude sur la prévention du contentieux administratif. Paris : 1980- 1981, n. 32, p. 299-309.
29
Conseil d’État. Régler autrement les conflits, conciliation, transaction, arbitrage en matière administrative.
Paris: Section du Rapport et des études, 1993. La documentation française.
30
WALINE.30 WALINE, Jean. La réforme de la juridiction administrative: un tonneau des danaïdes ? Etudes
offertes à Jean-Marie Auby, Paris : Dalloz, 1992, p. 355.

22
L’article 13 mentionne le recours administratif à titre préalable comme un mode de prévention
du contentieux juridictionnel administratif. A cet égard, il ouvrirait une nouvelle voie pour
réintroduire les recours administratifs préalables, dont la mauvaise réputation perdure. Pour
les administrés, l’administration ne procèderait qu’à un examen superficiel des recours qui
leur sont adressés, ou pire, elle laisserait passer le délai sans prendre aucune décision.31

Selon Jean-François Brisson, les recours de ce type ne sont donc rien de plus que l’expression
particulière du droit de pétition contre les autorités publiques, traditionnellement reconnu aux
citoyens, en droit français même si, pour des motifs politiques, la jurisprudence du Conseil
d’État a admis la prorogation du délai du recours juridictionnel. En revanche, cette exigence
est insuffisante, car elle n’exige de l’administrateur le respect d’aucune règle de procédure
l’obligeant à régler de manière effective le recours dont il est saisi.32

Dans un contexte historique précis, le juge administratif français avait besoin de marquer sa
spécificité contentieuse et se distinguait ainsi de l’administration active. La façon choisie pour
marquer cette différenciation était assurée par le monopole procédural des activités
juridictionnelles. C’est une réalité française dont l’examen comparatif avec un système
juridique comme le système brésilien, nous présentera une vision différente autant doctrinale
que législative de la procédure administrative non juridictionnelle.

Durant cette étude dont nous soutiendrons l’idée préconisée par Guy Isaac que la procédure
administrative non juridictionnelle « est la branche du droit administratif dans laquelle celui-
ci doit trouver, plus qu’ailleurs » , selon qui la procédure administrative non juridictionnelle
« est la branche du droit administratif dans laquelle celui-ci doit trouver, plus qu’ailleurs, la
réponse au besoin et à la nécessité d’un déménagement des rapports entre administration et
administrés dans l’État moderne. Elle ouvre la voie non seulement à la démocratisation réelle
de l’administration mais encore à un complément de la protection que les administrés tirent

31
BRISSON, Jean-François. Régler autrement les litiges administratifs : Les recours gracieux et hiérarchiques,
voie alternative de protection des administrés ? Revue de Droit Public, 1996. pp.792-846.
32
BRISSON, 1996. Op. cit. p. 802

23
du recours au juge. A ce titre, elle constitue bien la véritable pierre de touche de notre droit
public moderne ».33

Tous les modes de règlements alternatifs des litiges, autant la médiation que la conciliation, la
transaction ou l’arbitrage ne peuvent exister qu’en étroite relation avec une procédure
administrative présentant des garanties similaires à celles des justiciables auprès du juge
étatique.

A une autre époque, la juridiction administrative française s’est constituée sur la base d’une
séparation entre la procédure et l’administration où la réglementation procédurale changeait la
nature des organes administratifs qu’elle atteignait. Ces organes ne seraient plus de nature
administrative mais deviendraient des organes juridictionnels. Il était donc temps de dépasser
les vieux postulats qui n’étaient plus compatibles ni justifiables au regard de la science
contemporaine.

Un décret du 18 mars 1981 a remplacé les comités ministériels alors existants en France par
un organisme unique de caractère interministériel, le Comité Consultatif de Règlement
Amiable des Litiges relatifs aux marchés publics (CCRA). En février 1992, cinq comités
consultatifs interrégionaux de règlement amiable des litiges ont été créés à Paris, Nantes,
Bordeaux, Lyon et Nancy.

Les réformes n’ont pas permis à ces organismes de devenir efficaces. Le bilan concernant le
développement des procédures de règlement non juridictionnel des conflits administratifs est
décevant, autant en raison des garanties insuffisantes offertes aux administrés qu’en ce qui
concerne les effets et leur domaine d’action réduit.34

L'implantation au Brésil des mécanismes de règlements alternatifs des litiges est un


mouvement bien plus récent que celui initié en France. En dépit des événements ponctuels, le
point de départ de l’implantation des modes alternatifs de règlement de conflits administratifs
est le Consensus de Washington en1989. Ce document est une réponse du FMI, de la Banque
33
ISAAC, Guy., La procédure administrative non contentieuse, Bibliothèque de Droit Public. T. 79, Paris :
LGDJ, 1968. p. 82
34
DELAUNAY, Op. cit. p.723

24
Mondiale et du Département du Trésor des États Unis en fonction des graves crises
auxquelles les pays latino-américains sont confrontés à cause de la récession, l'inflation et
l'augmentation de la dette extérieure. Ces institutions établissent un ensemble de règles qui
constituent la politique officielle du Fond Monétaire International. Le Consensus de
Washington était considéré comme le « promoteur officiel de l'ajustement macroéconomique
des pays en développement ».

La majorité de ces règles étaient présentées dans la Note Technique 319(1996) de la Banque
Mondiale pour la Réforme Juridique de l'Amérique du Sud, où un diagnostic du Pouvoir
Judiciaire des pays latino-américains et caraïbes est réalisé. Dans ce document, les modes de
règlements alternatifs des litiges étaient choisis comme d’importants mécanismes pour
soulager le Pouvoir Judiciaire.35

La majorité de ces règles étaient présentées dans la Note Technique 319(1996) de la Banque
Mondiale pour la Réforme Juridique de l'Amérique du Sud, où un diagnostic du pouvoir
judiciaire des pays latino-américains et caraïbes est réalisé. Dans ce document, les modes de
règlements alternatifs des litiges étaient choisis comme d’importants mécanismes pour
soulager le pouvoir judiciaire. 36

En dépit de l’inspiration néolibérale et impérialiste qui, apparemment, a motivé les


mouvements de développement des techniques alternatives de règlements des conflits
administratifs au Brésil. Certains auteurs considèrent cette politique comme une alternative
au Pouvoir Judiciaire issu de l’idéal de l’État providence. 37

A partir de cette politique, diverses mesures ont étés mises en place au Brésil. Les plus
significatives sont la loi de l'arbitrage38 et l'introduction du Terme d’Ajustement de
Comportement(TAC)39. Nous pouvons citer encore l'apparition au Brésil de quelques autres

35
Disponible sur : http://www.anamatra.org.br/downloads/documento318.pdf. Consulté le 28 octobre 2010.
36
Disponible sur : http://www.anamatra.org.br/downloads/documento318.pdf. Consulté le 28 octobre
2010.
37 Voir note 50.
38 Loi 9.307 du 23 septembre 1996)
39
Les lois 8.069 du 13 juillet 1990(Statut de l'enfant et de l'adolescent – « Estatuto da Criança e do
Adolescente ») et par la loi 8078 du 11 septembre 1990(Code de Protection au Consommateur - « Codigo de
Defesa do Consumidor »).

25
mesures plus récentes : en premier la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage de
l’administration créée par l’Acte Réglementaire nº 05, du 27 septembre 2007 et enfin le projet
de loi 5.082, du 30 avril 2009, qui institue la Loi Générale des Transactions en matière fiscale.

La Banque Mondiale en 2004 avait dénoncé un grave problème politique sur l’encombrement
du pouvoir judiciaire et la position du pouvoir public en tant que principal requérant au Brésil.
Le rapport met en doute le véritable intérêt de l’État pour l’ouverture du contentieux
administratif par des mécanismes alternatifs au juge.

En ce sens, le pouvoir judiciaire est manipulé et devient un contrôleur des flux de caisse de
l’administration. Selon les résultats des recherches, les gouverneurs endettés d’aujourd’hui
utilisent tous les moyens pour proroger au maximum le règlement des dettes de leur État et le
pouvoir judiciaire joue naïvement ce rôle.40 Une telle attitude dans une république est
inadmissible.

L'implantation plus récente d’une politique en faveur des règlements alternatifs des litiges au
Brésil constitue aussi un évènement important en ce qui concerne le contentieux en dehors du
juge. C’est le Mouvement pour la conciliation, développé par le Conseil National de Justice41
et soutenu par le pouvoir judiciaire brésilien depuis l'année 2006, dont l’un des buts est de
chercher à régler autrement les conflits.42

En France, et considéré comme étant le principal organe de règlement non juridictionnel des
conflits administratifs43, le Médiateur de la République a également été créé. Institué par la loi
du 3 janvier 1973, il est une reprise française de l’Ombudsman scandinave, charger d’exercer

40
Rapport 32789-BR de la Banque Mondiale (2004). Fazendo com que a Justiça Conte – Medindo e
Aprimorando o Desempenho do Judiciário no Brasil. Unité de Réduction de la Pauvreté et de la Gestion
Économique, Amérique Latine e Caraïbe. Disponible sur : http://www.amb.com.br/docs/bancomundial.pdf.
Consulté le 12 mai 2012. http://www.amb.com.br/docs/bancomundial.pdf
41
Le Conseil National de la Justice (CNJ) est un organisme axé sur le remaniement du personnel et des
ressources dans le système judiciaire brésilien, notamment en ce qui concerne le contrôle et la transparence
administrative et de procédure. Il a été créé le 31 décembre 2004 et installé le 14 juin 2005. C’est un organe du
pouvoir judiciaire installé dans la capitale - Brasilia - et de compétence sur tout le territoire national, qui vise la
coordination, le contrôle administratif et l'amélioration du service public dans la prestation de la justice. Il a été
établi dans le respect de la Constitution, en particulier selon l'art. 103-B.
42
Conseil National de Justice - CNJ (Conselho Nacional de Justiça). Disponible sur
:http://www.conciliar.cnj.gov.br/conciliar/arquivos/ProjetoConciliar.doc. Consulté le 24 janvier 2011.
43
DELAUNAY, Op. cit. p. 631

26
« le contrôle externe de l’administration, situé en marge des procédures habituelles de
recours et chargé de donner au moins un avis sur les litiges opposant le service public à ses
usagers. ».44

Selon la doctrine, la raison d’être de cette autorité est la constatation de l’importance


croissante du phénomène de défense de l’individu, de l’administré, du consommateur et du
citoyen, et le renforcement des moyens de défense de la personne contre tous les pouvoirs, en
l’espèce contre la machine administrative.45 Néanmoins, son domaine d’action est très limité,
justement, pour qu’il n’empiète pas sur la compétence du juge administratif.

Le risque de superposition de cette autorité avec le Conseil d’ État a fini par amoindrir le
champ d'action de cette autorité ainsi que sa crédibilité auprès des administrés en empêchant
que cet organisme puisse vraiment jouer un rôle important comme mécanisme alternatif de
règlement des conflits administratifs auprès des citoyens.

En juillet 2008, la création du Défenseur des Droits était prévue dans le cadre de la réforme
constitutionnelle. Il s’agit d’une nouvelle institution qui reprend l'intégralité des prérogatives
du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Commission Nationale de
Déontologie de la Sécurité (CNDS) et de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations
et pour l'égalité (HALDE). Cette nouvelle institution assure une fonction d’amélioration des
services publics pour les citoyens, plus qu’une fonction alternative de règlement des litiges.

Il est opportun de faire référence à Prosper Weil qui a écrit sur la conquête de l’État par le
droit, évènement relativement récent et qui de plus n’est pas encore universellement achevé. 46
L’organisation politique mondiale nous montre depuis longtemps que les États souverains
refusent tout jugement autre que celui rendu par l’État lui même. Même en France, selon
l’auteur cité, où l’État de Droit a depuis un peu plus d’un siècle supplanté l’État Gendarme,
on trouve des zones qui se développent, exclues de tout contrôle, comme par exemple les

44
PELLETIER, Jackes. Vingt ans de médiation à la française. RFDA, octobre-décembre, 1992, n. 64, pp599-
609.
45
CHAPUISAT, Louis-Jérôme. Le Médiateur Français ou l’Ombudsman Sacrifié. Revue Internationale de
Sciences Administratives, 1974, Vol. XL n. 2, p. 109
46
WEIL. Prosper et POUYAUD. Dominique. Que sais-je ? Le droit administratif, 23 ed., Paris : PUFF, 2008
p.5.

27
actes de gouvernement.47 Par conséquent, les limitations imposées aux médiateurs en France
peuvent représenter des obstacles injustifiés pour empêcher le fonctionnement efficient de ce
qui pourrait être un mode alternatif important de règlement des conflits administratifs.

Si la voie traditionnelle du contrôle juridictionnel de l’administration publique n’est pas


parfaitement exercée dans tous le domaines, il est difficile d’imaginer la création d’une
troisième voie alternative interne à l’administration – au-delà du contrôle juridictionnel et du
contrôle politique - visant à prévenir les causes de l'excès de pouvoir et aussi de la
« maladministration ».48

La subsistance de la soumission du gouvernement au droit et au juge est issue du prestige de


ceux-ci ainsi que de l’air du temps. C’est une construction de l’histoire politique, circonstance
qui nous convainc à adopter la thèse que le droit administratif n’est qu’un droit politique49. De
la même façon, la création d’une voie alternative de règlement des conflits administratifs
exige un ensemble d’efforts qui ne se résume pas seulement à trouver des réponses aux
questions de nature juridique, mais plutôt à prendre en considération l’ensemble des éléments
politiques et sociologiques.

L’hypothèse de Jean-Pierre Bonafë-Schmitt est qui, appuyé sur un archétype conflictuel, le


modèle judiciaire est issu d’un exemple politique et économique libéral du XIXe siècle.
L’opposition d’intérêts, la socialisation des risques, la propriété privée, le marché, la non
intervention de l’État, engendrent un archétype de régulation axé sur la compétition. Cette
compétition se fait sentir sur le plan légal et se traduit par l’opposition de droits, la
désignation d’un perdant et d’un gagnant. L’institution judiciaire ne représente qu’un des
mécanismes de notre système de régulation sociale et nous ne pouvons pas faire abstraction
de cette liaison entre justice et société.50

47
CE 1er mai 1822, Laffitte, Lebon 1821-1825.202 ; CE 9 mai 1867, Duc d'Aumale et Michel Lévy, Lebon 472,
concl. Aucoc ; S. 1867.2.124, concl. Aucoc, note Choppin ; CE 30 juin 1893, Gugel, Lebon 544 ; S. 1895.3.41,
note Hauriou ; CE Sect. 18juill. 1930, Rouché, Lebon 771, 29 nov. 1968, Tallagrand, Lebon 607 ; D.
1969.386,note Silvera ; RD publ. 1969.686, note M. Waline ; JDI 1969.382, note Ruzié ; CE Ass. 19 janv. 1934,
Compagnie marseillaise de navigation à vapeur Fraissinet, Lebon 98 ; S. 1937.3.41, note Alibert.
48
Pour une étude approfondie du phénomène de la maladministration voir SABOURIN, Paul. Recherche sur la
notion de maladministration dans le système français. AJDA, 1974, p. 396.
49
WEIL, POUYAUD, Op. cit. p. 4
50
BONAFË-SCHMITT, Jean Pierre. La médiation: une justice douce, Paris : Siros, 1992, pp.182-184

28
Par ailleurs, les politiques sociales développées par l’État social donnent naissance à « un
droit fondé sur une socialisation des droits, mais présente aussi des risques avec le
développement de la responsabilité sans faute ». Les procédures établies au cours de ces
dernières décennies démontrent que, dans plusieurs domaines, bon nombre de conflits sont
davantage les conséquences d’une vie plus collective et appellent à une justice plus
communautaire fondée sur la conciliation et non sur la sanction. « Il ne s’agit pas de trancher
un problème du passé en proclamant qui a raison ou qui a tort, mais d’en résoudre un,
soulevé entre personnes qui doivent continuer à vivre ensemble ».51

Les conflits en matière administrative sont des cas exemplaires pour justifier l’idée défendue
par l’auteur, car la situation conflictuelle n’est qu’un seul épisode dans une relation qui se
maintiendra pendant longtemps. Cette justice non conflictuelle permet de préserver une bonne
relation entre les parties, traitant l’épisode litigieux comme une perturbation temporaire.

Jean Waline ajoute que les préjugés contenus dans le droit administratif français retardent la
concrétisation des procédures alternatives de règlements des conflits administratifs. A titre
d'illustration, il cite le préjugé encore en vigueur résultant l’expression « Hors du Juge, point
de salut » ou encore le postulat selon lequel « l’administration est de bonne foi ». Cependant,
précise l'auteur, il faut changer de mentalité et de postulat théorique, car il est urgent de
réduire la quantité des litiges qui en viennent au stade juridictionnel. Le droit administratif
étant un droit plus politique que juridique, il doit dépasser ses anciens paradigmes pour
chercher de nouveaux fondements théoriques capables de répondre à ces demandes nouvelles
et urgentes.52

C’est pourquoi notre travail de recherche propose une réorientation de la définition du


« contentieux administratif en dehors du juge » tout comme une précision du sens donné à
cette expression. Pour ce faire nous allons nous appuyer sur la thèse de Jean-Jacques
Chevallier. L’auteur observe que la distinction du contentieux et de la juridiction n’a jamais
été retenue par la doctrine française. D’après lui, il existe en France une confusion critiquable
entre la fonction contentieuse et la fonction juridictionnelle, situation qui peut être

51
BONAFË- SCHMITT, Op. cit .pp.182-184
52
WALINE, Jean. La réforme de la juridiction administrative: un tonneau des danaïdes ? Etudes offertes à Jean-
Marie Auby, Paris : Dalloz, 1992, pp. 347-36, p.354

29
parfaitement perçue « lorsque la doctrine française contemporaine appelle recours
contentieux les seuls recours portés devant un juge public, à l’exclusion des recours purement
administratifs. »53

Dans le même sens Eugénie Prévédourou affirme elle aussi que la doctrine française, dans sa
quasi-unanimité, commet une confusion linguistique entre les termes de « contentieux » et de
« juridiction ». Pour la majorité des juristes français, statuer sur le contentieux c'est toujours
faire acte de juridiction, c'est un raisonnement issu d'une conception purement matérielle de
ces fonctions. Il est vrai que matériellement ces fonctions contentieuses sont identiques, mais
sur le plan organique et formel il est possible de les différencier.54

C’était le souci de séparer la fonction active de l’administration de la fonction juridictionnelle,


exercée par des organes de nature administrative, qui a provoqué en France une énorme
confusion conceptuelle. Il est donc important de savoir que la fonction de trancher les litiges
sur la base du droit n’est pas une exclusivité de la fonction juridictionnelle. Cette fonction-ci,
n’est en fait qu’une modalité possible de l’exercice d’une fonction plus large, qui peut être
assurée également par des organes purement administratifs.55

Le concept formulé par Jacques Chevallier considère la fonction contentieuse comme celle
qui s’exercerait dans toutes les hypothèses où un conflit entre individus ou groupes sociaux
doit être résolu par l’application du droit existant, avec le souci essentiel de rétablir la paix
sociale.56

53
CHEVALLIER, Jacques. Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle. Mélanges Satassinopoulos, Paris :
Librairie Générale de droit et de jurisprudence. 1974, p. 278
54
PREVEDOUROU, Eugénie. Bibliothèque de Droit Public. T. 180. Les recours administratifs obligatoires,
étude comparée des droits allemands et français. Paris : LGDJ, 1993, p. 3
55
Professeur Bernard Pacteau considère comme non contentieux les modes alternatifs de règlements des litiges,
comme la médiation et l’arbitrage : « On n’oubliera pas que l’intervention d’un juge n’est pas l’unique, ni même
forcément le meilleur procédé pour garantir en toutes circonstances la rationalité et la régularité de l’action
administrative. D’autres formes moins lourdes de réclamations, conciliations ou arbitrages peuvent y
contribuer, et aussi de meilleures méthodes de travail administratif, au service d’une prévention du contentieux.
On se souviendra non moins que le règlement juridictionnel constitue le remède à la fois trop souvent
indispensable et en tout cas le plus perfectionné aux maux administratifs». Traité de Contentieux Administratif,
Paris : PUF, 2008, p. 16
56
Jacques Chevallier a formulé une définition de la fonction contentieuse en retenant au-delà d’un aspect
stabilisateur – le rétablissement de la paix sociale – un aspect normatif, visant rendre une définition moins
extensive mais plus précise, car la seule réduction de conflit est une fonction commune à l’ensemble des
fonctions assumées par le système social, par contre le rétablissement par l’application du droit est spécifique de
à la fonction contentieuse. Op. cit. p. 279

30
À partir de ce concept, au moment où un conflit est établi entre les parties et quand ce conflit
dépend de l’application du droit pour être réglé, même si c’est par une autorité administrative,
nous sommes face à la fonction contentieuse, qui n’est pas forcément une fonction
juridictionnelle. Ce concept a montré que le débat sur le caractère distinctif du litige ne se
résume pas à une consultation. En effet, il n’y a pas de litige sans prétention du requérant, que
seule la fonction contentieuse peut résoudre.

Pierre Delvolvé utilise lui aussi l’expression « les mécanismes pré-juridictionnels », au lieu de
« précontentieux », car il considère que le contentieux est né à partir de la contestation entre
les parties, mais qu’il peut aussi faire l’objet d’autres organismes de procédures que les
organismes juridictionnels.57

Cette fonction contentieuse peut être exercée de plusieurs façons, sans que la nature litigieuse
ou contentieuse du fait social ne soit automatiquement liée à un mode de règlement précis.
Une de ces modalités est la fonction juridictionnelle, mais elle ne constitue pas la seule
modalité.

Guy Isaac dénonce une rupture entre la procédure et l’administration au moment de la


constitution de la juridiction administrative en France. Les organes qui sont désignés pour
exercer la fonction juridictionnelle ont une procédure propre destinée à leur assurer une
identité par rapport à la justice ordinaire ; en revanche, l’administration active, qui n’exerce
que les autres fonctions affectées à l’administration, n’en possède pas. C’est le monopole
procédural de la juridiction.58

L’examen comparatif des systèmes juridiques différents entre la France et le Brésil nous
donne une autre notion de la procédure administrative. Au Brésil, il n’y a pas de monopole
juridictionnel de la procédure. En revanche, il y a une règlementation particulière pour la

57
DEVOLVÉ, Pierre. La Justice Hors du Juge. JPA Cahiers de droit de l’entreprise, 1984, n. 27, p. 18.
58
ISAAC. Op. cit. p. 37

31
procédure administrative contentieuse mais non juridictionnelle organisée par la loi 9.784 du
29 janvier 1999.59

Le maintien actuel d’un rattachement théorique exclusif de la notion de procédure à la


juridiction en France peut empêcher le développement naturel de la procédure proprement
administrative. L’observation de la terminologie conservée par la doctrine française en est un
exemple probant. Le terme procédure administrative qui devrait naturellement indiquer la
procédure des organes proprement administratifs est devenu synonyme de procédure de la
juridiction administrative, ou procédure contentieuse. En redécouvrant la procédure de
l’administration active, une partie de la doctrine française a été contrainte de la qualifier
négativement de non contentieuse.60

Cet ensemble de confusions conceptuelles peut empêcher une mise en œuvre satisfaisante des
modes alternatifs de règlements des litiges administratifs en France. Au moment où la
doctrine dominante est encore incertaine quant à la formation d’un litige administratif, ou
même la possibilité de garantir aux administrés une procédure administrative non
juridictionnelle, des questions essentielles et préalables restent encore non résolues. Ce
contexte requiert un système alternatif pour le règlement des litiges administratifs à travers le
développement d’un moyen efficace de communication entre les autorités publiques et les
particuliers.

Cependant au Brésil, l'absence de confusion conceptuelle de cette nature ne garantit pas une
bonne communication entre l'administration et les administrés. Les garanties procédurales
présentes dans le système juridique brésilien ne sont pas non plus capables de surmonter le
manque de crédibilité ni l’opacité qui entoure depuis longtemps cette relation complexe entre
les autorités publiques et les particuliers.

59
La loi n du 29 janvier 1999 règlemente la procédure administrative pour les autorités administratives fédérales
au Brésil. Pour son essentialité / Au vu de son caractère essentiel dans ce travail, elle sera explorée dans la
deuxième partie.
60
Sur le problème sémantique posé par le terme Procédure Administrative Non Contentieuse voir GERANDO,
Joseph-Marie de. Cours. Revue Thémis, t. IV, 1822 ; LANGROD, George. Procédure Administrative et droit
administratif. RDP, 1948, p. 549 ; ISAAC, Guy. Op. cit, p. 46

32
Cet ensemble d’éléments conceptuels aidera notre travail à montrer que la procédure
représente une importante voie d’accès à l’administration publique. Elle constitue un pont
capable de rapprocher deux parties, administration et administré, séparées par un système
organisationnel non participatif et fermé aux citoyens. A leur lumière, nous désignerons, dans
le corps de cette thèse, la procédure administrative connue en France comme « procédure
administrative non contentieuse », par l’expression « procédure administrative contentieuse
non juridictionnelle », et la procédure administrative concernant la justice administrative
française, (sans équivalent au Brésil) par les termes « procédure administrative
juridictionnelle ».61

Quant à la qualification des litiges « administratifs », seront considérés comme tels par notre
travail de recherche tous ceux où les autorités administratives s’opposent aux particuliers ou
vice-versa, tout comme les litiges entre les autorités administratives elles-mêmes.

L’expression « autorités administratives » a été retenue pour donner un sens différent de celui
de personnes publiques. « Car les personnes publiques ne sont pas uniquement des autorités
administratives et l’on peut trouver des autorités administratives hors des personnes
publiques strictement entendues ».62 Nous ne considérons pas comme « autorités
administratives » que celles de l’ordre administratif et dans l’exercice de leurs fonctions. En
effet, il existe des personnes publiques qui exercent des fonctions juridictionnelles,
législatives et, dans ces cas, elles ne doivent pas être considérées comme des autorités
administratives.

Certains particuliers peuvent aussi être reconnus comme autorité administrative et par
conséquent caractériser un litige comme litige administratif. Cela dépend des fonctions qu’ils

61
Selon Allan R. Brewer-Carias, elle s’applique intégralement au Brésil aussi : […] avant de traiter les principes
de la procédure administrative non contentieuse en Espagne et en Amérique latine, à apporter une précision
terminologique. Dans la langue castillane, en effet, l’expression ‘procédure administrative non contentieuse’ ne
s’emploie pas littéralement. C’est là une expression typiquement française qui entend définir la procédure suivie
devant l’administration active, par opposition à celle qui se déroule devant la juridiction administrative, de telle
sorte que l’on parle de la ’procédure administrative non contentieuse’ en la distinguant de la ‘procédure
administrative contentieuse’. Cependant dans la perspective hispano-américaine, cette expression non seulement
n’est pas utilisée mais elle serait même incorrecte.». BREWER-CARIAS. Allan R. Les principes de la
procédure administrative non contentieuse, études de droit comparé. Paris : Economica, 1992, p. 9.
62
DELVOLVÉ, Pierre. Les solutions Alternatives aux Litiges entre les autorités administratives et les
particuliers : conciliation, médiation et arbitrage. Conférence Multilatérale, Conseil de l’Europe. Lisbonne :
2000, p. 17

33
exercent, si ce sont des fonctions dont la réalisation est propre à l’administration publique.63
De plus selon la nature des parties, certains litiges, même entre autorités administratives et
particuliers, ne concernent pas nécessairement le droit administratif, et dans le système
français ne sont pas non plus de la compétence de la juridiction administrative. Ainsi, dans le
but de respecter les objectifs recherchés dans ce travail, l’amélioration du rapport entre
administration et administrés et le soulagement des tribunaux, on considère tous les litiges
concernant ces autorités administratives comme litiges susceptibles d’être réglés en dehors du
juge.

En effet, le contentieux administratif en dehors du juge peut constituer un mécanisme de


coopération au juge étatique. Le rapport du Conseil d’État a introduit une notion de
règlements alternatifs des conflits administratifs comme étant de nouveaux modes
parallèlement aux moyens traditionnels – principalement les juges étatiques - qui ne seront
pas supplantés64. Donc, lorsque notre travail parlera de contentieux en dehors du juge il se
nous rapportera aux modes non traditionnels de règlement des conflits. L’acception que nous
voudrions adopter est précisément la notion d’alternative aux juges et aux tribunaux étatiques
qui souffrent beaucoup de l’encombrement croissant.

Les modes alternatifs ont été conçus pour améliorer le fonctionnement des organismes
juridictionnels. Leur objectif serait de permettre le règlement d’une certaine qualité des
différends et d’un certain nombre de conflits de façon rapide, peu onéreuse, le juge
n’intervenant que si ce mode-là a échoué. La mise en place de ces modes alternatifs suppose
donc de sommer des efforts et non pas de supprimer le juge étatique, sans quoi la notion
d’alternative disparaitrait.

Même dans le cas où le contentieux en dehors du juge n’a pas réussi à éviter le litige
juridictionnel, il a réussi à améliorer la condition litigieuse, soit par la meilleure précision de
l’objet en question, soit par la fixation plus claire des demandes. Il a donc toujours réussi à
faciliter le travail du juge.

63
Conférence Multilatérale. Conseil de l’Europe. Op. cit. p. 17
64
Conseil d’État. Régler autrement les conflits, conciliation, transaction, arbitrage en matière administrative.
Paris: Section du Rapport et des études, 1993. La documentation française, p. 13

34
Pierre Delvolvé nous donne la dimension exacte d’alternative. Pour l’auteur «L’établissement
de l’État de droit commence par l’instauration d’une justice: la justice hors du juge ne se
justifie pas si la justice elle-même, d’abord, n’existe pas»65. C’est à travers ce regard que notre
travail de recherche va analyser le contentieux administratif en dehors du juge comme
mécanisme de coopération au juge étatique.

Le Conseil d’État considère comme modes alternatifs de règlement des conflits administratifs
tous les mécanismes non conflictuels capables d’imposer une fin au contentieux administratif
soit en dehors du juge pour prévenir le litige, soit en cours d’instance pour y mettre une fin
précoce66. Lorsque nous allons nous référer à un contentieux en dehors du juge nous allons
adopter un sens moins large, pour englober seulement les modes de dénouement d’un conflit
avant le recours au juge étatique (lorsqu’il s’agit de prévenir ou de substituer l’intervention du
juge). Dans ce cas, nous allons exclure tous les conflits déjà cristallisés devant le juge
étatique, même si les arbitres utilisent une méthode que l’on nomme alternative telle que la
conciliation, la médiation ou la transaction.

Parmi les mécanismes de règlement de conflits administratifs, ce travail considère également


ceux qui ont une nature juridictionnelle. En dépit de leur nature identique à celle des juges
étatiques, ces mécanismes, constituent des alternatives au juge, dans la mesure où ils
fonctionnent comme des arbitres choisis par les parties. Il est important de souligner que ces
modes alternatifs ont une très grande ressemblance avec le règlement classique du juge
étatique. Les deux mécanismes statuent par le droit et sont, par conséquent, compétents pour
trancher les conflits de nature juridique et de façon définitive.

Notre travail de recherche cherchera la réponse aux questions formulées dans cette
introduction par l’analyse de l’établissement des règlements alternatifs des litiges
administratifs en deux étapes. D’abord par l’analyse de « l’ouverture du contentieux
administratif aux modes alternatifs au Brésil et en France » (Prémière Partie). Dans cette
étape du travail, nous y analyserons les systèmes de règlement alternatif des conflits
administratifs déjà implantés en France et au Brésil, de leurs potentialités et de leurs
65
DELVOLVÉ, Pierre. Les solutions Alternatives aux Litiges entre les autorités administratives et les
particuliers: conciliation, médiation et arbitrage. Conférence Multilatérale, Conseil de l’Europe. Lisbonne :
2000, p. 21
66
RICHER. Op. cit. 1999, p. 4

35
faiblesses et vérifierons la procédure administrative existante dans les deux systèmes. Il
conviendra ensuite d’examiner l’intégration d’une procédure administrative appliquée aux
modes alternatifs à partir de « la valorisation du contentieux administratif en dehors du juge »
(Deuxième Partie). Ici, nous verrons quels sont les conflits compatibles à ces modes
alternatifs de règlement, dont l’absence a jusque-là empêché une mise en œuvre satisfaisante.

36
I PARTIE : L’OUVERTURE DU CONTENTIEUX
ADMINISTRATIF AUX MODES ALTERNATIFS
EN FRANCE ET AU BRÉSIL

L’idée de l’ouverture du contentieux administratif représente une alternative aux problèmes


d’excès de litige et d’engorgement des organismes juridictionnels autant en France qu’au
Brésil. L’expression modes alternatifs de règlements des litiges, expression semblable à
l’ouverture du contentieux administratif, n’est pas admise pour tout le monde. Pierre Delvolvé
la trouve impropre et semble la rejeter, cependant même d’accord avec lui, nous utilisons
cette expression, d’abord pour une question de praticité, car elle est déjà courant en droit
français et en droit brésilien.67

L’hypothèse est que ces modes alternatifs de règlement des litiges au juge étatique seraient
capables d’améliorer les relations entre les deux sujets - administrations et particuliers - et de
soulager les tribunaux. Cependant, la grande question est de savoir comment la résoudre.
Comment changer tout un système conçu depuis longtemps pour séparer la fonction
administrative de la fonction contentieuse ? Comment favoriser un changement de mentalité
des administrés par rapport à l’administration publique?

67
Pour Pierre Delvolvé : «Le développement du contentieux administratif a conduit à un engorgement des
juridictions administratives, ne permettant plus de le régler dans des délais raisonnables. C’est ce qui a conduit
à créer successivement, comme on l’a vu, les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. Le
flot des recours peut être ainsi traité par des juridictions administratives plus nombreuses. Mais il ne cesse de
croître (5) et la recherche de solutions hors de ces juridictions s’impose comme une nécessité. D’autres facteurs
sont d’ordre qualitatif. Quels que soient les perfectionnements du contrôle juridictionnel de l’administration, sa
forme même peut ne pas correspondre aux besoins de justice. Le débat juridictionnel cristallise les oppositions,
peut même les accroître; en dehors du juge, les pressions peuvent être moins vives, les rapprochements plus
faciles. La procédure contentieuse peut enfermer les parties dans des contraintes dont la rigueur empêche une
souplesse qui parfois permet de trouver une solution. Le juge ne peut statuer qu’en droit, même si l’équité peut
le conduire à trouver une solution juridique ; dans certains cas, une solution en pure équité pourrait être
justifiée, mais le juge ne peut l’adopter. Bien plus, dans certains cas, il peut être justifié que les parties désignent
elles-mêmes leurs juges notamment lorsqu’elles ont conclu un contrat dont l’exécution rencontre des difficultés.
Progressivement, en France comme dans d’autres pays, s’est développée l’idée de l’ouverture du contentieux
administratif à ce que l’on appelle improprement les modes alternatifs de règlement des litiges. » DELVOLVE,
Pierre. La justice hors du juge en matière administrative. Article inédit non publié. 2008.

37
Les interrogations et les réticences existent encore mais ne doivent pas être évitées. La
doctrine dénonce quelques problèmes et faiblesses du système alternatif déjà existant, mais
continue en même temps de reconnaître un intérêt croissant pour le sujet. Ainsi, en raison de
ces contradictions, nous commencerons notre recherche par une analyse et un bilan des
techniques de règlement des litiges administratifs en dehors du juge déjà implantées dans les
deux systèmes.

Étant donné qu’il existe une diversité de recours contentieux devant le juge mais aussi de
procédés de règlements alternatifs des litiges à la disposition des administrés, au Brésil
comme en France, plusieurs démarches sont effectuées pour mettre en œuvre les techniques
alternatives de règlements des litiges administratifs. Ce sont soit le consensus, soit le pouvoir
d’influence d’un tiers ou finalement l’impartialité d’un tiers qui jouera un rôle similaire à
celui du juge étatique.

Considérant l’utilisation de cette diversité de techniques, nous les distinguerons en fonction


des procédures adoptées et des spécialités des systèmes comparés bien que, à notre avis, il
n’existe pas de typologie précise.

Compte tenu de cette absence de typologie nous prendrons en considération les conclusions
de Pierre Delvolvé sur l’existence de plusieurs degrés dans la justice hors du juge. Notre
première partie sera consacrée à la justice avant le juge (titre premier) et notre deuxième
partie à la justice à la place du juge étatique (titre second).68

Les deux titres présentent les alternatives au juge étatique. Dans le premier, il ne s’agit pas de
trancher un litige par une décision juridictionnelle mais de lui trouver une solution sans qu’un
juge intervienne encore, tout en laissant la possibilité de saisir le juge si le procès échoue. Le
second titre comporte l’exercice d’une véritable fonction juridictionnelle, ou plutôt
parajuridictionnelle, dans le sens d’une justice en dehors du juge étatique, aboutissant à
trancher le litige par une véritable décision de justice rendue par des juges privés, des arbitres,
ou parfois, comme on le verra, par des arbitres au sein de la structure administrative.

68
DELVOLVE, Pierre. La justice hors du juge en matière administrative. Rapport inédit non publié. 2008

38
TITRE I : Les modes alternatifs de règlement
des litiges administratifs avant le juge

Cette justice est de nature préventive. Elle est constituée par des procédures permettant de
régler les litiges administratifs avant le juge, pour éviter qu’il intervienne. L’idéal, c’est
l’efficacité de cette intervention de façon à trouver une solution sans que le juge n’ait à se
prononcer. Toutefois, il n’est pas rare que ces procédures n’aboutissent pas toujours à un
résultat satisfaisant pour les parties, situation qui pourra obliger à mener ces démarches
jusqu’au bout, c’est-à-dire avoir recours au juge.

On trouve dans l’état actuel de développement de ce contentieux administratif alternatif au


juge étatique des procédures diversifiées à la fois dans leur organisation, dans leur
fonctionnement et dans les solutions auxquelles elles peuvent toutes aboutir.

A ce titre, on se réfère aux modes alternatifs de règlement des litiges administratifs suivants :
ceux qui utilisent le consensus pour régler les différends, ceux qui utilisent la magistrature
d’influence et finalement ceux qui tranchent leurs affaires pour accomplir un devoir d’auto
contrôle et par respect du droit de pétition des particuliers.

Chacun de ces modes alternatifs emploie plusieurs techniques de règlements des litiges. Par
ce mélange des modes classiques et traditionnels, l’on finit par obtenir un mécanisme de
caractère particulier.

En réalité, ce qui procède à une classification ne retient pas une typologie complète des modes
alternatifs des litiges, principalement lorsqu’il s’agit de litiges en matière administrative. A
notre avis le caractère exorbitant du droit administratif et sa dimension essentiellement
jurisprudentielle exige une réorientation en matière de procédés majoritairement issus du droit
privé.

Par conséquent, malgré l’absence d’une typologie complète, on doit considérer un inventaire
des modes alternatifs qui met en évidence le caractère principal utilisé pour régler le litige

39
administratif. Nous ne pouvons cependant pas adopter la typologie plus classique qui divise
les modes alternatifs uniquement en conciliation, médiation, arbitrage et recours administratif
préalable, chacun de façon détachée et particulière.69

Jean-Pierre Gousseau affirme que la spécialisation de ces procédés est loin d’être rigide.
Cependant, deux catégories qui ne peuvent être ignorées s’opposent ; d’une part, les procédés
où les protagonistes (les particuliers et l’administration) trouvent une solution amiable au
litige sans recourir à des tiers; d’autre part, les procédés où les protagonistes sollicitent
l'intervention d’un tiers pour faciliter le résultat, mais sans les priver de leur libre décision
quant à la proposition du tiers.70

Effectivement les modes alternatifs classiques seront le point de départ, mais nous n’allons
pas nous contenter de la simple adéquation d’un mode alternatif appliqué à un modèle
théorique préconisé. A notre sens, l’observation de la mise en œuvre montre le caractère
prédominant du mécanisme de règlement étudié et sa qualification typologique sera
compatible avec cette prédominance.71

En premier lieu, rapportons-nous à l’Histoire: en France, les efforts pour instituer des
organismes de règlement amiable des conflits administratifs existent depuis longtemps. En
1907, les premiers comités consultatifs de règlement amiable des litiges ont été institués.
Même si cette création n’existait que sur un plan formel, elle a été à l’origine de cette
démarche qui n’est arrivée à son apogée que le 31 décembre 1987, par la loi portant réforme
du contentieux administratif entreprise en France depuis 1945.72

69
AUBY, Jean-Marie et DRAGO, Roland. Traité de contentieux Administratif. T. I, Paris : LGDJ, 1984, p. 68.
70
GOUSSEAU (J-L), « Administrés et procédés facultatifs de règlement non juridictionnel des litiges
administratifs »; L.P.A., 19-21 octobre 1987, n. 125, pp. 9-19.
71
Sur les typologies utilisées par le Conseil d’ État : « Dans son rapport de 1993, le Conseil d'État regroupe sous
l'intitulé de « modes nouveaux » tous les moyens de règlement des litiges autres que le règlement juridictionnel
par des instances étatiques. Sont ainsi étudiés le recours administratif préalable, la médiation-conciliation, la
transaction, l'arbitrage. En fait, ainsi que le relève le rapport (p. 17), il ne s'agit pas vraiment de nouveautés, et il
paraît donc opportun d'utiliser une autre terminologie. Mais la question se pose de savoir si le droit administratif
reconnaît une catégorie juridique regroupant les différents modes. On verra qu'il n'en est rien, ce qui ne laisse
place qu'à la définition juridique de chacun des modes alternatifs. » RICHER, Laurent. Les modes alternatifs de
règlement des litiges et le droit administratif. AJDA, 1997, pp.3/9, p. 3
72
DELAUNAY, Bénédicte. Bibliothèque de Droit Public, T.172, L’amélioration des Rapports entre
l’administration et les Administrés. Paris : LGDJ, 1993, p. 700

40
En ce qui concerne le Brésil, déjà en tant que colonie du Portugal il existait des dispositions
prévoyant la conciliation comme mode général de règlement des conflits dans les
« Ordenações Manuelinas » (1514) et les « Ordenações Filipinas » (1603)73. Après
l'indépendance du Brésil, la conciliation a toujours été présente dans la Constitution de 1824.
Actuellement la constitution de 1988 prévoit dans son préambule74, comme but fondamental
de la république, « l'harmonie sociale dans l'ordre interne et international, dans la recherche
du règlement pacifique des différends. » Malheureusement, malgré l’ancienne règlementation,
l’application effective des modes alternatifs comme technique alternative au juge pour les
litiges administratifs est restée partiellement suspendue jusqu’au début du XXIe siècle.

Sans vouloir en faire une liste exhaustive, les principaux organismes implantés en France pour
mettre en œuvre des modes alternatifs de règlements en dehors du juge sont : le Médiateur de
la République, les Comités Consultatifs de Règlement Amiable des litiges relatifs aux
marchés publics, les Comités Consultatifs de Règlement Amiable des dommages, les
Commissions de conciliation en matière des accidents médicaux, la Commission d'accès aux
Documents Administratifs, la Commission des Impôts, et d’autres encore.

Au Brésil, nous pouvons citer par ailleurs l’Ouvidoria-Geral da União ; les Conciliateurs
comme mécanismes pré-juridictionnels, les Chambres de Conciliation et de l'Arbitrage, les
fonctions presque arbitrales des Agences Régulatrices, le Terme d'Adéquation de
Comportement (TAC – Termo de Ajustamento de Conduta), etc.

73
L’ordre juridique portugais se trouvait dans les Ordinations du Royaume. Les premières étaient les Ordenaçoes
Afonsinas, après les Ordenaçoes Manuelinas, et en dernier les Ordenaçoes Filipinas. Ces ordinations sur un plan
théorique ont été applicables au Brésil, car dans la colonie était imposées les lois de la métropole. Cependant, en
raison des différentes réalités, l’application du droit métropolitain était impossible dans les mêmes conditions, il
aurait fallu une adaptation.
74
Nous, représentants du peuple brésilien réunis en Assemblée nationale constituante pour instituer un État
démocratique destiné à assurer l'exercice des droits sociaux et individuels, la liberté, la sûreté, le bien-être, le
développement, l'égalité et la justice comme valeurs suprêmes d'une société fraternelle, pluraliste et sans
préjugés, fondée sur l'harmonie sociale et engagée, dans l'ordre interne et international, dans la recherche du
règlement pacifique des différends, promulguons, sous la protection de Dieu, la présente Constitution de la
République fédérative du Brésil. (Documents traduit sur le site de l’Ambassade du Brésil en France. Disponible
sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-politique-
constitution.pdf?PHPSESSID=f85dfbd85f25804c5baa3f47b5548938.)

41
Chapitre I : Règlement par le consensus

Tout d’abord, il est important de faire une analyse ordonnée des différents modes alternatifs
de règlement des litiges administratifs implantés en France et au Brésil avant le juge, nous
détacherons un caractère prédominant et commun à plusieurs organismes, instituts ou
procédures institués pour mettre en œuvre toute une catégorie de modes alternatifs des litiges :
le consensus.

Nous nous tournerons donc vers une discussion doctrinale sur la juste acception du mot
consensus et des modes consensuels de règlement des litiges administratifs, ce qui n’est pas
tâche facile. Il en est de même dans les secteurs de l’administration publique et du droit privé
où l’on emploie les termes «médiation» ou «conciliation» sans qu’il n’y ait vraiment une
différence dans l’objectif poursuivi ou les méthodes utilisées.75

Pour arriver à faire un regroupement des modes alternatifs de règlement du contentieux


administratif de façon à cerner le consensus comme l’identification commune entre ces
notions, il nous faut rechercher l’élément, aussi minime soit-il, qui caractérise cet ensemble
des modes alternatifs. Pour ce faire il sera indispensable de connaître l’avis de la doctrine sur
le sujet. Il faut identifier la façon dont les auteurs caractérisent le consensus et principalement
de quelle façon sont utilisées les techniques consensuelles par les modes traditionnels - la
conciliation et la médiation - pour pouvoir classer ensuite les organismes et les institutions par
rapport à ce caractère prédominant.

Pour Jean-Marie Auby et Roland Drago la conciliation est un procédé de règlement des
litiges, facultatif ou obligatoire, dans lequel les parties font appel à un conciliateur, dont le

75
À propos de cette difficulté, Frédérique Munoz a déjà remarqué que : « Les pouvoirs publics, pourtant
désireux de voir se développer la conciliation en matière administrative, ne se sont jamais employés à en donner
une définition, ce qui a pour conséquence qu'il est souvent difficile de la distinguer d'autres institutions voisines,
et tout particulièrement de la médiation ». «Pour une logique de la conciliation». AJDA, 1997, p. 41 ; et
Bénédicte Delaunay : « Il n’est pas aisé d’opérer une classification de ces différents procédés, du fait de la
diversité des méthodes utilisées par ces organes pour aboutir à un règlement non juridictionnel du litige, des
grandes ressemblances qui existent entre eux et de l’insuffisante rigueur de la terminologie employée. »

42
rôle est de faire une proposition pour trancher les conflits que les parties sont libres d’accepter
ou non.76

Dans le même sens Yves Gaudemet considère la conciliation en matière de marché public
comme « un procès plus actif et uniquement orienté vers la résolution du litige et la
prévention du contentieux ». Le caractère plus remarquable serait « l'intervention d'un tiers,
extérieur aux cocontractants, autorité individuelle ou collégiale, spécialement chargé
d'examiner les termes du litige et de rechercher les voies d'un accord entre les parties ». A
partir de cette considération la médiation apparaît comme une variété de conciliation,
caractérisée peut-être par le rôle plus actif du médiateur par rapport à celui du conciliateur. En
résumé, le conciliateur ou médiateur n'a qu'un pouvoir de proposition, plus ou moins
formalisé, qui bien souvent consistera à suggérer aux parties d'utiliser la voie de la
transaction.77

Pour Raymond Guillien, la médiation autant que la conciliation utilisent le consensus pour
apaiser un conflit. En revanche, la médiation est consacrée à l’examen des conflits d’ordre
collectif, toujours moraux, de telle sorte que la conciliation est destinée à solutionner des
conflits au niveau des intérêts privés. L’auteur avertit que cette distinction n’est pas conçue
avec une rigueur absolue, car on passe et on passera trop vite de la conciliation à la médiation.
C’est un problème de quantité, il s’agit de l’augmentation de ces cas, individuels mais
analogues, qui provoque une transformation de nature entre la conciliation et la médiation.78

D’ailleurs, Jean Louis Gausson relève que la conciliation se limite à une proposition neutre de
règlement sur un terrain d’entente commun aux deux parties. Dans le même sens, Anne
Baudoin-Mazand affirme que le conciliateur est chargé de clarifier les problèmes afin que les
parties puissent parvenir à un accord.79

76
AUBY et DRAGO,Op. cit . 1984, tome 1, p. 29
77
GAUDEMET, Yves. Le pré contentieux : le règlement non juridictionnel des conflits dans les marchés publics.
AJDA 1994, p. 84
78
GUILLIEN, Raymond. Saint- Nicolas du Chardonnet bon offices – conciliation – médiation. Mélanges dédiés
à Robert Pelloux, pp 169-192, Lyon : Edition De l’Hermès, 1980, pp 169-192.
79
BAUDOIN-MAZAND, Anne. La conciliation et la médiation : deux modes amiables de règlement des
différends commerciaux, PA, 6 août 1993, n° 94, p. 31 ;

43
Vu sous un autre angle, Pierre Delvolvé affirme qu’entre la conciliation et la médiation il n’y
a pas de différence substantielle, mais seulement une différence de degré parce que le résultat
final est l’expression de leur volonté qui est responsable de l’adoption de cette solution.
L’auteur démontre que la différence entre les deux se situe à l’issue de la procédure. Pendant
la procédure le rôle des médiateurs et conciliateurs est le même, celui de rapprocher les
parties et leurs points de vue. À la fin de la procédure, nous trouvons une certaine distance
entre ces deux modes alternatifs : « le conciliateur ne peut que constater soit l’existence d’un
accord soit la persistance d’un désaccord, le médiateur n’a pas à établir un tel constat: il dit ce
qui devrait être adopté ». Cette recommandation, contrairement toutefois à la sentence
arbitrale, ne s’impose pas, car elle constitue une « prise de position officielle » sans l’autorité
juridique de la chose jugée. Mais elle exerce en fait une influence sur les parties pouvant les
conduire à s’incliner.80

Dans le même sens, Bénédicte Delaunay intitule la médiation de «magistrature d’influence»,


car le médiateur fonctionne comme un intercesseur en faveur des administrés auprès de
l’administration81. Pour Jean-François Brisson, la conciliation consiste également en un appel
à une tierce instance afin de rapprocher les points de vue des parties en conflit et de se voir
proposer une solution de compromis qu’elles seront libres d’accepter ou de refuser. Toutefois,
le médiateur est un tiers qui intervient dans un litige pour influencer l’administration et
obtenir une solution à partir de son autorité morale82. Helmut Kitshenberg dit aussi que les
litiges sont propres aux êtres humains qui composent notre corps social, et la conciliation va
les inciter, par un conciliateur, à voir ce qui les sépare et les aider à trouver par eux-mêmes
des solutions.83

Autrement, Arnauld Noury considère que la caractéristique consensuelle est commune à tous
les modes alternatifs de règlement des litiges. L’élément qui change, c’est la dimension de
cette caractéristique consensuelle qui s’exprime de manière différente pour chacun d’eux. La
transaction est par définition le produit d’un consensus entre les parties. La médiation et la

80
Conférence Multilatérale. Conseil de l’Europe. DEVOLVÉ, Pierre. Rapport Général. Lisbonne : Éditions du
Conseil de l’Europe, 2000, p. 15.
81
DELAUNAY. Op. cit. p. 629.
82
BRISSON, Jean François. Biblioteca de Direito Publico, T. 185, Les Recours administratifs en droit public
français. Paris : LGDJ, 1996, pp. 202 et 215.
83
Conférence Multilatérale. Conseil de l’Europe. KITSHENBERG, Helmut. Rapport Général. Lisbonne :
Éditions du Conseil de l’Europe, 2000, p. 28.

44
conciliation sont des procédures d’ordre consensuel auxquelles les parties acceptent de se
soumettre pour essayer de régler le différend qui les opposent. L’arbitrage, même s’il est
considéré comme un mode juridictionnel parce que l’arbitre statue comme un juge, le recours
à l’arbitrage, la désignation de l’arbitre et l’ampleur de ses pouvoirs dépendent de la seule
volonté des parties. L’auteur affirme que le fondement de l’arbitrage est une clause
compromissoire ou un compromis, notions d’ordre consensuel. Ainsi, les recours
administratifs reposent sur cette même logique, car, même s’ils sont décidés par des actes
administratifs unilatéraux, le dépôt d’un recours administratif repose par principe sur la
confiance du requérant en l’administration, qui va le convaincre de la pertinence de sa
décision, ou qui va infléchir sa position initiale pour prendre en compte les arguments du
requérant.84

Nous sommes convaincus que le consensus est présent dans tous les modes alternatifs des
litiges administratifs, malgré les différences présentées. Ce n’est pas par hasard que ces
modes son fréquemment appelés modes amiables de règlement des litiges, à l’opposé des
modes judiciaires appuyés sur un archétype conflictuel de régulation axé sur la compétition. 85

Nous rappelons qu’en dehors de la civilisation occidentale, dans les sociétés africaines et
avant l’arrivé du colonisateur, nous trouvions une procédure amiable comme principale façon
de régler les litiges même s’il existait une organisation judiciaire. La procédure appelée en
Afrique « l’arbre à palabre » renvoie à l’idée de concertation dont le but est de trouver une
solution avant l’intervention du juge étatique.86

Le consensus, la négociation, les concessions ont donné place à l’empire de la force étatique,
mais à présent, cette force institutionnalisée commence à trouver ses limites et demande à être
secourue par les modes d’apaisement d’autrefois. Il faut changer de méthode sans changer
l’organisation politique moderne. L’État peut se transformer en un plus grand médiateur. Au
lieu d’utiliser a priori la force pour imposer les solutions, il utilisera a priori « la palabre », la
communication pour trouver une solution négociée.

84
NOURY, Arnold. Les modes alternatifs peuvent-ils prospérer dans le contentieux administratif. JCP, 2005,
p.1286
85
BONAFË-SCHIMIDT, Jean Pierre. La médiation: une justice douce, Paris : Sirey, 1992, pp.182-184
86
FALL, AliouneBadara. Op. cit., p. 153.

45
Le consensus est un caractère prédominant et essentiel dans tous les modes alternatifs, mais
en fait, son importance est variable par rapport à chaque mécanisme alternatif. Compte tenu
de cette variation, il est possible de faire une distinction, pas obligatoirement rigide, à partir
du consensus comme élément central aux mécanismes de règlement alternatifs de litige.

§I. Les Comités Consultatifs de Règlement Amiable du


Contentieux en France.

Ces institutions ont été créées pour faciliter la solution des litiges en dehors de la voie
juridictionnelle. Ce mode alternatif, en théorie, devait présenter des avantages matériels et
formels, car il aurait pu agir dans des conditions plus souples que le juge étatique et tenir
compte de considérations juridiques et en même temps d’équité. Leur intervention aurait dû
permettre de soulager les tribunaux, mais dès lors leurs avis auraient été acceptés par les
parties.

Cependant, la revitalisation de ces organes de conciliation a eu lieu en réponse aux


conclusions du Rapport du comité Central d’enquête sur le coût et le rendement des services
publics présentés en novembre 1978.87

Des comités de règlements amiables ont alors été constitués, chacun pour jouer un rôle dans
des champs distincts, les uns en matière contractuelle - issus en 190788, modifiés par le décret
du 18 mars 198189, réformés par le décret du 25 février 199190, et finalement par le décret du 3
septembre 200191 - et les autres en matière extracontractuelle - institués par le décret du 4
décembre 198092.

87
DELAUNAY, Op. cit, p. 698
88
Code des Marchés Publics ancien art. 239
89
Décret n. 81-272, publié le 27 mars 1981, p. 874 JO. Les comités consultatifs de règlement amiable ont été
institués dès 1907 et relancés en 1953 après un important déclin. En 1981le décret 81-272 entreprend une
réforme afin de renforcer l’efficacité de ces organismes. Avec ce décret, les différents comités ministériels
existants ont été substitués par un seul, à caractère interministériel.
90
Décret n. 91-204 du 25 février 1991, publié le 27 février 1991, p. 2845 JO. Les dispositions sont actuellement
dans le Code des Marchés Publics aux articles 127, Section 1 du Premier Chapitre, titre VI.
91
Décret n. 2001-297 du 3 septembre 2001 modifié par Décret n. 2005-818 du 19 juillet 2005.
92
Décret n. 80-974 du 4 décembre 1980, publié le 6 décembre 1980, p. 2875 JO.

46
Le comité consultatif en matière extracontractuelle n’existe plus et le comité en matière
contractuelle est d’une durée limitée.93 Les raisons exposées pour justifier la suppression de
la première et la limitation de la durée de la deuxième sont ancrées, pour quelques auteurs, sur
des bases complètement différentes. Pour Pascale Deumier, par exemple, cette délimitation
des organes consultatifs est issue de sa réussite, ou plutôt du développement incontrôlé de ce
bonheur causant des retards habituels et un coût élevé pour l'État.94 En revanche, pour
d’autres auteurs, la suppression du comité en matière contractuelle mais aussi en matière
extracontractuelle a eu lieu par manque de demande justifiant sa permanence.95

Au Brésil, il n’y a pas d’institutions équivalentes à ces comités, raison qui nous empêche de
les comparer avec une institution brésilienne.

A. Les comités en matière contractuelle

Cet organisme administratif collégial a été créé au début du XXe siècle (1907), sans
personnalité morale différente de l’État. C’est un organe rattaché au Premier Ministre en
raison de son caractère interministériel mais ses frais de fonctionnement sont à la charge du

93
Décret n° 2009-623 du 6 juin 2009 article 1 : « Les dispositions réglementaires instituant les commissions
administratives à caractère consultatif dont la liste est annexée au présent décret sont prorogées pour une durée
de cinq ans » (Comité consultatif national, comités consultatifs régionaux, interrégionaux ou
interdépartementaux de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés publics).
94
«Victime de son succès, ou plutôt du développement incontrôlé de ce succès, la mode de la consultation a créé
des carcans qui sont présentés par la circulaire comme sources de retard dans l'application des lois et des textes
européens. Cet effet peut être vérifié au fil des rapports d'application des lois du Sénat. Dès le premier rapport,
en 1998, sont identifiées comme « causes habituelles des retards constatés », « la consultation d'organismes
extérieurs, celle du Conseil d'Etat, ou encore la réticence des organisations professionnelles ». Ce grief est
devenu plus visible encore avec les rapports, voulus par la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004,
remis par le gouvernement au Parlement sur la mise en application de toute nouvelle loi, qui insistent « pour la
plupart, sur la lourdeur du processus d'élaboration des décrets, nécessairement soumis à consultations préalables,
soit de commissions, de comités ou de groupements, soit des partenaires socio-professionnels » (Rapport
e
d'application des lois 2006, p. 76). Le vaste mouvement de simplification du droit lancé au 21 siècle pouvait
donc difficilement ne pas nourrir certaines suspicions à l'égard de ces mécanismes. » DEUMIER, Pascale.
L'adieu aux Commissions administratives consultatives. RTD, 2009, p. 81.
95
« L'activité de ce comité national est elle-même allée en déclinant. De 1981 à 1986, il examine 124 affaires,
soit une moyenne de 25 par an environ. En 1988, on compte encore 19 saisines, 21 en 1989, mais seulement 14
en 1990 et 9 en 1991. Ces chiffres sont à rapprocher de ceux du contentieux des marchés devant le juge
administratif, à l'époque 2500 à 3000 affaires par an devant les tribunaux administratifs et quelque 500 affaires
devant le Conseil d'Etat. En outre, et ce n'est pas sans rapport avec la faible activité du comité, l'orientation
générale de ses avis, sa « jurisprudence », n'est pas connue, à supposer même qu'elle puisse faire l'objet d'une
exploitation systématique.(…) Il est donc évidemment trop tôt pour se prononcer sur le succès de la réforme.
Cependant, les premiers chiffres dont on dispose ne sont pas très encourageants : quatre saisines du comité
national en 1992, après la réforme, et trois saisines des comités interrégionaux. » GAUDEMET, Yves. Le
précontentieux : le règlement non juridictionnel des conflits dans les marchés publics. AJDA, 1994, p. 84.

47
ministère de l'économie et des finances, il est directement relié à la Direction des affaires
juridiques96. Ce comité est renforcé par des organes locaux (comités consultatifs
interrégionaux) présents sur le territoire de chaque ressort de la Cour administrative d’appel et
rattachés au Préfet de Région du siège de la cour97. Ils sont donc soumis à tout contrôle
hiérarchique ou de tutelle et leurs interventions ont une efficacité matérielle trop limitée.98

En raison du poids économique des contrats administratifs, l'administration publique a été


obligée d'adopter une solution pour résoudre les inconvénients concernant les actions
juridictionnelles. Le régime des contrats administratifs, vu leurs prérogatives exorbitantes,
devient une source fréquente de litiges juridictionnels qui surviennent trop souvent au cours
de l'exécution contractuelle, fait qui impose des dommages à l'administration publique et aussi
à la personne privée.99

Selon Mauro Cappelletti, les intermittences de conflits qui surgissent épisodiquement au cours
des relations contractuelles rendent les marchés publics beaucoup plus propices aux modes
alternatifs de règlement des litiges. Cette justice non conflictuelle préserve la bonne relation
entre les parties, traitant l’épisode litigieux comme une perturbation temporaire.100

La conciliation dans ce cas n’est pas seulement idéale pour présenter des solutions plus
souples ou plus rapides que les juridictions administratives, mais elle représente surtout à long
terme une amélioration qualitative très importante dans les relations contractuelles entre
l'administration publique et les particuliers. Cette amélioration, dans un domaine contractuel,
se répercute favorablement dans une sphère économique.

96
Sur la nature juridique du CCRA, BRECHON-MOULENES a commenté le décret du 18 mars 1981: «Quelle
est en fin de compte la nature juridique du nouveau CCRA ? Simple organe de conciliation sans pouvoir de
décision? Instance quasi arbitrale en dehors même des dispositions de l’article 69 de la loi du 17 avril 1906(art.
247 du Code des Marchés Publics) ? Substitut à une juridiction administrative encombrée et exigeante ?» AJDA,
1981, p. 304.
97
Le décret n. 2001-797 du 3 septembre 2001
98
VEDEL, George; DELVOLVÉ, Pierre. Le système français de protection des administrés contre
l’administration. Paris : Sirey, 1991, p. 173
99
DELAUNAY, Op. cit. 699.
100
CAPPELLETTI, Mauro. Os métodos alternativos de solução de conflitos no quadro do movimentouniversal de
acesso à Justiça, Revista de Processonº 74, Rapport d’Ouverture du Séminaire Juridique W. G. Hart sur la
Justice et ses alternatives, réalisé à Londres, à l’Institute of Legal Advanced Studies, le 7-9.7.92

48
Selon le Conseil d’État, les litiges issus de la matière contractuelle représentent
approximativement la sixième part de toute la charge des juridictions. Ces litiges nécessitent
un recours à des experts car ils portent fréquemment sur des questions de fait, techniques et
complexes. De plus, dans ces litiges interviennent plusieurs sujets tels que des maîtres
d’ouvrage, architectes, entreprises, victimes, caisses de sécurité sociale ou autres. Tous ces
caractères démontrent l’avantage de l’adoption, dans ces cas, des techniques alternatives parce
que l’examen préalable par l’administration va éviter la saisine du juge, si elle est efficace, et
si elle échoue le juge sera éclairé et sa tâche facilitée par l’expertise déjà ordonnée et par
l’audience des parties.101

1. La compétence

Le Code des Marchés Publics établit que les pouvoirs adjudicateurs et les titulaires de
marchés publics peuvent recourir aux comités consultatifs de règlement amiable des
différends ou litiges relatifs aux marchés publics dans des conditions fixées par décret. Ces
comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue d'une solution
amiable et équitable. La saisine d'un comité consultatif de règlement amiable interrompt le
cours des différentes prescriptions. La saisine du comité suspend les délais de recours
contentieux jusqu'à la décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité. La
composition, l'organisation et les modalités de fonctionnement des comités consultatifs,
notamment les pouvoirs propres de leurs présidents, sont fixés par décret.

Les comités consultatifs nationaux ainsi que les comités régionaux, interrégionaux ou
interdépartementaux sont également compétents pour les marchés passés par les services de
l'État et les établissements publics de l'État autres que ceux ayant un caractère industriel et
commercial. Lorsque les marchés couvrent les services centraux de l’État ou des besoins
allant au-delà du ressort d’un seul comité régional, interrégional ou interdépartemental, la
compétence est du comité national. Sinon les comités consultatifs de règlement amiable sont
compétents pour les marchés passés par les services déconcentrés de l'État, des collectivités
territoriales ou par leurs établissements publics, les comités consultatifs locaux, un pour
chaque Cour Administrative d’Appel.

101
EDCE. Étude sur la prévention du contentieux administratif. Paris : 1980-1981, n. 32, p. 18

49
Ces comités n’exercent que pour des litiges en matière de marchés publics qui représentent les
contrats en vertu desquels une entreprise s’oblige à réaliser un travail, à fournir des produits
ou à rendre un service au profit de l'administration moyennant les conditions établies par
contrat.

De plus ils n’exercent qu'auprès des marchés de l’État et de ses établissements publics
administratifs, c’est-à-dire ceux dont le caractère n’est ni industriel ni commercial.

D’abord et en raison de leur objet, de nombreux litiges sont écartés de cette procédure, à
savoir ceux concernant la passation des marchés (réclamation des candidats évincés) tout
comme ceux postérieurs à leur extinction (garantie décennale pour vice caché entre autres)
puis, ceux qui concernent la qualité des parties lorsqu’il s’agit de marchés conclus par les
établissements publics industriels et commerciaux nationaux, les collectivités locales et leurs
établissement publics.102

2. La composition

Le comité consultatif national est constitué de six membres qui ont une voix délibérative. Les
deux premiers membres, le président et le vice-président du comité, viennent du Conseil
d'État ou sont magistrats de la Cour des comptes, en activité ou honoraire, à condition que
l’un ait le grade de conseiller d'État ou de conseiller maître et que l’autre ait, au moins le
grade de maître des requêtes ou de conseiller référendaire. Il y a ensuite deux fonctionnaires,
en activité ou en retraite, qui appartiennent ou qui, lorsqu'ils étaient en activité, appartenaient
au département ministériel concerné par l'affaire soumise au comité103; et deux personnalités
compétentes appartenant au même secteur d'activité que le titulaire du marché. Le comité
comprend, en outre, un représentant du ministre chargé de l'économie qui a voix consultative.

Les comités consultatifs régionaux ou interrégionaux ont une composition similaire, ils
comprennent six membres qui ont voix délibérative : un président et un vice-président choisis
parmi les membres des juridictions administratives, en activité ou honoraires ; deux

102
GOUSSEAU, Op, cit., p. 15
103
Les fonctionnaires mentionnés ont un mandat de cinq ans, renouvelable et sont choisis à l’occasion de chaque
affaire par le président sur des listes établies dans les conditions du décret 3 septembre 2002.

50
fonctionnaires104 de l'État, en activité ou en retraite, dont l'un au moins appartient ou, lorsqu'il
était en activité, appartenait au département ministériel concerné par l'affaire soumise au
comité ; et deux personnalités compétentes appartenant au même secteur d'activité que le
titulaire du marché. En outre, chaque comité comprend un comptable public signataire des
paiements relatifs au marché litigieux, qui a voix consultative.

Cette structure offre plusieurs avantages. En premier lieu, l’équilibre entre ses membres qui
ont des qualifications différentes, juristes, techniciens, entrepreneurs. En deuxième lieu, la
souplesse, vu que la composition du comité varie selon les affaires qui leur sont soumises. En
troisième lieu, l’impartialité garantie par l’imposition que leurs membres n’aient pas de
connaissance antérieure de l’affaire qui leur est soumise.105

3. La procédure

À tout moment le CCRA peut être saisi, lorsqu’une entreprise titulaire d’un marché s’est vue
essuyer un refus par un acheteur de l’une de ses demandes, tout comme à l’initiative de
l’administration contractante. La saisine suspend les délais des recours juridictionnels jusqu’à
la décision prise par l’administration ou par son silence après un délai des trois mois. 106

Cette saisine est normalement à caractère facultatif, mais elle peut devenir obligatoire quand
une clause du marché impose au titulaire du marché d’y procéder avant d’engager un recours
contentieux.107

La saisine se fait par un mémoire qui expose les motifs de réclamation et le montant,
accompagné des pièces contractuelles du marché et de la preuve que l’entreprise titulaire s’est
vue opposer un rejet de sa réclamation. C’est le cas d’une saisine faite par le titulaire du
marché.108

104
Selon l’art. 2, II du Décret du 3 septembre 2002 : Pour les différends ou litiges relatifs aux marchés des
collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, ces deux fonctionnaires sont remplacés par deux
membres choisis pour chaque affaire par le président du comité sur une liste de représentants des collectivités
territoriales et de leurs établissements publics.
105
DELAUNAY, Op. cit. p. 702
106
Jusqu’en 1991 la saisine du titulaire du marché était possible seulement à la fin de l’exécution du marché.
D’ailleurs l’administration pouvait la faire à tout moment. Décret 91-204 du 25 février 1991.
107
VEDEL et DELVOLVË, Op. cit, p. 174
108
Décret 2001-797 du 3 septembre 2001, art. 5.

51
La saisine du comité, qui doit être formée dans le délai du recours juridictionnel, interrompt le
cours des différentes prescriptions et suspend les délais de recours juridictionnel jusqu’à la
décision prise par le pouvoir adjudicateur après avis du comité.109

Le Président désigne un rapporteur qui rencontre les parties, les auditionne et effectue des
visites sur place. Puis son rapport est adressé aux membres du comité. L’avis est rendu hors la
présence du rapporteur. Après notification de l’avis, les parties doivent faire connaître les
suites données à cette proposition, à savoir le rejet de l’avis ou la transaction financière.

Il est important de remarquer qu’après la présentation du rapport les parties sont longuement
auditionnées, ce qui est incontournable pour obtenir une solution amiable. S’en suit le
délibéré qui est secret, mais l’avis est rédigé par le président de séance sur la base du projet du
rapporteur et des auditions. Le rapporteur ne vote pas, il participe seulement au délibéré avec
voix consultative.

Cet avis ne s’impose pas aux parties, mais il comporte une autorité morale importante, issue
de sa composition paritaire et de sa procédure quasi juridictionnelle garantie par l’intervention
d’un rapporteur indépendant, une instruction contradictoire, l’audition personnelle des
intéressés et la possibilité du recours à tout moyen d’information utile.110

De plus, à partir du moment où une saisine directe du comité par les deux parties était prévue,
l’administration et le titulaire du marché, celles-ci doivent être notifiées de l’avis. Donc, en
raison de l’ouverture de la saisine par le titulaire du marché, il n’y a plus désormais de
caractère confidentiel, l’avis pouvant être produit éventuellement devant les juridictions
administratives. Ce fait renforce l’autorité de l’avis dans deux sens divers, le premier étant la
connaissance de l’avis par le titulaire du marché qui peut le dissuader d’intenter un recours
juridictionnel, et le deuxième étant la publicité rendue à l’avis qui peut persuader
l'administration qui ne sera pas protégée par le secret administratif.111

109
Code des Marchés Publics, art. 127
110
AUBY et DRAGO, 1984 Op. cit. p. 30 ; DELAUNAY, Op. cit. p. 702; GOUSSEAU. Op. cit. p. 15 ;
BRECHON-MOULENES, Op. cit. p. 306
111
BRECHON-MOULENES. Op. cit. p. 306; DELAUNAY, Op. cit. p. 704

52
Le comité devra notifier les parties de son avis dans un délai de six mois à compter de la
saisine. L'administration a un délai de trois mois pour décider. À défaut d’une telle décision,
l’avis du comité est réputé rejeté.

Messieurs Delvolvé et Vedel relèvent que l’avis du comité ne rend ni une décision ni un
jugement administratifs, mais adopte seulement une prise de position. Lorsque cet avis est
différent de la décision contestée, l’administration est obligée de se prononcer à nouveau, elle
peut ne pas se ranger à l’avis du comité, mais elle doit prendre position ; faute de le faire
explicitement dans le mois suivant la réception de l’avis, elle est réputée avoir confirmé sa
décision initiale.112

À notre avis, la possibilité d’un rejet implicite par l'administration, dans un délai de trois
mois, fragilise tout un système institué exactement pour contraindre cette administration à
faire une appréciation plus attentive des affaires. Toute la structure paritaire des comités et
leur procédure quasi comparable à celle suivie devant les juridictions font que les
commissions méritent au moins une réponse de l’administration accompagnée des fondements
qui exposent nettement les raisons de fait et de droit qui lui ont fait confirmer la décision
initiale.

L’absence de motivation en cas de rejet de l’avis des comités renforce l’exercice d’un pouvoir
injustifié par l'administration.

Cette solution proposée par le comité est explicitement autorisée à être fondée sur l’équité.113
Cette décision équitable n’est pas étrangère au droit, elle a plutôt tendance à le dominer et à
l’imprégner tout entier.114 Elle est utilisée uniquement pour améliorer l’application d’une règle
de droit, jamais pour contrarier son esprit.115

112
VEDEL et DEVOLVÉ. Op. cit. p. 172
113
Code des Marches Publics art. 127
114
BRIBANT. Guy. Nouvelles Réflexions sur les Rapports du Droit et de l'équité, RFDA, 1992, n. 64, pp687-
691, p. 688.
115
LEGATTE, Paul et BARBÉ, Anne. Le principe d’Équité - Défendre le Citoyen face à l’administration, Paris :
Presses de la Renaissance,1992, p. 142

53
La possibilité de fonder également son avis en équité constitue un des avantages majeurs de
cette procédure car, au-delà de la recherche des fondements pour ses avis sur les dispositions
contractuelles ou sur les principes jurisprudentiels116, le comité a une compétence plus étendue
pour apprécier en équité les arguments présentés par l’entreprise, pouvant éventuellement
suppléer les insuffisances de la règle de droit.117

B. Les comités en matière extracontractuelle.

Un décret du 4 décembre 1980, par arrêté du premier Ministre, a prévu la création dans
certains départements de Comités Consultatifs de règlements de dommages pour les Hautes-
Alpes ; le Cher ; la Haute-Marne ; la Moselle ; le Val-d’Oise. L’exemple des comités en
matière contractuelle a inspiré la création expérimentale de ces institutions similaires, pour
atteindre les mêmes finalités mais dans un champ d’application diffèrent, le règlement des
dommages d’ordre non-contractuel. Mais ces comités ne fonctionnent plus actuellement.118

Ils étaient compétents pour le règlement des dommages d’ordre non-contractuel qui
engageaient la responsabilité de l’État et des établissements publics dont le caractère n’était ni
industriel ni commercial. Ils comprenaient un membre des tribunaux administratifs et un
magistrat de l’ordre judiciaire, un directeur de la préfecture, le trésorier-payeur général et un
représentant de l’administration dont la responsabilité est en cause.

Étaient écartés de la compétence de ces comités : le règlement des dommages qui engagent la
responsabilité des collectivités locales ou des établissements publics industriels et
commerciaux; le règlement des dommages nés de l'exécution d’un marché ou de vaccinations
obligatoires, en raison de l’existence de comités spécialisés; le règlements des dommages

116
« En matière de conciliation, le problème ne s'est pas posé en droit positif. La doctrine admet que le
conciliateur peut se prononcer en équité et l'article 239 du Code des marchés publics relatif aux comités
consultatifs de règlement amiable prévoit que ces comités ont « pour mission de rechercher les éléments de droit
ou de fait pouvant être équitablement adoptés en vue d'une solution amiable ».Mais la pratique montre que le
conciliateur se réfère généralement aux principes de la jurisprudence administrative, ce qui tend à faire évoluer la
conciliation vers le ‘minitrial’ ». RICHER, Laurent. Les modes alternatifs de règlement des litiges et le droit
administratif. AJDA, 1997, p. 3.
117
DELAUNAY, Op. cit., p. 704
118
« Les comités consultatifs de règlements de dommages « créés dans cinq départements n’ont eu une activité
que pendent les deux premières années qui ont suivi leur création, faute d’avoir été, par la suite, saisis d’autres
affaires et réactivés par les pouvoirs publics.” DELAUNAY, Op. cit. p. 750

54
causés par l’État à ses agents pris en cette qualité car ce type de litiges soulève des questions
de légalité plus que de responsabilité.119

Ce comité ne remplaçait jamais l’administration, il conseillait seulement sur l’opportunité de


maintenir sa décision. Le recours au comité devait être formé dans les délais du recours
contentieux, qui restaient interrompus et recommençaient à courir à compter de la réception
de l’avis quand il confirmait la décision contestée; sinon, à compter de la réception des
nouvelles décisions, ou encore après un silence d’un mois.

Qui pouvait saisir le comité ? La victime des dommages tout comme l’autorité administrative
auprès de laquelle un recours hiérarchique a été formé. Le fait qu’un recours administratif
préalable soit obligatoire suivait la règle établie par le décret du 11 janvier 1965. En effet,
sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne pouvait être saisie que par
voie d’un recours formé contre une décision.

Un particulier pouvait saisir un comité seulement après que l’administration s’était prononcée,
par une décision expresse ou tacite120. Cette demande devait être adressée au comité dans les
deux mois qui suivaient la notification de la décision négative de l’administration.

Les comités extracontractuels présentaient des caractéristiques semblables à celles des


comités de règlements contractuels. La procédure suivie et l’avis des deux comités ne se
fondaient pas exclusivement sur des considérations juridiques, malgré le décret du 4
décembre 1980 qui ne l’établissait pas expressément.

119
SAVIGNAC, Jean-Claude. Simplification Administrative et amélioration des relations entre l'administration
et le public. RA, 1991, p. 77
120
« La saisine d’un comité(lorsque celui-ci existe dans un département) est elle-même liée à l'introduction d’un
recours administratif préalable. En effet lorsqu'une personne est victime d’un dommage, elle doit d’abord
demander à l’administration responsable de l’indemniser. Ce n’est qu’en cas de rejet de cette demande
implicite(par suite du silence d l’administration pendant quatre mois) que le comité peut être saisi.
[...]
Certains sont présentés alors qu’aucune décision n’a été prise par l’autorité administrative: le recours a pour
objet de la provoquer. On peut parler à ce sujet plutôt de demande que de recours, puisqu’aucune décision
n’étant encore prise, il n’y a pas véritablement contestation. Toutefois la demande peut se rapporter à une
difficulté déjà née et chercher à en provoquer la solution. En toute hypothèse, elle peut être le point de départ
d’une contestation. C’est pourquoi on peut, même lorsqu’il n’y a pas décision, inclure dans le recours gracieux,
les demandes destinées à en provoques une.» VEDEL et DELVOLVË. Op. cit, p. 172

55
Malgré la similitude de procédure entre les deux comités, des différences de fond ponctuelles
mais profondes persistaient. Les comités de règlement des dommages étaient dessaisis
lorsqu’une décision juridictionnelle était rendue ou que l’autorité hiérarchique s’était
prononcée, afin de préserver les prérogatives de l’administration et des juridictions. En outre,
le décret prévoyait une procédure très souple et moins formaliste que la procédure des comités
de règlement des marchés publics, elle donnait des moyens d’investigations moins importants
et moins de garanties aux parties. En revanche, elle garantissait une réponse dans un plus bref
délai.

§II. Les dispositifs spécifiques

Nous avons aussi quelques autres organismes spécifiques en raison de leur objet et de
l’application des mécanismes alternatifs aux juges étatiques pour régler par consensus les
litiges administratifs, contractuels et extracontractuels, institués en France et en plein
fonctionnement aujourd’hui.

Nous avons choisi d’examiner plus attentivement deux organismes spécifiques: l’un en
matière de santé et l’autre en matière de sécurité sociale.

A. Le système de la responsabilité médicale institué en France

Après de nombreux essais le législateur met à la charge de la collectivité l’indemnisation de


l’aléa thérapeutique et fixe définitivement le régime juridique de la responsabilité des
médecins et des établissements de santé. Le système préconisé a été largement inspiré du
rapport de l’inspection générale des services judiciaires (IGSJ) et de l’inspection générale des
affaires sociales (IGAS) en septembre 1999, à la demande du gouvernement, sur la
responsabilité et l’indemnisation de l’aléa thérapeutique.121

Le nouveau dispositif public, d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, créé par la
loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades, est aujourd'hui pleinement opérationnel et
sans précédent au Brésil. Ainsi les Commissions Régionales de Conciliation et
d'Indemnisation (CRCI), qui constituent le guichet unique auquel s'adressent les victimes,

121
DESIDERI, Paul. La procédure d’indemnisation amiable des dommages médicaux. LPA, le 19 juin 2002,
p.67

56
sont installées dans toutes les régions; l'Office National d'Indemnisation des Accidents
Médicaux (ONIAM) prend en charge toute l’organisation du dispositif et se responsabilise
pour le paiement d’indemnisation dans les conditions fixées par la loi; et enfin, le dernier
élément du dispositif, la Commission Nationale des Accidents Médicaux (CNAM) est
responsable de la liste d'experts en accidents médicaux prévue par la loi.

Les Commissions Régionales de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux des


affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) ont été créées par un décret du 3
mai 2002 en application des articles L. 1142-6 et L. 1143-1 du code de la santé publique
modifié par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 et par la loi n° 2002-1577 du 30 décembre
2002.

Laurence Helmlinger a écrit à propos des CRCI que ces commissions sont toutefois une
espèce atypique par rapport aux autres commissions administratives qui sont déjà bien
connues du droit positif. Elles ont été présentées comme des créations originales au fur et à
mesure que leur détachement a été admis et financé par le budget de l'Office National
d'Indemnisation des Accidents Médicaux(ONIAM) et non par celui du ministère de la
Justice.122

L’Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) est un établissement


public administratif placé sous tutelle du ministère chargé de la santé. Il a été créé par la loi du
4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Selon Michèle Harichaux, l'ONIAM est l'organe pivot de ce nouveau régime. Il est chargé de
l'indemnisation au titre de la solidarité nationale dans des conditions fixées par décret et de
l'organisation effective de tout le dispositif. Il est financé par une dotation globale de
l'assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année par la loi de financement de la
sécurité sociale. 123

122
HELMLINGER, Laurence. Les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents
médicaux : ni excès d'honneur, ni indignité. AJDA, 2005 p. 1875
123
HARICHAUX. Michèle. Sur la procédure de règlement amiable et de conciliation de la loi du 4 mars 2002.
Revue de Droit Sanitaire et social, 2004, p. 348.

57
La Commission Nationale des Accidents Médicaux (CNAM), instance indépendante placée
auprès des ministres chargés de la santé et de la justice attachée à ce nouveau système, instruit
les demandes d’inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux et décide
finalement du droit d’inscription ou non sur cette liste. La commission est également chargée
de former les experts qu’elle a inscrits sur la liste nationale, dans le domaine de la
responsabilité médicale.

1. La compétence

Ce dispositif a deux compétences en matière de responsabilité civile contractuelle en fonction


des sujets concernés. Il s’agit soit de cliniques privées et de médecins libéraux, soit de la
responsabilité administrative des hôpitaux publics. Il est important tout d’abord de signaler
qu’il n’y a que cette dernière compétence qui nous intéresse, de part son approche relative à
notre sujet. En vérité, la réforme de la responsabilité médicale par la loi du 4 mars 2002
complète le système traditionnel de la responsabilité fondée sur la faute par une procédure de
règlement amiable indépendamment d'une faute. Cette règle transcende la dichotomie en
matière de responsabilité médicale et hospitalière, tant au regard du droit applicable, qu'au
regard des compétences juridictionnelles subséquentes. La loi du 4 mars 2002 offre un réel
gage d'unification. Cette loi crée l'ONIAM pour indemniser l'aléa thérapeutique par la
solidarité nationale, bénéficiant tous les patients, quels que soient le mode et le lieu de leur
prise en charge.124

Le rôle essentiel revient à un établissement public à caractère administratif, l'Office National


d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) et à des commissions régionales de
conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, les CRCI. Donc, elles ont vocation à
offrir une alternative au contentieux, sans en constituer pour autant un préalable obligatoire.

Les Commissions Régionales de Conciliation et d'Indemnisation des Accidents Médicaux


(CRCI) interviennent dans la première phase de la recherche d'indemnisation pour favoriser la
résolution des conflits par la conciliation.

Les Commissions, directement ou en désignant un médiateur, organisent des conciliations

124
HELMLINGER Op. cit. p. 1876

58
destinées à résoudre les conflits entre usagers et professionnels de santé.125 Cette fonction de
la Commission se substitue aux anciennes Commissions de conciliation installées dans les
établissements de santé.126

En outre, elles facilitent l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux dont le préjudice
présente un degré de gravité d’un taux d’IPP (incapacité permanente physique) fixé par
décret.127

À partir de 2002, après la réforme législative opérée par la loi du 4 mars 2002, nous pouvons
déterminer le champ d’application du dispositif d’indemnisation des victimes d’accidents
médicaux en ce qui concerne la compétence ratione materiae, ratione personae et ratione
temporis.

En ce qui concerne la compétence ratione materiae, le dispositif est accessible à toutes les
victimes des accidents médicaux fautifs et, pour ceux qui ne le sont pas, à condition que ces
dommages soient imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins.128

125
Art. L. 1142-5 du Code de la Santé Publique.
126
Sur les anciennes institutions, voir DESIDERI, Paul. La procédure d’indemnisation amiable des dommages
médicaux. LPA, le 19 juin 2002, p. 67 : «[...] une procédure de conciliation a été organisé par un décret du 15
mai 1981(décret n. 81-582, JO du 19 mai 1981, p. 1556). Il visait à institutionnaliser la fonction des médiateurs
médicaux, apparue au niveau des Hôpitaux d l’Assistance publique de Paris, puis dans certains CHU de
province. Ce décret été annulé par une décision du 31 mai 1989(Roujanski), le Conseil d’État considérant alors
que manquaient les garanties nécessaires à la protection du secret médical. »
127
Art. L 1142-1-1 du Code de la Santé Publique.
128
«Une conception stricte ou plus large d’une telle notion des «actes de soins» n’est sans conséquence. La
conception stricte aboutirait à limiter l'accès au dispositif d’indemnisation aux seuls victimes de dommages
imputables à des actes médicaux de nature thérapeutique. La conception plus large comprend des actes qui ne
répondant pas directement à une finalité thérapeutique, tels que les actes de chirurgie esthétique, les interruptions
volontaires de grossesse, les opérations de stérilisation chirurgicale, des changement d’identité sexuelle en
dehors de tout motif thérapeutique.[...] Quels que soient les mérites des arguments respectivement avancés, en
peut ici souhaiter que l’intérêt de la victime guide le choix des commissions. Cela supposerait certainement que
les CRCI adoptent, en suivant notamment l’exemple de la jurisprudence du Conseil d’État, une conception non
restrictive de l’acte de soins, ne se limitant pas aux actes à finalité purement thérapeutique. » BLANCO. Florent.
La loi du 4 mars 2002 et les Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation (C. R. C. I.). Aix-en-
Provence : Presse universitaire d'Aix-Marseille, 2005, p. 142/143; CE., Section, 3 novembre 1997, Hôpital
Joseph-Imbert d’Arles. Rec, p. 412, p. 274/276.
Par contre, Dominique Martin : « Or, les dispositions de la loi du 4 mars 2002 prévoient clairement d'exclure des
bénéfices du dispositif des événements qui ne présentent pas de lien direct avec l'acte médical en cause. Elles
prévoient également l'exclusion des évolutions naturelles de la maladie ou encore des accidents hautement
prévisibles, en raison soit de la nature de l'acte, soit de l'état de santé de la personne, ou encore des
caractéristiques de la maladie à l'origine du traitement. Ces limites posées par la loi sont essentielles en ce
qu'elles fixent le cadre même du dispositif. L'indemnisation des accidents médicaux ne saurait être étendue à une
indemnisation généralisée de toutes les situations dommageables post-interventions, sauf à dénaturer les

59
Pour ce qui est de la compétence ratione personae, en vertu du Code de la Santé Publique,
nous pouvons intégrer aux personnes compétentes pour saisir la CRCI la victime, son
représentant légal et l’ayant droit d’une victime décédée.129

Finalement, pour ce qui est de la compétence ratione temporis, seuls les actes réalisés à partir
du 5 septembre 2001 peuvent bénéficier du nouveau dispositif d’indemnisation fixé par la loi
du 4 mars 2002.

Les CRCI sont dépourvues de personnalité juridique130, elles ne jouent pas le rôle des
juridictions, leurs avis ne s'imposent pas au juge et ils peuvent toujours être contestés devant
la juridiction compétente. Néanmoins, la saisine de la commission suspend les délais de
prescription et de recours juridictionnel jusqu’au terme de la procédure amiable131. Ces
commissions sont absolument dépendantes en ce qui concerne la gestion. En revanche, au
sein de l’ONIAM, il ne s'agit pas d'un démembrement de cette dernière car les décisions des
CRCI, dont la loi souligne l'indépendance, ne sont soumises à aucun pouvoir hiérarchique de
l'office.

principes mêmes ayant conduit au mécanisme d'indemnisation par la solidarité nationale.» L'indemnisation des
victimes d'accidents médicaux comme politique publique, Recueil Dalloz, 2006, p. 3023
129
La représentation touche les mineurs ainsi que les majeurs incapables. La notion de l’expression «ayant
droit » n’était pas éclaircie par la loi. Il est important savoir si elle est limitée seulement à la famille proche et
aux héritiers, ou si l’on peut admettre qu’un conjoint ou concubin de la victime décédée puisse se prévaloir de la
qualité d’«ayant droit ». À notre sens, la CRCI est une alternative au juge et doit suivre la jurisprudence. Le CE,
dès 1978, admet la possibilité pour la concubine ou le concubin d’obtenir indemnisation pour les dommages
causés à son compagnon ou à sa compagne. CE., Assemblé, 3 mars, 1978, Dame Muësser, Veuve Lecompte,
Rec. P. 116.
130
Quelques auteurs considèrent les CRCI comme des autorités administratives indépendantes, voir p. ex.
CHAVERINI, Philippe, MARTINEZ. Éric et MICHELANGELI, Laure. Les commissions régionales de
conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,
CRCI. Bordeaux : les Études hospitalières, 2004, p. 15.
Dans un sens divers, donnant aux CRCI la qualification de commissions administratives dépourvues de
personnalité morale : BLANCO. Florent. La loi du 4 mars considère les Commissions Régionales de
Conciliation et d’Indemnisation (C. R. C. I.). Presse universitaire d'Aix-Marseille, 2005, Aix-en-Provence;
MARTIN, Dominique. L'indemnisation des victimes d'accidents médicaux comme politique publique, Recueil
Dalloz, 2006, p. 3021; HELMLINGER, Laurence. Les commissions régionales de conciliation et
d'indemnisation des accidents médicaux : ni excès d'honneur, ni indignité. AJDA, 2005 p. 1875; THIELLAY,
Jean-Philipe. La nature juridique des actes des commissions régionales d'indemnisation des accidents médicaux.
Conclusions sur CE, 10 octobre 2007. RFDA, 2008, P. 343
131
Art. L 1142-7 du code de la Santé Publique.

60
Cet organisme appelé Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) est
un dispositif de grande importance dans ce système, exerçant une double mission : il organise
le système de règlement amiable des accidents médicaux prévu par la loi, tout comme il
indemnise les victimes.132

Il participe à la mise en place des Commissions Régionales de Conciliation et d'Indemnisation


et assure la mise à disposition du personnel auprès de ces structures ainsi que leur gestion
administrative. Il a aussi une autre mission, celle d'indemniser les victimes d'aléa
thérapeutique, tout comme les victimes de vaccinations obligatoires.

L'Office est financé par une dotation globale de l'assurance maladie, dont le montant est fixé
chaque année dans la loi de financement de la sécurité sociale133. À ce financement, il faut
ajouter le remboursement des frais d'expertises en cas d'actions récursoires, les pénalités
perçues et les recours subrogatoires.134 Les charges sont constituées par les indemnités versées
aux victimes, les frais de gestion administrative de l'Office et des commissions régionales et
les frais d'expertises diligentées par les commissions régionales et pris en charge par l'Office.
L'ONIAM peut se substituer à l'assureur à titre subsidiaire - si la responsabilité des médecins
n'est pas engagée - ou supplétif si l'assureur refuse de prendre en charge totalement ou
partiellement l'indemnisation. 135

En ce qui concerne le champ de compétence de l'ONIAM, Dominique Martin a conclu que


dans un schéma de politique publique qui a pour principal objectif de garantir une utilisation
équitable de l'argent public et qui a pour ambition de chercher à assurer le juste équilibre du

132
Pour vérifier les donnés relatifs à l’efficience de cet organisme consulté le rapport 2011 de l’ONIAM
disponible sur : http://www.oniam.fr/IMG/rapportsoniam/rapport-activite-2011.pdf
133
Cette dotation fixée à 40 millions d'euros pour 2002 a été portée à 70 millions d'euros pour 2003. Le Rapport
du premier semestre 2009 enregistre que le budget primitif pour 2009, voté par le conseil d’administration de
l’ONIAM du 7 novembre 2008, s’établissait à 141,37 M€. Ces dépenses marquent une progression par rapport à
2008. Ainsi, les dépenses engagées au titre de l’indemnisation des accidents médicaux s’élèvent à 40,5 M€ à la
fin du premier semestre 2009, ce qui représente une progression de 9 % par rapport à la même période en 2008.
V. Rapport des Activités de l’ONIAM sur le site http://www.oniam.fr/.
134
Tribunal de grande instance de Paris, 1ère chambre - 3ème section, 31 mai 2010, 05/09325 : « Subrogé dans
les droits de la victime, l'ONIAM est fondé à obtenir des responsables du dommage le remboursement des
sommes qu'il lui a réglées.(…)Condamne in solidum les Drs Jean-Michel B... et Claude C... à payer à l'Office
national d'indemnisation des accidents médicaux, compte tenu du coefficient de perte de chance, les sommes de
121.218,61 euros (cent vingt et un mille deux cent dix huit euros soixante et un centimes) au titre des préjudices
indemnisés et de 540 euros (cinq cent quarante euros) au titre des frais d'expertise, avec intérêts au taux légal à
compter du présent jugement(…) ».
135
Arts. L.1142-23, L.1142-15 et L. 1142-I-II du Code de la Santé Publique

61
dispositif dans le cadre des missions qui lui sont confiées, l'office a la conviction d'agir ainsi
dans l'intérêt général, compris comme devant combiner l'intérêt public (et ses principes
d'action) et les besoins des victimes en prenant en compte certains intérêts particuliers.
L'équité, au sens du juste, naîtra de l'équilibre qui se mettra en place, avec le temps, sous
contrôle du juge, dans le cadre d'un fonctionnement serein de ce dispositif encore jeune.136

Face à cette réflexion, nous pouvons inférer le rôle fondamental de la fonction de l’ONIAM.
Un établissement public, sans nature juridictionnelle, mais institué comme un rouage
complexe, principalement dans sa mission d’assurer un juste équilibre entre la satisfaction des
victimes, d’une part, et d’autre part, la capacité collective de supporter la solidarité sociale.

Finalement, pour compléter la structure du dispositif nous avons la Commission Nationale des
Accidents Médicaux (CNAM). Elle procède à l'inscription des experts sur une liste nationale
des experts en accidents médicaux après avoir procédé à une évaluation de leurs
connaissances et assuré la formation de ces experts en matière de responsabilité médicale. Ces
experts ont pour tâche de procéder aux vérifications du degré de gravité du dommage
apportant ainsi leur collaboration aux activités des Commissions Régionales (CRCI).137

Ainsi, la loi du 4 mars 2002 crée une nouvelle catégorie d'experts, les experts en accidents
médicaux, afin de garantir une impartialité basée sur la collégialité. La Commission est
responsable du contrôle des expertises diligentées par les commissions régionales et du
contrôle de leur activité.

2. La composition.

Comme nous le voyons, ce système d'indemnisation repose sur trois catégories d'instances :
des Commissions Régionales de Conciliation et d'Indemnisation (CRCI), il en existe 23 ; une
instance administrative et financière, l'Office National des Accidents Médicaux (ONIAM) et
une instance médicale, la Commission Médicale des Accidents Médicaux (CMAM).

136
MARTIN, Dominique. L'indemnisation des victimes d'accidents médicaux comme politique publique,
Recueil Dalloz, 2006, p. 3021.
137
Art. L. 1142-10 du Code de la Santé Publique.

62
Chaque CRCI est présidée par un magistrat, de l'ordre administratif ou judiciaire. Il est admis
qu'un magistrat peut présider plusieurs commissions régionales en qualité de président ou de
vice-président. Selon le code de la santé publique la composition des commissions régionales
et leurs règles de fonctionnement, garantissent leur indépendance et leur impartialité.138

Chaque commission est composée d’un président et de vingt membres et vingt suppléants
représentant huit catégories de personnes nommées pour trois ans renouvelables : six usagers
de la santé ; deux représentants des professionnels de santé qui exercent à titre libéral et qui
sont désignés après avis des instances régionales des organisations syndicales représentatives,
dont un médecin ; un praticien hospitalier désigné après avis des instances régionales des
organisations syndicales représentatives; un responsable d'établissement public de santé
proposé par les organisations d'hospitalisation publique les plus représentatives au plan
régional ; deux responsables d'établissements de santé privés désignés par les organisations
d'hospitalisation privée les plus représentatives au plan régional, dont un représentant des
organisations d'hospitalisation privée à but non lucratif participant au service public
hospitalier; deux représentants de l'ONIAM, désignés par son conseil d'administration; deux
représentants des entreprises régies par le code des assurances; quatre personnalités qualifiées
dans le domaine de la réparation des préjudices corporels. Des suppléants à chacun des
membres de la commission sont nommés dans les mêmes conditions que le titulaire. Les
suppléants ne participent aux délibérations de la commission qu'en cas d'absence du titulaire
responsable.139

Les représentants des usagers de la santé sont proposés par les associations d'usagers du
système de santé. Ces associations doivent être agréées, soit au niveau régional, soit au niveau
national à condition d’avoir une représentation régionale.140

Les membres permanents des Commissions, notamment les présidents et leur secrétariat, sont
regroupés sur quatre pôles inter régionaux: Bagnolet (Seine-Saint-Denis) pour les régions Ile-
de-France, Centre, Pays de la Loire, Bretagne, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Picardie,
Nord-Pas-de-Calais, La Réunion, Guyane; Lyon pour les régions Bourgogne, Rhône-Alpes,

138
Art. L. 1142-6 du Code de la Santé Publique
139
Art. R. 795-2 du Code de la Santé Publique et v. le site: http://www.commissions-crci.fr/
140
Art. L. 1114-1 et R. 795-41 du Code de la Santé Publique

63
Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon, Auvergne, Corse; Bordeaux pour les
régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Limousin, Poitou-Charentes ; Nancy pour les régions
Lorraine, Alsace, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Guadeloupe, Martinique.141

Pour rendre une certaine homogénéité dans les modes de fonctionnement des vingt-trois
commissions, il leur est demandé d'adopter un règlement intérieur sur le modèle publié dans
un arrêté du 25 avril 2003.

Par ailleurs, l’ONIAM est administré par un conseil d'administration dont le président et son
suppléant sont nommés par le ministre de la Santé pour une durée de trois ans renouvelables ;
deux personnes qualifiées en matière de responsabilité médicale et de réparation du risque
sanitaire ; deux représentants des usagers proposés par les associations de personnes malades ;
deux personnes représentant d'une part l'hospitalisation publique et d'autre part
l'hospitalisation privée, un représentant de la CNAM ; deux représentants des professions de
santé, l'un pour les professions libérales et l'autre pour les professionnels exerçant dans les
établissements publics.142

Les administrateurs ne perçoivent pas de rémunération, à l'exception d'indemnités de frais de


déplacement ou de séjour. Mais à titre dérogatoire, il est attribué une indemnité de fonction,
non soumise à retenue pour pension civile de retraite au président du conseil d'administration
et le cas échéant à son suppléant, dont le montant est fixé par arrêté.

Finalement la CNAM est composée de vingt-cinq membres - et vingt-cinq suppléants -


nommés pour cinq ans renouvelables, représentant trois catégories de personnes : cinq experts
professionnels de santé figurant sur l'une des listes dressées par la Cour de cassation et les

141
Michèle Harichaux a écrit sur ce regroupé des commissions : Le caractère régional des CRCI paraît assez
fictif en ce qui concerne le siège de la commission. En principe, ce dernier est situé au lieu de la préfecture de la
région. Mais pour limiter les frais de fonctionnement, la circulaire du 8 octobre 2002 prévoit de regrouper dans
les mêmes locaux les personnels permanents de plusieurs commissions y compris les présidents de ces
commissions et leurs adjoints. Il a également été admis de créer des « pôles inter régionaux regroupant chacun
les personnels de trois ou quatre commissions » en fonction du volume prévisible des demandes. C'est ainsi qu'il
existe quatre pôles inter régionaux. Ceci implique donc que les présidents se déplacent pour participer dans
chaque région aux réunions des commissions régionales afin « d'organiser l'accueil des victimes qui le
souhaiteraient », les frais étant pris en compte par l'Office. Op. cit. 3025.
142
Art. r. 795-3 du Code de la Santé Publique.

64
Cours d'appel dont trois exercent à titre libéral et deux dans les établissements publics143; et
quatre représentants d'usagers proposés par les associations.144 Elle comprend encore seize
personnalités qualifiées, dont huit sont choisies en raison de leurs compétences dans le
domaine de la réparation des accidents médicaux ou de la responsabilité médicale ou encore
de la formation à l'expertise, et huit autres personnes qualifiées choisies en raison de leur
compétence scientifique.145

Les commissions régionales (CRCI) administratives sont le point d'entrée de toute démarche
engagée par la victime, concernant un dommage intervenu dans un hôpital public ou dans un
établissement privé. La procédure appliquée par ces commissions est d'une grande
complexité, même si chargée « de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux
accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales ».146

La loi n° 2002-303 instaure deux procédures de compétence des CRCI : une procédure de
règlement amiable et une procédure de conciliation.

a) La Procédure de conciliation

Les CRCI ont hérité des anciennes «Commissions de Conciliation» internes aux
établissements hospitaliers créées par l’ordonnance du 24 avril 1996, du domaine de la
conciliation médicale.

Toutes les victimes d'un dommage dont la gravité est inférieure au seuil prévu par le décret n°
2002-314 du 4 avril 2003, tous les citoyens insatisfaits avec les soins qui leur sont dispensés
ou en désaccords avec un professionnel de santé ou un établissement de santé ont la
possibilité, mais il ne s'agit pas d'un recours préalable obligatoire, de saisir la CRCI
territorialement compétente, pour initier une procédure de conciliation.

Cette saisine peut se faire par courrier recommandé avec accusé de réception en indiquant les
motifs de la demande, tout comme les coordonnées du professionnel de santé ou de

143
Art. R. 795-21, I° Code de la Santé Publique
144
Art. L. 1142-10 et R. 795-21 du Code de la Santé Publique
145
Art. R. 795-21 2° du code de la Santé Publique
146
Art. L 1.142-5 du Code de la Santé Publique.

65
l'établissement de santé concernés qui seront alors directement informés à la Commission. Les
parties seront entendues soit par toute la Commission, soit par un seul membre de la
Commission, soit par un médiateur indépendant.

L’évolution de la procédure de conciliation se conforme au respect du contradictoire. La


commission doit entendre les personnes intéressées au litige. Elle s’efforce ensuite de les
concilier. La conciliation s’apparente à une obligation de moyens et non à une obligation de
résultat.147

Le code de la Santé Publique prévoit aussi de régler les litiges autrement par la CRCI. Le
décret du 3 mai 2002 introduit un article au code de la Santé Publique (art. R. 795-59) offrant
la possibilité aux CRCI de déléguer la conciliation à un membre de la commission ou à un
médiateur indépendant qui devra faire preuve de qualification et d’expérience.

La loi et le décret précisent que les médiateurs mènent la conciliation dans les mêmes
conditions que celles applicables à la commission. Cette même disposition prévoit qu’en cas
de conciliation, totale ou partielle, les médiateurs peuvent signer personnellement le
document de conciliation dont une copie est communiquée à la commission.

Le décret dispose aussi qu’avec l'accord du demandeur, le président de la CRCI peut se


dessaisir de la demande de conciliation et la transmettre soit à la commission des relations des
usagers et de la qualité de la prise en charge concernée, soit à l'assemblée interprofessionnelle
régionale visée par l'article L. 4393-2, soit au conseil départemental de l'ordre concerné.148

Le résultat de la mission de conciliation, autant celui obtenu par délégation, que celui qu’elle
a obtenue elle-même, sera consigné dans un document signé par les parties. En ce qui nous

147
CHAVERINI, Philippe, MARTINEZ. Éric et MICHELANGELI, Laure. Les commissions régionales de
conciliation et d’indemnisation. Bordeaux : Les Études Hospitalières, 2004, p. 73
148
Sur l’ambigüité de cette disposition qui a redonné partiellement la fonction contentieuse aux instances locales
internes, en complète incohérence après le constat de l’échec en raison du manque d’autonomie et
d'indépendance de ces institutions internes voir BLANCO. Florent. La loi du 4 mars 2002 et les Commissions
Régionales de Conciliation et d'indemnisation (C. R. C. I.). Presse universitaire d'Aix-Marseille, 2005, Aix-en-
Provence, p. 274/276

66
concerne, ce document de conciliation a une nature juridique incontestable de transaction,
considérée comme le juste terme de tout procès de conciliation ou de médiation.149

Par ailleurs, à propos du malheureux bilan négatif de la procédure de conciliation régionale,


dont les donnés statistiques attestent la faible effectivité, Florent Blanco défend la
permanence de la procédure de conciliation qui devra être valorisée et facilitée, car elle
concerne un champ de victimes et de dommages bien plus important que la compétence des
CRCI dans le cadre de la procédure de règlement amiable.150

L’auteur estime que l’amélioration du dispositif actuel passe par la promotion d’une
conciliation préalable à la procédure de règlement amiable – considérée maintenant à peine
comme une seconde chance – et aussi par la compétence de conciliation confiée à d’autres
structures.151

b)La procédure de règlement amiable

Par ailleurs, la recevabilité d'une demande de règlement amiable est subordonnée sur le fond à
une condition de gravité du préjudice, car cette autre procédure est compatible seulement dans
les cas de dommage grave152. Sont considérés graves les dommages suivants : une incapacité
permanente supérieure à un certain pourcentage d'IPP (incapacité permanente physique) ou
une durée d'incapacité temporaire de travail ou, à titre exceptionnel, lorsque les victimes ont
été déclarées inaptes à exercer leur activité professionnelle.153

149
Selon Jean-Philippe Thiellay: « Les parties vont s'efforcer de rapprocher leurs points de vue, parfois en
abandonnant une partie de leurs prétentions originaires jusqu'à ce qu'un accord dont les termes seront constatés
dans un document appelé « procès verbal de conciliation (ou de non-conciliation en cas d'échec) soit
possible ». La nature juridique des actes des commissions régionales d'indemnisation des accidents médicaux.
Conclusions sur CE, RFDA, 10 octobre 2007. RFDA, 2008, P. 343.
150
BLANCO. Florent. Op. cit. 287/288.
151
BLANCO. Florent. Op. cit 288/296.
152
Ces restrictions à l'accès du dispositif de règlement amiable ont été critiquées. Il est vrai qu'elles ne sont pas
aisées à manier et peuvent, le cas échéant, justifier une expertise préalable pour s'assurer de la recevabilité même
du dossier. Si l'on appréhende le dispositif comme une alternative à la « judiciarisation », il y a une certaine
tendance à renvoyer les victimes affectées d'un faible préjudice à la seule voie juridictionnelle. Si l'on considère,
en revanche, que la loi du 4 mars 2002 a eu pour ambition d'offrir le concours de la solidarité nationale à ceux
qui en avaient économiquement le plus besoin, compte tenu de l'importance de leur préjudice, le paradoxe se
retourne. Il en est de même s'agissant de la référence à « l'incapacité temporaire de travail » et non à l'incapacité
temporaire totale, qui résulte d'une précision explicitement apportée, par un amendement gouvernemental, lors
du débat parlementaire au Sénat (JO déb. Sénat, séance du 6 février 2002, p. 21), cette référence excluant, a
priori, les personnes sans activité professionnelle du champ de ce critère. HELMLINGER Op. cit. p. 1879
153
Décret n° 2002-314 du 4 avril 2003.

67
La demande doit être en tout cas accompagnée d'un certificat médical attestant précisément la
consistance des dommages dont le demandeur s'estime victime et qu'il peut renforcer par toute
autre pièce. La commission doit apprécier ensuite le critère de gravité et donc la recevabilité
de la demande. Les pièces médicales envoyées peuvent être soumises à une expertise, les
parties étant informées de l'identité de cet expert.154

La commission peut alors se déclarer incompétente155, si elle estime que les dommages subis
ne présentent pas le caractère de gravité prévu par l'article 1142-1 du Code de la Santé
Publique, ou si elle la considère irrecevable156. Si, à l'inverse, la commission estime que le
préjudice présente le caractère de gravité légal, elle informe les parties concernées et
l'assureur.

La commission désigne enfin un collège d'experts choisis sur la liste nationale d'experts en
accidents médicaux en s'assurant qu'ils remplissent toutes les conditions propres à garantir
leur indépendance vis-à-vis des parties en présence ou un seul expert si elle l'estime suffisant.
Elle peut aussi nommer en qualité de membre du collège d'experts un spécialiste figurant sur
une des listes d'experts judiciaires.

Elle précise la mission du collège d'experts ou de l'expert, s'assure de leur acceptation,


détermine le délai dans lequel le rapport doit être remis, informe sans délai l'Office National
d'Indemnisation et fixe un délai pour la restitution du rapport.

154
Code de la Santé Public art. R. 795-50
155
Sur la possibilité de la contestation juridictionnelle des décisions d'incompétence des CRCI, voir les
conclusions : CE, 10 octobre 2007, M. Sachot, req. n° 3060: « Nous vous invitons donc à juger que, comme «
l'avis » au fond sur la demande d'indemnisation, la déclaration par laquelle une CRCI s'estime incompétente pour
connaître de la demande ou estime qu'elle est irrecevable, n'est pas susceptible d'être contestée devant le juge de
l'excès de pouvoir, dès lors que la victime conserve la faculté de saisir le juge compétent d'une action en
indemnisation, et de faire valoir devant lui tous éléments de nature à établir son préjudice, qu'elles qu'aient été
les appréciations portées sur ces questions par la CRCI. » RFDA, 2008, 343.
156
Jean-Philippe Thiellay dans ses Conclusions - arrêt du CE, 10 octobre 2007 : les CRCI prennent des décisions
de rejet lorsque le dommage ne présente pas le caractère de gravité exigé par la loi ou bien d'autres pourraient
être imaginées, par exemple pour non-respect par le demandeur des conditions de forme et de procédure. Toutes
ces décisions relèvent, pour le code de la santé publique, de la même catégorie, les déclarations d'incompétence,
qui portent bien mal leur nom. Dans ce cas elle informe par lettre recommandée le demandeur, les professionnels
de santé et l'assureur ainsi que le demandeur à qui l'on indique la possibilité de saisir la commission en vue d'une
conciliation (art. R. 795-51 c. santé publ.). Op. cit. 343.

68
Dans la formation de règlement amiable, les commissions émettent après expertise médicale
un avis sur les demandes de règlement amiable formées par les victimes d'accidents médicaux
ou par leurs responsables de droit. Aux termes du Code de la Santé Publique, le dommage
doit être imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins.

L'avis doit porter sur les circonstances, les causes, la nature et l'étendue des dommages ainsi
que sur le régime d'indemnisation : indemnisation par l'assurance du responsable si la
responsabilité d'un professionnel de santé est engagée ou, si ce n'est pas le cas, par l'Office
National d'Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections
nosocomiales. Les avis de la commission régionale peuvent être rédigés par les juristes mis à
disposition par l'Office.

Lorsque la Commission estime que les dommages subis présentent le caractère de gravité, la
victime doit être indemnisée rapidement, c'est la procédure de règlement amiable. La
Commission Régionale émet dans les six mois un avis sur le dossier et notamment sur le
régime d'indemnisation, pour faute ou au titre de la solidarité nationale. Dans le cadre d'une
responsabilité pour faute, cet avis déclenche certaines obligations pour la personne
responsable et pour son assureur, auxquels l'ONIAM se substituera momentanément en cas de
carence, le tout étant encadré dans des délais précis. En l'absence de faute, la solidarité
nationale joue son rôle et la CRCI propose une indemnisation que l'ONIAM prend à sa
charge157. Pour déterminer le niveau d'indemnisation, la Commission régionale désigne un
expert ou un collège d'experts, les frais étant alors pris en charge par l'ONIAM.

Selon Florent Blanco, l’avis de la CRCI optant pour l’indemnisation constitue une mesure
préparatoire destinée à permettre à l’ONIAM ou à l’assureur de faire une offre
transactionnelle à la victime. L’auteur attribue toute la force juridique de l’avis de la

157
Tribunal de grande instance de Castres, 1ère chambre, 15 septembre 2010, 07/01405 : «Vu les dernières
conclusions du 11-5-2010 du Dr C... s'opposant aux demandes formulées à son encontre par l'ONIAM ; à titre
subsidiaire estimant que l'ONIAM doit supporter l'indemnisation du préjudice lié à l'aléa thérapeutique et
sollicitant la détermination de la part imputable à la perte de chance qui serait due au défaut d'information du
médecin ; soulignant que les préjudices non indemnisés consécutifs à un accident non fautif ne peuvent être
exclus du bénéfice de la solidarité nationale ; sollicitant la condamnation de l'ONIAM aux dépens et à lui verser
une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC;(…)»

69
commission à cette capacité transactionnelle, issue de sa force obligatoire qui ne s’identifie
pas à la force exécutoire.158

La conclusion émise s’appuie justement sur le contenu de la décision exécutoire définie par
George Vedel comme l’acte juridique unilatéral en vue de modifier l'ordonnancement
juridique par des obligations qu’il impose ou par des droits qu’il confère159. L’avis de la
commission contient des droits et des obligations mais il est dénué de la capacité de modifier
tout seul l’ordonnancement juridique.160

La jurisprudence actuelle démontre que cette procédure amiable peut aussi présenter des
inconvénients. L’offre transactionnelle que l’ONIAM fait à la victime peut toujours être
contesté devant le juge par le responsable d’un accident médical et les juges peuvent réduire
l’indemnité versée au titre des préjudices161 ; de plus, la Cour de cassation d'appel a retenu
qu'aucune disposition de la procédure organisée par le texte susvisé ne permettait à l'ONIAM
de retirer une offre faite dans le temps transactionnel de la procédure, en revanche, le refus de
l'offre par la victime la rend caduque, de sorte que l'ONIAM s'en trouve délié.162 A partir de
ces décisions nous pouvons conclure qu’autant l’ONIAM que les particuliers peuvent être
découragés de se mettre en accord sur le risque d’un préjudice plus grand à la fin de la
procédure.

158
BANCO. Florence. Op. cit, p. 167/170
159
VEDEL, George. Cours de droit administratif : Licence 2e année : 1969-1970. Paris : Les cours de Droit, p.
378.
160
Dans le sens contraire, Dominique Martin: «La politique de l'office doit avoir pour objectif une indemnisation
équitable des victimes. Mais elle suppose aussi que soit prise en compte une gestion rigoureuse de l'argent
public. Il n'y a pas de contradiction entre rendre le service attendu et le faire dans le respect de règles de bon
fonctionnement de l'administration. L'enjeu est tout simplement la pérennité du dispositif qui tient très largement
au respect des objectifs qui lui ont été fixés. De ce point de vue, la position de l'établissement est qu'au regard
des règles des finances publiques la possibilité qui est ouverte à l'office de ne pas suivre un avis devient pour lui
une obligation, dès lors qu'il estime que cet avis ne respecte pas les règles légales ou réglementaires ouvrant droit
à l'indemnisation par la solidarité nationale.» Op. cit. 3025; suivie par HELMLINGER « l'ONIAM,
établissement public statutairement chargé d'assurer l'indemnisation des aléas thérapeutiques, dans les conditions
prévues par la loi du 4 mars 2002, et des infections nosocomiales, dans celles prévues par la loi du 30 décembre
2002, ne saurait naturellement refuser de se conformer à l'avis d'une CRCI que pour autant que l'office estime,
sous le contrôle du juge, que les conditions légales d'une indemnisation ne sont pas réunies.» Op. cit. p. 1879
161
Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 07 mars 2013, 12PA00727.
162
Cour de cassation, 6 janvier 2011, pourvoi n°09-71201.

70
B. Les conciliateurs dans le système de la sécurité sociale en France

La loi du 13 août 2004 réformant l’assurance maladie institue une fonction de conciliation
concernant les relations avec les usagers dans l’assurance maladie de la sécurité sociale163. Il
s’agit donc d’une obligation légale. Mais le 12 janvier 2005 la convention médicale a élargi
cette fonction aux relations entre les patients et les médecins.

Le conciliateur est un des éléments du traitement des réclamations. Sa désignation dépend de


la politique menée par l’assurance maladie pour améliorer la qualité du service et se placer à
l’écoute des usagers. Cela devrait faciliter l’usage d’un suivi des soins car, selon les termes de
la convention médicale, le conciliateur peut entrer dans le domaine des relations
patients/médecins.

Dans cet état d'esprit, il intervient auprès du directeur de la Caisse Primaire d’Assistance
Maladie (CPAM) pour recommander le réexamen d'une situation en équité, compte tenu d'un
contexte économique et social particulier. Le conciliateur ne prend pas parti, il cherche à
établir une communication entre les partenaires en conflit.

Les conciliateurs sont des salariés de l’assurance maladie désignés par le directeur après avis
du conseil de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM). Leur compétence ne porte
que sur les litiges de base des CPAM. Le conciliateur a pour objectif de traiter les litiges qui
opposent la caisse primaire à ses usagers, ne pouvant en aucun cas intervenir sur des litiges
entre la CPAM et ses fournisseurs, ses agents ou anciens agents.

Les procédures habituelles doivent avoir été utilisées. La fonction de conciliation ne se


substitue à la Commission de Recours Amiable (CRA) ni interrompt le délai de recours
devant la CRA ou une juridiction compétente..164 Mais la conciliation doit jouer un rôle

163
Art. L. 162-15-4 du code de la Sécurité Sociale «Les réclamations concernant les relations d'un organisme
local d'assurance maladie avec ses usagers sont reçues par une personne désignée par le directeur après avis du
conseil au sein de cet organisme afin d'exercer la fonction de médiateur pour le compte de celui-ci. Son
intervention ne peut pas être demandée si une procédure a été engagée devant une juridiction compétente par
l'usager qui la sollicite. L'engagement d'une telle procédure met fin à la conciliation. »
164
Article R142-1 du code de la Sécurité Sociale modifié par Décret n°2006-159 du 13 décembre 2006 – art. 2
JORF 14 décembre 2006: «Les réclamations relevant de l'article L. 142-1formées contre les décisions prises par
les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à

71
spécifique, en particulier pour les différends entre les assurés sociaux, d’une part, et les
professionnels de santé d’autre part. Le conciliateur peut être saisi si la décision de la
commission de recours amiable n’a pas donné satisfaction. Si le litige est porté devant le
TASS (Tribunal des Affaires Sanitaires et Sociales), le conciliateur ne peut plus intervenir
puisque le litige a alors été placé dans le champ de la juridiction. Une fois saisi, le conciliateur
dispose de trois semaines pour traiter le dossier.

Il n’y a aucune mention dans la loi sur la pertinence de cette phase de conciliation avec le
procès de contestation de compétence de la CRA, bien au contraire, le texte dit que les
conciliateurs font partie de la CPAM et non de la CRA.

Le champ de compétence des conciliateurs est moins large que celui des commissions, car ne
sont soumises aux conciliateurs que les contestations du régime des CPAM ; en outre la
conciliation est une procédure facultative contre le caractère de préalable obligatoire des
CRA.

Sur ce point nous pouvons nous pencher sur les idées de François Taquet qui s’interroge sur la
nature de cette commission de recours amiable. Selon l’auteur la procédure suivie par ces
commissions est uniquement écrite, il n’y a pas d’audience du cotisant, de plus le législateur
n’a pas introduit la notion de transaction dans la procédure des CRA.165

Partant de ces considérations, il est clair que la tentative de conciliation mise à la disposition
du cotisant n’est pas une phase de la procédure suivie par la commission de recours amiable,
ni vraiment un arrangement capable d’aboutir à une transaction entre les parties. Le
conciliateur n’a pas pouvoir de décision, il émet des avis et propose des solutions à l'amiable,
mais sans force obligatoire.

une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque
organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre
laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si
cette notification porte mention de ce délai. »
165
TAQUET, François. À quoi sert la Commission de Recours Amiable dans le contentieux URSSAF? Semaine
Sociale Lamy, n° 1028, 2001, p. 426-429

72
La saisine du conciliateur est la plus informelle, elle est simple et gratuite. Il est possible de
présenter une requête écrite fournissant les explications nécessaires, mais la saisine du
conciliateur peut également être faite par téléphone ou par courrier électronique.166

C. La Commission départementale de conciliation dans le contentieux


fiscal français

Le système fiscal est marqué par une pratique déjà ancienne des procédures pré-contentieuses
dans le cadre d’instances de médiation – les Commissions Départementales de Conciliation
(CDC) ont été instituées en 1948. Les modes de règlement amiable des différends fiscaux
instaurent les conditions d’un échange contradictoire offrant ainsi au contribuable et à
l’administration en conflit la possibilité de se réapproprier la solution de leur litige.167

La CDC peut être saisie suite à un désaccord entre l'administration fiscale et un redevable en
matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et d'impôt de solidarité sur la
fortune (ISF). Concrètement cet organisme consultatif est appelé à formuler un avis, soit par
l'initiative du contribuable, soit par l’initiative de l’administration, dans le but de concilier les
parties qui conservent leur entière autonomie de décision.168

La Cour de cassation a précisé le champ de compétence et les conditions de saisine de la


commission dans ces termes : « Il n’est pas permis au fisc d'apprécier la portée du désaccord
persistant qui l'oppose au redevable, cependant le défaut de saisine de la commission sur un
chef de redressement entrant dans sa compétence, entraîne la nullité de la procédure
d'imposition à l'égard de ce seul chef de redressement de la saisine de la commission ».169 En
outre, la CDC s’inscrit dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, c’est
pourquoi la Cour de cassation rappelle que le refus par l’administration de saisir la CDC n’est
pas susceptible de priver le contribuable d’une garantie.170 Par un arrêt du 20 février 2007, la
Cour de cassation illustre ce principe en précisant que l’administration n’est pas tenue de

166
Toutes les indications sont disponibles sur le site de la CNAM: www. ameli.fr.
167
Médiateur Actualités. Litiges fiscaux : le rôle à part du Médiateur de la République. Janvier 2008, n. 33.
Disponible à:http://www.mediateur-republique.fr/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1201875611_le_mediateur33_p02-
03.pdf.
168
Article L. 59 et Art. 17 du Livre des Procédures Fiscales
169
Cour de Cassation – Chambre Comm. Arrêt du 19 juin 1990, n° 853D.
170
Cour de Cassation - Chambre Comm. Arrêt du 1er juillet 2008, n° 752 F-D.

73
proposer la faculté de saisir la commission départementale de conciliation lorsque le
désaccord ne porte pas sur la valeur des biens retenus pour déterminer l’assiette de l’impôt de
solidarité sur la fortune mais sur la proportion de la déqualification professionnelle des biens à
opérer. Enfin, il est souligné que la commission de conciliation compétente est celle du
département du lieu de situation des biens.171

Cet organisme, où tous les membres ont voix délibérative, est présidé par un magistrat du
siège désigné par arrêté du Ministre de la Justice. Il comprend un délégué du directeur des
services fiscaux, trois autres fonctionnaires de l'administration fiscale ayant au moins le grade
d'Inspecteur départemental, un notaire, trois représentants des redevables (soit un commerçant
ou un industriel éligible aux tribunaux de commerce, un propriétaire rural relevant de l'impôt
sur le revenu au titre des bénéfices agricoles, et une personne choisie par la Chambre
syndicale des propriétaires).172

Aux termes de la procédure, le contribuable est convoqué 30 (trente) jours au moins avant la
séance. Il peut se faire assister par un mandataire dûment habilité, tout comme faire parvenir à
la Commission des observations écrites avant la séance.

Cette audition se déroule en général dans les locaux des services fiscaux. La Commission peut
y entendre toute personne de son choix pour l'éclairer sur la valeur du bien litigieux.
Le vérificateur des impôts et le contribuable exposent tour à tour leur argumentation.

Après audition du redevable et du vérificateur des impôts, les membres de la commission


délibèrent avant d'émettre un avis obligatoirement motivé173. Celui-ci doit faire connaître au
contribuable l'ensemble des raisons qui ont emporté la conviction des commissaires.

171
Cour de Cassation – Chambre Comm. Arrêt du 20 février 2007 n° 266 F-P+B.
172
Article 1653 A du Code Général des Impôts Modifié par le Décret n°2004-620 du 29 juin 2004 – art. 1 JORF
30 juin 2004
173
Article R 60-3 du Livre des Procédures Fiscales. S'agissant de l'évaluation d'immeubles, la Cour de cassation a
ainsi considéré qu'était suffisamment motivé l'avis auquel étaient annexés les termes de comparaison cités par le
service, avec l'indication de leurs caractéristiques essentielles. Cour de Cassation commerciale du 1er juillet
2003, n° 01-16.577 ; Cassation commerciale du 8 juillet 2003, n° 00-16.916.

74
La Commission Départementale de Conciliation rend des avis que l'administration est libre de
ne pas suivre et qui n'influent ni sur le droit du contribuable de contester le redressement, ni
sur la charge de la preuve qui incombe, en tout état de cause, à l'administration. Toutefois,
dans la pratique, un avis favorable au contribuable aboutit le plus généralement à l'abandon
des redressements contestés. Et, en tout état de cause, cet avis sera très utile à la préparation
de la phase contentieuse, les magistrats n'étant pas insensibles aux positions prises par la
Commission.174

Cependant, malgré la nature non obligatoire de son avis, le contribuable insatisfait peut
formuler une réclamation contre les conclusions de la CDC et à la fin, en cas de rejet de sa
réclamation, il peut saisir la juridiction contentieuse compétente.175

Le caractère conciliateur de cette commission repose sur la motivation et le dialogue établi


entre les parties. Elle donne à la commission l’opportunité d’expliciter ses raisons et peut être
de convaincre le contribuable même face à une réponse négative à ses prétentions.

En dépit de l’existence d’une prévision légale de transaction en matière fiscale, la CDC n’est
pas autorisée par la loi à régler le litige qui lui est soumis par la transaction, malgré son
caractère consensuel. Le LPF prévoit l’émission par la CDC des avis dépourvus de force
obligatoire, mais il ne prévoit pas l’aboutissement du litige par la transaction, institut de
nature contractuelle.

Cette défense se dégage de son champ de compétence et de l’interdiction exposée par la loi
fiscale selon laquelle «aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle
de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le
chiffre d'affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et
contributions.»176. Ainsi, vu que la compétence de la CDC renferme les désaccords sur les

174
Selon ANNICHIARICO, Elisa; HELMOLTZ, Cam Van; MAREUIL, Jean-Baptiste. Litige Fiscaux le recours
à la Commission Départementale des Impôts, la Commission de Conciliation et l’Interlocuteur Départemental en
175 questions. Paris : EFE éditeur, 1995. : « Bien que l’administration ne soit pas tenue par l’avis de la
commission, très souvent dans la pratique, elle s’y réfère [...] Ce constat explique qu’environ 80% des affaires ne
donnent pas lieu à une procédure contentieuse. ». À notre sens c’est justement cette influence provoquée par
l’avis de la commission que le LPF prévoit pour une réclamation contre un avis sans force obligatoire.
175
Article L. 192 du LPF.
176
Art. 247, alinéa 3 du LPF.

75
droits d'enregistrement et de taxe de publicité foncière et d'impôt de solidarité sur la fortune,
la transaction lui est interdite.

§III. La transaction comme auto-jugement entre les parties177

En matière civile, l’article 2044 du Code Civil français énonce explicitement que : « la
transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent
une contestation à naître ». Ce contrat doit être rédigé par écrit. Selon cette disposition la
transaction civile est le produit d’un accord de volontés des parties, impliquant des
concessions réciproques émanant des parties concernées, dont la transaction est l’accueil
formel de ces arrangements.

Le Code Civil Brésilien publié en 2001 établit, dans son article 840, la légitimité pour les
intéressés de prévenir ou de terminer le litige par concessions réciproques, et il ajoute encore,
dans l'article 841, que seuls les droits de nature privée permettent la transaction.

Ainsi, déjà dans l'ancien Code Civil Brésilien de 1916 le manque de clarté de l'article
maintient l’équivoque de la nature juridique de la transaction au Brésil. La doctrine était
partagée entre ceux qui considéraient la transaction comme un acte unilatéral capable de
provoquer l'extinction des obligations et ceux qui considéraient la transaction comme un
contrat.

Le Code Civil Brésilien actuel a mis fin aux discussions sur le sujet. En effet, toute la doctrine
civile autour de la conclusion est univoque : la nature juridique de la transaction est
contractuelle.

La transposition de la transaction au droit du service public et de l'intérêt général en France


démontre que, mise à part l'autonomie du droit administratif par rapport au droit privé, le juge
administratif peut emprunter au code civil quelques instituts qui lui semblent utilement

177
L’option d’inclure la transaction comme l’une des modalités de règlements des litiges avant le juge n’est pas à
l’abri de critiques, car elle peut être seulement la finalisation d’un mode alternatif de règlement des litiges, ne
devenant, donc, aucun mécanisme indépendante et autonome. Néanmoins, on justifie cette inclusion dans le sens
d’une transaction qui peut être autonome, qui peut fonctionner uniquement comme un auto-jugement entre les
parties.

76
transposables.178 Cette réception de la transaction ne nie pas l'autonomie et la préservation de
toutes les particularités du droit administratif qui conserve encore une portée pratique et
théorique incontestable et capable d'assimiler et adapter les instituts empruntés.

Si jadis cette possibilité pour l'administration publique française d’utiliser la transaction


comme mode alternatif de règlement des litiges était si fortement controversée179, maintenant
la loi et la jurisprudence reconnaissent indiscutablement le droit des personnes publiques de
conclure des transactions180. Les ordonnances des 30 janvier et 13 février 1822 ont
définitivement établi le droit de transiger en matière fiscale. La faculté de transiger sur des
droits subjectifs a été reconnue à partir 1887 par le Conseil d'État, en l'absence de loi
préalable l'autorisant.181

Néanmoins, il est intéressant de remarquer que l'interdiction de la transaction lorsque le droit


en jeu est un droit objectif, le litige qui doit être tranché concerne la légalité des actes
administratifs – recours pour excès de pouvoir et aux actions en nullité de contrats.182

178
CHAVRIER, Géraldine. Réflexions sur la transaction administrative. RFDA, 2000, p. 548 et dans le même
sens BATISTA JUNIOR. Onofre Alves. Transações Administrativas, São Paulo : Quartier Latin do Brasil,
2007, p. 345.
179
Sur le refus d'utilisation de la transaction par l'administration publique voir Arnaud Lyon-Caen: « Cependant,
dès la loi du 27 mars 1791, étaient soustraites au préliminaire obligatoire de conciliation toutes les affaires
intéressant l'Etat, les communes et, d'une manière générale, l'ordre public. C'était admettre d'emblée que les
problèmes de la conciliation et de la transaction se posent d'une manière singulière en droit public, parce que
l'on ne transige pas avec l'ordre public. Cette idée, exprimée par les articles 6 du Code civil et du Code de
procédure pénale, s'est imposée avec tant de force que jusqu'à une époque récente on ne trouvait sur la question
en droit administratif ni texte général - en dehors des dispositions caduques de l'article 2045, alinéa 3, du Code
civil - ni étude exhaustive de la rare jurisprudence intervenue en la matière. Il est vrai que la loi du 27 mars 1791
ne faisait que préciser les conséquences de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 instituant la distinction des
fonctions judiciaires et des fonctions administratives, et défendre aux juges de troubler de quelque manière que
ce soit les opérations des corps administratifs. » Sur la transaction en droit administratif, AJDA, 1997, p. 48.
180
“La transaction, aux termes de l'article 2044 du code civil, « est un contrat lequel les parties terminent une
contestation née ou préviennent une contestation à naître ». Notre jurisprudence a reconnu de longue date à l'Etat
le pouvoir de transiger, ceci par une décision du 23 décembre 1887, De Dreux-Brézé, évêque de Moulin (Rec. p.
842, concl. Le Vavasseur de Précourt ; Cf. également CE, 17 mars 1893, Compagnie du Nord, de l'Est et autres
c/ Ministre de la guerre, p. 245 ; S. 1894.III.119, concl. Romieu). Si l'article 2045 du code civil dispose que « les
communes et les établissements publics ne peuvent transiger qu'avec l'autorisation expresse du roi », l'exigence
d'une autorisation préalable ne vaut plus, depuis l'intervention des lois de décentralisation, que pour les
établissements publics de l'Etat (cf. sur ce point l'avis rendu la section des travaux publics le 21 janvier 1997 et
publié le rapport annuel 1998). L'autorisation est alors délivrée le Premier ministre, comme vous l'avez jugé
votre décision du 14 décembre 1998, Chambre d'agriculture de la Réunion (aux tables p. 729).” CE, 11 juillet
2008, Société Krupp Hazemag,req. n° 287354, Rec. Lebon, Dalloz, 2010, p. 1000.
181
De nombreux textes permissifs ou répressifs s'étaient intercalés avant la loi du 4 germinal an II qui a interdit
«toute transaction [...] avant ou après jugement » en matière fiscale, un décret du 23 brumaire an III l'a
réintroduite et un décret du 18 octobre 1810 a limité son champ d'application, CHAVRIER, Op. cit., p. 601
182
Commentaire au Jugement TA Amiens, 14 avr. 2007, n° 0400871, R.: Juris-Data n° 2007-337929 par
NICOUD, Florence. L'impossibilité de renoncer par transaction à exercer le recours pour excès de pouvoir; droit

77
Finalement, nous pouvons déduire que toute la discussion d’aujourd'hui en France sur la
transaction en matière administrative gravite autour de deux questions fondamentales : Y-a-t-
il une transaction renouvelée après sa transposition pour le droit administratif? Quelles sont
les effets juridiques de ces transactions?

En ce qui concerne la transaction comme mode alternatif pour régler les litiges administratifs,
au Brésil elle est plus incertaine qu’en France. La doctrine brésilienne manque de lois
autorisant l'administration publique à pratiquer ce mécanisme pour régler ses conflits.183 La
jurisprudence, bien qu’elle soit rare et timide à ce sujet, existe et est maintenant largement

administratif n° 1, Janvier 2008, comm.: “Le 27 novembre 2003, Mme R. voyait le contrat la liant avec le
Syndicat intercommunal de développement économique du Ponthieu-Marquenterre non renouvelé au motif d'une
réorganisation du service ; elle introduisait alors un recours gracieux aux fins de se voir réintégrée. Cette
demande gracieuse étant rejetée, elle introduisait un recours en excès de pouvoir, tout en continuant à négocier
avec le Syndicat. Un accord s'étant dessiné à propos de sa réintégration et de sa demande d'indemnisation, c'est
par une transaction que les protagonistes souhaitaient mettre un terme au litige. La requérante se proposait alors,
dans le dernier état de ses conclusions devant la juridiction, de renoncer à son recours contentieux, moyennant
l'homologation par le tribunal des termes de la transaction intervenue. Par un considérant de principe aussi
explicite que classique, le tribunal rappelle qu'une transaction ne peut en aucun cas contenir l'engagement par les
parties de se désister d'un recours en excès de pouvoir initialement introduit. Par la suite, le tribunal rejetant la
demande d'homologation de la transaction, déclare le recours recevable et statue sur le fond. Étant donné la
similitude existant entre l'ancien poste occupé par la plaignante et celui attribué à son successeur, le tribunal
retient qu'il s'agit davantage d'un licenciement illégal que d'une véritable volonté de réorganiser le service et
annule la décision de rejet du recours gracieux. Bien qu'anecdotique, le jugement offre deux apports non
négligeables au droit du contentieux administratif. Il souligne tout d'abord l'incompatibilité de principe à
transiger sur une question de légalité ; il rappelle ensuite une spécificité du recours en excès de pouvoir que l'on
aurait actuellement tendance à ranger trop rapidement au rayon des dogmes vétustes du droit administratif : le
recours pour excès de pouvoir n'a pas pour objet la défense de droits subjectifs.[...]Cependant, l'efficacité jamais
démentie de ce mécanisme et son formalisme léger auront vite séduit législateur, juge et doctrine qui n'hésiteront
pas à en promouvoir l'utilisation (Conseil d'État, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction,
arbitrage en matière administrative : Doc. fr., 1993 ; et les études de J.-M. Auby, La transaction en matière
administrative : AJDA 1956, p. 1 ou G. Chavrier, Réflexions sur la transaction administrative : RFD adm. 2000,
p. 548). Néanmoins, l'utilisation fréquente de ce mécanisme ne doit pas pour autant faire oublier que son champ
d'application reste par principe circonscrit au plein contentieux, au droit de la responsabilité ou des contrats,
visant avant tout à se prononcer sur les droits subjectifs des administrés.”
183
La loi 9.469/97 autorise indirectement la transaction, par critères uniquement économiques, quand elle établit
que l’Avocat-Général de l'Union peut renoncer aux crédits, il peut autoriser la non formation d'une demande
auprès du juge et à non l’interposition du recours, tout comme demander pour l'extinction des actions en cours
ou pour l'abandon des recours judiciaires visant à exiger les crédits de l'Union Fédérale et des fondations
publiques fédérales, quand les dépenses pour exiger le crédit démontrent le préjudice. Les directeurs maxime ??
des entreprises publiques fédérales peuvent exercer les mêmes renonces/ renoncements?? mais seulement quand
les crédits exigés ont une valeur égale ou inférieure à R $ 10,000.00 (dix mille réaux). Si les valeurs dépassent la
limite fixée dans la loi, la renonce/ le renoncement nécessite une autorisation préalable écrite du ministre ou du
chef du secrétariat de la Présidence de la République dont relève la matière. La Loi 10259/2001autorise la
transaction, mais auprès du juge quand les demandes ne dépassent pas la limite de 60(soixante) SMIC.

78
utilisée pour justifier les arguments favorables à l’utilisation de la transaction par
l'administration publique.184

De plus, il y a des particularités au Brésil et en France qui expliquent ces différences. Dans le
système français, il y a la séparation entre recours par excès de pouvoir et recours de plein
contentieux. Cette dualité n'existe pas dans le système brésilien. Au-delà de la juridiction
unique pour tous les litiges, sans distinction du régime public ou privé du droit en question, la
procédure contentieuse administrative est la même que celle utilisée pour les litiges de droit
commun sauf pour quelques procédures exceptionnelles prévues par lois spéciales. En règle
générale un système de procédure particulier n'existe pas pour le contentieux administratif au
Brésil, principalement pour séparer les différends relatifs aux questions de légalité de ceux qui
traitent des contrats ou de la responsabilité des autorités administratives.

Diverses conséquences pratiques sont issues de cette antinomie entre le système français et le
système brésilien et toutes retombent sur la transaction. D'abord la différence entre la nature
publique ou privé des contrats, elle perd un peu d'importance en raison de la juridiction
unique brésilienne. Ensuite, nous pouvons observer l'absence des décisions préalables
obligatoires en matière de plein contentieux, circonstance qui empêche pratiquement le
dialogue entre les particuliers et l'administration publique avant le recours juridictionnel.
Enfin, nous pouvons mentionner la plus grande difficulté pour l'administration publique, celle
de discerner entre les matières où il est possible de transiger et celles qui ne permettent pas
transaction.

Ces particularités brésiliennes sont importantes et imposent quelques différences pour l'étude
du sujet, mais ce sont plus des différences de forme que de fond. Les deux systèmes en
comparaison adoptent un droit administratif extravagant constitué de principes et règles
spéciales, et par conséquent, la transposition d'un institut original du droit civil pose

184
La Cour Suprême Brésilienne a déjà consolidé sa position favorable aux arrangements entre l'Etat et les
personnes privés. La décision paradigmatique n° 253885/MG, Rapporteure Ministre Ellen Gracie Northfleet,
publiée DPJ 21/06/02, p. 00118 établi que: « Transaction. Légitimité. En règle générale, les biens et les intérêts
publics sont indisponibles parce qu’ils appartiennent à la collectivité. C'est pourquoi l'Administrateur gère
seulement la chose publique, ne pouvant pas disposer des intérêts sous sa garde. Cependant, il y a des cas où la
chose publique doit être allégée car la décision prise par l'administration dans les cas concrets correspond plus à
l'intérêt public. »

79
problèmes en dépit des différences de formes entre le droit administratif brésilien et le droit
administratif français.

Nous allons donc faire une réflexion sur la nature juridique, la portée et toutes les autres
spécificités de la transaction après sa transposition dans le domaine du droit administratif.
Puis, nous ferons une analyse de la transaction dans une branche du droit administratif plus
spécifique - le droit fiscal -, dont les spécificités et les discussions singulières méritent un
raisonnement plus pointilleux.

A. L’adaptation de la transaction en droit administratif

Le système juridique brésilien ne dispose pas d'une autorisation générale pour l'administration
de pratiquer des transactions comme mode de prévention des litiges administratifs. En
revanche, comme nous l’avons déjà dit, il y a dans le droit administratif brésilien diverses
prévisions ponctuelles et sectorisées qui démontrent la connaissance et l’acceptation de la
transaction dans les relations de droit public.

D'ailleurs en France le Conseil d'État, dans son Rapport de 1993185, initie un mouvement
général de valorisation des modes alternatifs de règlement des litiges administratifs soulignant
la portée de la transaction. Comme le dit Benoît Plessix transiger est bien mieux que juger
autrement, c'est dire que devant ce grand enthousiasme pour la justice informelle le Conseil
d'État ne pouvait que promouvoir le recours à la transaction dont la vertu suprême est de
permettre l'économie d'une procédure juridictionnelle, sans créer de concurrence à sa
compétence.186

De plus, il est bon de rappeler que le mouvement enthousiaste engagé par le Conseil d'État est
venu en réponse au Rapport 400 du Sénat qui n'économise ni informations ni arguments pour
dénoncer la crise de la justice administrative187. Ainsi, il est nécessaire de faire une recherche
pour trouver des solutions alternatives auprès des flux croissants de contentieux administratifs

185
CE, Régler Autrement les conflits... La documentation Française. Op. cit.
186
PLESSIX, Benoît. La transaction dans toutes ses dimensions. Transaction et droit administratif. Dirigé par
MALLET-BRICOUT, Blandine et NOURISSAT, Cyril. Paris : Dalloz, 2006.
187
Rapport n° 400 remis a Monsieur le Président du Senat le 10 juin 1992. Dépôt publié au Journal officiel du
1 l Juin 1992. Disponible sur: www.senat.fr

80
et, parmi les alternatives offertes, la transaction était la plus compatible avec les intérêts du
Conseil d'État qui s'est toujours démontré soucieux de préserver ses compétences.188

Autant dans la doctrine que dans la jurisprudence la transaction a été bien acceptée par le droit
administratif français et son utilisation a été encouragée par une circulaire du 6 février 1995.
Cette dernière a été remplacée par la circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du
recours à la transaction pour régler amiablement les conflits qui présentaient la transaction
comme un élément de qualité du service public, permettant ainsi une gestion rapide des litiges
et économique pour les deniers publics.189 Cependant, Géraldine Chevrier signale que la
réception d'un mode de règlement d'intérêts particuliers en France peut paraître surprenante
parce que le droit administratif privilégie l'intérêt général190. C'est pour cela que diverses
questions sont posées quant à la compatibilité du transfert d’un institut civil vers le droit
public.

Au Brésil, le mouvement de valorisation des modes alternatifs des litiges est plus récent. Il a
commencé le 23 août 2006, il a été développé par le Conseil National de Justice191 et soutenu
par le pouvoir judiciaire, par le Ministère Public et par divers autres organismes auxiliaires de
la justice. Son but était de chercher à régler autrement les litiges, en mettant en évidence la

188
Selon la décision CE 23 décembre 1887, De Dreux-Brézé, évêque de Moulins, Lebon p. 842 concl. Le
Vavasseur de Précourt, S. 1889.3.57, D. 1889.3.1: “considérant que s'il appartenait au Ministre de l'instruction
publique de liquider l'indemnité que l'Etat pouvait devoir à l'évêque de Moulins[...], et même de transiger sur le
règlement de difficultés nées[...], le dit ministre n'avait pas le droit de déléguer ses pouvoirs à des arbitres et de
remettre ainsi le soin de décider à une juridiction autre que celles légalement instituées.”
En outre le Conseil d'Etat déclare dans son rapport de 1993 que: “Il faut toutefois reconnaître que jusqu'à présent
ni l'expérience judiciaire en France, ni les expériences étrangères, souvent trop disparates pour être réellement
concluantes, ne permettent d'imaginer que les nouveaux modes de règlements des litiges en matière
administrative constitueraient une panacée ou produiraient des effets massifs sur la prévention ou l'accélération
du contentieux.” Op. ci t., p. 16
189
Selon Arnaud Lyon-Caen: « La prise de conscience de cette situation, à l'instigation notamment de l'étude
précitée du Conseil d'Etat, a conduit le Premier ministre à inviter les services à s'efforcer « de recourir à la
transaction" pour résoudre les conflits dans tous les cas où, compte tenu des circonstances de fait et de droit, il
apparaît clairement que l'Etat a causé un préjudice et doit l'indemniser» et à leur prôner « que les recours
administratifs soient examinés non seulement sous l'angle du droit, mais aussi avec la volonté de parvenir à un
arrangement satisfaisant dans tous les cas où cela est juridiquement possible et n'est pas contraire aux intérêts
généraux dont le service public a la charge». Sur la transaction en droit administratif. AJDA, 1997, p. 48
190
CHAVRIER, Op. cit., p. 550
191
Le Conseil National de la Justice (CNJ) est un organisme axé sur le remaniement du personnel et des
ressources dans le système judiciaire brésilien, notamment en ce qui concerne le contrôle et la transparence
administrative et de procédure. Il a été établi le 31 décembre 2004 et installé sur 14 juin 2005. C’est un organe
du pouvoir judiciaire installée dans la capitale - Brasilia - et de compétence sur tout le territoire national, qui
vise la coordination, le contrôle administratif et l'amélioration du service public dans la prestation de la justice. Il
a été établi dans l'obéissance à la Constitution en particulier, conformément à l'art. 103-B.

81
conciliation comme mode efficace de trancher un litige déjà déposé auprès d'un juge, tout
comme de prévenir un litige avant sa juridictionnalisation.192

Selon le projet du mouvement brésilien annoncé, en cas d'obtention d'arrangement entre les
parties, sera rédigé un document dont les obligations pourront être exécutées judiciairement.
Ce document n'est rien de plus qu'une transaction. Donc si la conciliation se passe entre une
autorité administrative, d’une part, et une personne privée d’autre part, nous pouvons prévoir
une transaction administrative comme finalisation de ce conflit.

La question qui s'imposait était relative à la nature juridique du contrat de transaction dans ces
deux pays. Il est question de savoir si la transaction devient vraiment un contrat de droit
administratif ou si elle continue comme un contrat de droit civil. Cette question est
fondamentale en France où la compétence de la justice administrative sera complètement
abrogée dans les cas où la transaction est considérée comme un contrat de droit commun.193

1. La nature publique de la transaction

Si dans un premier temps la doctrine et la jurisprudence françaises ont considéré la transaction


administrative comme un contrat de droit privé194, cette conclusion n'a pas duré longtemps. La
réponse définitive est venue du Commissaire du gouvernement Le Chatelier. L'avis 2002 de
l'Hay-les-Roses considère la convention de transaction, ayant pour objet le règlement ou la
prévention des litiges pour le jugement desquels la juridiction administrative serait
compétente, comme un contrat administratif.195

Cette décision confirme la position du Premier Ministre dans la circulaire du 6 février 1995.
Anciennement le texte prévoyait déjà que les transactions conclues par des personnes
192
Le projet est disponible à:<http://www.conciliar.cnj.gov.br/conciliar/arquivos/ProjetoConciliar.doc>
193
Au Brésil la nature juridique des contrats même si elle est forcément débattue, n'implique pas des préjudices
pratiques, car il n'existe qu’une juridiction compétente pour tous les litiges.
194
Jean-Marie AUBY, « La transaction en matière administrative », AJDA, 1956 Op. cit.; André DE
LAUBADÈRE, Franck MODERNE, Pierre DELVOLVÉ, Traité des contrats administratifs, Tome 1, 2ème éd.,
Paris, LGDJ, 1983-1984, n°333; Yves GAUDEMET, « Le précontentieux : le règlement non juridictionnel des
contrats », Op. cit.; CE, 15 février 1833, Commune de Saint –Pierre-en-Val, Rec. CE, p. 105 ; CE, 20 juillet
1850, Commune de Lanquinet, S., 1851, II, p. 58 ; CE, 6 juillet 1877, Commune de l’Etang-Vergu, Rec. CE, p.
666 ; TC, 17 juillet 1908, Caisse d’épargne de Caen c/ Hospices civils de Caen, Rec. CE, p. 772.
195
CE, Ass., 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second cycle du second degré du
district de l’Haÿ-les-Roses et société CDI 2000, Rec. 433, RFDA 2003, concl. G. Le Chatelier, p. 291, note B.
Pacteau, p. 302

82
publiques même lorsqu’elles sont considérées comme des contrats de droit privé196 devraient
révéler un caractère de droit public. La nature juridique du contrat devrait être confirmée par
la nature du litige qui a été évité. Donc, si le litige donne lieu à une action de la compétence
du juge administratif, la transaction sera de droit public.

Par le biais de cette décision le Conseil d'État a introduit une nouvelle catégorie de contrats
administratifs par détermination de la jurisprudence, en raison de leur objet.197 Comme
l’observe Benoît Plessix la transaction n'est pas un contrat administratif comme les autres,
parce qu’il n'y a aucune possibilité pour l'administration d’utiliser sa prérogative de résiliation
unilatérale du contrat, ni aucune des autres prérogatives communes à tous les contrats de droit
public.198

À ce propos, Yves Gaudemet affirme que la qualification des contrats comme contrats
administratifs ou comme contrats de droit privé résulte de la détermination légale ou, en
l'absence de normes, de la mise en œuvre de critères issus de la jurisprudence. Tout d’abord,
un contrat peut être administratif par détermination de la loi. C’est notamment le cas pour les
marchés publics en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII, mais seulement si une personne
publique est partie au contrat. A défaut de textes, la détermination des contrats administratifs
est l’œuvre de la jurisprudence, mais dans ce cas, pour être qualifié d’administratif, un contrat
devrait remplir deux critères alternatifs : soit un régime exorbitant du droit commun, soit un
objet visant à l’exécution d’un service public.199

Ainsi, on considère aussitôt que les transactions intervenant en matière administrative ne


pouvaient être que des contrats de droit privé. Cette affirmation est conforme aux décisions de
la justice administrative parce que la nature administrative ou privée d’un contrat résultait

196
T.C. 11 juillet 1908, Caisse d’épargne de Caen contre hospices civils de Caen, Sirey III, p. 154
197
V. Lion-Caen Op. cit, p. 51: La jurisprudence paraît en tout cas désormais fixée en ce sens (v. CE 5 mai 1971,
Ville de Carpentras c/ Delhomme, Leb. p. 326 ; AJDA 1971, p. 403, chron. Labetoulle et Cabanes ; CE 25 juillet
1975, Mme Ill, Leb. p. 442 ; TA Châlons-sur-Marne 29 janvier 1985, Ottenwaelder, RFDA 1985, p. 395, note X.
P. ; CE Sect. 28 septembre 1983, Ets Prévost, Leb. p. 376, concl. Bissara ; CE 21 janvier 1994, Stefal, Leb. p.
853 ; V. aussi Trib. confl. 26 octobre 1981, Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Armenonville c/ Ville de
Cannes, AJDA 1982, p. 528), ainsi que la doctrine la plus récente (René Chapus, préc. n° 796). Il en résulte que
le juge administratif s'inspire des dispositions qui régissent le contrat de transaction en droit privé pour les mettre
en œuvre en droit public, tout en leur faisant subir les adaptations que rend nécessaires la nature publique du
contrat.
198
PLESSIX, Op. cit., p. 136
199
GAUDEMET, Yves. Droit Administratif. 19 ed., Paris : LGDJ, 2010, p. 295/297

83
d’une qualification législative ou de l’application des critères jurisprudentiels. Toutefois, la
nature administrative de la transaction s’est fondé, a partir de la décision de l'Hay-les-Roses,
sur un nouveau critère qui n'appartenait ni aux critères législatifs ni aux critères
jurisprudentiels.

Tout d'abord en ce qui concerne les critères légaux et jurisprudentiels connus, les caractères
présentés par la transaction niaient leur qualification en tant que contrat administratif. En
premier lieu par opposition à son esprit, parce qu’il serait difficilement compréhensible que la
transaction contienne des clauses exorbitantes du droit commun; et en deuxième lieu par
opposition à son objet, parce qu’elle ne semble pas directement liée à l'exécution d'un service
public.

En raison de la force des arguments, la majorité des juristes200, le Conseil d’État201 et le


Tribunal des conflits suivaient leur esprit, sauf pour les contrats de transaction portant sur des
travaux publics considérés comme des contrats administratifs.202

En revanche, d’autres voix s’élèvent pour la reconnaissance du caractère administratif ou


privé du contrat en privilégiant la nature du litige que la transaction se propose de résoudre203.
Ainsi le débat commence sur la nature juridique du contrat de transaction célébré par les
autorités publiques.

Finalement, le Conseil d’État du 6 décembre 2002 semble mettre un point final à cette
question en affirmant clairement, dans la décision du district de l’Hay-les-Roses, la
compétence du juge administratif pour connaître les transactions ayant pour objet le règlement

200
Dans ce sens : Jean-Marie AUBY, « La transaction en matière administrative », Op. cit. . André DE
LAUBADÈRE, Franck MODERNE, Pierre DELVOLVÉ, Traité des contrats administratifs, Tome 1, 2ème éd.,
Paris, LGDJ, 1983-1984, n°333 et Yves GAUDEMET, « Le précontentieux : le règlement non juridictionnel des
contrats », Op. cit.
201
Le Conseil d’Etat a affirmé que la transaction était « un contrat civil ; sauf exception, son contentieux relève
donc des juridictions judiciaires ». Régler autrement les conflits : conciliation, transaction, arbitrage en matière
administrative, EDCE, Paris : La documentation française, Op. cit., p. 61
202
CE, 5 mai 1971, Ville de Carpentras c/ Sieur Delhomme, req. n° 77007, Rec. CE, p. 326 ; CE, 25 juillet 1975,
Dame Ill, Rec. CE, p. 442.
203
Géraldine CHAVRIER, « Réflexions sur la transaction en matière administrative », RFDA, 2000, p.548;
Françoise DUCAROUGE, « Le juge administratif et les modes alternatifs de règlement des conflits : transaction,
médiation, conciliation et arbitrage en droit public français », RFDA, 1996, p. 87 ; LYON-CAEN, Arnaud. Sur
la transaction en droit administratif, AJDA, 1997, p. 48.

84
ou la prévention de litiges pour le jugement desquels la juridiction administrative serait
compétente et, par là-même, leur nature administrative.

Or, le 17 mai 2006 le Conseil d'État dans la décision de la Commune Jonquières, a semblé
réanimer les incertitudes en la matière. La haute juridiction administrative a affirmé sa
compétence pour trancher un contentieux concernant la décision d’un maire de signer une
transaction ayant pour objet de mettre un terme à un litige nettement de droit privé. De plus,
le Tribunal des conflits a confirmé cette position par ses décisions du 16 octobre 2006, Caisse
centrale de réassurance contre Mutuelle des architectes français204, et du 18 juin 2007, Société
Briançon bus et B. contre Commune de Briançon. Dans cette dernière affaire, il est en effet
affirmé que « la transaction conclue par une personne morale de droit public, est, en principe,
un contrat de nature civile, sauf si elle met en œuvre des prérogatives de puissance publique
ou aboutit à la participation du cocontractant à une mission de service public ; que, sous cette
réserve, l’homologation de la transaction et les litiges nés de son exécution relèvent de la
compétence du juge judiciaire, hormis le cas où il est manifeste que les différends qui s'y
trouvent compris ressortissent principalement à la compétence du juge administratif ».205

Mais les questions ne s’arrêtent pas pour autant. En effet, l’introduction d’une nouvelle
catégorie de contrats administratifs, par détermination de la jurisprudence en raison de leur
objet, a encore relancé de vives controverses.

Malgré l’incertitude concernant le caractère de droit public du contrat de la transaction,


personne n’hésite quant à ses deux caractéristiques : c’est un contrat, et il règle un litige.
Comme contrat, il obéit aux règles de compétence et de procédure que doivent observer les
personnes publiques pour conclure un contrat. Par exemple, pour conclure une transaction au
nom de la commune, le maire doit être autorisé par une délibération du conseil municipal se
prononçant sur tous ses éléments essentiels.206

204
Req. n° C3506, décision publiée au Rec. CE.
205
Req. n° C3600, décision publiée au Rec. CE
206
CE 11 septembre 2006, Commune de Théoul-sur-Mer, Rec. 395

85
Réglant un litige avec l'autorité de la chose jugée, la transaction a des effets administratifs et
juridictionnels qu’un avis contentieux du Conseil d’État du 6 décembre 2002207 a
particulièrement mis en relief.

Par ailleurs, au Brésil les inquiétudes n'en arrivent pas à prendre cette dimension. L'existence
de régimes juridiques divers entre les contrats de droit public et les contrats de droit privé ne
peut pas constituer un problème central du droit administratif. En effet, l'absence d’un
consensus doctrinal ou jurisprudentiel sur le critère de qualification des contrats célébrés par
l'administration publique brésilienne oblige la doctrine contemporaine à conclure que ce
critère unique ne passe pas d'un « mythe » nourri par une forte dichotomie entre les contrats
de l'administration, qui est aussi artificielle et dissonante dans? / que dans la réalité
brésilienne.208

En effet, l'administration publique poursuit aussi l'intérêt public par la voie contractuelle et
cette poursuite est un devoir indisponible de l'administration. Donc, les privilèges concernant
l'administration publique dans cette relation contractuelle ne sont nés que de sa condition de
promotrice du bien commun. Le contrat en soi ne garantit aucune prérogative à
l'administration.

Ces considérations font que le droit administratif brésilien s'éloigne chaque fois plus de la
rigueur pour l’adoption d’un seul critère formel capable de différencier les contrats par le
biais de la nature intrinsèque des droits et des devoirs qui les concernent. Toutefois, il est
évident que l'administration vérifiera l'objet du contrat pour savoir quel régime juridique
appliquer, celui du droit privé ou celui du droit administratif. Ainsi l'objet du contrat constitue
un élément de connexion permettant la reconnaissance matérielle de la nature du contrat.

Dans ce sens on peut dire qu’en matière de transaction administrative dont le but est de
prévenir les éventuels litiges entre l'administration et les particuliers par le consensus, des
clauses exorbitantes telles que celles du pouvoir de résiliation unilatérale, du pouvoir de

207
CE Ass. 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second cycle du second degré
de l’Haÿ-les-Roses, Rec. 433
208
ESTORNINHO, Maria João. Requiem pelo contrato administrativo. Coimbra: Almedina, 1990, p. 110;
BATISTA JUNIOR, Onofre Alves. São Paulo: QuartierLatin, 2007, p. 292; JUSTEN FILHO. Marçal. Curso de
Direito Administrativo. 3 ed., São Paulo : Saraiva, 2008, p. 123.

86
modification unilatérale et de la force auto-exécutoire des obligations n’ont pas lieu d’être.
Même si ces dispositions sont incompatibles avec l'objet de la transaction, leur absence n'est
toutefois pas capable de lui soustraire sa nature de contrat administratif ni devant le droit
administratif brésilien ni devant le droit administratif français.

Suite à cette question, il reste à affronter un autre point tout autant controversé sur la
transaction administrative et son issue civiliste. Dans le droit civil la transaction suppose des
concessions réciproques, selon l’affirmation de la Cour de cassation qui subordonne la
qualification de transaction à l’existence de concessions réciproques. L’existence de
concessions réciproques est, en droit public comme en droit privé, une condition de validité
de la transaction.

2. Le sens de l'expression « concession réciproque »

Laurent Perrin fait une distinction profonde entre le droit public et le droit privé. Alors que le
juge judiciaire se borne à contrôler la licité de l’objet, le respect de l’ordre public, la régularité
de la procédure et l’équilibre entre les parties, le juge administratif vérifie qu’aucun principe
n’interdit aux parties de consentir une concession.209

Donc, suite à la suggestion du commissaire du gouvernement Romieu, le Conseil d'État a


indiqué que les ministres « ne peuvent pas engager les finances de l’État sans aucune espèce
d’obligation préexistante ; c’est, pour employer un langage plus brutal, dire qu’ils ne peuvent
pas faire de libéralités ».210 Le Conseil d’État a théorisé ce principe dans sa célèbre décision
Mergui, en jugeant que «les personnes morales de droit public ne peuvent jamais être
condamnées à payer une somme qu’elles ne doivent pas». En conséquence, une transaction
finalisant ce résultat est entachée de nullité, cette règle est d’ordre public et doit être soulevée
d’office par le juge.

Le fait justement de limiter la liberté contractuelle, exige de la doctrine un sens plus modéré
pour cette règle, ce qui se trouve dans les conclusions de l’arrêt Mergui, où M. Rougevin-

209
PERRIN, Laurent. La transaction en droit administratif. Courrier Juridique des Finances et de l'Industrie.
Juillet-out 2007 n°46, p. 172-174
210
CE 17 mars 1893, Chemin de fer de l'est et autres, S. 1894.3.119. Conclusions J. Romieu.

87
Baville a indiqué qu’«une transaction peut être plus ou moins bonne».211 Ainsi, pour que le
juge n’approuve pas les termes d’une transaction, il faut qu’il y ait une disproportion entre le
montant du préjudice subi et le montant auquel les parties transigent. La protection des
deniers publics n'interdit pas d'éventuelles augmentations de l'indemnité concédée par la
personne publique.

L’interdiction pour les collectivités publiques de consentir des libéralités est parfois critiquée
comme trop protectrice des deniers publics au détriment de la liberté contractuelle.212
Toutefois, ce principe ne fait pas obstacle à la conclusion de transactions et à une marge de
négociation sur le quantum de la dette, pourvu qu’il n’y ait pas disproportion, c'est-à-dire un
déséquilibre trop marqué, car le juge ne validerait pas la transaction.213

Actuellement la transaction sert à régulariser les marchés publics entièrement exécutés au


moment de leur annulation juridictionnelle. Il n'y a aucune concession véritable. Les parties
conviennent amicalement d'appliquer l'action d’enrichissement sans cause et le cocontractant
privé obtient simplement plus rapidement ce qu'il aurait obtenu devant le juge. Nous pouvons
nous demander quel avantage les particuliers ont obtenu? Elles éviteront d'aller au juge.214

Néanmoins la circulaire du 6 avril 2011 est très claire dans ce sens. Elle préconise que des
concessions réciproques doivent être consenties à la condition qu’elles ne comportent pas des
déséquilibres entre elles. Pour justifier sa recommandation elle cite la jurisprudence de la
Cour de cassation (Cass. soc. 28 janvier 2004, pourvoi n° 01-46.538 ; Cass. soc. 27 mars 1996
: Bull. V n° 124) et du Conseil d’État (CE, 29 décembre 2000, M. Comparat, Rec. p. 658,

211
CE, Sect., 19 mars 1971, Mergui, Rec. 235, concl. Rougevin-Baville
212
Benoît Plessix nous rappelle que dans la pratique l'administration ne concède guère et se contente de verser à
son cocontractant ou à une victime le montant à peu près exact de la somme qu'elle lui doit. Qui sait même si
devant le juge administratif l'administré n'aurait pas obtenu un peu plus? On peut se demander si la transaction
n'a pas tendance à être, dans la vie administrative, la version contractuelle de la réponse à une demande
préalable. Cette tendance est parfois entérinée par le juge administratif qui vérifie si les collectivités publiques ne
sont pas exposées à payer des sommes supérieures au montant des travaux effectués et des approvisionnements
qui leur sont réellement acquis, ou que l'indemnité transactionnelle ne dépasse pas le montant du marché initial
annulé. Op. cit. p. 137
213
CE sect. 26 mars 1965, Dame veuve Molinet et demoiselle Moulinet, Lebon p. 208; CE 8 décembre 1995
Commune de Saint-Tropez, Lebon p. 431, AJDA 1996. 448, note V. Haim.; CE, 11 septembre 2006, Commune
de Théoule-sur-Mer. Req. n°255273, publié le Rec. CE.; CE, ass., 11 juill. 2008, Sté Krupp Hazemag
214
PLESSIX, op cit, p. 137

88
concl. Fombeur ; CE, section 19 mars 1971, sieurs Mergui, p. 235, concl. Rougevin-
Baville)215

Au Brésil, il n'y a pas d’autorisation générale qui permette à l'administration de transiger,


donc en raison de cette particularité la question des concessions réciproques reçoivent un
traitement différent. Quand les transactions sont autorisées spécifiquement par la loi, les actes
de disponibilités de l'administration sont possibles et licites mais, en revanche, quand les
transactions sont autorisées implicitement par l'ensemble du système juridique, les actes de
disponibilités ne sont pas possibles.216

La Cour Suprême Brésilienne a déjà décidé que l'administration peut transiger sans
autorisation légale spécifique si elle ne renonce qu’à son droit à la procédure contentieuse.
Alors, sans pratiquer la disponibilité de ses biens, autorisée seulement par la loi, mais par la
seule concession de renoncer à la procédure contentieuse, l'administration transigera
validement.217

3. L'examen des éléments de validité de la transaction

Dans une saisine, vérifier les éléments subjectifs du contrat de transaction est obligatoire
autant pour le juge judiciaire au Brésil que pour le juge administratif en France. La capacité à
le conclure fait l’objet de peu d'observations dans la mesure où elle suit les règles du droit
commun des contrats, autant pour l'administration que pour l'administré, mis à part quelques
singularités ci-dessous exposées.

Lorsque le juge administratif ou judiciaire contrôle la légitimité des contrats de transaction il


vérifie les points suivants: si les parties ont effectivement consenti à la transaction; si l'objet
de la transaction est licite; si l'administration n'accorde pas une libéralité à son cocontractant;
si aucune règle d'ordre public n’a été méconnue.

Les transactions, spécifiquement en France, ne peuvent avoir lieu dans les cas suivants:

215La circulaire du 15 février 2005 avait déjà prévu ce devoir.


216
BATISTA JUNIOR. Op. cit, p. 514
217
STF, RE – 253885/MG, le 4 juin 2002, Min. Ellen Gracie, Première Turme. Publié dans le DJ p.118, le 21 juin
2002.

89
lorsque l'administration doit exercer les prérogatives qui lui sont dévolues, notamment dans
les domaines de la police administrative et de la gestion du domaine public ;
pour les questions relatives à la légalité des actes administratifs;
pour le montant des intérêts moratoires dus en exécution d'un marché public218;
pour la commande de nouvelles prestations au cocontractant si l'attribution de ces
prestations implique la mise en œuvre préalable d'obligations de publicité et de mise en
concurrence;
pour l'application des garanties contractuelles ou « post-contractuelles » afférentes aux
marchés publics valides (par exemple, la garantie décennale des constructeurs).219

L'interdiction de la transaction pour les matières d'ordre public rapproche la transaction des
matières contractuelles ou délictuelles, car elle y est fortement encouragée. Bien entendu, les
règles de droit public ne sont pas absentes dans ces domaines, cette possibilité de transiger
reste cependant sous réserve de ne pas porter atteinte à des règles d'ordre public.

Dans une réflexion spécifique et non négligeable sur cet encouragement de la transaction dans
les matières contractuelles et délictuelles, Benoît Plessix considère la transaction comme l’une
des armes les plus redoutables de l'administration. L'auteur dénonce l'existence d'un paradoxe
assez curieux dans ce champ d'application de la transaction administrative car, si pour le
contentieux de la légalité l'administration est interdite de transiger, pour l'indemnisation elle
est encouragée, même si les indemnisations doivent couvrir, sur le plan pécuniaire, les
illégalités dont elle est responsable. Aussi l'auteur conclut-il que l'administration, comptant
sur la séduction psychologique qu'opérera sur l'administré l'évitement du juge, lui permet
d'agir illégalement. Le montant d'indemnisation sera moindre que celui fixé par le juge, parce
que l'administration évitera les frais de justice.220

Malgré la force des arguments de l'auteur, n’oublions pas que l'administration, quand elle
transige sur le plan pécuniaire directement avec la personne affectée par l'illégalité commise,

218
CE, 17 oct. 2003, min.Intérieur, Sécurité intérieure et des libertés locales c / Synd. intercnal d'assainissement
le Beausset, la Cadière, le Castellet : Rec. CE 2003, p. 411
219
LINDITCH, Florian, Une nouvelle circulaire pour encourager le recours à la transaction en matière de
commande publique. JPA Collectivités territoriales n° 42, 12 octobre, 2235, document 452.
220
PLESSIX, Op. cit., p. 140

90
reconnaît elle-même sa faute, elle dialogue et négocie la valeur de l'indemnisation sans
obliger la personne privée à faire appel au pouvoir judiciaire. En revanche, quand le pouvoir
judiciaire est saisi, il contraint l'administration à indemniser la personne victime de son
illégalité. Dans la majorité des cas, l'illégalité est déjà irréversible (par exemple: un dommage
à l'environnement, un accident médical), donc la seule chose qu’il reste à faire, c’est au
magistrat de fixer le montant de l'indemnisation.

De cette façon, il est difficile de comprendre comment l'intervention juridictionnelle pourrait


contribuer à démotiver l'administration de pratiquer des illégalités. Au Brésil, en particulier,
les gouvernants bénéficient de la lenteur juridictionnelle. Les créances sont repoussées d'un
mandat politique à l'autre. Le système brésilien prévoit constitutionnellement un ordre
chronologique pour les paiements dus par le trésor fédéral, prévus par les finances sous-
fédérales ou municipales en vertu d'une sentence judiciaire, les paiements sont effectués
exclusivement dans l'ordre chronologique de présentation des injonctions de payer et sous
leurs rubriques respectives; étant obligatoire pour les entités de droit public d'inclure dans les
budgets les crédits nécessaires au paiement de leurs dettes résultant d'injonctions de payer
présentées avant le premier juillet, date à laquelle leurs valeurs sont actualisées, le paiement
se faisant seulement avant le terme de l'exercice financier suivant.221

Nous pouvons donc nous demander quel bénéfice devient effectivement le plus attrayant pour
l'administration, celui d’économiser les frais de justice ou celui de retarder les obligations de
paiement pour les transférer au successeur politique.

Quant à l’obligation pour la transaction d’être rédigée par écrit, elle n’influence pas la validité
de la transaction autant en ce qui concerne le droit privé français où une jurisprudence
constante précise que l’écrit est seulement nécessaire pour la preuve, qu’en ce qui concerne le
droit administratif français où le juge fait prévaloir l’intention commune des parties de se
prononcer sur l’existence de ce contrat.

221
La Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par : Jacques Villemain et
Jean François Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-
bresil-politique-constitution.pdf. Consulté le 12 janvier 2010, art. 100.

91
Au Brésil, les choses se passent d’autrement. La loi des contrats administratifs du 21 juin
1993 établit dans son article 60 que les contrats verbaux seront nuls, sauf ceux concernant les
affaires de valeur inférieure aux limites fixées par la loi. Ainsi la forme écrite constitue la
règle d'ordre public pour les contrats au Brésil, y compris pour les transactions.222

La Circulaire du 6 avril 2011 apporte une nouveauté, elle dispose expressément que
« l'administration est juridiquement engagée, dès qu'elle adresse à la partie adverse une
proposition écrite de transaction. » Selon le texte de la circulaire, l’administration publique
française ne peut plus, après avoir envoyé la proposition, modifier son offre, sauf si celle-ci
est refusée, et ceci même en cas d'erreur matérielle. A notre avis, l’impossibilité pour
l’administration publique de corriger une erreur matérielle est une rigueur très excessive.

Nous pouvons dire que les plus grandes dissemblances en France entre les dispositions
civilistes et les règles appliquées par le juge administratif intéressent la compétence des
parties pour transiger. D’un côté, le juge administratif exclut les dispositions de l’article 2045,
alinéa 3, du Code civil relatives à l’encadrement de la compétence de certaines personnes
publiques pour transiger. D’un autre côté, le juge administratif applique des règles plus
sévères que dans le droit civil quant à la compétence du mandataire pour conclure une
transaction au cours d’une procédure juridictionnelle.223

En ce qui concerne la compétence de la personne publique, loin du décret des 27-31 août
1791 et de l'article 2045 du Code Civil, toutes les personnes publiques ont la liberté de
transiger, y compris les collectivités locales libérées de toute autorisation préalable depuis les
lois de décentralisation de 1982, à l'exception des établissements publics de l'État qui doivent
obtenir par décret l'autorisation au cas par cas du Premier Ministre.224 Cependant, à ce sujet, le
Conseil d'État a encouragé le gouvernement à donner aux établissements publics, dans les
textes statuaires, une autorisation générale ou partielle de transiger. Cette formule est
aujourd'hui largement utilisée.225

222
Loi n°8666 du 21 juillet 1993.
223
Nous n'allons pas nous étendre sur ce sujet car, les modes de règlement des litiges en cours d'instance ne sont
pas dans notre champ de recherche.
224
CE, avis 21 janvier 1997, Les grands avis du Conseil d'Etat, 2 ed. Paris, Dalloz, 2002 n° 39;
225
Nous pouvons citer à titre d'exemple les plus connus d’entre eux : la Poste, Réseau ferré de France, le Centre
national d’art et de culture George Pompidou, autorisés respectivement par les lois n° 90-568 du 2 juillet 1990,

92
La compétence de la personne publique au Brésil se dégage de la loi, comme en France. Mais
dans la majorité des cas la transaction n'est pas autorisée dans les clauses générales, c'est la
raison pour laquelle la compétence pour transiger est issue de la compétence de l'autorité dans
le contrat ou dans l'acte qui a provoqué le différend. Ainsi les personnes publiques coupables
des dommages aux particuliers sont aussi compétentes pour transiger. Il s’agit du même
raisonnement que celui qui s'applique dans la fixation de compétence administrative pour
abroger ses propres actes inopportuns ou pour déclarer leur nullité lorsqu’ils sont illégaux.226

4. La juridictionnalisation de la transaction

Alors que la transaction constitue un mode alternatif de règlement des litiges, elle peut faire
l’objet d’une homologation, en dehors de tout litige, par le juge administratif français, qui
semble inciter les cocontractants à recourir à cette nouvelle voie de droit. Actuellement, après
les dernières réglementations sur le sujet, il n'y a toutefois pas de certitude sur l'avenir des
déterminations du Conseil d'État.

En arriver à conclure une transaction en cours d'instance conduit normalement le requérant à


désister de son action. En l'absence de désistement, le juge est tenu de prononcer un non-lieu à
statuer si la transaction a pour effet de régler le litige.227 Néanmoins, les parties peuvent
demander au juge d'homologuer la transaction conclue postérieurement à sa saisine228. Les
décisions prises dans ce sens peuvent être soumises au tribunal administratif, à la cour
administrative d'appel ainsi qu'au Conseil d'État statuant comme juge de cassation.229

Les demandes présentées en dehors de toute instance font l’objet principal de notre étude. Le
Conseil d'État a jugé qu'en dehors des cas où la contestation à laquelle il est mis fin a été

art. 28, n° 97-135 du 13 février 1997, art. 3 et par le Décret n° 92-1351 du 24 décembre 1992, modifié par D. n°
2000-931 du 22 septembre 2000.
226
DI PIETRO. Maria Sylvia Zanella. Direito Administrativo. 22 ed. 2010, São Paulo:Atlas, p. 226/227.
227
CE, 28 janvier 1994, Sté Raymond Camus et Cie : Rec. CE 1994, p. 1041
228
CE, sect., 19 mars 1971, Mergui
229
CE, ass., 11 juill. 2008, Sté Krupp Hazemag

93
précédemment portée devant le juge administratif, des conclusions tendant à ce que celui-ci
homologue une transaction sont en principe dépourvues d'objet et par suite irrecevables.230

Une telle demande d'homologation est néanmoins recevable, notamment en matière de


marchés publics et de délégations de service public, lorsque la conclusion d'une transaction
vise à remédier à une situation telle que celle créée par une annulation ou la constatation d'une
illégalité qui ne peut donner lieu à régularisation, ou lorsque son exécution se heurte à des
difficultés particulières.

Dans un sens contraire, mais toujours dans l'esprit de la transaction considérée comme un
mode de prévention de litige, l'instruction 10-2009-MO du 12 avril 2010 qui a pour objet
d’expliciter l’attitude à tenir par les comptables publics amenés à en assurer l’exécution
financière, établit que : Les comptables ne peuvent donc pas exiger l’homologation de la
transaction par le juge administratif pour pouvoir procéder au paiement des sommes issues de
la transaction. La transaction peut aussi intervenir dans le cas où un contrat a été annulé par le
juge administratif. Dans ces conditions, après l'annulation du contrat, cette indemnité est
déterminée soit par le juge administratif, dans le cadre d’un recours en plein contentieux
engagé par l’une des deux parties, soit par une transaction conclue entre l’organisme public et
l’entreprise concernée.

Dans le cas où la fixation de l'indemnisation se fait par le biais d'une transaction, l'instruction
détermine, en vertu de l’article 2052 du code civil, que les transactions ont entre les parties
l’autorité de la chose jugée en dernier ressort et sont exécutoires de plein droit. De cette façon
les comptables ne peuvent donc pas exiger l’homologation de la transaction par le juge
administratif pour pouvoir procéder au paiement des sommes issues de la transaction. Leur
mission ne les autorise pas à contrôler la légalité et l’opportunité des contrats qui leur sont
présentés. 231

230
CE, ass., avis, 6 déc. 2002, Synd. intercnal des établissements du second cycle du second degré du district de
L'Hay-les-Roses
231
Conseil d’État, 5 février 1971, Balme, Lebon p. 105 ; Conseil d’État, 10 février 1997, Ibo, Lebon p. 751 ;
Cour des comptes, 28 mai 1952, Marillier, Rec. Valentigney : Grands arrêts juridictions financières, n° 15.

94
Donc, suite à cette instruction, l'administration publique interdit non seulement aux
comptables de refuser le paiement des indemnisations fixées dans les transactions mais, en
plus, elle ajoute une garantie pour les comptables dans le cas du risque éventuel de délit de
favoritisme dans la conclusion d’un marché, où le comptable public pourra invoquer le fait
justificatif tiré de l’ordre de la loi. L’article 122-4 du code pénal dispose en effet que « n’est
pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par les
dispositions législatives ou réglementaires ». Dans de telles circonstances, il convient que le
comptable informe le Directeur départemental ou régional des finances publiques, à qui il
appartient ensuite de décider d’alerter le Préfet sur l’irrégularité relevée. Le cas échéant, ce
dernier mettra également en œuvre les dispositions de l’article 40 du code de procédure
pénale afin de transmettre au Procureur de la République les informations dont il dispose,
portant sur des faits susceptibles de constituer des infractions pénales.

Enfin, les comptables publics sont assurés d’une protection contre une éventuelle
responsabilité personnelle par complicité dans les cas de délit de favoritisme commis dans le
contrat de transaction. Cette garantie va influencer positivement les comptables à s'abstenir
d'imposer l'exigence de l'homologation de la transaction par le juge. Cette prohibition a sans
doute toujours favorisé la transaction comme mode alternatif des litiges administratifs en
dehors du juge, mais sans soustraire des comptables la crainte de la responsabilité
personnelle, car elle ne correspondrait plus qu'à un conseil dépourvu de force normative.

A notre avis, les décisions du Conseil d'État pourront avoir un avenir différent, car il n'y aura
plus de justificatif pour que la justice administrative excepte la règle générale de non
recevabilité dans les cas de l'homologation d'une transaction faite en dehors de toute instance.
Les situations où l'exécution se heurte à des difficultés particulières disparaitront.

En transposant cette discussion dans le cadre du Brésil, nous pouvons affirmer qu’elle est bien
moins exploitée en vertu d'une utilisation encore moins étendue de la voie transactionnelle. Il
n'y a pas de réglementation brésilienne spécifique encourageant l'utilisation de ce mode
alternatif des litiges administratifs comme c’est le cas en France. Donc, il faut que les
conclusions sur la force exécutoire des contrats des transactions préventives des litiges
administratifs soient dégagées du système juridique administratif compatible avec les contrats

95
administratifs en général, sauf en ce qui concerne les pouvoirs exorbitants qui sont
incompatibles avec sa nature.

Conformément à la jurisprudence brésilienne issue du Tribunal Supérieur de Justice, les


contrats administratifs possèdent un caractère exécutoire de plein droit.232 Ainsi, chaque fois
qu'une des parties se suppose dans le droit d'exiger de l'autre l'accomplissement des ses
obligations transactionnelles, elle doit saisir le pouvoir judiciaire pour exiger l'exécution
coercitive de ces obligations.

En effet, l'homologation juridictionnelle de la transaction en dehors de toute instance au


Brésil, sans négliger des voix dissonantes, est pour nous une formalité dispensable par
manque d'utilité.233

B. La transaction en matière fiscale

Selon l’article 2044 du code civil français, « la transaction est un contrat par lequel les parties
terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître ». En droit fiscal son
cadre juridique est toutefois strictement fixé par les articles L 247 à L 251 du Livre des
procédures fiscales (LPF), pour les amendes fiscales, les majorations d’impôts et les intérêts
de retard, lorsque ces pénalités et les impositions auxquelles elles s’ajoutent ne sont pas
définitives et peuvent donc encore être contestées.

La transaction, d’une façon générale, se distingue des autres demandes gracieuses - remises
et modérations - en ce qu’elle comporte des concessions réciproques de la part du
contribuable et de l’administration. En effet, au terme d’un contrat écrit entre les deux parties,
l’administration s’engage à consentir une atténuation des pénalités initialement appliquées et
renonce à porter l’affaire devant le juge de l’impôt.

Cette limitation d'incidence des transactions en France résulte de ce que l’administration ne


peut, s’agissant principalement des droits, renoncer au bénéfice de la loi fiscale, même en vue

232
Supérieur Tribunal de Justice, Recours Spécial 879046 DF 2006/0109019-2, 1ª T, Min Denise Arruda, publié
DJ du 18 juin 2009; REsp 700.114/MT, 1ª T, Rel. Min. Luiz Fux, DJ du 14 mai 2007; REsp 882.747/MA, 1ª
Turma, Rel. Min. José Delgado, DJ du 26 novembre 2007
233
Dans le sens inverse: BATISTA JUNIOR. Op. cit. p. 530.

96
de la rendre plus favorable pour le contribuable ou dans le but de faciliter le recouvrement de
l’impôt. Cependant, il faut que l’application de la loi fiscale soit affectée d’une marge
d’incertitude, tant du point de vue de l’administration que du contribuable. Il est donc possible
dans ce cas de dialoguer avec le vérificateur, puis avec le supérieur hiérarchique, et
l’interlocuteur peut l’analyser comme une procédure informelle de transaction qui conduit
dans certains cas à une nouvelle analyse de l’administration sans que de nouveaux faits
n’aient été portés à sa connaissance.

Le contribuable doit en contrepartie s'obliger à prendre l’engagement de payer les sommes


maintenues à sa charge dans le délai fixé par le contrat et de renoncer à toute procédure
contentieuse concernant les droits et les pénalités visés par le contrat. La transaction ne revêt
un caractère définitif qu’après approbation par l’autorité compétente, et paiement par le
contribuable de la totalité des sommes maintenues à sa charge.

Les demandes de transaction peuvent être présentées à tout moment, tant que les amendes ou
majorations ainsi que les impositions auxquelles elles se rapportent ne sont pas définitives.
Elles sont dépourvues de formalismes pouvant se présenter sous la forme d’une lettre simple
adressée au Service des Impôts du lieu d’imposition, et interviennent le plus souvent après la
mise en recouvrement de l’impôt.

Ainsi, si un interlocuteur évalue à 30% la probabilité que le redressement litigieux soit


approuvé par les tribunaux, il peut juger préférable de trouver un terrain d’entente avec le
contribuable sur une qualification juridique des faits plus acceptable, ramenant le montant
total des droits et pénalités à 30% du montant initialement notifié : en moyenne, un
raisonnement de ce type ne conduit pas à des pertes de recettes pour l'État, limite le risque
pour le contribuable et diminue les coûts de traitement du contentieux.234

A titre d'illustration, nous pouvons citer les matières qui peuvent être couvertes par les
demandes de transactions en France, quand elles ne sont pas encore définitives : les

234
Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique. Améliorer la sécurité juridique
des relations entre l’administration Fiscale et les contribuables: une nouvelle approche. Présenté par M. Olivier
FOUQUET, président de Section au Conseil d’Etat Juin 2008, La Documentation Française, Disponible à
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000360/

97
majorations de taxation d’office aux taux de 10 %, 40% ou 80 % ; une majoration de 40 % en
cas d’absence de bonne foi, de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ; une majoration de
80 % sanctionnant l’abus de droit ; une majoration de 150% sanctionnant l’opposition au
contrôle fiscal.

Le champ de la transaction a été élargi de manière significative par la loi de finances pour
2004, dans son article 35, qui l’étend aux intérêts de retard, et ajoute un alinéa à l’article L-
247 de la LPF. Ainsi, le montant des intérêts de retard peut constituer pour le contribuable une
charge financière conséquente, en particulier en matière de droits d’enregistrement, en raison
de la prescription décennale ou bien à la suite d’un contrôle fiscal. Par ailleurs,
l’administration s’abstient de consentir des transactions sur des pénalités afférentes à des
impositions ayant donné lieu au dépôt d’une plainte pour fraude fiscale ou pour lesquelles le
dépôt d’une plainte est envisagé.

Le mérite des demandes de transaction est apprécié selon les critères trouvés parmi
l’ensemble des demandes gracieuses. «Ces critères sont notamment liés aux circonstances
particulières de l’infraction sanctionnée, au comportement habituel du contribuable, à ses
antécédents contentieux, à sa situation personnelle et à ses possibilités de paiement.»235

L’autorité compétente pour conclure une transaction change en fonction du montant des
sommes en jeu. Il s’agit du Directeur des services fiscaux ou du Directeur chargé d’une
direction spécialisée à concurrence de 150 000 € par cote (impôts directs), par exercice (taxes
sur le chiffre d’affaires) ou par affaire (droits d’enregistrement, impôt de solidarité sur la
fortune). Au-delà de ce seuil, la décision appartient au Ministre, après avis du Comité du
contentieux fiscal, douanier et des changes.

Le contribuable dispose d’un délai de trente jours pour faire connaître son acceptation ou ses
observations. En cas de refus, la demande de transaction est considérée comme caduque et la
procédure reprend son cours normal.

235
Rapport de la Commission Douanière. La transaction, outil de la conciliation fiscale Disponible sur :
http://www.minefe.gouv.fr/fonds_documentaire/notes_bleues/nbb/nbb275/conciliation.pdf. Consulté le
12.06.2010.

98
Dans son rapport de 1993 sur les règlements alternatifs, le Conseil d'État a remarqué
l'importance du nombre des transactions fiscales conclues par la Direction Générale des
Impôts - entre 15 et 20.000 transactions fiscales chaque année.236

Le rapport de la Commission de la Section du Conseil d'État, chargée d'élaborer le dossier


d'amélioration de la sécurité juridique dans les relations fiscales par demande du Ministre du
Budget en 2008, a provoqué l’augmentation de la compétence des comités du contentieux
fiscal et douanier qui pourront être consultés par l’administration non seulement sur la remise
des pénalités et la juridiction gracieuse mais également sur celle des droits en principal. La
Commission a proposé la modification de l'article R*.247-12 du LPF en ce sens. Le ministre,
après avis favorable du comité du contentieux, pourrait dégrever en partie les droits en
principal dans des cas déterminés, notamment en cas de doute sur le bien-fondé de
l’imposition.237

En revanche, à cette vague de motivation et d'enthousiasme, Christophe de la Mardière ne


trouve aucune justificative raisonnable pour que le fisc puisse transiger, car l'impôt est
sûrement d'ordre public. Pour l'auteur le droit fiscal s'explique par une pirouette. En effet, s'il
est exact que la transaction avait pour conséquence de réduire seulement le montant des
pénalités et non pas celui des droits, il reste qu'une fois le contrat signé aucune des parties ne
pourra plus poursuivre l'autre. Donc le contribuable ne peut plus contester ni les pénalités, ni
les droits simples. C'est pour cela que l'auteur conteste l'argument selon lequel la transaction
ne touche pas l'impôt. 238

Au Brésil, jusqu'à aujourd’hui, la transaction en matière fiscale n'est pas encore applicable. La
loi fiscale brésilienne admet la transaction comme mode d'extinction des obligations
tributaires, mais elle exige l'existence d’une loi spécifique issue de la personne publique
compétente disciplinant une telle transaction.239

236
Rapport du Conseil d'Etat. Régler autrement... La Documentation Française, 1993, p. 65
237
Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique... La Documentation Française,
2008, p. 59
238
MARDIERE. Christophe de la. La transaction Regard Fiscal. La transaction dans toutes ses dimensions.
Dirigé par MALLET-BRICOUT, Blandine et NOURISSAT, Cyril. Dalloz, 2006, Paris, p. 170
239
Code Tributaire National art. 156, III et art. 171.

99
Le projet de loi n°5082/2009, polémique, vise l’efficacité d’une détermination légale sur la
transaction en matière fiscale au Brésil. Ce projet de loi élargit un peu le champ d'incidence
de la transaction par rapport à la loi française, car l'article 6 du projet de loi permet la
transaction non seulement en ce qui concerne les amendes fiscales, les majorations d’impôts
et les intérêts de retard, mais aussi en cas d'interprétation de la loi quand elle est encore
conflictuelle ou litigieuse par rapport aux impôts.

Comme tout mouvement politique dans une démocratie, le débat social et la possibilité de
discussion avant l'approbation éventuelle de cette loi par le congrès est un facteur positif de
légitimation populaire, souhaité et stimulé par les institutions intéressées. Dans ce sens, un
rapport élaboré par Hugo de Brito Machado accuse le projet de permettre que la relation entre
le fisc et le contribuable, relation déséquilibrée entre le fort et le faible, échappe à la légalité
protectrice du plus fragile car, dans ces situations de nette inégalité l'auteur affirme que: « la
liberté emprisonne et il n’y a que la loi qui libère. »240

De plus l'auteur met en évidence les différences culturelles de chaque peuple et, en ce sens-là,
il refuse d'appliquer au Brésil ce qu'il appelle une déjuridictionalisation, totalement
incompatible avec sa réalité. L'auteur affirme aussi que le Brésil a encore besoin d'une légalité
stricte en matière tributaire. Historiquement les limitations légales représentent des conquêtes
importantes de la société. Il y a peu de temps encore la couronne couvrait ses impôts sans
aucune loi capable de limiter son pouvoir, il n’est donc plus possible de permettre une
rétrocession.

Pour l'auteur, le projet de loi sur la transaction en matière administrative au Brésil est un
moyen dangereux pour faciliter la corruption. L'impôt pourrait devenir une marchandise
d'échange importante permettant au gouvernement d’obtenir des soutiens politiques de
n’importe quel secteur économique.

D’autre part, le Ministre des Finances brésilien et l'Avocat-Général de l'Union au Brésil


considèrent qu’il est indispensable d’adopter la transaction en matière administrative comme

240
MACHADO. Hugo de Brito. Transação Tributaria Limites e inconstitucionalidades. Rapport demandé pour le
Syndicat des Fiscales des Impôts. Le 20 août 2009. Disponible sur :
www.sindifisconacional.org.br/mod_download.php?id

100
facteur de modernisation de la demande fiscale brésilienne. Aujourd'hui on estime que le délai
de l'instance administrative pour la procédure fiscale est en moyenne de 04 (quatre) ans
jusqu'à sa conclusion ; l'instance judiciaire est, elle, de 12 (douze) ans. Ce fait, ajouté à
l’inefficacité de l'exécution fiscale, suffit à expliquer que moins de 1% du stock des créances
de l'Union, soit R$ 400 milliards de réaux (monnaie brésilienne)241 en 2006, rentre dans les
coffres du Trésor Public au Brésil chaque année. Le stock des créances de l'Union, Sécurité
Sociale comprise, atteint déjà le chiffre de R$ 600 milliards de réaux (monnaie brésilienne)242.
Si l’on ajoute à ce chiffre le montant des litiges en cours d'instance administrative, on atteint
la somme de R$ 900 milliards de réaux (monnaie brésilienne)243. Ce nombre représente une
fois et demie toutes les perceptions de l'Union en 2006 et environ la moitié du PIB (Produit
Interne Brut) du Brésil.244

À cet égard Arnaldo Godoy affirme que pour trouver des solutions à l’augmentation du
contentieux fiscal, il faut de la créativité. En effet, le modèle traditionnel administratif-fiscal
débouche sur des solutions adaptées au système déjà existant, solutions aussi utopiques
qu’inutiles dans la mesure où elles dépendent d’un budget considérable pour être mises en
œuvre, et qu’elles provoquent une augmentation de la charge tributaire. L’auteur défend la
création d’une Justice Fiscale Consensuelle comme solution possible représentant la rupture
entre le passé et un regard vers l’avenir.245

L’auteur démontre en résumé les modifications introduites par le projet de loi : a) il y aura
une loi spécifique qui admet la transaction ; b) les concessions réciproques ne sont pas
exigées ; et c) le règlement du conflit ou du litige s’impose comme objectif de la
transaction.246

En France la transaction en matière fiscale est déjà établie depuis longtemps et, selon avis du
Conseil d'État, rend de bons résultats. Au Brésil, la discussion se prolonge encore, mais le

241
Chiffre équivalent à environ 170 milliards d'euros, en fonction de la conversion faite en 2011.
242
Chiffre équivalent à environ 250 milliards d'euros, en fonction de la conversion faite en 2011.
243
Chiffre équivalent à environ 382 milliards d'euros, en fonction de la conversion faite en 2011.
244
Exposition des Motifs du Projet de Loi n° 5082/2009. Disponible sur http://s.conjur.com.br/dl/pl-
50822009-execucao-fiscal-admi.pdf. Consultéle 9 septembre 2010.
245
GODOY, Arnaldo Sampaio. Transação Tributaria. Disponible sur :
http://www.arnaldogodoy.adv.br/artigos/artigotransacao.htm. Consulté le 21 décembre 2011.
246
GODOY, Arnaldo. Op, cit.

101
sujet de conflit est la dimension du champ d'application de la transaction, et les conditions
politiques et sociologiques parfois encore défavorables.

Chapitre II : Règlement par une magistrature


d’influence.

Nous appelons « magistratures d'influence », les instances qui appliquent les modes alternatifs
de règlement de litiges, du moment où leurs décisions bénéficient d’une effectivité. Ces
organes sont dépourvus de pouvoirs coercitifs. De ce fait, leurs décisions ne peuvent être
assimilées aux décisions juridictionnelles et ont seulement la valeur de recommandations ou
de propositions.

Ces institutions ne tranchent pas les conflits par le consensus. En effet, devant un médiateur,
ces techniques alternatives nécessitent l’intervention d'un tiers dans le litige, non comme
conciliateur pour proposer une solution, mais plutôt pour peser sur le règlement du litige en
suggérant à l’administration, ainsi placée sous influence, une solution investie de son autorité
morale.247

« La magistrature d'influence » se caractérise par l'exercice d'un pouvoir politique non


coercitif. Elle est exercée par plusieurs institutions internationales, en particulier
l'Organisation des Nations-Unies. Au plan interne, et plus spécifiquement dans notre champ
de recherche, elle est utilisée partiellement par les Autorités Administratives Indépendantes,
que sont notamment le Défenseur des Droits en France (ancien Médiateur de la République),
et les autorités chargées de définir le Terme d'Adéquation du Comportement (TAC) ainsi que
l'Ouvidor-Geral (l’équivalent d’un Ombudsman suédois) au Brésil.

Ainsi, sommes nous amenés à considérer chacune de ces institutions comme faisant partie
des institutions capables d’exercer leur autorité morale pour influencer l'administration
publique. Ces institutions gardent des spécificités qui varient suivant la proportion et la
possibilité d'exercice de ce pouvoir d'influence.
247
BRISSON, Jean-François, Op. cit, 1996, pp. 202 et 215.

102
§I. Les Autorités Administratives Indépendantes Françaises et les
Agences Régulatrices Brésiliennes

Aussi bien en France qu’au Brésil, le système politique administratif n’a guère changé depuis
le XIXe siècle. Ce sont des régimes politiques où les pouvoirs sont concentrés dans les mains
du gouvernement. La logique de ce système est fondée sur la responsabilité politique des
gouvernants devant le parlement ou plutôt devant le peuple. Donc, une fois élues, ces
autorités sont responsables de leurs actes de gestion, en raison de leurs compétences ou
incompétences de gestion et de contrôle des structures bureaucratiques.

Ce modèle est venu ériger l’unité de l’administration publique comme étant la seule façon de
légitimer sa structure. Paulo Otero estime que l’unité de l’administration, sous la direction du
gouvernement, est quelque chose de tellement remarquable si bien que dans les périodes de
crise du système parlementaire, où sa responsabilité politique disparaissait devant celle du
parlement, cette centralisation hiérarchisée a subsisté ou s’est plutôt renforcée.248

Aujourd’hui toute structure se trouve en crise. L’émergence des autorités administratives


indépendantes en France ou des agences régulatrices au Brésil rompt cette unité
administrative et exclut son activité de la responsabilité gouvernementale auprès du
parlement. Cette fracture de l’articulation classique entre l’organisation administrative et la
légitimation politique et démocratique de l’administration publique a provoqué un
bouleversement dans le droit administratif. On peut dire que cette transformation a été
l’évolution d’un modèle pyramidal de l’administration publique pour un modèle
polycentrique.249

248
“Mesmo em períodos políticos marcadamente antiparlamentares, apesar de desaparecer a responsabilidade
política do governo perante o parlamento a unidade da administração Publica chefiada pelo órgão de topo do
Executivo permanecia, podendo mesmo afirma-se que se reforçava a intensidade dos poderes de intervenção
intra-administrativa: uma hierarquia envolvendo um forte poder de direção e sem espaços para autonomias
institucionais, autárquicas ou regionais garantia o primado da vontade do governo em todas as estruturas
administrativas.” OTERO, Paulo. Legalidade e Administração Pública, o sentido da vinculação administrativa à
juridicidade. Coimbra: Almedina, 2007, p, 316.
249
OTERO. Op. cit., p. 317

103
Les Autorités Administratives Indépendantes (AAI) en France et les Agences Régulatrices
(AR) au Brésil forment aujourd’hui un ensemble de structures originales dans l’appareil
d’État et leur création ont comme même objectif de permettre aux actions de ne pas souffrir
d’influences politiques ni de pression de divers intérêts économiques et professionnels dans
des secteurs d’activités sensibles exigeant une protection vigilante et impartiale des libertés.250

Ce phénomène des independents regulatorys agencys institutionnalisé d’abord aux Etats-Unis


d’Amérique et au Royaume-Uni va se propager, à partir des années 70, dans divers pays
européens et dans les pays d’Amérique Latine. Cependant, il est important de remarquer que
cette nouvelle structure va véritablement se répandre en Europe, après seulement que l’Union
Européenne ait promu des projets communautaires. Alors qu’au Brésil, ce modèle a été le
résultat de projets de privatisation et de réforme de l’Etat.251

Les AAI apparaissent comme une forme d’autolimitation du pouvoir exécutif central.
L’absence d’équilibre entre les pouvoirs est une constante en France. En revanche, cette
réalité est bien différente pour les organisations politiques en Grande-Bretagne et aux États-
Unis, qu’elles soient de tradition parlementaire ou présidentielle. Yves Cannac et François
Gazier estiment que le parlement français ne constitue pas un contre-pouvoir capable de
limiter vraiment l’Exécutif. De plus, il a été interdit au Pouvoir Judiciaire de s’immiscer dans
le fonctionnement de l’Etat après la Révolution.252

Les deux voies classiques idéalisées en France sont la décentralisation(territoriale et par


service) et l’institution d’une juridiction administrative. Ces deux formules n’ont pas toujours
été suffisantes et, dans ce contexte, l’apparition d’AAI émerge donc comme une troisième
voie, encore modeste, d’autolimitation, destinée à compléter le dispositif traditionnel et à
remédier à certaines de ses lacunes.253

250
GUEDON, Marie José. Les autorités Administratives Indépendantes. Paris : LGDJ, 1981, p. 7 et
BINENBOJM, Gustavo. Uma teoria do Direito Administrativo, Rio de Janeiro: Renovar, 2006, p. 240.
251
BINENBOJM. Op. cit., p. 240
252
CANNAC, Yves ; et GAZIER, François. Études sur les autorités administratives indépendantes, EDCE, 1983/
1984, p. 14
253
CANNAC et GAZIER. Op. cit., p. 14/15

104
Il y a des auteurs comme Artemi Rallo Lombarte qui affirment que ce processus
d’indépendance administrative est un résultat de la crise de l’État providence. Si aux États-
Unis ce système de independents regulatorys commissions est lié à la mise en œuvre du
Welfare State, en Europe continentale cela s’est passé de façon inverse.254

Dans le même sens Eleyne Pisier démontre que de multiples facteurs annoncent une certaine
crise de l’État précédent puis en arrivent à la crise de l’État providence : la mondialisation de
l’économie, l’internationalisation du commerce, la sophistication des techniques dans les
secteurs les plus variés, la complexification des réseaux sociaux, autant de défis nouveaux
pour un art politique dit en retrait voire en déroute.255

Finalement nous pouvons soutenir que, de façon générale en Europe continentale,


l’émergence des Autorités Administratives Indépendantes- AAI - était indissociablement liée
à l’affirmation de l’Union Européenne dans le contexte de l’unification économique, juridique
et politique. La neutralisation des intromissions politiques dans ces cas aboutit à l’élimination
des obstacles de caractère nationaliste en fonction de la suite du projet communautaire.256

D’autre part, la genèse de ce même type d’institutions indépendantes dans les pays
d’Amérique Latine, dont le Brésil, n’a pas été une exception comme au Chili et en Argentine.
Elle a été une conséquence du processus de réforme de l’État mis en œuvre à partir des années
90.

En effet, le Brésil avait besoin de surmonter sa crise économique. Pour atteindre son but, il
fallait reformuler les stratégies d’intervention de l’État dans le domaine économique. Ainsi,

254
“Si una nota común define este proceso de independizacion administrativa en el contienente europeo ésta sera
le de un similar ambiente ideológico que ampara su fundamento y fin: desgubernamentalization y neutralización
política. Las Administraciones independientes constituyen el resultado des conflicto ideológico operado en el
seno de la sociedad del fin de siglo en torno al modelo económico y social. La crisis del Estado social ha
derivado en un apabullante triunfo del modelo económico basado en el freno al intervencionismo público y en
el imperio de la libre concúrranse. Paralelamente, la crisis de la política(o de les partidos que la protagonizan)
se ha traducido en un extraordinario recelo a su fundación en el seno de la gestión de la cosa pública aunque
conviene advertir que separar la administración de la política constituye un proyecto irrealizable e ilegitimo.”
LOMBARTE. Artemi Rallo. La constitucionalidad de los Administraciones Independientes, Madrid :Tecnos,
2002, p. 51/52
255
PISIER, Eleyne. Vous avez dit indépendantes ? Réflexion sur les AAI. Paris : PUF, 1998, p. 74/76
256
JUSTEN FILHO, Marçal. O direito das agencias reguladoras independentes. São Paulo: Dialética, 2002, p.
176/178

105
par le biais des désétatisations, privatisations et flexibilisations des monopoles, l’État-
entrepreneur a été remplacé, à partir des années 90, par le modèle de l’État régulateur dont
l’intervention se fait de façon indirecte.

Néanmoins, le succès de cette démarche brésilienne vers l’équilibre économique dépendait


principalement de l’attraction du capital privé. Selon Gustavo Bienenbonjm, il fallait vendre
le Brésil comme une bonne affaire.257 L’économie brésilienne avait besoin d’investissements
privés et les investisseurs ont voulu des garanties de la pérennité des conditions pendant toute
la relation commerciale à suivre. C’est justement cette motivation qui a été le facteur le plus
important pour l’implantation au Brésil des Autorités Administratives Indépendantes, qui sont
appelées Agências Reguladoras, et que l’on traduit littéralement comme des Agences
Régulatrices.258

En France, le législateur utilise l’expression Autorité Administrative Indépendante, qui a été


utilisée la première fois pour qualifier la Commission Nationale de l’Informatique et des
Libertés (CNIL) le 6 janvier 1978. Par la suite, le législateur n’a que rarement eu recours à
une telle formulation. Ont été ainsi désignées la Commission pour la Transparence et le
Pluralisme, la Commission de la Concurrence, toute deux abrogées en 1986, et la Commission
Nationale de la Communication et des Libertés remplaçant la Haute Communication Audio-
visuelle, mais sans doute destinée à disparaître elle-même assez rapidement après l’élection de
François Mitterrand à la Présidence de la République en 1998.259

Mis à part les ressemblances entre ces organes brésilien et français, il faut mentionner une
particularité dans le contexte français par rapport au contexte brésilien. En France,
l’institutionnalisation des AAI était et reste étroitement liée à des garanties de droits

257
BINENBOJM. Op. cit, p. 249
258
Il est important de remarquer tout d’abord que le terme agence adopté par le système brésilien pour désigner
ces instituts indépendants n’était guère accepté par la doctrine brésilienne. Pour la majorité des juristes, ce terme
était nettement importé du système américain et il apporte deux inconvénients qui ne recommandent pas son
adoption. Le premier inconvénient concerne l’indéfinition terminologique parce qu’aux Etats-Unis le terme
agence désigne aussi d’autres organismes qui ne sont pas dotés de fonction régulatrice. Le deuxième
inconvénient concerne l’incompatibilité du terme agence avec la tradition du droit brésilien qui utilise déjà ce
terme pour désigner d’autres organismes qui n’ont aucun rapport avec les instituts régulateurs indépendants.
MARQUES NETO, Floriano de Azevedo. Agencias Reguladoras Independentes. Belo horizonte : Forum, 2009,
p. 54 /55
259
PISIER. Op. cit. p. 71

106
fondamentaux alors qu’au Brésil la grande majorité des AR a été créée pour intervenir et
essayer de corriger les failles des enjeux économiques capitalistes

En outre, au Brésil les AR sont des instituts dotés de personnalité morale. Ce que les juristes
brésiliens considèrent comme un élément important pour garantir leur indépendance et pour
leur permettre de bien remplir leurs fonctions de régulation et de sanction.260 En revanche, en
France ce n’est qu’à partir de 2003 que quelques AAI sont dotées de personnalité morale,
mais la majorité d’entre elles reste lié à sous la tutelle d’un ministère.261

Néanmoins, malgré les particularités contextuelles de chaque institution, il est remarquable


d’observer l’institutionnalisation globalisée de ces organismes. Les AAI et les AR ont des
structures singulières dans l’appareil de l’État. Le contrôle du respect des règles qu’elles
effectuent est largement assorti d’un rôle d’étude, d’information et de proposition. Elles
s’attachent nettement à mener une action préventive, permettant un respect des règles sans
conflits.

Souvent qualifiées en France comme des magistratures nouvelles ou des magistratures


morales, la création des AAI peut être présentée comme la réponse à un besoin que la justice
n’est pas capable de satisfaire toute seule, peut-être faute d’avoir su ou pu s’adapter aux
évolutions complexes. En effet, ces organismes sont dotés d’un pouvoir autonome de décision
ou d’influence dans un secteur bien déterminé.262 Et c’est précisément cet aspect qui
constituera notre champ de recherche.

260
BARBOSA GOMES, Joaquim B. Agencias Reguladoras: a metamorfose do Estado e da Democracia. Agencias
Reguladoras e Democracia. Rio de Janeiro:Lumen Juris, 2006, p. 21/57
261
« [...] Il aurait semblé cohérent d’octroyer systématiquement la personnalité morale aux AAI, puisqu’une telle
personnalité morale constituerait une individualisation à la fois symbolique et juridique de l’autorité. La
question fut largement débattue par la doctrine et en jurisprudence, pour recevoir une réponse de principe
négative. Toutefois quelques AAI disposent aujourd’hui de la personnalité morale. C’est tout d’abord le cas de
l’Autorité du marché financiers (AMF), qui résulte de la fusion par une loi du 1er août 2003 de la Commission
des Opérations de Bourse, du Conseil des marchés financiers et du Conseil de discipline de la gestion
financière. C’est également le cas de l’Autorité du contrôle des assurances et des mutuelles, issue d’une loi du
15 décembre 2006; de la Haute Autorité de santé issue d’une loi du 1” août 2004 et de l’Agence Française de
lutte contre le dopage créée par une loi du 5 avril 2006. Il n’en reste pas moins que l’immense majorité des AAI
demeure soumise à la tutelle d’un ministère ». MAITRE, Gregory. Autorités Administratives Indépendantes :
L’état de lieux. Regards sur L’actualité. 2007, n 331, p. 15/25.
262
“On l’a vu ce ne sont pas des juridictions. Leurs décisions ne sont jamais revêtues de l’autorité de la chose
jugée. Ce ne sont pas non plus de simples organismes consultatifs, tels les innombrables conseils, commissions,
comités qui siègent au niveau national ou à un échelon décentralisé auprès des autorités administratives
investies de pouvoirs de décision. Parfois, c’est la collégialité même qui leur manque, mais surtout leurs

107
La médiation, la conciliation et l’équilibre sont des caractéristiques des AAI et des AR quel
que soit leur objet263, car cette nouvelle structure est déjà adaptée aux temps nouveaux
qu’exige un État moderne.

En ce qui concerne ces organes, dont le champ d’intervention est la régulation du secteur
économique, la doctrine brésilienne estime que sa finalité est la recherche de l’équilibre. Ce
faisant, la régulation doit parvenir au maintien de l’équilibre entre les sujets intéressés et doit
résoudre les éventuels litiges par le biais de la médiation. L’État contemporain n’est plus le
souverain mais plutôt le médiateur. De ce fait, il ne peut plus imposer ses conditions mais les
négocier. C’est de cette façon que d’une part, l’État va légitimer son intervention dans le
domaine économique et, d’autre part, va obtenir de bons résultats dans un domaine qui est
actuellement ouvert à la compétition.264

Cependant, certaines AAI, qui interviennent dans le domaine des droits fondamentaux,
n’échappent pas à l’utilisation de la magistrature d’influence. Au contraire, elles sont dotées
des pouvoirs d’investigation, d’injonction, de recommandation et surtout de sanction. Elles
s’attachent nettement à mener une action préventive permettant un respect des règles sans
conflits.265

attributions dépassent toujours la seule faculté d’émettre un avis ou de présenter une proposition. Enfin, elles ne
sont pas les établissements publics pour la raison décisive qu’elles ne sont pas dotées de la personnalité morale.
Force est donc d’admettre que les autorités administratives indépendantes constituent une catégorie juridique
nouvelle à laquelle il convient de faire une place dans notre droit public.” CANNAC et GAZIER. Op. cit. 14
263
Sur les plusieurs type de AAI et sur ses divers champ d’intervention c’est opportun évoquer les
renseignements de Jacques Chevallier: “L'évolution a rendu dans tous les cas cette classification obsolète, en
interdisant toute recherche d'un principe de cohérence : le rapport du Conseil d'État se borne ainsi à énumérer
les différentes missions imparties aux autorités (médiation, protection des libertés publiques, garanties
d'impartialité de la puissance publique, évaluation pluridisciplinaire et expertise), tout en admettant qu'il ne
s'agit pas d'une typologie exhaustive (la lutte contre le dopage serait encore de nature différente) ; les
classifications les plus fréquentes opérées entre, d'une part, les autorités sectorielles et les autorités à vocation
générale, d'autre part les autorités chargées de protéger les droits et libertés fondamentaux et celles investies
d'une fonction de régulation économique, n'épuisent pas la diversité des finalités poursuivies. S'il distingue pour
sa part trois champs d'intervention (les droits des administrés, l'expression pluraliste des opinions, les libertés
économiques), Jean-Louis Autin estime pourtant que l'action de toutes les AAI intéresse, à un titre ou à un autre,
les libertés publiques, ce qui explique qu'elles soient toujours créées par la loi : il conviendrait donc de ne pas
opposer les AAI chargées de protéger les libertés et celles investies de fonctions de régulation économique. « Le
statut des autorités administratives indépendantes : harmonisation ou diversification », RFDA, 2010, p. 896.
264
MARQUES NETO. Op. cit, p. 50.
265
A exemple du Médiateur de la République ; de la Commission Nationale de Droit de Réponse ; de la
Commission d’Accès aux documents administratifs ; et de la Commission Nationale de l’informatique et des
libertés.

108
En général, comme le soutien Jacques Chevallier, les AAI permettent d’étendre la fonction
arbitrale de l’État dans les rapports sociaux ; fonction qui jusqu’alors était assumée
uniquement par les juridictions. « Il s’agirait désormais pour l’État, moins de prendre en
charge directement la gestion de secteurs entiers de la vie sociale, que d’assurer un juste
équilibre, une bonne harmonisation des intérêts en présence; par là, l’État retrouve peut-être,
si tant est qu’il a d’abord été un ‘État de justice’, les racines profondes de son institution. A
ce titre, la promotion des autorités administratives indépendantes traduit bien d’importants
changements dans la conception des fonctions et du rôle de l’État ».266

C’est dans le même sens que Floriano Marques Neto entend la fonction de régulation des AR
de «mediação ativa de interesses» qui, dans une traduction littérale, équivaut à « médiation
active d’intérêts ». Ce dont il s’agit ici exactement, c’est de mettre en place des structures
étatiques qui vont jouer un rôle de médiateur actif à l’égard de puissants acteurs socio-
économiques (grandes entreprises privées) et aussi à l’égard d’acteurs économiques fragiles
(consommateurs).267

C’est précisément dans ce domaine d’intervention des AAI et des AR qu’il possible de ranger
ces organismes dans la panoplie des institutions offrant des modes alternatifs de règlement
des litiges administratifs. Ces autorités peuvent être rangées en deux catégories. D’une part, la
première catégorie comprend les autorités qui interviennent dans le domaine économique. Ces
autorités ont à charge de prévenir, soit le litige juridictionnel entre l’État et ses
concessionnaires, soit le litige entre les concessionnaires eux-mêmes ou encore le litige entre
les concessionnaires et les consommateurs/citoyens. D’autre part, la seconde catégorie
comprend les autorités qui interviennent dans le domaine des droits fondamentaux. Ces
dernières interviennent pour rétablir les relations entre l’État et les citoyens dans l’espace
délimité de la sphère des droits de l’homme et du citoyen.

266
CHEVALLIER, Jacques. Réflexion sur l’institution des Autorités Administratives Indépendantes. JCP,
1986, p.312
267
MARQUES NETO, Floriano de Azevedo. A nova regulação dos Serviços Públicos. RDA, 2002, São Paulo, p.
17

109
A. La prévention des litiges dans le secteur économique en
France et au Brésil

Dans les textes légaux qui règlementent les AR au Brésil, il existe normalement une
disposition particulière pour l’exercice de l’arbitrage268. Toutefois, nous verrons que toutes ces
dispositions organisent un mode de règlement alternatif des litiges administratifs, qui renvoie
plutôt à la magistrature d’influence. Ce mode de règlement ne se confond pas à l’arbitrage qui
est davantage orientée aujourd’hui vers une activité typiquement juridictionnelle, dont le
champ de compétence échappe aux AR.

S’agissant des AAI en France, il y a lieu de mentionner également la procédure de règlement


administratif des litiges entre les opérateurs économiques. Avec les AAI, nous sommes
amenés à observer « l'existence d'un contentieux sans juridiction ». Relativement à cette
fonction contentieuse des AAI, on peut faire ce reproche que la création de modes alternatifs
de règlement des litiges ne doit pas être confondue avec une fonction contentieuse et une
fonction juridictionnelle. 269

Dans le contexte brésilien, la fonction des AR pour régler autrement les litiges est commune
aussi bien à l’égard des puissants opérateurs économiquement qu’à l’égard des
consommateurs fragiles. Les AR interviennent, soit comme une partie intéressée (quand le
litige a pour objet la régulation), soit comme un tiers intervenant seulement comme médiateur
ou conciliateur (quand le litige se passe entre les concessionnaires ou entre les
concessionnaires et les consommateurs).

268
Nous devons remarquer que toutes les AR au Brésil jouent un rôle d’intervention sur le domaine économique.
Jusqu’alors il y a onze agences régulatrices au Brésil : ANATEL (Agence National de Télécommunication) ;
ANEEL (Agence National d’Electricité) ; ANP (Agence National de Pétrole) ; ANVISA (Agence National de
Surveillance Sanitaire) ; ANS (Agence National de Santé) ; ANA (Agence National de l’Eau) ; ANTT (Agence
National de Transports Terrestres) ; ANTAQ (Agence National de Transports Fluviaux et Maritimes ; ANCINE
(Agence National du Cinéma) ; ANAC (Agence de l’Aviation civil) ; CVM (Commission de Valeurs
Mobilières) ; et ANM (Agence National de d’Exploitation Minière).
269
Selon averti JL. Autin [...]cette fonction n'a été confiée qu'à un très petit nombre d'AAI : l'ARCEP, la CRE et
le CSA, c'est-à-dire à des autorités de régulation économique intervenant dans le domaine des industries de
réseaux et dans le cas bien particulier de l'accès au réseau des opérateurs concurrents. Enfin, cette attribution
exceptionnelle a été entourée de garanties procédurales très strictes. AUTIN, Jean-Louis. Le devenir des
autorités administratives indépendantes. RFDA, 2010, p. 875

110
La vraie question ici se pose autour de la notion d’« arbitrage », utilisée par la majorité des
lois lorsqu’elles définissent les activités et les pouvoirs des AR. Comment doit-on en effet
l’entendre ou quel contenu doit-on donner à la notion ? La doctrine brésilienne réfute la
possibilité d’attribuer le terme d’arbitrage aux activités qui ne sont pas de nature
juridictionnelle. Pour Luiza Rangel de Moraes, la compétence légale pour régler les litiges
entre les acteurs économiques est une modalité de règlement des litiges qui reste très éloignée
de l’arbitrage.270

Cette fonction contentieuse des AR a lieu dans le cadre d’une procédure administrative. Par
conséquent, la décision obtenue est susceptible d’être l’objet d’un recours administratif et
aussi d’une révision par le Pouvoir Judiciaire. Ces possibilités de révision judiciaire ne sont
pas tout à fait compatibles avec les décisions arbitrales. En outre, s’agissant de l’arbitrage,
l’option pour ce type de juridiction privée doit découler du libre choix des parties, ce qui ne
pourra exister dans l'hypothèse des AR.271

En effet, les fonctions juridictionnelles et les fonctions administratives sont distinctes et à cet
égard nous pouvons identifier trois différences principales :
- l’impartialité propre de la juridiction qui est inexistante dans la fonction
administrative ;
- le pouvoir d’abroger ou de modifier ses décisions à tout moment est une exclusivité de
l’administration, alors que la décision juridictionnelle est revêtue de la chose jugée qui
la rend définitive;
- ce qui entraine finalement l’assujettissement de toutes les décisions administratives au
contrôle juridictionnel.272

Au Brésil, la loi 9427 du 16 juillet 1997 reconnait la compétence de l’Agence Nationale de


Télécommunication (ANATEL) pour régler les conflits entre les concessionnaires du service

270
MORAES, Luiza Rangel de. Arbitragem e agencias Reguladoras. Revista de Arbitragem e Regulação. 2004,
p. 73.
271
MORAES. Op. cit. p. 76
272
Ces conclusions ont été issues des GAUDEMET, Yves. Droit Administratif, 19ed., Paris : LGDJ, 2010, p.
121/122 et TRINDADE BACELAR, Luiz Ricardo. Função jurisdicional das agências reguladoras, RePro, ano
28, São Paulo: RT, jul.-set. 2004, p. 153

111
de télécommunications.273Ce dispositif, malgré quelques imprécisions conceptuelles, ne
concerne pas l’arbitrage, car l’agence de télécommunication n’a pas été choisie librement par
les parties en conflit dans le cadre d’un compromis arbitral. En outre, Ada Pellegrin Grinover
affirme que les décisions arbitrales de l’ANATEL sont encore susceptibles de recours
administratifs au niveau de l’agence, circonstance qui nie à ce mécanisme sa nature de
véritable arbitrage.274

De la même façon, dans le secteur de l’électricité, la loi 9427 du 26 décembre 1996 prévoit
aussi la compétence de l’Agence Nationale d’Électricité pour régler les conflits entre tous les
sujets concernés par les relations issues de la prestation du service d’électricité.275

Quant au Décret 2455 du 14 janvier 1998, il établit comme compétence de l’Agence


Nationale du Pétrole, le règlement des litiges par la conciliation et par l’arbitrage. Mais la
référence à l’arbitrage ne peut pas aussi être considérée, dans ce cas, comme rigoureusement
compatible avec le procédé de l’arbitrage, un mécanisme de nature juridictionnelle.

Il est important de signaler que la soumission d’un litige à une justice arbitrale ne peut être
mise en place si les parties ne se sont pas accordées volontairement, d’une part à renoncer à la
juridiction étatique et, d’autre part, d’élire un autre organisme qui devra régler ce conflit, sans
soumettre sa décision finale à l’homologation du juge étatique. En revanche, tout est différent
dans le cas de la procédure administrative en question, car les parties n’ont pas la possibilité
du libre choix.

Pour Alexis Mourre, les AR ne peuvent pas jouer le rôle des arbitres.276 L’arbitre exerce sa
fonction en dehors des organes de l’État. C’est un mécanisme paraétatique de règlement des

273
“Art. 19. À Agência compete adotar as medidas necessárias para o atendimento do interesse público e para o
desenvolvimento das telecomunicações brasileiras, atuando com independência, imparcialidade, legalidade,
impessoalidade e publicidade, e especialmente[...] XVII - compor administrativamente conflitos de interesses
entre prestadoras de serviço de telecomunicações;[...]”
274
GRINOVER, Ada Pellegrini. A arbitragem da ANATEL. Revista de Arbitragem e Mediação v 18, 2008, p.
301.
275
“Art. 3o Além das atribuições previstas nos incisos II, III, V, VI, VII, X, XI e XII do art. 29 e no art. 30 da Lei
o
n 8.987, de 13 de fevereiro de 1995, de outras incumbências expressamente previstas em lei e observado o
disposto no § 1o, compete à ANEEL:[...]V - dirimir, no âmbito administrativo, as divergências entre
concessionárias, permissionárias, autorizadas, produtores independentes e autoprodutores, bem como entre esses
agentes e seus consumidores;”

112
litiges. De ce fait, il y’aurait une contradiction à admettre un mécanisme de règlement
alternatif organisé par l’État et imposé aux parties.

Par ailleurs, dans le domaine des télécommunications en France, à côté de la régulation


concurrentielle de droit commun assurée par l’Autorité de la Concurrence (AC) et de la
Commission de Régulation d’Énergie (CRE), l'Autorité de Régulation de Télécommunication
(ART), en application de l'article L. 36-8-I du Code des postes et télécommunications s'est
vue confiée une mission de régulation de caractère technique et d'organisation du marché des
télécommunications.277 Elle peut notamment régler les litiges d'interconnexion entre les
opérateurs privés lui permettant d'élaborer au profit des concurrents de l'opérateur historique
un droit subjectif d'interconnexion.278

Elisabeth Rolin fait remarquer que, nonobstant, la nature quasi-juridictionnelle des décisions
prises par l'ART dans le cadre de ce pouvoir, elle demeure de nature administrative. Ce
constat est renforcé par le Conseil Constitutionnel dans sa Décision n°96-378 DC du 23 juillet
1996 qui admet en effet la possibilité d’un recours contre ses décisions devant le juge
judiciaire et qui confirme la constitutionalité du dispositif.279 Dans ces conditions, l'ART est la
première autorité administrative indépendante qui se voit reconnaître un pouvoir quasi-

276
“However, arbitrators are not regulators, and regulators cannot replace arbitrators in their jurisdictional role.
Regulatory adication and arbitration have different natures and different objectives. To expect NRAs to act as
judges in all private telecom disputes would certainly be detrimental to the specific role of regulatory adication,
which is aimed at pursuing policy objectives. On the other hand, transforming arbitrators into auxiliaries of
regulators would deprive the parties of the advantages of arbitration as a jurisdictional way of settling private
disputes. A balance, therefore, has to be found in order to avoid mixing their respective roles and to draw a clear
line between them”.MOURRE, Alexis. Private arbitration and regulatory adication in the telecommunications
industry - the new balance between private and public interests, Journal of International Arbitration, 2005, v. 22,
n. 3, p. 222-223.
277
«Les directives européennes demandaient aux États membres de permettre aux acteurs du marché des
télécommunications de pouvoir résoudre les litiges qui pourraient exister entre eux, dans des conditions de
rapidité, de simplicité et d’efficacité, sans pour autant préciser la forme que cette procédure devait prendre. Le
législateur français a ainsi souhaité instituer, dans le cadre de la loi de 1996, une procédure dénommée «
règlement des différends», encadrée, par des principes procéduraux empruntés au droit du procès. »
METTOUDI, Robert. Les fonctions quasi-juridictionnelles de l'autorité de régulation des télécommunications.
Thèse pour le Doctorat en Droit. Présentée et soutenue publiquement le 2 septembre 2004. Disponible sur :
http://mettoudilaw.com/wp-content/uploads/2010/01/Th%C3%A8se-2-septembre-2004.pdf
278
l'Article L. 36-8 du C.P.T. « [...] cas de litige en matière d'interconnexion entre des organismes au sein d'un
État membre, l'autorité réglementaire nationale de cet État membre prend, à la demande de l'une ou de l'autre des
parties, des mesures afin de régler le litige dans les six mois de cette demande. La solution du litige représente un
équilibre équitable entre les intérêts légitimes des deux parties [...] »
279
Conseil Constitutionnel, décision n° 96-378 DC, Journal officiel du 27 juillet 1996, p. 11400Recueil, p. 99.
Disponible sur : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/pdf/conseil-
constitutionnel-10818.pdf.

113
juridictionnel de régler des différends, à condition de respecter les garanties procédurales
inspirées des règles du procès équitable.280

De la même façon, la CRE joue le rôle d'intermédiaire entre l'administration et la justice par le
biais de ses compétences normatives et quasi juridictionnelles. L'article 38 de la loi n° 2000-
108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de
l'électricité donne compétence à la CRE pour régler les différends dans les secteurs de
l'électricité et du gaz, dès lors que ces différends sont liés à l'accès ou à l'utilisation des
réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, des ouvrages de transport et de
distribution de gaz naturel ou des installations de gaz naturel liquéfié.281

Sur la nature de cette compétence, sous un point de vue différent mais non négligeable, Gaël
Bouquet et Stéphanie Beauvillard étendent l’importance de la fonction contentieuse de la
CRE pour justifier et confirmer encore sa nature administrative. Ils affirment que les décisions
de la CRE ont pour objet une double finalité, celle « de résoudre un litige entre les parties et
également d'assurer une concurrence effective sur le marché en garantissant l'accès aux
réseaux aux utilisateurs dans des conditions non discriminatoires et transparentes ». La
possibilité de garantir une concurrence dans des conditions équitables fait alors partie de la
mission régulatrice des AAI, ce qui nous permet de dire qu’il s’agit d’une fonction
administrative et non juridictionnelle.282

L’Autorité de la Concurrence a finalement été créée par la loi de modernisation de l'économie


n° 2008-776 du 4 août 2008, pour succéder au Conseil de la Concurrence, lui-même institué

280
ROLIN, Elisabeth. Les règlements de différends devant l'Autorité de régulation des télécommunications.
Petites affiches, 23 janvier 2003 n° 17, p. 26
281
Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie créé un comité de règlement des
différends et des sanctions. “Cette réforme, qui s'inspire pour partie de celle déjà adoptée pour l'Autorité des
marchés financiers, vise à répondre, au-delà peut-être de ce qui est juridiquement nécessaire, à l'exigence
d'impartialité rappelée par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales. Il faut souhaiter qu'elle ne s'accompagne pas d'un affaiblissement de la spécificité de la
fonction du régulateur qui, en tirant parti de sa connaissance approfondie d'un secteur et en combinant des
analyses économiques, juridiques et techniques, doit, lorsqu'il tranche un différend ou inflige une sanction,
prendre en compte le rythme des évolutions du marché, arbitrer entre les intérêts immédiats et futurs du
consommateur et se prononcer, non seulement en droit, mais aussi en équité (v. T. Tout, Le Parlement français,
débat de l'essence de la régulation, Concurrences 2006, n° 4, p. 133)”.RICHER, Laurent ;
JEANNENEY. Pierre-Alain et CHARBIT. Nicolas. Actualités du droit de la concurrence et de la régulation.
AJDA, 2006, p. 2437.
282
BOUQUET, Gaël et BEAUVILLARD, Stéphanie. Le règlement des différends devant la Commission de
régulation de l'énergie, AJDA, 2004, p. 1911.

114
par l'ordonnance du 1er décembre 1986 en lieu et place de la Commission de la concurrence ;
laquelle avait été créée en 1977.

L'Autorité de la concurrence est chargée de faire respecter l’équilibre dans un système


économique fondé sur la liberté du commerce et de l'industrie. Cet équilibre consiste, d’une
part, à garantir la liberté de fixer les prix et le libre accès au marché mais, d’autre part,
d’éviter l’abus de puissance économique par ceux qui la détiennent.283

Pour poursuivre ces objectifs, cette autorité est dotée d’un pouvoir de règlement des
différends dans les mêmes termes que ceux de l’ART et de la CRE. Dans la Décision n° 86-
224 DC du 23 janvier 1987 identique à celle rendue dans l’affaire relative à l’ART, le
Conseil Constitutionnel confirme la constitutionalité du dispositif et consolide sa nature
d’autorité administrative284

L’institutionnalisation de la procédure de règlement des différends entre ces AAI laisse en


suspend la question de sa qualification juridique en France et au Brésil. La Cour Européenne
des Droits de l’Homme considère ces « quasi-juridictions » comme de véritables
juridictions.285 Pour la Cour d’Appel de Paris, cela ne fait pas de doute, la mission de l’ART
s’apparente à celle d’un juge.286 Pour le Conseil Constitutionnel les AAI sont des organismes
administratifs dont les décisions se soumettent au contrôle du juge judiciaire.287

Plusieurs auteurs se penchent sur ce sujet et essaient de trouver une qualification plus
adéquate, pour classifier cette fonction quasi-juridictionnelle des AAI. Claude Champaud
283
Tous les lois et documents concernent à AC sont disponibles sur :
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=168#
284
Conseil Constitutionnel. Décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 SUR LE TRANSFERT A LA
JURIDICTION JUDICIAIRE DU CONTROLE DES DECISIONS DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE
;Disponible sur: http://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1987/86-224-dc/decision-n-86-224-dc-du-23-
janvier1987.8331.html?version=dossier_complet
285
Selon M. Jean Paul Costa: “Il n'est pas sûr non plus que les juridictions françaises aillent si loin que cela, car
la Cour n'applique pas seulement largement la notion de sanction, elle applique aussi largement la notion de
tribunal. Elle en a donné, il y a longtemps déjà, une définition matérielle mais extrêmement large, et non pas
organique : est un tribunal aux yeux de la Cour européenne des droits de l'homme, je cite, « tout organe qui
tranche, sur la base de normes de droit et selon une procédure organisée, toute question relevant de sa
compétence ».” Le point de vue de la cour européenne des droits de l'homme. Petites affiches,
17 septembre 2001 n° 185, p. 29
286
Arrêt de la Cour d’appel de Paris, en date du 28 avril 1998, S.A. France Télécom / SLEC, D. Aff., n° 120 du
11 juin 1998, p. 992
287
Les Décisions n° 86-224 DC du 23 janvier 1987 et n° 96-378 DC du 23 juillet 1996.

115
utilise l’expression procès innomé 288; Paul Martens préfère la notion de magistrature
économique289 ; et Paule Quilichini développe un raisonnement pour soutenir que régler n’est
pas juger.290

Face aux arguments doctrinaux, et mis à part l’hétérogénéité de la procédure de règlement des
différends, le rattachement de cette procédure à un modèle particulier de résolution des litiges
est une question délicate. Toutefois, en vertu des analyses documentaires et doctrinales faites
autant en France qu’au Brésil, il nous apparaît que le règlement de litiges par les AAI est
effectué dans un but de régulation économique. De ce fait, la procédure n’a pas un caractère
juridictionnel mais plutôt un caractère administratif. D’où la possibilité que ces organismes
de régulation puissent être qualifiés comme « une magistrature d’influence ».

B. La prévention des litiges dans le domaine des droits


fondamentaux

Faisons tout d’abord remarquer qu’au Brésil, en raison du contexte national de leur
implantation (restructuration du mode d’intervention économique de l’État), toutes les AR
créées jouent un rôle d’intervention dans les secteurs sensibles de l’économie brésilienne.
C’est pourquoi, nous ne trouvons pas d’AR dans le domaine particulier des droits
fondamentaux. En revanche, en France, il y a des AAI pour garantir l’accès aux documents
administratifs (CADA), la transparence financière de la vie politique, les informations et les
libertés (CNIL). Il y existait aussi des AAI chargées de la lutte contre la discrimination et de
la garantie de la liberté, à savoir la HALDE et le Médiateur de la République. Ces deux
dernières autorités administratives ont été par la suite remplacées par le Défenseur des Droits,
depuis la révision constitutionnelle de 2008.

288
CHAMPAUD, Claude. L’idée d’une magistrature économique, Justices n°1 janvier / juin 1995, p.61 et s.
289
MARTENS, Paul. Les magistratures économiques, Rapport introductif, RIDE 1997
290
“Ce rapprochement s'explique d'abord par le fait que certaines autorités de régulation remplissent tout comme
les juridictions une fonction contentieuse. Ce premier constat amène à leur imposer certaines contraintes
applicables à la procédure juridictionnelle lorsqu'elles sont conduites à prononcer des sanctions. Pour autant, si la
ressemblance procédurale trouve dans la nature de la fonction exercée ses origines, elle y trouve également ses
limites. En effet, si le recours au critère matériel permet toujours de distinguer le juge du régulateur, dès lors le
critère formel ne peut que confirmer cette distinction dans la mesure où il apparaît comme une conséquence du
critère précédent. »QUILICHINI, Paule. Réflexions sur la nature du pouvoir de sanction des autorités de
régulation économique. AJDA 2004 p. 1060.

116
Dans le domaine de la régulation de l’économie ou dans celui de la protection des droits
fondamentaux, il existe aussi d’importantes différences relatives à la nature de la compétence
pour régler les litiges. Pour les AAI qui interviennent dans le domaine des droits
fondamentaux, cette compétence quasi-juridictionnelle n’est pas moins importante que le
pouvoir de régulation exercé par les AAI et les AR, qui interviennent dans le domaine de
l’économie. Cette compétence de règlementation des litiges apparaît comme une compétence
régulatrice autonome propre à leurs essences.

Nous analyserons si les AAI, comme le Défenseur des Droits291 et la Commission d’Accès aux
Documents Administratifs (CADA), sont des autorités, dont le rôle fondamental est d’attirer
par eux-mêmes les demandes qui traditionnellement relèvent en principe de la seule
compétence du Juge administratif. Nous pouvons déjà affirmer que ces AAI sont conçues par
l’Etat par souci d’offrir des organismes alternatifs au juge administratif, qui était jusqu’alors
le seul gardien et protecteur des droits fondamentaux en matière administrative.

Le plus souvent ces AAI sont présentées comme s’inscrivant dans un mouvement de
déjuridictionnalisation. Leur mise en place est en effet liée au constat des limites et des
insuffisances du contrôle juridictionnel. Jacques Chevallier estime qu’elles peuvent
apparaître, dans un premier temps, comme des substituts au juge, même s’il ne s’agit que
d’une simple analyse pour témoigner de la réalité.292

Selon l’auteur, l’institution d’une autorité administrative indépendante n’a jamais pour effet
de supprimer la possibilité du recours au juge. Tout au plus, vise-t-elle à prévenir les conflits,
et donc de réduire le nombre des contentieux devant le juge. C’est précisément le cas lorsque
le recours à une telle autorité s’impose en tant que préalable obligatoire, avant d’engager une
action contentieuse. Ainsi en est-il dans le cas des litiges relatifs à la communication des
documents administratifs.293 De plus, l’institution d’une autorité administrative indépendante

291
Pour le Médiateur de la République, en dépit de sa qualification juridique comme AAI, nous réservons une
place spécifique dans ce travaille, en raison de sa forte signification dans le contexte de contentieux en dehors du
juge en France.
292
CHEVALLIER, Jacques. La solution des litiges et les réponses aux conflits. Halde : Action, Limites et Enjeux
sur la direction de Daniel Borrillo. Etudes et Recherches, p. 52. Disponible
sur :http://www.halde.fr/IMG/pdf/HALDE_actions_limites_enjeux.pdf
293
La saisine de la CADA et de la CNIL est un préalable obligatoire à la saisine du juge administratif. Par
contre, la saisine de la HALDE n’est qu’une possibilité, qui n’est d’aucune manière un préalable à la saisine d’un
juge. Art. 4 de la Loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les

117
n’entraîne jamais un processus de dépénalisation. Elle est toujours une procédure parallèle à
ce dispositif. Enfin, et plus généralement, les décisions que prend une autorité administrative
indépendante dans le cadre de sa fonction de régulation sont susceptibles de faire l’objet d’un
recours, en principe, devant le juge administratif.294

Dans la mesure où notre champ de recherche porte sur les contentieux administratifs et vu que
les AAI, comme la HALDE ou la CNIL, ont en général le pouvoir de régler autrement les
litiges du contentieux, nous limiterons notre étude à la CADA et à son rôle dans la
« magistrature d’influence ».

L’institution de la CADA, par la Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978,295 fait partie d’un ensemble
de réformes destinées à améliorer les relations de l’administration et du public. Selon Georges
Vedel et Pierre Delvolvé, ces formes constitueraient une troisième génération de droits
permettant aux administrés de connaître les raisons des décisions qui leur sont imposées.296
Pour garantir l’exercice de ces droits, la loi a institué la CADA.297

Le recours à la CADA par toutes les personnes lésées, soit d’un refus de communication d’un
document administratif, soit d’un refus de consultation des documents d’archives publiques,
soit encore d’une décision défavorable en matière de réutilisation d’informations publiques,
constitue aux termes de l’article 20 de la loi un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours
contentieux, sous peine d’irrecevabilité, dans le délai du recours contentieux.298

discriminations et pour l'égalité. Art. 4:“Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la
haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat. La haute autorité peut aussi se saisir
d'office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, sous réserve que la victime,
lorsqu'elle est identifiée, ait été avertie et qu'elle ne s'y soit pas opposée. Les victimes de discrimination peuvent
également saisir la haute autorité par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français
au Parlement européen. Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits,
se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discrimination, peut
saisir la haute autorité conjointement avec toute personne qui s'estime victime de discrimination et avec son
accord. La saisine de la haute autorité n'interrompt ni ne suspend les délais relatifs à la prescription des actions
en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux. »
294
CHEVALLIER, Op. cit. p. 52
295
Cette loi sur la CADA a été modifiée par la loi du 12 avril 2000 et par l’ordonnance du 6 juin 2005et par le
décret du 30 décembre 2005.
296
VEDEL, George et DELVOLVE, Pierre. Le système français de protection des administrés contre
l’administration. Paris : Sirey, 1991, p. 161.
297
Au Brésil il n’y a pas une AAI pour garantir le droit de l’accès aux documents administratifs. Mais ce droit
est garanti par la loi 9784 du 29 janvier 1999, Art. 3° et 4° et plus récemment par une loi d’accès aux
informations.
298
Conseil d’Etat. Les recours administratifs préalable obligatoires. La Documentation Française. Paris, 2008.

118
Elle ne peut pas non plus être saisie directement d'une demande de document et elle ne peut
intervenir qu'en cas de refus préalable, exprès ou tacite, de l'administration sollicitée.

Le recours à la CADA est gratuit et n’est pas soumis à une formalité contraignante. Après les
arguments et les informations du demandeur, elle recueille ceux de l’administration qui a
refusé de communiquer le document sollicité. Elle peut alors se prononcer pour ou contre les
prétentions du requérant.

La CADA n’étant pas un organe juridictionnel, elle ne peut communiquer par elle-même les
documents administratifs. Elle ne peut davantage définir les conditions de réutilisation des
informations publiques. Finalement, elle ne rend pas de jugements, mais donne des avis. Elle
joue un rôle de médiation entre l'administration et ses interlocuteurs.

Les administrations en cause ne sont donc pas juridiquement tenues de suivre les avis de la
CADA. Mais le plus souvent, elles le font pour les raisons déjà exposées.299 D’ailleurs, elles
sont tenues d’informer la CADA des suites rendues à l’affaire.300

En cas de refus, l’intéressé aura toujours le droit de saisir le juge administratif dans le délai du
recours contentieux qui ne commencera à courir qu’à partir de la notification à l’intéressé de
la réponse de l’autorité compétente.

Ses avis sont investis d’une autorité juridique particulière301. En effet, c’est précisément le
respect de la procédure observée et la reconnaissance de la crédibilité technique et morale de

299
« Si l’administration signifie assez rarement son intention de ne pas suivre l’avis rendu par la CADA,
lorsqu’elle le fait, elle en explique les raisons, soit qu’elle n’a pas été convaincue par les arguments de la
commission sur le caractère communicable du document (divergence sur l’appréciation d’un secret, caractère
interne du document) soit qu’elle estime que les circonstances de l’espèce justifient qu’elle ne satisfasse pas la
demande (risques de contentieux, différend avec le demandeur). »Rapport d’Activité 2009. Disponible sur :
http://www.cada.fr/fr/rapport/Rapport2009.pdf
300
« Lorsque la CADA rend un avis favorable, l’administration est tenue (article 19 du décret du 30 décembre
2005) de l’informer, dans le délai d’un mois, de la suite qu’elle donne à celui-ci. Lorsque l’administration
néglige de s’acquitter de cette obligation, le secrétariat général procède à des relances auprès des services.
Mais pour 20 % des avis favorables, la commission ne peut pas enregistrer les suites réservées faute de réponse
de l’administration. » CADA. Rapport d’Activité de la 2009. Disponible sur :
http://www.cada.fr/fr/rapport/Rapport2009.pdf
301
VEDEL et DELVOLVE. Op. cit., p. 165.

119
ses membres qui vont donner lieu à un pouvoir d’influence capable d’obtenir une suite
favorable de l’administration compétente.302 Ce pouvoir est désigné par J.-L Autin comme une
fonction incantatoire issue d’une véritable autorité morale.303

§II. Le Médiateur de la République et l'Ouvidoria-Générale de


l'Union

Le Médiateur de la République, en France, et l’Ouvidoria-Générale, au Brésil, sont des


institutions issues de la même inspiration: à savoir l'ombudsman suédois. Cependant, les
différences et les particularités imposées par la logique de leurs nécessités, amènent à
envisager une évolution différente à l’avenir pour chacune de ces institutions.

La doctrine française est riche et abondante à ce sujet. En ce qui concerne le sujet du


Médiateur de la République, la littérature disponible est importante et considérable. Ce
faisant, l’originalité de notre recherche tient davantage à sa dimension comparée : la
comparaison entre deux figures similaires en raison de leur origine. Les deux institutions
s’inspirent du même modèle mais présentent des différences fondamentales en raison
d’exigences culturelles spécifiques.

A propos de l'Ouvidoria-Générale de l'Union, il y a quelques bibliographies au Brésil,


qualitativement importantes mais peu abondantes car il s’agit d’une institution relativement
récente dans le système brésilien. Nous pouvons dire que la doctrine brésilienne s’intéresse
plus à l’évolution de ces institutions, qui utilisent la persuasion comme instrument de
règlement des litiges.

Les Jurisprudences concernant les activités d'un organe chargé d'une mission de médiation
sont aussi rares en France qu’au Brésil, comme l’a déjà annoncé Arnaud Noury : S'agissant
du Médiateur de la République, l'attention de la doctrine n'a guère été éveillée que par la
décision Retail rendue le 10 juillet 1981 par l'Assemblée du contentieux du Conseil d'État. Le

302
Elle comprend onze membres dont trois magistrats (un conseiller d'Etat, un conseiller à la Cour de cassation,
un conseiller à la Cour des Comptes), trois élus (un député, un sénateur, un membre d'une collectivité
territoriale), un professeur d'université et quatre personnalités qualifiées. Les membres titulaires ont chacun un
suppléant. Ils sont nommés pour une durée de trois ans renouvelables. Le conseiller d'Etat préside la
commission.
303
AUTIN, Jean-Louis. « Le devenir des autorités administratives indépendantes », RFDA, 2010, p. 875.

120
débat s'est d'ailleurs focalisé sur la dimension organique de cette jurisprudence davantage
que sur sa dimension. Par rapport à l'Ouvidor-Général de l'Union aucune décision
juridictionnelle importante concernant ses fonctions n’a jusqu’à présent été prise. 304

A. L’historique des deux institutions

A partir des années soixante, l'insatisfaction liée au fonctionnement de la juridiction


administrative française fit naître un doute sur son efficacité, ce qui a fini par imposer un
regard sur les institutions étrangères, surtout sur le système des ombudsmans.305

C'est le 2 octobre 1972 que le Premier ministre a annoncé, dans sa déclaration de politique
générale, la présentation au Parlement d'un projet de loi instituant le Médiateur306. Deux
modèles différents l'ont inspiré, les législateurs de l'Ombudsman Suédois et le Commissaire
Parlementaire pour l'administration créé en Grande-Bretagne.307

Au Brésil, au cours des débats de l'Assemblée Nationale Constituante (1987-1988), la


proposition de la création de l'ombudsman ou du défenseur du peuple, selon le modèle
suédois, n'a pas abouti. En revanche en 1992 l'Ouvidoria Générale de la République a été
instituée ; celui-ci étant un modèle d'ombudsman singulier en comparaison avec les
médiateurs et les autres ombudsmans latino-américains.

Cet organisme, l'Ouvidoria Générale de la République, a été institué par la loi n°8.490/1992
au sein de la structure du Ministère de la Justice et, en 2004, il a été rebaptisé Ouvidoria

304
NOURY, Arnold. Les modes alternatifs peuvent-ils prospérer dans le contentieux administratif. JCP, 2005,
p.1286
305
LAGATTE, Paul et BARBE, Anne. Op. cit. p. 82
306
Le projet d'octobre 1972 avait été précédé par la proposition du député M. Poniatowski tendant à la création
d'un “Haut Commissariat à la défense des droits de l'homme” et par la proposition du député M. Chandernagor
suggérant l'institution d'un “Délégué parlementaire aux libertés”. PELLETIER, Jacques. RFAP, 1992, p.599.
307
L'Ombudsman suédois a été conçu dans un souci de limiter le pouvoir royal et de garantir les droits des
citoyens. Un mandataire permanent du Parlement chargé de surveiller, dans l'intervalle des sessions, la façon
dont l'administration accomplissait ses missions et respectait les lois. Inscrit dans la Constitution elle-même, élu
par le parlement et tirant sa légitimité de cette élection, il peut être saisi directement par le citoyen. Dans ces
compétences et ses pouvoirs, un accent particulier est mis sur la protection des libertés et des droits
fondamentaux. En Grande-Bretagne, le commissaire parlementaire apparaît dans un autre contexte. Pour
répondre au développement d'une administration peu soumise au contrôle du juge. Et sa création a d'ailleurs
coïncidé avec une certaine extension de ce contrôle et il n'a qu'une compétence subsidiaire à défaut de possibilité
de recours contentieux. Dans le seul cas, il n'y a pas un juge administratif qui eût posé des problèmes de
concurrence, de conflit ou de coopération. BRAIBANT, Guy. « Les rapports du médiateur et du juge
administratif », AJDA, 1977, p. 283.

121
Générale de l'Union par la loi n° 10.684. Et, il relève désormais statutairement de la structure
d’un nouveau ministère, à savoir le Contrôle Général de l'Union (Controladoria-Geral da
União).

Selon Rubens Lyra, l'expansion des ouvidorias au Brésil est étroitement liée à une nouvelle
politique qui s’est constitué au Brésil entre les années 80 et 90 en opposition à la dictature
militaire.308 Après la fin de ce régime d'exception, la démocratie participative s'y est présentée
comme une heureuse alternative. La Constitution Fédérale de 1988, bien qu’elle ne mentionne
pas les ombudsmans comme instrument de cette participation active des citoyens dans
l'administration publique, apporte dans son art.1° plusieurs instruments pour assurer la
participation populaire.309

Les Ombudsmans, selon Bénédicte Delaunay, quelles que soient leurs appellations
particulières et leurs caractéristiques originales, sont des organes non juridictionnels de
contrôle de l'administration, soumis à des procédures habituelles de recours et sont
indépendants vis-à-vis du pouvoir exécutif. L'institution de l'ombudsman est restée limitée à
la Suède pendant plus d'un siècle et s’est ensuite développée dans les autres pays scandinaves
– Finlande(1919), Norvège(1952), Danemark(1954) – puis finalement en Allemagne
Fédérale(1956), en Nouvelle Zélande(1957) et en Grande-Bretagne (1967). On croyait que
l'implantation de ces organes était fortement liée à la tradition parlementaire et démocratique
de ces pays, dont le but principal n’était pas d’exercer un contrôle juridictionnel de
l'administration mais plutôt de faire progresser un contrôle parlementaire par l’intermédiaire
des ombudsmans.

En France et au Brésil, la situation est différente. Il existait une structure spécifique de


contrôle juridictionnel de l’administration. Mais au fur et mesure, des institutions similaires à
celle des ombudsmans scandinaves s’implantent. En France, par la loi du 3 janvier 1973, et
dans l’Union Européenne par le Traité signé à Maastricht le 7 février 1992 et ratifié par la
France le 20 septembre 1992.

308
LYRA, Rubens Pinto. Ouvidor: o defensor dos direitos na Administração Publica Brasileira. João Pessoa:
Editora Universitária UFPB, 2004, p.56
309
SOUZA, Gabriel Felipe de. O papel de uma ouvidoria no âmbito da Administração Publica Federal. Revista
da AGU, 2008, avril/juin, n°16, p. 15.

122
Quels raisons justifient alors que des États dotés d’une structure de contrôle juridictionnel de
l’administration aient besoin de ces organismes ?310

L'institution du Médiateur de la République en France a été remise en question quant à son


utilité, puisque la justice administrative se présentait comme une garantie suffisante pour
assurer la défense des droits des citoyens contre les torts et les abus de l'administration. Cette
réflexion a fait dire à Roland Drago en 1970 qu’ : “En France le meilleur ombudsman, c'est le
Conseil d'État” ; puis en 1979, après la création et la mise en œuvre du Médiateur de la
République, ce même auteur a admis que : « L'Ombudsman est utile dans un pays qui n'a pas
de véritable juge de l'administration. Mais il est également utile dans un pays qui possède un
juge de l'administration. Dans chacun des deux cas, il n'a pas la même mission. »311

L'auteur se réfère à un domaine dans lequel la compétence de la justice administrative est trop
limitée, c'est celui de la mésadministration ou maladministration312, qui se rapporte au
mauvais fonctionnement de l'administration sur laquelle le Médiateur exerce un contrôle
établi non seulement sur le droit mais aussi sur l'équité. Dans un premier temps, il vérifie si
l’organisme fonctionne en accord avec les règles du droit ; et dans un second temps, il vérifie
si l'application de cette règle n'aboutit pas à une iniquité.313

Pour arriver à régler les litiges administratifs de manière satisfaisante et remédier aux
phénomènes de maladministration, le Médiateur de la République est doté d'un pouvoir de
recommandation. Pour améliorer le fonctionnement de l'organisme, en ce qui concerne les
réclamations, il est doté d'un pouvoir de proposition. Ces deux pouvoirs ont des portées
différentes : la recommandation est ponctuelle et individualisée à l'inverse de la proposition
qui est générale et vise des réformes impersonnelles.

310
DELAUNAY, Bénédicte. Op. cit. p. 631
311
MALIGNIER, Bernard. Les fonctions du Médiateur. Paris : PUF, 1979.
312
La « maladministration » est une transcription exacte du terme anglais et mésadministration est le terme
francisé, le sens ne change pas.
313
Yves Gaudemet a déjà écrit: Le Médiateur est un agent de l'équité; le juge un instrument du respect de la
légalité. « Le médiateur est-il une autorité administrative? », in Mélanges Robert-Edouard Charlier, Paris :
Éditions de la Revue Moderne, 1977, p. 121.

123
La réalité a changé, car si l’on doutait de l’utilité du médiateur dans un pays de forte tradition
juridictionnelle, comme la France, aujourd'hui le débat a changé de direction et il est abordé
sous un angle complètement différent. L’on s’interroge davantage sur la possibilité de donner
plus de pouvoir, plus d'indépendance et plus de ressources, pour que l'autorité compétente
puisse accomplir la mission qui est la sienne, surtout quand l’on prend en compte les
nombreuses réclamations formulées auprès du Médiateur314

Dans ce sens, la loi n°2008-724 du 23 juillet 2008, de modernisation des institutions et


portant sur la révision de la Constitution de la Vème République, a mis en place un Défenseur
des droits, inscrit à l’article 71-1 de la Constitution. Le statut, les missions et les pouvoirs de
cette institution appelée déjà super médiateur ont été définis par une loi organique et une loi
ordinaire présentées en conseil des ministres le 9 septembre 2009. Ces textes ont été adoptés
en première lecture par le Sénat le 3 juin 2010. Ce défenseur se substitue au Médiateur de la
République et vient absorber diverses institutions jusque-là spécifiques et indépendantes. Il
est entré en fonction dès le début du mois de janvier 2011.

B. La nature juridique de chacune des deux institutions

Le Médiateur de la République était nommé par décret du Président de la République, en


conseil des ministres, il avait un mandat fixe non renouvelable de six ans, une garantie
d'inamovibilité. Le Médiateur ne pouvait pas être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé
à l’occasion des opinions qu’il émettait ou des actes qu’il accomplissait dans l’exercice de ses
fonctions. Il ne pouvait pas être candidat aux fonctions de conseiller municipal ou général.
C’est le médiateur lui-même qui choisissait et nommait ses collaborateurs pour la durée de sa
mission. Finalement, il ne pouvait être mis fin à ses fonctions que dans la seule hypothèse
d’un empêchement constaté par un collège spécial.315

En raison de ces éléments caractéristiques de son indépendance et de son autonomie, la nature


juridique du Médiateur de la République a provoqué un long débat doctrinal et jurisprudentiel

314
“Le Médiateur de la République a ainsi été saisi de plus de 50.000 réclamations en 1999, contre moins de
2000 en 1977. Cela traduit sa remarquable implantation dans le paysage administratif français, et l’importance
que les citoyens accordent à son rôle d’intercession. » Rapport du Conseil d’Etat 2001 Réflexions sur les
Autorités Administratives Indépendantes. Disponible sur http://www.conseil-
etat.fr/cde/media/document//rapport-public2001.pdf. Consulté le 30.01 2011.
315
CANNAC, Yves et GAZIER, François. Études sur les autorités administratives indépendantes. EDCE, 1983/
1984, p. 53

124
en France. En outre, la loi qui a créé le médiateur en 1973 n'en a pas précisé l’identité. Ce
vide juridique a provoqué diverses discussions doctrinales. Les débats continuent malgré la
décision relative à l’affaire Retail rendu par le Conseil d'État, dont l'avis a été par ailleurs
confirmé partiellement par la loi du 3 janvier 1989.

En réponse aux interrogations constantes suscitées sur les rapports entre le médiateur et le
juge administratif, Guy Braibant a été l’un des premiers auteurs à s’exprimer une opinion sur
le sujet. Il a ainsi fait remarquer le Médiateur ne souffrait ni d'indignité ni d'excès d'honneur;
il n'était ni en marge ni au dessus de la justice. Il confirmait de ce fait, l’indépendance du
médiateur par rapport à la juridiction administrative. Et, il affirmait nettement que le
médiateur était une autorité administrative, dont les décisions devaient être soumises au juge
administratif.316

Quatre ans après, Michel Franc, commissaire du gouvernement, dans ses conclusions sur
l’affaire Retail317 fait observer que le médiateur ne relevait ni du pouvoir législatif, ni du
pouvoir judiciaire et qu’ainsi il devait être rattaché à l'exécutif dans une catégorie nouvelle,
celle des autorités administratives indépendantes. Cette catégorie a été officiellement
reconnue par le législateur quand il a qualifié ainsi la commission nationale de l’informatique

316
“Il est vrai qu'il ne prend pas, en pratique de décisions puisqu'il a essentiellement des pouvoirs de propositions
et de publicité. Mais il peut refuser d'examiner une réclamation ou d'engager des poursuites: ce sont bien là des
décisions. En outre, il peut provoquer un dommage, par exemple par une intervention intempestive ou pas des
renseignements erronés. Ces décisions peuvent-elles faire l'objet de recours pour excès de pouvoir ? Ces
dommages peuvent-ils engager la responsabilité de la puissance publique ? La réponse doit être affirmative parce
que le médiateur a, selon nous, le caractère d'une autorité administrative.”BRAIBANT, Guy. « Les rapports du
médiateur et du juge administratif », AJDA, 1977, p. 283.
317
CE,Ass. 10 Juillet 1981, Retail, req. N° 05130. « En sommaire M. Retail est un commissaire aux comptes qui
s'accommode mal de la création de la Commission des Opérations de Bourse et en particulier des conditions
dans lesquelles cet organisme exerce un certain contrôle sur la nomination des commissaires aux comptes. Le
décret du 12 août 1969 relatif à cette profession précisait en effet que tout commissaire aux comptes qui accepte
que sa candidature soit présentée à l'assemblée générale d'une société faisant appel à l'épargne doit informer la
COB. Or la commission s'était inquiétée du nombre des mandats (environ 80) exercés par M. Retail qui était âgé
et ne disposait que d'un cabinet comportant trois collaborateurs. La commission avait d'ailleurs fait effectuer
une enquête en septembre 1973 au cabinet de M. Retail. Celui-ci s'en émut et fit transmettre par MJ-P Cot.,
député une réclamation à M. Antoine Pinay alors médiateur. M. Retail de plaignait de l'attitude de la
commission. Le Médiateur répondit au parlementaire en rappelant les attributions de la commission et en
indiquant qu'à son avis celle-ci n'avait pas agi de façon irrégulière. [...]Le 17 mars 1976 M. Retail recevait une
lettre de la COB précisant que la commission serait éventuellement conduite à subordonner l'octroi de son visa
à une révision comptable et à une certification des comptes de cette société par un cabinet spécialisé. M. Retail
démissionna de son poste et, transmet à nouveau une longue lettre par le biais de M. J-P Cot au médiateur. Le
médiateur répondit que son prédécesseur avait déjà examiné les réclamations de M. Retail et que la dernière
lettre n'apportait aucun élément nouveau et qu'il n'avait pas à poursuivre plus avant l'instruction de cette
affaire. M. Retail a saisi directement le Conseil d'Etat d'une requête tendant à l'annulation de ce qu'il qualifie
une décision de rejet de sa réclamation par laquelle le médiateur se serait reconnu à tort incompétent.”

125
et des libertés. Dans le même temps, il a considéré la réponse du Médiateur à M. Retail
comme insusceptible de recours pour excès de pouvoir. Car, la réponse du médiateur au
parlementaire ne correspondait pas à une décision faisant faire grief au réclamant, qui pourrait
saisir un tribunal administratif compétent pour statuer sur le litige318.

Dans le même sens, on trouve les opinions de Frédéric Tiberghien et Bruno Lassere, selon
qui, l'indépendance du médiateur, loin de lui ôter la nature d'autorité administrative,
permettrait au contraire de mieux l'assurer de sa mission comme autorité administrative.319

Yves Gaudemet, contestant la thèse de Michel Franc, soutient que le Médiateur de la


République était une institution qui dépassait cette classification classique des trois pouvoirs
et que ses actes ne pouvaient pas être connus par les juges administratifs.320

Ce raisonnement a été suivi par Jean-Marie Auby, qui considérait le Médiateur comme une
autorité administrative exceptionnelle à laquelle le législateur a voulu attribuer une
indépendance sans pareil pour les autorités exécutives ou administratives, le doter d'un
pouvoir d'investigation qui n'appartenait qu'au juge, lui permettre de demander des études aux
chefs des deux grands corps de l'État - le Conseil d'État et le Cour de Comptes - et à la fin lui
donner le pouvoir d’adresser des injonctions d'exécuter la chose jugée à tout organisme sous
menace d'un rapport spécial au Journal Officiel.321

Malgré la décision Retail, la thèse du médiateur, comme autorité sans lien avec les trois
pouvoirs, institution spéciale, sui generis, était bien accueillie par la doctrine qui la
considérait plus compatible avec l'esprit du législateur322. Paul Legatte, médiateur à cette
époque, a soutenu que l'originalité de la mission du médiateur chargé de contrôler le bon
fonctionnement des services publics justifiait cette qualification.323

318
Conclusions de Commissaire du gouvernement sur CE, Retail, 10 juillet 1981, RDP, 1981, T2., p. 1441.
319
TIBERGHIEN, Frédéric et LASSERRE, Bruno. Chronique, AJDA, 1981, p. 459/481.
320
GAUDEMET, Yves, « Le Médiateur est-il une autorité administrative ? », in Mélanges de Robert-Edouard
Charlier, PUF, Paris, 1981,.
321
AUBY, Jean-Marie. Notes de Jurisprudence sous CE, Retail, RDP, 1981, T. 2
322
Dans l'époque de proposition de la création du médiateur le gouvernement avait affirmé aux parlementaires
que celle institution serait une nouvelle institution originale et différentes de toutes les autres aux quelles ils
étaient habitués. JO Débats Assemblée nationale, 1972, pp. 6209 et 9210.
323
LEGATTE, Paul, « Le médiateur de la République », RA, 1986, p. 485.

126
Dans le sens inverse, Jean-Paul Costa a contesté cette possibilité en invoquant la Constitution
comme le seul moyen de constituer des autorités qui n'appartiendraient pas aux trois
pouvoirs.324

La loi du 3 janvier 1989 est intervenue pour expliciter la volonté du législateur de garantir le
statut spécifique du médiateur et sa nature d'autorité indépendante. Mais, elle n'a pas précisé
sa nature juridique, faisant ainsi persisté l’ambiguïté sur la place du Médiateur dans les
institutions.

Jacques Pelletier, au moment de l’adoption de cette loi, a avancé que cette discussion
prendrait fin le jour où à l'occasion d'une révision constitutionnelle la qualité d'organe
constitutionnel indépendant serait conférée au Médiateur de la République.325 Cette
affirmation est devenue une réalité avec l’inscription, à la faveur de la révision
constitutionnelle de 2008, d’un article 71-1 relatif au Défenseur des droits.

S’agissant de l’institution brésilienne, il est bon de rappeler que sa nature juridique n’a jamais
été un sujet de controverse. Au Brésil, l'ombudsman est un organe interne de l'administration
publique subordonné à la hiérarchie du ministère auquel il est rattaché. Il faisait tout d’abord
partie du Ministère de la Justice, par la loi 8490 du 19 novembre 1992 puis, en 2001, par
décret, l'ombudsman brésilien intègre la structure du Contrôleur Général de l'Union, un
organe de contrôle interne du pouvoir exécutif qui possède un statut de ministère auprès de la
Présidence de la République.326

Pendant les travaux préparatoires de la Constitution Brésilienne de 1988, l'institution d'un


défenseur du peuple faisait partie du projet de la nouvelle Constitution. Et, il ressortait de ces
travaux que l'ombudsman devait être une institution indépendante de la hiérarchie

324
L'auteur constate qu’ : « […] il faut dès maintenant lui donner plus de moyens budgétaires et plus de
personnels; toutefois cela n'est nullement incompatible avec le statut d'autorité administrative indépendante, et
certaines d'entre elles disposent déjà de ressources beaucoup plus importantes. COSTA, Jean-Paul, « Le
médiateur peut-il être autre chose qu'une autorité administrative ? », RA, 1987, 341/344.
325
PELLETIER, Jacques. Vingt ans de médiation à la française. RFAP, 1992, pp 599-609.
326
Rapport annuel des activités de l'Ombudsman Général de l'Union en 2008. Disponible sur:
http://www.controladoria.gov.br/Publicacoes/RelatAtividadesOuvidoria/Arquivos/rel_anual2008.pdf

127
administrative. Il devait être désigné par le parlement et il devait avoir le même statut que
celui de la Cour Suprême. Il s’agissait donc d’instituer un organisme complètement
autonome, pour exercer ses missions d'investigation sur toute autorité administrative et
prescrire le cas échéant, la sanction adéquate.

Ce modèle n’a finalement pas été retenu, en raison de la forte opposition de certaines
autorités, à l’exemple du Ministère Public qui craignait une concurrence de compétences.327

Selon Rubens Lyra, la carence d'une référence constitutionnelle ou d'une loi de compétence
nationale a privé les ouvidorias brésiliennes d’une identité unique et homogène au Brésil. La
majorité des ouvidorias brésiliennes sont dépourvues d'un statut juridique défini par une loi
ou par une quelconque norme interne et elles n’existent que de fait.328

L'Ouvidor Général de l'Union est un fonctionnaire public, sans mandat déterminé, choisi et
aussi démissionné sans formalité par le ministre auquel il est rattaché. Au delà de l'existence
d'une structure centrale – l'Ouvidoria générale de l'Union – le Brésil a opté pour une
décentralisation de l’institution, de sorte que l’un des principaux rôles joué par l'organe
central est justement de coordonner le travail des autres ombudsmans du pouvoir exécutif.329

Cette spécificité brésilienne de la décentralisation des ouvidorias fait écho à une


recommandation formulée par l'Ombudsman Suédois Anders Wigelius qui, en visite au Brésil
en 1987 à l'occasion du Deuxième Congrès Latino-Américain des Ombudsmans, a constaté
que le Brésil ne pouvait pas avoir la prétention de résoudre tous les problèmes qui lui seraient
présentés par la voie de l'Ombudsman. La démarche au Brésil devait se faire lentement et
ponctuellement.330

327
LYRA, Op. cit., p.56.
328
LYRA. Op. cit p. 58
329
OLIVEIRA, João Elias de. Ouvidoria Publica Brasileira: a evolução de um modelo único. Disponible sur:
www.abonacional.org.br/index.php?.ouvidoria-publica-brasileira-a- evolucao-de-um-modelo-unico. Consulté
le 08 mai 2012.
330
COMPARATO, Bruno Konder. Thèse de doctorat: As ouvidorias de policia no Brasil: Controle e
Participação. Université de Sao Paulo. Faculté de Philosophie, 2005, SP, p. 56. Disponible sur
http://www.ipea.gov.br/ouvidoria/index.php?option=com_content&view=article&id=174&Itemid=18. Consulté
le 12 avril 2010.

128
C. Leur champ d'action

Le champ d'action du Médiateur de la République français était trop strictement défini.331


Malgré l'extension de l’article premier de la loi du 3 janvier 1973, cet article devait être
interprété conjointement avec les autres dispositions de la loi qui le restreignaient, tantôt pour
préserver les prérogatives de l'administration, tantôt pour préserver la compétence du juge
administratif. Ce faisant, plusieurs agissements et activités ont été exclus de ce champ
d'action.

L'article premier de la loi du 3 janvier 1973 donnait au Médiateur un champ d'action à priori
très large. Le Médiateur devait avoir compétence pour recevoir toutes les réclamations des
administrés relatives au fonctionnement des administrations de l'État, des collectivités
publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d'une
mission de service public.

Comme le fait remarquer Louis-Jérôme Chapuisat, ce dispositif dépassait très largement les
critères de compétence du juge administratif français. Tous les services publics, qu’ils soient
gérés par des personnes publiques ou par des particuliers, qu’ils soient à caractère
administratif ou industriel et commercial, y compris l’administration de la justice et le
fonctionnement des tribunaux, n’étaient pas formellement exclus du contrôle du médiateur.332

Pour préciser la différence essentielle entre le rôle du juge et celui du médiateur, l’exposé des
motifs du projet de loi ne laissait aucun doute: le clivage essentiel entre le juge et le médiateur
repose sur la distinction entre l’illégalité d’un acte et le caractère de maladministration que
pouvait présenter un comportement administratif même conforme au droit.

Le contrôle de légalité d’un acte administratif et la réparation du préjudice, qu’il pouvait


éventuellement causer, constituent des attributions exclusives des juridictions compétentes
auxquelles l’intervention du Médiateur ne doit porter atteinte. La mission du Médiateur se
bornerait à inciter l'administration, dans des affaires précises, à reconsidérer son attitude ou à
remettre en cause des règles, des pratiques ou des décisions qui gagneraient à être modifiées
331
DELAUNAY, Op. cit., p. 657
332
CHAPUISAT, Louis-Jérôme, « Le Médiateur français ou l’Ombudsman Sacrifié ». RISA, 1974, 109/129.

129
ou améliorées. Cette attribution, qui est précisément celle que le juge ne peut exercer, permet
de résoudre des difficultés qui échappaient au contrôle juridictionnel mais qui portaient
atteinte à l’équité ou au bon sens. Dans le premier cas, le juge interviendrait pour régler une
contradiction d’un acte avec le droit. Dans le second cas, le médiateur interviendrait pour
réduire les tensions de fait que provoque le fonctionnement du service.333

De plus, l'article 11 de la loi démontre nettement la volonté du législateur de faire en sorte que
le médiateur ne fasse pas ombrage aux juridictions traditionnelles. C’est la raison pour
laquelle, cet article dispose que le médiateur ne peut pas intervenir dans une procédure
engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision
juridictionnelle.

Cette dernière limitation ainsi que toutes celles que l’on peut trouver dans différents articles
de la loi, dont notamment celle du défaut de compétence du médiateur pour trancher les
différends entre particuliers de même que les différends entre l'administration et ses propres
agents, réduise finalement le champ d’intervention de cette autorité administrative
indépendante aux situations liées au fonctionnement des administrations dans leurs relations
avec les administrés.334

Au-delà de ces délimitations légales, quelques-unes sont liées à la pratique du Médiateur, ou


plus précisément de l’interprétation qu’il faisait des textes. Il en est ainsi du critère
fonctionnel posé par la loi du 3 janvier 1973 sur la réclamation concernant le fonctionnement
d'un service public. Suivant les éléments que le Médiateur utilisait pour caractériser un service
comme service public, il avait une compétence peu ou prou étendue. Il avait adopté au départ
une attitude plus libérale et moins restrictive335. Mais, dès 1987, le médiateur a voulu
appliquer les critères posés par le Conseil d'État. Il a ainsi décidé d’introduire un nouveau
critère, qui a eu pour objet de réduire son champ d'action, à savoir la mise en œuvre de
prérogatives de puissance publique pour caractériser les services publics. Ce faisant, le
médiateur est devenu incompétent pour la plupart des décisions, dans la mesure où la majorité
des activités de ces organismes publics en cause est constituée d’activités administratives ou

333
CHAPUISAT. Op. cit., p. 113
334
LEGATTE et BARBE. Op. cit., p. 93
335
Deuxième Rapport du Médiateur en 1974

130
commerciales, dont l’exercice a lieu en dehors de tout recours aux prérogatives de puissance
publique.336

Une autre interprétation, qui a considérablement restreint la compétence du Médiateur, est


celle relative la disposition légale imposant au Médiateur de ne connaître du fonctionnement
des services qu’à l'occasion d'une affaire. Aussi, en raison du sens donne à la disposition
législative, seules les décisions individuelles seraient susceptibles de lui être soumises.
Finalement, les actes réglementaires qui pourraient avoir des effets individuels et les
réclamations les concernant ne seraient pas recevables par le médiateur.337

En revanche, tout comme l'attitude du Médiateur pouvait limiter sa propre compétence, elle
pouvait aussi l’étendre par rapports aux prescriptions légales. L’interdiction de l’intervention
du Médiateur dans la procédure engagée devant une juridiction a été en outre atténuée par le
Médiateur, qui a déclaré recevables des réclamations des administrés, mettant en cause la
lenteur d’une procédure juridictionnelle.338

L’innovation la plus notable dans le champ des compétences du médiateur est l’introduction
d’un droit d'injonction en cas d’inexécution d’une décision juridictionnelle.339 Si cette
injonction n’est pas suivie d'effet, la seule sanction envisageable est la publication au Journal
Officiel d’un rapport spécial au Président de la République et au Parlement.

Comparativement, l’institution brésilienne, chargé du même rôle que le médiateur français, a


la mission d'améliorer la prestation des services publics fédéraux par le biais de toutes les
demandes et revendications des citoyens.
Il agit comme un médiateur entre le citoyen et les ministères et les organismes du pouvoir
exécutif fédéral, qui exerce aussi une magistrature d'influence.

En théorie, les cas de négligence, d'omission, d'inefficacité, de refus des politiques et des
procédures, la discrimination, l'impolitesse, le retard injustifié, les informations imprécises, le

336
DELAUNAY.Op. cit., p. 659.
337
DELAUNAY. Op. cit., p. 661.
338
LATOURNERIE, Dominique. Médiation et Justice. EDCE, 1983/1984, pp. 79/86, p. 81
339
La loi du 24 décembre 1976.

131
refus injustifié de fournir des informations ou des conseils, entre autres, peuvent être cités
comme des exemples de situation pouvant justifier la saisine de l'Ouvidor brésilien. Toutefois,
sa compétence se limite aux réclamations concernant le Pouvoir Exécutif Fédéral.

Tout comme cela a été le cas pour le Médiateur de la République, l'Ouvidor brésilien ne peut
pas intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni remettre en cause le bien-
fondé d'une décision juridictionnelle.

De plus, selon les termes de l'article 14 du Décret 5683 du 24 janvier 2006, il incombe à
l’ouvidoria d’uniformiser l'agissement des autres ombudsmans du Pouvoir Exécutif, de
proposer l'adoption des mesures nécessaires pour l'amélioration et la prévention des fautes
commises par les responsables des services publics, de mesurer statistiquement le niveau de
satisfaction des destinataires des services publics, de stimuler la participation populaire dans
la prestation des services publics tout comme dans le contrôle de ces mêmes services, de
proposer la formulation des actes normatifs visant l'amélioration des services publics et
finalement de promouvoir la formation et la spécialisation du personnel des bureaux des
ombudsmans.

Il est important de mentionner ici un rôle particulier joué par l'ombudsman brésilien
concernant une réalité sociale et politique spéciale vécue au Brésil. Au cours des années 80,
un processus de redémocratisation du pays a commencé au Brésil en réponse à la crise de
légitimité politique du régime militaire. Ainsi, quelques initiatives ont été proposées pour
assurer la participation sociale dans les dispositifs de contrôle politique. Ce processus de
redémocratisation du pays a abouti à la Constitution Fédérale en 1988 qui a imposé un
nouveau paradigme démocratique basé sur la solidarité et sur la participation.340

Au sujet de ce processus de redémocratisation, Giddens affirme que la crise de l’autoritarisme


n'a pas disparu après 1988 au Brésil, elle a seulement changé de visage. Voilé par une
apparence de démocratie, il n’a pas donné lie à un véritable mouvement démocratique. Il
fallait que s'institue un nouveau modèle ancré dans la transparence et l'efficience. Ce modèle

340
CARDOSO. Antonio Semeraro Rito. Ouvidoria Publica como Instrumento de Mudança. Texto para discussão
n° 4880. Brasilia, 2010. Disponible sur www.ipea.br.Consulté le 9 septembre 2011.

132
ne pouvait aboutir que par le développement d’autres mécanismes de démocratie directe, tout
comme par le renforcement des moyens déjà existants.341

C’est dans ce contexte que l'Ouvidor brésilien apparait. Il est important de remarquer que
devants cet état des choses, l'ouvidor, à ses débuts, va jouer un rôle dans le renouvellement de
la société civile. Car, dans ce contexte de démocratie naissante, le champ d'action de
l'ombudsman est beaucoup moins marqué par le contentieux que par les efforts déployés pour
le rétablissement de la confiance dans l'État.

Cette différence culturelle, sociale et politique entre le Brésil et la France peut justifier les
différences de nature et de champ d'action du Médiateur de la République et de l'Ouvidor
Général de l'Union.

Malgré les différences, la doctrine affirme le rôle important de maintien de l'équilibre


démocratique joué par les Médiateurs ou par les Ombudsmans partout dans le monde ; même
dans les États où la démocratie est déjà consolidée. Daniel Jacoby évoque l’institution de
l'ombudsman comme une soupape démocratique. Les médiateurs ou les ombudsmans offrent
des recours aux citoyens qui sont sur le point de renoncer à l'exercice de leurs droits. Cette
renonciation n'est pas admissible dans nos démocraties modernes, car le droit de faire
examiner une décision par une institution neutre et impartiale est un droit multidimensionnel
fondamental.342

En dépit des trois pouvoirs déjà établis, il faut s’assurer que les lois sont convenablement
appliquées et respectées et que cette application permet de promouvoir le bien-être du
citoyen. En effet, cet objectif n’atteindra seulement son objectif que lorsque l'administration
gouvernementale elle-même s’en tiendra à une application conforme. Cette responsabilité
administrative dépend des citoyens et des moyens dont ils disposent pour faire valoir leurs
droits auprès de l'administration. Trop souvent, les mécanismes deviennent une routine dans

341
GIDDENS, A. A terceira via: reflexões sobre o impasse atual e o futuro da socialdemocracia. Rio de Janeiro:
Record, 2001, p 82.
342
JACOBY, Daniel. « Indépendance et accessibilité: deux points cardinaux pour la navigation de l'ombudsman
sur la mer démocratique », in Actes de la 4° Conférence Internationale Organisée par l'Institut des Droits de
L'Homme du Barreau de Beyrouth les 8-9 septembre 2000. Beyrouth, 2001, pp. 59/80.

133
laquelle les revendications s'épuisent, à force d'absence de réponse et de manque de moyens
pour les consolider.

En règle générale, l'institution des ombudsmans et des médiateurs a pour mission de prévenir
ou de remédier aux torts causés par des pratiques injustes ou nés dans la mise en œuvre des
lois.

D. Leur procédure de saisine

La saisine du Médiateur de la République était dépourvue de presque tout formalisme. Par


une simple lettre adressée au parlementaire, le réclamant pouvait exposer sa volonté de saisir
le Médiateur, démontrer ses arguments et ce qu'il en attendait. Comme Bénédicte Delaunay le
fait remarquer, cette simplicité de la saisine est seulement apparente car les procédés de
règlement non juridictionnels des litiges permettaient fréquemment que la réclamation soit
présentée oralement. Le document écrit exigé dans ces cas peut poser des problèmes parce
que certaines personnes ont des difficultés pour écrire et exposer une affaire complète.343

La saisine de l'Ouvidor Brésilien est aussi dépourvue du formalisme des procédures


juridictionnelles. Sa recevabilité, dans tous les cas, est précédée d'une première vérification
pour savoir si le sujet traité ressort du Pouvoir Exécutif Fédéral, puis, le cas échéant, l’intérêt
du réclamant doit être examiné à condition d’avoir fait les démarches préalables auprès des
organismes concernés. En tout état de cause, toutes les demandes intentionnellement
malicieuses ou anonymes doivent être refusées.344

Conformément au Rapport du Médiateur de la république de 2003, toute réclamation jugée


irrecevable en la forme fait l’objet d’une réponse immédiate adressée à son auteur.345 Il existe
trois motifs d’irrecevabilité quant à la forme, qui ne sont d’ailleurs pas exclusifs les uns des
autres:

343
DELAUNAY. Op. cit., pp. 667
344
Rapport annuel des activités de l'Ouvidoria Général de l'Union en 2009. Disponible sur:
http://www.controladoria.gov.br/Publicacoes/RelatAtividadesOuvidoria/Arquivos/rel_anual2009.pdf
345
Rapport du Médiateur de la République 2003. Disponible sur http://www.mediateur-
republique.fr/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1115373513_RAPPORT2003.pdf. Consulté le 12 janvier 2012.

134
- le réclamant ne s’est pas adressé à un parlementaire, député ou sénateur, pour faire
parvenir sa réclamation au Médiateur de la République (article 6 de la loi de 1973);
- il n’a pas fait les démarches préalables pour tenter de faire valoir son point de vue
auprès de l’administration ou de l’organisme investi d’une mission de service public
concerné par le différend (article 7 de la même loi) ;
- le dossier qu’il fournit à l’appui de sa demande n’est pas suffisant ou est incomplet et
ne permet pas d’apprécier le bien-fondé de la réclamation (article 9 de la loi précitée).

Au moins en théorie, il y a trois conditions prévues par les articles 6 et 7 de la loi du 3 janvier
1973 qui doivent être remplies pour que les réclamations soient reçues par le Médiateur
français: la saisine doit être faite par une personne physique ou morale, obligatoirement par
l'intermédiaire d'un parlementaire et après que des démarches aient été effectuées par le
réclamant auprès des administrations concernées.

Mis à part l'exigence d'un parlementaire comme intermédiaire, toutes les autres exigences sont
communes à l'Ouvidor brésilien, bien qu’aucune loi n’établisse les procédures ou les
conditions de recevabilité auxquelles sont soumises les réclamations qui lui présentées. C’est
dans les documents et rapports internes à l'Ouvidoria que l’on retrouve la formulation de ces
conditions.346

Enfin, il est important de mettre en évidence que la saisine aussi bien du Médiateur de la
République que de l’Ouvidor brésilien n'interrompt pas le délai légal pour la formation du
recours juridictionnel dans les cas où le sujet relève de la compétence du juge administratif en
France ou du Pouvoir Judiciaire au Brésil.

1. Les légitimités pour la saisine

Toutes les personnes physiques, nationales ou étrangères, pouvaient saisir le Médiateur et


l’Oudvidor sans limite.

346
Rapport des activités de l’Ouvidoria-Générale de Union, 2008. Disponible sur : www.cgu.gov.br. Consulté le
20 octobre 2012.

135
Malgré cette ouverture, la loi du 3 janvier 1973 avait exclu les personnes morales, en limitant
aux personnes physiques la saisine du Médiateur de la République française ; limitation qui
n’existe pas au Brésil. Le souci premier était de contribuer à l'équilibre dans un litige
opposant un citoyen, plus faible, à une administration, plus forte, et non d'apporter un moyen
de défense supplémentaire à des personnes morales qui avaient généralement accès à toutes
les ressources et la capacité de se faire assister par un conseil juridique.

La première évolution a eu lieu avec la loi du 24 décembre 1976 qui a considéré comme
individuelle la réclamation formulée au nom d'une personne morale, si la personne physique
qui la présente a elle-même un intérêt direct à agir. C'est ensuite la loi du 6 février 1992 qui,
répondant au souhait des milieux associatifs, a autorisé toutes les personnes physiques ou
morales à saisir le Médiateur.

Néanmoins deux limites restaient encore fixées par le législateur, quel que soit le statut
juridique du réclamant. La réclamation devait être fondée sur un intérêt personnel et direct de
l'auteur de la réclamation. Donc les interventions qui se bornaient à des critiques générales ou
à des suggestions d'amélioration, sans référence à une situation particulière et sans faire état
d'un véritable litige n’étaient pas recevables.

2. L'intervention parlementaire

Cette limitation imposée par l’intervention du parlement français n’existe pas au Brésil,
puisque la personne privée intéressée doit saisir l'Ouvidor personnellement, sans aucune autre
intervention.

Selon la loi de 1973 (art. 6), en premier lieu, les réclamations ne pouvaient pas être adressées
directement au Médiateur. Elle devait l’être par le biais d'un député ou d'un sénateur. En
deuxième lieu, le médiateur était saisi par le Parlementaire lui-même lorsqu’il s’agissait d'une
question concernant une question relevant de sa compétence. En troisième lieu, si la
réclamation était déposée auprès d'une assemblée parlementaire, elle pouvait être soumise au
médiateur.347

347
AUBY, Jean-Marie et DRAGO, Roland. Traité du Contentieux Administratif. 3ème ed., T. 1, 1984, Paris :
LGDJ, p. 36

136
Par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations
avec les administrations, le Médiateur Européen ou un homologue étranger, pouvait
transmettre au Médiateur de la République une réclamation leur paraissant relever de sa
compétence.

Selon Jean-Marie Auby et Roland Drago, le parlementaire saisi n'était pas tenu de transmettre
la réclamation, mais il devait plutôt en faire une analyse pour savoir si son objet pourrait
relever de sa compétence ou encore si elle mériterait son intervention. Cette décision du
parlementaire ne donnait lieu à aucun recours.348

Cette affirmation est discutable sur le plan pratique. En effet, en ce qui concerne les
indications juridiques défendues par les auteurs, il y a un pouvoir discrétionnaire qui peut être
exercé par les parlementaires sans recours juridictionnel possible. En revanche, dans la
jurisprudence issue de la pratique, il semblerait que les parlementaires ne se soient pas
prévalus de ce pouvoir discrétionnaire. Bernard Malignier affirme que, de manière très
générale, les parlementaires n'ont jamais refusé de transmettre une réclamation dès lors que
celle-ci leur paraissait entrer simplement dans la compétence du Médiateur. Ainsi, l'auteur en
a conclu que la fonction de décantation n'était pas suffisamment exercée. 349

Lorsqu'en 1973, le législateur a institué ce mode de saisine, il s'est inspiré du mécanisme


établi en Grande-Bretagne pour la saisine du Parliamentary Commissioner. Ce modèle de
saisine indirect a été choisi en France surtout parce que la Grande-Bretagne a été le premier
pays où une institution similaire au médiateur a été implanté dans un État de plus de cinquante
millions d'habitants. Le législateur estimait qu’un tel système préviendrait une surcharge
d'affaires. Bernard Malignier fait remarquer qu’en France, l’argument avancé pour l'adoption
du modèle anglais de saisine n'était pas raisonnable, parce que le Danemark et la Norvège,
pays dans lesquels la procédure de saisine directe a été admise, ont connu moins d'affaires

348
AUBY et DRAGO, Op. cit., p. 37 et 40.
349
MALIGNIER, Op, cit, p. 24

137
irrecevables que des pays comme la France et la Grande-Bretagne qui ont adopté un
mécanisme de saisine à double degré.350

Par conséquent, plus récemment, le Rapport du Sénat n° 482, du 19 mai 2010, sur le projet de
loi organique relatif au Défenseur des Droits, a dénoncé l’obsolescence d'un filtre
parlementaire entre le Médiateur et les personnes privés351. Pour les sénateurs, la loi n° 2000-
321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, avait déjà expressément supprimé ce filtre lorsqu’il s'agissait du pouvoir
reconnu au Médiateur de la République de proposer des réformes, ce qui lui permit
d’introduire le mécanisme de l'autosaisine.

Néanmoins depuis la mise en place, en 1999, des délégués du Médiateur les citoyens ont pris
pour habitude de saisir directement cet échelon de proximité, ce qui oblige les délégués à
faire valider cette démarche rétroactivement par un parlementaire. Ainsi, les particuliers
s'adressaient directement aux services du Médiateur par voie électronique, sans respecter la
règle du filtre, ce qui a obligé là encore à de fastidieuses démarches de formalisation a
posteriori par des parlementaires.352

Finalement, le Sénat estime que « la saisine indirecte s’est trouvée en contradiction, d’une
part avec les pratiques européennes (le Médiateur Européen et 23 Médiateurs nationaux
peuvent être directement saisis), d'autre part avec celles de nombreuses autorités
administratives indépendantes créées depuis et chargées de la protection des droits, telles que
la HALDE, la CNIL, le Défenseur des enfants, et plus récemment le Contrôleur général des
lieux de privation de liberté, autorités auxquelles tout citoyen peut s'adresser directement ».353

Par conséquent, l’article 4 du projet de loi organique permet la saisine directe et gratuite du
Défenseur des droits par toute personne, physique ou morale, qui s'estime lésée dans ses droits
et libertés par le fonctionnement d'une personne publique ou d’une personne investie d’une
mission de service public. Ces dispositions ont pour objet de supprimer le filtre parlementaire

350
MALIGNIER. Op, cit., p. 31-32
351
Rapport du Sénat n° 482 le 19 mai 2010. Disponible sur : http://www.senat.fr/rap/l09-482/l09-482.html.
Consulté le 2 décembre 2012.
352
Rapport du Sénat n° 482...
353
Rapport du Sénat n° 482...

138
obligatoire qui, selon le Sénat, était devenu obsolète. Et sa suppression constitue une avancée
indéniable pour la garantie des droits.354

Sur ce point, l'Ouvidor brésilien paraît plus proche du modèle établi par la Communauté
Européenne et maintenant par le nouveau Défenseur des Droits français. Selon l'avis de João
Elias de Oliveira, le système brésilien, bien que critiqué par la communauté internationale
pour son manque d'autonomie, est un modèle caractérisé par la simplicité de ses mécanismes,
devenant ainsi une structure légère et plus proche des problèmes du citoyen.355 L'auteur estime
qu’il arrive parfois, dans l'intention de mettre en place un organisme plus fort et plus
indépendant, qu’on introduise seulement un autre organisme bureaucratique, faisant partie de
la structure du pouvoir, et qui en revanche est distant des citoyens et plutôt incapable
d'accomplir ses tâches et d’atteindre ses buts.356

3. Les conditions préalables à la saisine

La saisine doit être précédée d'une démarche aussi bien en France qu’au Brésil. Les deux
systèmes ne présentent pas de déterminant clair et précis pour que l’on puisse établir les
limites suivant lesquelles devrait s’opérer les démarches nécessaires.

Dans une grande partie de la doctrine française, le Médiateur a adopté une conception large
des conditions préalables à la saisine. Mais elle reste à certains égards limitée. Large, quand
elle demandait d’abord au service public en cause de revoir la situation du réclamant par tout
moyen. Elle était limitée dans deux domaines : celui de la sécurité sociale et celui de la
matière fiscale. Cette limitation se justifie quand le recours administratif dépend d'une
réglementation très précise et fait l’objet d'une démarche administrative obligatoire avant d’en
arriver à la voie contentieuse.357

Au Brésil, les conditions préalables sont un peu différentes. Les démarches préalables
effectuées auprès des organismes concernés peuvent, suivant les cas, être entendues

354
RapportduSénat n° 482...
355
OLIVEIRA, João Elias. A Ouvidoria do Estado do Paraná. In: LYRA, Rubens Pinto (org.) A Ouvidoria na
esfera pública brasileira. Curitiba: Ed. UFPR, 2000. p. 182-193.
356
OLIVEIRA in LYRA, 2000, p. 174.
357
AUBY et DRAGO, Op. cit, p. 36 ; et MALIGNIER, Bernard, Op. cit., p. 73/74

139
largement. L'Ouvidor brésilien doit accepter comme démarche effective toute formulation ou
demande du réclamant. L'exception admise dans le système français est inapplicable dans le
domaine brésilien, car l'article 5° XXXV de la Constitution Fédérale du Brésil affirme dans
son texte que « la loi ne peut soustraire à l'appréciation du Pouvoir Judiciaire aucune lésion
ou menace d'atteinte à un droit ». Elle change toute la conception employée dans le domaine
du recours administratif. Le système brésilien, en théorie, empêche toutes les demandes
préalables obligatoires, soit des décisions administratives préalables, soit des recours
administratifs obligatoires. Ainsi toute limitation légale du droit d'accès au juge au Brésil sera
considérée comme inconstitutionnelle. Cela veut dire que tous les recours administratifs
prévus par loi brésilienne à priori sont gracieux ou hiérarchiques.358

Par conséquent, l'ouvidoria ne peut pas juger irrecevable une réclamation en raison d’un
manque de démarches particulières concernant un domaine spécifique, vu qu'il s’agit de
démarches facultatives. Néanmoins, il est plus probable, dans ces cas, d’en arriver à un
résultat peu efficace, car l'organisme saisi par l'Ouvidor pourra justifier son inefficacité par
l'absence du recours préalable facultatif prévu par la loi.

E. La portée de leurs moyens d’action

Le Médiateur de la République, remplacé par le Défenseur des droits, et l’Ouvidor-Général de


la République doivent procéder à l’instruction de la réclamation qu’ils estiment recevable et
disposent à cet égard de plusieurs moyens d’action.359 Toutes les autorités administratives
saisies ont le devoir de coopération, en autorisant leurs agents à répondre aux questions et
éventuellement aux convocations du Médiateur.360

Bien que dépourvues du pouvoir de décision, ces autorités jouent le rôle de la magistrature
d’influence par le biais de trois missions, bien identifiées par Jean Waline : celui
d’intercesseur ; celui d’initiateur de réformes ; celui de déclencheur de poursuites.361

358
STF. RE 233582, Min. Joaquim Barbosa, publié le 16 août 2007; RE 549238, Min. Ricardo Lewandowski,
publié le 05 mai 2009.
359
AUBY et DRAGO, Op. cit, p. 36 et Rapport des activités de l’Ouvidoria-Générale de Union, 2008.
Disponible à www.cgu.gov.br.
360
La loi du 24 décembre 1976 impose l’obligation des Ministres autoriseraient ses agents à répondre des
questions du Médiateur.
361
WALINE, Jean. Droit administratif, 22ème Ed. Paris : Dalloz.

140
Comme intercesseur, il va instruire la demande. Si la réclamation est fondée, il peut exercer
son pouvoir de recommandation. Il adresse aux autorités en cause les recommandations qui
lui paraissent de nature à régler la difficulté. Ces recommandations n’obligent pas ces
autorités. En revanche, elles ne peuvent pas garder le silence et doivent informer de la suite
rendue à son intervention. En cas de silence, la seule arme ou sanction qui reste à cette
magistrature d’influence est de rendre publique sa recommandation.362

En ce qui concerne, l’institution brésilienne, les démarches sont semblables à celle du


médiateur. Mais, elles gardent cependant deux différences profondes. La première, c’est
l’adoption d’une solution préalable, consensuelle, médiatisée par l’Ouvidor et la mise en
œuvre par les deux parties, administrations et administrés, avant la recommandation
unilatérale de l’Ouvidor. La deuxième se manifeste lorsque l’essai de solution consensuelle
n’a pu aboutir ou lorsque l’autorité administrative en cause reste silencieuse après la
formulation d’une recommandation. Alors, la seule chose prévue comme moyen d’action ou
de contrainte de l’Ouvidor est de saisir le Ministre du Contrôle et de la Transparence.363

Quant à la force juridique des recommandations, Bernard Malignier a déjà écrit qu’il s’agit
d’une manifestation qui garde l’autorité de la « chose recommandée ». Ce qui veut dire
qu’elle possède moins de force juridique que la chose jugée ; qu’elle n’est pas capable
d’annuler la décision administrative contestée ; mais qu’elle garde cependant une valeur infra
réglementaire ; et que finalement, le Médiateur exerce une sorte de super pouvoir
hiérarchique. Ainsi, peut-on soutenir que la portée réelle de la recommandation est la même
que celle d’une annulation prononcée par le juge.364

Une autre particularité propre à ces magistrats d’influence réside aussi dans la formulation de
propositions. Ces propositions peuvent stimuler la réforme d’un texte législatif ou
réglementaire, qui est source d’iniquité ou d’injustice manifeste, soit parce qu’il laisse
subsister un vide juridique, soit parce que ses effets ont été mal évalués. La réforme issue des
propositions vise à éliminer les difficultés rencontrées pour l’application de ce texte auprès du
public ou encore dans le fonctionnement d’une administration.

362
AUBY et DRAGO, Op. cit, p. 38
363
Rapport des activités de l’Ouvidoria-Générale de Union, 2008. Disponible sur www.cgu.gov.br
364
MALIGNIER, Bernard. Op, cit., p. 110/116

141
Par le biais des propositions, les magistrats d’influence dénoncent le problème et détaillent
aussi précisément que possible un autre dispositif qui doit remplacer le texte existant. De la
sorte, la proposition a vocation à améliorer le fonctionnement du service. Elle intéresse
l’auteur de la plainte mais cette réforme vise un champ d’action qui dépasse la sphère
individuelle et bénéficie au public en général.365

Rappelons que, tout comme la recommandation, la proposition n’oblige pas l’administration.


Par conséquent, la tâche principale, qui incombe à ces institutions et qui doit être développée
par elles, est avant tout de réussir à persuader les décideurs politiques, afin que la proposition
de réforme connaisse un prolongement législatif ou réglementaire.

Le Médiateur de la République, dans son Rapport Annuel de 2009, a présenté ses difficultés
pour convaincre les décideurs politiques à mettre en œuvre les réformes. Il affirme qu’il
« s’appuie sur un travail en réseau face aux difficultés rencontrées pour faire prendre en
compte ses propositions de réforme (non-réponse des ministères, enlisement des groupes de
travail interministériels, irrecevabilité financière des amendements parlementaires, etc.)».366

Il est important de remarquer les moyens d’action dont disposait plus précisément le
Médiateur de la République qui, suite à la loi du 24 décembre 1976, était compétent pour
proposer des compensations aux conséquences des lois et des décisions, lorsque celles-ci
apparaissaient inéquitables. Le Médiateur pouvait suggérer à l’administration de s’écarter de
la lettre des textes pour aboutir à une décision plus équitable pour le citoyen.

Toutefois, Jacques Pelletier appelle à des réserves, puisque la mise en œuvre de la notion
d’équité, située dans le cadre de l’État de droit, ne donnait pas au Médiateur la possibilité de
remettre en cause le respect du principe de légalité. Cette intervention en équité était fondée
sur le principe de solidarité, selon lequel les lois et les règlements ne pouvaient pas, dans

365
MALIGNIER, Bernard. Op. cit., p. 118.
366
Rapport Médiateur 2009 disponible sur : http://www.mediateur-
republique.fr/fic_bdd/pdf_fr_fichier/Mediateur_RA09_DEF.pdf

142
l’intérêt de tous les membres de la collectivité, avoir pour conséquence de générer une
situation inéquitable pour l’un de ses membres.367

De plus, le Médiateur pouvait, à défaut de l’autorité compétente, engager une procédure


disciplinaire ou, le cas échéant, saisir d’une plainte la juridiction répressive. Comme Jean
Waline a pu l’observer, le médiateur ne recourait pratiquement pas à cette possibilité.368

Dans le rôle de déclencheur des poursuites, le Médiateur, lorsqu’il s’agissait d’un cas
d’inexécution d’une décision de justice passée en force de chose jugée, pouvait enjoindre à
l’organisme mis en cause de s’y conformer dans un délai qu’il fixait. Mais en cas de refus, il
ne pouvait, au plus, que faire publier un rapport spécial au journal officiel.369

Finalement, le Médiateur de la République avait aussi la compétence de demander au Vice-


président du Conseil d’État et au Premier Président de la Cour des Comptes d’effectuer pour
lui des études. Pour Guy Braibant, le législateur, en disposant de cette façon, a voulu que
s’organise entre les deux autorités une coopération amiable évitant d’établir une rivalité.370

§III. Le Défenseur des Droits, une autorité constitutionnelle


indépendante.

Issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Défenseur des Droits a été conçu
théoriquement pour renforcer les possibilités de recours non juridictionnel dont dispose le
citoyen, pour assurer la défense de ses droits et libertés. C’est dans ce sens que s’inscrivait le
rapport du comité Balladur.371

Plusieurs raisons ont été avancées pour justifier la création de cette institution au niveau
constitutionnel. D’abord, il y avait une multiplication démesurée des autorités administratives
indépendantes, ce qui entrainait une dilution des responsabilités préjudiciable aux droits des
citoyens. Ensuite, il en résultait une dépense trop onéreuse des fonds publics pour assurer le
367
PELLETIER, Op. cit., p. 604.
368
WALINE, Jean. Op. cit., p. 510/ 511.
369
CANNAC, Yves et GAZIER. Op. cit., p. 55
370
BRAIBANT, Guy. Les rapports du médiateur et du juge administratif. AJDA, 1977, p. 283
371
Rapport : Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la
Vème République, Paris, Doc. Fr., Fayart, 2007.

143
fonctionnement de toutes ces institutions.372 Enfin, l’on a fait le constat que la saisine du
Médiateur de la République était trop restreinte et ses compétences trop limitées, ce qui était à
contraire aux exigences de la société.

Ajouté à l’obsolescence du filtre parlementaire, toutes ces raisons sont apparues suffisantes
pour justifier la remise en cause des mécanismes existant.373

En raison de la dénonciation des faiblesses et limites du système en cours, une réforme était
nécessaire. Et elle a été opérée par la révision constitutionnelle de 2008. En ce qui concerne la
création du Défenseur des droits, ses attributions ont inclus celles exercées auparavant par le
Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de
déontologie de la sécurité.

Néanmoins, une partie de la doctrine désigne parfois le Défenseur des droits d’ovni dans le
ciel constitutionnel et quelques fois le relègue à la place d’un mirage de la
constitutionnalisation des autorités administratives indépendantes.374 On peut donc dire que
cette autorité ne jouit pas encore de la confiance d’une partie de la communauté des juristes
française. Bien qu’il s’agisse d’une jeune institution, les réserves de cette partie de la doctrine
française se sont plutôt formées et accentuées à la suite des diverses modifications introduites
par le Gouvernement aux termes du projet de loi constitutionnelle.375

372
VERDIER-MOLINIE, Agnès. La HALDE fusionnée avec le Défenseur des Droits ? Quelle bonne idée ! 11
mars 2010 (http://www.ifrap.org/)
373
Rapport Sénat 482: commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement
et d’administration générale sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits et sur le projet de loi
relatif au Défenseur des droits, Paris, Doc. Fr., Fayart, 2009/2010.
374
TEITGEN-COLLY Catherine, « Le Défenseur des droits : « un ovni » dans le ciel constitutionnel », JCP A,
février 2009 ; HERVIEU, Merryl, « Le défenseur des droits : le mirage de la constitutionnalisation des AAI »,
PA, juillet 2010.
375
«Quel sera l’avenir du Défenseur des Droits ? Deviendra-t-il le contre-pouvoir efficient qu’appelait de ses
vœux Olivier Schramek ou bien le Tribun démagogue dont il s’inspire dans ses fondements historiques ?
Viendra-t-il opérer un renforcement dans la garantie des Droits fondamentaux en France ou vé%rifiera-t-il les
prédictions pessimistes du professeur Pascal Jan en ne restant qu’une « révision constitutionnelle de seconde
classe », sans réelle portée autre que symbolique, un « gadget constitutionnel » plus qu’un véritable OVNI ?»,
LE GALLOUDEC, Fabien, « Le futur Défenseur des Droits et la garantie des Libertés Fondamentales en
France », Mémoire de Recherche. Bibliothèque IEP, Université Montesquieu Bordeaux IV.

144
Le Défenseur des droits pourra être saisi directement par toute personne s’estimant lésée dans
ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration. La saisine du Défenseur sera
gratuite. En plus, il disposera de pouvoirs qui lui permettront notamment de prononcer une
injonction lorsque ses recommandations ne seront pas suivies d’effet, de proposer une
transaction, d’être entendu par toute juridiction ou encore de saisir le Conseil d’État d’une
demande d’avis pour couper court aux difficultés qui proviendraient d’interprétations
divergentes des textes. En outre il bénéficiera de larges pouvoirs d’investigation.

A. L’apparente réduction du pouvoir politique du Défenseur des


Droits.

La non reconnaissance au Défenseur des droits d’un droit de saisine du Conseil


Constitutionnel pour opérer le contrôle de constitutionnalité des lois, tel qu’envisagé par le
comité Balladur, démontre une certaine hésitation du gouvernement face à la concession d’un
contre-pouvoir constitutionnel.376

A ce sujet, Olivier Schramek a affirmé que pour qu’une autorité saisisse le Conseil
Constitutionnel, il faut que cette dernière ait force et légitimité politique et dans ce cas : « On
voit mal, quel que soit le respect qu’inspire sa personne et celle de ses prédécesseurs, le
Médiateur de la République dans la configuration actuelle des textes s’introduise dans le jeu
politique pour soumettre au Conseil Constitutionnel telle ou telle disposition ». 377

En outre, le gouvernement a modifié le mode de désignation du Défenseur des droits : alors


que l’ancien Médiateur était choisi par les représentants du peuple, le nouveau Défenseur des
droits est nommé par le Président de la République. L’élection de par le Parlement à la
majorité des 3/5ème sur proposition d’une commission ad hoc a été supprimée du texte final de
la loi.

En raison des modifications précitées, Merryl Hervieu démontre un certain paradoxe entre la
constitutionnalisation du nouveau Défenseur des droits et le net recul pris par le constituant

376
TEITGEN-COLLY. Op. cit., p. 129.
377
SCHRAMEK, Olivier, « Rapport de la commission Balladur : Libres propos croisés de Pierre Mazeaud et
Olivier Schramek », RDP 2008, n°1, 2008, p. 28.

145
par rapport à l’ambitieux projet initial. Selon l’auteur « le Défenseur des droits se voit privé
de l'ancrage politique et de la légitimité que lui aurait procurée l'élection par la
représentation nationale ». La contradiction entre la place constitutionnelle qu'il occupe et les
pouvoirs qui lui sont attribués vient finalement le priver des attributs essentiels pour qu’il
puisse représenter un véritable avantage par rapport aux institutions qu’il remplace.378

Le dernier Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, relève surtout que bien qu’il soit
favorable à la constitutionnalisation du défenseur « qu’il n'est pas une fin en soi ». Et de plus,
il confirme la nécessité de concession au défenseur de pouvoirs vraiment proches de ceux
conférés aux pouvoirs juridictionnels. Il parlait d’un pouvoir d'inspection et de sanction
administrative, un renforcement de son pouvoir d'injonction et de recommandation en équité,
ainsi que la faculté pour lui de solliciter l'avis du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel
sur la légalité ou la constitutionnalité des décisions prises par les diverses autorités ou
organismes entrant dans son champ de compétence.379

Toutefois, si l’on devait accorder aux Défenseur des pouvoirs propres aux autorités
juridictionnelles, on ferait ressurgir les interrogations et les controverses antérieures
d’autrefois sur la ligne de démarcation entre AAI et juridictions. Au moment de la création
du Médiateur de la République la polémique a effectivement portée sur la question de la
nature de cette autorité ainsi que sur celles relatives à une superposition de cette institution
aux juridictions étatiques.

B. Le Défenseur des Droits remplace le Médiateur de la


République : les avantages.

En dépit des critiques, on sait que cette nouvelle institution, celle du Défenseur des Droits, du
moins sur le plan théorique, présente quelques avantages par rapport au Médiateur de la
République, en ce qui concerne les fonctions alternatives de règlement des litiges
administratifs. La suppression du filtre parlementaire et le renforcement des pouvoirs peuvent
diminuer les démarches procédurales, faciliter l’accès des citoyens et garantir une instruction
plus performante dans le traitement des demandes.

378
HERVIEU, Merryl. Op. cit., p. 131
379
Jean-Paul DELEVOYE, Rapports publics annuels du Médiateur de la République pour 2009
(http://www.mediateur-republique.fr/)

146
1. La saisine du Défenseur des Droits.

Pour garantir son indépendance, le Défenseur des Droits est assuré de la capacité de
s’autosaisir des affaires qu’il souhaite. De plus, la saisine directe sans filtre parlementaire
constitue l’évolution la plus manifeste du rôle joué par le Défenseur des Droits.

Cette possibilité de se saisir d’office a été constitutionnalisée et constitue une innovation


indispensable à sa mission de défense. Le statut constitutionnel protège cette auto-saisine des
oscillations politiques et de la vulnérabilité potentielle des victimes d’une lésion à leurs droits
et libertés. Jouissant de ce pouvoir, le Défenseur peut maintenant poursuivre le responsable
d’une lésion, même si la victime a renoncé à la saisine du Défenseur.380

Un éventuel risque de vulnérabilité de l’impartialité du Défenseur présenté par l’auto-saisine


ne constitue pas un obstacle capable d’affaiblir sa compétence. Le Conseil d’État a déjà eu
l’opportunité de se prononcer sur le sujet et a conclu que les AAI peuvent exercer l’auto-
saisine à condition que l’exigence d’impartialité et le droit au procès équitable soient
respectés.381

La saisine directe du Défenseur des droits représente la plus grande évolution par rapport au
Médiateur de la République. L’obsolescence déjà annoncée du filtre parlementaire a reçu le
traitement attendu, à savoir sa suppression.382

380
GELBLAT, Antonin. Le défenseur des droits contre-pouvoir ou alibi. Mémoire de master 1. Bibliothèque
l’université& Paris Ouest Nanterre La Défense. Disponible sur :
http://chezfoucart.com/IMG/pdf/MEMOIRE_LE_DEFENSEUR_DES_DROITS.pdf. Consulté le 30 septembre
2011.
381
CE. Ass. 3 décembre 1999, M. Didier, Lebon p. 399 ; AJDA 2000, p. 126, chron. Mattias Guyomar et Pierre
Collin ; RFDA 2000, p. 584, concl. A. Seban
382
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits : « Article 5. Le Défenseur des
droits peut être saisi :
1° Par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement
d’une administration de l’Etat, d’une collectivité% territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme
investi d’une mission de service public ;
2° Par un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt, par ses
représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux ou toute association
régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre
les droits de l’enfant ;
3° Par toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par
un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute association
régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre les

147
Pendant les débats portant sur la loi organique relative du Défenseur des Droits, la ministre
Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux, a affirmé que « la saisine du Défenseur des droits
sera ainsi accessible à tous et, bien entendu, gratuite. »383

Si l’intervention du parlementaire, était autrefois conçue comme une instance de filtre, utile et
nécessaire pour éviter l’encombrement en vain de l’institution, force est de reconnaître qu’il
était devenue un obstacle, dans la mesure où chaque formalité prévue augmentait davantage la
distance entre l’autorité et le citoyen.

2. Les pouvoirs du Défenseur des Droits

C’est en raison des pouvoirs qui ont été attribués au Défenseur des Droits qu’on peut
constater l’effort de revalorisation de la figure du Médiateur de la République. A notre avis,
l’innovation la plus importante est l’encouragement de la transaction. A l’article 28 de la loi
organique n°2011-333, du 29 mars 2011, relative au Défenseur des droits, il existe la
possibilité pour le défenseur de proposer à l’auteur de la réclamation et à la personne mise en
cause de conclure une transaction dont il peut recommander les termes.

Cette possibilité qu’a désormais le nouveau Défenseur des Droits d’encourager les parties à
trouver une solution contractuelle n’était pas prévue pour les précédentes autorités auxquelles
il se substitue. Encourager un accord, solution qui peut d’ailleurs être le résultat d’une
médiation ou d’une simple conciliation, est une faculté tout à fait nouvelle.

Cet encouragement à ce mode de règlement amiable des conflits connaît un regain d’intérêt en
matière administrative. Dans la circulaire du 6 avril 2011, il y a une déclaration du Premier
Ministre qui ratifie la transaction comme moyen efficace de règlement des litiges : « La

discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime
de discrimination ou avec son accord ;
4° Par toute personne qui a été% victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux
règles de déontologie dans le domaine de la sécurité%.
Le Défenseur des droits peut être saisi des agissements de personnes publiques ou privées.
Il peut en outre se saisir d’office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont
en cause.
Il est saisi des réclamations qui sont adressées à ses adjoints. »
383
Compte rendu intégral des débats en séance. Le juin 2010. Disponible sur :
http://www.senat.fr/interventions/crisom_pjl08-610_1.html. Consulté le 28 septembre 2011.

148
transaction facilite le règlement rapide des différends. Elle permet ainsi une gestion économe
des deniers publics, tout en favorisant une indemnisation rapide des parties. La transaction
peut aussi contribuer à l’efficacité des procédures contentieuses. Elle permet, en effet, de
traiter de manière non juridictionnelle les litiges qui donnent lieu à un grand nombre de
demandes similaires et de ne renvoyer aux juridictions que les litiges qui soulèvent un
problème juridique sérieux ou ceux dans lesquels l’administration considère, après analyse
des services juridiques compétents, que les demandes qui lui sont adressées sont infondées.
En revanche, dans tous les cas où l’existence d’une créance du citoyen est certaine,
l’administration s’honore en entrant, sans tarder, dans une démarche transactionnelle, sans
contraindre les intéressés à saisir le juge. Aussi, je souhaite vous rappeler que vos services
doivent envisager le recours à la transaction dans tous les cas où, compte tenu des
circonstances de fait et de droit, il apparaît clairement que l’État a engagé sa responsabilité
et où le montant de la créance du demandeur peut être évalué de manière suffisamment
certaine.»384

De plus, le pouvoir de procéder à des auditions est un pouvoir fondamental reconnu au


Défenseur des Droits. Il est donc être en mesure d’entendre toute personne participant à une
mission de service public sans que celle-ci ou son supérieur hiérarchique ne puisse s’y
opposer.385

Ensuite le Défenseur devrait également pouvoir procéder à des vérifications sur pièces et sur
place. Cette dernière mesure constitue une nouveauté. Elle représente un renforcement du
pouvoir déjà assuré au Médiateur par l’article 13 de la loi du 3 janvier 1973: « demander au
ministre responsable ou à l'autorité compétente de lui donner communication de tout

384
Rapport Annuel 2011 du Défenseur des Droits. Disponible sur :
http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/flipraa/index-30.html. Consulté le 21 juin 2012.
385
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits Article 18. Le Défenseur des
droits peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui. À cet effet,
il peut entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.
Les personnes physiques ou morales mises en cause doivent faciliter l’accomplissement de sa mission.
Elles sont tenues d’autoriser leurs agents et préposes à répondre à ses demandes. Ceux-ci sont tenus de
répondre aux demandes d’explications qu’il leur adresse et de déférer à ses convocations. Les convocations
doivent mentionner l’objet de l’audition.
Lorsque le Défenseur des droits est saisi, les personnes auxquelles il demande des explications peuvent se faire
assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé et remis à la personne
entendue.
Si le Défenseur des droits en fait la demande, les ministres donnent instruction aux corps de contrôle
d’accomplir, dans le cadre de leur compétence, toutes vérifications ou enquêtes. Ils l’informent des suites
données à ces demandes.

149
document ou dossier concernant l'affaire à propos de laquelle il fait son enquête».
Auparavant, le Médiateur se subordonnait au bon vouloir de l’administration ; alors que le
Défenseur trouve des limites seulement dans le secret concernant la défense nationale ou la
sécurité publique.386

Le tableau comparatif ci-dessous montre clairement l’écart considérable entre les pouvoirs du
Défenseur des Droits et ceux du Médiateur de la République:387

Pouvoirs et attributions Défenseur des Droits Médiateur de la République


Accès direct Oui Non
(sans filtre institutionnel)
Saisine d’office Oui Non
Droit à la communication d’information Oui Oui
et des documents
Pouvoir d’audition Oui Non
Pouvoir de mise en demeure Oui Non
Pouvoir de vérification sur place Oui Non
Recommandation En droit Oui Oui
En équité Oui Oui

386
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits Article 22.
I. ― Le Défenseur des droits peut procéder à :
1° Des vérifications sur place dans les locaux administratifs ou prives des personnes mises en cause ;
2° Des vérifications sur place dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les
locaux professionnels exclusivement consacres à cet usage.
Lors de ses vérifications sur place, le Défenseur des droits peut entendre toute personne susceptible de fournir
des informations.
II. ― L’autorité compétente peut s’opposer à une vérification sur place, dans les locaux administratifs d’une
personne publique, au titre de l’une des compétences prévues par les 1° à 3° de l’article 4, pour des motifs
graves et impérieuxliés à la défense nationale ou à la sécurité publique.
L’autorité compétente doit alors fournir au Défenseur des droits les justifications de son opposition.
Le Défenseur des droits peut saisir le juge des référés d’une demande motivée afin qu’il autorise les vérifications
sur place. Les vérifications s’effectuent alors sous l’autorité% et le contrôle du juge qui les a autorisées. Celui-ci
peut se rendre dans les locaux administratifs durant l’intervention. A tout moment, il peut décider l’arrêt ou la
suspension des vérifications.
387
Rapport Annuel 2011 du Défenseur des Droits…

150
§IV. Le Terme d’Adéquation de Comportement (TAC – Termo
de Ajustamento de Conduta)

Cette institution brésilienne n’a pas d’équivalent dans les systèmes étrangers. Elle est défini
par Carvalho Filho comme un acte juridique selon lequel un assigné reconnaît implicitement
sa culpabilité dans les dommages causés à la collectivité, puis s’engage à y mettre fin en se
conformant aux obligations légales388.

Le TAC a été introduit dans le système juridique brésilien par l’article 211 de la loi 8069 du
13 juillet 1990 sur le Statut de l’Enfant et de l’Adolescent ainsi que par l’article 113 de la loi
8078 du 11 septembre 1990 portant Code de Défense du Consommateur ; auxquels vient
s’ajouter le dispositif issu de la loi 7347 du 24 juillet 1985 (Loi d´Action Civile Publique).

L’objet de cette procédure est la prise en compte dans la conciliation de l’intérêt public, avant
la juridictionnalisation du litige et si possible avant que le dommage ne devienne irréparable.
Dans la majorité des cas et en raison de la nature des intérêts en cause, il est souhaitable que
la décision intervienne à titre préventif. En effet, le titulaire du droit bénéficiera de la
protection et de la réparation effective et spécifique des dommages causés à ses biens et ses
droits, au lieu d’une simple réparation pécuniaire qui s’avère le plus souvent insuffisante.

Selon Humberto Dalla et de Bianca Farias, l’objet de la TAC est de saisir l’acte ou l’action
contraire à la loi au moment de la violation ou de la menace de violation du droit collectif.
L’originalité TAC vient de son caractère préventif, puisqu’il s’agit d’éviter la réalisation
dommage ou d’y mettre un terme, par le moyen d’une application négociée de la loi.389

Par ailleurs, les auteurs précisent encore que la signature du TAC fait naître une nouvelle
situation juridique dont les effets peuvent se réduire en quatre éléments principaux : la

388
“Podemos, pois, conceituar o dito compromisso como sendo o ato jurídico pelo qual a pessoa, reconhecendo
implicitamente que sua conduta ofende interesse difuso ou coletivo, assume o compromisso de eliminar a ofensa
através da adequação de seu comportamento às exigências legais. » CARVALHO FILHO, José dos Santos. Ação
Civil Pública: Comentários por Artigo, 3ª edição, Rio de Janeiro: Lumen Juris, 2001, p.4
389
DALLA, Humberto et FARIAS, Bianca de. Apontamentos sobre o compromisso de ajustamento de conduta
na lei de improbidade administrativa e no projeto de lei da ação civil pública. Disponible sur :
http://www.humbertodalla.pro.br/arquivos/apontamentos_sobre_o_compromisso_de_ajustamento_de_conduta.p
df. Consulté le 27 février 2011, p. 15.

151
fixation de la responsabilité du sujet, la formation d’un titre exécutif, la suspension de la
procédure administrative en cours et la clôture définitive des investigations après son
règlement.390

A. Le TAC - un mécanisme brésilien de protection


collective des droits

Tout d’abord, il faut que nous fassions un bref commentaire sur les droits collectifs et leur
protection dans le droit brésilien. L’étude du TAC exige nécessairement la connaissance du
contexte dans lequel ce mode alternatif de règlement est appliqué au Brésil. Le TAC est
rattaché indissociablement au système de protection collective des droits. Pour ce faire, il
convient d’apporter des précisions sur cette notion en droit brésilien. Ce préalable permettra
ensuite une meilleure compréhension de ce mécanisme du TAC.

La protection des droits collectifs dans l’ordre juridique brésilien renvoie à distinguer trois
catégories : (i) les droits diffus ; (ii) les droits collectifs ; (iii) les droits individuels
homogènes. A cet égard la loi 8078 du 11 septembre 1990 portant Code de Défense du
Consommateur définit chacune de ces catégories comme suit : « Art. 81. La défense des
intérêts et des droits des consommateurs et des victimes pourra être exercée individuellement
ou collectivement. Paragraphe unique. La défense des droits sera exercée collectivement
lorsqu´il s´agira I – d´intérêts ou de droits diffus, ce qui au terme de ce code signifie, les
droits transindividuels, de nature indivisible dont sont titulaires des personnes indéterminées
et liées par des circonstances factuelles ; II – d´intérêts ou de droits collectifs, ce qui au terme
de ce code signifie, les droits transindividuels de nature indivisible dont sont titulaires des
groupes, des catégories ou classes de personnes liées entre elles ou contre la partie adverse
par une relation juridique de base ; III – d´intérêts ou de droits individuels homogènes, ce qui
au terme de ce code signifie, les droits ayants une origine commune. »391

Partant d’un point de vue subjectif, Luis Roberto Barroso propose une différenciation entre,
d’une part, les droits diffus et les droits collectifs et, d’autre part, les droits individuels
homogènes. En ce qui concerne les droits diffus et les droits collectifs, ils sont détenus par

390
DALLA et FARIAS. Op. cit., p. 15.
391
Bien que la loi évoquée ait seulement application sur la protection des consommateurs, son article 21 a
permis d’élargir ses effets pour renfermer aussi la défense collective des droits de toute nature.

152
plusieurs personnes sans permettre un quelconque fractionnement. « En ressort le fait qu´une
personne ne puisse ni en jouir individuellement, ni se voir attribuer une quote-part, ni en
disposer. En outre, il découle de ces caractéristiques que la lésion au droit d´un seul intéressé
implique la lésion au droit de tous les autres ». En revanche, lorsqu´il s´agit de droits
individuels homogènes, ils sont divisibles. « Dans ce cas, il a paru approprié au législateur
de conférer une protection collective aux droits individuels homogènes mais elle n´est certes
pas exigée par la nature des droits en cause ».392

En dépit de l’existence dans le droit brésilien de divers mécanismes au travers desquels il est
possible d´assurer une protection collective des droits et des intérêts, nous ne nous
consacrerons qu’à un seul d´entre eux, l’Action Civile Publique. Elle constitue le principal
instrument de défense collective des droits dans le système juridique brésilien et c’est au
cours de cette procédure préalable que la mise en œuvre du TAC intervient.

Cette action civile publique a été créée par la Loi 7347 du 24 juillet 1985 et complétée par la
Loi nº 8.078 du 11 septembre 1990. Elle est utilisée au Brésil pour la protection juridique de
biens dans les domaines de l´environnement, du droit des consommateurs, du patrimoine
public, des biens de valeur artistique, esthétique, historique, touristique et paysagiste, de
l´organisation urbaine des sols, de la conduite et de la moralité, de l´administration, des
mesures économiques affectant la population.

En ce qui concerne le droit d’action pour déclencher des actions collectives, la législation
brésilienne ne permet pas aux personnes physiques de poursuivre de telles actions. Le droit
d’action (littéralement la légitimité active) n’a seulement été reconnu qu’à des personnes
morales, publiques et privées, ou à des organes publics dotés d´autonomie. Selon l’art 5° de la
loi 7347 du 24 juillet 1985: « Pour les fins de l´art. 81, paragraphe unique, sont légitimés
concurremment : I – Le Ministère Public ; II – L´Union Fédérale, les États, les Municipalités
et le District Fédéral ; III – les entités et les organes de l´administration publique, directe ou
indirecte, même sans personnalité juridique, spécifiquement destinés à la défense des intérêts
protégés par ce Code; IV – les associations légalement constituées il y a plus d´un an et qui,
392
BARROSO, Luis Roberto. La protection collective des droits au brésil et quelques aspects de la class action
américaine. Disponible sur : http://www.courdecassation.fr/IMG/File/barroso-actionco-bresil.pdf. Consulté le 28
février 2011, p. 5.

153
aux termes de leur objet social, sont autorisées à défendre les intérêts et les droits protégés
par ce Code, (dispensées d´autorisation spécifique par assemblée) ».

Le droit brésilien dispos de deux mécanismes pour s´assurer que les parties bénéficieront d’un
procès juste, équitable et compatible avec l’ordre démocratique dans le cadre des actions de
classe ou collectives. Il s´agit de la divulgation de l´action, de manière à permettre à tous les
intéressés de participer au procès et d’exclure des effets de la décision tous ceux qui n´ont pas
participé au procès.393

Finalement, il convient de signaler la possibilité pour les parties de signer le Terme


d´Ajustement de Comportement (TAC). Par ce document, toute entité ou organe public ayant
le droit pour exercer l’action s’accorde avec la partie contre laquelle est reproché un
comportement irrégulier, afin de l’obliger à corriger sa conduite. En cas de non respect de
l´accord, la partie lésée pourra directement en exiger l’exécution, sans qu´il ne soit nécessaire
d´instaurer un quelconque recours juridictionnel et de prouver les faits au préalable.394

B. La protection du droit collectif en France

Sur ce sujet, le vice-président du Conseil d'État le 24 juin 2008 devait confier à deux membres
du Conseil d'État, à deux magistrats administratifs et à un professeur de droit privé, placés
sous l'autorité du conseiller d'État Philippe Bélaval, le soin de s'interroger sur l'opportunité
d'instaurer une telle action dénommée action collective pour enrayer le phénomène des
requêtes stéréotypées qui envahissent les greffes par vagues, et accessoirement pour faciliter
l'exercice de leurs droits par les justiciables. Ce groupe de travail a rendu un rapport définitif
le 5 mai 2009.395

393
BARROSO. Op. cit. p. 18. En revanche Humberto Dalla expose que l’option par le TAC est faite pour la
personne légitimé, soit le Ministère Publique, soit les autres personnes publiques et dans ces cas les citoyens
affectés par les illégalités commises ne sont pas consultés et il n’y a pas un recours juridictionnel qui protège le
droit des personnes privés contre les options politiques de son représentant. DALLA. Humberto. Ações de
classe, direito comparado e aspectos processuais relevantes. Disponible sur
http://www.humbertodalla.pro.br/arquivos/acoes_de_classedireito%20comparado_e_aspectos_processuais_relev
antes.pdf. Consulté le 07 mars 2011.
394
BARROSO. Op. cit., p. 22.
395
CASSIA, Paul, « Vers une action collective en droit administratif ? », RFDA, 2009, p. 657

154
Le parlement a émis un avis favorable sur l’institution des actions collectives: « le juge
administratif peut en effet avoir à examiner des séries de requêtes, rédigées de façon assez
similaire et mettant en cause, par des moyens identiques ou non, la légalité de mesures
individuelles semblables, concernant des personnes qui se trouvent dans la même situation
juridique, ou la responsabilité de certaines personnes publiques au titre des dommages subis
par un nombre important de personnes. »396

Cette commission chargée de faire des études sur l’instauration d’une action collective a
conclu que le développement de l’action de groupe dans le domaine du droit administratif
français jouerait un rôle fondamental, puisqu’il faciliterait l’accès de tous et principalement
des plus démunis au droit et à la justice.397 Dans son bilan, le groupe de travail, après avoir
analysé plusieurs aspects, se prononce en faveur de l’instauration d’une procédure d’action
collective.

Malgré cet avis favorable, le groupe de travail a indiqué dans son rapport qu’il n’avait trouvé,
en droit comparé, aucune indication décisive permettant de consolider les propositions. Les
pays consultés étaient le Portugal et le Canada/Québec. L’analyse des institutions de ces pays
n’a pas permis de répondre aux attentes françaises. D’une part, l’action populaire portugaise
n’est compatible qu’avec les intérêts et les droits collectifs et non pas avec une somme
d’intérêts individuels comme c’est le cas en France. D’autre part, le recours collectif
québécois est trop similaire à la logique anglo-saxonne de la class action pour être
transposable.

Bien que justifié, il faut bien admettre que ces conclusions sont issues d’une recherche
insuffisante menée le groupe de travail. Le droit brésilien, qui ne fait pas partie des pays
consultés par le groupe de travail, a un système de protection des droits collectifs en droit
administratif et son action collective (l’Action Civile Publique) est bien compatible avec les
droits individuels homogènes, comme on a pu le montrer auparavant.

396
Sénat Français. Projet de loi relatif au Défenseur des droits. Disponible sur http://www.senat.fr/rap/l10-
258/l10-25813.html. Consulté le 02 mars 2011.
397
Conseil d’Etat. Rapport du Group de Travaille sur l’action collective en droit administratif. Disponible sur :
http://www-cdpf.u-strasbg.fr/Rapport%20action%20collective.pdf. Consulté le 03 mars 2011.

155
Finalement, jusqu’à présent, en France, il n’y a pas de système de protection des droits
collectifs dans le contentieux administratif ; cette situation ne saurait être justifiée en raison de
l’absence de modèle compatible en droit comparé, encore moins par le manque d’avis
favorables à son institution.

C. La qualification juridique du TAC

La qualification juridique du TAC au Brésil est une question délicate, dans la mesure où elle
ne relève pas de l’évidence. Tout d’abord, il est bon de souligner à nouveau que le TAC n’a
pas d’équivalent à l’étranger. Cette authenticité brésilienne complexifie le débat autour de sa
nature juridique.

En revanche, les autres mécanismes tels que la transaction pénale et les actions collectives
trouvent leurs correspondances principalement dans le droit américain, dans le mécanisme du
pleabargaining, de pleaguiltyet des class actions.398

La doctrine brésilienne se divise entre ceux qui considèrent le TAC comme une transaction399
et comme la reconnaissance juridique de la demande400 et ceux qui le considèrent comme un
acte juridique bilatéral.401

Pour nous, le TAC est un mode alternatif de règlement des litiges administratifs, parce que,
dans la majorité des cas, il est mis en place par une autorité administrative ou par le Ministère
Public en défense du patrimoine ou des intérêts publics, ce préalable est du reste un facteur
inhibiteur de l’action collective.402

398
DALLA et FARIAS. Op. cit., p. 20
399
Pour Hugo Nigro Mazzili, le TAC est une transactionparticulière surtout parce que:"a transação envolve
disposição do direito material controvertido, a rigor não deveria ele compromissario poder transigir sobre
direitos dos quais não é titular.”MAZZILLI, Hugo Nigro. A defesa dos interesses difusos em juízo, 12ª edição,
São Paulo: Saraiva, 2001 ; dans Le même sens MANCUSO, Rodolfo de Camargo. Interesses difusos. Conceito e
legitimação para agir, 3ª edição, São Paulo: Editora Revista dos Tribunais, 1994 ; et BATISTA JUNIOR, Onofre
Alves. São Paulo: QuartierLatin do Brasil, 2007.
400
CARNEIRO, Paulo Cezar Pinheiro. Acesso à Justiça: juizados especiais cíveis e ação civil pública, Rio de
Janeiro: Forense, 1999.
401
RODRIGUES, Geisa de Assis. A Ação civil Pública e Termo de Ajustamento de Conduta, 2 ª edição, Rio de Janeiro:
Forense, 2006.
402
SILVA, Luciana Aboim Machado Gonçalves da. Termo de ajuste de conduta. São Paulo: LTr, 2004, p. 11.

156
De ce fait, nous ne pouvons pas admettre que les parties sont à égalité. L’organisme légitimé
pour intenter le recours juridictionnel garde une suprématie par rapport à l’autre partie. C’est
cet organisme qui va garantir l’efficacité de la loi et qui va encadrer le comportement
dommageable aux prescriptions légales. Il a encore le pouvoir de décider des modalités
suivant lesquelles la loi sera respectée.

Il n’y a pas de concessions réciproques dans le TAC et son objet est toujours un intérêt
indisponible. Ces deux éléments sont les arguments les plus solides pour refuser les théories
de la nature juridique transactionnelle du TAC. De fait, il y a dans cette relation un organisme
qui va dicter, de manière partiellement autoritaire, les conditions à remplir pour libérer le
compromettant d’une poursuite juridictionnelle.

Les concessions dans le TAC sont en principe interdites. Le TAC est un instrument qui est
destiné à servir les contrevenants à la loi. L’organisme qui propose le TAC ne peut pas non
plus renoncer aux droits qui font l’objet de son action. Car ce sont des droits de nature
collective, à dimension publique, dont les concessions, sans autorisation légale
spécifiquement prévues, sont contraires au système juridique brésilien. Cependant, il convient
de mentionner l’exception relative aux petites concessions concernant le mode
d’accomplissement des obligations du TAC. Il s’agit des délais et des autres aspects qui ne
compromettent pas la dimension publique du droit objet du TAC.403

Le seul fait de se libérer des frais de justice et de ne pas figurer comme un requérant devant
l’Etat sont des éléments qui rendent le TAC attrayant pour les parties. De plus, l’intéressé,
lorsqu’il choisit cette voie non juridictionnelle, ne renonce pas au contrôle juridictionnel de la
légalité des règles et des conditions prévues. L’article 5º de la Constitution Fédérale
Brésilienne garantit une protection juridictionnelle à toute lésion ou menace de lésion aux
droits.

Étant donné les raisons exposées, nous pouvons affirmer que le TAC fonctionne comme un
mode alternatif de règlement des litiges administratifs, procédural, formel, agile. Son objectif
principal est d’éviter l’aggravement des lésions aux droits collectifs. Son objectif secondaire

403
DALLA(H) et FARIAS(B). Op. cit., p. 24

157
d’éviter est l’intervention juridictionnelle. Ces deux objectifs se conjuguent et, ensemble,
deviennent le TAC, c’est-à-dire une institution ayant la faveur des deux parties.

Les buts visés par le TAC se renforcent au fur et à mesure de l’accroissement de l’influence
exercée par l’organisme légitimé pour le formaliser. Les parties vont se convaincre du
bénéfice de signer le TAC et de s’obliger à ses conditions à partir du moment où elles
reconnaissent l’autorité morale de l’organisme promoteur. À notre avis, le TAC est donc un
exemple authentique de « magistrature d’influence ».

C’est justement l’autorité et l’influence subséquente de l’organisme légitimé pour proposer le


TAC constitue le principal facteur qui en favorise l’adhésion. Le consensus ne tient
finalement qu’une place secondaire au vu des pouvoirs du tiers qui intervient dans la
résolution du litige, non comme un conciliateur pour proposer une solution, mais plutôt pour
peser sur le règlement du litige en suggérant une solution investie de son autorité morale.

Chapitre III : Règlement par respect au droit


de pétition

Avant de saisir le juge étatique, les particuliers ont le droit d’obtenir de l’administration active
la révision des décisions qui leur font grief, même sans loi spécifique le prévoyant. C’est le
droit de pétition, assuré à tous dans les deux systèmes comparés.

Toutefois, la doctrine française énonce que les recours administratifs ont mauvaise réputation.
Les examens superficiels des recours, ou parfois le seul silence laissant simplement dépasser
le délai légal, font que les particuliers préfèrent saisir le juge directement. Ce mépris des
recours administratifs réduit cet instrument républicain important à une métaphore du droit de
pétition, dans ce cas exclusivement au service de l’utilité publique.404

404
BRISSON. Jean François. Régler autrement les litiges : les recours gracieux et hiérarchiques, voie alternative
de protection des administrés ? RDP, 1996, p. 802.

158
On voit l’adoption croissante d’une conception non contentieuse du recours administratif
comme nous le dit Jean-François Brisson. L’absence de conséquence juridique aux
comportements des administrateurs devant des recours administratifs fait présumer que ces
recours font beaucoup plus partie d’un système bureaucratique que le complément d’un
système juridictionnel de protection. Par conséquent les recours administratifs en France
semblent plutôt jouer un rôle de prévention-obstacle que de prévention-incitation.405

Par ailleurs au Brésil, malgré la doctrine qui dénonce l’infériorisation de la procédure


administrative non juridictionnelle par rapport au contentieux administratif juridictionnel, les
recours administratifs font partie d’une procédure administrative bien conçue. La procédure
administrative aussi désignée sous le nom de procès administratif exerce parfois des fonctions
préalables à la formation des actes administratifs, parfois des fonctions contentieuses mais,
dans tous les cas, il y a des formalités procédurales qui doivent être respectées.

La Constitution Fédérale brésilienne détermine dans l’article 5°, incises LIV et LV


respectivement que : « nul ne peut être privé de liberté sans que la procédure légale ait été
respectée et la procédure contradictoire et le droit de défense pleine et entière sont garantis
aux parties à un procès judiciaire ou administratif et aux accusés en général, ainsi que les
moyens et ressources qui lui sont nécessaires »406. La loi fédérale qui régit le procès
administratif dans le cadre de l’administration publique fédérale au Brésil, loi 9784 du 29
janvier 1999, établit les règles générales et les principes de toutes les fonctions exercées par
cette procédure administrative non juridictionnelle.407

A partir de la publication de cette loi de 1999, qui régit le procès administratif fédéral au
Brésil, l’administration publique a revalorisé le contentieux en dehors du juge. Avant la loi
du 29 janvier 1999, l’administration publique fonctionnait sans exigence d’un délai à
respecter. Les fonctionnaires publics répondaient aux demandes des particuliers en fonction
de leurs propres convenances. Sans norme, aucun critère objectif n’était en mesure de
caractériser leurs comportements comme abusifs.

405
Ibid. p. 805
406
La Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par : Jacques Villemain et
Jean François Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-
politique-constitution.pdf. Consulté le 12 janvier 2010.
407
ANEXE 1 - La loi 9784 du 29 janvier 1999.

159
Bien que cette loi ait amélioré les relations entre les citoyens et l’administration, il faut
toutefois ne pas tomber dans un optimisme exagéré. La réalité est qu’on ne change pas la
société par décret. Il y a donc un long chemin à parcourir pour parvenir à l’effectivité de ces
dispositions légales au Brésil.408

Par ailleurs en France, en raison de leurs nombreuses particularités, les recours administratifs
doivent être analysés de façon plus pointilleuse. La nette séparation qui existe encore entre ces
recours administratifs extra juridictionnels, mais de caractère contentieux, et la procédure
administrative prévue dans les situations non litigieuses demande une analyse plus profonde
par rapport aux recours administratifs brésiliens.

§I– Les recours administratifs en France

Ces recours ont leurs racines historiques ancrées dans la théorie du ministre-juge. L’abandon
de cette théorie archaïque à la fin du XIIème siècle a laissé des traces sur la procédure
administrative non juridictionnelle jusqu’aujourd’hui.409

La doctrine et la jurisprudence françaises considèrent les recours administratifs ouverts même


si aucun texte ne les prévoyait car ils sont érigés à la catégorie de principe général de droit
public susceptible d'entraîner dans la majorité des cas une prorogation du délai du recours
juridictionnel.410Il y a aussi les recours administratifs spéciaux considérés comme procédures
administratives particulières, la majorité de ces recours sont actuellement prévus comme
préalables obligatoires à la saisine du juge.411

408
CROZIER, Michel. On ne change pas la société par décret. Grasset : Paris, 1979.
409
La théorie du ministre-juge est considérée par la doctrine moderne comme: « Une conception particulièrement
rigoureuse, sinon étroite du principe de la séparation des autorités, chacune d’elles étant totalement compétente
dans son domaine d’attribution, et la réticence, sinon l’hostilité, manifestée à l’égard des tribunaux judiciaires en
raison de l’opposition des Parlements d’Ancien Régime aux tentatives de réformes, conduisent l’Assemblée
constituante de 1790 à repousser les propositions qui lui sont faites de confier le contentieux opposant
l’administration aux citoyens soit aux tribunaux judiciaires, soit des juridictions administratives.(…)
De ce double refus découle que l’administration est, d’une part, soustraite au contrôle de toute juridiction et,
d’autre part et par voie de conséquence, chargée de régler elle-même les litiges qui l’opposent aux citoyens. »
MICHEL, Jean. Les recours administratifs gracieux, hiérarchiques et de tutelle. La documentation Française.
Paris, 1996, p. 7
410
AUBY, 1955, Op. cit., p. 117/118.
411
BRISSON. Op. cit, p. 142

160
Selon Jean-Marie Auby, le recours administratif entre dans la catégorie des « demandes »
adressées à l'administration, dans le cadre ou non d'une procédure.412 Cette affirmation
renforce la pensée du système français selon laquelle le recours administratif ne se renferme
pas dans la notion la nature procédurale.

En outre, le Conseil d'État a déjà eu l’opportunité de prendre position par rapport à l’exclusion
du recours administratif de la procédure administrative. Dans l’arrêt Laboratoire L. Lafond 29
mars 1991, le Conseil d’État a fait une interprétation restrictive du décret du 28 novembre
1983.413 Le juge a considéré qu'il ne visait pas les recours administratifs. Cette solution peut se
justifier du fait que l'article 8 fait exception à une règle dans le décret «le cas où il a statué sur
une demande présentée par l'intéressé lui-même ». 414

Néanmoins quelques années après, la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens
dans leurs relations avec l’administration, a dérogé à l’interprétation jurisprudentielle
restrictive du décret du 28 novembre 1983. Aux termes de l’art. 18 de la loi, le mot
« demande » désigne aussi bien les demandes et réclamations initiales que celles formulées à
l’occasion d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique.415

A vrai dire ces recours administratifs ont une essence complexe. Ils doivent exercer deux
fonctions dont vont profiter l’administration mais aussi les particuliers. Ils constituent
respectivement un moyen pour l’administration d’exercer son pouvoir de contrôle en
améliorant ses services et une protection contre l’arbitraire administratif. Ces recours, comme
moyen d’exercice du pouvoir de contrôle de l’administration, ne demandent pas une

412
AUBY, Jean-Marie. Les recours administratifs préalables. AJDA, 1997, p. 10
413
« Laboratoire L. Lafon" le 29 juillet 1985 à l'encontre des dispositions de cet arrêté ; Considérant, d'une
part, qu'aux termes de l'article 5 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration
et les usagers, "les délais opposables à l'auteur d'une demande adressée à l'administration courent de la date de
la transmission, à l'auteur de cette demande, d'un accusé de réception ..." ; qu'un recours administratif gracieux
ou hiérarchique ne présente pas le caractère d'une "demande adressée à l'administration" au sens de ces
dispositions ; que, par suite, si l'autorité administrative n'a pas accusé réception, dans les conditions prévues à
l'article 5 du décret du 28 novembre 1983, du recours gracieux formé par la société requérante, cette
circonstance n'a pu faire obstacle à ce que le délai du recours contentieux commençât à courir au terme d'une
période de quatre mois à compter de la réception du recours gracieux ». CE, Sect., 29 mars 1991, SA
Laboratoires Lafon, AJDA, 1991, p. 582-584.
414
CE 29 mars 1991, Sté Laboratoire Lafont, Leb. p. 113 ; RFDA 1992, p. 72, concl. Hubert ; PA 8 mars 1991, p.
6, note Célerier
415
COURREGES, Anne. La procédure administrative non contentieuse en France : La loi du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administré. Colloque IDF au 27-28 mai 2004.
Disponible sur : http://www.institut-idef.org/La-loi-du-12-avril-2000-relative.html. Consulté le 17 juin 2011.

161
organisation procédurale complexe. En revanche, pour garantir une protection contre
l’arbitraire administratif, le manque d’un ensemble de règles qui fixent un certain nombre de
garanties procédurales va déprécier ces recours auprès des citoyens.416

En principe les décisions prises pour les recours administratifs peuvent être implicites, issues
du silence de l’administration. La loi qualifie l’omission de l’administration, en général,
comme décision de rejet. Le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois vaut
décision implicite de refus.417 Inversement dans d'autres matières, à l’exemple du permis de
construire (art. L.424-2 du code de l'urbanisme) le silence gardé vaut décision implicite
d'acceptation.418

Tout d’abord ces recours administratifs étaient classés par la doctrine plus traditionnelle en
raison de la qualité de l’autorité saisie. Cette typologie oppose le recours gracieux adressé à
l'auteur de l'acte contesté au recours hiérarchique adressé au supérieur de l'auteur de l'acte.
L’existence d’une troisième catégorie, le recours de tutelle ou de contrôle porté devant une
autorité dotée des pouvoirs de tutelle ou de contrôle sur l'acte attaqué ne paraissait pas
compatible avec le système de droit commun applicable aux deux autres, il était préférable de
le mettre dans une catégorie spéciale.419

Cette typologie classique, comme l’affirme Jean-François Brisson, a perdu tout intérêt
aujourd’hui. Les garanties assurées par le recours gracieux ou par le recours hiérarchique ne

416
Au Brésil la procédure administrative est la règle soit pour le règlement des litiges administratifs soit pour la
formation des actes administratifs. Le recours administratif est présent dans le système administratif brésilien
mais dans un autre sens. Les recours administratifs sont des réclamations qui remettent en cause une décision
déjà prise par l’autorité administrative dans le cadre d’une procédure administrative contentieuse non
juridictionnelle.
417
Dans certaines matières, un délai de silence peut être plus long pour considérer la demande comme rejetée.
Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 art. 21 « Lorsque la complexité ou l’urgence de la procédure le justifie, des
décrets en Conseil d’Etat prévoient un délai différent. »
418
Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations :
«Article 22. Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision
d’acceptation dans les cas prévus par décrets en Conseil d’Etat. Cette décision peut, à la demande de
l’intéressé, faire l’objet d’une attestation délivrée par l’autorité administrative. Lorsque la complexité ou
l’urgence de la procédure le justifie, ces décrets prévoient un délai différent. Ils définissent, lorsque cela est
nécessaire, les mesures destinées à assurer l’information des tiers.
Toutefois, ces décrets ne peuvent instituer un régime de décision implicite d’acceptation lorsque les
engagements internationaux de la France, l’ordre public, la protection des libertés ou la sauvegarde des autres
principes de valeur constitutionnelle s’y opposent. De même, sauf dans le domaine de la sécurité sociale, ils ne
peuvent instituer aucun régime d’acceptation implicite d’une demande présentant un caractère financier.»
419
AUBY, Jean-Marie. Les recours administratifs préalables. AJDA, 1997, p. 10

162
s’avèrent pas notables. Le mythe selon lequel un supérieur hiérarchique garantirait plus
d’impartialité dans ces jugements n’était pas confirmé par la pratique administrative. Les
recours administratifs hiérarchiques et gracieux ne présentent d’ailleurs pas de différences. 420

Cette classification a donc été remplacée par une autre classification bien plus usuelle et
compatible avec l’époque actuelle vécue par le droit administratif. On parle de recours
administratif de droit commun et de recours administratif spécial.

A. Distinction entre recours administratif de droit commun et


recours administratif spécial par une nouvelle typologie

Les recours gracieux et les recours hiérarchiques sont possibles même si une loi ne l'indique
pas. Il s'agit de recours de droit commun. A ces recours de droit commun s'opposent les
recours administratifs spéciaux, fondés sur des textes qui tantôt se bornent à en prévoir
l'existence, tantôt leur donnent une certaine organisation.421

Tout d’abord, il est important de souligner que les recours administratifs de droit commun et
les recours administratifs spéciaux restent toujours de nature juridique identique. Les
différences entraînées par des déterminations juridiques procédurales aux recours
administratifs spéciaux suffisent pour les éloigner d’un point de vue contentieux. Les recours
administratifs spéciaux représentent l’expression de la voie administrative de réclamation. A
l’inverse les recours administratifs de droit commun demeurent comme l’expression d’un
droit de pétition dont l’exercice est ouvert de plein droit aux particuliers, sans avoir besoin
d’une prévision particulière. Les deux sont des recours administratifs non juridictionnels,
c’est-à-dire purement administratifs.422

On peut estimer que la principale différence entre ces catégories de recours administratifs se
situe au niveau de l’organisation procédurale particulière concernant les recours administratifs
spéciaux. Ceci attribue une supériorité juridique à ces derniers par rapport aux recours
administratifs de droit commun.

420
BRISSON, 1996. Op. cit., p. 158/159.
421
AUBY. 1997. Op, cit, p. 10
422
BRISSON. 1996. Op. cit., p. 161.

163
Cette supériorité a été perçue principalement après que le Conseil d’État a adopté le
raisonnement selon lequel l’existence de prévision d’une procédure particulière exclut la
faculté ouverte en principe aux particuliers d’exercer un recours administratif de droit
commun, conservant le délai du recours juridictionnel.423

Enfin, le cadre actuel du régime juridique et de la pratique administrative des recours


administratifs de droit commun et des recours spéciaux indique des avantages et des
déphasages. Si, d’une part, les recours spéciaux assurent aux particuliers des garanties
stimulant leur exercice, d’autre part, les procédures prévues demeurent trop fragmentaires
pour rendre au régime des recours administratifs la cohérence et l'efficacité indispensables au
développement de leur caractère attractif.

Ce foisonnement législatif concernant les recours administratifs spéciaux faisait déjà l’objet
de préoccupations. Depuis le rapport du Conseil d'État de 2008424 plusieurs mesures étaient
prévues pour encourager les recours spéciaux, principalement pour les recours administratifs
préalables obligatoires, jusqu’à la loi du 17 mai 2011 portant sur des réformes tendant à
améliorer les relations des citoyens avec les administrations. Cette loi essaie d’uniformiser ces
recours mais, selon l’avertissement de Bénédicte Delaunay, « sans aller toutefois aussi loin
que le Palais-Royal le préconisait ».

B. Le caractère préalable du recours administratif et les décisions


préalables

Le recours administratif préalable est celui que présente un justiciable à un organe


administratif contre une mesure de l’administration avant de saisir le juge administratif. Il doit
être distingué de la demande préalable propre au contentieux de pleine juridiction, ou plutôt
au contentieux de la responsabilité de l’administration publique. Ces demandes doivent être

423
Ce raisonnement est exposé dans l’arrêt CE., 1er avril 1992, Clinique des Maussins, Conclusions
ABRAHAM, AJDA 1992, p. 676, était déjà atténuer par les dispositions expresses de la loi n° 2011-525 du 17
mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit qui dispose : « Art. 20-1. - Lorsque le recours
contentieux à l’encontre d’une décision administrative est subordonné à l’exercice préalable d’un recours
administratif, la présentation d’un recours gracieux ou hiérarchique ne conserve pas le délai imparti pour exercer
le recours administratif préalable obligatoire non plus que le délai de recours contentieux. »
424
Conseil d’Etat. Les études du Conseil d’Etat. Les recours administratifs préalables obligatoires. Paris : La
documentation Française, 2008

164
présentées à l’autorité administrative avant qu’elle ait pris une décision définitive, pour que le
juge administratif puisse être saisi par la suite.

La demande préalable a pour but de provoquer une décision alors qu’il n’en existe pas encore.
Le recours administratif préalable tend à remettre en cause une décision qui existe déjà. Si la
demande préalable intervient avant la saisine du juge, elle est faite parce qu’il n’y a pas
encore de possibilité de le saisir, pour provoquer une décision ; le recours préalable, qui
intervient lui aussi avant la saisine du juge, est présenté contre une décision déjà prise.

Il est de principe dans le contentieux administratif français que « […]la juridiction ne peut
être saisie que par voie de recours formé contre une décision[…] »425 . Par exemple, si un
administré a subi un préjudice dont il veut obtenir réparation, il ne peut pas s’adresser
directement au juge. Il doit d’abord s’adresser à l’administration à laquelle il en impute la
responsabilité pour lui demander une indemnité. Ce n’est qu’après le rejet de sa demande, soit
explicitement, soit implicitement, à l’expiration d’un délai de deux mois, qu’il peut saisir le
juge.426

La demande préalable a pour fonction de lier le contentieux : il n’y a pas de contentieux avant
qu’elle ait été présentée et qu’elle ait été rejetée. On peut certes observer que, si l’intéressé a
obtenu de l’administration la mesure qu’il demande, justice lui est rendue et cela évite,
comme dans d’autres procédures, la saisine du juge : il y aurait à cet égard une sorte de justice
hors du juge. Mais cette observation, qui peut être admise dans un sens très général, est
juridiquement inexacte car en l’absence de demande préalable et de réponse négative à celle-
ci, il n’y a pas encore de contentieux.427

En effet, le contentieux ne se révèle qu’à la suite d’une décision que l’administration a pu


prendre spontanément ou à la suite d’une demande. C’est précisément à ce stade que naît le
contentieux si les intéressés contestent la décision. C’est à ce stade aussi que peut s’exercer un
recours administratif préalablement à la saisine du juge.

425
Article R. 421-1 du code de justice administrative.
426
Article R. 421-2 du code de justice administrative.
427
MOUREAU. Léon. Notion et spécificité du contentieux administratif. Mélanges Jean Dabin. Paris : Sirey,
1963, p. 184.

165
Alioune Badara Fall affirme l’importance de faire la différence entre la décision préalable et
le recours administratif préalable. L’absence de clarté entre eux impose une complication
supplémentaire au Requérant dans la procédure contentieuse administrative.428

C. Les caractères obligatoire et facultatif du recours


administratif préalable

Il est de principe qu’un recours administratif préalable est toujours possible, sans être
obligatoire : c’est une règle générale de procédure, qui s’applique même sans texte.429
Introduit dans le délai de recours contentieux, le recours administratif interrompt le délai ;
celui-ci ne recommence à courir que lorsqu’a été prise la décision explicite ou implicite
provoquée par le recours administratif.

Sans être généralisée encore systématiquement, l’obligation d’un recours administratif


préalable est imposée aujourd’hui dans un grand nombre de cas.

Le cas le plus ancien était sans doute celui qui imposait de saisir le préfet préalablement au
juge contre les délibérations des conseils municipaux. Il était plus une illustration du contrôle
de l’État sur les communes qu’un mode de prévention du contentieux devant les tribunaux
administratifs. C’est pourquoi cette saisine préalable a été supprimée par la loi du 2 mars 1982
concernant les droits et libertés des communes, des départements et des régions.430

En revanche, c’est exactement pour endiguer le flot des réclamations contentieuses qu’en
1927 le législateur a imposé aux contribuables d’adresser leurs réclamations avant toute
instance juridictionnelle à l’administration fiscale elle-même.431Cette dernière contribue ainsi
à ce que le code général des impôts appelle « la juridiction contentieuse ». La réforme a été

428
FALL, Alioune Badara. Op, cit, p. 150.
429
CE., 23 mars 1956, Vinciguerra, Rec. 56 ; 10 juillet 1954, Centre Médico-pédagogique de Beaulieu, Rec.
399.
430
DELVOLVE, Pierre. La justice hors du juge en matière administrative. Article inédit non publié. 2008.
431
Loi du 27 décembre 1927, art. 10 ; et loi du 27 décembre 1963 ; aujourd’hui articles L. 199 et R. 190-1 du
livre des procédures fiscales : V. J. Lamarque, « Contentieux Fiscal (Réclamation préalable) » ; Répertoire
Dalloz de contentieux administratif.

166
satisfaisante et limite l’encombrement des tribunaux en matière fiscale. Sur plus de 3 millions
de réclamations annuelles, 1 % seulement donne lieu ensuite à la saisine d’un tribunal.432

De multiples recours administratifs préalables ont été développés plus récemment dans
différents domaines. A titre d’exemple on peut en citer un qui concerne l’accès aux
documents administratifs : l’article 20 de la loi 78-753du 17 juillet 1978 sur la commission
d’accès aux documents administratifs prévoit que « La saisine pour avis de la commission est
un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux.».

L’autre exemple concerne le contentieux des étrangers et plus précisément le recours contre
les décisions de refus de visa d’entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou
consulaires, prévu par la loi de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, art. R.
211-17.

La tendance actuelle en matière de recours administratif préalable conduit à une


généralisation de ce type de recours, à condition que soient prises les mesures nécessaires et
surtout que soient mis en place les moyens adéquats. D’une façon générale la revalorisation
des recours administratifs en France semble être rattachée au recours préalable obligatoire.433

1. Les avantages d’une généralisation du caractère obligatoire

En observant les fonctions du recours administratif préalable obligatoire énumérées par la


doctrine, nous pouvons en théorie admettre au moins trois avantages dus à la généralisation
du caractère obligatoire : la protection juridique des citoyens, le désencombrement des
tribunaux administratifs par la mise en œuvre d’un filtrage du contentieux et, dans l’optique
de l’intérêt de l’administration, l’exercice de l’autocontrôle bloquant une action
juridictionnelle évitable.434

432
COLLET, Michel. Droit fiscal, Paris : PUF, 2007, p. 161
433
Conseil d’Etat. Les études du Conseil d’Etat. Les recours administratifs préalables obligatoires. Paris : La
documentation Française, 2008.
434
PREVEDOUROU, Eugénie. Les recours Administratifs Obligatoire étude comparée des droits allemands et
français. Paris : LGDJ, 1996, p. 154.

167
a) La protection juridique des citoyens

Différemment du contrôle juridictionnel, lorsque le recours administratif constitue un


préalable obligatoire à la saisine du juge, le destinataire de ce recours est doté de la plénitude
de ses compétences réformatrices. La décision administrative objet du recours pourra être
annulée ou réformée pour des motifs de légalité comme d'opportunité. Ainsi, le recours
administratif devrait être plus attractif pour les particuliers car il permet d'obtenir une décision
que le juge ne peut pas prendre parce qu'il statue dans les limites de la légalité.435

Cette plénitude de compétence renferme aussi la capacité d’édiction d’une nouvelle décision.
Contrairement au juge qui annule l'acte administratif, l’autorité destinataire d'un recours
administratif, respecté les droits acquis, elle peut prendre une nouvelle décision favorable au
requérant. L’autorité compétente en la matière peut se prononcer sur des questions qui n'ont
pas été proposées à l'auteur de la décision initiale. Cette nouvelle décision peut tenir compte
d’éléments nouveaux intervenus après la décision contestée.

En effet, considérant la compétence discrétionnaire de l’administration publique, le recours


administratif permet au citoyen d'obtenir immédiatement une nouvelle décision dont les
fondements peuvent être complètement distincts de ceux invoqués initialement.436

b) Le désencombrement des tribunaux administratifs

On peut commencer à comprendre la fonction des recours administratifs à partir des deux
expressions aussi célèbres qu’opportunes : la « crise de croissance » de la juridiction
administrative437 et le « règne du juge ».438

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) condamne ainsi régulièrement la


France pour retard à rendre la justice sous l'angle de l'article 6 § 1 de la Convention
Européenne garantissant aux justiciables le droit d'obtenir un jugement dans un délai

435
PELLISIER, Gilles. Pour une revalorisation de la spécificité des recours administratifs. RFDA, 1998, p. 317.
436
PELLISIER. Op. cit., p. 324
437
GAUDEMET, Yves. L’avenir de la juridiction administrative, Gazette du Palais, 1979, p. 511.
438
BONICHOT, Jean-Claude. Le juge administratif et l'Europe, Revue annuelle des avocats au Conseil d'État et
à la Cour de cassation, Dalloz, 2005, pp. 121-126, spéc. p. 126.

168
raisonnable.439 Les solutions déjà mises en œuvre, comme la création par la loi du 31
décembre d’un troisième degré de juridiction n’étaient capables de contenir « l’explosion
contentieuse ». Alors quel avenir pour le contentieux administratif ?

L’accumulation des stocks de dossiers par le juge administratif permet de prévoir certaines
conséquences : les intérêts du justiciable ne font pas l’objet de l’attention requise,
l’administration joue son rôle de façon plus négligente par rapport à la légalité et la justice
administrative perd tout son prestige à cause de sa lenteur.440

Beatrice Belda estime que le juge administratif cumule actuellement deux fonctions, d’une
part, celle de gardien de l'état de droit et, d’autre part, celle de protecteur des droits des
justiciables. Le résultat de cette accumulation de fonctions si importantes de nos jours est le
fait que les individus sollicitent de plus en plus le juge. Cet accroissement démesuré ne
pourra être en aucun cas être compensé par une quelconque augmentation du nombre de
magistrats. Ainsi la seule solution qui pourrait être envisagée serait la recherche d'autres voies
pour le traitement de ces flux croissants.441

C’est dans cette perspective qu’on peut observer l’augmentation d’intérêt pour les recours
administratifs préalables obligatoires, considérés comme un instrument de grande utilité pour
soulager la justice administrative. Selon Eugénie Prévédourou, ils fonctionnent comme un
filtre du contentieux, soit débarrassant le juge des affaires susceptibles d’un règlement
amiable, soit délimitant ou clarifiant le débat juridictionnel. 442

439 BRISSON. 1996. Op. cit. p. 795.


440
PREVEDOUROU. Op. cit., p. 173.
441
BELDA, Beatrice. Faut-il généraliser le recours administratif préalable ? RDP, 2008, p. 1483.
442
PREVEDOUROU. Op. cit., p. 174.

169
c) L’exercice de l’autocontrôle bloquant une action
juridictionnelle évitable

Le recours administratif préalable obligatoire donne à l’administration l’opportunité de


réexaminer à fond ses décisions et ainsi d’éviter une action juridictionnelle parfaitement
dispensable.

En raison de la surcharge de travail, l’administration moderne a peu de temps pour réfléchir à


ses actions, donc ce recours va permettre l’acquisition d’un capital précieux de réflexion et
d’expérience.443

La conformité des actes administratifs avec la Constitution et avec les lois dépend d’un
examen complexe et long. Toutefois, étant donné que les activités administratives sont
subordonnées à ces critères de validité, ces examens devaient être fréquents et efficaces. Vu
l’impossibilité de l’accomplissement de ces tâches de façon efficace, il est fréquent de voir,
parmi les actes administratifs en vigueur, des actes illégaux, inconstitutionnels ou inopportuns
que l’administration n’aurait pas conservés si elle avait eu le temps de les examiner
minutieusement.444

Ceci étant, on peut affirmer que la surcharge de travail empêche l’administration de se


consacrer à une plus grande réflexion au moment de la formation des actes administratifs. La
mauvaise qualité de ces actes donne lieu à des faux ou à des petits litiges. Il est certain que
l’absence d’un examen plus précis de la validité des actes administratifs n’est pas la seule
raison des faux et des petits litiges, néanmoins elle en est sûrement l’une des raisons plus
expressives rencontrées.

443
Idem, p. 163/164.
444
Idem, p. 164.

170
2. Les obstacles à une généralisation du caractère obligatoire

Dans le domaine des recours administratifs préalables obligatoires, chaque texte qui les
prévoit se rapporte à un recours dirigé contre une catégorie de décisions. En effet, il y a une
énorme variété de textes organisant de telles procédures. Donc, si l’on admet que les
particuliers jouissent de plus de garanties en utilisant ces recours, le caractère dispersé et
complexe du système règlementaire rend en revanche difficile cette utilisation.445

En outre, il faut ajouter à cette difficulté déjà imposée par la multiplicité des textes qui
organisent les recours administratifs préalables obligatoires, une situation encore plus
préoccupante. Il s’agit du manque de précision concernant le caractère obligatoire des recours
comme règle exceptionnelle aux recours préalables facultatifs, ce qui porte atteinte aux droits
des administrés.

Autrefois le Conseil d'État, dans l’arrêt Bladanet du 15 février 1935, avait explicitement jugé
que le recours administratif était par principe facultatif et qu’il ne pouvait être transformé en
principe obligatoire qu’en vertu d’une disposition explicite adoptée dans ce sens.
Malheureusement cette jurisprudence a souffert un revirement.446

Dans ses conclusions sur l’arrêt Ministre de la santé publique et de la Sécurité Sociale contre
la Demoiselle Bruguière du 19 novembre 1971, après le constat d’une jurisprudence
foisonnante et rebelle à la systématisation, le commissaire du gouvernement tente d’opérer
une classification des critères établis par les différentes jurisprudences. Pour obtenir cette
classification, il utilise comme méthode l’analyse des différents types d’argument utilisés par
le juge : si le texte emploie le mot « appel » ou le terme « saisine », il est largement probable
qu’il confère au recours considéré un caractère obligatoire.447 En revanche, il arrive souvent
que soit appréhendé comme obligatoire un recours dont la disposition indicative précise qu’il

445
Le libéralisme par rapport aux diversités des sources qui peuvent instituer cette obligation de recours impose
le premier obstacle à sa généralisation. Il peut, selon elle, s’agir d’un décret, mais également d’un acte
administratif comme un arrêté ministériel (CE, 29 mai 1963, Maurel, Rec. p. 334 ), tout comme des statuts d’un
organisme privé (CE, 13 juin 1984, Association Hand-ball club de Cysoing, Rec. p. 217), ainsi que des
dispositions contractuelles( BRECHON-MOULENES, « Le règlement amiable dans les marchés publics », Rev.
Marchés Publics, avril mai 1987, p. 21)
446
CE, Sect., 15 février 1935, Bladanet, Rec. p. 202.
447
CE, 30 mars 1973, Gen, concl. Guillaume, A.J.D.A., 1973, p. 268

171
‘peut’ être exercé, le cas échéant.448 C’est sur ce point que le libéralisme du juge est le plus
flagrant, il opère une interprétation qui contrevient frontalement à la rédaction du texte. 224

En ce même sens, Jean-Claude Bonichot considère que la question de savoir si le recours


administratif a ou non un caractère obligatoire relève d’un jeu d’esprit. Fréquemment la
jurisprudence voit un recours obligatoire où le texte dit que l’autorité ‘peut’ être saisie.
L’insécurité dans ce cas est trop préjudicielle pour les citoyens vu qu’il s’agit d’une question
de recevabilité postérieure des recours juridictionnels.449

Cette incohérence du système organisationnel des recours préalables obligatoires est


forcement dénoncée par Gilles Pellissier qui regrette le fait que le juge administratif a une
tendance à considérer que tous ces recours sont obligatoires dès qu'ils sont suffisamment
organisés.450

Enfin, on peut attribuer cette instabilité du système de recours préalable obligatoire à ses deux
sources diverses. En premier lieu, parce que le législateur utilise des dispositions textuelles
imprécises et, en deuxième lieu, parce que le juge adopte des interprétations libérales et
contradictoires. Tous deux, le juge et le législateur, pourraient donner fin à cette situation
d’insécurité liée au caractère obligatoire des recours préalables. Le juge pourrait uniformiser
sa jurisprudence de façon cohérente et le législateur pourrait améliorer la clarté de ses textes,
ou encore pourrait édicter des textes complets qui exprimeraient de manière plus précise son
intention de rendre obligatoire le recours prévu.

Il faut constater qu’au début des années 2000, les lois et les règlements en la matière sont
venus imposer une obligation de recours préalable de façon plus claire et plus lisible, à
l’exemple du contentieux des militaires et de celui relatif aux refus de visas. Mais de façon
générale le système reste désordonné.

448
CE, 3 juillet 1981, Ministre du travail et de la participation contre Gaumont, Rec, p. 578 ; CE, 1er avril 1992,
SA Clinique gynéco-obstétricale Marivaux, Rec. p. 147
449
BONICHOT, Jean-Claude. Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure juridique ou panacée
administrative. Mélange en l’honneur de Daniel Labetoulle. Paris : Dalloz, 2008, p. 84.
450«
L'arrêt du CE, 30 mars 1973, Sieur Gen, AJDA 1973.268, concl. Guillaume, a corrigé l'une de ces
contradictions, les recours administratifs en matière d'inscription au tableau étant obligatoires alors que ceux
en matière déontologique ne l'étaient pas, la formulation employée par les textes étant pratiquement identique.
Depuis cet arrêt, les deux recours sont obligatoires ».PELLISSIER. Op.,cit ., p.326

172
La stagnation du débat contentieux est un autre barrage d’accès au juge évoqué contre la
généralisation du recours administratif obligatoire. Cette stagnation consiste en l’impossibilité
de modification des fondements constitutifs du recours préalable dans les recours
juridictionnels.451

Depuis 1975 la Cour Européenne des Droits de l'Homme a déduit de l'article 6 § 1 de la


Convention le droit à un tribunal et le droit à une procédure équitable.452 Le juge de
Strasbourg estime que l'irrecevabilité d'un recours contentieux par défaut d'exercice d'un
recours administratif préalable obligatoire constitue dans cette logique une entrave manifeste
au « droit d'accès à un tribunal ».453

Au même moment la CEDH, dans son arrêt Ayse Öztürk, autorise les États membres à
instaurer des mécanismes devant l'administration, à la seule condition que leur régime
n’entrave pas l'accès au juge.454 Cette condition imposée réaffirme l’intention de la CEDH de
maintenir sa position contre les seuls recours administratifs préalables obligatoires qui
fonctionnent comme une barrière d’accès au juge, spécifiquement pour le cas français, quand
les recours administratifs préalables prévus ont un caractère obligatoire subtil et obscur.

D. Les garanties apportées aux particuliers par les recours


administratifs spéciaux après la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011

Dans le cadre de l’effort déployé pour faciliter les relations entre les administrations et les
citoyens, la loi de simplification n° 2011-525 comporte quelques dispositions pour encourager
les recours administratifs préalables obligatoires. Ces dispositions sont présentées sous forme
de renforcement des garanties pour les citoyens.

Le rapport sur la qualité et la simplification du droit qui a servi de base pour cette loi, le
«rapport Warsemann », allait dans le même sens que celui du rapport d’étude du Conseil
d’État remis au Premier ministre en septembre 2008 sur le recours administratif obligatoire.

451
CE, 20 mai 1949, Berc ; CE, 20février 2008 Devillers ; CE, 11 octobre 1972 Élections des délégués des
collèges étudiants au Conseil de l’UER.
452
Cour Européenne de Droit de l’Homme. Golder c/ Royaume-Uni du 21 février 1975GACEDH n°26.
453
BELDA. Op. cit., 1483.
454
Arrêt de la Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), affaire AyseÖztürk c. Turquie,
requête n° 24914/94 du 15 octobre 2002

173
Recherchant la simplification et l’accessibilité des citoyens aux normes juridiques et à
l’exercice de leurs droits, ce rapport propose principalement l’harmonisation des nombreuses
procédures de recours administratifs préalables obligatoires.455

1. Mesures générales de simplification des demandes des usagers

On trouve tout d’abord dans cette loi des mesures qui, bien qu’elles ne soient pas directement
liées aux recours administratifs préalables obligatoires, concernent cependant toujours ces
recours. Citons comme exemple les articles 4 et 6 de la loi du 17 mai 2011 qui, pour
simplifier les demandes des usagers, introduisent l’autorisation d’un échange d’informations
ou de données nécessaires entre les autorités administratives pour traiter ces demandes de
façon plus agile et plus efficace. De plus elle admet la régularisation des demandes affectées
d'un vice de forme.456

Donc, suite à cette loi, l'usager est dispensé de produire des informations qu’il a déjà fournies
auprès de la même autorité administrative française ou d'une autre autorité administrative
participant au même système d'échanges de données. Les informations que les autorités
administratives détiennent en vertu de leur mission sont aussi objet de cet échange entre les
autorités. Cette disposition diminue les démarches à suivre par les usagers et par conséquent
elle revalorise le recours administratif comme moyen d’apaisement.

Néanmoins cette dispense de production d’informations par les usagers est limitée pour deux
raisons importantes : d’abord pour éviter les fraudes et ensuite pour protéger la vie privée et
l’intimité des citoyens. Selon l'avis du Conseil d'État, l’échange des informations et
documents est permis seulement entre les autorités de la même administration ou d'une

455
Rapport sur la qualité et la simplification du droit. Jean-Luc Warsmann, Député, Président de la Commission
des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Disponible sur :
http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/rapport-warsmann-sur-la-simplification-du-droit-remis-au-
premier-ministre. Consulté le 12 septembre 2011.
456
Selon Bénédicte Delaunay : « L'article 4 introduit dans la loi du 12 avril 2000 un article 16 A qui vise à
développer l'administration électronique en systématisant les échanges d'informations entre administrations qui
ne sont autorisés pour l'instant par le législateur que pour des procédures déterminées. Le but est d'alléger les
formalités imposées aux usagers et de faciliter le traitement de leurs demandes par l'administration, mais aussi
de « lutter contre la fraude en sécurisant la production et la transmission des pièces justificatives » (E. Blanc,
Rapport n° 2095, Ass. nat., p. 81). Nombre de ces démarches concernent les droits sociaux. La mission présidée
par Jean-Luc Warsmann a associé à ses travaux la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé, les
caisses nationales de sécurité sociale et l'ACOSS (caisse nationale des URSSAF), structures les plus
concernées. ». AJDA, 2011, p. 1180.

174
administration participant au même système d'échanges de données457 et, de toute façon, cet
échange concerne seulement les informations ou données strictement nécessaires pour traiter
les demandes présentées par un usager.458

La loi du 17 mai 2011 insère l’article 19-1 dans la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. Selon cet
article l’administration est tenue d’aider les citoyens à formuler leurs demandes dans les
formalités exigées. Ce qui, selon le Rapport 2095, «favorisera l’accès au droit de nos
concitoyens parfois perdus dans le dédale des normes et des procédures».459

2. Mesures spécifiques de simplification des demandes des


usagers

Au-delà des mesures générales déjà évoquées, nous avons des mesures spécifiques dont
l'objectif est notamment d'harmoniser le régime des Recours Administratifs Préalables
Obligatoire (RAPO) sur certains points. Dans ce sens la détermination de la loi du 07 mai
2011 concerne l’obligation de motiver les décisions prises par les autorités administratives
aux RAPO, l’obligation de notifier les décisions administratives subordonnées à un RAPO,
l’obligation d’indiquer cette condition de subordination ainsi que des voies et des délais des
recours, l’obligation d’articuler les RAPO avec les recours administratifs de droit commun et
finalement l’obligation de délimiter l’extension du champ des RAPO.

Les décisions prises concernant les RAPO n’étaient pas soumises à un principe général de
motivation obligatoire, sauf dans les cas issus d’organismes collégiaux ou quand les textes
légaux ou la jurisprudence la prévoyaient spécifiquement pour certaines procédures par
exemple du contentieux fiscal d’assiette ou du remembrement rural.460

457
La loi 2011-525 du 17 mai 2011, Art. 4. (…)« Les échanges d’informations ou de données entre autorités
administratives s’effectuent selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et
publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui fixe les domaines et les procédures
concernés par les échanges d’informations ou de données, la liste des autorités administratives auprès desquelles
la demande de communication s’effectue en fonction du type d’informations ou de données et les critères de
sécurité et de confidentialité nécessaires pour garantir la qualité et la fiabilité des échanges. Ce décret précise
également les informations ou données qui, en raison de leur nature, notamment parce qu’elles touchent au secret
médical et au secret de la défense nationale, ne peuvent faire l’objet de cette communication directe.
458
Rapport 2095 de l’Assemblée Nationale, T I. Disponible sur : http://www.assemblee-
nationale.fr/13/rapports/r2095-ti.asp. Consulté le 08 mars 2012.
459
Idem.
460
« La jurisprudence n'impose pas, en effet, la motivation des décisions rendues sur recours administratif (CE 23
mai 1947, Couty). La circulaire d'application du premier ministre du 31 août 1979 précise que « la loi ne fait pas

175
Le dispositif de la loi du 12 avril 2000 a inverti cette logique. En effet, la logique de la
motivation exceptionnelle, alors en vigueur, a été remplacée par la logique de la
généralisation du devoir de motivation. Il s’agit d’un principe général qui admet certaines
exceptions.461

En ce qui concerne la méconnaissance de l’obligation du recours préalable en raison de


l’omission de la notification, la seule conséquence dans ces cas en est le délai de recours qui
n’est pas opposable.462

Pour une meilleure articulation des RAPO avec les recours administratifs de droit commun, la
loi analysée adopte une solution nuancée parmi les solutions existantes : «Lorsque le recours
contentieux à l'encontre d'une décision administrative est subordonné à l'exercice préalable
d'un recours administratif, la présentation d'un recours gracieux ou hiérarchique ne conserve
pas le délai imparti pour exercer le recours administratif préalable obligatoire non plus que
le délai de recours contentieux ».

un sort spécial aux réponses à des recours administratifs. Les décisions prises sur recours gracieux ou
hiérarchique ne sont obligatoirement motivées que dans la mesure où la décision initiale doit l'être elle-même ».
Mais le Conseil d'Etat considère, s'agissant des recours gracieux, que si la décision initiale est motivée
conformément aux exigences de la loi, la décision sur recours n'a pas nécessairement à l'être (CE 8 déc. 2000,
Parti nationaliste basque ERI-PNB, req. n° 212044, Lebon 594 ; AJDA 2000. 769 , concl. C. Maugüé ; RFDA
2002. 59, note M. Verpeaux ).
Toutefois, des dispositions spécifiques prévoient souvent la motivation des décisions prises sur recours (comme
pour le contentieux fiscal d'assiette). En l'absence de celles-ci, la jurisprudence l'a parfois imposé, comme en
matière de remembrement rural (CE sect. 27 janv. 1950, Billard, S. 1950. III. 41, concl. P. Letourneur). Enfin,
elle peut résulter de la pratique administrative. Benedicte, DELAUNAY. Op, cit., p. 1182.
461
« II. ― La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 précitée est ainsi modifiée : 1° Après l’article 19, il est inséré un
article 19-2 ainsi rédigé :
Art. 19-2. - Lorsque le recours contentieux à l’encontre d’une décision administrative est subordonné à l’exercice
préalable d’un recours administratif, cette décision est notifiée avec l’indication de cette obligation ainsi que des
voies et délais selon lesquels ce recours peut être exercé. Il est également précisé que l’autorité administrative
statuera sur le fondement de la situation de fait et de droit à la date de sa décision, sauf mention contraire dans
une loi ou un règlement. »
462
Rapport 2095de l’Assemblée Nationale : « On peut même se demander si la proposition ne devrait pas être
plus ambitieuse et prévoir que l’obligation d’exercer un RAPO n’est pas opposable si elle n’a pas été
régulièrement notifiée. En effet, il peut sembler choquant, dans certains cas, d’opposer une irrecevabilité tirée du
défaut d’exercice d’un RAPO alors que le requérant n’a pas été avisé de cette obligation par la notification de la
décision litigieuse et qu’il est parfois difficile d’identifier l’existence même d’une telle obligation, lorsque les
textes sont équivoques (le défaut de notification empêche seulement le délai de recours de courir ; au vu de la
décision d’irrecevabilité, le requérant peut donc reprendre la procédure en saisissant l’autorité administrative du
recours préalable obligatoire). »

176
La loi vise à étendre le champ d'application des RAPO, elle a prévu de subordonner les
recours contentieux des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales à un recours
administratif préalable. Cette prévision était déjà présente dans la loi du 30 juin 2000 relative
au référé devant les juridictions administratives. Pour la fonction militaire cette disposition a
été mise en œuvre de manière satisfaisante. En revanche pour les fonctionnaires publics civils,
il n’y a jamais eu de consensus capable de la mettre en œuvre, comme le dit Bénédicte
Delaunay , « le contentieux de la fonction publique représente près de 10 % des recours
devant les tribunaux administratifs ».463

Ainsi la loi du 07 mai 2011 propose de compléter l’article 23 de la loi du 30 juin 2000 pour
que le RAPO devienne effectivement applicable aux trois fonctions publiques.464 Selon le
Rapport 2095 « il s’agit d’une disposition de nature législative dans la mesure où elle prévoit,
pour la fonction publique territoriale, l’intervention d’une personne ou d’une instance
extérieure à la collectivité territoriale concernée ».465

Finalement le décret du 10 mai 2012, valable jusqu'au 16 mai 2014, introduit le recours
administratif préalable aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes relatifs à la
situation personnelle des agents civils de l'Etat. Le RAPO était introduit au sein du secrétariat
général du gouvernement, de la direction des services administratifs et financiers des services
du premier ministre, du ministère de la justice, dans les juridictions administratives et dans les
services du ministère de l'éducation nationale de l'académie de Lyon. Les décisions
concernées sont les décisions administratives individuelles défavorables relatives à la
rémunération, aux positions et au classement des agents.466

463
DELAUNAY, Bénédicte. AJDA, 2011, p. 1180.
464
Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 :«III. ― L’article 23 de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé
devant les juridictions administratives est ainsi rédigé :
A titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° 2011-525 du 17 mai
2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, les recours contentieux formés par certains agents
soumis aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires à
l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle font l’objet, à l’exception de ceux concernant le
recrutement ou l’exercice du pouvoir disciplinaire, d’un recours administratif préalable obligatoire dans des
conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Cette expérimentation fait l’objet d’un rapport remis chaque
année au Parlement, jusqu’au terme de celle-ci. »
465
Rapport 2095 de l’Assemblée Nationale, T I. Disponible sur : http://www.assemblee-
nationale.fr/13/rapports/r2095-ti.asp. Consulté le 08 mars 2012.
466
MONTECLER, Marie-Christine de. L'expérimentation du recours administratif préalable pour les
fonctionnaires de l'Etat est lancée. AJDA, 2012, p. 972.

177
§II– Les recours administratifs au Brésil

Au Brésil, les recours administratifs représentent un mode par lequel l’administration


publique est incitée à fiscaliser ses actes. Par la voie du recours administratif les intéressés
demandent à l’administration le réexamen des actes, des décisions ou des mesures prises dans
le cadre de ses compétences. Il y a quelques auteurs qui considèrent l’activité administrative
d’analyse et de jugement des recours administratifs comme une fonction juridictionnelle ou
plutôt parajuridictionnelle. 467

Selon Odete Medauar, ces recours administratifs jouent un rôle important dans les relations
entre l’administration et les citoyens dans la mesure où ils sont un moyen d’écouter le citoyen
et de faire en sorte que ses activités deviennent plus fiables. Mais, nonobstant la
reconnaissance de ces avantages, les recours administratifs, d’une façon générale, ne jouissent
pas d’un très grand prestige au Brésil.468

Influencé par la doctrine française, le recours administratif au Brésil est aussi un principe
général, il existe même sans un texte qui le prévoit. Cependant, le droit de pétition qui en est
le fondement est établi dans la Constitution Fédérale de 1988 dan l’art. 5°, XXXIV, « a » :
« exercer le droit de pétition auprès des pouvoirs publics pour défendre des droits ou pour se
défendre contre l'illégalité ou l'abus de pouvoir » ; et aussi dans l’art. 5°, LV qui prévoit la
garantie du contradictoire et du droit de défense pleine et entière aux parties à un procès
administratif ainsi que les moyens et ressources qui lui sont nécessaires.

A. Des effets des recours administratifs

La règle générale pour les recours administratifs est celle de la non suspension des effets de la
décision remise en cause. Ainsi la loi 9784 du 29 janvier 1999 sur la procédure administrative
fédérale prévoit dans son article 61 que la suspension du recours administratif est permise
seulement par exception dans les deux cas suivants : quand le texte légal la prévoit
explicitement pour des situations spécifiques ou quand il y a un risque de dommage
irréparable issu de l’exécution de la décision.

467
MEIRELLES, Hely Lopes. Direito Administrativo Brasileiro. 33 ed., São Paulo: Malheiros, 2007, p. 673.
468
MEDAUAR. Odete. Direito Administrativo Moderno. 9 ed., São Paulo : RT, 2005, p. 443.

178
Ce recours administratif a comme but de provoquer la révision d’une décision de
l’administration par l’administration elle-même. La réponse de l’administration au recours
administratif vient sous forme d’un acte administratif par lequel l’autorité compétente accepte
ou refuse le recours. Dans les cas d’acceptation, l’administration peut annuler, révoquer ou
modifier partiellement l’acte réexaminé.469

En raison de leur complexité, les recours administratifs jouent un double rôle : la protection
contre l’arbitraire administratif et en même temps le contrôle de l’administration pour
améliorer ses services et garantir la légalité de ses actes. Cette double fonction va toujours
justifier l’ampleur du contrôle exercé par l’administration. Il n’y a donc pas d’interdiction
contre la reformatio in pejus, sauf dans les cas de recours administratifs contre des sanctions
disciplinaires de fonctionnaires publics. Dans tous les autres cas, la loi du 29 janvier 1999
garantit seulement que le requérant soit notifié avant la décision qui pourra aggraver sa
situation afin qu’il puisse présenter ses allégations.470 En effet, s’il s’agit d’une révision pour
améliorer la situation du requérant, sur les mêmes fondements, cette décision est d’autant plus
autorisée.

B. Des décisions prises par les recours administratifs

Le contenu des décisions d’admission ou de refus d’un recours administratif engage


l’administration comme un tout. Ces décisions sont définitives quand elles sont prises en
dernière instance administrative. Pour l’administration, ces décisions deviennent non
modifiables.

La seule exception à cette règle est prévue dans l’article 65 de la loi du 29 janvier 1999 qui
établit la possibilité de révision des décisions administratives définitives quand d’elles
résultent des sanctions, à la seule condition qu’apparaissent des faits nouveaux ou des
circonstances importantes susceptibles de provoquer l’inadéquation de la sanction appliquée.

469
MEDAUAR. Op, cit., p. 446.
470
Lei 9784 du 25 janvier 1999, Art. 64. L’organe compétent pour décider le recours peut confirmer, modifier,
annuler ou révoquer, total ou partiellement la décision recourent si la matière est de sa compétence.
Paragraphe unique. Si dans l’application de cet article la situation du recourent est aggravée, il devra être
notifié pour présenter ses allégations avant la décision finale.

179
Toutes les décisions des recours administratifs doivent être explicites et motivées. Cette règle
est déterminée explicitement par la loi du 29 janvier 1999 arts. 48 et 50, V, mais elle est aussi
issue implicitement de la Constitution brésilienne qui oblige l’administration à décider en
réponse à toutes les demandes des citoyens. Au Brésil, l’administration publique ne peut pas
choisir entre le silence ou une réponse effective à un recours administratif.471

Pour Justen Filho, si l’omission de décider était juridiquement admissible pour


l’administration publique, on pourrait affirmer que celle-ci aurait le choix entre juger les
demandes qu’elle considérerait dignes d’être examinées et les demandes qu’elle jugerait
simplement indignes de son appréciation. De cette façon, elle se placerait au dessus du droit,
mais « Un état démocratique de droit est incompatible avec cette alternative. »472

CONCLUSION DU TITRE I

La caractéristique consensuelle est commune à tous les modes de règlement des litiges en
dehors du juge.473 C’est la différence de la dimension de cette caractéristique consensuelle qui
va imposer des différences entre eux.

La meilleure manière de régler des litiges est certainement une façon harmonisée de mettre fin
à une dispute sans l’imposition d’une décision par un tiers, et grâce aux recours des parties en
conflit pour trouver une solution qui satisfasse les intérêts de chacun. En théorie, aucune
hiérarchie entre les parties ne devrait exister, ni aucune imposition de pouvoir ou de volonté
quand le mode de règlement est un mode consensuel.

Néanmoins, nous pouvons conclure à partir de l’énumération faite des instituts amiables de
règlement des litiges que la présence du consensus existe, mais qu’il n’est pas décisif pour
atteindre le but envisagé. Les modes amiables de règlement des litiges sont ainsi appelés pour

471
JUSTEN FILHO, Marçal. Curso de Direito Administrativo. 3 ed., São Paulo : Saraiva, 2008, p. 240.
472
Idem, p. 240
473
Même en se traitant de l’arbitrage qui est un mode juridictionnel de règlement alternatif de litige, elle
demande le consensus avant l’option des parties par l’intervention d’un arbitre. Elle tient sa légitimité de la
volonté des parties de recourir à un tel mode de résolution des conflits.

180
bien montrer leur opposition avec les modes judiciaires. En revanche, ils ne représentent pas
des modes consensuels dans le sens le plus exact du terme. 474

L’incapacité du consensus de faire aboutir le litige peut provenir de la participation de


l’administration publique en tant que partie. La volonté administrative n’est pas de la même
nature que la volonté humaine, elle est externe et institutionnalisée alors que la volonté des
citoyens est un événement interne et personnel. Ainsi la construction du consensus qui
dépend, dans ces cas, d’une conciliation des volontés de natures diverses, va affronter des
difficultés anormales.

Les procédures, les avis, les démarches d’instructions constituent des formalités nécessaires
pour démontrer la légitimité de la formation de la volonté publique. Donc, la complexité de la
nature d’une volonté qui n’est pas humaine exige des techniques qui, pour sa formation,
échappent au sens commun.

Les institutions qui utilisent la persuasion des parties sont plus adaptées au contentieux
administratif que les modes simplement consensuels. L’autorité morale de ces magistratures
d’influences exerce un certain pouvoir sur les administrés et par conséquent rend la procédure
plus agile. La conduction du traitement des conflits par une autorité administrative donne à
l’arrangement final une apparence plus équitable mais et en même temps plus fiable du point
de vue formel.

Le résultat le plus satisfaisant de ces institutions et procédures au Brésil et en France, à notre


avis, est dû à l’adaptabilité de ces techniques aux besoins et aux spécialités du contentieux
administratif. Le consensus induit représente une tendance des modes alternatifs des litiges.
Les parties trouvent une conciliation d’intérêts après l’intervention de quelqu’un d’autre qui,
en théorie, est une autorité indépendante qui poursuit l’intérêt public.

Le rôle plus actif joué par le médiateur en comparaison avec le conciliateur donne une plus
grande agilité à ces mécanismes, et les rend en même temps plus efficaces que la conciliation.
En revanche, cette position plus inductrice pour trouver une solution peut susciter quelque

474
BONAFË-SCHIMIDT, Jean Pierre. La médiation: une justice douce, Paris : Sirey, 1992, pp.182-184

181
méfiance de la part du citoyen qui, en général, n’a pas une bonne image de l’administration. A
notre avis un équilibre entre l’induction et la neutralité serait bienvenu.

La doctrine française énonce que les recours administratifs ont mauvaise réputation.
L’examen superficiel des recours, le silence en guise de réponse, la négligence et la lenteur
pour leur analyse font que les recours administratifs représentent un obstacle à l’accès au juge.

Donner un caractère contradictoire à la procédure, comme par exemple de se faire assister ou


d'être représenté par la personne de son choix, présenter des observations écrites, auditionner
l'intéressé et obliger l'autorité à se prononcer expressément sur le recours, afin de garantir son
examen effectif, sont des conditions nécessaires pour attribuer au recours une dignité
procédurale.

La protection juridique des citoyens, le désencombrement des tribunaux administratifs par la


mise en œuvre d’un filtrage du contentieux et, dans l’optique de l’intérêt de l’administration,
l’exercice de l’autocontrôle bloquant une action juridictionnelle évitable, contrairement à
certaines conclusions doctrinales, peuvent résulter non du caractère formellement obligatoire
du recours mais de son efficacité auprès des administrés, capable de restaurer sa réputation.

Le droit de pétition est un droit très ample et, sans prévoir des formalités procédurales
justement pour garantir son accès à tous, finit par en arriver à une conséquence indésirable :
son inefficacité. Les citoyens ne croient plus que leurs demandes vont êtres prises en
considération et cette incrédulité finit par les décourager à exercer leur droit de pétition.

L’analyse des modes alternatifs de règlement des litiges administratifs qui précèdent le juge et
peuvent dispenser l’action juridictionnelle, quand ils aboutissent à un résultat favorable, nous
a permis de vérifier que ces modes ont une certaine efficacité, mais ils sont loin de parvenir à
une réduction de la charge de travail du juge.

Le consensus n’est pas décisif pour atteindre le but envisagé. Ce consensus induit est la
tendance actuelle des modes alternatifs au contentieux administratif mais jusqu’à présent s’est
révélé insuffisant. Les recours administratifs dépourvus d’une procédure qui leur donne forme

182
ne peuvent pas jouer leur rôle de manière satisfaisante. Il y a un vide entre ces modes et ces
conflits qui empêche la mise en œuvre de leurs finalités.

Le contexte est favorable au développement de ces modes, cependant ils ne progressent pas
linéairement. La distance entre les administrés et l’administration est toujours la même, ce qui
rend vaine la garantie que représentent ces modes alternatifs placés avant le juge.

183
TITRE II : Les modes alternatifs de règlement
des litiges administratifs à la place du juge

La justice à la place du juge administratif représente une véritable justice privée. En ce qui
concerne ces modes alternatifs de règlement des litiges, il y a une particularité qui les
distingue des autres car ils exercent une véritable fonction juridictionnelle, exercée par de
véritables juges privés ou par des organes détachés dans l’administration publique active, qui
tranchent le litige par une sentence investie de l’autorité de la chose jugée.

L’existence de cette singularité fait apparaître des objections fondamentales quant au recours
à des juridictions privées par l’administration, comme Pierre Delvolvé nous en avertit: « La
singularité par rapport au juge administratif tient à ce que cette justice est rendue par des
juges privés. Il suffit d’énoncer cette proposition pour concevoir qu’elle se heurte à
l’existence d’une justice étatique, dont l’établissement est lié à la construction même de
l’État: déjà entre particuliers, cela peut soulever des objections ; a fortiori lorsqu’il faut
statuer sur des litiges où sont en cause l’État ou d’autres personnes publiques, apparaît
l’objection fondamentale de l’existence de juridictions étatiques auxquelles ne pourraient être
soustraits les litiges qui les concernent.». L’administration publique comme l’une des
principales expressions de l’État ne devrait pas pouvoir se soustraire aux litiges qui la
concernent.475

Progressivement la doctrine devient moins réticente et de la même façon la jurisprudence est


de plus en plus favorable à l’arbitrage en matière administrative.

475
DELVOLVE, Pierre. La justice hors du juge en matière administrative. Article inédit non publié. 2008.

184
Chapitre I : L’arbitrage comme mode alternatif
au contentieux administratif traditionnel.

Contrairement à tous les autres mécanismes alternatifs de règlement des litiges administratifs
présentés jusqu’à présent, l’arbitrage nous amène à un mécanisme de règlement de nature
juridictionnelle et non administrative476. Cependant, il se distingue des juridictions classiques
et traditionnelles ayant la caractéristique d’une juridiction parallèle à la juridiction étatique
réalisée par le juge. Raison pour laquelle nous l’appelons une parajuridiction.

La parajuridiction s’encadre parfaitement dans un système alternatif en dehors du juge vu


qu’elle représente une solution autre que la voie du contentieux administratif traditionnel,
contractualisant dans la majorité des cas les solutions des litiges.

La différence substantielle entre les autres modes alternatifs de règlement des litiges
administratifs et les modes parajuridictionnels est justement le caractère impartial du tiers qui
fonctionne comme arbitre et la capacité d’imposer la décision finale aux parties qui seront
contraintes d’accepter le verdict revêtu de la puissance de la chose jugée.

Il est important de remarquer que la chose jugée est considérée comme un élément de
différentiation de la fonction juridictionnelle, nécessaire et suffisant, notamment par rapport
aux simples actes administratifs. Pour Jacques Chevallier « l’autorité de la chose jugée
s’attache aux seuls actes juridictionnels et représente à ce titre le trait caractéristique de
leur régime. L’acte juridictionnel a pour rôle de trancher les litiges contentieux de façon
définitive et les autorités de l’État ont l’obligation juridique d’exécuter le jugement
rendu. ».477

476
Pour une meilleur connaissance de la notion de juridiction et ses rapports avec l’activité administrative voir :
CHAPUS. René. Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence administrative. Mélange
Eisenmann. Paris : Cujas, 1975, p. 265.
477
CHEVALLIER. Jacques. Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle. Mélanges Stassinopulos, Paris :
LGDJ, 1974, p. 286

185
A notre avis, l’arbitrage est le modèle parfait pour représenter le règlement des litiges
administratifs par une parajuridiction, vu qu’il n’y a pas de discussion actuellement sur la
juridictionnalisation de l’arbitrage.

Toutefois, en raison de la notion des actes juridictionnels qui change avec les mutations
culturelles, nous ne pouvons pas assumer une position radicale et incompatible par rapport
aux éphémérides du sujet en question. Ainsi, le choix que nous faisons de classer la Chambre
de Conciliation et de l’Arbitrage de l’administration Fédérale au Brésil comme un institut de
nature juridictionnelle ne signifie pas qu’on oublie la nature complexe de cet organisme, mais
plutôt qu’on veuille mettre en évidence une caractéristique prépondérante et plus attirante du
point de vue organique car, dans ce cas, le juge en question est un organisme interne de
l’administration publique active.

Même s’il est considéré comme un mode juridictionnel de règlement des litiges, on peut dire
que l’arbitrage est un authentique composant du système alternatif de règlement des conflits
administratifs. L’autorité compétente pour juger l’affaire tient son pouvoir non pas d’une
délégation étatique mais de la volonté des parties, soit des personnes publiques, soit des
particuliers478. Dans le Vocabulaire juridique, l’arbitrage est un mode dit parfois amiable ou
pacifique mais toujours juridictionnel de règlement d’un litige par une autorité qui tient son

478
« L'arbitrage est assurément un mode de résolution des conflits. Est-ce cependant un mode alternatif ? Pour
répondre à cette question, il faut au préalable préciser le sens du terme alternatif. Dans le dictionnaire petit
Robert, c'est le troisième sens du mot alternatif qui convient le mieux aux modes alternatifs de résolution des
conflits. Selon le dictionnaire, est alternatif ce qui constitue une solution de remplacement. Dès lors, les modes
alternatifs de résolution des conflits offriraient une solution de remplacement à la justice étatique. Dans un sens
plus spécial encore, le terme « alternatif » désigne ce qui, en pratique, s'oppose aux choix imposés par les
sociétés industrielles et technologiques. On parle ainsi de médecine alternative. Si l'on transpose cette définition
aux modes alternatifs de résolution des conflits, ceux-ci seraient en quelque sorte l'équivalent en matière de
justice de la médecine homéopathique ou de la médecine par les plantes. En effet, les modes alternatifs
proposent un modèle de justice non contraignant. Il s'agit d'une justice basée sur la recherche d'un accord
négocié et non sur le prononcé d'une décision autoritaire. Les mots apparentés au mot alternatif donnés par le
dictionnaire petit Robert confirment cette approche. Ces mots apparentés sont les mots « doux » et « parallèle ».
Dans une première définition, très large, les modes alternatifs de résolution des conflits seraient donc une
justice douce (4)et une justice parallèle par rapport à la justice organisée par l'État. Dans ce sens, les modes
alternatifs de résolution des conflits sont une justice alternative tant par rapport au juge étatique qu'au droit
étatique. Les parties recourant aux modes alternatifs veulent un autre mode de résolution des conflits différent
de celui qui leur est offert par l'État. Selon cette acception, l'arbitrage est potentiellement un mode alternatif ».
RACINE, Jean-Baptiste. L’Arbitrage est-il un mode alternatif de résolution des conflits ? (contribution a la
définition du terme « alternatif »). PA, 2001, p.16.

186
pouvoir de juger, non d’une délégation permanente de l’État ou d’une institution
internationale, mais de la convention des parties.479

De cette façon l’arbitrage se trouve au côté de la justice étatique et, à la différence de cette
justice, l’arbitrage ne tire pas sa légitimité de la Constitution, et ne s’appuie pas sur le
dispositif d’un traité international, elle tient sa légitimité de la volonté des parties de recourir à
un tel mode de résolution des conflits.480 Carlos Alberto Carmona ajoute qu’en ce qui
concerne l’arbitrage, bien qu’il obtienne sa légitimité des volontés des parties et sans
intervention étatique, la décision rendue parvient à la même efficacité que celle de la décision
du juge étatique.481

Pierre Delvolvé soutient qu’actuellement, en droit public français, l’arbitrage est en pleine
ébullition en raison des nouvelles propositions législatives qui font l’objet de réactions tantôt
favorables tantôt hostiles dans un milieu où l’arbitrage a souffert beaucoup de contestations
politiques et médiatiques.482

Pour Arnold Wald, en droit public brésilien, jusqu'en 2005, la seule résistance à l’arbitrage
était à propos du recours à l’arbitrage par des personnes morales de droit public.483

L’auteur affirme encore que la situation du Brésil n'était à ce sujet, au début du XXIe siècle,
pas très différente de celle qui existait en France une dizaine d'années plus tôt, rappelant la
journée d'étude du Comité de l'arbitrage en octobre 1985 et affirmant que douze ans plus tard,
lorsqu'une thèse sur le thème a été élaborée, comme le montre la préface du professeur Yves
Gaudemet au livre d'Apostolos Patrikios en 1997, des doutes existaient encore. 484

Nous pouvons affirmer que jusqu’à présent, les situations en France et au Brésil se
ressemblent beaucoup. Les incertitudes dans le champ organique et dans le champ matériel

479
CORNU, Gérard. Vocabulaire Juridique. Paris : PUF, 1992, p. 62
480
RENDERS, David et BOMBOIS, Thomas. L’arbitrage en droit public Belge. Bruxelles: Bruyant, 2010, p. 26.
481
CARMONA, Carlos Alberto. Arbitragem e processo um comentário à lei 9307/96. São Paulo : Atlas, 2009, p.
15.
482
DEVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit français. Bruxelles :Bruylant, 2010, p. 189.
483
WALD, Arnold. Gazette du Palais, n° 198, 2007, p. 6
484
WALD. Op. cit. p. 6

187
quant à la possibilité pour les personnes publiques de recourir à l’arbitrage sont encore très
présentes, autant au Brésil qu’en France. Les deux pays manquent d’une systématisation
cohérente sur ce thème. 485

§I. L’interdiction de l’arbitrage à la recherche d’un équilibre


entre la protection de l’ordre public et la croissance économique.

En France, les personnes morales de droit public se voient, en principe, dans l’interdiction
d’avoir recours à l’arbitrage. Cette interdiction des personnes publiques remonte à loin. Elle
constituait un principe général du droit public français, qui prenait appui sur des
jurisprudences anciennes486 et des dispositions législatives du Code de procédure civile
antérieur et plus récemment figurant dans l’article 2060 du Code civil.487

Les principaux fondements invoqués par la doctrine et par la jurisprudence pour justifier
l’interdiction de l’arbitrage en matière administrative en France sont énoncés par Apostolos
Patrikios488 et se résument au respect et judiciaires489 , à la protection de l’ordre public490 et à

485
Sur cette ressemblance, Edouard Lemoalle et Priscila Aymone ont écrit : le : le droit brésilien de l'arbitrage
est proche de la tradition juridique française, surtout depuis les grandes réformes de l'arbitrage effectuées à la
fin du XXe siècle et au début du XXIe. L'influence du modèle juridique français sur le droit brésilien de
l'arbitrage. Revista de Arbitragem, 2008, p. 327.
486
CE, Avis, 14 août 1823, Lebon 1824. 633 ; CE 17 nov. 1824, Ouvrard c/ Ministre de la guerre, Lebon 631 ;
CE 23 déc. 1887, de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, Lebon 842 ; CE, Ass., 13 déc. 1957, Société nationale de
vente des surplus, Lebon 677
487
Art. 2060, alinéa 1er du Code Civil : « on ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des
personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les
collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent
l'ordre public. »
488
PATRIKIOS, Apostolos. L’arbitrage en matière administrative. Paris: LGDJ, 1997, p. 32
489
La phrase classique d’Edouard Laferrière explique bien l’esprit de l’interdiction de l’arbitrage comme façon
d’éviter la violation d’un concept traditionnel français de maintenir un juge spécial pour trancher les conflits
entre l’administration publiques et les particuliers : “Comment admettre en effet, que l’Etat puisse accepter des
arbitres dans des causes où il ne lui est même pas permis d’accepter des juges civils ? ” LAFERRIERE. Edouard.
Traité de la Juridiction Administrative et des recours contentieux, T. 2, Paris: LGDJ, 1888(réimpression 1989),
pp. 145/146.
En sens contraire Apostolos Patrikios soutient que l’arbitre apparaît, dans un premier moment, lié à la juridiction
judiciaire, mais rien n’exclut que des arbitres puissent être inclus dans l’ordre administratif, comme des juges
administratifs de premier ressort. Op. cit. p. 32
490
Apostolos Patrikios considère que tout le droit administratif est dominé par l’idée de la protection des intérêts
publics mais on se peut pas aller jusqu’à affirmer que l’intérêt social s’oppose à ce que le litige soit abordé par
des juges autres que ceux institués par la loi dans le domaine des contrats administratifs, qui est le plus influencé
par les théories du droit privé. Op. cit, p. 34

188
l’incapacité juridique de l’administration de recourir à l’arbitrage.491du principe de la
séparation des autorités administratives

D’ailleurs ces évocations sont de nature juridique, mais selon Charles Jarroson elles voilent
seulement la véritable raison de l’interdiction de l’arbitrage qui n’est pas du tout de nature
juridique. En effet, la véritable justification du principe de la prohibition de l'arbitrage en
droit public tient fondamentalement à une volonté très simple à exprimer : celle de réserver le
contentieux public aux juridictions de l'État et d'exclure toute compétence concurrente, c'est-
à-dire de réserver le pouvoir de connaître ces questions au juge étatique.492

D’une façon ou d’une autre, il est certain que le monopole du contentieux public pour les
juridictions de l’État après la seconde guerre mondiale était devenu une tâche très lourde à
supporter pour l’État seul. A cette époque-là les États ont commencé à développer des
activités commerciales et on a vu émerger un droit administratif économique dont les bases ne
peuvent plus être les mêmes que celles d’autrefois et, dans ce contexte, l’arbitrage connaît une
réalité plus favorable à son esprit.

Apostolos Patrikios affirme que la doctrine hostile du XIXème siècle concernant l’admission de
l’arbitrage révélait un conservatisme exagéré, mais les conséquences n’étaient pas trop graves
car, à cette époque-là, le rôle de l’État n’était pas d’exercer des activités économiques. En
revanche, après la seconde guerre mondiale, le rôle de l’État a radicalement changé et le droit
administratif s’est rapproché du droit privé pour correspondre à ces nouvelles fonctions
administratives du commerce et de l’industrie totalement étrangères aux activités classiques
de l’État et qui ont provoqué un bouleversement du droit administratif ramenant l’arbitrage à
un nouveau débat.493

Comme réponse doctrinale, on peut évoquer la thèse de Pierre Stillmunks qui annonce un
nouveau regard pour l’arbitrage qu’il considère possible dans le domaine du droit
491
Sur cette théorie l’auteur dénonce une imprécision du point de vue juridique. «L’incapacité du droit civil et la
tutelle administrative sont deux choses de nature différente qui ne peuvent être comparées. » PATRIKIOS. Op.
cit. p. 35 et Charles Jarronson affirme que […]On ne citera que pour mémoire, car elle n'a plus de réelle
audience, la justification tenant à la thèse de l'incapacité de l'administration. JARRONSON. Charles.
L’arbitrage en droit public. AJDA, 1997, p. 16.
492
JARRONSON, Charles. L’arbitrage en droit public. AJDA, 1997, p. 16.
493
PATRIKIOS, Apostolos. L’arbitrage en matière administrative. Paris: LGDJ, 1997, p. 49

189
administratif économique, branche du droit qu’il entend différent du droit administratif
classique494. De même, dans un article de 1973, le professeur Jean Rivero a construit une
nouvelle base pour l’interdiction de l’arbitrage en matière administrative en affirmant que
l’État ne pouvait pas se dérober à ses propres juridictions et par conséquent il propose une
double distinction, admettant l’arbitrage quand le litige relève du juge judiciaire et
l’interdisant quand il relève du juge administratif. Il aborde aussi la question des
établissements publics qui, selon l’auteur, pourraient recourir à l’arbitrage quand ils ont un
caractère industriel et/ou commercial.495

Par ailleurs au Brésil, l'article 1° de la loi 9307/96 aborde à la fois la possibilité d’un arbitrage
subjectif et objectif: « les personnes qui ont la capacité de contracter peuvent recourir à
l'arbitrage pour trancher les litiges qui concernent des droits économiques disponibles».496
Gilberto Giustti dit que la capacité de l'administration publique de contracter est limitée par le
principe strict de légalité497 qui prévoit que les organismes dans lesquels l'État a une
participation peuvent contracter uniquement dans les matières expressément prévues par la
loi. Donc sans une loi qui permet à l'État ainsi qu'à d'autres organes de l'administration
publique de régler leurs conflits par arbitrage, toute clause compromissoire insérée dans des
contrats exécutés par ces derniers peut être considérée comme nulle.498

En outre, l'article 52, § 2 de la loi no 8666 du 21 juin 1993, est aussi invoqué comme véritable
obstacle à l'arbitrage pour les litiges dans lesquels l'administration publique est partie. Selon
cette disposition, le lieu du siège de l'administration doit être choisi pour la résolution des
litiges et doit être expressément déterminé dans les contrats conclus avec l'administration
publique. Dans ce contexte, ce lieu doit être considéré comme le siège de l'autorité
judiciaire.499

494
STILLMUNKES, Pierre. L’arbitrage en droit administratif. Thèse. Paris, 1960 cité par PATRIKIOS. Op. cit.
p. 49
495
RIVERO, Jean. Personnes morales de droit public et arbitrage. Revue de l’arbitrage. 1973, p. 268.
496
Loi 9307/96, art. 1ºAs pessoas capazes de contratar poderão valer-se da arbitragem para dirimir litígios
relativos a direitos patrimoniais disponíveis.
497
Prévu à l'article 37 de la Constitution fédérale 1988 : « L'administration publique de chacun des pouvoirs de
l'Union, des Etats, du District fédéral et des Communes, tant directe qu'indirecte ou sous régime de fondation,
obéit aux principes de légalité, d'impersonnalité, de moralité, de publicité, ainsi qu'à ce qui suit […]»
498
GIUSTTI, Gilberto. Les développements récents de l'arbitrage au Brésil. Gazette du Palais, n° 339, 2004, p. 18
499
GIUSTTI. Op. cit. p. 22.

190
Il faudrait que le Brésil change de mentalité et qu’il trouve des fondements juridiques qui
rendent plus souple la doctrine existante. Du fait de sa condition de pays en phase de
développement, comme le relève Arnold Wald, d’autres facteurs l’ont obligé à rechercher de
nouvelles solutions aux litiges en matière administrative, tels que l'arbitrage et la médiation.
Dans ces pays dont l'économie a démarré après la Seconde Guerre Mondiale et qui atteignent
leur maturité avec un certain retard, le système juridique a besoin d’être modifié beaucoup
plus rapidement que dans un pays comme la France pour s'adapter aux nouvelles technologies
et à la mondialisation.500

De cette façon, et toujours selon cet auteur, nous assistons à une « banalisation de la partie
publique en ce qui concerne l'arbitrage commercial international, qui s'impose beaucoup plus
vite et d'une façon plus complète dans les pays émergents, qui savent que leur retard
économique peut les exclure de la société internationale, mais aussi que la réalisation
immédiate de réformes importantes et la réorganisation de leur économie sont susceptibles de
les transformer en grandes puissances occupant, dans le prochain demi-siècle, les premières
places sur le plan mondial en ce qui concerne la productivité et même le produit intérieur
brut.501

Tout d’abord la possibilité d'utiliser l'arbitrage dans les litiges en matière administrative n’a
suscité de gros débats au Brésil qu’à partir des années 1990, l’époque où l’État change de rôle
devenant un État régulateur et non interventionniste. À cette époque, l’État brésilien stimule
et subventionne l’activité privée dans les secteurs qui jusqu’à présent étaient monopolisés par
l’État. Il choisit d’amoindrir son pouvoir pour flexibiliser les modes d’actuation étatique
rigides en faveur de l’efficience. Il privilégie l’administration publique du partenariat entre le
public et le privé à une administration publique de décisions unilatérales, hiérarchisée,
verticale et autoritaire.502

Ces contrats administratifs jouent donc un rôle essentiel dans cette période de développement
et stimule des relations entre l’État et les particuliers. Par contre, les conflits sont aussi
constants et ils ont besoin d’être réglés le plus vite possible de façon à ne pas compromettre
500
WALD. Arnold. La résolution, par l'arbitrage, des conflits entre l'administration publique et les entreprises
privées en droit brésilien. Gazette du Palais, 17 juillet 2007 n° 198, p. 6.
501
WALD. Op. cit. p. 23
502
DI PIETRO. Maria Sylvia Zanella. Parcerias na Administração Pública. 4ed. São Paulo: Atlas, 2002, p. 16.

191
l’avenir des relations entre le public et le privé, raison pour laquelle le regard sur l’arbitrage
assume une position privilégiée.503

Lorsque nous comparons les raisons qui mènent ces deux régimes juridiques à prendre les
mêmes mesures pour empêcher d’avoir recours à l’arbitrage par les personnes morales de
droit public, nous en arrivons à la conclusion que malgré la différence entre l’unicité
juridictionnelle brésilienne et la dualité juridictionnelle française, dans les deux régimes
juridiques la vraie question qui se pose, c’est celle de la protection de l’ordre public.

Toutes les autres questions suscitées sont liées à la protection de l’ordre public pour la
personne morale de droit public. Comme on pourra le vérifier, tant que la doctrine et la
jurisprudence continueront d’affaiblir la rigueur de cette interdiction pour rendre l’arbitrage
plus compatible aux bouleversements qui ont lieu sur le plan économique, elles vont trouver
des moyens légitimes pour dépasser ces obstacles formels et qui ne sont pas absolument
indispensables à la protection de l’ordre public.504

A ce sujet Célia Verrot et Anne Courrèges estiment que le malentendu provocateur de toutes
ces hostilités contre l’arbitrage est issu du fait que le principe de prohibition de l'arbitrage
n'est en effet qu'un principe général du droit, et rien n'interdit qu'il y soit dérogé par des
dispositions législatives expresses505.C’est justement ce raisonnement que l'Assemblée
générale du Conseil d'État a cristallisé dans son avis sur la réalisation du parc Eurodisney506 et
qui a été confirmé par le Conseil constitutionnel en considérant que la valeur du principe qui
porte sur l’interdiction de l’arbitrage est de niveau législatif et non pas constitutionnel507.

503
REINERT, Edison Eduardo Borgo. Contratos administrativos e a aplicabilidade de lei de arbitragem. Revista
Brasileira de Direito Público, Belo Horizonte, v. 8, n. 28, jan. 2010. Disponível em:
<http://br.stj.jus.br/dspace/handle/2011/33966>. Acesso em: 1 jul. 2010, p. 8.
504
Comme affirme Pierre Delvolvé : Ces positions ont sans doute été exagérées parce qu’elles méconnaissent
tantôt les exigences tantôt les limites du droit public.504 DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public français.
Bruxelles : LGDJ, 2010, p. 189 ; et Charles Jarronson : Il faut immédiatement relever qu'il n'y a pas
d'incompatibilité rationnelle entre arbitrage et droit public. Sans même opérer un détour par le droit
international public - qui connaît l'arbitrage depuis l'Antiquité - ni par le droit comparé - qui fourmille
d'exemples -, on trouve dans l'histoire tout comme dans certains textes actuels des illustrations de recours à
l'arbitrage en droit public. JARRONSON, Charles. L’arbitrage en droit public. AJDA, 1997, p. 16.
505
COURRÈGES, Anne et VERROT, Célia. L'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques - quelques
éclairages sur un rapport récemment remis au Garde des Sceaux. RFDA, 2007, p. 489.
506
CE, Avis, 6 mars 1986, n° 339710, GACE n° 15.
507
Cons. const. 2 déc. 2004, n° 2005-506 DC.

192
A. Situation actuelle de l’arbitrage en matière administrative en
France

L’arbitrage français, au cours des dernières années, s’est développé au bénéfice de certaines
catégories d'établissements industriels et commerciaux. La loi du 9 juillet 1975 a permis au
gouvernement de déterminer par décret les catégories d’établissements publics industriels et
commerciaux pouvant recourir à l’arbitrage. Ce n’est que le 8 janvier 1982 que ce décret a été
adopté. Les établissements, à l’exemple de la Société Nationale des Chemins de fer Français
(SNCF), de la Poste, du Réseau Ferré de France (RFF), de l’OSEO, de l’Électricité de France
et du Gaz de France et de la Caisse Centrale de Réassurance, pourraient recourir à
l’arbitrage.508

De plus, il y a le Code de justice administrative qui dans l’article L. 311-6 ramène une
énumération non limitative de dérogation des juridictions de premier ressort, où il est possible
de recourir à l'arbitrage. Il y a aussi l'ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004 relative aux
contrats de partenariat qui prévoit, le cas échéant, de pouvoir avoir recours à l’arbitrage. Ce
dispositif a été admis par le Conseil d'État sur le fondement d'une simple habilitation implicite
du législateur.509

Tout en admettant l’évolution des idées sur l’admissibilité de l’arbitrage, Daniel Labatoulle
dénonce l’absence de logique et de dessein d’ensemble dans la façon dont ces données
nouvelles se succèdent et se combinent alors qu’il incite en même temps le législateur à
adopter l’équivalent du livre quatrième du Code de procédure civile dédié à l’arbitrage et qui
n’a pas d’équivalent dans le droit du contentieux administratif. Pour l’auteur, il faut que deux
problèmes principaux concernant l’arbitrage en droit administratif soient résolus: le manque

508
A l’exception de la SNCF, RFF et OSEO, l’ouverture pour recourir à l’arbitrage est devenue inutile, car GDF
et EDF ont été transformés en société en 2004 ; France Télécom a été transformée en société depuis 1996 et pour
La Poste il y a déjà un projet de loi dans le même sens ; et la Caisse Centrale de Réassurance a aussi été
transformée en société en 1992. DELVOLVE. Pierre. L’arbitrage en droit public Français… Op. cit. p. 197.
509
L’exemple des contrats de partenariat est lui aussi révélateur de cette évolution du besoin pour les personnes
publiques de recourir à l’arbitrage dans des matières déterminées. Le Conseil d’Etat, par sa décision Sueur et
autres du 29 octobre 2004, a en effet considéré que, « compte tenu de la complexité » de ces contrats « rendant
nécessaire la mise en place de modalités adaptées de règlement des litiges », l’ordonnance du 17 juin 2004 qui
les créait avait pu déroger au principe général du droit prohibant le recours à l’arbitrage pour les personnes
morales de droit public. SAUVE. Jean-Marc. Colloque du 30 septembre 2009 organisé par la Chambre
Nationale pour l’Arbitrage Privé et Public L’arbitrage et les personnes morales de droit public. Disponible sur :
http://www.conseil-etat.fr/cde/fr/discours-et-interventions/larbitrage-et-les-personnes-morales-de-droit-
public.html#_ftn8. Consulté le 06 avril 2011.

193
de définition d’un régime procédural et l’éclaircissement des règles relatives à la possibilité
des personnes morales de droit public de recourir à l’arbitrage.510

A l’époque, sans une réforme générale du régime de l’arbitrage qui garantissait quelque
précision quant aux règles de procédure applicables et quant aux voies de recours contre les
sentences arbitrales, les personnes publiques et leurs partenaires n’étaient pas rassurés en
choisissant la voie la voie de l'arbitrage lorsque celle-ci leur était ouverte. C’est pour cette
raison que le 7 avril 2006, le Garde des sceaux a demandé au Vice-président du Conseil
d’État de constituer un groupe de travail afin qu’une réflexion soit engagée sur les hypothèses
et les conditions dans lesquelles les personnes morales de droit public pourraient recourir à
l’arbitrage pour le règlement de leurs litiges, à l’exception de ceux relatifs au contentieux des
actes administratifs unilatéraux.511

Ce rapport proposait un avant-projet de loi qui représentait un renversement du principe de


prohibition de l'arbitrage. Dans ce rapport, en ce qui concerne le champ de compétence
organique, toutes les personnes publiques pouvaient recourir à l’arbitrage dans les matières
contractuelles, sans aucune distinction entre les différentes catégories de personnes
publiques.512

En ce qui concerne le champ matériel, le recours à l’arbitrage serait possible pour tous les
litiges nés d’un contrat et opposant les parties à ce contrat. Cette délimitation avait été
clairement faite dans la demande du Garde des Sceaux au groupe de travail. La lettre de
mission elle-même excluait que les litiges relatifs à la légalité d'actes administratifs
unilatéraux puissent faire l'objet d'un arbitrage.513

Ce projet de réforme du régime de l’arbitrage a été inséré dans le projet de loi de


simplification du droit déposé au Sénat le 13 juillet 2006, mais le calendrier parlementaire n'a

510
LABETOULLE. Daniel. Pour un Statu de l’arbitrage en droit administratif. Mélanges en l’Honneur de Jean-
François Lachaume. Paris : Dalloz, 2007, p. 673.
511
Ministère de la Justice. Rapport Final du Group de Travaille sur l’arbitrage. Disponible sur :
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_final.pdf. Consulté le 11 avril 2011.
512
DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public français. Op. cit. p. 196.
513
Sauf l’appréciation par l’arbitre de question préjudicielle sur la légalité des actes administratifs.
COURRÈGES, Anne et VERROT, Célia. L'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques quelques
éclairages sur un rapport récemment remis au Garde des Sceaux. RFDA, 2007, p. 489.

194
pas permis la discussion de ce projet de loi. Donc, à l'occasion de l'examen de la loi relative à
la protection juridique des majeurs, le gouvernement a introduit par amendement cette
disposition pour que le Parlement l’habilite à prendre par ordonnance la réforme permettant
aux personnes morales de droit public de recourir à l’arbitrage.514 Cet article, adopté par le
Parlement, a été censuré par le Conseil constitutionnel pour un motif de procédure puisqu'il
constituait un « cavalier législatif ». 515

L’échec du projet de loi, fêté par quelques opposants516, a créé une situation de confusion
autour de l’arbitrage aboutissant à une prolifération de textes et à l’absence d’un statut général
de l’arbitrage en droit public français. Pierre Delvolvé regrette que le gouvernement ait
renoncé à poursuivre l’adoption du projet Labetoulle qui, à son avis, pourrait améliorer le
droit actuel.517

Sans le renouvellement proposé par le projet de loi, la situation en France pour les personnes
morales de droit public peut être résumée de la manière suivante :

1. Pour les établissements publics industriels et commerciaux, c’est-à-dire la SNCF, RFF,


OSEO, il existe une ouverture pour l’arbitrage. Pour les établissements publics à caractère
scientifique et technologique tout comme pour ceux à caractère culturel et professionnel, il y a
aussi cette ouverture518 et, de la même façon, pour l’établissement public d’archéologie
préventive.519 En ce qui concerne les établissements publics administratifs cette ouverture

514
COURRÈGES, Anne et VERROT, Célia. L'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques -
quelques éclairages sur un rapport récemment remis au Garde des Sceaux. RFDA, 2007, p. 489.
515
Pou Thomas Clay : « Une fois n'est pas coutume, ce Panorama s'ouvrira avec une décision du Conseil
constitutionnel, datée du 1er mars 2007, rendue sur un sujet qui n'a rien à voir avec l'arbitrage, puisqu'il
s'agissait de contrôle de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs (Cons. const. 1er mars
2007, n° 2007-552 DC ; D. 2007. Actu. lég. 645, obs. A. Astaix ; AJDA 2007. 502, note Z. Ait-El-Kadi ; RFDC
2007. 580, note O. Le Bot ; LPA 2008, obs. T. Clay, à paraître). Et c'est précisément parce que le sujet n'avait
rien à voir que le Conseil constitutionnel a censuré l'article 40 de cette loi qui habilitait le gouvernement à
prendre des ordonnances, dans les deux mois, pour favoriser le recours à l'arbitrage de toutes les personnes
morales de droit public dans toutes les matières contractuelles à l'exclusion des contrats de louage de services. »
CLAY. Thomas. Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges. Recueil Dalloz, 2008, p. 180.
516
CLAY, Thomas. Op. cit. p. 180 ; JARRONSON. Charles ; LEMAIRE, Sophie et RICHER, Laurent. Pour un
projet viable de réforme de l’arbitrage en droit administratif. AJDA, 2008, p. 617.
517
DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public français. Op. cit. p. 195
518
Loi du 5 juillet 1982, art. L. 321-4 du Code de la Recherche et la Loi du 12 juillet 1999, art. L. 711-1 du code
de l’Education.
519
Loi du 1er août 2003, art. L. 523-10 du code do patrimoine. C’est le seul exemple d’arbitrage obligatoire en
matière administrative.

195
existe indirectement pour les chambres de commerce et d’industrie dans les conditions
définies par décret. 520
2. Pour les personnes publiques en général tels que l’État et les collectivités territoriales,
chacune peut isolément recourir à l’arbitrage pour les litiges issus des marchés de travaux et
de fournitures521 et pour les contrats de partenariat522 . Ensemble, les personnes publiques ne
peuvent recourir à l’arbitrage que pour les litiges relatifs aux contrats qu’elles concluent
conjointement avec des sociétés étrangères pour la réalisation d’opération d’intérêt national.523

Au-delà des dispositions législatives évoquées qui font une exception quant au principe
général de l’interdiction pour l’arbitrage, il y a aussi des stipulations internationales qui
permettent aux personnes publiques de recourir à l’arbitrage. Il s’agit de la Convention
Européenne de Genève sur l’arbitrage commercial international conclue le 21 avril 1961 et
qui, par le décret du 26 janvier 1968, a été introduite dans l’ordre interne français sans limiter
d’une quelconque manière la faculté des personnes publiques de recourir à l’arbitrage dans le
champ de la convention. Les conventions bilatérales relatives à certains projets prévoient
directement le recours à l’arbitrage, à l’exemple du traité conclu à Rome entre la France et
l’Italie, le 14 mars 1953, pour la construction et l’exploitation du tunnel sous le Mont-
Blanc. D’autres traités sont celui de Cantorbery du 12 février 1986 entre la France et la
Grande-Bretagne pour la liaison fixe transmanche et aussi l’accord entre la France et
l’Espagne pour la ligne ferroviaire à grande vitesse entre les deux pays. Ces conventions
traitent de l’arbitrage entre les États et les sociétés concessionnaires ou entre les
concessionnaires elles-mêmes.524

Quant aux trois conventions internationales les plus importantes, c’est-à-dire la Convention de
New York525 , la convention de Washington526 et la Convention de Rome527, elles n’apportent

520
Loi du 2 août 2005.
521
Code des Marchés Publics art. 128
522
L’ordonnance du 17 juin 2004.
523
« La formule a été adoptée spécialement pour permettre l’introduction d’une clause compromissoire dans le
contrat conclu avec la société Disney en vue de la réalisation d’un parc de loisirs à l’Est de
Paris.»DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public français. Op. cit. p. 198.
524
DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public français. Op. cit. p. 200.
525
Article V.2, b de la Convention.
526
L’avis du CE du 6 mars 1986.
527
LEMAIRE, Sophie. Le règlement ROME 1 du 17 juin 2008 et les contrats internationaux de l’administration.
AJDA, 2008, p. 2042.

196
aucune exception au principe général français de l’interdiction pour les personnes publiques
de recourir à l’arbitrage.

L’interdiction des personnes publiques de recourir à l’arbitrage en matière de litiges


contractuels, même quand la loi étrangère est applicable, cela ne signifie pas qu’un droit
étranger par lui-même permettrait de soumettre à l’arbitrage des litiges en dehors des
permissions légales françaises. Ainsi, sauf texte, des contrats importants, comme les
concessions emphytéotiques administratifs, les conventions de bail sur le domaine public, qui
sont fondamentalement des contrats administratifs, ne peuvent donner prises à l’arbitrage,
même s’ils sont attribués à des sociétés étrangères qui apportent capitaux, marchandises ou
services : le caractère « international » de l’exécution ne peut prévaloir sur leur nature
administrative. Ils ne peuvent donner lieu à l’arbitrage.528

En revanche, tous les litiges de droit privé à propos du commerce international, en dépit de la
participation de personnes morales de droit public, font l’objet d’un régime particulier où le
recours à l’arbitrage est largement assuré. Il est réglé par les articles 1492 et suivants du Code
de procédure civile et par la Convention européenne du 21 avril 1961 sur l’arbitrage
commercial international. Cependant, faisons remarquer qu’il faut qu’il s’agisse de litiges de
droit privé.529

Comme exemple, nous pouvons citer l'affaire Societe Myrtoon Steamship où la juridiction
française a admis la capacité de l'État français de compromettre sur le plan international.
Dans une charte-partie passée entre l'État français et la Société Myrtoon Steamship figurait
une clause compromissoire aux termes de laquelle en cas de différend chacune des deux
parties devait designer un arbitre. L'État français n'ayant pas effectué cette désignation, le
différend fut jugé par l'arbitre de la Société Myrtoon Steamship. Le Président du Tribunal civil
de la Seine accorda l'exequatur à la sentence arbitrale ainsi rendue et son ordonnance fut
confirmée par la Cour d'Appel de Paris dans son arrêt du 10 Avril 1957. Le Tribunal des

528
DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public français. Op. cit. p. 205.
529
« Ainsi, sauf texte, des contrats importants, comme les concessions, les baux emphytéotiques administratifs,
les conventions de bail sur le domaine public, qui sont fondamentalement des contrats administratifs, ne
peuvent donner prise à l’arbitrage, même s’ils sont attribués à des sociétés étrangères qui apportent capitaux,
marchandises ou services : le caractère international de l’exécution ne peut pas prévaloir sur leur nature
administrative. Ils ne peuvent pas donner lieu à l’arbitrage. »DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public
français. Op. cit. p. 206.

197
Conflits à la suite de l’arrêté de conflit frappant l'arrêt de la Cour de Paris a estimé que,
s'agissant d'un contrat de droit privé, les tribunaux judiciaires étaient seuls compétents pour
apprécier la validité de la clause compromissoire.530

Yvon Loussouarn estime que l’État français, dans la mesure où il est commerçant, doit
pouvoir recourir à l'arbitrage sur le plan international, il faut renoncer à résoudre le
problème en termes de conflits de lois et admettre que l’incapacité qui le frappe est limitée
aux seuls contrats de droit interne et est sans application pour les contrats de droit privé
ayant un caractère international.531

B. Situation actuelle de l’arbitrage en matière administrative au


Brésil

Une grande partie de la doctrine brésilienne défend que l’arbitrage ne peut être établi pour les
personnes publiques sans fondement légal par imposition du principe constitutionnel de la
légalité stricte.532 Néanmoins, quelques autres auteurs défendent une position plus ouverte
admettant que les clauses arbitrales peuvent être mises dans tout contrat administratif.

Face à ces oppositions doctrinales Carmen Tiburcio systématise trois positions différentes sur
le même sujet533: (a) Le premier groupe soutient que l’arbitrage serait légitime dans un
quelconque contrat administratif par disposition de l’art.54 de la loi 8.666/93534 , qui admet
que les principes concernant les contrats de droit privé sont applicables aux contrats de droit
535
public ; (b) Le deuxième groupe soutient que les lois existantes dans le système et qui
autorisent spécifiquement le recours à l’arbitrage pour les personnes publiques, dans quelques
530
CA Paris, 10 avril 1957, Société Myrton Steamship, JCP, 1957, II, 10078.
531
LOUSSOUARN, Yvon. L'Etat-Commerçant et la Compétence Juridictionnelle Internationale. Netherlands
International Law Review. Vol. 9, 1962, pp. 318/323. Disponible sur
http://journals.cambridge.org/action/displayFulltext?type=1&fid=5053448&jid=NLR&volumeId=9&issueId=04
&aid=5053440. Consultéle 08 avril 2011.
532
BARROSO. Luis Roberto. Sociedade de economia mista prestadora de serviço público. Cláusula arbitral
inserida em contrato administrativo sem prévia autorização legal. Invalidade. RDB, 2033, p. 415;
BITTENCOURT, Sidney. A cláusula de arbitragem nos contratos administrativos. DCAP, 2000, p. 5.
533
TIBURCIO, Carmen. A arbitragem envolvendo a Administração Publica. RFD, 2007. Disponible sur :
http://www.e-publicacoes.uerj.br/index.php/rfduerj/article/viewFile/1353/1141. Consulté le13 avril 2011.
534
Art. 53 de La loi 8666/1993 : « Os contratos administrativos de que trata esta lei regulam-se pelas suas
cláusulas e pelos preceitos de direito público, aplicando-lhes, supletivamente, os princípios da teoria geral dos
contratos e as disposições de direito privado »
535
DALLARI. Adilson Abreu. Arbitragem na Concessão de Serviço Público.Revista de Informação Legislativa
do Senado Federal, 1995. Disponible sur : http://www2.senado.gov.br/bdsf/bitstream/id/176408/1/000506871.pdf.
Consulté le 11 avril 2011.

198
domaines que ce soit, donneront une autorisation généralisée pour n’importe quelle situation ;
(c) Le dernier groupe défend l’argument selon lequel l’administration publique pourrait
recourir à l’arbitrage librement quand il s’agit de sociétés d’économie mixte et d’entreprises
publiques de nature commerciale ou industrielle, personnes morales qui bien qu’elles fassent
partie de l’administration publique sont soumises au régime de droit privé dérogé par
quelques normes du droit public.536

La jurisprudence démontre la même incohérence de la doctrine, mais en y ajoutant d’autres


arguments, comme le démontrent les exemples suivants. La Cour Suprême a admis le recours
à l'arbitrage dans le cas « Minas x Werneck », même sans l’existence d’une loi l’autorisant537,
dans le cas« Lage538», la chose s'est produite différemment car il y avait un décret spécifique
qui autorisait l’arbitrage.539Le Tribunal de Justice du District Fédéral a admis le recours à
l'arbitrage en utilisant comme fondement le cas « Lage », dans les cas « Compagas x Carioca
Passarelli » et « Energética Rio Pedrinho x COPEL ». De même, le Tribunal de Justice du
Paraná a admis l’arbitrage mais en utilisant un autre argument, celui de l’existence de droits
de nature économique, c’est-à-dire des droits disponibles pour lesquels le recours à l’arbitrage
est permis.540 Cet argument a été renforcé grâce aux décisions du Plus Haut Tribunal Fédéral,
le Superior Tribunal de Justiça (STJ) qui confirment sa tendance favor arbitratis.541

En revanche, le Tribunal de Rio de Janeiro, dans le cas Guggenheim, n'a pas accepté la
possibilité d'arbitrage. Ancré sur l’argument que la clause 12.2 qui déterminait le secret

536
Constitution Fédérale du Brésil Art. 173, §1°. « Les entreprises publiques, sociétés d'économie mixte et autres
entités exerçant des activités économiques sont soumises au régime juridique propre aux entreprises privées, y
compris en ce qui concerne les obligations imposées par la législation du travail et par la législation fiscale. »
L’amende constitutionnelle nº 19/98 a ajouté au dispositif cité la rédaction suivante : “La lois établirai le statut
juridique des entreprises publiques et des sociétés d’économie mixte et de leurs subsidiaires que exploitent des
activités économiques de production des biens ou des services disposant sur :
(...)II – a soumission au régime juridique propre des entreprises privés, inclus les droits et responsabilité civile,
commerciale, fiscaux e, du travaille. »
537
La Cour Suprême (STF), le 4 juin.1918, Ap. Cív. 3.021/MG, Rel. Min. Pedro Lessa
538
TJDF, publié leDO18 août 1999, MS 1998002003066-9/DF, Relª. Desª. Nancy Andrighi
539
Dans cette affaire la Suprême Cour a accepté l’arbitrage pour régler la somme due par l’Etat en raison de
l’expropriation des biens composants du patrimoine des entreprises de la famille Lage. La Cour Suprême (STF),
15 fev. 1973, AI 52.181/GB, Rel. Min. Bilac Pinto
540
TJPR, publié leDO20 février 2004, AC 247.646-0/PA, Rel. Juiz Lauro Laertes de Oliveira et TJPR,
publiéleDO 30 septembre. 2005, AI 0169656-8/PA, Rel. Juiz Fernando César Zeni.
541
STJ, publié le14 septembre. 2006,Resp 612.439/RS, Rel. Min. João Otávio Noronha ; STJ, publié le 14 août
2006, AgRg no MS 11.308/DF, Rel. Min. Luiz Fux; publié le 30 octobre 2006, EDcl no AgRg no MS
11.308/DF, Rel. Min. Luiz Fux

199
comme condition de validité de l’arbitrage et de tous ses éléments, ce qui était contraire à
l'article 37 de la Constitution Fédérale, le tribunal a déclaré la nullité de la clause.542

Le Tribunal du Rio Grande do Sul dans le cas Uruguaiana x CEEE n’a pas non plus admis
l’arbitrage mais, cette fois-ci, en soutenant l’exclusivité de la compétence judiciaire pour
régler les litiges.543

La Cour des Comptes (TCU – Tribunal de Contas da União) se maintient inflexible envers la
possibilité des personnes morales de droit public de recourir à l’arbitrage sans une loi qui
l’autorise. 544

Donc, on peut en déduire qu’actuellement dans les hypothèses où la loi prévoit le recours à
l’arbitrage pour les personnes publiques il n’y a pas de doute. En revanche, dans les autres
situations les incertitudes et les hésitations subsistent encore.545

§II. La procédure de l’arbitrage et ses particularités en droit


administratif

Un des avantages universels offert par l’arbitrage est la procédure peu formaliste permettant
justement d’accélérer le déroulement de l’instruction et donc de créer une ambiance propice
au dialogue. En outre, la liberté rendue aux intéressés d’organiser la procédure favorise
l’autonomie de volonté et rend la procédure moins dialectique et plus consensuelle.

Apostolos Patrikios dit que la présence de l’administration, comme partie de l’instance


arbitrale, exige un plus grand formalisme dans la procédure. Par conséquent l’auteur nous

542
TJRJ, publié j. 29 octobre 2003, AI 2003.002.07839, Rel. Des. Ademir Pimentel.
543
TJRS, j.14 nov. 2002, AI 70003866258, Relª. Desª. Teresinha de Oliveira Silva.
544
TCU, DOU 4 août. 1993, Décision 286/93, Rel. Min. Homero Santos. Intéressé: Dep. Fed. Paulino Cícero,
Ministre. Société Hydro Electrique Du São Francisco ;TCU, DOU 3 jan. 1995, Décision 763/94, Rel. Min. Carlos
Átila Álvares da Silva. Responsable:FabianoVivacqua – Directeur-Général du DNER. Entité: Département National d’
Auto route – DNER.
545
Il y a au Brésil quelques lois spécifiques qui admettent le recours des personnes publiques à l’arbitrage : la loi
5662/1971, art. 5° du « BNDES » – La banque nationale du développement ; le Décret-loi 1312/1974, art. 11 des
empruntes ; la loi 8693/1993, art. 1° du transport ferroviaire ; la loi 8987/1995, art. 23 des concessions ; la loi
10484/2004, art. 4° de la Chambre de commercialisation d’énergie électrique ; e la loi 11079/2004, art. 11 des
Partenariats public-privés.

200
invite à faire une analyse séparée de la procédure en matière administrative, la procédure étant
considérée comme une institution autonome.546

Pierre Delvolvé ajoute que l’arbitrage, comme tout mode juridictionnel de solution des litiges,
est un mécanisme à procédure et que l’arbitrage en matière administrative n’échappe pas à
cette règle. Néanmoins, le point de départ et le déroulement de l’instance peuvent présenter
quelques particularités.547

A. La compétence pour adopter le compromis ou pour conclure


une clause compromissoire.

Tout arbitrage, sauf quand il est obligatoire, est fondé sur une convention. Le système
français, à l’inverse du système brésilien actuel, fait une distinction entre le compromis et la
clause compromissoire. Dans cette mesure il faut déterminer d’abord à quel moment les
personnes publiques peuvent conclure une clause compromissoire et quand elles sont
uniquement habilitées à conclure un compromis.

La clause compromissoire insérée dans un contrat constitue un engagement plus risqué qu'un
simple compromis, elle traduit l'engagement des parties au contrat de régler par la voie de
l’arbitrage les litiges qui pourraient naître à l'avenir en raison de ce contrat. Lorsqu’il s’agit
d’un compromis, celui-ci est conclu après la naissance du litige, en vue de son règlement. En
effet, comme Célia Verrot et Anne Courrèges nous le font remarquer, interdire aux personnes
publiques de conclure des clauses compromissoires signifie rendre illusoire l’ouverture du
champ de l’arbitrage pour ces personnes car, une fois le litige né, les chances que les parties
s'accordent sur une convention d'arbitrage se réduisent fortement.548

Au Brésil, ce n’est qu’à partir du système adopté par la loi 9307/1996 que la clause arbitrale
et le compromis ont commencé à avoir les mêmes effets. Auparavant, la clause arbitrale était
considérée seulement comme un précontrat sans le pouvoir d’exclure la compétence de la
justice étatique. Cette exclusion dépendait de la conclusion du compromis. Donc, le débat au

546
PATRIKIOS, Apostolos. Op. cit., p.198.
547
DELVOLVE, Pierre. Op. cit, p. 209
548
COURRÈGES, Anne et VERROT, Célia. L'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques - quelques
éclairages sur un rapport récemment remis au Garde des Sceaux. RFDA, 2007, p. 489

201
Brésil jusqu’en 2006 se faisait sur ces bases-là. Dépassé, cet obstacle a été considéré par la
doctrine comme un archaïsme, on ne fait plus aucune différence entre la compétence pour
conclure des clauses compromissoires ou des compromis, qu’il s’agisse de particuliers ou de
personnes publiques.549

En France, par ailleurs, le projet de la commission Labetoulle550 proposait pour tous les
contrats des personnes publiques, tantôt la clause compromissoire, tantôt le compromis.
Cependant, son rejet a permis la continuité d’une situation complètement ambigüe, comme on
le verra dans le contexte actuel.

En ce qui concerne les personnes publiques autorisées génériquement à conclure une


convention d’arbitrage ou à recourir à l’arbitrage, elles sont compétentes pour le compromis
et pour la clause compromissoire. Lorsqu’elles sont compétentes pour la clause
compromissoire, cette permission doit être comprise dans le sens large du terme pour
renfermer aussi dans son esprit la compétence pour conclure le compromis. Finalement pour
ce qui en est des litiges nés, ils ne permettent que le compromis.551

B. Le contrôle des actes administratifs en cours d’instance


arbitrale

La loi brésilienne sur l’arbitrage (Loi n°9307/1996) dispose que si une controverse survient au
cours de l’instance arbitrale à propos des droits indisponibles, ce n’est qu’après avoir vérifié
la nécessité d’un jugement spécifique que l’arbitre ou le tribunal arbitral renverra les parties à
l’autorité compétente du Pouvoir Judiciaire, en arrêtant la procédure arbitrale.

Il est certain que la légalité d’un acte administratif est une controverse sur un droit
indisponible, donc la seule chose à faire par le juge arbitral est d’accomplir ce qu’ordonne la
loi, le renvoi des parties au juge étatique, seule autorité compétente pour régler un conflit de
cette nature.

549
CARMONA. Carlos Alberto. Op. cit. p. 16/17.
550
Ministère de la Justice. Rapport Final du Group de Travaille sur l’arbitrage. Disponible sur :
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_final.pdf. Consulté le 11 avril 2011
551
Conseil d’Etat. Rapport de l’Assemblée Générale du 6 mars 1986. Disponible sur : http://www.conseil-
etat.fr/cde/media/document//avis/339710.pdf. Consulté le 13 avril 2011.

202
En raison des graves conséquences issues de l’inertie de l’arbitrage, il convient de remarquer,
comme l’a d’ailleurs déjà fait Carlos Alberto Carmona, que ces questions préjudicielles aptes
à suspendre le cours d’instance arbitrale et à être jugées par un juge étatique devraient se
limiter à des questions vraiment préjudicielles au règlement du litige.552 Généraliser ce
dispositif équivaudrait à réduire énormément le rôle de l’arbitrage dans le droit administratif.

Si au Brésil, où le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n’existe


pas, le juge arbitral ne peut pas apprécier la légalité des actes administratifs, cette interdiction
est d’autant plus justifiable en France où le pouvoir d’annulation des actes administratifs a été
constitutionnellement assuré aux juridictions administratives par le Conseil Constitutionnel
depuis sa décision du 23 janvier 1987.553

Toutefois, Apostolos Patrikios nous invite à voir ce sujet sous un nouveau regard. La question
centrale posée par l’auteur pour solutionner le problème est la place du tribunal arbitral dans
l’ordre des juridictions. Il affirme que l’arbitre ne se classe dans aucun autre ordre
juridictionnel classique, mais sa nature de juridiction d’exception est nette. S’il juge des
différends relevant du droit privé, il est naturellement un juge d’exception de l’ordre
judiciaire, en revanche, s’il juge des différends relevant du droit administratif, il constituera
une juridiction qui s’incorpore dans l’ordre administratif. Puisqu’il s’agit d’une juridiction du
même ordre, personne ne pourra invoquer un cas de question préjudicielle dans les cas
d’ordre administratif.554

Nonobstant la force et la lucidité de l’argument présenté, il n’est pas suffisant pour


reconnaître un pouvoir d’annulation des actes administratifs dont la compétence est d’ordre
constitutionnel, mais il faudra s’interroger pour savoir si dans ce cas-là il peut se prononcer
sur la légalité des actes.

Le groupe de travail sur le projet de loi dirigé par Daniel Labatoulle, malgré les limites
imposées par la lettre du Garde des Sceaux qui excluait les litiges relatifs à la légalité d'actes

552
CARMONA, Carlos Alberto. Op. cit. p. 363/367.
553
CC n. 86-224 DC du 23/11/1987
554
PATRIKIOS. Apostolos. Op. cit. 213/220.

203
administratifs unilatéraux du domaine de l’arbitrage, n'a en revanche pas exclu qu'une
juridiction arbitrale puisse être amenée à apprécier la légalité ou à interpréter un acte
administratif à l'occasion d'un litige contractuel. Cette innovation visait à éviter la
multiplication des questions préjudicielles préservant l'intérêt pratique du recours à
l'arbitrage.555

Selon Bertrand Seiller, le tribunal arbitral doit respecter les règles classiques qui gouvernent
la répartition des compétences et il énumère les cas où la loi reconnaît à l'arbitre le pouvoir de
statuer sur les questions préjudicielles : Art. 1470 do Code procédure civile modifié par le
Décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage : « Sauf stipulation
contraire, le tribunal arbitral a le pouvoir de trancher l'incident de vérification d'écriture ou
de faux conformément aux dispositions des articles 287 à 294 et de l'article 299. » ; il y a
aussi la Cour Supérieure d'Arbitrage556, instituée par le code du travail en matière de conflits
collectifs (art. L. 525-5 et s.), qui accorde plénitude de compétence aux juridictions arbitrales
du travail, ce qui inclut l'appréciation de la légalité des actes administratifs.557

Le Conseil d’État a déjà eu l’opportunité d’exposer son avis sur le thème dans le Rapport
Régler autrement les conflits, en 1993, et a déclaré que l’exclusion concerne le contentieux de
la légalité entraînant annulation ou réformation des actes administratifs contraires à la règle du
droit, tâche réservée seulement au juge administratif. Toutefois il n’est pas exclu qu’à
l’occasion d’un litige relevant de l’arbitrage, l’arbitre puisse être amené à examiner la légalité
ou le sens d’un acte administratif.558

C. La possibilité pour l’arbitre de statuer en équité

Afin d’exposer la complexité du sujet, on peut commencer par la célèbre phrase de Charles
Eisenmann « depuis qu’il ya des hommes sur la Terre, on discute sur ce qu’est l’équité.»559.

555
COURRÈGES, Anne et VERROT, Célia. L'arbitrage des litiges intéressant les personnes publiques -
quelques éclairages sur un rapport récemment remis au Garde des Sceaux. RFDA, 2007, p. 489
556
Cour sup. arbitrage 6 janv. 1983, Sté Air Polynésie, D. 1983. 230, concl. M. Pinault.
557
SEILLER, Bertrand. Question préjudicielle. Répertoire du contentieux administratif. Dalloz, 2010, p. 178.
558
Conseil d’Etat. Régler autrement les conflits… Op. cit. p. 89.
559
EISENMANN. Charles. Cours de droit administratif. Recueil, LGDJ, 1983, t. II, p. 316.

204
Si par rapport au droit en général l’équité a déjà une relation conflictuelle, ce conflit s’aggrave
par rapport au droit public où cette relation en arrive à être antinomique. Comme l’écrit
Marjolaine Fouletier, le droit public est édifié sur une base inégalitaire en faveur de la
puissance publique, sur l’argument de la réalisation de l’intérêt général. Donc, le juge
compétent pour appliquer ce droit doit se limiter à assurer le respect de la norme qui privilégie
la collectivité au détriment du particulier. Dans ce cas il n’y aurait pas de place pour l’équité
conçue traditionnellement comme une justice individuelle.560

Néanmoins malgré les difficultés de coexistence entre l’intérêt général et l’équité, le droit
public contemporain semble accepter l’équité et pour cette raison les modes alternatifs des
litiges administratifs deviennent un champ favorable pour cette approche. Nous présentons ci-
dessous les arguments qui permettront de vérifier si l’arbitrage et l’arbitre peuvent devenir un
amiable compositeur pour trancher les litiges administratifs en équité.

Pour Daniel Labetoulle, quand il s’agit d’une instance juridictionnelle, malgré des juridictions
étatiques distinctes, les personnes publiques sont soumises au droit et il est étrange qu'elles
optent pour une instance juridictionnelle qui accepte de ne pas appliquer le droit.561Dans ce
sens, Célia Verrot et Anne Courrèges ajoutent que si les parties souhaitent qu'un litige soit
réglé en équité, d'autres voies non juridictionnelles leur sont ouvertes, par exemple la
transaction ou la conciliation.

En dépit de ces raisonnements, l’article 1478 - L du Code de procédure civile modifié par le
Décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 portant réforme de l'arbitrage statue que : « Le tribunal
arbitral tranche le litige conformément aux règles de droit, à moins que les parties lui aient
confié la mission de statuer en amiable composition. ».Ce dispositif nous fait inférer dans le
sens contraire, que parfois les personnes qui se décident pour une juridiction alternative en

560
FOULETIER. Marjolaine. Recherches sur l’équité en droit public français. Bibliothèque de droit public. T.
229. Paris : LGDJ, 2003. p. 2
561
« Le tribunal arbitral est substitué à la juridiction étatique. Pour le surplus, le recours à l'arbitrage, ne
modifie pas le droit applicable au litige. Nous avons considéré que, s'agissant de litiges intéressant des
personnes publiques, il n'y avait pas lieu de prévoir la possibilité pour l'instance arbitrale de statuer comme
amiable compositeur. Les parties ne peuvent pas non plus, par la clause compromissoire, changer les règles de
fond applicables au contrat. De même, en cas de recours, l'ordre juridictionnel compétent est celui déterminé
par la nature du litige : la jurisprudence est bien fixée en ce sens, comme l'a récemment rappelé un arrêt du
Tribunal des conflits (16 oct. 2006, Caisse centrale de réassurance, AJDA 2006. 2382, chron. C. Landais et F.
Lenica)”.LABETOULLE, Daniel. Offrir une facilité nouvelle aux personnes publiques et à leurs cocontractants
pour régler leurs litiges. AJDA, 2007, p. 772.

205
dehors de la justice étatique veulent aussi s’éloigner des règles strictes du droit et pour cette
raison insèrent une clause d’amiable composition qui est souvent mal interprétée.562

D’ailleurs la différence entre les notions d’équité et de l’amiable composition est


remarquable. Matthieu de Boisséson affirme que quand un arbitre statue en amiable
compositeur cela ne veut pas dire qu’il tranche le litige à l’équité mais plutôt qu’il vise à
promouvoir l’équité. C’est une tentative d’amélioration du droit sans s’opposer à ce même
droit. Les parties, quand elles acceptent de ne pas être jugées exclusivement selon les règles
du droit étatique, ne donnent pas à l’arbitre l’autorisation de juger contre ou différemment
d’une convention légalement formée. Une quelconque façon d’agir en dehors de ces
conditions dénaturera l’amiable compositeur.563

En outre, il y a aussi les règles d’ordre public qui limitent l’exercice des fonctions de tout
arbitre, qu’il statue en droit ou en amiable compositeur. La première prescription porte sur
l’investiture de l’arbitre et amiable compositeur qui doivent être expressément investis par les
parties. La deuxième prescription porte sur l’immutabilité du litige et sur l’amiable
composition selon laquelle l’arbitre ne peut pas dépasser les limites fixées par la convention
arbitrale. La troisième consiste dans le respect du droit de la défense pendant le déroulement
de la procédure. La quatrième est le respect aux éventuelles règles procédurales prévues par
les parties dans la convention de l’arbitrage et la cinquième consiste dans le respect du
principe de la motivation des décisions.564

De même, lorsque le litige porte sur un quelconque sujet qui touche au cœur de l’ordre public,
comme la légalité des actes administratifs, il n’est pas arbitrable. Nous parlerons donc tout
d’abord des règlements des litiges où l’arbitre cherche à substituer une concertation entre
partenaires publics et privés en s’opposant à la relation traditionnelle entre la puissance
publique et l’individu. Ces modes de règlement, comme l’estime Marjolaine Fouletier, sont
fréquents dans la réalité contemporaine car les litiges portent moins sur des questions d’ordre
public que sur des questions d’ordre économique et social.565

562
APOSTOLOS. Patrikios. Op. cit. p. 260
563
BOISSESON, Mathieu. Le droit Français de l’arbitrage. Lille : GLN, 1990, p. 298/299.
564
BOISSESON. Op. cit., pp. 304/313
565
FOULETIER. Op. cit. p. 112.

206
Finalement jusqu’en 1993 et malgré tous ces arguments, le Conseil d’État, dans son Rapport
sur les modes alternatifs du règlement des litiges administratifs en ce qui concerne l’arbitrage,
est hostile à la mission d’amiable compositeur.566 Dans le même sens le groupe de travail
présidé par Daniel Labatoulle a considéré l’amiable compositeur comme un risque pour les
parties et suggère une proposition intermédiaire où, dans tous les cas, l’arbitre peut concilier
les parties par la transaction.567

La possibilité qu’a l’arbitre de devenir un amiable compositeur et de statuer par l’équité en


droit administratif brésilien est un tabou plus fort qu’en France. La doctrine semble réticente
même par rapport à son utilisation en droit privé, ce que confirme l’affirmation suivante :
Dans une optique franchement réaliste, on ne peut pas manquer de remarquer que l’arbitrage
ex « aequo » et « bono » soumet les parties à de sérieux risques, car ce qui est juste pour elles
peut ne pas l’être pour l’arbitre.568

A partir de cette affirmation qui exprime une grande méfiance face à l’amiable compositeur,
nous pouvons dire que le concept d’équité retenu par la doctrine brésilienne est fondé sur une
notion équivoque. Malgré la difficulté da saisir une notion claire et simple de la complexe
équité, nous pouvons admettre qu’elle peut être floue, comme la notion de justice, mais elle
ne va jamais être confondue avec les valeurs personnelles de l’arbitre.

Miguel Reale résume l’équité comme l’antidote de la simple application formaliste de la loi
par des magistrats insensibles et il poursuit en disant que l’équité est la justice adaptée à la
spécificité d’une situation réelle.569 En fonction de cette notion, on ne peut pas affirmer que le
jugement d’un arbitre fondé sur l’équité soit un jugement fait sur la base de valeurs
personnelles.

566
Conseil d’Etat. Rapport de la section des consultations et des études. Régler autrement les conflits… Op. cit.
p. 98.
567
Ministère de la Justice. Rapport Final du Group de Travaille sur l’arbitrage. Disponible sur :
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_final.pdf. Consultéle 11 avril 2011
568
« Numa visão francamente realista, não se pode deixar de notar que a arbitragem ex aequo e bono submete
as partes sérios riscos, pois o que parece juste a elas pode não parecer ao arbitro. » CARMONA. Op. cit., p.
67.
569
REALE, Miguel. Lições preliminares do direito. São Paulo Saraiva. 25 ed., São Paulo: Saraiva, 2001, p. 308

207
La loi brésilienne n° 9307/96 dans son article 2°, §1°, admet que l’arbitrage pourra être de
droit ou d’équité, au libre choix des parties qui pourront choisir librement les règles de droits
qui seront appliquées, à condition qu’il n’y ait pas violation des bonnes coutumes et de
l’ordre public.570

Paulo Otero explique que la possibilité qu’ont les tribunaux arbitraux de juger selon l’équité
ne leur donne pas l’autorisation de décider en dehors du droit ou arbitrairement contre une loi
expresse. L’équité exige toujours une pondération des résultats issus de l’application du droit
positif dans un cas concret, en vérifiant si ces résultats expriment une solution effective ou
matériellement juste.571

L’auteur affirme encore que le fondement permettant aux arbitres de juger selon l’équité est
issu de la normativité juridique-positive qui les libère d’une application intégrale de cette
même normativité en ce qui concerne les décisions arbitrales. Ainsi, l’auteur en déduit que le
principe de la légalité n’est pas brisé, car le fondement pour juger en dehors de la loi est issu
du système juridique positif lui-même. En revanche, l’auteur finalise en affirmant que cette
large ouverture ressemble bien à l’ancien raisonnement selon lequel juger l’administration est
encore administrer, affirmations qui se heurtent à la Constitution brésilienne qui impose
d’intégrer le contentieux administratif au pouvoir judiciaire car pour elle juger
l’administration, c’ est exercer la fonction juridictionnelle.572

Ainsi, le Brésil démontre jusqu’à présent une certaine hostilité contre l’utilisation de l’équité
dans tous les domaines et plus encore en matière administrative en raison de sa forte liaison
avec les questions d’ordre public.

570
Loi 9307 du 23 septembre 1996 : Art. 2°. A arbitragem poderá ser de direito ou de equidade, a critério das
partes. §1° Poderão as partes escolher, livremente, as regras de direito que serão aplicadas na arbitragem, desde
que não haja violaçãoaos bons costumes e à ordem publica.
571
OTERO, Paulo. Legalidade e Administração Pública. Coimbra: Almedina, 2007, p. 1066.
572
OTERO. Op. cit., p. 1061/1068.

208
D. La sentence arbitrale :portée et recours

La sentence arbitrale suscite de nombreuses questions et elles sont toutes importantes autant
au Brésil qu’en France. De la publicité de ses actes jusqu’aux contentieux issus de ses effets,
la sentence arbitrale, en matière administrative, mérite d’être analysée minutieusement.

1. La publicité

La publicité des sentences arbitrales est le premier aspect qui mérite réflexion car,
contrairement aux dispositions des principes contenus dans le code de la justice
administrative573, le code français de procédure civile prévoit dans son article 1479 que « les
délibérations du tribunal arbitral sont secrètes. »

La situation est la même au Brésil car, bien que la loi de l’arbitrage n° 9.307/96 soit
silencieuse à ce sujet, en règle générale le système suggère le secret, principalement quand
nous considérons que la majorité des statuts de l’arbitrage au Brésil le prévoit
expressément.574

Pour Pierre Delvolvé concernant les intérêts publics, elles(les sentences arbitrales) ne
peuvent êtres soustraites à l’obligation de transparence, qui s’impose à la fois pour la justice
en général et à l’administration en particulier.575

La décision brésilienne du Tribunal de Justice de Rio de Janeiro a confirmé l’annulation d’une


clause compromissoire dans un contrat entre la commune de Rio de Janeiro et la Fondation
Solomon Guggenheim qui prévoyait le secret par rapport à l’arbitrage. Selon le Tribunal : la
clause entre en conflit avec les principes administratifs constitutionnels dont une des bases

573
Code de Justice Administrative : Art. L-6. Les débats ont lieu en audience publique ; et L-10 Les jugements
sont publics.
574
La Chambre de l’Arbitragedu Brasil-Canada à São Paulo(Câmara de Arbitragem da Câmara Brasil-Canadá)
arts. 9.8 e 9.9; La chambre de Médiation et Arbitrage de São Paulo(Câmara de Mediação e Arbitragem de São
Paulo) (CIESP), cf. art. 7.3; Le ConseilNationaldesInstitutions de Médiation et d’Arbitrage (Conselho Nacional
de Instituições de Mediação e Arbitragem) – CONIMA, cf. art. 12.2 do; Centre de l’Arbitrage de la chambre
Américaine Du Commerce de São Paulo (Centro de Arbitragem da Câmara Americana de Comércio de São
Paulo), cf. art. XXV; Centre Brésilien de Médiation et Arbitrage (Centro Brasileiro de Mediação e Arbitragem)
– CBMA (RJ), cf. art. 15.1; et La chambre de l’Arbitrage des entreprises du Brésil (Câmara de Arbitragem
Empresarial Brésil) – CAMARB (MG), cf. art. 7.3
575
DELVOLVE, Pierre. Op. cit., p. 219.

209
est le principe de la publicité établissant que les pouvoirs publics doivent agir de la façon la
plus transparente possible pour que les administrés puissent connaitre ce que les
administrateurs réalisent.576

2. La chose jugée et l’exequatur

Dans tous les cas la décision arbitrale a l’autorité de la chose jugée. L’article 1484 du code de
procédure civile français s’applique aussi aux personnes de droit public.577Selon le dispositif :
La sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la
contestation qu'elle tranche.

Cependant la sentence arbitrale, qui rend la chose jugée comme une décision juridictionnelle,
n’est pas exécutoire de plein droit car les arbitres jouissent de la jurisdiction mais ils n’ont pas
le jus imperium. Il faut que la sentence arbitrale reçoive un exequatur sauf dans le cas
d’exécution spontanée.

Donc, reste à savoir quelle est l’autorité juridictionnelle compétente pour rendre cet
exequatur. S’agissant de litiges de droit privé, le code français de procédure civile prévoit
expressément dans l’article 1487 que La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution
forcée qu'en vertu d'une ordonnance d'exequatur émanant du tribunal de grande instance
dans le ressort duquel cette sentence a été rendue.

Néanmoins s’agissant de litiges de droit public, la réponse n’est pas si certaine. Il n’y a pas de
règle déterminante et le seul fondement jurisprudentiel est un arrêt de la Cour Administrative
d’Appel de Lyon du 27 décembre 2007, S.A. Lagarde et Meregnanini admettent la
compétence du président du tribunal administratif pour connaître une demande d’exequatur en
matière administrative.578

576
TJRJ, publié j. 29 octobre 2003, AI 2003.002.07839, Rel. Des. Ademir Pimentel.
577
DELVOLVE. Op. cit., p. 219.
578
« Considérant qu'en vertu des dispositions aujourd'hui codifiées à l'article L. 311-1 du code de justice
administrative, lesquelles constituent des dispositions législatives particulières au sens de l'article 2061 précité
du code civil, les tribunaux administratifs sont juges de droit commun du contentieux administratif en premier
ressort ; que cette compétence ne connaît de dérogations au profit de l'arbitrage que dans les hypothèses
expressément énumérées par des textes particuliers, récapitulées par les dispositions aujourd'hui codifiées à
l'article L. 311-6 du même code ; que le règlement des différends opposant les locateurs d'ouvrages publics sur la
contribution aux dépenses communes du chantier n'entrant dans aucune de ces dérogations, relève du domaine de

210
La sentence arbitrale au Brésil n’a pas besoin d’exequatur ou d’une homologation par le juge
étatique pour devenir exécutoire de plein droit. La loi brésilienne, en ce qui concerne les effets
de la sentence arbitrale, est allée plus loin en assurant la qualité de la chose jugée et la force
exécutoire de la décision arbitrale. L’article 31 de la loi 9307/96 assimile la sentence arbitrale
pour tous ses effets entre les parties et leurs successeurs aux sentences produites par le juge
étatique.579

3. Le contentieux

En ce qui concerne la question du contentieux de la sentence arbitrale en France, la source des


débats en matière administrative porte sur la compétence du juge et par conséquent sur les
recours possibles.

Le Tribunal des conflits a déjà consolidé son avis dans un arrêt du 16 octobre 2006 dont la
conclusion signée par Jacques-Henri Stahl affirme que «le recours au mode particulier de
règlement juridictionnel des litiges que constitue l’arbitrage n'a ni pour objet ni pour effet de
modifier la nature des litiges, qui demeurent ce qu'ils sont et ne cessent pas d'être régis par
les règles juridiques qui leur sont applicables : ainsi, un litige de droit public ne devient pas
un litige de droit privé au motif qu'il serait réglé non par les juridictions administratives de
droit commun mais par la voie de l’arbitrage, et ce quand bien même les règles de procédure
mises en œuvre par le tribunal arbitral seraient celles fixées par le nouveau code de
procédure civile. Lorsque le recours à l’arbitrage est autorisé pour un litige de droit public,
le tribunal arbitral statue sur ce litige au vu des règles de droit public qui lui sont applicables
au fond ; ce tribunal présente le caractère d'une juridiction administrative spéciale ; sa
sentence, en termes de voies de recours, ressortit à la compétence du Conseil d'État et non à
celle de la Cour de cassation ».580

compétence de droit commun des tribunaux administratifs et ne peut dès lors être soumis à un arbitre ; que la
nullité de la clause compromissoire de l'article 5 de la convention de gestion des dépenses communes fait ainsi
obstacle à ce que la décision de l'architecte notifiée le 3 décembre 1999, à supposer qu'elle puisse être regardée
comme une sentence, soit rendue exécutoire par le juge. » CAA Lyon 27 décembre 2007 SA Lagarde et
Meregnani n° 03LY01017
579
Art. 31. A sentença arbitral produz entre as partes e seus sucessores os mesmos efeitos da sentença proferida
pelos órgãos do Poder Judiciário e, sendo condenatória, constitui titulo executivo.
580
Concl. J.-H. Stahl sur T. confl. 16 oct. 2006, Caisse centrale de réassurance c/ Mutuelle des architectes
français, à publier au Lebon ; RFDA 2007. 284, concl. J.-H. Stahl.

211
A ce sujet, Philippe Terneyre et Célia Véro ajoutent que l'extension du champ des litiges des
personnes publiques susceptibles d'être soumis à arbitrage n'a pas d'effet sur la répartition
entre droit public et droit privé, et donc sur la détermination de l'ordre de juridiction
compétent pour l'exercice des voies de recours. Pour les litiges intéressant les personnes
publiques et relevant du droit privé - par exemple les litiges entre les établissements publics
industriels et commerciaux (EPIC) et leurs usagers ou leurs fournisseurs - les voies de
recours contre les sentences arbitrales s'exercent devant le juge judiciaire selon les règles
prévues au nouveau code de procédure civile. En revanche, pour les litiges relevant du droit
public, la juridiction administrative est compétente pour connaître des recours contre les
sentences arbitrales.581

On peut conclure alors que la compétence du juge administratif pour connaître des
contentieux de la sentence arbitrale résulte du principe de la séparation des autorités
administratives et judiciaires françaises, du moins en ce qui concerne l’arbitrage interne en
matière administrative.582

Par conséquent, après avoir admis l’ordre administratif comme compétente pour le
contentieux des sentences arbitrales en matière administratives, il faut identifier la juridiction
compétente dans l’ordre administratif et le recours compatible.

Dans le rapport présenté par le groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle on trouve une
motivation cohérente sur la réserve de la seule voie du recours en cassation contre la sentence
arbitrale. Selon le groupe l’esprit de l’arbitrage est contraire à l’ouverture d’une voie d’appel

581
TERNEYRE, Philippe et VEROT, Célia. Le projet de réforme de l'arbitrage des litiges intéressant les
personnes publiques est tout à fait viable. AJDA, 2008, 295.
582
Pierre Delvolvé avertit que : Encore une fois, on peut comprendre les raisons qui ont conduit le Tribunal des
conflits à admettre que, pour des contrats touchant aux intérêts du commerce international, il fallait se ranger
sur la position de la Cour de cassation et laisser la compétence judiciaire s'exercer sur le recours contre les
sentences arbitrales rendues en la matière. On peut encore comprendre qu'il n'y avait pas lieu à ce sujet de
prendre en compte le caractère administratif ou non du contrat, le caractère « international » l'emportant sur
toute qualification de droit interne.
Mais il fallait s'arrêter là : il ne fallait pas ajouter que « ce recours ne port(e) pas atteinte au principe de la
séparation des autorités administratives et judiciaires », car précisément, au cas où le caractère « international
» couvre un contrat qui serait administratif, le principe de séparation se trouve atteint. Il aurait mieux valu dire
que, pour un contrat « international », la question de la séparation des autorités administratives et judiciaires
ne se pose pas. Elle se pose néanmoins, selon l'arrêt, lorsque sont en cause des « règles impératives du droit
public français ». Le contentieux des sentences arbitrales en matière administrative Note sous T. confl., 17 mai
2010, n° 3754, Institut national de la santé et de la recherche médicale, AJDA 2010. 1047 ;ibid. 1564, étude P.
Cassia ; D. 2010. 1359, obs. X. Delpech; ibid. 2323, obs. L. d' Avoutet S. Bollée. RFDA. 2010, p. 971.

212
contre la sentence. L’arbitrage consiste à soumettre un litige en premier ressort à une
instance juridictionnelle distincte des juridictions de droit commun, statuant selon une
procédure d’instruction spécifique. Il y aurait une contradiction à soumettre un litige à
l’arbitrage, puis à faire appel de la sentence devant une juridiction étatique se prononçant
selon les règles de procédure de droit commun, chargée de statuer à nouveau au fond sur le
litige.583

Cette position a été renforcée par la réforme du code de procédure civile par le Décret n°
2011-48 du 13 janvier 2011 qui dans l’article 1489 a établi, même en droit privé, que la
sentence arbitrale n’est pas susceptible d’appel, faisant que le recours en annulation devienne
la règle générale. Cette reformulation était déjà souhaitable par la doctrine.584

Ainsi, si l’on considère le recours en cassation comme étant compatible pour le contentieux
des sentences arbitrales en matière administrative, le Conseil d’État est, par disposition de
l’art. L111-1 du code de justice administrative, l’autorité compétente. En outre, même si le
recours d’appel était considéré le plus compatible pour le cas, l’article L321-2 détermine la
compétence du conseil d’État pour connaître les appels formés contre les décisions rendues en
premier ressort par les autres juridictions administratives, dans tous les cas où la loi n'en
dispose pas autrement.585

583
Ministère de la Justice. Rapport Final du Group de Travaille sur l’arbitrage. Disponible sur :
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_final.pdf. Consulté le 11 avril 2011.
584
Lors de la réforme de 1980, le décret avait été critiqué pour avoir maintenu le principe de l'appel à l'encontre
de la sentence arbitrale en matière d'arbitrage interne, la voie du recours en annulation à l'encontre de la sentence
arbitrale constituant l'exception. Ce maintien était jugé inapproprié dans la mesure où le juge connaissant de
l'appel a un pouvoir de contrôle en fait et en droit sur la totalité de la sentence. Or, en matière d'arbitrage, l'appel
est inopportun. Rien ne sert en effet de recourir à la justice arbitrale si, par la suite, le litige est entièrement
rejugé par la justice étatique. Pour ces raisons, la renonciation à la voie de l'appel était devenue une clause de style
dans les conventions d'arbitrage. Les parties ne disposaient, dans ce cas, comme voie de recours à l'encontre de
la sentence arbitrale que du recours en annulation. Le nouveau texte inverse le principe selon lequel l'appel est la
voie de recours de droit commun en matière d'arbitrage. Désormais, le principe est que seul le recours en
annulation est admis, sauf pour les parties à avoir expressément stipulé le contraire (art. 1489). Cette
modification constitue un progrès sensible en matière d'arbitrage interne. GAILLARD, Emmanuel et LAPASSE,
Pierre. Le nouveau droit français de l'arbitrage interne et international. Recueil Dalloz, 2011, p. 175.
585
Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code de justice administrative : « Les cours administratives
d'appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous réserve des
compétences que l'intérêt d'une bonne administration de la justice conduit à attribuer au Conseil d'Etat et de
celles définies aux articles L. 552-1 et L. 552-2 » ; qu'aux termes de l'article L. 321-2 du même code : « Dans
tous les cas où la loi n'en dispose pas autrement, le Conseil d'Etat connaît des appels formés contre les décisions
rendues en premier ressort par les autres juridictions administratives » ; qu'un décret ne peut, sans méconnaître
ces dispositions législatives, donner aux cours administratives d'appel compétence pour connaître en appel de
décision rendues en premier ressort par d'autres juridictions administratives que les tribunaux administratifs ;
Considérant que si l'article 52 du décret du 3 juin 2004 prévoit que la décision de l'arbitre « a valeur de jugement

213
La sentence arbitrale au Brésil n’a pas besoin d’exequatur ou d’une homologation par le juge
étatique pour devenir exécutoire de plein droit, toutefois elle n’échappe pas au contrôle du
pouvoir judiciaire. Dans le sens de l’article 32 de la loi n°9307/96, la sentence arbitrale est
nulle dans les cas suivants : si le compromis arbitral est nul ; si elle est rendue par un arbitre
qui ne pourrait pas exercer la mission ; s’il manque des éléments obligatoires (art. 26 –
résumé du litige, fondements, conclusion et date et endroit où elle était redue) ; si elle dépasse
les limites de la convention de l’arbitrage ; si elle ne décide pas intégralement le litige soumis
à l’arbitrage ; s’il reste prouvé qu’elle est rendue par prévarication, concussion ou corruption
passive ; si elle est rendue en dehors du délai fixé ; et finalement si les principes du
contradictoire, de l’égalité entre les parties, de l’impartialité de l’arbitre et de la libre
persuasion ne sont pas respectés.586

La procédure à suivre pour cette demande d’annulation de la sentence arbitrale est la


procédure commune prévue dans le code de procédure civile et, selon l’article 33 §1° de la loi
de l’arbitrage, elle doit être déposée dans le délai de 90(quatre-vingt dix) jours après la
notification de la sentence arbitrale.

La décision qui juge favorablement la demande pourra annuler la sentence arbitrale ou


déterminer que le juge arbitral rende une autre sentence dans les cas ou il y aurait un manque
d’éléments obligatoires, un dépassement des limites de la convention de l’arbitrage ou une
décision incomplète du litige soumis à l’arbitrage.587

de tribunal administratif », cette disposition ne saurait légalement avoir ni pour objet, ni pour effet d'assimiler la
décision de l'arbitre à un jugement de tribunal administratif pour l'application des règles relatives à la
compétence d'appel fixées par les articles L. 321-1 et L. 321-2 du code de justice administrative ; que, par suite,
l'UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS est fondée à soutenir que le I de l'article 115
du décret du 3 juin 2004, dont les dispositions du II ne sont pas divisibles, méconnaît ces dispositions législatives
et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision de refus implicite opposée à sa demande d'abrogation,
en tant qu'elle porte sur l'article 115 du décret[…]. CE, 28 décembre, 2005, Union syndicale des magistrats
administratifs, Rec., p. 591 ; Disponible sur : http://www.easydroit.fr/jurisprudence/Conseil-d-Etat-6eme-et-
1ere-sous-sections-reunies-28-12-2005-274527-Publie-au-recueil-Lebon-27/J43850/. Consultéle 16 avril 2011.
586
Art. 32. É nula a sentença arbitral se : I – for nulo o compromisso ; II – emanou de quem não podia ser
arbitro ; III - não contiver os requisitos do art 26 ; IV – for proferida fora dos limites da convenção de
arbitragem ; V – não decidir todo o litígio submetido à arbitragem ; VI – comprovado que foi proferida por
prevaricação, concussão ou corrupção passiva ; VII – proferida fora do prazo, respeitando o disposto no art.
12, §2° desta lei ; e VIII – forem desrespeitados os princípios de que trata o art. 21, §2°, desta lei.
587
Art. 33. A parte interessada poderá pleitear ao órgão do Poder Judiciário competente a decretação da
nulidade da sentença arbitral, nos casos previstos nesta Lei. § 1º A demanda para a decretação de nulidade da
sentença arbitral seguirá o procedimento comum, previsto no Código de Processo Civil, e deverá ser proposta

214
Chapitre II : La Chambre de Conciliation et
d’Arbitrage de l’Administration
Fédérale(CCAAF) au Brésil

Il s’agit d’un dispositif brésilien sans équivalent dans l’organisation publique française. La
Chambre de Conciliation et d’Arbitrage de l’administration fédérale fait partie de la panoplie
des mécanismes de règlement alternatif des litiges administratifs qui utilisent d’abord le
consensus et la médiation comme technique pour apaiser les conflits et finalement utilise
l’arbitrage comme un moyen efficace et définitif de régler les litiges administratifs.588

Cette chambre de conciliation et d’arbitrage de l’administration fédérale (CCAAF) a été créée


par l’Acte Réglementaire nº 05, du 27 septembre 2007 et organisée par les arrêts nº 1.281 du
27 septembre 2007 et 1.099 du 28 juillet 2008 de l’Advocacia Générale de la République
(AGU – Advocacia-Geral da União) qui réglementent la conciliation entre les organismes et
les institutions de l’administration publique Fédérale et les états membres de la fédération,
ayant comme Médiateur l’Advocacia Générale de la République (AGU) représentée par un
conciliateur.589

no prazo de até noventa dias após o recebimento da notificação da sentença arbitral ou de seu aditamento. § 2º
A sentença que julgar procedente o pedido: I - decretará a nulidade da sentença arbitral, nos casos do art. 32,
incisos I, II, VI, VII e VIII; II - determinará que o árbitro ou o tribunal arbitral profira novo laudo, nas demais
hipóteses.
588
L’institut ici intitulé Les Chambres de Conciliation et de l’Arbitrage de l’administration Fédérale se réfère à
une traduction libre adopté par un dispositif sans équivalent en France dont le titre originel correspond en langue
portugaise à Câmara de Conciliação e de Arbitragem da Administração Pública Federal.
589
L’Advocacia Générale de la République est le grand cabinet juridique du Pouvoir Exécutif. L’article 131 de la
Constitution Fédérale Brésilienne établit que: « L'Advocacia générale de l'Union est l'institution qui, soit
directement soit par le biais d'un organe qui lui est rattaché, représente l'Union judiciairement et
extrajudiciairement; il lui appartient, selon les termes de la loi complémentaire qui dispose sur son organisation
et son fonctionnement, d'exercer les activités de conseil et de cabinet juridique du Pouvoir exécutif. »
Paragraphe premier. L'Advocacia Générale de la République a pour chef l'Avocat général de la République,
nommé discrétionnairement par le Président de la République parmi les citoyens âgés de plus de 35 ans
possédant un savoir juridique remarquable et une réputation irréprochable.
§ 2. L'entrée dans les premières classes de la carrière de l'institution visée au présent article se fait par un
concours public d'épreuves et de titres.
§ 3. En matière de recouvrement des créances exigibles de nature fiscale, la représentation de l'Union incombe
aux services du Procureur général des Finances nationales, conformément aux dispositions légales. La
Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par Traduction: Jacques

215
Au Brésil, il y a fréquemment des conflits internes entre les organismes de la République. Il y
en a également entre l’Union Fédérale et les autres personnes morales de droit public comme
les établissements publics, les Autorités Administratives Indépendantes, ainsi qu’entre
l’Union et les autres unités de la fédération – les États, les Communes et le District Fédéral.590

Ainsi, en considérant que les personnes ou les organismes en conflit sont dotés de toutes les
conditions favorables pour gérer leurs propres conflits et aboutir tout seul à un règlement
satisfaisant, la CCAAF a été conçue pour éviter un litige devant le juge. C’est un organisme
complexe, spécialisé et compétent pour mettre terme à une dispute entre les personnes
publiques, soit par la conciliation, soit par la médiation, soit par l’arbitrage.

Un des avantages universels offerts par l’arbitrage est la procédure peu formaliste permettant
justement d’accélérer le déroulement de l’instruction et donc de créer une ambiance propice
au dialogue et au consensus. La CCAAF est l’expression la plus précise de l’arbitrage car elle
essaie de régler le litige par le dialogue entre les parties et finalement si elle n’aboutit pas à
une composition satisfaisante l’arbitrage elle conclura le litige définitivement par une décision
portant l’autorité de la chose jugée. 591

Villemain et Jean François Claver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-


documents/le-bresil-politique-constitution.pdf. Consulté le 12 janvier 2010.
590
L’article premier de la Constitution brésilienne définit la République Fédérative du Brésil comme un « État
démocratique de Droit, ayant comme fondements la souveraineté, la citoyenneté, la dignité de la personne
humaine, les valeurs sociales du travail et de la libre entreprise, et le pluralisme politique. Tout pouvoir émane
du peuple, qui l’exerce par intermédiaire de représentants élus ou directement. »et dans son article 2° établit
l’indépendance des pouvoirs Législatif, Exécutif et Judiciaire, et le pacte fédératif : « le pays est formé de
l’union indissoluble des États, des Communes et du District fédéral, zone où se situe Brasilia, la capitale du
pays, et où est interdite la division en communes. Le pouvoir politique est décentralisé entre les différentes
sphères politiques, soit l’Union, les États, les Communes et le District Fédéral. » La Constitution de la
République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par Traduction: Jacques Villemain et Jean
François Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-
politique-constitution.pdf. Consultéle 12 janvier 2010.
591
BERNARDO, Leandro Ferreira. A Câmara de Conciliação e o novo papel da Advocacia-Geral da União.
Revista da AGU, 2010, p. 12.

216
§I. L’organisation de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage
et son fonctionnement

Pour parvenir à ces objectifs la CCAAF doit d’abord bien reconnaître les conflits existants
entre les organismes et les institutions pour après leurs présenter les options de conciliations
et s’efforcer de les concilier. Les séances de conciliation dans la CCAAF sont circonscrites
aux parties du conflit et au conciliateur.

Selon l’arrêt du 27 septembre 2007, cette conciliation pourra être obtenue par un arrangement,
par transaction ou par une quelconque autre façon de trancher le conflit par le consensus. A la
fin, si toutes les tentatives d’arrangement sont vaines, le coordinateur de la chambre
concernée pourra soumettre un dossier relatant tous les points de la controverse à la plus haute
autorité de l’Advocacia Générale de la République (AGU) - représentée par l’Avocat Général
de la République qui va présenter le dossier à un organe consultatif faisant partie de l’AGU –
le Conseiller Général de la République – lequel donnera un avis. L’Avocat Général de décide
en fonction de cet avis et soumet sa décision au Président de la République qui devra régler
définitivement le litige par un avis normatif qui aura force de loi (loi complémentaire73 du 10
février 1993 – Loi Organique de l’Advocacia Générale de la République).592

L’arbitrage n’est pas possible quand le conflit est entre l’administration publique fédérale et
l’État Membre ou le District Fédéral. Dans ce cas, les autres unités de la fédération – les États
Membres et le District Fédéral – ne peuvent pas souffrir de préjudices en raison du manque de
soumission de ces unités et de ces autorités représentatives face à l’AGU, organe qui fait
partie de l’Union Fédérale.593

592
Toutes les législations qui régent l’AGU et les CCAAF sont disponible en langue portugaise sur le site
http//:www.agu.gov.br.
593
En raison du pacte fédératif, le Brésil est formé de l’union indissoluble des États, des Communes et du District
fédéral, trois sphères de pouvoir indépendantes et autonomes, sans subordination hiérarchique. Selon José
Afonso da Silva le fédéralisme comme expression constitutionnelle se traduit comme une unité de collectivités
publiques dotées d’autonomie politique. Curso de direito Constitucional Positivo. 16 Ed., São Paulo, 2000, p.
101.

217
Les autorités qui peuvent saisir la CCAAF sont : les Ministres d’État, les Directeurs des
Institutions Fédérales, les démembrements de l'État594, les Établissements Publics, les AAI,
etc., le Procureur Général de la République595, le Procureur Général Fédéral596, le Procureur
Général Fiscal597, ainsi que les secrétaires généraux du contentieux de l’AGU et les organes
responsables de l’organe consultatif de l’AGU.

A partir de 2008, la liste des autorités légitimées pour saisir la CCAAF s’est étendue pour
inclure les Gouverneurs des États Membres598 ou les Procureurs Généraux des États599 et du
District fédéral600, tout comme le Conseiller Général de la République601.

Il n’y a pas encore de carrière spécifique organisée pour les conciliateurs de la CCAAF. Les
conciliateurs sont désignés par l’Avocat Général de la République - qui pourra choisir
n’importe quel membre de l’AGU - ou par le Conseiller Général qui pourra uniquement
indiquer les membres de l’organisme qui dépend immédiatement de lui.602

Au-delà des restrictions de l’ordre de la légitimation personnelle pour la saisine de la


CCAAF, nous trouvons aussi des restrictions d’ordre matériel. L’article 1º de l’arrêt du 27

594
Entité appelée de « autarquia » en portugais et sans équivalent en France. Le décret nº 200, article 5º, I,
établit que l’autarquia est le service autonome créé par loi, ayant personnalité morale de droit public, patrimoine
et budget propre, pour exercer des activités spécifiques de l’administration publique, que nécessitent pour son
meilleur fonctionnement une décentralisation administrative et financière.
595
C’est l’autorité fédérale subordonnée à l’Avocat Général de la République, légitimée à représenter l’Union
fédérale, judiciairement auprès des tribunaux supérieures. Article 9 de la Loi Complémentaire 73 du 10 février
1993.
596
C’est l’autorité fédérale subordonnée a l’Avocat Général de la République, légitimée à représenter
judiciairement les démembrements de l'État(entité appelée de « autarquia » en portugais et sans équivalent en
France, v. Note 105) et les fondations gérées par la puissance publique fédérale devant les Tribunaux
Supérieures et la Cour Suprême.
597
C’est l’autorité fédérale subordonnée administrativement au Ministre des Finances, légitimée à représenter
judiciairement et extrajudiciairement l’Union fédérale dans les procès de nature fiscal. Article 12 de la Loi
Complémentaire 73 du 10 février 1993.
598
Chef du Pouvoir Exécutif des États Membres de la Fédération.
599
Art. 132. Les Procureurs des États et du District fédéral exercent la représentation judiciaire et le conseil
juridique des unités fédérées respectives; ils sont organisés en une carrière où l'entrée se fait sur concours public
d'épreuves et de titres, conformément aux dispositions de l'article 135 ci-après. Constitution Fédérale
Brésilienne.
600
Cette augmentation des personnes compétentes pour la saisine des CCAAF était établi par l’arrêt1.099 du 28
juillet 2008 de l’Advocacia Générale de la République qui élargit la compétence des chambres de conciliation
pour renfermer aussi les conflits entre l’Union et les deux autres sphères politiques de la fédération brésilienne:
les états et le District Fédérale. Art. 1 et 2 de la Constitution Fédérale Brésilienne de 1988.
601
C’est l’autorité qui faisant partie de l’AGU est responsable pour exercer le rôle consultatif devant le Président
de la République. Art. 10 de la Loi complémentaire 73 du 10 février 1993
602
Article 13 de l’arrêt 1288 du 27 septembre 2007.

218
septembre 2007 prévoit qu’il n’y a que les conflits de caractère uniquement juridique qui sont
de la compétence de la CCAAF, c’est-à-dire que toutes les discussions sur les matières des
faits sont exclues.

La saisine de la CCAAF est facultative pour les intéressés, toutefois, quand le conflit est déjà
soumis à l’appréciation de la CCAAF et que les intéressés sont des instituts ou des organes
fédéraux, le règlement du conflit par l’avis de l’Avocat Général de la République sera
obligatoire dès son approbation par le Président de la République.

A. La singularité des conflits soumis à la CCAAF :une nouvelle


conceptualisation des conflits pour de nouveaux modes de
règlement

A priori la compétence de la CCAAF peut susciter une certaine perplexité dans la mesure où
elle existe majoritairement pour régler des conflits entre les organismes de l’Union Fédérale.
Il est surprenant de concevoir un organisme idéalisé pour garantir le dialogue entre des
organismes constitutifs d’une même personne morale.

Quand on parle des conflits établis entre personnes morales différentes, même si elles font
partie d’une même sphère de la fédération, il n’y a rien d’anormal. Ces personnes peuvent
former un contentieux administratif et, dans ces cas-là, la CCAAF joue son rôle principal qui
est celui de soulager le contentieux juridictionnel sans aucune particularité.

Quand on parle des conflits entre les organismes d’une même personne morale, on peut se
demander quelle est l’utilité juridique d’un organisme comme la CCAAF, vu que ce conflit-là
ne pourra jamais devenir un conflit juridictionnel. On peut admettre le début d’une
confrontation, mais cette confrontation se limitera à sa propre organisation et à sa
fonctionnement. Un contentieux ne peut exister sans deux parties différentes en conflits et,
dans certains cas où la compétence est de la CCAAF, il n’y a que l’Union Fédérale comme
partie.

219
Cette singularité peut uniquement s’expliquer par une nouvelle conceptualisation du mot
conflit.

Selon Konrad Lorenz, le conflit est un phénomène naturel qui existe là où existent des
personnes.603 De cette façon on peut admettre une dimension non négative du conflit. Dans
cette perspective, le conflit peut représenter une opportunité de développement et de cohésion
entre les personnes.

Face à des situations conflictuelles les parties ont la possibilité de démontrer leur capacité de
communication et d’autonomie. De cette façon, le conflit est vu comme un problème
résoluble et qui permet d’améliorer l’ambiance où il se développe à partir de son étude. Ce
n’est qu’en connaissant le conflit et ses causes qu’il peut être évité.604

Le conflit se constitue à partir de points de vue différents, s’il est bien administré, il aboutira à
des modes de solutions plus créatifs et riches dans une perspective sociologique. Le conflit et
la coopération sont vus actuellement comme des rouages inséparables de la vie en société.

Ainsi quand on parle de conflits entre des organismes publics de l’Union Fédérale, on parle
d’une situation conflictuelle réelle. En effet, l’impossibilité qu’un conflit entre des organismes
d’une même personne morale puisse devenir un litige juridictionnel est une impossibilité des
champs juridique et processuel, mais dans le monde réel ces conflits existent et impliquent un
préjudice pour les usagers du service public.

Donc, si l’on considère que le contentieux en dehors du juge n’existe pas seulement pour
soulager le contentieux juridictionnel mais aussi pour améliorer les relations entre
l’administration et le public, ce champ de compétence de la CCAAF n’est pas futile.

Pour illustrer ces affirmations il est opportun de citer quelques exemples de conflits entre des
organismes de l’Union Fédérale apaisés par la CCAAF. Le 04 août 2008, la CCAAF, dans le
dossier n° 01400.000052/2008-00, a apprécié un conflit d’intérêts entre le Ministère des
603
LORENZ, Konrad. On Agression, New York Harcourt, Brace & Word,1996
604
FRACO, Mariulza. Nova Cultura do litígio : necessária mudança de postura. Sao Paulo : Atlas, 2007, p.
112/113.

220
Affaires Étrangères et le Ministère de la Culture. Ce conflit concernait l’accord de
coopération établi entre le Gouvernement de Bahia et l'État français. Par cet accord le musée
Rodin de Paris a déposé par trois ans un ensemble de soixante-deux sculptures au musée
« Palacete das Artes » à Salvador de Bahia. Par conséquent, l’État Brésilien devait signer une
déclaration formelle admettant que les sculptures étaient de propriété du gouvernement
français et qu’elles avaient un caractère inaliénable et imprescriptible. C’est justement au
niveau de cette déclaration qu’a eu lieu la contradiction. Les Ministères de la Culture et des
Affaires Étrangères n’étaient pas d’accord quant à leurs compétences pour signer la
déclaration.605

D’un côté le Ministère des Affaires Étrangères affirmait que l’accord de coopération établi
n’était pas un accord international car il était signé par un état de la fédération et un
gouvernement étranger, sans intervention de l’État brésilien et que par conséquent la
déclaration était de la compétence du Ministère de la Culture. D’un autre côté le Ministère de
la Culture affirmait que de par la loi 10683/2003, la compétence était du Ministère des
Affaires Étrangères. En effet, pour participer d’une quelconque affaire de nature culturelle
avec des États étrangers ou des organismes internationaux la loi détermine l’intervention
obligatoire du Ministère des Affaires Étrangères.

Après l’intervention d’une Agent Conciliateur, Avocat de la République au Brésil, les


organismes ont concilié et la déclaration exigée par le gouvernement français a finalement été
signée par le Ministère de la Culture pour que cet important projet culturel puisse bénéficier à
toute la collectivité.

En l’espèce, si le conflit n’avait pas été apaisé il n’aurait jamais abouti au contentieux
juridictionnel, car les ministères font parties d’une même personne morale, l’Union Fédérale,
mais en revanche un conflit de cette nature pourrait empêcher le déroulement d’initiatives de
grande importance pour le public, comme c’était le cas de l’emprunt des œuvres de Rodin.
C’est justement en raison des nouvelles conceptualisations des conflits que l’importance de la

605
Terme de Conciliation n° 006 /2008 Disponible sur :
https://redeagu.agu.gov.br/PaginasInternas.aspx?idConteudo=141676&idSite=1104&aberto=&fechado=.
Consulté le 22 mars 2012.

221
CCAAF est justifiée principalement quand elle joue un rôle d’intermédiation entre des
organismes d’une même personne morale.

B. La nature complexe de la CCAAF et ses avis arbitraux

Nous pouvons affirmer que la constitution de la CCAAF au Brésil, dans la structure d’un
organisme public faisant partie de l’administration publique Fédérale supprime un ancien
stigma sur l’arbitrage, celui de la privatisation de la juridiction. Dans la CCAAF l’arbitre est
une autorité publique. A la fin des tentatives infructueuses, le coordinateur de la chambre
soumettra un dossier à l’Avocat-Général qui entendra le Conseiller Général. Ensuite, s’il y a
accord sur le contenu, l’Avocat Général va soumettre cet avis au Président de la République
qui devra régler définitivement le litige par un avis normatif obligatoire.

C’est par l’arbitrage que le Président de la République brésilienne va imposer la fin d’un
conflit intra-gouvernemental. L’avis normatif d’observance obligatoire représente un modèle
de parajuridiction dans la mesure où il a une nature d’acte juridictionnel revêtu de la
puissance de la chose jugée.

Toutefois, nous n’oublions pas que la CCAAF n’exerce pas seulement des actes de nature
juridictionnelle. Elle pratique d’abord la conciliation et la médiation mais, pour trancher de
façon définitive et spécifique, elle pourra imposer une décision juridictionnelle. Cela
représente une singularité par rapport aux autres mécanismes des modes alternatifs de
règlement des litiges administratifs. C’est une caractéristique complexe de cette chambre de
pouvoir utiliser la médiation, la conciliation et l’arbitrage dans une même procédure.

L’arbitrage par son caractère juridictionnel est capable de régler un litige par un verdict revêtu
de la puissance de la chose jugée et se distancie donc beaucoup des autres mécanismes
alternatifs de règlement des litiges. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’inclure
cette chambre dans le chapitre sur l’arbitrage sans nier son caractère complexe et mixte.

L’arbitrage dans la CCAAF peut représenter un mécanisme moins expressif que la


conciliation, première technique entreprise pour régler les litiges qui lui sont soumis, mais
l’arbitrage est la technique qui la distingue des autres modes alternatifs des litiges énumérés

222
jusqu’à présent et c’est en outre le mécanisme qui tranche définitivement le conflit établi.
Donc la CCAAF, dans cette recherche, fait partie des modes alternatifs des litiges
administratifs à la place du juge grâce à sa spécificité, elle utilise le consensus à côté de la
chose jugée et fait un mélange du caractère juridictionnel et le caractère consensuel.

Nous avons déjà annoncé que l’arbitrage est un authentique composant du système alternatif
de règlement de conflits administratifs car l’autorité compétente pour juger l’affaire tient son
pouvoir non d’une délégation permanente de l’État, mais de la volonté des parties, soit des
personnes publiques, soit des particuliers.606 Dans le cas de la CCAAF les choses se passent
un peu différemment. La CCAAF est une structure de l’administration publique et le pouvoir
de l’autorité compétente pour juger l’affaire est issue d’une délégation légale, mais cette
délégation n’est pas non plus permanente ni ordinaire comme celle attribuée au Pouvoir
Judiciaire au Brésil ou à la justice administrative en France.

La Chambre de Conciliation et d’Arbitrage est une structure alternative car elle est conçue
comme une voie parallèle au juge. Une fois que les parties optent pour cette possibilité à la
place du juge, elles doivent respecter et accepter la décision prise par l’autorité administrative
compétente chargée de donner l’avis normatif qui va trancher.

Cette fonction mixte et complexe de la CCAAF se rapproche beaucoup de la possibilité qui


permet à l’arbitre en France de statuer en amiable compositeur.

§II. La portée de la CCAAF dans le système des règlements des


litiges administratifs

Il est important de remarquer que les conflits entre l’Union Fédérale et les personnes morales
de droit - les unités de la fédération, soit les autres entités - sont des conflits ayant une large
portée économique et une grande répercussion sociale et politique. Par conséquent, ils se
transforment, la plupart du temps, en des conflits juridictionnels.

606
CORNU, Gérard. Vocabulaire Juridique. Paris : PUF, 1992, p. 62

223
Cette juridictionnalisation des conflits intra-gouvernementaux est issue d’une interprétation
équivoque du droit administratif. Les principes de l’efficacité administrative n’admettent
aucune omission capable de gérer un coût sans une juste cause pour la collectivité. Dans ce
cas, toutes ces institutions ont la capacité incontestable de régler toute seule leurs propres
conflits en dehors du juge.

Des recherches réalisées en 2009 et en 2010 révèlent une élévation du niveau du contentieux
administratif. Pendant l’année 2010, 3,2 millions de nouveaux procès sont initiés dans les
Tribunaux Fédéraux.607 En 2009, il y avait 2.461.297 dossiers en attente contre l’État et les
instituts privés et publics liés à l’administration publique fédérale.

Donc, comme l’estime Arnaldo Godoy, il y avait en 2009 dans la Justice Fédérale, 7.413.186
procès où l’État ou des institutions qui lui sont rattachées figuraient comme intéressés.608 Ces
chiffres en 2010 ont augmenté pour atteindre 11millions de procès selon les données de la
dernière recherche.609

Au nœud de cette réalité, il y a des procès où le conflit à apaiser est entre deux personnes
morales de droit public. Ce sont des personnes absolument capables de régler ces conflits de
façon autonome, car elles disposent d’une bonne structure administrative avec des conseillers
juridiques et des techniciens spécialisés dans le domaine, prêts à offrir leur compétence pour
régler ces affaires de la meilleure manière.

Ce contexte d’augmentation accrue du contentieux administratif suffit alors pour accentuer


l’importance de la CCAAF permettant d’éviter les conflits intra-gouvernementaux.

Finalement, la création d’une chambre de conciliation envisageait seulement de viabiliser un


moyen légitime de faire quelque chose qui était déjà prévu dans le droit administratif. Le

607
Rapport du CNJ (Conseil National de Justice), Justice en numéros 2010. Disponible sur :
http://www.cnj.jus.br/images/programas/justica-em-numeros/2010/rel_justica_numeros_2010.pdf. Consultéle 10
avril 2012
608
GODOY, Arnaldo. Câmaras de Concilião da AGU combatem judicialização. Revue Consultor Juridico au 25
septembre 2010. Disponible sur : http://www.conjur.com.br/2010-set-25/camaras-conciliacao-agu-combatem-
cultura-judicializacao. Consulté le 10 avril 2012.
609
Rapport du CNJ (Conseil National de Justice)…

224
système juridique actuel comprend déjà tous les fondements d’un contentieux consensuel.
Cependant, les mécanismes nécessaires à sa mise en œuvre n’existent pas encore.

CONCLUSION DU TITRE II

Les pays en développement nécessitent beaucoup d’investissements externes et ce besoin a


influencé l’augmentation de l’arbitrage au Brésil. Les investisseurs craignent la justice
étatique de ces pays et cherchent un moyen plus neutre de garantir la sécurité de leurs affaires
en choisissant l’arbitrage pour régler leurs conflits.

Les états commerçants qui font partie de l’Union Européenne, comme la France, doivent
pouvoir recourir à l'arbitrage sur le plan international. Toutefois, la limitation de l’arbitrage en
France doit se restreindre aux seuls contrats de droit interne et elle reste sans application pour
les contrats de droit privé ayant un caractère international.

A partir de ces considérations nous pouvons affirmer que l’arbitrage est un mode alternatif de
grande importance économique pour l’administration, néanmoins il ne s’applique qu’à
certains administrés. L’arbitrage n’est pas non plus accessible ou utile pour la grande majorité
des administrés dont le seul lien qui les rattache à l’administration est leur condition de
personne privée, membre d’une collectivité.

L’arbitrage est donc un efficace moyen alternatif de règlement des litiges mais, de par son
caractère discriminatoire, il ne suffit pas à soulager la justice administrative ou le pouvoir
judiciaire.

En raison de sa compétence très restreinte, la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage de


l’Administration Fédérale au Brésil sert plutôt d’essai. Cet organe brésilien est comme le
point de départ d’une initiative plus audacieuse, véritable exemple de réussite des modes
alternatifs. Les résultats quantitatifs obtenus ne sont pas en mesure de justifier la
multiplication de son modèle, mais sont en mesure de justifier son amplification.

225
L’existence singulière de modes juridictionnels alternatifs de règlement des litiges à la place
du juge, l’arbitrage, exercés par l’administration active remet en cause la pensée selon
laquelle l’administration publique, l’une des principales expressions de l’État, soustrairait du
champ étatique l’appréciation des litiges pour les transférer à la justice privée.

Cette conclusion serait pertinente pour les arbitrages commis dans les termes de l’arbitrage
prévus dans le droit privé, mais dans les cas où l’arbitrage est exercé par l’administration elle-
même, nous ne pouvons pas dire que nous parlons d’une justice privée.

Dans le cas de la CCAAF, par exemple, nous avons une structure au sein de l’administration
publique qui pratique l’arbitrage comme un des modes d’apaisement des conflits sans pour
autant configurer une juridiction en dehors de l’État. C’est une structure en dehors du juge
mais ce n’est pas une structure en dehors de l’État.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

L’ouverture du contentieux administratif par l’introduction de nouveaux modes de règlement


des litiges représente certainement une alternative à un problème réel, actuel, préoccupant et
qui dépasse toutes les frontières : l’engorgement des organismes juridictionnels.

Par l’analyse faite des structures déjà existantes dans les deux pays, les réponses ne sont pas
conclusives par rapport aux questions formulées : Comment changer tout un système qui était
depuis longtemps conçu pour diviser complètement la fonction administrative de la fonction
contentieuse ? Comment favoriser un changement de mentalité des administrés par rapport à
l’administration publique?

Dans les deux degrés de règlement alternatif, le premier d’une justice avant le juge et le
second d’une justice à la place du juge étatique, nous observons une variation d’efficacité
entre elles et une claire absence de systématisation procédurale pour l’application de ces
mécanismes.

226
La superposition des structures conçues pour mettre en œuvre ces mécanismes, chacune
d’elles avec sa composition et son mode d’actuation, n’a aucun intérêt pour le citoyen. Ce
citoyen préfère continuer à l’abri du juge et hors d’atteinte du désordre administratif. À notre
avis, le manque de systématisation d’une structure centralisée pour concrétiser ces modes
alternatifs au juge, ainsi que le manque d’organisation procédurale capable de garantir aux
administrés une participation plus égalitaire, sont les principaux motifs de l’échec des modes
alternatifs en termes de désencombrement de la justice.

227
II PARTIE : LA VALORISATION DU
CONTENTIEUX ADMINISTRATIF EN DEHORS
DU JUGE

L’encombrement de la justice administrative en France et du pouvoir judiciaire au Brésil,


attribué principalement au phénomène de valorisation du processus de démocratisation issu de
l’État de droit, mérite une analyse plus précise sur la formation des litiges dans le domaine
public. Partons de la question suivante : Quelle est la véritable motivation de l’État pour
régler la majorité de ces conflits devant le juge?

L’ouverture du contentieux administratif par des mécanismes alternatifs présentée dans la


première partie de ce travail vise une amélioration de rapport entre l’administration et les
particuliers ainsi que le soulagement des tribunaux. L’État contemporain souhaite atteindre en
priorité ces deux buts.

La question principale n’est pas d’expliquer l’accroissement du nombre des litiges, mais de
savoir pourquoi ils sont toujours réglés par le juge. Parmi les conflits qui sont soumis tous les
jours au pouvoir judiciaire au Brésil et à la justice administrative en France, il y a les litiges
qui sont réglés uniquement de manière traditionnelle mais il y a aussi des litiges de masse,
répétitifs, ou des faux litiges qui peuvent être réglés par les autorités publiques elles-mêmes,
toutes dotées de structures capables de gérer ces problèmes ordinaires et issus de l’exercice de
la fonction administrative.

Nous pouvons déduire du bilan des techniques de règlement des litiges administratifs en
dehors du juge détaillé dans la première partie, que ces modes alternatifs représentent le début
d’un long chemin à parcourir, car ils sont encore insuffisants pour pouvoir soulager les
tribunaux et améliorer les rapports entre les citoyens et l’administration. Dans cette partie,
nous nous concentrerons donc sur l’analyse des plus graves obstacles pour atteindre cet
objectif.

228
L’un des premiers obstacles est l’absence d’un lien qui pourrait rapprocher les parties et
favoriser le débat. La distance entre l’administration publique et les administrés est
considérable et pousse ces derniers à résoudre leurs problèmes auprès du juge étatique.
L’inefficience des actes administratifs dans les procédures administratives et le manque de
prévision légale des procédures de cette nature, ajoutés au manque de garanties capables
d’assurer aux citoyens une place plus équitable auprès des autorités publiques, sont des
raisons graves et suffisantes qui peuvent entraver la performance des mécanismes de
règlement des litiges administratifs en dehors du juge.

De plus, il est important de redimensionner le champ d’application de ces mécanismes pour


que ces tâches puissent être réalisées de façon satisfaisante. Il n’y a rien de plus décevant que
de vouloir atteindre un but sans aucune condition de le réaliser. Les modes alternatifs au
contentieux administratif traditionnel ne sont pas compatibles avec certains litiges, et
délimiter leur champ de compétence est décisif pour garantir leur crédibilité et leur succès. La
réduction de leur compétence aux litiges de moindre complexité, aux litiges répétitifs ou de
masse vont leur permettre d’aboutir.

229
TITRE I: Pour un développement de la
procédure administrative contentieuse non
juridictionnelle

L’établissement d’une procédure administrative contentieuse serait le lien capable de


rapprocher les citoyens de l’administration publique. Le juge étatique occupe aujourd’hui une
place qui à l’origine aurait dû être occupée par l’administration publique elle-même, car la
simplicité de la plupart des problèmes traités par le juge permettrait à l’administration
publique de les régler à un niveau interne. Étant donné que la procédure administrative non
juridictionnelle est pratiquement nulle et qu’en compensation de nombreuses procédures
juridictionnelles sont établies, l’administration n’est plus en mesure de régler les conflits
gérés par ses activités les plus ordinaires.

Cette incapacité de communication avec ses administrés empêche l’administration publique


de développer efficacement des mécanises alternatifs de règlement des litiges. Pour rétablir un
lien avec le citoyen et pour regagner sa confiance, l’administration publique a besoin de fixer
des règles procédurales capables d’assurer aux particuliers des garanties semblables à celles
de la procédure juridictionnelle.

En effet, l’administration aura fait le premier pas vers le citoyen à partir de cette
règlementation de la procédure. Néanmoins, la distance qui les sépare est longue et le juge
continue toujours à représenter une voie plus attractive pour les particuliers. Ainsi, il faut non
seulement prévoir une procédure semblable à la procédure juridictionnelle en ce qui concerne
les garanties, mais aussi créer une meilleure procédure administrative, une procédure qui, au-
delà des garanties, présente d’autres avantages comme l’agilité, l’économie et l’informalité.

Ce défi s’impose à l’administration. Elle doit adopter une procédure pour mettre en place les
règlements alternatifs des litiges administratifs, mais cette procédure ne doit pas représenter
une superposition d’instances formelles et créées pour augmenter les démarches à faire par les
citoyens à la recherche de l’aboutissement d’un conflit. La rapidité, l’économie et

230
l’informalité doivent être des traits essentiels de cette procédure administrative non
juridictionnelle, sans pour autant perdre de vue les garanties des citoyens.

Équilibrer ces valeurs n’est donc pas une tâche facile. Concevoir une procédure informelle,
mais en même temps capable de garantir aux citoyens une place plus équitable face aux
autorités publiques, est la clé pour rétablir la crédibilité de l’administration face aux citoyens.

Finalement, il y a des obstacles formels d’origine historique et politique qui rendent encore
plus difficile le développement de cette procédure. La formation du système administratif
autant en France qu’au Brésil a favorisé pendant longtemps le contrôle juridictionnel de ses
actes, soit par la justice administrative en France, ou par le pouvoir judiciaire au Brésil.

Chapitre I : Les difficultés de l’organisation de


la procédure administrative contentieuse au
Brésil et en France

Le problème de l’imprécision terminologique dans le domaine de la procédure administrative


contentieuse non juridictionnelle, essentiellement en ce qui concerne l’utilisation des termes
contentieux et juridiction, autant en France qu’au Brésil, est le premier obstacle à
l’organisation d’une procédure efficace. Étant donné que la terminologie renferme non
seulement des éléments descriptifs mais aussi des facteurs historiques et culturels
correspondant à chaque réalité, une recherche en droit comparé, tout spécialement dans ce
domaine, est d’autant plus riche et importante.

Les notions de recours administratifs, ou de procédure administrative non contentieuse, ou


encore de procédure administrative contentieuse non juridictionnelle, sont des notions qui
méritent d’être décrites de manière spécifique et détaillée. L’indétermination de chacun de ces
éléments fait que la conception d’une procédure administrative contentieuse, en dehors du

231
juge et capable de protéger le citoyen dans un rapport d’inégalité avec l’administration,
devient plus difficile.

Le deuxième obstacle pour l’organisation de la procédure administrative non juridictionnelle


se situe dans le champ normatif et consiste en une complexité normative des organisations
procédurales marquée par l’incohérence des normes superposées, par l’absence d’uniformité
entre ces normes et par le conflit des sources.

§I. Les imprécisions et ambiguïtés terminologiques de la


procédure administrative non juridictionnelle

À propos de cette confusion linguistique, Eugénie Prévédourou dénonce qu’elle est propre au
droit français où la quasi-totalité des juristes entend que statuer sur le contentieux correspond
à faire acte de juridiction. Dans son analyse comparative avec le droit allemand, elle affirme
qu’en langage juridique allemande il n’existe pas un terme équivalent au terme français de
contentieux.610

Dans la tradition hispano-américaine Allan Brewer-Carias indique aussi que l’expression


« procédure administrative non contentieuse » ne s’emploie pas dans le sens adopté en
France, qui entend définir par cette expression la procédure suivie devant l’administration
active, par opposition à celle qui se déroule devant la juridiction administrative. 611

Il est alors usuel en France de prêter une acception restrictive au « contentieux administratif »
qui exclut de son champ d’incidence tous les modes de règlement des conflits en dehors du
juge étatique, ce que Maurice Hauriou qualifiait déjà de «conception contentieuse du droit
administratif».612 Cette exclusion était déjà énormément critiquée par plusieurs auteurs
français qui considèrent irrecevable cet amoindrissement de l’activité contentieuse comme
une méthode compatible uniquement avec la juridiction.613

610
PREVEDOUROU. Eugénie. Les recours Administratifs Obligatoires. Bibliothèque de Droit Publique, T. 180,
Paris : LGDJ, 1996, p. 3.
611
BREWUER-CARIAS, Allan R. Les principes de la procédure administrative non contentieuse. Paris :
Economica, 1992, p. 9.
612
HAURIOU, Maurice. Préface à ses Notes d'arrêts, 1928, p. X.
613
Dans ce sens : AUBY. Jean-Marie et DRAGO, Roland. Traité du Contentieux Administratif. Paris : LGDJ,
3ed. 1984, p. 10 ; ISAAC, Guy. La procédure administrative non contentieuse. Paris : LGDJ, 1968, pp 18/20 ;

232
Pour Oliver Gohin la procédure suivie devant l’administration active définie comme non
contentieuse, ce qui signifie non juridictionnelle, est un équivoque qui préserve une « zone
grise - expression imagée des politologues dans laquelle l’administration active est déjà
confrontée à un litige qu’elle cherche à prévenir ou qu’elle entend traiter, avant tout recours
de l’administré au juge, par un préalable qui peut être obligatoire ou non.614

Vasco Manuel Pascoal da Silva démontre que la doctrine traditionnelle a méprisé la procédure
administrative contentieuse non juridictionnelle pour deux raisons principales. Tout d’abord,
en raison de la perspective classique « actecentrique » qui privilégiait seulement la
perspective juridictionnelle de l’administration publique, c’est-à-dire qu’elle s’occupait
seulement des éléments des actes administratifs qui devaient être examinés par le juge, les
décisions administratives finales. Ensuite, en raison de l’héritage du droit privé dont le centre
d’intérêt était l’acte juridique. Cette doctrine de droit privé, à l’opposé de la doctrine de droit
public, ne prêtait aucune attention à la formation de la volonté. En revanche dans le droit
public, la volonté administrative est loin d’être un élément psychologique et subjectif mais
elle a plutôt un caractère institutionnalisé, objectif et public. La formation de la volonté
administrative a des implications directes sur la validité des actes administratifs et doit être
concrétisée par une procédure qui la rend visible et contrôlable.615

Ce raisonnement a été confirmé par Georges Langrod qui avait déjà incriminé les entraves
exagérées de la doctrine française qui soumet toujours le contentieux à la juridiction. L’auteur
démontre que le contentieux était pratiquement exclusif pour les actes administratifs finaux,
les seuls examinés par le juge, donc « les éléments antécédents et subséquents à ses actes
passent dans l’ombre ».616

BRISSON, Jean-François. Les Recours Administratifs en droit public français. Paris : LGDJ, 1996, p. 19/20 et
CHEVALLIER, Jacques. Fonction Contentieuse et Fonction Juridictionnelle. Mélanges en l’honneur du
professeur Michel Stassinopoulos. Paris : LGDJ, 1974, p. 275.
614
GOHIN, Olivier. La prpocédure administrative non contentieuse. Colloque de la section luxembourgeoise de
l’IDEF, 27-28 mai 2004. Disponible sur :
http://www.google.fr/#q=procédures+non+contentieuses+union+européenne+application+en+droit+francais&sp
ell=1&sa=X&ei=6gOsUcbGCoWE9QSilYHwCA&sqi=2&ved=0CCgQBSgA&bav=on.2,or.r_qf.&fp=bcfa9a51
5d4aac52&biw=1600&bih=701. Consulté le 20 avril 2012.
615
SILVA, Vasco Manuel Pascoal da. Em busca do acto administrativo perdido. Coimbra: Almedina, 1996. p. 302.
616
LANGROD, Georges. Procédure Administrative et Droit administratif. RISA, 1956, p. 29

233
Or à notre avis, cette constatation d’incohérence linguistique est seulement le résultat d’une
formulation équivoque des contenus et des symboles dans un contexte historique culturel plus
vaste où le langage représente un facteur parmi d’autres.

A. Les raisons du monopole de la procédure par la fonction


juridictionnelle en France

Le monopole de la procédure par la fonction juridictionnelle en France est dû principalement


à la nécessité d’assurer la séparation entre les fonctions de nature diverse exercées par
l’administration publique elle-même : la fonction juridictionnelle et les fonctions actives et
délibérantes.

Cette justification pour légitimer en France un monopole injustifiable du point de vue


épistémologique est forcement critiquée par des auteurs comme Guy Isaac qui affirme que
«l’essor de la justice administrative provoque l’échec de la procédure administrative non
contentieuse»617 et comme Jean-François Brisson qui remarque qu’à la fin du XIXe siècle, par
le biais de l’ arrêt Cadot de 1889, le conseil d’État abandonne la théorie du ministre-juge mais
en même temps démantèle l’organisation procédurale des recours administratifs
contentieux.618

L’absence de consensus entre la doctrine et la jurisprudence française sur la nature


contentieuse de la fonction administrative exercée par l’administration active est toutefois
remarquable. Par une équivoque déjà énoncée, l’expression « procédure administrative non
contentieuse » utilisée en France vise à distinguer celle-ci de la procédure appliquée par la
justice administrative.

Toutefois en démontrant une certaine évolution conceptuelle, la jurisprudence et parfois la


doctrine commencent à utiliser l’expression « procédure administrative non contentieuse »

617
GUY, Isaac. La procédure Administrative Non contentieuse. Bibliothèque de Droit Publique, T. LXXIX,
Paris : LGDJ, 1968, p. 18/26.
618
« Le raisonnement du juge administratif est implicite : puisque le ministre statuant d’office ou sur recours,
n’est investi d’aucun pouvoir juridictionnel, la décision ministérielle est une décision purement administrative
non assimilable à une sentence juridictionnelle. À ce titre elle n’exige ni forme ni procédure spéciale.»
BRISSON, Jean-François. Les principes de l’administration Française en Droit administratif. La procédure
administrative non contentieuse en droit français. BDPE, V. XIV, sur direction de FROMONT, Michel.
London : Esperia, 2000, p. 76.

234
pour désigner uniquement la procédure développée pour la formation des actes administratifs.
Cette apparente évolution niait la nature procédurale de toutes les relations conflictuelles entre
l’administration et les citoyens.619

Comme nous le verrons, le problème de cette correction terminologique, c’est qu’elle


continuait à porter un plus grave grief aux particuliers. Elle considérait comme matière
procédurale seulement celle qui précédait la formation des actes administratifs. Le système
français retombait une fois de plus dans le même équivoque, il niait une organisation
procédurale pour l’ensemble des actes postérieurs à la décision administrative et concernant
sa révision par l’administration elle-même.

Si auparavant le système français considérait non procédurales les fonctions typiquement


administratives pour garantir la séparation entre les fonctions actives et délibérantes et les
fonctions juridictionnelles, à partir de cette nouvelle compréhension, la procédure
administrative se libérait du monopole juridictionnel mais, en revanche, ne renfermait pas les
fonctions contentieuses exercées par l’administration active qui continuaient d’être
dépourvues d’une nature procédurale.

Donc, les recours administratifs en France, déjà analysés dans ce travail, avaient un caractère
procédural discutable issu de l’article 5 du Décret du 28 novembre 1983, auquel on a dérogé
quelques années plus tard grâce à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans
leurs relations avec l’administration.620 Le décret du 28 novembre 1983 dont l’interprétation
jurisprudentielle était restrictive a été remplacé par l’article 18 de la loi où « le mot
« demande » désigne aussi bien les demandes et réclamations initiales que celles formulées à
l’occasion d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique ».621

En France, la voie des recours administratifs était considérée comme l’expression du droit de
pétition aux autorités publiques. Pour cette raison la doctrine justifiait le caractère non
procédural des recours administratifs. En considérant ce droit traditionnellement reconnu en

619
Revoir le Chapitre III, Titre I, §I Les recours administratifs en France.
620
BRISSON. Jean-François. Les Recours Administratifs en Droit Public Français. Bibliothèque de droit public.
T 185., Paris : LGDJ, 1996, pp. 167/169.
621
Voir note 400.

235
droit français aux citoyens par une mise en œuvre exceptionnellement libérale, il serait donc
paradoxal de les soumettre à des formalités procédurales pour leur exercice.622

Par ailleurs, en dépit de cette avancée par rapport à l’ancienne conception non procédurale du
contentieux en dehors du juge en France, il y a une flagrante dépréciation de la procédure
contradictoire. Le principe général des droits de la défense a valeur constitutionnelle mais le
principe du contradictoire ne représente qu’un sous-ensemble du principe des droits de la
défense. 623

La conclusion de Sylvie Caudal devient très singulière : « contrairement au contentieux, la


«triade » traditionnelle faite des plaideurs et du juge est ici inexistante : c'est d'un face à face
entre administration et administré(s) dont il s'agit. Or, l'inégalité entre ces « parties »
apparaît difficilement surmontable, et l'on peut douter, avec certains auteurs, que ces
procédures conduisent véritablement à faire jouer à l'administration le rôle d'une partie dans
cette contradiction. Il en résulte des spécificités assez marquées, touchant au déroulement de
ces procédures, dont on relèvera les principales. En réalité, les limites au contenu de la
contradiction ne tiennent pas tant à l'exigence d'information de l'administré qu'au semblant
de dialogue instauré ».624

B. L’absence de monopole de la procédure par la fonction


juridictionnelle au Brésil

La procédure administrative non juridictionnelle au Brésil n’est pas un monopole


juridictionnel. La fonction non contentieuse de l’administration active, de formation des actes
administratifs, a une nature procédurale autant que la fonction contentieuse de
l’administration active.

Il est opportun de citer à ce sujet les leçons de Marçal Justen Filho qui écrit à propos du
phénomène contemporain de la « procéduralisation »625 du droit administratif brésilien. La

622
AUBY, Jean-Marie et DRAGO, Roland. Traité de Contentieux Administratif. 3 vol. 1962, p. 104.
623
CAUDAL, Sylvie. Les procédures contradictoires en dehors du contentieux. RFDA, 2001, p. 13.
624
Idem.
625
Nous ne trouvons pas, dans le système doctrinal français, de phénomène comparable à celui de
procedimentalização brésilien, alors nous utilisons, dans le sens d’une traduction libre,le néologisme

236
« procedimentalização » néologisme portugais sans équivalant exacte en langue française,
consiste à soumettre les activités administratives, figures fondamentales pour la démocratie
moderne, à l’observance des procédures qui deviendraient conditions indispensables pour leur
validité. Ce phénomène de la « procéduralisation» représente un instrument de contrôle du
pouvoir étatique et de perfectionnement de l’actuation gouvernementale. Donc, cette
«procéduralisation» parvient à la production des actes administratifs tout comme à leur
révision, soit pour des raisons de légalité, soit pour des raisons d’opportunité.626

Nonobstant cette indiscutable nature procédurale des doubles fonctions administratives et de


cette prestigieuse position occupée par l’organisation procédurale de l’administration
publique au Brésil, il n’y a malheureusement pas de définition claire et précise des règles
applicables aux procédures administratives contentieuses et des règles applicables aux
procédures administratives non contentieuses. La loi fédérale et les lois locales en matière
procédurale ne sont pas spécialisées, ces législations traitent des procédures administratives
sans faire de distinction entre elles, comme si les questions relatives à matière contentieuse
pouvaient être réglementées de la même façon que les matières gracieuses concernant les
formations des actes administratifs.

Dans le cadre de notre recherche comparée, nous pouvons déduire facilement qu’au Brésil le
monopole des procédures, issu des spécialisations des fonctions administratives est
inapplicable. Au Brésil la dualité de juridiction n’existe pas, donc l’administration n’exerce
pas ordinairement des fonctions juridictionnelles. Néanmoins, le dédain concernant la
procédure administrative non contentieuse est aussi dénoncé au Brésil par la doctrine.627

procéduralisation pour le désigner. Ce phénomène révèle la façon de transformer un ensemble d’actions


interdépendantes en une procédure formelle et organisée.
626
« O direito administrativo contemporâneo caracteriza-se pela procedimentalização, instrumento indispensável
de controle do poder estatal e de aperfeiçoamento da atuação governamental. Tal como acima exposto, o regime
juridico de direito administrativo alicerça-se sob dois pilares fundamentais. Um deles é a vinculação aos direitos
fundamentais e o outro é a procedimentalização.
[…] A procedimentalização consiste na submissão das atividades administrativas à observância de
procedimentos como requisito de validade das ações e omissões adotadas. Significa quea função administrativa
se materializa em atividade administrativa, que é um conjunto de atos. Esse conjunto de atos deve observar uma
sequencia predeterminada, que assegure a possibilidade de controle do poder jurídico para realizar os fins de
interesse coletivo e a promoção dos direitos fundamentais. » JUSTEN FILHO. Op. cit., p. 209/249.
627
COMPARATO, Fabio Konder. Planejar o desenvolvimento: a perspectiva institucional. In: BERNARDO,
Antonio C. et autres ; Brasil, o desenvolvimento ameaçado: perspectivas e soluções. São Paulo: UNESP, 1989.
p. 61-101 ; BAPTISTA, Patrícia. Transformações do Direito Administrativo. Rio de Janeiro: Renovar, 2003;
BINENBOJM, Gustavo. Uma teoria do Direito Administrativo. Rio de Janeiro: Renovar, 2006; BUCCI, Maria

237
En effet, on peut conclure que pour des raisons partiellement diverses et peut être à des
niveaux inégaux autant au Brésil qu’en France, la procédure administrative contentieuse non
juridictionnelle pratiquée par l’administration active occupe une place bien moins privilégiée
que la procédure contentieuse exercée par les organes juridictionnels.

Quant à la terminologie, le système brésilien, tout comme les pays hispano-américains,


n’utilise que rarement le terme de contentieux administratif pour désigner le règlement
juridictionnel des conflits en matière administrative, puisque dans le système brésilien la
procédure de l’administration active, connue en France comme procédure administrative non
contentieuse, est désignée seulement par les termes procédure administrative ou plutôt par le
terme latin procès administratif, sans ajouter quelque autre qualificatif.628

C. La procédure administrative contentieuse non juridictionnelle


dans le contentieux alternatif en dehors du juge.

Pour éclaircir quelques indéfinitions linguistiques dans ce travail, principalement face aux
confusions terminologiques déjà énoncées à ce sujet dans l’introduction, nous donnerons au
thème en discussion le nom de procédure administrative contentieuse non juridictionnelle
pour éviter tout doute sur la délimitation de ce dont on veut parler. Cette procédure est sans
interférence des autorités juridictionnelles, elle se déroule devant les autorités administratives
après une décision prise par elles-mêmes contre laquelle la personne privée dépose une

Paula Dallari. Direito Administrativo e políticas públicas. 2. tiragem. São Paulo: Saraiva, 2006; JUSTEN
FILHO, Marçal. Curso de Direito Administrativo. São Paulo: Saraiva, 2005.
628
Il faut remarquer qu’au Brésil, la doctrine diverge quant la terminologie adoptée pour désigner la procédure
administrative non juridictionnelle. Il y a des auteurs comme Maria Sylvia Zanella di Pietro qui défendent une
profonde différence entre le terme procédure et la notion latine de procès, remettant la notion de procès pour
désigner un ensemble d’actes plus ample et indispensable pour l’exercice de la fonction administrative. Par
ailleurs, la procédure serait seulement constituée des formalités, de la façon de procéder dans le procès. DI
PIETRO. Maria Sylvia Zanella. Direito Administrativo. 15 ed. São Paulo : Atlas, 2003, p. 506/507 ; Pour Hely
Lopes Meirelles procès est un ensemble d’actes coordonnés pour l’obtention d’une décision sur une controverse,
c’est-à-dire que le caractère litigieux est indispensable, en revanche la procédure est la façon de découler des
activités administratives. MEIRELLES, Hely Lopes. Direito Administrativo Brasileiro. 33ed. São Paulo :
Malheiros, 2007 ; Pour Celso Antonio Bandeira de Mello, le terme de procès administratif est plus adéquat que
le terme de procédure administrative, néanmoins l’auteur estime que cette discussion est peu importante dans ce
contexte. BANDEIRA DE MELLO, Celso A. Curso de Direito Administrativo. 20. Ed. São Paulo : Malheiros,
2007, p. 429/430. Finalement, la principale loi qui discipline la matière, la loi 9.784 du 29 janvier 1999, établit
expressément qui régule le procès dans l’administration publique fédérale. Dans cette loi nous trouvons autant de
règles sur la procédure litigieuse que de règles sur la procédure non contentieuse de formation des actes
administratifs.

238
réclamation tentant remettre en cause les fondements de fait, de droit ou d’opportunité d’une
décision administrative.629

Pour le terme litige, nous adoptons aussi la notion large du terme, comme exposé par Jean-
Marie Auby, pour lequel le litige peut être tranché par des considérations d’équité ou
d’opportunité. Cette possibilité-là est justement une des principales raisons présentées pour
justifier la recherche des règlements alternatifs au juge étatique, qui très souvent se montre
incapable de solutionner quelques litiges seulement par application de la loi.630

Il faut délimiter ces notions principalement en considérant le double contenu renfermé dans la
procédure administrative maladroitement nommée de non contentieuse en France, comme
nous en avertit Brewer-Carias.631 Généralement cette procédure se développe en deux phases,
« en premier lieu la procédure constitutive des actes administratifs, tendant à la formation de
ceux-ci ; et en second lieu la procédure de révision des actes administratifs qui se déroule
quand ils ont été édictés et qui a pour objet de les corriger, réformer, modifier, révoquer ou
annuler par la voie administrative ».632

En dépit de l’importance de la procédure administrative non juridictionnelle globalement


considérée, depuis la formation des actes administratifs jusqu’à leur révision, il nous faut faire
une coupure épistémologique pour respecter les dimensions de notre objet de recherche. Nous
allons examiner uniquement l’une des fonctions pertinentes à la procédure administrative non

629
Ces voies de droit pour remettre en cause les décisions administratives sont appelées, en France, des Recours
Administratifs, et selon Guy Isaac ce sont précisément « les réclamations formées par les administrés auprès des
autorités administratives elles-mêmes et tendant à remettre en cause leurs décisions. » Op. cit. p. 618. Pour Jean-
Marie Auby, la notion des recour administratif peut être recherchée dans les éléments matériels dont ces recours
« supposent en tout cas l’existence d’un litige » ; et dans les éléments organiques et formels à partir desquels « le
recours administratif est adressé à un administrateur actif, statuant sur en tant que tel ». Les Recours
Administratifs. AJDA, 1955, p. 117. Pour Eugénie Prévédourou, « les recours administratifs sont des recours
contentieux, parce qu’ils présupposent l’existence du contentieux, d’une contestation, d’un litige dont ils
envisagent le règlement. Ils ne constituent pas des mécanismes précontentieux, car le contentieux est déjà né ; il
y a contestation entre les parties, c’est donc bien un contentieux qui est en cause. Ils constituent des mécanismes
pré-juridictionnels en ce sens qu’ils tendent à éviter le recours juridictionnel, à vider le contentieux administratif
au sein de l’administration même que l’a suscité par son activité. » Op. cit. p. 6/7.
630 AUBY. Jean-Marie. Les recours Administratifs. AJDA, 1955, p. 117.
631
BREWER-CARIAS. Op. cit., p. 150.
632
Sur cette affirmation de l’auteur selon laquelle la procédure administrative se déroule en deux phases, on pose
une observation sur l’expression phases, qui donne le sens des étapes successives d’un procès /processus?
continu d’évolution, mais en ce que concerne la procédure non contentieuse, il est plus précis à notre avis de
parler de double fonction, car la formations des actes administratifs et leur révision peuvent se dérouler
individuellement puisqu’elles sont autonomes et indépendantes une de l’autre.

239
juridictionnelle qui se développe après la constitution de l’acte administratif et lors de la
constitution d’une relation de nature contentieuse ou conflictuelle.

La pertinence de la procédure administrative non juridictionnelle et les modes alternatifs de


règlement des litiges administratifs nous contraignent à cette réduction du champ d’intérêt.
L’importance de la procédure administrative non contentieuse, précisément définie par Yves
Gaudemet633, observée lorsque l’acte administratif est encore en formation, est un facteur non
négligeable pour améliorer les relations entre l’administration et les particuliers, et par
conséquent réduire les litiges administratifs devant les tribunaux. Cependant, l’objet
d’appréciation et d’examen de la présente recherche est de nature conflictuelle, contentieuse,
et c’est pour cela que l’exclusion de la fonction préalable à la formation des actes
administratifs de la procédure administrative se justifie.

Il résulte que pour les façons alternatives de régler les conflits administratifs, ce que nous
pouvons appeler un contentieux en dehors du juge, nous trouvons beaucoup d’obstacles à
l’organisation d’une procédure administrative.

§II. La complexité normative des organisations procédurales au


Brésil et en France

Cette procédure administrative non juridictionnelle en France a commencé à être l’objet de


plusieurs réformes ponctuelles. Ces réformes sont « attentives aux aspects les plus modernes
de l’action administrative et soucieuses d’y adapter la défense des droits des administrés »,
comme le fait remarquer Yves Gaudemet lorsqu’il analyse la convenance de l’édition d’un
code de procédure administrative non contentieuse en France.634

Ces réformes avaient comme principales législations : la loi du 6 janvier 1978 relative à
l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la loi du 17 juillet 1978 portant sur diverses
mesures d’aménagement des relations entre l’administration et le public et entre diverses

633
« La procédure administrative non contentieuse se définit simplement comme l’ensemble des règles de forme
et de procédure relatives à l’élaboration des actes administratifs et dont le respect conditionne la validité de ces
actes ».GAUDEMET, Yves. La codification de la procédure administrative non contentieuse en France. Recueil
Dalloz. 1986, p. 108.
634
GAUDEMET, Yves. La codification de la procédure administrative non contentieuse en France. Dalloz
Chronique, 1986, p. 107.

240
dispositions d’ordre administratif, social et fiscal relatives à l’informatique, aux fichiers et aux
libertés, la loi du 3 janvier 1979 sur les archives, la loi du 11 juillet 1979 relative à la
motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le
public, la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et enfin le
décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers,
résultat possible d’un projet plus ambitieux comportant l’édiction d’une loi de procédure
administrative non contentieuse, la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations et finalement la loi n° 2011-525 du 17
mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Ces différents textes qui ne composent pas une liste exhaustive, comme nous en avertit
Michel Fromont, font partie du droit français de la procédure administrative qui n’a jamais été
l’objet d’un régime général applicable à la procédure d’élaboration des décisions
administratives individuelles. « Il y a pratiquement autant de types de procédures
administratives non juridictionnelles qu’il y a de types de décisions administratives ».635

En complément à l’idée de pulvérisation et de la multiplicité des règles pour la procédure


administrative non juridictionnelle en France, Gustave Peiser explique que le manque de
généralisation et systématisation de ces règles est issu de la négligence attribuée à cette
procédure au profit de la supériorité du contrôle juridictionnel exercé par le juge administratif.

De plus l’auteur indique comme conséquence de cette suprématie juridictionnelle et de cette


insuffisance de législation, en premier, un développement de la jurisprudence administrative
imposant à l’administration active des règles en matière de procédure et, en deuxième lieu, le
développement des règles par l’administration publique elle-même.636

Ce que l’on regrette dans les constatations de l’auteur, c’est l’absence de sanction dans les cas
de désobéissance aux règles. Le manque de paramètre objectif empêche le juge d’appliquer

635
FROMONT, Michel. Les types de procédures administratives. La procédure Administrative Contentieuse en
Droit Français. Bibliothèque de Droit Publique Européen. Volume XIV, Michel Fromont Directeur, Londres :
Esperia, 2000, p. 11.
636
PEISER, Gustave. Sources du Droit de la procédure Administrative. La procédure Administrative
Contentieuse en Droit Français. Bibliothèque de Droit Publique Européen. Volume XIV, Michel Fromont
Directeur, Londres : Esperia, 2000, p. 20

241
une répréhension. Donc, malgré l’existence de nombreuses sources, le droit de la procédure
administrative contentieuse non juridictionnelle continue lacunaire et sans force coercitive.

Cependant, la plus grosse contradiction est que si, d’un coté, la procédure administrative non
juridictionnelle en France souffre d’une absence d’uniformité et d’une incomplète
règlementation, d’un autre coté, elle souffre d’une abondance excessive de règles disperses et
incohérentes. C’est justement à cette situation qu’on donne le nom de complexité normative
des organisations procédurales marquée par le conflit des sources et par une conception non
contentieuse.

Au Brésil, selon Alice Gonzales Borges, la conquête la plus importante et la plus expressive
de la citoyenneté dans la constitution brésilienne de 1988 a été la consécration des garanties
contenues dans l’article 5°, LIV : « nul ne peut être privé de liberté sans que la procédure
légale ait été respectée » ; et LV : « la procédure contradictoire et le droit de défense pleine
et entière sont garantis aux parties à un procès judiciaire ou administratif et aux accusés en
général, ainsi que les moyens et ressources qui y sont nécessaires »637. Ces dispositifs
présentent des nouveautés qui rapprochent la procédure administrative des procédures
juridictionnelles en appliquant aux premières les mêmes garanties assurées aux litigants dans
une procédure juridictionnelle.638

Cette transformation notable du droit administratif brésilien était depuis longtemps le rêve
nourri par plusieurs auteurs classiques comme Themistocles Cavalcante639 et Manoel de
Oliveira Franco Sobrinho640, les deux plus grands défenseurs de l’édition d’un code de la
procédure administrative à l’exemple de quelques pays d’Amérique Latine.641

637
Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, Traduite par Jacques Villemain et Jean François
Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-politique-
constitution.pdf?PHPSESSID=ac90cfd5c34194018232dc84c2a84970. Consultéle 12 janvier 2010.
638
BORGES, Alice Gonzales. Processo Administrativo e Controle. Revista Diálogo Jurídico, v. I, nº. 8,
novembro, 2001. Disponible sur: <http://www.direitopublico.com.br>. Consulté le 19 mai 2012.
639
CAVALCANTI, Themistocles Brandão. Curso de Direito Administrativo. 10 ed., Rio de Janeiro: Freitas
Bastos, 1977
640
FRANCO SOBRINHO, Manoel de Oliveira. Introdução ao direito processual administrativo. São Paulo : RT,
1971.
641
En Argentine depuis 1972, au Venezuela et en Colombie depuis 1982 il y a des lois sur la procédure
administrative non juridictionnelle.

242
Le dispositif constitutionnel brésilien contient une triple fonction de garanties aux particuliers,
de contrôle de l’administration publique et de participation du citoyen à la formation des
décisions administratives. Par le biais d’une procédure administrative bien structurée et
capable d’assurer une égalité conjoncturelle entre les particuliers et l’administration publique,
le citoyen sort de sa position passive de simple destinataire des décisions administratives pour
occuper une position active de sujet participatif. C’est justement en cela que consiste le but
d’un État démocratique et de droit.642

Néanmoins, malgré les garanties constitutionnelles importantes concernant la procédure


administrative non juridictionnelle, le législateur ordinaire n’a pas démontré de grand intérêt à
adopter les mesures capables de rendre efficaces ces normes constitutionnelles. La
constitution brésilienne a été promulguée en 1988 et la loi générale qui régit le procès
administratif a été publiée seulement le 29 janvier 1999, plus de dix ans après la
constitution.643

Malgré ce retard, Alice Gonzalez Borges énonce quelques autres lois spécifiques mises en
place auparavant pour concrétiser ces nouvelles garanties. Elle donne comme exemples : le
statut des fonctionnaires publics fédéraux qui a renouvelé les règles de la procédure
disciplinaire pour les adapter au nouveau système (Loi 8112 du 11 décembre 1990), et la loi
des appels d’offre et des marchés publics (loi 8666 du 21 juin 1993 – « Lei de licitação e
contratos da Administração Publica ») qui a présenté d’importantes modifications en ce qui
concerne la participation citoyenne et le respect du contradictoire et des droits de la défense.644

Donc, de façon générale, les législations spéciales assuraient raisonnablement les droits des
citoyens mais, comme nous en avertit l’auteur, ces lois ne touchent que les couches les plus
favorisées de la population. Les particuliers qui occupent un poste dans la structure de
l’administration, comme les fonctionnaires publics, ou qui sont éventuellement cocontractants
dans un marché public ne composent pas la grande majorité de la population brésilienne.
C’est pour cela qu’on peut affirmer que ces législations ponctuelles et spécifiques ne suffisent
pas.
642
BORGES. Op. cit., p. 4.
643
FIGUEIREDO, Lúcia Valle. Comentários à Lei Federal de Processo Administrativo (Lei nº 9.784/99). Belo
Horizonte: Fórum, 2004, p. 13.
644
BORGES. Op. cit., p. 6

243
Les réclamations du grand public représentent l’essentiel du problème, puisqu’elles ne
correspondent à aucune catégorie spéciale et n’occupent aucune place privilégiée. Ces simples
réclamations faites par les usagers des services publics ont besoin d’être écoutées, d’être
dûment appréciées et au final de recevoir une réponse.

L’absence de règles générales pour tous les genres de réclamations auprès de l’administration
publique au Brésil augmente un problème fréquent dans les pays latino-américains.
L’autoritarisme étatique brésilien est inégalitaire et paradoxal, car la façon de fonctionner de
la bureaucratie oscille entre deux extrêmes : d’un côté, la pleine rigidité du formalisme qui
établit la distance entre l’administration et le citoyen anonyme de la société civile faible qui
va se fatiguer derrière des guichets à remplir d’interminables formulaires et, d’un autre côté,
l’extrême souplesse, intimité et informalité par rapport au citoyen visible et notoire de la
société civile forte. 645

Ainsi, en cédant à de fortes pressions sociales issues de groupes restreints quelques lois
générales disciplinant les procès administratifs ont été élaborées. D’abord la loi
Complémentaire 33 du 26 décembre 1996, adoptée par l’État de Sergipe, État pionnier parmi
les unités fédérales à adopter une loi sur la procédure administrative non juridictionnelle, suivi
par l’État fédéral de São Paulo avec la loi 10.107 du 30 décembre 1998 puis, seulement en
2009, l’État de Rio de Janeiro qui a publié la loi 5427 disciplinant des actes et des procès
administratifs et enfin l’État de Bahia avec la loi 12.209 du mois d’avril 2011.

Aux côtés des lois des unités fédérales, il y a la loi fédérale 9784 du 29 janvier 1999, qui régit
de façon générale les procès administratifs dans l’administration publique fédérale, en
permettant à chaque État fédéral, à l’exemple des États évoqués, d’élaborer sa propre
législation.646

645
BUCCI, Maria Paula Dallari. Direito Administrativo e políticas públicas. 2ª tiragem. São Paulo: Saraiva, 2006, p.
5.
646
En raison de l’organisation tripartite de l’Etat Fédéral Brésilien, la Constitution Fédérale du Brésil prévoit :
Art. 18. « L'organisation politico-administrative de la République fédérative du Brésil comprend l'Union, les
Etats, le District fédéral et les Communes, tous autonomes, selon les termes de la présente Constitution. » Donc,
considérant la procédure administrative comme la principale expression de l’organisation administrative, le
législateur a préféré, en respect à la Constitution, élaborer une loi générale pour s’appliquer seulement à
l’administration publique fédérale.

244
Nous rappelons que la simple édition de lois ne suffira jamais à résoudre les problèmes d’un
pays. En ce qui concerne des lois qui vont obliger le pouvoir public, à l’exemple des lois qui
règlementent la procédure administrative non juridictionnelle, cette affirmation devient encore
plus fiable. En ce sens, Agostin Gordillo affirme que les lois de la procédure administrative
non juridictionnelle, même quand elles sont faites en utilisant les meilleurs critères juridiques,
n’aboutissent efficacement que pour limiter les droits du particulier, d’une part, et pour élargir
la puissance de l’administration publique, d’autre part.647

Donc, à moins qu’il y ait volonté politique de mise en place de ces dispositions, les lois ne
vont représenter qu’une œuvre de valeur purement esthétique, l’allégorie d’une certaine
perfection juridique mais sans aucune utilité pratique pour les particuliers. Ce sont les
personnes qui donnent vie aux règles, sinon elles ne sont qu’un ensemble de paroles
dispersées au vent.

En revanche, pour Adilson Dallari et Sergio Ferraz il faut que des normes existent, c’est le
premier pas d’un long chemin à parcourir. Les auteurs affirment que si les lois ne sont pas
vraiment capables toutes seules de garantir la réalisation d’une administration publique plus
démocratique, ces tâches deviennent impossibles sans ces mêmes lois.

Au Brésil, à coté de la menace d’adopter une loi sans efficacité normative matérielle, il y a un
autre problème qui est déjà annoncé. L’organisation fédérative tripartite de l’État impose des
particularités par rapport à sa compétence de légiférant. L’article 24 de la Constitution
détermine qui, de l’Union, États Fédéraux, District Fédéral ou des Communes, aura
compétence pour éditer les lois en matière procédurales. La constitution consacre en même
temps à l’article 18 l’autonomie politique, organisationnelle et administrative des ordres
fédératifs.

Face à ces dispositifs constitutionnels le législateur a préféré adopter une interprétation plus
timide, ce qui, à notre avis, a amoindri indûment le champ d’incidence de la loi du 29 janvier
1999. Cette loi est applicable seulement pour les organes fédéraux, étant permis aux États

647
GORDILLO, Agostin. La Administración Paralela”, Madrid, Civitas, 1982, pg.50

245
Fédéraux d’édicter leurs propres lois concernant la procédure administrative. Le législateur a
donc considéré que la procédure administrative était un sujet du ressort de l’organisation
administrative et, par respect à une pleine autonomie donnée par l’article 18 de la
Constitution, il a choisi de respecter la compétence des États fédéraux.

De plus, pour aggraver les choses, au moment d’établir son champ d’incidence, le législateur
brésilien a choisi de réduire la force normative des règles générales de la procédure
administrative par rapport aux règles procédurales spécifiques et particulières. Dans ces cas,
la loi procédurale spécifique prévaudra au détriment des règles générales prévues par la loi du
29 janvier 1999.

La loi fédérale concernant les procès administratifs s’est abstenue de réglementer tous les cas
spécifiques qui continuent à respecter les lois spéciales. De cette façon les lois spécifiques
prévoyant des procédures également spéciales continuent à être respectées sans avoir besoin
de se soumettre à la loi générale, sauf en cas de lacunes. Dans ces cas-là la loi générale sera
appliquée subsidiairement, seulement pour combler les lacunes.648

Il nous semble que ces deux options du législateur ne trouvent de soutien ni dans la
constitution, ni dans la doctrine.

Dans les deux systèmes nous trouvons des problèmes différents mais qui sont nés d’une
même cause : une déficience législative. En France, la complexité normative des
organisations procédurales marquée par le conflit des sources et par une conception non
contentieuse des procédures. Au Brésil, la complexité de la compétence d’édicter les lois dans
une organisations fédérative tripartite.

A présent, consacrons-nous à analyser chacune de ces causes dans les deux systèmes.

648
PESSOA, Robertonio Santos. Processo Administrativo. Disponible sur : www.jus.com.br. Consulté le 29
janvier 2010.

246
A. La compétence de légiférant dans le domaine de la procédure
administrative et l’organisation fédérative tripartite du Brésil.

À notre sens, la Constitution dispose seulement de deux règles pour distribuer la compétence
pour légiférer entre les unités fédérales. La première dans l’article 22 qui détermine la
compétence exclusive de l’Union : «il appartient exclusivement à l'Union de légiférer» ; et la
deuxième dans l’article 24 qui détermine la compétence « concurrente » entre les entités : «il
appartient à l'Union, aux États et au District Fédéral de légiférer concurremment».

La règle prévue dans l’article 22 qui détermine la compétence exclusive de l’Union interdit
absolument aux autres entités fédérales de légiférer sur les matières stipulées par cette
dernière, sauf si une « loi complémentaire autorise les États membres de la fédération à
légiférer sur quelque sujet concernant les matières stipulées ».649

L’article 24 qui détermine la compétence concurrente entre les entités prévoit que : « dans le
domaine de la législation concurrente, la compétence de l'Union se limite à édicter les
normes générales.[…] La compétence de l'Union pour légiférer sur les normes générales
n'exclut pas la compétence supplétive des États ».650

De cette façon on ne trouve pas d’argument capable de justifier la réduction du champ de


l’incidence normative de la loi du 29 janvier 1999. En ce qui concerne le sujet traité par la loi,
la procédure administrative fait partie de l’énumération faite dans l’art. 24 de la Constitution
649
Art. 24[…]Paragraphe unique. « Une loi complémentaire peut autoriser les États à légiférer sur des questions
spécifiques dans les matières visées au présent article ». Constitution de la République Fédérative du Brésil,
1988, traduction en français par : Jacques Villemain et Jean François Cleaver. Disponible sur :
http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-politique-constitution.pdf.
Consulté le 12 janvier 2010
650
Art. 24. […]Paragraphe premier. « Dans le domaine de la législation concurrente, la compétence
de l'Union se limite à édicter les normes générales.
§ 2. La compétence de l'Union pour légiférer sur les normes générales n'exclut pas la compétence supplétive des
Etats.
§ 3. En l'absence d'une loi fédérale sur les normes générales, les États exercent la compétence législative pleine
dans le respect de leurs particularités.
§ 4. Lorsque survient une loi fédérale sur les normes générales celle-ci suspend l'effet de la loi sub-fédérale en ce
qui lui est contraire ».
Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par : Jacques Villemain et Jean
François Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-
politique-constitution.pdf. Consulté le 12 janvier 2010

247
brésilienne, ainsi la règle sur la compétence de l’Union pour édicter des normes générales est
indispensable. Ceci a été fait, car la loi du 29 janvier 1999 prévoit seulement des règles
générales.

L’argument utilisé pour dire que la procédure administrative est un sujet appartenant à
l’organisation administrative et que, par respect à la pleine autonomie rendue par l’article 18
de la Constitution, on doit respecter la compétence des États membre de la fédération est à
notre avis une équivoque. La loi de procès administratif brésilienne, même si elle comporte un
sens organisationnel dans la juste mesure prévue par les règles sur la formation des actes
administratifs, présente aussi un fort attribut contentieux, caractérisé par le règlement des
litiges non juridictionnels mené auprès de l’administration publique active, ce qui avait été
oublié par le législateur.

De plus, même si l’on accepte les arguments du législateur, cela ne nous conduit pas à
l’acceptation de la réduction des effets de la loi par l’application du critère hiérarchique.
Rappelons que les critères sur la résolution des antinomies juridiques sont les suivants : le
critère chronologique (lex posterior derogat legi priori), le critère hiérarchique (lex superior
derogat legi inferiori) et enfin le critère de la spécialité (lexis specialis derogat legi generali).
Considérant ces trois critères, et en supposant que l’on se trouve devant un cas d’antinomie
juridique, le seul critère capable d’être appliqué sera le critère hiérarchique, car la norme
analysée a un caractère général qui, si elle était soumise à un quelconque autre critère, serait
forcément contraire à sa nature.

En raison de la complexité de notre système normatif, ce n’est pas une mince affaire que
d’établir une supériorité hiérarchique entre les normes. Paulo Otero fait une approche de
plusieurs ordres de raisons capables de justifier cette hiérarchisation entre deux normes : la
hiérarchie procédurale de Kelsen, où une norme discipline la production juridique des autres
normes en jouissant d’une suprématie normative ; la hiérarchie matérielle, où l’existence
d’une troisième norme interdit à une de ces normes de disposer sur quelque contenu indiquant
ainsi la suprématie de l’une sur l’autre ; la hiérarchie organique issue de la position de
suprématie des organes titulaires de la compétence normative ; la hiérarchie logique qui vient
d’une relation logique entre les contenus des normes en conflit, une des normes joue un rôle

248
d’interprétation et d’intégration, elle est complémentaire ou limitative du contenu de l’autre
norme, ce qui indique sa suprématie ; et en dernier lieu la hiérarchie axiologique entre les
normes qui est issue d’une suprématie axiologique, c’est-à-dire que n’importe quelle norme
étant l’expression de la conscience juridique générale ou représentant une synthèse
constructive émergente du propre système juridique, peut s’imposer ou prévaloir sur les autres
normes.651

Nous sommes persuadés que la loi n° 9784 du 29 janvier 1999 est l’expression de cette
conscience juridique générale ou de la synthèse constructive émergente du propre système
juridique brésilien, raison pour laquelle elle devrait prévaloir comme règle générale sur toutes
les autres normes des compétences locales.

Cette solution est issue de la Constitution et en même temps de la doctrine. Ceci nous incite à
croire qu’au moment de l’édiction de cette loi, il y a eu des raisons de politique législative
beaucoup plus importantes que les raisons juridiques qui auraient pu justifier l’option de la
réduction de l’incidence des effets de la loi seulement dans le champ fédéral.

Alice Gonzalez Borges soutient que la loi du 29 janvier 1999 devrait être un paradigme
national, qui devrait être copié par tous les États membres de la fédération, mais
malheureusement la réalité nous prouve le contraire. L’inertie normative des États fédéraux
est majoritaire au Brésil et cette inertie profite seulement aux administrations publiques
autoritaires qui n’ont pas d’intérêt à assurer les garanties des citoyens.652

B. La réduction de la force normative des règles générales de la


procédure administrative par rapport aux règles procédurales
spécifiques.

L’option du législateur brésilien de respecter les normes spéciales concernant les procédures
administratives particulières, n’est à notre avis pas justifiée. En s’abstenant d’assurer
651
OTERO, Paulo. OP. cit., p. 551.
652
BORGES. Op. cit., p. 7

249
amplement l’exacte obéissance à la loi générale qu’il consacrait, il a permis la continuité d’un
système complexe, contradictoire et inégalitaire.

On peut citer, à titre d’illustration des effets négatifs de cette abstention normative, la Loi
fédérale du 14 juin 1999 qui régit la procédure administrative non juridictionnelle
d’exonération des fonctionnaires publics stables par excès de personnel. Cette loi prévoit que
l’exonération sera précédée d’un acte normatif qui déterminera de manière discrétionnaire le
critère général impersonnel choisi pour l’identification du fonctionnaire qui devra être
démissionné de son poste. Il n’y a aucune stipulation sur le contradictoire, sur le droit de la
défense ou sur le devoir de motivation. Cette loi spéciale et particulière a été édictée pour être
observée par l’administration publique fédérale, la même sphère de pouvoir qui par rapport à
quelques autres procédures administratives non juridictionnelles doit garantir aux citoyens
tout ce que cette loi spéciale nie, uniquement en raison des politiques législatives. Tous ces
éléments permettent de justifier notre désaccord avec cette technique législative.

En effet, les critères de la hiérarchisation logique et axiologique, déjà exposés, sont capables
d’attribuer la prévalence de la loi du 29 janvier 1999 comme règle générale de base par
rapport à toutes les autres lois spécifiques, permettant seulement la manutention des règles
particulières qui ne contrarient pas les garanties contenues dans la loi générale fédérale.

Il faut prendre en considération les leçons de Thémistocle Brandão Cavalcanti, auteur du


premier projet d’un Code de Procédure Administrative non juridictionnelle au Brésil, code qui
n’a jamais été édité, mais qui depuis les années 1970 avait déjà la préoccupation de tracer les
grandes lignes, les normes fondamentales et les principes qui devaient orienter l’élaboration
des règlements infra législatifs. Dans le projet de ce code, jamais publié, l’effort maximum
était de chercher à simplifier et à uniformiser les normes procédurales au bénéfice des
intéressés et pour des raisons d’économie.653

653
CAVALCANTI, Themistocles Brandão. A unificação das normas do processo administrativo. REPRO, 1978,
p. 211.

250
C. La complexité normative des organisations procédurales en
France

Yves Gaudemet dit que les trois sources possibles à ce propos, législative, administrative et
jurisprudentielle, étaient bien en concurrence. L’auteur démontre que dans les textes légaux
en la matière le Parlement s’est situé à plusieurs reprises en rupture avec la Jurisprudence, et
l’administration s’est montrée hésitante pour adhérer aux principes de ces réformes. Cette
situation est désignée par Yves Gaudemet comme un « conflit de sources ».654

En plus du conflit entre les sources de la procédure administrative non juridictionnelle, qui
aggrave la situation, la pluralité des sources représente déjà un manque de sécurité juridique
pour les particuliers et même pour l’administration publique. Les garanties données par les
sources en matière de procédure sont directement proportionnelles à leur connaissance. Donc,
la complexité et la superposition des règles par diverses sources, rendent presque nul
n’importe quel bénéfice apporté par les normes. L’information et la simplicité du système
normatif sont décisives pour sa propre efficacité.

1. La pluralité des sources écrites

Une analyse superficielle de la Constitution Française pourrait nous mener à une conclusion
précipitée. Dans son article 34, la procédure administrative contentieuse non juridictionnelle
comme matière à être réglementée par la loi n’est pas prévue. Toutefois, comme l’affirme
Gustave Peiser, la procédure administrative dans certaines matières spécifiques prévues par le
texte constitutionnel appartiendra logiquement au pouvoir législatif.655

En outre et principalement, l’article 34 établit la compétence de la loi pour réglementer « les


droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques ».656 En ajoutant que c’était par le biais du législateur, par la loi n°2000-321
du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations,
que l’on trouve actuellement les principales règles générales sur la procédure administrative

654
GAUDEMET, Yves. La codification de la procédure administrative non contentieuse en France. Dalloz
Chronique, 1986, p. 111.
655
PEISER. Op. cit., p. 23
656
GUY. Op. cit., p.281. En revanche AUBY, Jean-Marie. La procédure Administrative non contentieuse. Rec.
Dalloz, 1956, p. 28.

251
non juridictionnelle, on peut en conclure que la loi occupe une plus grande place en cette
matière, et ce malgré les critiques.657

Malgré cela, le Conseil d’État affirme que la compétence réglementaire de la procédure


administrative contentieuse non juridictionnelle est un principe et que la compétence légale
est une exception.658 Ce raisonnement provient de la décision du Conseil Constitutionnel n°
88-154 du 10 mars 1988, dans laquelle il affirme la compétence réglementaire en matière
précontentieuse à condition qu’elle ne remette pas en cause l’exercice du droit d’agir en
justice.659

En revanche, par la décision Alitalia du 3 février 1989, le Conseil d’État a institué la faculté
pour tout administré de demander à l’administration, sans condition de délai, d’abroger les
actes réglementaires illégaux dès l’origine ou devenus illégaux du fait d’un changement dans
les circonstances de fait ou de droit. La société se prévalait des dispositions de l’article 3 du
décret du 28 novembre 1983. Toutefois, la jurisprudence avait précisé que la demande
d’abrogation devait intervenir dans les deux mois suivant la modification des circonstances.
L’article 3 du décret de 1983 entendait faire échec à ces jurisprudences puisqu’il prévoit que
la demande d’abrogation est recevable sans condition de délai et ceci même à l’encontre d’un
règlement illégal dès sa signature.

Pour éviter d’affronter la question plus complexe concernant la légalité d’imposer une
obligation d’abrogation pour l’ensemble des actes réglementaires par un décret, le Conseil
d’État a érigé en principe les facultés ouvertes aux administrés par l’article 3 du décret de
1983, et releva que le décret de 1983 s’était inspiré de ces principes. 660

657
Anne Courrèges, à propos de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
l’administration, estime que : « ce texte n’est pas encore la grande loi que l’on attend encore, véritable Code de
la procédure administrative non contentieuse ». J.C. Ricci (R.G.C.T. mai 2000, n°11, p.220) estime qu’«il faut
bien reconnaître que, comme le décret du 28 novembre 1983 avant elle, la loi du 12 avril 2000 constitue
l’assemblage de mesures ponctuelles, diverses, entretenant entre elles des liens plus ou moins étroits et à la
portée très variable »
658
Conseil d’Etat. Les Etude du conseil d’Etat. Paris : La documentation Française, 2008, p. 43/44.
659
Conseil Constitutionnel. Décision n° 88-154 L du 10 mars 1988. Recueil p. 42.
660
Conseil d’Etat. Décision du 3 février 1989 Compagnie Alitalia, Rec Lebon p. 44.

252
En conclusion, on peut dire que si la procédure administrative contentieuse non
juridictionnelle n’est pas une matière exclusive de la compétence législative, on ne peut pas
non plus garantir dans quelle mesure elle peut être l’objet d’un règlement. La jurisprudence
est incertaine, mais la doctrine l’est également.

2. La pluralité des sources non écrites

Le droit administratif de la procédure administrative contentieuse non juridictionnelle, bien


qu’il soit l’objet d’une multiplicité de lois, a toujours comme principale source la
jurisprudence. Ce n’est pas une question de quantité mais de qualité. Les règles prétoires
fixées sont les règles les plus importantes de la procédure administrative. Le Conseil d’État
par sa jurisprudence formule des règles tellement générales qu’elles sont considérées comme
des principes de ce droit administratif spécifique.661

George Langrod, en 1956, a déjà exposé une certaine perplexité par rapport à la carence du
législateur français et à la subordination de la doctrine française face au seul contrôle
juridictionnel de l’administration. L’auteur fait une réflexion tellement lucide qu’on ne peut
pas ne pas la prendre en considération, pour ce dernier le juge administratif devient contrôleur
et législateur secondaire.662

À cet égard, il nous semble paradoxal que la procédure administrative contentieuse non
juridictionnelle soit laissée aux soins de la jurisprudence. C’est justement le Conseil d’État
qui fixe ses principales règles, alors qu’en réalité c’est lui aussi, et cette fois-ci comme
contrôleur, qui néglige les éléments précédents et subséquents de ces actes administratifs au
moment de leur réexamen.

La question a déjà été posée : « le droit administratif peut-il être indéfiniment


jurisprudentiel ? ». On peut se demander jusqu’à quel point les mérites qui sont toujours
attribués à un droit jurisprudentiel comme la souplesse et la faculté d’adaptation vont dévoiler

661
PEISER. Op. cit., p. 35.
662
LANGROD. Op. cit., p. 30/31

253
les inconvénients représentés principalement par la « moindre prévisibilité des solutions et
par une certaine diminution de la sécurité juridique ».663

En ce qui concerne plus précisément la procédure administrative contentieuse non


juridictionnelle la question qui émerge est plus attrayante. Le juge administratif peut-il être
créateur des principales normes d’un droit administratif procédural auquel il n’attribue qu’une
valeur résiduelle au moment où il devient son contrôleur ? Quel est l’avenir pour cette
procédure ?

D. L’influence du droit européen et de droit de l’Union européenne


sur la procédure administrative contentieuse non juridictionnelle

La doctrine considérait que le droit européen exerçait une influence664 sur les règles de la
procédure administrative contentieuse non juridictionnelle française assez disperse, « très
ponctuelle et hétéroclite ».665

Nous croyons que cette dispersion venait de la rareté des prévisions dans les traités et
règlements d’éléments relatifs à la procédure administrative non juridictionnelle. Ces normes
plus nombreuses étaient applicables directement dans le droit français, mais quand elles
prévoient des règles sur la procédure destinées aux tribunaux. En revanche, cela se passe
différemment avec les directives et les jurisprudences de la Cour de Justice de l’Union
européenne (CJUE) qui fixe fréquemment des règles sur cette procédure en dehors du juge.

663
VEDEL. George. Le droit administratif peut-il être indéfiniment jurisprudentiel ? EDCE, 1979-1980, p. 35
664
« Aborder le sujet de « l'influence du droit communautaire sur la notion d'ordre public en droit administratif
français » suppose préalablement d'éclaircir une première question : comment faut-il comprendre cette idée d'«
influence » (…) On veut par là simplement rappeler que les droits nationaux se trouvent précisément à même
d'entretenir sur cette question des positions différentes de celles postulées par l'ordre juridique communautaire,
dont on est d'ailleurs en droit de discuter encore l'exacte portée(3), et qu'ils peuvent ne pas se soumettre
entièrement aux implications de l'applicabilité directe et de la primauté vues par les organes de Bruxelles ou de
Luxembourg. De ce point de vue, il apparaît alors possible d'apprécier les rapports entre droit communautaire
et droits nationaux en termes de simple « influence ». » PICARD, Etienne. L'influence du droit communautaire
sur la notion d'ordre public. AJDA, 1996, p. 5.
665
FLAUSS, Jean-François. L'influence du droit communautaire sur le droit administratif français. Petites
affiches, 1995, p. 4.

254
Toutefois, d'après la jurisprudence du Conseil d’État, les directives ne sont pas directement
applicables en France666. De la même façon la jurisprudence de la CJUE, qui est aussi une
source importante, mais ses décisions ne sont pas obligatoirement applicables en France.667

Le caractère obligatoire des directives est incomplet. En effet, les obligations contenues dans
une directive de la CJUE dépendent d’un acte interne de transposition pour être obligatoire en
France. Cet acte peut ne pas revêtir la même portée les obligations qu’il reprend. Donc,
l’auteur de l’acte de transposition dispose d’une certaine marge d’appréciation.

Malgré ce manque de systématisation, des compensations existent et elles démontrent la


grande portée de l’influence exercée par le droit de l’Union européenne sur le droit national.668
Les instruments européens, et surtout la jurisprudence européenne, sont considérés, à présent
par la doctrine comme des facteurs propulseurs « pour le progrès d'une meilleure
transparence administrative, ils ont permis de rendre les procédures administratives
contentieuses ou non, moins inégalitaires ». Le droit de l’Union européenne vient au secours
des droits des particuliers qui font partie des catégories dites « marginales » ou «
défavorisées».669

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, adoptée en 2000, établit le « droit
à une bonne administration, ». Dans le paragraphe 2, l’article 41 la Charte mentionne trois
éléments : « le droit d’accès de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure
individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; le droit d’accès de
toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la
confidentialité et du secret professionnel et des affaires ; l’obligation de motiver ses
décisions ».

666
CE, arrêt Cohn-Bendit du 22 décembre 1978. Le Conseil d’Etat français a considéré que les justiciables ne
pouvaient pas invoquer les dispositions d’une directive non transposée à l’appui d’un recours en annulation
intenté contre un acte administratif individuel. Le Conseil d’Etat infléchi sa position en annulant une décision
individuelle d’imposition à la TVA jugée incompatible avec une directive non transposée au motif qu’elle était
dépourvue de base légale. CE du 30 octobre 1996, SA cabinet Revert et Badelon).
667
PEISER. Op. cit., p. 34.
668
PICARD, Etienne. Op.,cit, p. 5.
669
FLAUSS. Op. cit., p. 15.

255
A titre d’exemple, nous pouvons présenter les contributions du droit européens à la procédure
d'expulsion des étrangers. Dans ce domaine la France a adhéré au protocole nº 7 de la
Convention Européenne des Droits de l'Homme, qui garantit à l'étranger résident et régulier
en voie d'être expulsé, le droit d'être entendu. 670

Cette reconnaissance du principe du respect des droits de la défense, dans le cadre de la


procédure d'expulsion, vient déroger un ancien principe selon lequel ce n’est que dans les
hypothèses de sanctions que le droit de la défense s’impose. Les arrêtés d'expulsion sont
considérés comme des mesures de police n’assurant pas aux étrangers une possibilité de
révision non juridictionnelle.671

En outre, le droit de l’Union européenne, précisément dans la résolution 77 du Comité des


ministres, a constitué une source d'inspiration pour la loi du 11 juillet 1979 relative à la
motivation des actes administratifs. La Cour de Luxembourg a érigé en principe général du
droit communautaire l'obligation de décliner les motivations des décisions qui portent atteinte
à un droit protégé par le droit communautaire. Pour cette raison la motivation des décisions
administratives en France devrait être élargie.672

Plus récemment le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a adopté le 5 septembre 2001
la Recommandation REC (2001) – 9. Ce texte normatif qui n’est pas obligatoire pour les États
membres recommande « aux gouvernements des États de promouvoir le recours aux modes
alternatifs de règlement des litiges entre les autorités administratives et les particuliers en se
laissant guider, dans leur législation et leur pratique, par les principes de bonne pratique
annexés à la présente recommandation ».673

670
Loi n°85-1475 du 31 décembre 1985 autorisant la ratification du protocole n0 7 a la convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le Décret n°89-37 du 24 janvier 1989 portant publication
du protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait à
Strasbourg le 22 novembre 1984, ainsi que des déclarations et réserves accompagnant l'instrument français de
ratification et de la déclaration française du 1er novembre 1988.
671
FLAUSS. Op. cit., p. 16
672
FLAUSS. Op. cit., p. 16
673
Rec (2001)9 du Comité des Ministres aux Etats membres : Sur les modes alternatifs de règlement des litiges
entre les autorités administratives et les particuliers. Dans l’annexe à cette recommandation, les dispositions
générales prévoient que : « Cette recommandation traite des modes alternatifs suivants : le recours à
l'administration, la conciliation, la médiation, la transaction et l'arbitrage ».

256
Par ailleurs, sous l’influence de la jurisprudence nationale, on peut citer la décision du 29
juillet 2002674. Dans cet arrêt, le Conseil d'État a sanctionné la décision du 22 décembre 2000
effectuée par l'Afssaps - l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé - qui a
violé «l'obligation de respecter une procédure contradictoire». Le principe du respect des
droits de la défense est érigé par la Cour de justice de l’Union Européenne en principe général
du droit de l’Union européenne lorsqu’il s'agit de procédures contentieuses et non
contentieuses.675 Elle traduit donc l'exigence d'un débat contradictoire.676

Dans cette décision le Conseil d’État s'assure d'abord que le droit national respecte le droit
européen applicable. C’est le cas des produits de santé d’origine allemande dont la libre
circulation est entravée par une décision administrative. La libre circulation des marchandises
dans la Communauté européenne constitue l'un des principes fondamentaux du Traité de
Rome. La circulation de ces produits peut toutefois être restreinte lorsque la sécurité sanitaire
est en péril, à condition qu’un débat contradictoire soit respecté.677

Finalement, même si l’influence du droit européen est moins forte que ce qui serait
souhaitable, elle existe et pousse le droit administratif français à une ouverture plus grande du
contentieux administratif aux modes non juridictionnels. Cette influence est faite au profit
d’une procédure administrative qui assure des garanties suffisantes aux particuliers pour leur
donner une position juridique artificielle et provisoire d’équilibre face aux autorités publiques,
pendant la durée de la relation contentieuse.

§IV. Les obstacles d’origine politique et budgétaire

Le rapport 400 du Sénat affirme de manière claire et nette que les conflits entre
l’administration et les particuliers peuvent inciter à des comportements inadmissibles de
l’administration. A titre d’illustration, nous pouvons citer une réponse reçue à plusieurs
reprises parle Médiateur de la République: «…j'ai juridiquement tort et je le sais, mais je
préfère rester dans l'illégalité ; d'une part, il n'est pas sûr que l'administré ira au contentieux,

674
Conseil d’Etat, 29 juillet 2002, Société POLYTECH SILIMED EUROPE GmbH, N°232829, à paraître dans
les tables du recueil Lebon.
675
CJCE 29 juin 1994, Fiskano, n° C-135/92, p. I-2885 ; TPICE 9 novembre 1995, France-Aviation, n° T-364/94
676
CJCE 4 juillet 1963, Alvis, n° 32/62, p. 99 ; CJCE 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma, n° 41/69, p. 661
677
COSTA, Delphine. L'influence du droit européen sur la procédure administrative française. AJDA, 2002, p.
1934

257
d'autre part, s'il saisit le juge, l’État sera condamné, mais ce ne sera pas sur mon budget qu'il
sera indemnisé».678

L'État, comme personne morale de droit public assujetti à tous les principes moraux et
étiques, raisonne comme s’il était une entité autonome financièrement irresponsable de ses
erreurs juridiques. Pour lui ce qui est important, c’est de gagner dans un litige contre la
personne privée, victoire qui représente une économie pour le trésor public.

Ainsi, la raison pour laquelle les modes alternatifs de règlement du contentieux occupent une
place résiduelle en matière administrative devient évidente. Les raisons financières expliquent
que, « en effet, les crédits affectés aux transactions, par exemple, ont le caractère de crédits
limitatifs, alors que l’enveloppe annuelle prévue à cet effet ne peut être dépassée, tandis que
la charge des procédures contentieuses est financée sur des crédits évaluatifs, donc non limités
par le montant de la dotation budgétaire initialement inscrite ».679

Au Brésil la réalité est la même. En 2004, la Banque Mondiale a remis en doute la véritable
intention de l’administration quant à l’ouverture du contentieux administratif par des
mécanismes alternatifs au juge. Selon les résultats des recherches, les gouverneurs brésiliens
endettés utilisent tous les moyens pour proroger au maximum le règlement de ces dettes et le
pouvoir judiciaire devient un contrôleur des flux de caisse pour l’administration.680

Les dettes issues des procès juridictionnels au Brésil sont réglées par une procédure
constitutionnelle qui donne des garanties exceptionnelles à l’État. À l'exception des dettes
énumérées par l’article 100 de la Constitution Fédérale, les paiements dus par les deniers
publics fédéraux, subfédéraux ou municipaux en vertu d'une sentence judiciaire sont effectués
exclusivement dans l'ordre chronologique de présentation des injonctions de payer et sous
leurs rubriques respectives. L’administration inclut dans les budgets des entités de droit public
uniquement les crédits nécessaires au paiement de leurs dettes résultant d'injonctions de payer
678
Rapport n° 400 remis à Monsieur le Président du Senat le 10 juin 1992. Dépôt publié au Journal officiel du 1l
Juin 1992. Disponible sur: www.senat.fr
679
Rapport 32789-BR de la Banque Mondiale (2004). Fazendo com que a Justiça Conte – Medindo e
Aprimorando o Desempenho do Judiciário no Brasil. Unité de Réduction de la Pauvreté et de la Gestion
Economique, Amérique Latine e Caraïbe. Disponible sur : http://www.amb.com.br/docs/bancomundial.pdf.
Consulté le 12 mai 2012. http://www.amb.com.br/docs/bancomundial.pdf
680
Rapport 32789-BR de la Banque Mondiale (2004). Op. cit.

258
présentées avant le l° juillet, date à laquelle leurs valeurs sont actualisées, le paiement se
faisant seulement avant le terme de l'exercice financier suivant.681

Chapitre II : La nécessité de réorganisation du


contentieux administratif en dehors du juge

Les mécanismes alternatifs de règlement des litiges sont disponibles et bien explorés par le
droit autant au Brésil qu’en France. Ce sont essentiellement les modes traditionnels tels que la
conciliation, la transaction, l’arbitrage, la médiation qui sont les mécanismes les plus connus
et beaucoup d’encre a déjà été versé à leur sujet. Cependant, chacun suit sa voie et aucun pont
ne les relie au public. Il y a un grand vide, un trou qui doit être comblé pour assurer la pleine
efficacité de l’action de ces mécanismes. Ce qui leur manque c’est justement ce lien, ce pont,
cette voie de rattachement qui leur permettra d’arriver jusqu’au citoyen.

Les modes alternatifs de règlements ne sont pas des unités auto-suffisantes. Ils ont besoin
d’être mis en œuvre par une réglementation capable de les adapter au système juridique où ils
vont être appliqués. Il faut remarquer que ces modes alternatifs n’appartiennent ni au droit
public ni au droit privé. Ce sont des mécanismes formés par les théories générales et ils
peuvent s’adapter à n’importe quel système particulier à condition d’avoir une réglementation
spécifique.

De plus, le citoyen doit être séduit par cette administration publique hermétique. La méfiance
plane dans ce rapport entre l’administration et les particuliers. Il y a une crainte du citoyen qui
perçoit encore les autorités publiques comme le monstre Léviathan capable de supprimer ses
droits. L’État considéré comme quelqu’un qui va garantir volontairement des droits
individuels ou collectifs en discussion et contraires à ses propres « intérêts » est une
nouveauté qui doit encore faire ses preuves.

Des années de silence comme seule réponse, l’obscurité au lieu de la transparence et la


distance à la place d’un rapprochement exigent un effort plus grand de la part de
l’administration pour que les choses évoluent. Le Défenseur des Droits, l’Ouvidoria de

681
Constitution Fédérale de la République Fédérative du Brésil, 1988, article 100.

259
l’Union au Brésil, l’arbitrage en matière de droit public et tous les autres mécanismes
alternatifs au contentieux administratif traditionnel ne vont pas aboutir si les particuliers ne se
sentent pas en sécurité. Il faut que des normes capables de rendre aux particuliers un statut qui
leur permet d’être à un niveau d’égalité avec l’administration soient créées.

Il n’y a pas d’ambiance propice au dialogue si une partie est souveraine, si elle possède des
prérogatives qui mettent son interlocuteur à un niveau d’infériorité. Donc, si l’administration
ne peut pas se libérer des ses prérogatives, elle doit du moins donner aux particuliers une
égalité juridique circonstancielle. Cela est possible. Une norme de droit pourra, par le biais de
garanties procédurales, mettre la personne privée au niveau des autorités publiques.

Ces garanties doivent protéger le citoyen et ne peuvent pas alourdir la procédure. La


recherche d’alternative au juge consiste justement à rechercher des moyens plus économiques
et plus agiles, car si la procédure en dehors du juge ne parvient pas à atteindre cet objectif,
aucune amélioration ne sera alors possible.

§I. La procédure administrative en dehors du juge comme


principe de droit

Le Conseil d’État, pour bien fonder sa critique sur la revitalisation du recours préalable,
invoque deux facteurs qui témoignent le manque d’effectivité de ces procédures. Le premier
est la superficialité de son instruction, le plus souvent ces requêtes gracieuses font objet d’un
examen à un niveau de responsabilité insuffisant qui ne permet pas une poursuite en
concertation avec la personne privée. Le second, c’est le silence comme décision implicite de
rejet qui représente une tentation préjudicielle aux finalités de la procédure, car de façon bien
plus simple que la procédure il promet les mêmes effets.682

Cette situation d’examen superficiel de la requête et du silence comme décision implicite de


rejet, selon la Section du rapport et des études, démontrent une méconnaissance du principe
général de la procédure administrative. Ce principe assurerait aux citoyens un examen effectif

682
Conseil d’État. Régler autrement les conflits, conciliation, transaction, arbitrage en matière administrative.
Paris: Section du rapport et des études, 1993. La documentation française, p. 33/34.

260
des demandes qu’ils présentent devant l’administration, ce qui est une exigence de la société
contemporaine plus sûre de ses droits et plus exigeante quant à leur reconnaissance.

L’inexistence de textes et de jurisprudence qui pourraient consacrer expressément la


procédure comme principe général en France ne permet pas pour autant de supposer
l’inexistence d’un tel principe. Il y a beaucoup de textes légaux qui le font de manière sous-
jacente. Donc, l’absence d’effectivité de ce principe général dans toutes les hypothèses de
procédure contentieuse non juridictionnelle n’existe pas à cause d’une question d’incertitude
quant à son existence dans le système juridique français, mais pour une question de doute par
rapport à sa dimension et son ampleur.

Pour Jean-François Brisson, le principe d’effectivité de la procédure administrative est plus


large et doit valoir pour toutes les procédures administratives, même celles déclenchées à
l’initiative de l’administration. Il doit garantir l’impartialité dans tous les cas et doit obliger
l’administration à se prononcer toujours en connaissance de cause après avoir entendu, le cas
échéant, les personnes intéressées par la décision. 683

Cette absence de lien entre l’ineffectivité du principe général de la procédure administrative


en France et la prévision légale sous-jacente peut être prouvée en utilisant un exemple
brésilien. Le principe général de la procédure administrative au Brésil est matière
constitutionnelle. La Constitution Fédérale brésilienne, article 5°, LIV établit expressément
que « nul ne peut être privé de liberté sans que la procédure légale ait été respectée » et elle
ajoute dans l’incise LV que « la procédure contradictoire et le droit de défense pleine et
entière sont garantis aux parties à un procès judiciaire ou administratif et aux accusés en
général, ainsi que les moyens et ressources qui y sont nécessaires ».

Cette prévision constitutionnelle n’est pas non plus suffisante pour garantir le respect de la
procédure administrative, ni même pour garantir un rapprochement entre l’administration et
les particuliers qui se sentent lésées par l’État. Cela nous amène à une réflexion sur les raisons
d’échec de l’effectivité de ce principe dans les deux systèmes.

683
BRISSON, Jean-François. Les principes de la procédure en droit français. La procédure Administrative non
Contentieuse en Droit Français. Bibliothèque de Droit Publique Européen. Volume XIV, Michel Fromont
Directeur, Londres : Esperia, 2000, p. 88/89

261
A. La valeur juridique des principes généraux du droit

Ces principes généraux dans le droit administratif en France ont une valeur infra législative,
ils s’imposent aux règlements mais ils ne résistent ni aux lois ni aux traités internationaux.684
Ce que René Chapus a déjà démontré et a été confirmé jusqu’à présent par la jurisprudence du
Conseil d’État. 685

La jurisprudence constitutionnelle, comme l’énonce Frank Moderne, a introduit des


nouveautés dans le domaine de la théorie du principe général du droit. D’abord dans le champ
terminologique, elle remplace l’expression «principes généraux du droit à valeur
constitutionnelle» simplement par « principes constitutionnels ». Ensuite, elle réserve,
uniquement pour la sphère administrative, l’expression «principe général du droit ». Pour
expliquer ce changement terminologique l’auteur s’appuie sur l'avènement contemporain
d'une «constitutionnalité» qui se substitue à l'ancienne «légalité», et par conséquent elle a
«affaibli dans une certaine mesure l'importance et l'intérêt de la théorie des principes généraux
du droit, ne serait-ce qu'en l'amputant de sa partie constitutionnalisée».. 686

On peut donc en conclure que les principes généraux du droit ne doivent pas être confondus
avec les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, selon la formule
utilisée par la Constitution de 1946, qui sont des principes textuels et de valeur
constitutionnelle.

Dans le cas du silence de l’administration considéré comme décision implicite de rejet, il y a


eu désaccord entre le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’État. Quand le Conseil
Constitutionnel a considéré le silence de l’administration comme une décision implicite de
rejet, que cette règle constituait un principe général du droit et que seule une loi pourrait
donner au silence de l’administration valeur d’acceptation687, le Conseil d’État a par contre

684
CHAPUS, René. De la valeur juridique des principes généraux du droit et des autres règles jurisprudentielles
du droit administratif, D. 1966, chron., p. 99/100.
685
CE, Ass., 3 juillet 1996, Koné, Rec. p. 255.
686
MODERNE, Frank. Principes fondamentaux, principes généraux Actualité des principes généraux du droit
RFDA, 1998, p. 495
687
Conseil Constitutionnel, 26 juin 1969, Protection de sites, A.J.D.A. 1969, p. 563.

262
décidé l’année suivante que cette règle ne représentait pas un principe général et a jugé légal
un décret instituant un régime d’acceptation tacite.688

La Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
les administrations a fait prévaloir la décision du Conseil d’État, statuant sur l’article 21 :
«sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les
conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité
administrative sur une demande vaut décision de rejet». Tout de suite après, l’article 22
stipule que : «le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une
demande vaut décision d'acceptation dans les cas prévus par décrets en Conseil d'État».

C’est alors le juge lui-même, constructeur des principes généraux, qui déconsidère
l’effectivité de la procédure administrative en dehors du juge comme principe général. De
cette façon la procédure administrative perd une grande partie de son effectivité en dehors du
juge et par conséquent le citoyen n’a pas de garantie contre la puissance étatique.

La procédure, seul instrument capable de démocratiser l’administration en transformant les


décisions administratives unilatérales en décisions administratives participatives, a été
affaiblie par le juge mais aussi par le législateur.

B. L’effectivité incomplète du principe constitutionnel de la


procédure en dehors du juge au Brésil

Contrairement à la France, au Brésil la procédure administrative en dehors du juge est un


principe constitutionnel.

L’identification de la procédure administrative en tant que principe est fondée sur les
« distinctions fortes» entre principes et règles. Dans cette distinction les principes vont jouer
un rôle nouveau et important. Ils assument une nature normative en faisant une distinction
qualitative entre eux et les règles, distinction basée sur les différences de l’application de
telles normes. À l’opposé des règles qui ont une application directe et dualiste - tout ou rien -,

688
CE, Ass. 27 février 1970, Commune de Bozas, A.J.D.A. 1970, p. 232.

263
les principes ont un caractère de norme juridique d’optimisation et de pondération des
valeurs.689

En revanche, la « distinction faible » distingue les règles des principes en considérant


l’abstraction et la généralité des principes en opposition avec la précision et la concrétude des
règles. Les principes seraient donc l’expression des valeurs qui donnent fondement aux
normes juridiques sans les confondre avec elles. Dans cette perspective les principes ne
seraient pas des normes mais seulement des instruments d’interprétation capables de combler
les lacunes du système juridique. Cette disposition est préconisée par la loi d’Introduction au
Code Civil Brésilien, article 4° :« Quand la loi est omise, le juge décidera le cas en accord
avec l’analogie, les coutumes, et les principes généraux du droit.». Ceci démontre l’origine
privée de cette conception.

La Cour Suprême a eu l’opportunité à plusieurs reprises de se positionner en accord avec la


nature normative des principes et précisément du principe de la procédure. Dans le jugement
de l’Action Directe d’Inconstitutionnalité690, ADI-MCn° 1.511-7-DF, le Ministre Carlos
Velloso a reconnu que la Constitution Fédérale de 1988 consacre la procédure comme un
principe qui impose des limites au législatif. Les lois doivent être raisonnables par rapport à

689
CANOTILHO, José Joaquim Gomes. Direito Constitucional e Teoria da Constituição. Coimbra: Almedina,
1998, p. 1034; ALEXY, Robert. Colisão de direitos fundamentais e realização de direitos fundamentais no
Estado de Direito democrático. Revista de Direito Administrativo, Rio de Janeiro, v. 217, p. 74-76, jul./set. 1999.
690
Constitution Fédérale : «Art. 102. La compétence essentielle de la Cour Suprême est de veiller au respect de la
Constitution; il lui appartient:
I - d'instruire le procès et de juger en première instance) les actions directes en inconstitutionnalité des lois ou
actes normatifs fédéraux ou des Etats fédérés, ainsi que les actions déclaratoires en constitutionnalité des lois ou
actes normatifs fédéraux ou des Etats fédérés;
Art. 103. Peuvent introduire une action : I - le Président de la République; II - le Bureau du Sénat fédéral;
III - le Bureau de la Chambre des Députés;
IV - le Bureau d'une Assemblée législative;
V - le Gouverneur d'un Etat;
VI - le Procureur général de la République;
VII - le Conseil fédéral de l'Ordre des avocats du Brésil;
VIII - tout parti politique ayant une représentation au Congrès national;
IX - toute confédération syndicale ou organisation catégorielle ayant une représentation nationale.
Paragraphe premier. Le Procureur général de la République doit être préalablement entendu dans les actions
en inconstitutionnalité et dans tous les procès de la compétence du Tribunal fédéral suprême.
§2. Lorsque l'inconstitutionnalité est déclarée par défaut de mesures devant rendre effective une norme
constitutionnelle, il en est donné connaissance au Pouvoir compétent pour qu'il prenne les mesures nécessaires;
lorsqu'il s'agit d'un organe administratif, il est tenu de le faire dans un délai de trente jours.
§ 3. Lorsque la Court Suprême doit apprécier l'inconstitutionnalité de principe d'une norme légale ou d'un acte
normatif, il cite tout d'abord l'Avocat général de l'Union, qui défend l'acte ou le texte contesté.»

264
leurs finalités et doivent être élaborées avec justice et rationalité.691 Dans le même sens, la
décision ADI-MC n°1.063/DF173 de la Cour Suprême qui, pour juger une demande
d’inconstitutionnalité de la loi n°8713/93 sur le procès électoral, a réaffirmé que le droit à la
procédure proclamé dans l’article 5° de la Constitution Fédérale, doit être entendu surtout
dans sa dimension matérielle qui empêche l’édiction des lois de contenu arbitraire. L’essence
du substantive due process of law est dans le besoin de protéger les droits et les libertés des
citoyens contre une quelconque modalité de législation qui pourrait se révéler oppressive ou
déraisonnable. 692

Au-delà de cette conception normative du principe de la procédure, on doit considérer tout le


système qui l’entoure, car dans ce système il y a d’autres principes de nature normative et au
même niveau constitutionnel. C’est le cas du principe de la légalité, essentiel pour l’État de
droit, prévu comme droit fondamental dans l’Article 5°, II de la Constitution Fédérale : « nul
ne peut être contraint à faire ou empêché de faire quoi que ce soit si ce n'est en vertu de la loi»
et encore mieux spécifié dans l’Article 37 : « l'administration publique de chacun des
pouvoirs de l'Union, des États, du District fédéral et des Communes, tant directe qu'indirecte
ou sous régime de fondation, obéit aux principes de légalité, d'impersonnalité, de moralité, de
publicité, ainsi qu'à ce qui suit(…)».

Pour harmoniser les deux principes précités, de la procédure et de la légalité, la Cour Suprême
a eu l’opportunité de fixer sa position en affirmant que : quand l’offense à la Constitution est
rapportée au principe de la procédure, il y a un examen obligatoire et précédant la loi qui
discipline les règles procédurales. C’est justement à cause de cette dépendance du principe de
la procédure par rapport à la loi que la Cour Suprême suppose que l’inobservance de quelque
aspect de la procédure n’implique pas une offense directe à la Constitution, mais il s’agit
plutôt d’un affront direct à la loi. 693

Puisqu’il s’agit d’une décision qui fixe la dimension du principe constitutionnel de la


procédure, à notre avis, la Cour Suprême réduit considérablement l’efficacité du principe.

691
STF (Cour Suprême), ADI-MC 1.511/DF, Min. Carlos Velloso, jugé le 16.10.1996, publié le 06.06.2003.
692
STF (Cour Suprême), ADI-MC 1.063/DF, Min. Celso de Mello, jugé le 18.05.1994, publié le 27.04.2001.
693
STF, 2a Chambre, AI-AgR 287.731/DF, Min. Celso de Mello, jugé le 3.2.2002 ;STF, 2a Chambre, RE-AgR
289.014/SP, Min. Maurício Corrêa, jugé le 30.10.2001 ; STF, 1a Chambre, RE 268.319/PR, Min. Ilmar Galvão,
jugé le 13.6.2000 ; STF, 2a Chambre AI-AgR 571.374/ES, Min. Celso de Mello, jugé le 4.4.2006.

265
D’abord parce que dans les cas d’omission du législateur, et par conséquent de l’absence de la
loi, l’inobservance des garanties procédurales ne pourrait pas être censurée694. Ensuite, parce
que les cas où la loi qui réglemente la procédure seraient incompatibles avec les exigences
substantielles du principe de la procédure, des droits fondamentaux à la liberté et au
patrimoine, le contrôle est très peu efficace.

L’existence d’un principe auquel le système juridique reconnaît une nature normative doit être
suffisamment fort pour garantir au citoyen une procédure juste en face des valeurs
constitutionnellement prévues. La loi infra-constitutionnelle complémente la concrétisation
des principes constitutionnels mais elle ne peut jamais conditionner son application. En
réalité, c’est juste le contraire, la Constitution conditionne le contenu et l’application de la loi.

§II. La dimension du principe de la procédure administrative en


dehors du juge et les valeurs qu’il renferme

Dans les deux systèmes analysés les valeurs poursuites par l’application du principe de la
procédure sont les mêmes. Le principe doit garantir la démocratisation des actes de
l’administration publique par la participation des administrés et doit en même temps
contribuer à l’efficacité de l’action administrative. Dans les cas spécifiques concernant notre
recherche le principe de la procédure va combler un vide important. Les mécanismes de
règlement alternatif des litiges administratifs existent mais ne sont pas structurés, ils se
superposent, leur organisation ne leur permet pas d’être effectifs. C’est donc la procédure qui
va systématiser ces mécanismes et ainsi va attirer l’attention des particuliers en faveur des
modes non juridictionnels de règlement des conflits.

Pour bien jouer ce rôle, le principe doit limiter le contenu des lois qui vont régler la procédure
administrative. Il ne peut être vulnérabilisé facilement par des règles formelles de procédure.

694
La Constitution Fédérale du Brésil prévoit une action spéciale pour garantir aux citoyens l’efficacité concrète
des droits subjectifs assurés constitutionnellement et qui dépendent de réglementation par le législateur, dans les
cas d’omission législative. C’est l’article 5°, LXXI : « le mandat d'injonction est accordé dès lors que le défaut
de norme réglementaire rend impossible l'exercice des droits et prérogatives inhérentes à la nationalité, la
souveraineté et la citoyenneté; ». L’existence d’un tel dispositif constitutionnel n’était pas suffisante pour
garantir son application, car la Court Suprême a longtemps provoqué l’inutilité de cette action. Maintenant le
changement de mentalité de la Court est évident mais n’est pas encore assez fort pour effacer la mauvaise
réputation de l’institut. (STF, MI 670/ES, Min. Gilmar Mendes, jugé le 25.10.2007)

266
Le principe renferme des valeurs matérielles pour garantir une procédure juste capable
d’atteindre les objectifs déjà énoncés. Le principe de la procédure est la source d’inspiration
du législateur au moment d’élaborer les lois.

Même en France, où le principe de la procédure n’est pas un principe constitutionnel, il est


nécessaire de garantir un niveau d’importance normative aux principes généraux. Permettre
que toutes les matières stratégiques d’un système juridique soient soumises à l’opportunisme
ponctuel des enjeux politiques, c’est déconsidérer le principe comme une source du droit.

Le Conseil de l’Europe, dans le Guide sur la mise en œuvre de la Convention Européenne des
Droits de l’Homme, intitulé « Le droit à un procès équitable », a affirmé que les droits à la
procédure invoqués par l’article 6 de la CEDH n’est pas exclusif des justiciables695. « La Cour
a également estimé, dans les affaires relevant de l’article 8 de la Convention (droit au respect
de la vie familiale), que l’article 6 s’appliquait aussi aux phases administratives de la
procédure. »696

De cette façon, si l’on considère le principe de la procédure comme une source d’inspiration
du législateur, qui doit limiter les règles formelles de la procédure, nous devons être sûrs du
contenu du principe pour savoir tout ce qu’il interdit et tout ce qu’il exige pour sa mise en
œuvre.

L’article 6 de la Convention Européenne des Droit de l’Homme établit le droit à un procès


équitable : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi
par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil,
soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit
être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et
au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre
public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des

695
Conseil de l’Europe, Direction générale des droits de l’homme. Série : Précis sur les droits de l’homme, n° 3
Le droit à un procès équitable, Guide sur la mise en œuvre de l’article 6 de la Convention Européenne des Droits
de l’Homme. Disponible sur http://echr.coe.int/NR/rdonlyres/44D3E02B-BB1E-472B-885E-
9F89397A1C16/0/DG2FRHRHAND032007.pdf. Consulté le 22.07.2012.
696
Voir l’affaire Johansen c. Norvège, n° 24/1995/530/616, 27 juin 1996.

267
mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure
jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la
publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.»

La Constitution Fédérale du Brésil prévoit dans l’article 5°, LV : « la procédure contradictoire


et le droit de défense pleine et entière sont garantis aux parties à un procès judiciaire ou
administratif et aux accusés en général, ainsi que les moyens et ressources qui y sont
nécessaires».

Ces dispositifs ajoutés à d’autres raisons telles que l’évolution de la complexité croissante des
relations sociales et des règles qui les régissent, l’exigence par les administrés d’une meilleure
reconnaissance de leurs droits, imposent à l’administration de donner un traitement différent
aux demandes des particuliers. Cette différence de traitement implique l’observance des
garanties que nous présentons ci-dessous.

A. De l’impartialité

«L’impartialité de l’autorité administrative est une exigence fondamentale de la procédure


administrative». Telle est l’affirmation de Jean-François Brisson qui considère comme une
erreur le refus de la jurisprudence qui nie de transposer devant l’administration active les
garanties de la procédure contentieuse et notamment le droit général à un jugement
impartial.697

Les procédures administratives non juridictionnelles, pour être fiables devant les particuliers,
doivent rendre un minimum de garantie d’impartialité à ses administrés. Même si l’on parle
d’une structure de l’administration interne, non juridictionnelle et dont les décisions restent
révisables, l’impartialité est indispensable.

Le Défenseur des Droits est une autorité indépendante constitutionnalisée. L’article 71-1 de la
Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008, a créé cette institution indépendante et
autonome des pouvoirs de la République. Le législateur organique a prévu que le Défenseur

697
BRISSON, Jean-François. 2000, Op. cit. p. 90.

268
des droits « ne pourrait recevoir aucune instruction d’une autorité, d’une personne ou d’un
groupe de pression ».698

En vue d’assurer cette indépendance la constitution prévoit un mandat non révocable et non
renouvelable pour le Défenseur des Droits. De plus, la loi organique établit un strict régime
d’incompatibilité et d’immunité et finalement l’autonomie par rapport à quelques-unes des
institutions administratives ou politiques.

De cette façon, la Constitution française et la loi garantissent l’impartialité d’une institution


qui exerce une fonction alternative et préventive au contentieux administratif. Cet exemple
pourrait servir de base pour influencer l’institution d’une autorité administrative indépendante
analogue au Défenseur des Droits en ce qui concerne l’impartialité.

Comme facteurs de garantie de cette impartialité, il nous faut en décrire les caractères
indispensables:

1. Un mandat non révocable et non renouvelable

Pour garantir l’impartialité, les membres des autorités administratives indépendantes ont des
mandats à durée fixe et non renouvelable. D’un côté, le mandat fixe est utile pour immuniser
les titulaires de l’autorité des injonctions politiques du pouvoir exécutif et, d’un autre côté, la
prohibition de reconduire la même personne à un même poste garantit l’alternance du
pouvoir.

La Constitution française détermine que le Défenseur des droits est nommé pour un mandat
de six ans non renouvelable. Cette interdiction est une mesure habituelle pour les autorités
administratives indépendantes en France.

698
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits : «Article 2. Le Défenseur des
droits, autorité constitutionnelle indépendante, ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction.
Le Défenseur des droits et ses adjoints ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés, détenus ou jugés à
l’occasion des opinions qu’ils émettent ou des actes qu’ils accomplissent dans l’exercice de leurs fonctions.»

269
Au Brésil ce n’est pas différent. Les autorités ont ces mêmes garanties assurées par les lois
qui les instituent. De plus, la durée des mandats des autorités ne coïncident pas avec le mandat
du Président de la République. La justification de cette disposition est la stabilisation des
politiques régulatrices.699

Dans les termes du Rapport de l’office parlementaire de 2006 sur les AAI, l’irrévocabilité des
mandats de leurs membres constitue une garantie d’indépendance essentielle, permettant
d’éviter « une capture de l’autorité par le politique ». D’un autre côté, le caractère non
renouvelable des mandats « constitue également un facteur d’indépendance, en réduisant le
risque de pression par l’autorité de nomination.».700

2. Un strict régime d’incompatibilité et d’immunité

Il s’agit d’une garantie d’indépendance essentielle, celle de l’interdiction de cumuler des


fonctions. Par exemple, le Défenseur des droits ne peut pas cumuler ses fonctions avec un
mandat électif, une autre fonction publique ou une activité professionnelle.701 En effet, comme
nous le fait remarquer le Rapport annuel 2011, « exercer concomitamment les fonctions de
Défenseur des droits et un mandat électif ou une activité professionnelle pourrait faire naître
des conflits d’intérêts préjudiciables à l’Institution.».702

699
MARQUES NETO, Floriano de Azevedo. Agencias Reguladoras Independentes. Belo horizonte : Fórum,
2009, p. 103.
700
Rapport de l’Office Parlementaire d’Évaluation de la Législation sur Les Autorités Administratives
Indépendantes. Tome I. disponible sur : http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-off/i3166-ti.pdf.
Consulté le 20.05.2011.
701
Loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits : «Article 3. Les fonctions de
Défenseur des droits et celles de ses adjoints sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement, du
Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique, social et
environnemental ainsi qu’avec tout mandat électif.
Le membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature, du Conseil
économique, social et environnemental ou le titulaire d’un mandat électif qui est nommé Défenseur des droits ou
adjoint est réputé avoir opté pour ces dernières fonctions s’il n’a pas exprimé de volonté contraire dans les huit
jours suivant la publication au Journal officiel de sa nomination.
Les fonctions de Défenseur des droits et celles de ses adjoints sont, en outre, incompatibles avec toute autre
fonction ou emploi public et toute activité professionnelle ainsi qu’avec toute fonction de président et de membre
de conseil d’administration, de président et de membre de directoire, de président et de membre de conseil de
surveillance, et d’administrateur délégué dans toute société, entreprise ou établissement.
Dans un délai d’un mois suivant la publication de sa nomination comme Défenseur des droits ou comme un de
ses adjoints, la personne nommée doit cesser toute activité incompatible avec ses nouvelles fonctions. Si elle est
fonctionnaire ou magistrat, elle est placée en position de détachement de plein droit pendant la durée de ses
fonctions et ne peut recevoir, au cours de cette période, aucune promotion au choix.»
702
Rapport Annuel 2011 du Défenseur des Droits. Disponible sur
http://defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/ddd_raa_2011.pdf. Consulté le 22.07.2012.

270
En outre, les personnes choisies pour composer le collège d’une AAI peuvent avoir des
aspirations légitimes futures quant à leur carrière. Pour éviter le risque de « capture » ou de
«profit politique personnel », la loi peut prévoir un délai de viduité à la fin du mandat.703

Selon le Rapport Parlementaire concernant les AAI, ce délai de viduité vise davantage les
AAI chargées de réguler un secteur économique que les autorités chargées de protéger les
droits et les libertés des citoyens. Ce qui n’est pas notre cas, vu que l’autorité dont on parle
serait une autorité chargée de régler autrement les litiges administratifs. Toutefois notre
opinion est un peu différente de celle des conclusions parlementaires.

À notre avis, un délai de viduité à la fin du mandat, dans le cas d’une autorité chargée de
régler les litiges en dehors du juge, garantit sans doute l’impartialité pour l’appréciation des
conflits qui lui sont soumis. A titre d’illustration, nous pouvons nous servir de l’article 17 de
la loi organique du Défenseur des Droits qui interdit à tous les membres des collèges qui sont
ses auxiliaires de « participer à une délibération relative à un organisme au sein duquel il
détient un intérêt direct ou indirect, exerce des fonctions ou détient un mandat ; participer à
une délibération relative à un organisme au sein duquel il a, au cours des trois années
précédant la délibération, détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu
un mandat. »

3. Une indépendance budgétaire

Finalement, l’indépendance issue de l’impartialité de ces autorités doit leur assurer les
moyens matériels suffisants pour mener à bien leurs missions, sans qu’elles ne soient
financièrement tributaires des administrations qui dépendent directement du Gouvernement.

Selon Jean Marc-Sauvé, vice-président du Conseil d’État, «la solution, déjà adoptée d’une
mission budgétaire spécifique regroupant plusieurs programmes et rattachée au premier
ministre paraît à cet égard opportune. C’est en effet le complément budgétaire normal,
légitime, du statut d’autorité indépendante. Conférer la personnalité morale à certaines de ces
autorités peut également être envisageable. La personnalité morale, même si elle n’est pas

703
Rapport de l’Office Parlementaire d’Évaluation de la Législation, Op, cit…

271
indispensable pour garantir leur autonomie, permet en effet de soustraire les autorités qui en
sont dotées à l’application du principe d’universalité budgétaire opposable à l’État et
d’affecter directement certaines ressources - des « redevances », en fait le plus souvent un
impôt perçu sur les professionnels du secteur régulé par exemple - au financement de leurs
missions.704

Au Brésil, la personnalité morale des autorités indépendantes est la règle. Les juristes
brésiliens estiment que la personnalité morale est nécessaire pour garantir l’indépendance des
autorités, car elles ne sont pas soumises au pouvoir hiérarchique du ministère auquel elles
sont liées. L’autonomie financière, en revanche, est encore à conquérir. L’idéal serait un
arrangement légal en prévoyant des ressources spécifiques pour l’activité. Une AAI qui
exerce une fonction du règlement des litiges ne peut pas dépendre de la bonne volonté du
trésor public.705

D’ailleurs en France, ce n’est qu’à partir de 2003 que quelques AAI ont été dotées d’une
personnalité morale, mais la majorité demeure sous la tutelle d’un ministère.706 À notre sens, il
faut garantir en plus l’indépendance statutaire et l’autonomie administrative et financière de
cette autorité, et s’assurer qu’elle disposera des moyens suffisants pour mener à bien ses
missions.

B. De la garantie du contradictoire

Dans une perspective plus ample, le contradictoire est défini en France comme une garantie à
la pleine connaissance de l’instance en donnant la possibilité de défense ou bien encore d’être
informé de tout et en temps utile.707 À partir de ces définitions Yannick Capdepon conclut
dans sa thèse que le contradictoire est double. En premier lieu, il se compose d’une obligation

704
Intervention du 11 février 2010 de Jean-Marc SAUVÉ Vice-président du Conseil d’État audition par MM.
Christian Vanneste et René Dosière, Députés, rapporteurs de la mission mise en place par le Comité d’évaluation
et de contrôle des politiques publiques (CEC) sur les autorités administratives indépendantes. Disponible sur :
http://www.conseil-etat.fr/fr/discours-et-interventions/les-autorites-administratives-independantes.html. Consulté
le 25.07.2012.
705
MARQUES NETO. Op. cit., p. 77.
706
Conférer notes 246 et 247ci-dessus.
707
FRISON-ROCHE (M. A.), Généralités sur le principe du contradictoire en droit processuel, thèse Paris 2,
1988 ; BOCCARA, La procédure dans le désordre, Le désert du contradictoire, JCP, 1981, I, 3004.

272
de faire, d’être informé de certains éléments et, en second lieu, il se compose d’une obligation
de ne pas faire, de discuter la prétention.708

Au Brésil la vision du contradictoire est également dualiste. Pour Fredie Didier le


contradictoire possède une double dimension: formelle et substantielle. Dans le sens formel,
il garantit à tous le droit de participer au procès qui les concerne, dans le sens substantiel, le
contradictoire garantit le pouvoir d’influencer le contenu de la décision. Cela vaut pour la
procédure juridictionnelle et administrative.709

La constitution fédérale brésilienne, dans l’article 5°, incise LV, affirme que « la procédure
contradictoire et le droit de défense pleine et entière sont garantis aux parties à un procès
judiciaire ou administratif et aux accusés en général, ainsi que les moyens et ressources qui y
sont nécessaires.».710

En lisant les dispositifs ci-dessus il est clair qu’au Brésil le contradictoire en dehors du juge
est pleinement acceptable et érigé à une catégorie constitutionnelle. Ada Pellegrini Grinover
observe que la prévision des droits de la défense et du contradictoire dans la procédure
administrative n’est pas casuelle ni aléatoire, elle est plutôt issue du processus de
démocratisation provoqué par la Constitution en étendant le caractère démocratique de l’État
à l’administration.711

La question posée par Sylvie Caudal concerne quelque paradoxe à l'application de procédures
contradictoires en dehors du contentieux en France « (…) ne seraient-elles pas réservées à la
matière contentieuse? » Pour répondre à sa propre interrogation, l’auteur évoque la
jurisprudence administrative comme représentante des avancés plus notables dans le champ
de la procédure contradictoire en dehors du juge. Le célèbre arrêt Dame veuve Trompier-
Gravier est considéré comme l’exemplaire qui érige en principe général du droit le respect des

708
CAPDEPON, Yannick. Essai d’une théorie générale des droits de la défense, Bordeaux : 2011, p. 158.
709
DIDIER JUNIOR, Fredie. Curso de Direito Processual Civil, v.1, 13a ed., Salvador: Podium, 2009, p. 245.
710
Il est important rappeler l’absence, au Brésil, de la justice administrative et d’une procédure administrative
juridictionnelle, raison pour laquelle la constitution en parlant de « procès judiciaire ou administratif» fait
référence à la procédure administrative non juridictionnelle.
711
GRINOVER, Ada Pellegrini. Do Direito de Defesa em Inquérito Administrativo. Revista do Direito
Administrativo. n. 183, 1991, p. 10.

273
droits de la défense en matière de sanctions administratives.712 Puis l’extension progressive de
l'application de ce principe en dehors du juge a dépassé le cadre des sanctions et est appliquée
à des mesures individuelles à la seule condition qu’elles soient prises en considération en
faveur de la personne.713

Toutefois ce qu’on remarque dans la jurisprudence, c’est l’ascension du droit de la défense,


un droit de nature répressive et d’origine pénale, qui ne se confond pas avec la contradiction
mais qui s’attache à elle. Le principe général des droits de la défense a été revêtu de valeur
constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel en matière pénale puis pour l'ensemble du
droit processuel.714 Dans le même sens, la jurisprudence administrative se refuse à admettre un
principe général du droit imposant le respect d'une procédure contradictoire si aucun texte ne
l'a précisément imposé. 715

Par rapport à la doctrine française, la nature des relations entre les droits de la défense et le
contradictoire est encore incertaine. Si cette relation est d’équivalence ou d’appartenance, si
elle est d’ensemble ou de sous-ensemble, la doctrine n’a jamais réussi en décider. Pour
Yannick Capdepon l’analyse développée pour trouver la nature du lien entre droit de la
défense et contradictoire est ancrée dans une perspective équivoque de catégorie juridique, en
évoquant toujours des relations d’ensemble à sous-ensemble. Il faut qu’on change de
méthodologie, car cette relation n’est pas d’appartenance mais simplement d’un
« rattachement fonctionnel de la garantie du contradictoire aux droits de la défense en ce que
la première assure l’effectivité des seconds ». La procédure contradictoire est une condition
sine qua non pour l’exercice des droits de la défense.716

Sur ce thème Jean Rivero a déjà fait sa critique : «aucun principe général n’impose, en
l’absence d’une telle disposition, l’audition du ou des intéressés, le caractère contradictoire,

712
CE, Sect., 5 mai 1944, DameveuveTrompier-Gravier, Grandsarrêts de lajurisprudenceadministrative, 12 éd.,
1999, n° 61
713
CAUDAL, Sylvie. Les procédures contradictoires en dehors du contentieux. RFDA, 2001, p. 13. ; 713VEDEL,
George; DELVOLVÉ, Pierre. Le système français de protection des administrés contre l’administration. Paris :
Sirey, 1991, p. 136.
714
Décision n° 76-70 DC du 02 décembre 1976 ; Déc. n° 89-260 DC, 28 juil. 1989. Disponible sur
http://www.conseil-constitutionnel.fr. Consulté le 01.08.2012.
715
CE, 12 juil. 1955, Société régionale du Jura et Banque régionale du Jura, Rec. p. 420 ; CE, 16 avr. 1986,
Société méridionale de participations bancaires industrielles et commerciales, Rec. p. 92
716
CAPDEPON, Yannick. Op. cit., p. 162/163.

274
inhérent à la préparation de la décision juridictionnelle ; ne s’impose pas à celle de la
décision administrative(…)».717

Donc, il faut affirmer une valeur constitutionnelle du principe de la contradiction en France


pour qu’elle s’applique obligatoirement en procédure administrative non juridictionnelle. Le
manque de précision par le Conseil Constitutionnel condamne la procédure contradictoire en
dehors du juge à une condition hasardeuse d'évolution.718 Pour stabiliser cette procédure
contradictoire comme une vraie garantie des citoyens dans ces relations contentieuses en
dehors du juge avec l’administration, la solution est de l’ériger en catégorie de principe
constitutionnel. Pour constitutionnaliser un tel principe, les fondements ne manquent pas et la
doctrine s’est déjà chargée d’énumérer où ils pourraient se trouver : dans une application
supplémentaire du principe d'égalité devant la loi ou par un rattachement aux principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République, ou encore à l’article 11 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen garantissant la liberté d’opinion.719

Finalement, pour une meilleure compréhension du contradictoire, nous allons analyser chacun
des éléments composant de cette garantie.

1. Droit à l’information

Il oblige l’administration à informer les intéressés de tous les actes pratiqués dans le procès,
tout comme de tous ses éléments qui, d’une façon ou d’une autre, pourraient affecter leurs
droits. Le droit à l’information est une condition indispensable à l’exercice du droit de la
défense, pour la motivation, pour le contrôle des actes administratifs et finalement pour
transformer les décisions administratives, autrefois unilatérales, en participation effective des

717
RIVERO, Jean. A propos des métamorphoses de l’administration d’aujourd’hui : démocratie et
administration. Mélanges offerts à René Savatier. Paris : Dalloz, 1965, p. 823/824.
718
Sur les évolutions jurisprudentielles du Conseil constitutionnel en matière de contradictoire, Bénédicte
Delaunay admet que : «le juge constitutionnel ne considère pas seulement le principe du caractère contradictoire
de la procédure comme un corollaire des droits de la défense, mais se réfère parfois indépendamment de ce
dernier, s’il n’a pas été méconnu par le législateur.(…) On peut penser que le Conseil constitutionnel consacre
ainsi avec valeur constitutionnelle, le principe du contradictoire. Mais la rédaction de ces décisions n’est pas
aussi claire, et les sources constitutionnelles de ce principe incertaines.» DELAUNAY, Bénédicte. Droits des
Participants. La procédure Administrative non Contentieuse en Droit Français. Bibliothèque de Droit Publique
Européen. Volume XIV, Michel Fromont Directeur, Londres : Esperia, 2000
719
GOHIN, Olivier. La contradiction dans la procédure administrative contentieuse. LGDJ, 1988, p. 287.

275
citoyens. Sans accès à l’information, il est impossible de développer un système de règlement
des litiges en dehors du juge.

La loi n° 2000-321, du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
les administrations, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et
d'amélioration de la qualité du droit, prévoit dans l’article 16-A que : « les autorités
administratives échangent entre elles toutes informations ou données strictement nécessaires
pour traiter les demandes présentées par un usager ou les déclarations transmises par celui-ci
en application d'un texte législatif ou réglementaire(…)II. ― Un usager présentant une
demande ou produisant une déclaration dans le cadre d'une procédure entrant dans le champ
du dernier alinéa du I ne peut être tenu de produire des informations ou données qu'il a déjà
produites auprès de la même autorité ou d'une autre autorité administrative participant au
même système d'échanges de données(…)»

La loi brésilienne nº 9784 du 29 janvier 1999 prévoit dans l’article 3° que : «les administrés
sont assurés auprès de l’administration des droits suivants, sans préjudice des autres qui
peuvent surgir ensuite:(…)II - avoir connaissance, à condition d’y être intéressé, du traitement
donné à la requête déposée ; accéder aux documents les concernant et au dossier, en ayant la
possibilité défaire des copies des éléments; et être mis au courant des décisions».

En plus, la loi récente du droit de l’accès à l’information au Brésil, loi n° 12527 du 18


novembre 2011, établit dans l’article 7° une liste des droits capables de garantir l’information.
Parmi ces droits nous trouvons : le droit aux consignes précises sur les procédures et les
endroits où l’information peut être obtenue ; le droit aux informations qui se trouvent dans les
registres ou dans les documents produits ou conservés par les organes publics, ainsi qu’aux
informations conservées ou produites par des particuliers issues des liens avec les organes
publics.

a) De l’opacité à la transparence

L’opacité et la distance entre le pouvoir public et les citoyens servent comme technique
efficace pour mettre l’administration à l'abri des regards indiscrets et pour échapper à toute
investigation et à toute pression. Cela se passe au Brésil mais aussi en France, cependant les

276
choses changent. En effet, l’État contemporain est enclin à adopter comme principe
fondamental de la République la transparence, poussé par l’idéal de la démocratie moderne.720

La tradition du droit public français rattachée à une «conception jacobine à la fois autoritaire
et centralisatrice hérité de l’État Napoléonien» est mal à l’aise de rendre des garanties aux
particuliers.721 La règle était la fermeture et le secret car la légitimité des actes administratifs
étaient déjà garantie par la compétence liée à la loi. La notion d’exécution des lois blindait
toutes actuations contre l’administration. Le principe de la légalité représentait l’obéissance à
la loi et par conséquent l’obéissance au peuple souverain. Donc, dans cette optique le respect
de la légalité par l’administration était la condition suffisante du caractère démocratique de
l’action administrative étant hors de question d’introduire la démocratie en son sein.722

L’origine de l’État brésilien ne favorise pas une meilleure issue en ce qui concerne l’ouverture
de l’administration. En suivant le même modèle de formation que celui de l’État portugais,
basé sur le centralisme monarchique et sur l’organisation bureaucratique, au Brésil ce sont
d’abord les structures de pouvoir des villes qui ont été formées, et ce n’est qu’après que ces
villes se sont préparées à recevoir le peuple et ses nécessités.723 Cette inversion artificielle de
création d’un État en commençant par ses structures institutionnelles provoquait l’apparition
de règles éloignées de la réalité et qui avait comme seul but de limiter les libertés
individuelles et d’exiger des impôts. La fermeture, le secret et la distance étaient absolus.724

En opposition à l’opacité habituelle de la conduite publique et pour combattre la tradition du


secret un antidote apparaît, surnommé par la doctrine transparence administrative, érigé à la
condition de principe de droit. Selon Jean-François Brisson, ce principe contemple deux
obligations pour le système administratif, les obligations passives concernant le droit d’accès

720
CHEVALLIER, Jacques. L'administration face au public, in La communication administration-administrés,
Paris : PUF 1983, pp. 13-60 ; ROCHA, Carmen Lúcia Antunes. Principio Constitucionais da Administração
Publica. Belo Horizonte : Del Rey, 1994, p. 242.
721
BRISSON, Jean-François. 2000, Op.,cit . p. 77.
722
RIVERO, Jean. 1965, Op.,cit p. 825.
723
FAORO, Raymundo. Os donos do poder: a formação do patronato político brasileiro. Cité par TABORDA,
Maren Guimarães. O princípio da publicidade e a participação na Administração Pública. Rio Grande do Sul.
2006, p. 56
724
DAVI, Kaline. A dimensão política da administração pública. Porto Alegre : Sergio Fabris, 2008, p. 98.

277
aux documents administratifs et les obligations positives concernant la motivation et la
publicité des décisions administratives.725

Sans amoindrir l’importance des obligations passives concernant le droit d’accès aux
documents administratifs, des obligations qui par elles-mêmes représentent un exemple de
système non juridictionnel de protection du citoyen en dehors de tout contentieux, il est
important de souligner le rôle joué par les obligations positives.726

b) L’information sur la procédure

L’article 4 de la loi du 12 avril 2000 établit que : «dans ses relations avec l'une des autorités
administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom,
le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de
traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont
adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le
justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. Toute décision prise par l'une des autorités
administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la
mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci».

La loi brésilienne présente une règle similaire à l’article 3° de la loi n° 9784 du 29 janvier
1999 déjà citée. De plus au Brésil, les décisions administratives implicites de rejet ou
d’acceptation ne sont pas possibles. L’article 5° de la constitution brésilienne garantit à tous le
droit de recevoir des organes publics les informations de leurs intérêts particulier ou général,
ces informations sont transmises dans les délais fixés par la loi, sous peine de responsabilité, à
l'exception de celles dont le secret est indispensable à la sûreté de la société et de l'État.

Ces informations permettent aux administrés de « mieux appréhender le suivi et les


conséquences juridiques de la procédure qu’ils ont engagé devant l’administration ». Jean-
François Brisson souligne la protection du demandeur contre le risque d’écoulement du délai
725
BRISSON, Jean-François. 2000, Op.,cit . p. 82.
726
FRAYSSINET, Jean. Les rapports entre les protections non juridictionnelle et juridictionnelle des
administrés : le cas de l’accès à l’information administrative. Revue Administrative, 1993, p. 561.

278
du contentieux, à son insu, comme principal bénéfice pour le citoyen et comme seule sanction
appliquée en France au manquement des obligations par l’administration. Le silence gardé sur
la demande débouche sur l’inopposabilité des délais de recours jusqu’à satisfaction des
formalités manquantes. La décision implicite n’intervient pas avant sa publicité et le recours
juridictionnel reste toujours ouvert.727

Ce thème a pris une dimension importante principalement après l'article R. 421-5 du code de
justice administrative728, la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et le Décret 2001-492 du 6 juin
2001 relatif à l'accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives.
Ces normes bouleversent une jurisprudence déjà cristallisée par la justice administrative, celle
de la théorie de la connaissance acquise, une théorie qui ne reflète pas les valeurs assurées par
le principe de transparence.

Cette théorie consiste à démontrer que le requérant a une connaissance personnelle de la


décision querellée, alors même que celle-ci ne lui a pas été notifiée. Il est ainsi considéré que
la connaissance d'une décision peut se réaliser par des procédés autres que la publicité
régulière.729 L'intérêt réside, entre autres, dans la possibilité de soulever la forclusion en cas de
recours contentieux.730

Depuis le décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les
usagers, la théorie de la connaissance acquise est remise en doute. Cette nouvelle réalité est
renforcée par l’article 19 de la loi du 12 avril 2000 qui prévoit que : «les délais de recours ne
sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été
transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier
alinéa ».

Le Décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 relatif à l'accusé de réception des demandes présentées
aux autorités administratives exige plusieurs formalités comme condition de validité de
l'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000. D’abord, la date de

727
BRISSON, Jean-François. 2000, Op.,cit . p.84.
728
Article R. 421-5 : «les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la
condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision»
729
AUBY, Jean-Marie et DRAGO, Roland. Traité des recours en matière administrative, Litec, 1992, p. 290
730
SEILLER, Bertrand. Les limites de la théorie de la connaissance acquise. RFDA, 1998, p. 1184.

279
réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera
considérée acceptée ou rejetée, ensuite la désignation, l'adresse postale et, le cas échéant,
électronique, ainsi que le numéro de téléphone du service chargé du dossier et
finalement l'accusé de réception qui doit indiquer si la demande est susceptible de donner
lieu : à une décision implicite de rejet en mentionnant les délais et les voies de recours
disponibles, ou à une décision implicite d'acceptation en mentionnant la possibilité d’offre au
demandeur de se voir délivrer l'attestation prévue par l'article 22 de la loi du 12 avril 2000.

La même norme admet trois exceptions à cette règle d’inopposabilité du délai des recours. La
première se rapporte aux demandes abusives, répétitives ou systématiques pour lesquelles
l’administration n’est pas tenue d’accuser réception. La deuxième concerne l’hypothèse où
une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme
duquel est susceptible de naître une décision implicite. La troisième intervient quand l'accusé
de réception est régi par des dispositions spéciales.

À partir des règles établies nous pourrions conclure que la théorie de la connaissance acquise
est complètement dépassée, toutefois la réalité jurisprudentielle nous montre que les
incidences des connaissances acquises en France sont seulement réduites.731

Par l’arrêt du 11 avril 2008 SOCIETE DEFI FRANCE, le Conseil d’État a considéré que les
dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ne seraient pas opposables
aux tiers, comme le démontre l’extrait suivant : « (…) décision du maire autorisant une
société à poser un dispositif lumineux sur le toit d'un immeuble de la commune. La
requérante, qui est tierce à la décision, n'est pas recevable à l'attaquer plus de deux mois
après la date à laquelle elle l'a elle-même produite devant le tribunal, après en avoir obtenu
copie intégrale annexée à une lettre du maire, étant réputée en avoir connaissance acquise à
cette date ».732

731
Selon Antoine Claeys : « Mieux délimitée, la théorie de la connaissance acquise gagnera en crédibilité si elle
respecte le point d'équilibre entre les objectifs contradictoires, mais tout aussi légitimes, de réalisme et de
protection des justiciables. Aujourd'hui, malgré un environnement qui lui est peu favorable, il serait faux et hâtif
de croire que cette théorie a définitivement succombé. » Un nouvelle remise en cause de la théorie de la
connaissance acquise. AJDA, 2003, p. 42.
732
CE, 11 avril 2008, SOCIETE DEFI FRANCE, Rec. Lebon. Disponible sur :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000018624
336&fastReqId=973109492&fastPos=1. Consulté le 9 aout 2012.

280
Dans le même sens l’arrêt du Conseil d’État du 1 juillet 2009, SOCIETE HOLDING JLP,
détermine que : «lorsque l'acquéreur évincé sollicitant la rétrocession du terrain préempté a
joint à sa demande une copie intégrale de la décision de préemption, il doit être réputé avoir
eu connaissance de cette décision et des voies et délais de recours, dans des conditions et
garanties équivalentes à la notification prévue à l'article R. 421-5 du code de justice
administrative. Par suite, le délai de recours contentieux contre cette décision a commencé à
courir à l'égard de l'acquéreur évincé au plus tard à la date de cette jonction.»733

Finalement l’arrêt du 17 décembre 2010 par lequel le Conseil d’État admet l’incidence de la
théorie de la connaissance acquise dans une situation bien plus incertaine. Le Conseil d’État,
considérant l'article 19 de la loi du 12 avril, considérant aussi l'article 1er du décret du 6 juin
2001 et, aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes
administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, a décidé que :
«il résulte de ce qui précède que si aucun délai de recours contentieux n'était opposable au
recours contentieux formé par Mme A contre la décision implicite de rejet résultant du silence
gardé par le Premier ministre sur son recours contre la décision de la commission nationale
de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, en raison de
l'absence de transmission de l'accusé de réception de ce recours prévu par les dispositions
précitées de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, le délai dont elle disposait pour demander
au Premier ministre de lui communiquer les motifs de sa décision, laquelle devait être
motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'elle refusait un
avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les
conditions pour l'obtenir , expirait au plus tard deux mois après l'introduction de son recours
contre cette décision ; que, par suite, en jugeant que Mme A ne pouvait utilement soutenir que
la décision implicite qu'elle contestait n'était pas motivée faute pour le Premier ministre
d'avoir répondu à sa demande de communication de motifs, en raison de ce que cette
demande était intervenue bien après l'expiration du délai de deux mois courant à compter de
la date d'enregistrement du recours contentieux dirigé contre la même décision, la Cour n'a
pas commis d'erreur de droit. »734

733
CE, 1°juin 2009, SOCIETE DEFI FRANCE, Rec. Lebon. Disponible sur :
http://lexinter.net/JPTXT4/JP2005/connaissance_acquise_et_recours.htm. Consulté le : 09 aout 2012.
734
CE, 17décembre 2010, Mme. Gabrielle A., Rec. Lebon. Disponible sur :
http://lexinter.net/JPTXT4/JP2005/connaissance_acquise_et_recours.htm. Consulté le : 09 aout 2012.

281
Les dispositifs qui exigent la connaissance réelle de la décision ainsi que de ses conséquences
évitent tout obstacle à l’exercice d’un droit par le citoyen, car rien ne prouve que même en
connaissant la décision, l'intéressé a eu connaissance des délais et voies de recours.735

Par ailleurs, l’administration peut facilement accomplir ces exigences de notification des
demandeurs et de publication des décisions relatives à des tiers sans que ceci représente une
lourde affaire. La doctrine dénonce que les obligations posées par les normes sont
délibérément ignorées par certaines administrations. Très souvent ces autorités estiment
préférable d’offrir aux administrés la possibilité d'attaquer sans limitation de durée leurs
décisions plutôt que d'indiquer, lors des notifications, les voies et délais de recours, il s’agit
d’une question de stratégie contentieuse.736

Au Brésil, il n’y a pas de théorie semblable à celle de la « connaissance acquise » qui met en
risque les droits du citoyen au recours ou à la procédure. Que ce soit dans la sphère
juridictionnelle ou dans la sphère administrative, l’administré doit être notifié et averti des
recours et des délais opposables contre la décision, sous peine de nullité de la procédure qui
l’a causé.737

À notre avis, la théorie de la connaissance acquise est en contradiction avec la transparence


administrative et, principalement, va à l’encontre du corolaire de l’information à la procédure.
On ne peut pas inférer que l’administré connait la décision dans tous ses termes et, plus
encore, qu’il est au courant des procédures et délais mis en disponibilité par le système
juridique. C’est une exigence lourde pour le citoyen et très généreuse pour l’administration.

735
SEILLER, Bertrand. Les limites de la théorie de la connaissance acquise. RFDA, 1998, p. 1186.
736
CLAEYS. Op. cit. p. 42 ; SEILLER. Op. cit. p. 1188.
737
MEDAUAR, Odete. Direito Administrativo Moderno. 9° ed., São Paulo : RT, p. 196.

282
2. La motivation des décisions

En ce qui concerne la motivation des actes administratifs, il y a un profond décalage entre la


conception adoptée par le droit administratif français, si on le compare au droit administratif
brésilien.

Dans le système français la motivation des actes administratifs est facultative, sauf disposition
expresse instituant une obligation de motivation. C’est-à-dire qu’en dehors des cas définis par
les textes ou la jurisprudence, le pouvoir public n’est pas obligé de présenter formellement
dans une décision administrative les considérations de droit et de fait qui en constituent le
fondement.738

Face à l’absence de motivation l'administré est impuissant. Il n’a pas, en règle générale, le
droit de connaître les considérations de fait et de droit qui ont poussé les autorités
administratives à agir de cette façon. Le juge administratif est le seul qui peut solliciter de
l'autorité administrative la communication des motifs afin de pouvoir exercer pleinement son
contrôle juridictionnel. Donc, en France, la motivation constitue une exception puisqu'elle
n'existe que sur le fondement d'une obligation spécifique d'origine textuelle ou
jurisprudentielle.

Ceci se passe de manière complètement différente au Brésil. Le principe de la motivation,


bien qu’implicite dans la constitution, est reconnu et appliqué par la loi et par la

738
La loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre
l'administration et le public, prévoit dans l’article 1 que : «Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être
informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :
-restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;
-infligent une sanction ;
-subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;
-retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
-opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
-refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions
légales pour l'obtenir ;
-refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à
l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions des deuxième à cinquième alinéas de l'article 6 de la loi
n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le
public ;
-rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en
application d'une disposition législative ou réglementaire.»

283
jurisprudence. Pour la doctrine brésilienne le devoir de motivation est issu du principe de
l’État démocratique de droit, inséré dans l’article premier de la Constitution, qui présente
comme fondement de la république la souveraineté et la citoyenneté en ajoutant que «tout
pouvoir émane du peuple, qui l'exerce par l'intermédiaire de représentants élus ou
directement, selon les termes de la présente Constitution.» Par conséquent, si le pouvoir est du
peuple, il n’existe pas d’autorités intouchables comme à l’époque de l’empire. Les autorités et
les citoyens sont également soumis à la loi et les activités exercées par les autorités sont des
activités humaines, assujetties à des limites et à des contrôles.739

De cette façon les décisions administratives doivent être rationnelles et motivées, car elles
doivent démontrer la légalité et la justice des décisions, et en même temps permettre
l’exercice du contrôle par le citoyen.

Il faut aussi rajouter l’importance politique de cette motivation. Les administrés ont besoin
d’être convaincus par l’explication donnée par les autorités administratives car, si cette
motivation n’est pas acceptable, il n’y aura pas de consensus et sans cet élément l’exercice de
la démocratie dévient fragile.740

Dans la constitution de certaines unités fédérales au Brésil, le principe de motivation est


explicite. Dans l’article 111 de la constitution de l’État de Sao Paulo la motivation est
encadrée comme principe de l’administration publique, et la Constitution de l’État de « Minas
Gerais » va dans ce même sens. De plus, la loi n° 9784 de 1999 de la procédure
administrative non juridictionnelle consacre la motivation comme principe et détermine son
obligation dans une liste non exhaustive.741

739
CHEVALLIER, Jacques. L’État de Droit. Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et a
L’étranger, Paris: Librairie Générale de Droit et Jurisprudence, pp.313-380, pp.315- 320, mars/avril, 1988.
740
GORDILLO, Augustin. Tratado de DerechoAdministrativo, 8. ed. Buenos Aires : Fundácion de
DerechoAdministrativo, 2003, t. 1,pp. II - 18.
741
«Art. 50. Les actes administratifs doivent être motivés quand : I – nient, limitent ou portent atteinte aux droits
des intéressés; II – appliquent ou aggravent des devoirs ou des sanctions; III – décident les procès administratifs
de concours public ou sélection publique; IV – dépensent ou déclarent l’inexigibilité d’appel d’offre; V –
décident les recours administratifs; VI – ils soient issus d’un examen obligatoire; VII – laissent d’appliquer
jurisprudence cristallisée sur certaines questions ou contredisent des avis techniques, des attestations, des
rapports officieux et des propositions officielles; VIII – importent l’annulation, révocation, suspension ou
revalidation d’acte administratif.

284
Ainsi au Brésil, les administrés ont le droit de connaître les raisons de faits et de droit sur
lesquels se fondent les actes administratifs, sous peine que l’omission constitue une atteinte à
l’État de droit. La motivation n’est pas seulement une règle mais un principe constitutionnel
implicite. Tous les actes doivent être motivés, sans discrimination entre les actes de
compétences liées et les actes discrétionnaires.742

Pour essayer d’expliquer la place peu privilégiée du principe de la motivation en France, nous
pouvons prendre en considération la différence entre la situation de l’homme face au pouvoir
public et de l’homme face au pouvoir administratif. Jean Rivero explique que pour les
libéraux de 1789 l’administration n’avait pas de contenu intrinsèque, la notion d’exécution
des lois renfermait toute l’activité de l’administration, c’est dans la loi qu’elle trouvait son
principe et sa limite. La phrase obéir à l’administration, c’est obéir à la loi résumait toute la
légitimité de la fonction administrative, complétée par le contrôle juridictionnel des actes
administratifs. Donc, si face au pouvoir politique il y avait un citoyen prêt à exercer sa
souveraineté par l’intermédiaire de ses représentants élus, face à l’administration ce même
citoyen n’était plus qu’un sujet soumis aux actes administratifs issus de la loi.743

Au regard de cette tradition regrettable, deux éléments distincts peuvent contribuer à une
évolution du principe de la motivation facultative en France. Selon Olivier Gabarda, le
premier est lié à l'exigence de simplification et de cohérence du droit, ce qui est une
préoccupation récente des pouvoirs publics, «la généralisation de la motivation obligatoire
mettrait fin à la disparité de traitement du sujet». Le deuxième est lié à la CJUE. L’entrée en
vigueur de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, plus précisément

§ 1o La motivation doit être claire et adéquate, en pouvant consister en déclaration de consensus par rapport les
fondements des avis, informations, propositions et décisions prises auparavant, qui, dans ce cas fera partie de
l’acte.
§ 2o Pour régler plusieurs sujets de la même nature, il peut utiliser des mécanismes mécaniques qui reprisent les
fondements des décisions, sauf si cette pratique supprime des droits ou des garanties des intéressés.
§ 3o La motivation des décisions des organes collégiaux et des commissions ou des décisions orales vont être
enregistrés dans les termes écrits des sessions.»
742
CAVALCANTI, Eugênia Giovanna Simões. A analise de obrigatoriedade de motivação dos atos
administrativos face à Constituição de 1988. Revista Eletrônica de Direito do Estado (REDE), Salvador, Instituto
Brasileiro de Direito Público, no. 15, 2008. Disponible sur: <http://www.direitodoestado.com.br/rede.asp>.
Consulté le 19.08.2012.
743
RIVERO, Jean. A propos de métamorphoses de l’administration d’aujourd’hui : démocratie et administration.
Mélanges offerts à René Savatier. Paris : Dalloz, 1965, p. 825.

285
l'article 41-2-c qui consacre l’obligation de motiver les décisions de l'administration et par
conséquent la consécration communautaire de l'obligation de motivation sont des motifs
suffisamment importants pour inciter à une relecture du principe.744

a) La généralisation du principe de la motivation pour une


simplification de droit.

La loi de 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations
entre l'administration et le public est une importante source du principe de la motivation
administrative en France. Toutefois on peut également trouver des sources, soit dans la
jurisprudence du Conseil d'État, soit dans une disposition spécifique d'origine législative ou
réglementaire. La loi de 1979 sera appliquée dans les cas non spécifiques en respectant la
règle «lex specialis derogat lex generalis».

Pour en arriver à une analyse critique du système de la motivation administrative en France,


système très complexe, nous partirons de l’incohérence de la loi du 11 juillet 1979 relative
aux décisions implicites. Cette norme, bien qu’elle n’ait pas adopté l'obligation généralisée de
motivation, a institué des dérogations précises en énumérant les catégories d'actes soumis à
une obligation de motivation. Cependant, dans son article 5, elle prévoit que la motivation des
décisions implicites n'est imposée que lorsque les personnes concernées en font la demande.
L’exigence par le législateur de la présentation des motifs à la seule demande des personnes
concernées a amoindri les garanties offertes aux particuliers. L'administration peut tout
simplement s’omettre de son obligation chaque fois que l'administré ne lui présente pas une
demande de motivation expresse. C’est une hypothèse de motivation différée pour des raisons
liées au caractère implicite de la décision.

Le Conseil d’État a élargi ce mécanisme de motivation différée en étendant ce droit aux


hypothèses de motivation obligatoire prévues en dehors de la loi de 1979. Il s’en suit que dans
toutes les décisions implicites, l’absence de motivation lorsqu’elle était obligatoire n’est pas

744
GABARDA, Olivier. Vers la généralisation de la motivation obligatoire des actes administratifs ? Enjeux et
perspectives d'évolutions autour du principe de la motivation facultative. RFDA, 2012 p. 61.

286
illégale par défaut de motivation, à moins que l’administré demande expressément des
explications devant l’administration.745

En outre, la loi de 1979 n’est guère sensible aux droits qu’ont les tiers de connaître la
motivation des décisions favorables aux destinataires mais défavorables aux tiers. Selon la
jurisprudence du Conseil d'État, l'appréciation du caractère défavorable d'une décision doit se
faire en fonction des seules personnes physiques ou morales qui sont directement concernées
par elle.746

La loi de 1979 offre encore d’autres échappatoires à l’administration. L’urgence absolue et le


secret sont des raisons suffisantes pour soustraire l’administration de son devoir de motiver
ses décisions.747

Pour confondre encore un peu plus les sujets qui vont vouloir jouir du droit à la motivation,
les textes qui sont élaborés sur les extensions du droit à la motivation n’ont pas de limites
matérielles. A titre d’exemples, l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique qui établit l’obligation de motiver les décisions d'autorisation telle que la
décision rejetant une demande de permis de construire, les décisions prises au titre du droit de
préemption urbain, l'arrêté portant reconduite à la frontière, la décision de refus d'entrée sur le
territoire, les décisions de rejet d'une réclamation en matière d'établissement de l'impôt, les
décisions portant sanction disciplinaire à l'encontre des agents publics ainsi que les décisions
de licenciement d'un agent public non titulaire ; l'article L. 6143-3-1 du code de la santé
publique impose la motivation de la décision par laquelle le directeur général de l'Agence
régionale de santé place un établissement public de santé sous administration provisoire après
échec du plan de rétablissement de la situation de l'établissement. Tous ces exemples illustrent
l’empilement désordonné des textes qui transforment le droit de la motivation en source
d'insécurité juridique.748

745
CE 30 avr. 2003, M. Khashoggi, Lebon p. 643 ; CE 21 juil. 2009, Association fédération droit au logement,
n° 314070, Lebon ; AJDA 2009. 1465.
746
CE 30 déc. 2009, Mme Reilles, Lebon ; AJDA 2010. 806.
747
BRISSON, Jean-François. 2000, Op.,cit . p. 89.
748
GABARDA, Olivier. Op. cit, p. 64.

287
L’harmonisation des règles concernant le principe de la motivation est donc une des
conditions capable de mettre fin à la disparité des sources du droit de la motivation. La
généralisation du principe de la motivation représenterait la simplification du système et
permettrait au droit positif d’être plus sécurisé. Ceci répond à la demande actuelle de clarté et
d'intelligibilité du droit, deux valeurs constitutionnelles.

René Chapus s’est déjà opposé à une généralisation du principe de la motivation car selon
l’auteur cette sujétion indiscriminée pourrait ralentir ou embarrasser le fonctionnement de
l'administration et multiplier les risques d'annulation pour vice de forme.749Par ailleurs, le
Conseil d'État est réticent à la généralisation d'une obligation de motivation, ce que démontre
la règle selon laquelle « les décisions des autorités administratives n'ont pas, en règle
générale, à être motivées (...) la motivation n'est obligatoire, lorsque la décision émane d'une
autorité personnelle, qu'autant qu'elle est expressément prévue par les textes ». Quant au
Conseil Constitutionnel, il confirme, dans ce même sens, qu’il n'y a pas dans le texte
constitutionnel français de garanties imposant une obligation générale de motivation, sauf
pour les prononciations des sanctions qui ont un caractère de punition.750

Selon Olivier Gabarda « le maintien du principe de la motivation facultative constituerait une


situation profondément choquante , peu compatible avec l'article 15 de la Déclaration de
1789 selon lequel la société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration ».751

b) L’influence du droit européen sur l’évolution du principe


de la motivation en France

L’Union européenne s’est intéressée à la question de la motivation des actes administratifs et


cet intérêt a influencé les ordres juridiques nationaux. Selon Jean-Louis Autin, dès le début
des années 1960, « la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés a développé une
jurisprudence spécifique sur ce point qui a connu un premier aboutissement avec le code
européen de bonne conduite administrative adopté en 1999, à l’initiative et sur la base des

749
CHAPUS, René. Droit administratif général, t. 1, 15e éd., Montchrestien, spéc. n° 1318 s.
750
CE 7 juil. 1978, CEVAPIC, n° 01593, Lebon ; D. 1979. 187 et CC, 1er juill. 2004, n° 2004-497-DC, D. 2005.
199, note S. Mouton
751
GABARDA, Olivier. Op. cit, p. 6 8.

288
travaux du Médiateur européen. Mais c’est bien sûr aujourd’hui la Charte européenne des
droits fondamentaux qui fait référence, puisque son article 41§2 alinéa 3 prévoit
expressément l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions ».752

La jurisprudence européenne parallèlement aux innovations introduites par le droit de l’Union


européenne est également en mesure d'influer sur le droit de la motivation des décisions
administratives. En 1963, la Cour de Luxembourg indiquait déjà que «Pour motiver un acte, il
suffit d’expliciter, de façon même succincte, mais claire et pertinente, les principaux points de
droit et de fait lui servant de support, nécessaires pour rendre compréhensible le
raisonnement qui a déterminé la Commission ».753En 1973 la Cour a affirmé que «La mesure
de l’obligation de motiver [...] dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans
lequel il a été adopté »754

Le Conseil de l’Europe, dans ce manuel de conduites pour la protection des particuliers dans
leurs relations avec les autorités administratives, a élevé la motivation écrite de tout acte
administratif à la condition d’une exigence fondamentale d’un État de droit, car elle constitue
le point sur lequel s’imposent les contrôles sur l’action administrative. « L’autorité
administrative doit expliciter sa motivation et prouver qu’elle a agi dans les cadres de
pouvoirs juridiques qui lui ont été conférés, qu’elle a pris cet acte pour des raisons justifiées
et non de manière arbitraire ».755

c)Le principe de la motivation obligatoire au Brésil.

L’acte administratif devient annulable en cas d’absence de motivation et, quand il est dûment
motivé, l’autorité est liée à cette motivation.

Pour que le devoir de motivation soit considéré comme véritablement respecté il faut que les
raisons déclinées soient claires, précises et capables de convaincre le destinataire de la

752
AUTIN, Jean-Louis. La motivation des actes administratifs unilatéraux, entre tradition nationale et évolution
des droits européens. RFAP, 2009, pp. 85/99.
753
CJCE, 4 juillet 1963, Maurice Alvis c. Conseil de la Communauté Economique Européenne, (Aff. 32/62),
Rec. p. 99, concl. M. Lagrange.
754
CJCE, 1er décembre 1965, Firma G. Schwarze, Aff. 16-65, Rec. p. 1081.
755
Conseil de l’Europe. L’administration et les particuliers. Allemagne : Éditions Du Conseil de l’Europe, 1997,
p. 28

289
décision mais aussi le juge. Une motivation simplement formelle et vide de contenu doit être
considérée comme absente.

C’est justement ce point qui représente la plus grande fragilité du principe de la motivation.
Quand peut-on considérer satisfaisante une motivation? Il est fréquent au Brésil de voir les
autorités administratives évoquer des termes généraux et imprécis pour motiver leurs
décisions et de cette transmettre au juge la responsabilité de délimiter les contours du principe
de motivation.

Donc l’obligation de motiver les actes administratifs, qui devrait être un facteur de diminution
des contentieux administratifs, car les particuliers pourraient se convaincre des raisons
déclinées et renoncer au contrôle juridictionnel, se transforme au contraire en source de
contentieux. En fonction de ce principe le juge interviendra quand la motivation n’est pas
présente ou alors, même si elle est présente, lorsqu’elle n’est pas satisfaisante ou encore
même si elle est présente, claire et précise, lorsqu’elle n’est pas adéquate aux finalités de la
loi, provoquant ainsi un détournement de pouvoir. 756

Les années de secret administratif ont rendu l’administration brésilienne récalcitrante. Il existe
une rébellion silencieuse contre ce devoir de motiver, principalement quand les actes sont
pratiqués dans l’exercice de compétence discrétionnaire.

Il nous semble important de mettre en évidence la position du « Supérieur Tribunal de Justice


Brésilien » sur l’obligation de motiver les actes administratifs même sur la compétence
discrétionnaire : « La liberté de choix de la convenance et de l’opportunité rendue à
l’administration publique, pour la pratique des actes discrétionnaires ne lui a pas permis
l’inobservance du devoir de motivation. L’acte administratif qui nie, qui limite ou qui atteint
les droits ou les intérêts de l’administré doit indiquer, de façon explicite, claire et congruente,
les motifs de fait et de droit sur lesquels il se fonde (article.50, I, e § 1º de la Loi nº

756
FREITAS, Juarez. Discricionariedade Administrativa e o direito fundamental à boa administração. São Paulo:
Malheiros, 2007, p. 56/57.

290
9.784/1999). La simple invocation d’intérêt public ou l’indication générique des causes de
l’acte ne satisfait pas les exigences de devoir de la motivation»757

Le STJ définit aussi sa position par rapport au lien des autorités publiques quant aux
motivations déclarées : « Selon la théorie des motifs déterminants, l’administrateur est lié aux
motifs déclarés pour réaliser l’acte administratif. Dans ce contexte l’acte est illégal non
seulement quand les motifs suscités par l’administration sont inexistants ou faux, mais aussi
quand le manque de compatibilité entre les raisons explicitées et le résultat obtenu est avéré.
»758

C. De l’obligation d’une décision effective

D’une façon générale, le silence de l’administration est considéré au Brésil comme une
violation du droit. La constitution fédérale prévoit le droit de pétition qui fait présumer le
devoir de réponse par l’administration.759 Donc, celui qui se tait quand il devrait parler
commet une faute de négligence et peut être puni pour infraction fonctionnelle. Chaque fois
qu’il y a des dommages supportés par l’administré à cause du silence de l’État, ce dernier
indemnise les victimes.760

Selon les lois, la doctrine et la jurisprudence nationale, on peut affirmer qu’au Brésil le
silence de l’administration publique est repoussé dans la majorité des cas.

La loi n°9.784/99 sur la procédure administrative exige dans plusieurs articles des réponses
effectives aux demandes des citoyens. Dans les constitutions de quelques-uns des états de
l’union, le silence de l’administration est interdit comme dans la Constitution de l’état de Sao
Paulo, art. 11420; de l’état de Pernambuco, art. 97, IV; de l’état de Mato Grosso do Sul, art.

757
STJ, 200401224610, 1ª T. Rel. Min. Teori Albino Zavaski, jugéle 25 mai 2005, 13.06.2005, Brasília/DF.
Disponible au www.stj.jus.br. Consulté le 04.08.2010.
758
STJ, 1280729, 2ª T. Rel. Min. Humberto Martins, jugé le 10 avril 2012, 19.04.2012, Brasília/DF. Disponible
au www.stj.jus.br. Consulté le 21.08.2012.
759
BANDEIRA DE MELLO. Celso Antonio. Curso de Direito Administrativo. 17a Ed. São Paulo, Malheiros, p.
378.
760
Constitution Fédérale de 1988, article 37, §6°.«Les personnes morales de droit public et celles de droit privé
assurant des services publics répondent des dommages que leurs agents ont causés ès-qualités à des tiers; le
droit de se retourner contre le responsable en cas de dol ou de faute est garanti à la puissance publique.».

291
27, § 6.; de l’état de Santa Catarina, art. 16, § 2., de l’état du Rio Grande do Norte, art. 7°.
Chacun de ces états est obligé de par sa Constitution à fournir à tout citoyen, dans un délai qui
varie entre 10 et 20 jours, toutes les informations sous peine de responsabilité de l’autorité
et/ou du fonctionnaire qui nie ou ralentit leur expédition.

Le Pouvoir Judiciaire brésilien s’est déjà manifesté en confirmant que le silence administratif
est considéré comme un abus de pouvoir. Le Tribunal Fédéral de la Deuxième Région, dans
son arrêt relatif à la lenteur d’appréciation des demandes de licence d’importation, a affirmé
que «le silence de l’administration caractérise une omission injustifiée et illégale de l’autorité
administrative.»761 Cependant, le Tribunal Fédéral de la première région a jugé que « quand il
n‘y a pas de délais légaux pour la décision administrative, l’administré doit attendre un
temps raisonnable pour que l’organisme public se manifeste, ce n’est qu’après que le silence
devient un abus de pouvoir passible de contrôle par le Pouvoir Judiciaire ».762

Dans un état où la motivation des actes administratifs est la règle générale, le silence de
l’administration ne peut être accepté. Le devoir de décider est une conséquence immédiate du
devoir de motivation.763 Cependant, il y a des dispositions normatives de constitutionnalité
douteuses qui légitiment le silence de l’administration. L’article 11 du Décret n°61.244, du 28
août 1967, qui institue la Superintendance de la Zone Franche de Manaus – SUFRAMA,
détermine que le silence de l’autorité pendant 30 jours après la demande d’exonération
d’impôts sur les produits manufacturés (Imposto sobre Produtos Industrializados – IPI),
indique une autorisation tacite.764De la même façon la loi n°9.478 du 06 août 1997, sur la
politique énergétique nationale et les activités liées au monopole du pétrole, prévoit lorsque

761
« (…)em caso relativo à demora no julgamento dos pedidos administrativos relacionados a licença de
importação afirmou que o silêncio administrativo caracteriza omissão injustificada e ilegal do administrador. »
TRF – 2 Région. Date du Jugement: 27.06.2000. Publié le 17.10.2000, Juge ROGERIO CARVALHO
762
TRF – 1 Région. Date du Jugement: 08.06.2000. Publié le 29.06.2000, Juge ALOISIO PALMEIRA LIMA
763
BRANDÃO, Cláudio. O controle das omissões e do silêncio da Administração Pública. In: OSÓRIO, Fábio
Medina Osório. Direito administrativo: estudos em homenagem a Diogo de Figueiredo Moreira Neto. Rio de
Janeiro: Lumen Juris, 2006.
764
« Art. 11. Estão isentas do imposto sobre produtos industrializados todas as mercadorias industrializadas na
Zona Franca de Manaus, quer se destinem ao seu consumo interno, quer a comercialização em qualquer ponto
do território nacional.

§ 1o Os projetos para a produção, beneficiamento ou industrialização de mercadorias que pretendam gozar
dos benefícios do Decreto-lei no 288-67 serão submetidos à aprovação da SUFRAMA, ouvido o Ministério da
Fazenda, quanto aos aspectos fiscais, implicando em aprovação tácita a falta de manifestação desse Ministério
no prazo de 30 (trinta) dias contados do pedido de audiência.»

292
l’Agence Nationale de Pétrole n’apprécie pas les plans et les projets de développement et de
production du pétrole dans un délai de 180 jours, on considère que ces projets sont acceptés.765

Selon André Saddy le silence administratif au Brésil ne pourrait produire des effets positifs ou
négatifs que quand la loi les prévoit expressément. Cette réflexion trouve son fondement dans
la durée raisonnable du procès et dans l’exigence du principe de sécurité juridique.766

Dans ce sens une loi brésilienne du 27 décembre 2012, qui régit le partenariat public-privé,
considère le silence de l’administration publique suite à la présentation d’une facture par le
partenaire, dans un délai de quarante jours, comme une acceptation tacite. Il s’agit d’un effet
positif du silence de l’administration et le partenaire pourra demander au « fundo garantidor
das parcerais » - fond de garantie des partenariats - le paiement de la facture.767

La prévision de cette acceptation tacite ne démentit pas la logique du système brésilien, car
dans la même loi il est prévu que le fonctionnaire public qui donne cause à une acceptation
tacite d’une facture se responsabilise pour les dommages provoqués selon les lois civiles,
administratives et pénales. L’effet positif de ce silence présente donc des objectifs très clairs :
garantir la célérité des analyses des factures par l’administration publique partenaire et obliger
les autorités administratives à motiver leur refus de paiement afin d’éviter que le partenaire
privé puisse actionner le fond de garantie.

En France les choses se passent autrement, le régime des décisions prises par les autorités
administratives est régi par la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens
dans leurs relations avec les administrations. L'article 21 de cette loi dispose que « sauf dans

765
« Art. 26. A concessão implica, para o concessionário, a obrigação de explorar, por sua conta e risco e, em
caso de êxito, produzir petróleo ou gás natural em determinado bloco, conferindo-lhe a propriedade desses bens,
após extraídos, com os encargos relativos ao pagamento dos tributos incidentes e das participações legais ou
contratuais correspondentes.
§ 1° Em caso de êxito na exploração, o concessionário submeterá à aprovação da ANP os planos e projetos de
desenvolvimento e produção.§ 2° A ANP emitirá seu parecer sobre os planos e projetos referidos no parágrafo
anterior no prazo máximo de cento e oitenta dias.
§ 3° Decorrido o prazo estipulado no parágrafo anterior sem que haja manifestação da ANP, os planos e projetos
considerar-se-ão automaticamente aprovados. »
766
SADDY, André. Efeitos Jurídicos do Silêncio Positivo no Direito Administrativo Brasileiro. Disponible sur
http://www.icjp.pt/sites/default/files/media/639-956.pdf. Consulté le 04 septembre 2012.
767
Loi nº 12.766 du 27 décembre 2012. Disponible sur :
http://legislacao.planalto.gov.br/legisla/legislacao.nsf/Viw_Identificacao/lei%2012.766-2012?OpenDocument.
Consulté le 20 mars 2013.

293
les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions
prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative
sur une demande vaut décision de rejet. Lorsque la complexité ou l'urgence de la procédure
le justifie, des décrets en Conseil d'État prévoient un délai différent ».768

Alors ce n’est que par dérogation au principe posé par l'article 21 - le silence vaut décision de
rejet - que peuvent être institués, par décrets en Conseil d'État, des régimes particuliers
prévoyant que le silence gardé par une autorité administrative pendant un certain délai vaut
décision implicite d'acceptation. Toutefois, aux termes de l'article 22 de la loi du 12 avril
2000, ces régimes dérogatoires ne peuvent être institués « lorsque les engagements
internationaux de la France, l'ordre public, la protection des libertés ou la sauvegarde des
autres principes de valeur constitutionnels s'y opposent. De même, sauf dans le domaine de la
sécurité sociale, ils ne peuvent instituer aucun régime d'acceptation implicite d'une demande
présentant un caractère financier. »

Nous pouvons affirmer que dans l'état actuel du droit, de nombreux régimes d'acceptation
sont prévus dans des domaines très divers, parmi lesquels se trouvent les permis tacites de
construire ou de démolir (articles R.421-12 et R.430-701 du code de l'urbanisme) ou les
agréments tacites d'assistantes maternelles (article L.421-2 du code de l'action sociale et des
familles).

Le principe par lequel le silence vaut décision de rejet fut étendu aux tribunaux administratifs
par le décret de 1953 et par la loi du 7 juin 1956. Après l'adoption de la Constitution de 1958,
la règle générale a été posée par le décret du 11 janvier 1965 : « Le silence gardé pendant plus
de 4 mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet ».

Selon le sénat dans son Rapport 218, le Conseil d’État a qualifié le silence valant rejet de
« règle générale relative à l'un des modes de liaison du contentieux devant les juridictions

768
Le délai résulte des dispositions combinées des articles 18 et 21 de la loi du 12 avril 2000 : sauf dans les cas
où un décret au Conseil d'Etat prévoit un délai différent, le silence gardé pendant plus de deux mois par les
autorités administratives sur les recours gracieux ou hiérarchiques fait naître une décision implicite de rejet
. CE 7 février 2003, fondation Lenval, n°231871 - CE 19 février 2003, Préfet de la Seine-Maritime c/ Mme
L.C., n° 237321.

294
administratives (Sieur Vilain, 23 avril 1975). Mais il n'a jamais reconnu à cette règle une
valeur supra-décrétale et ne l'a jamais étendue sans texte. »769

En revanche, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 26 juin, a érigé en principe


général du droit la règle selon laquelle le silence gardé par l'administration vaut rejet.770 Il a
confirmé cette position dans sa décision du 18 janvier 1995.771D'une manière générale, le
Conseil Constitutionnel donne aux principes généraux du droit une valeur législative, même
si, comme nous en avertit le rapport du sénat, « elles semblent laisser ouverte une possibilité
pour le règlement d'inverser le principe dans d'autres espèces (en tout état de cause
lorsqu'aucune liberté publique ou aucun principe constitutionnel ne serait en jeu) ».772

Finalement l’observation faite par Jean-François Brisson qui affirme la condition de l’autorité
administrative d’une véritable autorité contentieuse lorsqu’elle statue sur une demande de
l’administré. En tant que telle, elle ne pourrait pas s’abstenir sans commettre une illégalité
susceptible d’engager sa responsabilité. L’exigence d’une décision expresse devrait être une
condition minimale quand le pouvoir public établit le droit des administrés à une révision des
décisions administratives. Malheureusement cette recommandation n’est pas l’orientation
générale des textes, elle est seulement une prescription exceptionnelle.773

D. Du rejet aux formalismes

Le double rôle joué par les exigences formelles pose des problèmes en ce qui concerne le
contentieux en dehors du juge. C’est un véritable paradoxe car l’option pour la sécurité
juridique qu’elles prêtent aux administrés se fait au prix d'une certaine lenteur et d'une
certaine complexité. En revanche, l’absence et l’insuffisance de garanties formelles pour les
plaideurs se fait au bénéfice de la rapidité et de la simplicité de la procédure. Des points
d'équilibres sont concevables mais sont difficiles à trouver.

769
Rapport du Sénat n° 218: Amélioration relations administration-public. Disponible sur :
http://www.senat.fr/rap/l96-218/l96-218_toc.html. Consulté le 04 septembre 2012.
770
« Considérant que d'après un principe général de notre droit le silence gardé par l'administration vaut
décision de rejet et, qu'en l'espèce, il ne peut y être dérogé que par une décision législative. » CC n° 69-55 L du
26 juin 1969. Protection des sites, Recueil, p. 127.
771
« Le législateur peut déroger au principe général selon lequel le silence de l'administration pendant un délai
déterminé vaut rejet de la demande.» CC n° 94-352 DC 18 janvier 1995. Vidéosurveillance, Recueil, p. 140.
772
Rapport du sénat. Op. cit.
773
BRISSON, Jean-François. Les recours administratifs en droit public français. Paris: LGDJ, 1996, p. 277.

295
Cette nature conflictuelle des formalités procédurales doit être discutée mais sans confondre
les diverses solutions. Le formalisme est l’antithèse de la garantie de forme. Les exigences
formelles pour la production de décisions administratives, selon Adilson Dallari, existent pour
protéger les particuliers contre l’abus de pouvoir. En revanche le formalisme est un moyen
subtile de contraindre le citoyen et d’empêcher le libre exercice de ses droits, c’est-à-dire qu’il
configure un abus de droit.774

1. Les formalités procédurales et leurs effets

Selon la doctrine française, la procédure administrative doit être adaptée aux nécessités de
l’action. Donc, il appartient au juge administratif de tenir compte des circonstances pour
moduler le respect dû à la stricte légalité procédurale ou pour permettre à l’administration d’y
échapper.775

En France, c’est le juge qui va faire la distinction entre les formalités justes et les formalismes
marqués par des exigences exagérées, inutiles ou paralysantes. Pour bien jouer ce rôle le juge
est guidé par les circonstances d’espèce.

C’est la juridiction administrative qui va qualifier les formalités, soit de non substantielles,
quand leur absence n’autorise pas l’annulation de la décision, soit d’essentielles mais
incapables d’annuler la décision par des circonstances particulières comme par exemple
quand la loi amène l’administration à prendre une décision identique, quand des formalités se
montrent impossibles, ou encore quand la procédure suivie est autre mais donne les mêmes
garanties.

De plus, le législateur poursuit la jurisprudence car non rarement des textes légaux prévoient
souvent que l’urgence dispense l’administration de suivre certaines règles. La loi du 11 juillet
1979 prévoit qu’une décision n’est pas entachée d’illégalité quand l’urgence absolue a
empêché cette motivation.

774
DALLARI, Adilson Abreu. Formalismo e abuso de poder. Revista Eletrônica de Direito do Estado (REDE),
2008. Disponible sur: <http://www.direitodoestado.com.br/rede.asp>. Consulté le: 12 de septembre de 2012.
775
BRISSON, Jean-François. 2000, Op.,cit . p. 100.

296
Au Brésil, le double rôle des exigences formelles de la procédure administrative représente,
tout comme en France, une source de réflexion. La différence est que là-bas le juge n’est pas
chargé de moduler la rigidité ou la souplesse des formalités, , ni les lois qui ne flexibilisent
pas ces formalités.

La loi brésilienne de la procédure administrative - loi n° 9.784 de 29 janvier 1999 - prévoit


dans l’article 2° « l’observation obligatoire dans les procédures administratives de
l’indication des raisons de fait et de droit qui déterminent la décision ; l’observance des
formalités essentielles pour la garantie des droits des administrés ; l’adoption de formes
simples et suffisantes pour parvenir à l’adéquat degré de certitude, sécurité et respect aux
droits des administrés ».776

En face des obligations formelles comme celles prévues dans cette loi du 29 janvier, leur
inobservance sera pondérée au moment d’une révision. La forme ne va pas sacrifier les
valeurs prépondérantes. L’annulation d’une décision administrative exige deux conditions
pour aboutir, l’incompatibilité formelle avec le modèle normatif et le grief aux valeurs
consacrées par le droit. Ces deux conditions, l’une formelle et l’autre matérielle,
interdépendantes, configurent une illégalité passible d’annulation. Le postulat « pas de nullité
sans grief » s’applique au Brésil.777

De cette façon, quand il y a utilisation équivoque d’une procédure au lieu d’une autre prévue
par la loi, l’annulation de la décision dépend du grief porté à la personne privée concernée. Le
choix d’une procédure différente de la procédure prévue est censurable car fréquemment elle
réduit les garanties des particuliers. L’autorité publique pour se libérer de formalités plus
lourdes et plus lentes utilise des « procédures de raccourcis » qui ne protègent pas le citoyen.

776
Art. 2o A Administração Pública obedecerá, dentre outros, aos princípios da legalidade, finalidade, motivação,
razoabilidade, proporcionalidade, moralidade, ampla defesa, contraditório, segurança jurídica, interesse público e
eficiência. Parágrafo único. Nos processos administrativos serão observados, entre outros, os critérios de:(…)VII
- indicação dos pressupostos de fato e de direito que determinarem a decisão;VIII – observância das
formalidades essenciais à garantia dos direitos dos administrados;IX - adoção de formas simples, suficientes para
propiciar adequado grau de certeza, segurança e respeito aos direitos dos administrados;(…)
777
JUSTEN FILHO, Marçal. Curso de Direito Administrativo. 7. Ed, Belo Horizonte: Editora Forum, 2011, p.
394.

297
Dans ces cas l’invalidité de la décision va dépendre d’une pondération des valeurs échéantes
et de l’examen du préjudice issu de l’adoption de la procédure inadéquate. Cette annulation
qui peut être mise en œuvre par le juge ou par l’administration elle-même, est subordonnée à
une procédure mais aussi au devoir de motivation.

La loi et la constitution déterminent au Brésil quelles sont les formalités essentielles pour la
procédure administrative non juridictionnelle. Le juge et l’administration, dans son pouvoir de
révision de ses propres décisions, peuvent uniquement faire une pondération des valeurs et de
la vérification du grief qui justifie la mesure extrême d’annulation de la décision. Dans tous
les cas cette révision suit une procédure et doit être motivée.

2. L’instrumentalisation des formes

Comme l’a déjà dit Jacques Chevallier l’action administrative est de nature juridique et cette
nature déclenche automatiquement une relation inégalitaire et autoritaire entre le pouvoir
public et les particuliers. L’administration est chargée d’imposer, de parler à l’impératif, elle
s’organise selon une logique de commandement et les particuliers, eux, sont tenus de se plier
à ses prescriptions.778

Dans cette réalité, c’est un défi de faire croire à ces personnes, toujours soumises, qu’elles
peuvent se rapporter à l’administration à un niveau plus égalitaire. C’est justement grâce aux
exigences formelles modérées et proportionnelles aux objectifs que surgit la possibilité de
reconstruction d’une relation entre ces mêmes sujets mais sur d’autres bases.

L’idée est d’exiger seulement des formalités modérées, des rites simples, suffisants à rendre
aux particuliers un peu plus de certitude, de confiance et de sécurité juridique en ce qui
concerne le respect de ces droits devant l’administration. La procédure administrative doit être
simple, accessible à tous, sans exigences techniques rigoureuses qui empêchent l’administré
de faire valoir ces prétentions.779

778
CHEVALLIER, Jacques. L'administration face au public », in La communication administration-administrés,
PUF 1983, pp. 13-60
779
MEDAUAR, Odete. Direito administrativo moderno. 9.ed. rev. e atual. São Paulo: Ed. Revista dos Tribunais,
2005. p. 189

298
Simplifier les procédures n’est pas la même chose qu’oublier les formalités. D’un côté, rendre
les procédures accessibles à tous est une obligation normale pour les États républicains basés
sur l’égalité et, d’un autre côté, maintenir les formes qui garantissent le contradictoire, le
devoir de motivation et la transparence est une condition d’existence d’une véritable
procédure administrative capable de faire évoluer l’idée d’un contentieux en dehors du juge.

CONCLUSION DU TITRE I

D’abord nous nous sommes concentrés sur une révision de la place occupée par la procédure
administrative. Nous avons parlé de tous les mécanismes alternatifs sans faire attention au
moyen de les valoriser comme contentieux alternatif au juge. La procédure administrative
représente justement ce lien, cette manière indispensable de connexion entre les parties en
conflits ainsi que la seule façon d’arriver à un règlement compatible avec les principes
administratifs. Selon Ihering « la procédure est sœur jumelle de la liberté ».

La procédure, dans les deux systèmes analysés, devra garantir la démocratisation des actes de
l’administration publique par la participation des administrés et devra en même temps
contribuer à l’efficacité de l’action administrative. L’existence des mécanismes de règlement
alternatifs des litiges administratifs n’est pas suffisante pour structurer une organisation des
mécanismes en dehors du juge qui représentent un moyen efficace pour éviter la demande au
juge étatique. Nous pensons que la procédure va systématiser ces mécanismes et ainsi va
attirer l’attention des particuliers en faveur des modes non juridictionnels de règlement des
conflits. Le principe de la procédure va combler un vide important.

La valorisation du contentieux administratif alternatif par une procédure administrative bien


structurée rencontre des obstacles à cause de l’imprécision terminologique dans le domaine de
la procédure administrative contentieuse non juridictionnelle, ajoutée à des raisons
budgétaires et à une complexité normative. Les organisations procédurales sont marquées par
l’incohérence de normes superposées vu l’absence d’uniformité de ces normes et vu le conflit
des sources.

299
Ces difficultés peuvent néanmoins être dépassées car la nécessité d’adopter un caractère
procédural n’est pas seulement un besoin des modes alternatifs, mais de toute activité
administrative. Étant donné que ces obstacles bloquent le développement de la procédure dans
toute l’administration publique active, ils doivent être supprimés.

Enfin un des principaux obstacles à la mise en œuvre du contentieux en dehors du juge est
l’absence d’un lien qui pourrait rapprocher les parties et favoriser le débat. Après avoir
énoncé les problèmes liés à la procédure comme, par exemple, la question terminologique
issue du monopole juridictionnel de la procédure en France et la complexité normative du
Brésil sur le thème, nous défendons la valorisation de la procédure comme principe du droit.

Cette transformation pourrait imprégner la procédure des caractères capables de valoriser tout
le style alternatif de règlement des litiges. Le devoir de motivation, l’indépendance des
autorités qui exercent ces fonctions, l’accès à l’information, l’observation du contradictoire,
sont des exemples par nous présentés comme des caractères capables de rendre ces
mécanismes efficaces.

300
TITRE II – Pour une fixation des limites
matérielles

Pour obtenir des résultats satisfaisants, les mécanismes alternatifs de règlement des litiges
administratifs ne doivent pas être perçus comme une panacée sous peine d’un complet échec.
Effectivement le contentieux alternatif en dehors du juge peut améliorer les rapports entre
l’administration et les particuliers autant que soulager la justice administrative. En revanche,
ces mécanismes alternatifs au juge ne sont pas adaptés pour tous les cas. Donc, pour parvenir
à des résultats effectifs, il faut délimiter son champ d’application d’une façon moins
ambitieuse et plus réaliste.

La majorité des conflits qui peuvent être réglés en dehors du juge administratif sont les
conflits qui admettent la négociation ou la flexibilisation des intérêts en jeu. Dans le
contentieux administratif, quels sont les litiges susceptibles d'être négociés par les parties ?
Quels sont les conflits pouvant être réglés par d'autres voies que le recours au juge
administratif ?

Selon Arnaud Noury, l’essentiel pour délimiter le domaine des différents modes alternatifs est
de faire la distinction entre, d'une part, les litiges d'ordre patrimonial, concernant l'exécution
des contrats et la responsabilité extracontractuelle et, d'autre part, les litiges relatifs à la
légalité des actes administratifs, c'est-à-dire au recours pour excès de pouvoir et aux actions
en nullité des contrats.780

En ce qui concerne les litiges d'ordre patrimonial, les modes alternatifs sont admis depuis
longtemps en France. La capacité des personnes morales de droit public comme des
particuliers de renoncer à leurs droits subjectifs justifie le règlement des litiges par la voie
transactionnelle. Pour Jean-Marie Auby la renonciation aux droits subjectifs n'est pas liée à

780
NOURY, Arnold. Les modes alternatifs peuvent-ils prospérer dans le contentieux administratif. JCP, 2005,
p.1286.

301
une interdiction générale dans le contentieux administratif, elle est l’objet d’une mitigation
d'ordre matériel, dépendant de l'objet de la renonciation.781

Par ailleurs, en ce qui concerne la légalité des actes, dans les cas de recours pour excès de
pouvoir contre les décisions administratives et action en nullité des contrats administratifs, les
modes alternatifs ne représentent pas une solution efficace. La renonciation aux droits à la
transaction est interdite en vertu de l'adage selon lequel on ne transige pas sur la légalité. Le
juge administratif français ne reconnaît aucun effet aux éventuelles renonciations des
administrés à exercer un recours pour excès de pouvoir, car il les considère comme nulles ou
inopérantes.

L’expérience brésilienne, au cours des dix dernières années, montre que la conclusion
concernant les droits indisponibles, selon laquelle la liberté de négociation est trop restreinte,
est fausse. Tout d’abord car il y a plusieurs manières d’exercer ces droits indisponibles, ce qui
permet aux parties de juger et de choisir celle qui est la plus convenable, ensuite car les
omissions dans les systèmes juridiques sont fréquentes, elles donnent aux parties la possibilité
de choisir les paramètres pour compléter ces lacunes normatives. Alors, l’impossibilité de
transiger dans le champ de la légalité est un mythe principalement quand les renonciations
sont faites par le pouvoir public.

Au Brésil, Luciane Moessa démontre que malgré ce mythe du manque de liberté dans le
champ des droits indisponibles pour les mécanismes alternatifs, ce mythe est restreint au
discours, car les praxis révèlent le contraire. Les conflits sur l’exercice de droit de filiation, de
la maternité et de la paternité sont des droits d’ordre public et même dans ces domaines, en
dépit de sa nature non patrimoniale, ils sont chaque fois plus réglés par la médiation.782

L’existence d’une justice effective et capable de bien répondre aux demandes entre
l’administration et les particuliers a retardé la remise en cause de cette question. Le manque
de réglementation et par conséquent l’absence de critères précis sur la mise en œuvre des

781
AUBY, Jean-Marie. La renonciation au bénéfice de la loi en droit public français : Travaux de l'association
Henri Capitant, tome XIII, 1960, p. 511
782
MOESSA, Luciane. Meios Consensuais de Solução de Conflitos Envolvendo entes públicos e a Mediação de
Conflitos Coletivos. Thèse de doctorat, 2010, Bibliothèque de l’Université Fédérale de Santa Catarina.

302
mécanismes alternatifs au juge dans ce champ ont stimulé l’accroissement d’une
représentation plus idéalisée que réelle. La dimension publique du droit est compatible avec
l’effectivité de l’intérêt public, dans son exacte mesure, donc si les circonstances de fait
indiquent la renonciation partielle et réciproque des droits comme étant la meilleure solution,
cette renonciation prendra sa place.

La délimitation du champ d’actuation des modes alternatifs des litiges administratifs est juste
et compatible avec son caractère « alternatif » au juge. La recherche d'un contentieux en
dehors du juge est constructive si elle tend à éviter seulement la saisine dispensable de la
justice. Parallèlement, selon Simone Gaboriau, une préoccupation essentielle doit habiter cette
réflexion : « faire que la justice soit à la fois plus efficace - dans le respect des principes
fondamentaux - et moins traumatisante que ne la vivent, hélas encore, bien des
justiciables ».783

Ainsi, nous n’allons pas non plus délimiter le champ d’incidence du contentieux administratif
en dehors du juge en partant du critère de la suppression des droits indisponibles. Nous
adoptons comme critère de délimitation d’abord un critère pratique et moins scientifique
qu’opérationnel, nous divisons les litiges en fonction de la complexité de la matière du droit et
en fonction de la répétitivité de leur sujet. Ensuite nous adoptons un critère mixte relatif à
l’importance sociale et économique de la matière, associé à une ouverture plus grande au
dialogue.

Nous allons nous limiter aux domaines suivants : en premier lieu et d’une manière plus
générale, à celui des faux litiges et des litiges de masse et ensuite, plus précisément, à des
matières ponctuelles dont les caractères démontrent un rattachement aux modes alternatifs des
litiges.

783
GABORIAU, Simone. Déjudiciarisation et administration de la justice Promouvoir la «juridiversité» À la
recherche d'une déjudiciarisation raisonnée et constructive. LPA, 2012, p. 3.

303
Chapitre I - Le contentieux en dehors du juge
contre le contentieux de masse

Les conflits qui forment le contentieux de masse, les faux litiges et le contentieux des séries
sont responsables de la transformation de la justice administrative en «quasi-guichet». Nicolas
Fischer nous dit que les juridictions administratives obligent le juge, dans les cas de
contentieux de masse et des contentieux des séries, à faire de l'urgence et de l'accélération du
temps juridictionnel un impératif et de cette façon désorganise toute la logique de l’exercice
de la juridiction.784

Le traitement des autres contentieux prend du retard. La masse est prioritaire et les demandes
stockées vieillissent.785 Les contentieux «traditionnels», non répétitifs, passent nécessairement
après.786

Les juges ne sont pas encore bien adaptés aux méthodes du contentieux de masse. Cette
affirmation est dans le Rapport 400 du Sénat où nous pouvons lire que les magistrats des
tribunaux administratifs sont attachés à des méthodes de travail peu compatibles avec un
contentieux de masse parce qu'elles privilégient la recherche de qualité plutôt que le
rendement. Sans un souci du temps qui passe, la plupart des magistrats, en raison de leurs

784
FISCHER, Nicolas. Le tribunal administratif à l'épreuve du contentieux de masse. Premiers résultats d'une
étude de sciences sociales réalisée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise. RFDA, 2011, p. 481.
785
Voir le Rapport sur la nouvelle Politique d’Immigration qui illustre bien cette position d’affirmer sur le
contentieux des étrangers : « En raison tant de la complexité des règles applicables que de la brièveté des délais
impartis au juge pour se prononcer, l’encombrement des juridictions administratives conduit à :
– Un effet d’éviction de tous les autres contentieux. Si les requêtes d’étrangers constituent près du tiers des
requêtes nouvelles, elles comptent pour près de la moitié des affaires jugées. Pour les tribunaux de la région
parisienne ces pourcentages s’élèvent à près de la moitié des «entrées» et à plus des trois quarts des «sorties».
Les affaires relatives aux domaines autres que le contentieux des étrangers et qui ne sont pas engagées selon des
procédures d’urgence attendent d’être jugées et le retard s’accumule. Dans certains tribunaux de la région
parisienne, on estime que l’âge moyen du stock hors contentieux des étrangers s’est accru d’un an en dix-huit
mois.
– Une inégalité de traitement entre les justiciables selon que leur requête relève du contentieux des étrangers
(affaire jugée en trois ou quatre mois) ou non (délai moyen de jugement supérieur à deux ans et pouvant
atteindre quatre ou cinq ans)(…) » Disponible sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-
publics/084000446/0000.pdf. Consulté le 20 septembre 2012.
786
GAUDEMET, Yves. Approche doctrinale : définition, origines, essai d'explication et perspectives des
contentieux de masse. RFDA, 2011, p. 464.

304
responsabilités et de la conception exigeante faite de leur fonction, s'accommodent mieux en
effet d'un travail méthodique et réfléchi que d'un traitement rapide des affaires.787

En plus, il y a aussi les faux litiges représentés par les fausses demandes adressées au juge
uniquement par manque de dialogue entre l’administration et les particuliers. Ces demandes
sont issues principalement du mauvais fonctionnement des services publics ou du manque de
certitude pour l’administration de la dimension de son autonomie en face des conflits.

Dans les deux cas - celui du contentieux de masse et celui des faux litiges - le contentieux en
dehors du juge peut avoir de bons résultats.

§I. La notion de contentieux de masse

La notion de contentieux de masse est difficile à comprendre à partir de critères scientifiques


mais facilement acquise d’un point de vue pratique. Selon un critère quantitatif « le
contentieux de masse est un contentieux massif » et en utilisant un critère plus qualitatif « le
contentieux de masse est un contentieux répétitif, qui présente à juger des litiges très
largement factuels et appelle un traitement pour ainsi dire mécanique ». Cette définition
débouche sur deux conséquences : ce contentieux encombre les juridictions – problème
gestionnaire - et il présente un très faible intérêt juridique – basse complexité.788

La doctrine publiciste comme l’affirme Yves Gaudemet n’a jamais élaboré une liste des
contentieux de masse ni même formulé une notion précise sur ce contentieux. Pour l’auteur
cité le contentieux de masse correspond, du côté formel, à une masse de requêtes :
« plusieurs dizaines, centaines, voire milliers de requêtes relevant d'un même contentieux et,
du côté matériel, est une masse de requêtes dont l'argumentation au soutien de ces moyens
sont les mêmes, identiques ou similaires. Même si chaque requête correspond bien sûr à un
cas d'espèce, digne d'intérêt, la prétention du demandeur, sa demande et son argumentaire
sont identiques ou très comparables à ceux des autres requêtes relevant de la même masse.

787
Rapport n° 400 remis à Monsieur le Président du Senat le 10 juin 1992. Dépôt publié au Journal officiel du
1 l Juin 1992. Disponible sur: www.senat.fr
788
CALVÉS, Gwénaële. Mieux connaître les contentieux de masse l'apport des travaux sociologiques. RFDA,
2011, p. 477.

305
Dé plus, pour le juge, il y a l'idée non seulement d'un contentieux répétitif mais aussi d'un
‘déjà vu’ contentieux ».789

Ce sont des litiges caractérisés par une énorme quantité et par une infime complexité. Ils ne
présentent aucun défi pour le juge puisque lorsqu'il est saisi d'un « contentieux de masse, la
réponse à donner est déjà «stabilisée» en l'état des textes et de la jurisprudence, l'importance
à donner en termes de réflexion et de travail juridique est évidemment moindre. »790

En dépit de l’absence d’une liste exhaustive des litiges qui forment le contentieux de masse en
France et au Brésil, on peut trouver dans des rapports officieux et des textes qui traitent du
thème une énumération illustrative plus au moins uniforme. Les contentieux usuels réputés
comme contentieux de masse se rapportent, en France, aux litiges concernant les étrangers, les
permis de conduire, les litiges de police et de logement et, au Brésil, aux litiges concernant la
sécurité sociale, le logement et la santé.

A. La distinction entre «le contentieux de masse » et « le


contentieux de la masse »

Yves Gaudemet lorsqu’il cherche à savoir si cette augmentation du contentieux est en raison
des demande répétitives et si elle est conséquence d'une transformation de la « sociologie des
requérants et des affaires », c’est-à-dire si elle va dans le sens d'un contentieux
«démocratisé », il utilise un jeu de mots pour attirer l’attention du lecteur sur la différence
entre la massification du contentieux et l’augmentation de l’accès au juge par des requérants
ordinaires. L’auteur demande si cette masse du contentieux serait devenu davantage le
«contentieux de la masse ».

En répondant à cette question Gwénaële Calvés démontre que la notion de « contentieux de


masse » est liée à l’apparition d’un problème. Le mot « massification », ici, n'est jamais
simplement synonyme de «croissance» ou de « développement » encore moins de

789
GAUDEMET, Yves. Approche doctrinale : définition, origines, essai d'explication et perspectives des
contentieux de masse. RFDA, 2011, p. 464.
790
GAUDEMET, 2011. Op. cit.

306
«démocratisation ». « Il renvoie, d'emblée et systématiquement, à l'idée d'une dégradation du
service public de la justice, menacé de paralysie ou de mécanisation ».791

Dans le même sens, cette augmentation de la charge du pouvoir judiciaire est considérée au
Brésil comme un « engorgement ». Les chiffres démontrent que l’augmentation des demandes
dans les tribunaux représente une augmentation de 393,7% en vingt ans, en comparaison,
l’augmentation de la population brésilienne dans cette même période a été de 25,4%. Parmi
ces demandes on trouve majoritairement le contentieux de masse et les séries contentieuses.
Ce sont des conflits qui sont du ressort du contentieux de la fonction publique, du contentieux
fiscal, de la sécurité sociale et des séries contentieuses liées aux plans économiques. 792

Selon le bureau de la Reforme du Pouvoir Judiciaire au Brésil, 79% des recours présentés à la
Cour Suprême entre les années 1999 et 2003 avaient comme litigants le Pouvoir Public. Sur
un total de 447.298 demandes, 41.152 (9,2%) avaient l’État comme partie ; 51.439 (11,5%)
avaient l’Institut National de la Sécurité Sociale – INSS. Cette prépondérance des affaires
publiques caractérise une réalité que la doctrine appelle « étatisation de la justice ».793

A propos de la situation en France après la réforme de la justice en 1953, Yves Gaudemet


déclare que : « (…) Depuis une quarantaine d'années, le contentieux devant le juge
administratif de première instance double quasiment tous les dix ans et, sur la dernière
décennie, il a augmenté de 50 %. Ou encore : depuis une quarantaine d'années, il augmente
en moyenne de 6 % chaque année (chiffre cité en dernier lieu dans le projet de loi de finances
pour 2011 dans la mission « Conseil et contrôle de l'État ») ».794

Ces chiffres démontrent l’augmentation du contentieux administratif. Toutefois, la situation


du contentieux administratif en France est bien plus confortable que la réalité du juge
judiciaire : « 225 424 affaires réglées par le juge administratif en 2009, toutes juridictions
confondues ; en regard des 2 616 190 affaires en matière civile et commerciale ». Il n’y a pas

791
CALVÉS. Op. cit. p. 477.
792
FALCAO, Joaquim. Desestatizar o Judiciário. Disponiblesurhttp://www.cnj.jus.br/imprensa/artigos/13320-
desestatizar-o-judicio. Consulté le 25 septembre 2012
793
FALCAO. Op. cit.
794
GAUDEMET, 2011. Op. cit.

307
lieu de faire des comparaisons, l’accroissement du contentieux administratif en France ne se
mesure pas à la même échelle que celle qui affecte l'ordre judiciaire.795

Les deux contentieux comparés sont donc très distincts. En France, les nombres prouvent une
massification du contentieux administratif mais d’une façon plus discrète que ce qui arrive au
Brésil. Du côté brésilien les chiffres révèlent que la majorité des recours qui arrivent à la Cour
Suprême (STF) ont les Pouvoirs Publics comme partie. De plus, dans la liste générale des 100
plus grands litigants du Brésil, les quatre premiers sont des institutions publiques, à savoir
l’Institut National de la Sécurité Sociale qui occupe la première place et l’État la
quatrième.796Du côté français la massification du contentieux administratif est inférieure à
celle de la justice judiciaire.

En considérant qu’au Brésil il n’y a pas de dualité de juridiction et que ces chiffres
contemplent la totalité du contentieux, nous pouvons en conclure que le contentieux
administratif dépasse quantitativement les autres contentieux et que le phénomène de
massification du contentieux par les demandes répétitives et sans complexité est un problème
majoritairement étatique.

La doctrine consacrée au sujet se préoccupe majoritairement de la recherche d’une solution à


un problème installé au sein de la justice administrative. Les causes du phénomène ne sont
pas suffisamment prises en compte et les réponses ne sont pas recherchées en dehors du
système juridictionnel.

Jean Rivero a déjà prophétisé en 1965 à propos de la nécessité d’une métamorphose du


système administratif. Toujours actuelle, sa réflexion nous mène vers un sujet-administré
protégé par la soumission de l’administration à la loi mais l’exclut de toute participation à
l’acte qui le concerne.797 Cette place occupée par le citoyen débouche sur la question

795
GAUDEMET, 2011. Op. cit.
796
Conseil National de Justice, 100 majors litigants, Brasilia, mars, 2011. Disponible sur :
http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-judiciarias/pesquisa_100_maiores_litigantes.pdf. Consulté le 10 avril
2012.
797
RIVERO, Jean. A propos de la métamorphose de l’administration d’aujourd’hui : démocratie et
administration. Mélanges offerts à René Savatier, 1965, p. 821.

308
suivante : comment concilier cette situation avec l’évolution d’un contentieux non
juridictionnel?

L’augmentation des litiges en masse n’est pas le résultat d’une plus grande démocratisation de
l’administration mais, bien au contraire, c’est justement l’absence de dialogue avec les
citoyens qui est la cause de l’augmentation du contentieux de masse. Le manque de dialogue
fait augmenter le numéro des demandes répétitives et très peu complexes, des demandes qui
pourraient être facilement réglées sans l’intervention du juge s’il y avait justement ce
dialogue.

B. La distinction entre le contentieux de masse et le contentieux


des séries

En plus du contentieux de masse, nous avons un autre ensemble de litiges responsable de


l’augmentation des demandes devant le juge. Il s’agit des séries contentieuses qui ne doivent
pas être confondues avec le contentieux de masse.

Le contentieux de masse présente une certaine permanence par rapport aux séries
contentieuses qui sont circonstancielles, et c’est justement là la principale distinction entre les
deux phénomènes qui contribuent à la massification du contentieux.

Yves Gaudemet a défini les séries contentieuses comme : « de multiples recours formés
contre l'application d'une même législation ou réglementation, par une pluralité de
justiciables se trouvant dans des situations très comparables ou similaires et agissant en
ordre dispersé ; encore que ces actions soient souvent coordonnées ou relayées par une
certaine organisation : que l'on songe à l'action de syndicats professionnels, d'associations
ou de conseils susceptibles de diffuser des requêtes-types. »798
Le code de justice administrative indique en plus des critères définissant les séries
contentieuses. Dans l'article R. 222-1 il se rapporte aux séries comme à « des requêtes (...)
qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en
droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées

798
GAUDEMET. 2011. Op. cit.

309
ensemble par une même décision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées
ensemble par une même décision du Conseil d'État statuant au contentieux ou examinées
ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'État en application de l'article L. 113-1 ».

Il est vrai que les séries contribuent à la massification du contentieux de la même façon que le
contentieux de masse mais les séries, bien qu’elles puissent compter quelques milliers de
requêtes, sont « épisodiques, circonstanciées et non installées durablement ». Dans le champ
de la complexité juridique il n'y a rien à juger. Une décision ou quelques décisions suffisent,
c’est un travail de duplication.799

Les contentieux qui favorisent le phénomène des séries sont principalement le contentieux
fiscal et le contentieux de la fonction publique. Comme l’explique Yves Gaudemet, « il s'agit
là d'administration de masse, de législations ou de réglementations susceptibles d'être
contestées dans leur application par un très grand nombre de justiciables potentiels, les
séries y trouvent un terrain favorable ».800

La doctrine brésilienne ne fait pas de distinction entre les séries contentieuses et le


contentieux de masse. Les deux facteurs sont traités comme s’il s’agissait du même
phénomène. Vu sous l’optique des conséquences, la surcharge de la justice est une distinction
qui ne représente pas un grand intérêt, par contre en ce qui concerne les causes, la
différentiation est fondamentale.

§II. Les faux litiges

Il y a une troisième catégorie de litiges qui augmente la massification du contentieux et


confirme surtout le manque de communication entre l’administration et les particuliers. Ce
sont les faux litiges, les demandes dépourvues d’intérêt pour agir en justice, même si elles

799
GAUDEMET. 2011. Op. cit.
800
«Les exemples sont nombreux. On peut citer, en matière fiscale par exemple, le contentieux massif de la taxe
sur les achats de viande pour certaines années ou, pour la fonction publique, celui du supplément familial de
traitement.Mais tous les contentieux sont potentiellement « sériels » : citons par exemple la très importante série
de requêtes tendant à obtenir la condamnation de l'État et de la SNCF à réparer les préjudices subis du fait de
l'organisation de la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale (qui a donné lieu à l'avis contentieux n°
315499 : CE, 16 févr. 2009, Mme Hoffman-Glemane, Lebon ; AJDA 2009. 284 et les obs. ; ibid. 589, chron. S.-J.
Liéber et D. Botteghi ; D. 2009. 567, obs. C. de Gaudemont ; ibid. 481, édito. F.Rome ; RFDA 2009. 316, concl.
F. Lenica ; ibid. 525, note B. Delaunay ; ibid. 536, note P. Roche). » GAUDEMET. 2011. Op. cit.

310
sont présentées aux prétoires des juridictions administratives comme seule voie pour établir
un moyen d’être écouté par l’administration.

Celui qui exerce une action en justice doit avoir un motif de le faire. L’intérêt pour agir en
justice est une des conditions d’action autant au Brésil qu’en France. La différence entre les
deux systèmes est due à l’existence en France de deux voies principales de recours devant les
juridictions administratives, chacune avec sa procédure et ses spécificités et à l’existence au
Brésil du principe constitutionnel selon lequel « la loi ne peut soustraire à l'appréciation du
Pouvoir Judiciaire aucune lésion ou menace d'atteinte à un droit ».

A. L’intérêt pour agir en justice dans le contentieux brésilien et


dans le contentieux français.

Dans la Constitution brésilienne, article 5º, XXXV, il est prévu que la loi ne peut soustraire à
l'appréciation du Pouvoir Judiciaire aucune lésion ou menace d'atteinte à un droit. En somme,
la Constitution brésilienne préconise le droit au juge de façon primaire, c’est-à-dire que ni
même la loi, expression maximale de la légitimité démocratique, ne pourra soustraire de
l’appréciation du Pouvoir Judiciaire une quelconque lésion ou menace d'atteinte à un droit.

Cette appréciation par le Pouvoir Judiciaire sera faite par le biais d’une action qui obéit à une
forme légale. Les critères minimes exigés par la loi en vertu de cette forme sont liés à la
validité de la propre action en justice et on les appelle les conditions de l’action. Le Code de
Procédure Civile Brésilien prévoit dans les articles 3 et 267, VI, que : « Pour proposer ou
contester une action il faut avoir intérêt et légitimité, et de plus (…) Le procès n’est pas
recevable quand il n’y a pas de conditions d’action à l’exemple de la possibilité juridique de
la demande, de la légitimité des parts et de l’intérêt processuel. ».

En France comme au Brésil la notion d'intérêt pour agir en justice est essentielle en
contentieux administratif : c’est une des conditions de la recevabilité des recours contentieux.

311
En plein contentieux, le requérant doit revendiquer un droit propre auquel l'administration a
porté atteinte. Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, seule est recevable la requête
introduite par une personne qui a intérêt à obtenir l'annulation de l'acte querellé.

Avec l’action juridictionnelle le requérant cherche la protection d’un bien juridique menacé
ou endommagé. L’action est un des droits qui peuvent affluer de la lésion d’un autre droit.
C’est un droit autonome par rapport au droit matériel poursuivi par le citoyen comme
principal sujet de son action.801

De la synthèse des deux droits en question, le droit d’action en justice et le droit d’accès au
juge, on peut considérer qu’au Brésil rien ne peut empêcher l’accès au juge. Néanmoins, les
conditions d’action doivent être remplies pour que les voies juridictionnelles ne soient pas
surchargées inutilement.

Il n’est pas rare que le Pouvoir Judiciaire brésilien soit saisi pour statuer sur des litiges
administratifs qui n’ont pas été présentés et ne sont pas connus de l’administration
publique.802Au Brésil, il n’y a ni l’obligation de la décision préalable ni même l’existence de
procédures spécifiques pour les recours de quelque nature que ce soit.

En France, tous les recours administratifs contentieux doivent être formés contre des
décisions administratives, c’est ce qu’on appelle la liaison du contentieux. C’est une
survivance du système du ministre-juge : il s’agit de s’assurer que l’administration a déjà pris
position sur la question par une décision administrative. L’article R.421-1 du Code de justice
administrative établit que « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative
ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision ».

Le principe de l'accès à la justice est ancré dans l'article 16 de la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen: « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée
ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution ».Le Conseil
801
GRINOVER, Ada Pellegrini; DINAMARCO, Cândido Rangel; CINTRA, Antonio Carlos Araujo. Teoria
Geral do Processo. São Paulo: Malheiros, 1998.
802
STJ (1997/0073680-6). Publiéle 30/03/1998 Ministre. FERNANDO GONÇALVES; AC 2001.38.00.015454-
6/MG, Juge Fédéral ItelmarRaydan Evangelista, Première Chambre, publié-DJF1 p.1498 du 03/06/2008

312
Constitutionnel a eu l'occasion de donner à ce principe une valeur constitutionnelle. Le juge
administratif a, par la suite, décidé que le droit au recours constituait un principe général du
droit. En plus, les articles 6 et 13 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
prévoient aussi l’effectivité du droit au recours.

À notre avis, le principe constitutionnel de l’indispensabilité du Pouvoir Judiciaire au Brésil


vient pour introduire une équivoque dans la jurisprudence nationale. Les Tribunaux, dans leur
grande majorité, insistent et continuent à considérer inconstitutionnelle toute exigence qui
impose au demandeur de saisir l’administration avant de saisir le juge ou qui considère
impossible de juger irrecevable une action, par manque d’intérêt pour agir en justice, quand
l’administration n’est même pas au courant du conflit.

En revanche, la CEDH admet que des restrictions peuvent être apportées au principe de
l'accès à la justice sous les conditions suivantes: qu’elles ne portent pas atteinte substantielle
au recours, qu’elles soient proportionnelles et que le recours continue effectif et concret.
Donc, ces conditions correspondent aux conditions d'accès de la théorie de la recevabilité des
recours. Un recours ne sera considéré comme recevable que s'il répond à certains critères,
parmi eux la décision administrative préalable lorsque le recours se rapporte aux domaines
contractuels et de responsabilité.

Par ailleurs, la majorité des tribunaux brésiliens incitée à statuer sur le sujet déclare que
« l’action proposée ne dépend pas d’une demande administrative antécédente» et de plus
« que les administrés ne sont pas obligés d’épuiser les voies administratives avant de saisir le
pouvoir judiciaire » et ajoute encore que ces exigences sont inconstitutionnelles.803

Ces décisions sont malheureuses parce qu’elles déclarent inconstitutionnelle l’obligation


d’utiliser les voies administratives comme préalable à l’intérêt d’agir en justice. A notre avis,
il y a une incohérence conceptuelle dans ces décisions qui a besoin d’être corrigée. C’est

803
TRF de la Troisième Région, Recours 473354, Juge GISELLE FRANÇA, 04/06/2012 ; et Recours 450756,
Juge THEREZINHA CAZERTA, DJ 28/05/2012. Dans le même sens le Tribunal de Justice de Pernambouco.
Recours: 00252/2009. Juge: RICARDO PESSOA DOS SANTOS, 10/2/2009 ; le Tribunal de Justice de Minas
Gerais. Recours Nº 1.0024.06.244312-2/001. Juge: HILDA TEIXEIRA DA COSTA, 27/02/2008 ; le Tribunal
Rio Grande do Norte. Recours n° 2009.003985-7. Juge : Amaury Moura Sobrinho, 04/06/2009 ; et le TRF de la
Quatrième Région. Recours 2003.71.00.076233-1, Juge : ÁLVARO EDUARDO JUNQUEIRA, 30/03/2005

313
justement par l’action en justice que sont réglés les conflits, donc comment affirmer
l’existence d’un conflit et demander l’aide juridictionnelle sans faire preuve du conflit ? Ou
comme on dit au Brésil, sans l’existence de la prétention refusée?

Heureusement cette jurisprudence commence à s’affaiblir. Le Tribunal Supérieur l’interprète


d’une autre façon. Il considère que l’absence totale de demande administrative avant l’action
en justice ou lorsque l’autorité administrative ne fait aucun obstacle à la prétention du
justiciable, l’action en justice devient irrecevable par manque d’intérêt d’agir.804

L’intérêt d’agir en justice au Brésil est conçu par le binôme nécessité/adéquation pour être
effectif, c’est-à-dire que l’État devra être provoqué pour rendre la prestation juridictionnelle
quand cette prestation se montre nécessaire et compatible à la demande.805

L’exigence d’épuisement des voies administratives au Brésil serait inconstitutionnelle, aucun


doute ne subsiste quant à cela. En revanche, la démonstration d’une prétention formulée
auprès de l’administration, du moins pour la tenir au courant et la mettre en demeure, suffirait
pour remplir une des conditions d’action.

804
STJ – Supérieur Tribunal de justice, Recours Spécial n.º 1310042/PR, Juge Min. HERMAN BENJAMIN,
publié le Journal Officiel de la Justice au 15.05.2012 :“PREVIDENCIÁRIO. AÇÃO CONCESSÓRIA DE
BENEFÍCIO. PROCESSO CIVIL. CONDIÇÕES DA AÇÃO. INTERESSE DE AGIR (ARTS. 3º E 267, VI, DO
CPC). PRÉVIO REQUERIMENTO ADMINISTRATIVO. NECESSIDADE, EM REGRA. 1. Trata-se, na origem,
de ação, cujo objetivo é a concessão de benefício previdenciário, na qual o segurado postulou sua pretensão
diretamente no Poder Judiciário, sem requerer administrativamente o objeto da ação. 2. A presente controvérsia
soluciona-se na via infraconstitucional, pois não se trata de análise do princípio da inafastabilidade da
jurisdição (art. 5º, XXXV, da CF). Precedentes do STF. 3. O interesse de agir ou processual configura-se com a
existência do binômio necessidade-utilidade da pretensão submetida ao Juiz. A necessidade da prestação
jurisdicional exige a demonstração de resistência por parte do devedor da obrigação, já que o Poder Judiciário
é via destinada à resolução de conflito . 4. Em regra, não se materializa a resistência do INSS à pretensão de
concessão de benefício previdenciário não requerido previamente na esfera administrativa. 5. O interesse
processual do segurado e a utilidade da prestação jurisdicional concretizam-se nas hipóteses de a) recusa de
recebimento do requerimento ou b) negativa de concessão do benefício previdenciário , seja pelo concreto
indeferimento do pedido, seja pela notória resistência da autarquia à tese jurídica esposada.6. A aplicação dos
critérios acima deve observar a prescindibilidade do exaurimento da via administrativa para ingresso com ação
previdenciária, conforme Súmulas 89/STJ e 213/ex-TFR. 7. Recurso Especial não provido”
805
GRINOVER, Ada Pellegrini; DINAMARCO, Cândido Rangel; CINTRA, Antonio Carlos Araujo. Teoria
Geral do Processo. São Paulo: Malheiros, 1998.

314
B. Les spécificités de l’intérêt à agir en justice dans le contentieux
français

Dans le contentieux français, il y a une séparation entre les recours qui visent à annuler un
acte administratif et ceux qui visent une indemnisation du fait de la responsabilité de
l’administration ou pour un dommage subi dans un contrat administratif. Cette division nous
permet de percevoir les différences existantes par rapport à la démonstration de l’intérêt d’agir
en justice.

1. Dans le cadre d’un recours de plein contentieux

Le contentieux de pleine juridiction est un contentieux subjectif. Dans un recours de plein


contentieux ou de pleine juridiction, la question posée par le requérant porte sur une situation
juridique individuelle sur laquelle le requérant fait sa demande et que l’administration
conteste. Les deux sujets typiquement de pleine juridiction sont le contentieux des contrats et
le contentieux de la responsabilité.

A l’exception du contentieux des travaux publics pour lequel une décision administrative
n’est pas obligatoire, le recours ne peut être formé que contre une décision administrative
préalable. Comme exemple, nous pouvons citer Yves Gaudemet qui nous dit que « lorsque le
particulier prétend avoir subi un dommage engageant la responsabilité de l’administration, il
doit réclamer d’abord à celle-ci réparation et c’est seulement sur un rejet ou une proposition
d’indemnité jugée insuffisante que l’instance pourra être engagée ».806

S’il n’y a pas de réponse de l’administration, après deux mois, ce silence est considéré comme
un rejet. C’est la décision implicite de rejet.

806
GAUDEMET, Yves. Droitadministratif, 19 Ed., Paris: LGDJ, p. 89.

315
Selon Jean-Marie Auby ces décisions préalables ont seulement comme but de lier le
contentieux sans qu’elles soient le résultat d’un recours administratif. Ce sont des demandes
initiales pour susciter une décision préalable.807

Une telle décision préalable pourrait représenter pour l’administration l’opportunité, en ayant
connaissance de la demande, de prendre une décision raisonnable et d’éviter la judiciarisation
du conflit. Toutefois il faut que l’analyse soit sérieuse et qu’elle ne soit pas simplement
l’accomplissement d’une formalité.

La doctrine rattache ces décisions préalables à la fonction de lier le contentieux. Il est de


principe dans le contentieux administratif français que « […]la juridiction ne peut être saisie
que par voie de recours formé contre une décision[…] »808. Il n’y a que le rejet de leur
demande, soit explicitement soit implicitement à l’expiration d’un délai de deux mois qui
permet aux particuliers la saisine du juge. Il en découle que toute la logique de la décision
préalable est construite en fonction du contentieux devant le juge. L’existence d’une telle
prévision n’a pas l’intention d’établir un moyen de communication entre l’administration et
les particuliers, mais par contre elle envisage de faire valoir une tradition historique du
contentieux administratif français issu de la théorie du ministre-juge.809

2. Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir

Le recours par excès de pouvoir est un recours objectif. En général, tout citoyen se rendant
compte d’une irrégularité peut saisir le juge administratif. Toutefois pour que le REP ne
devienne pas une action populaire, le juge administratif exige que le justiciable démontre que

807
AUBY, Jean-Marie. Les recours administratifs préalables. AJDA, 1997, p. 10.
808
Article R. 421-1 du code de justice administrative.
809
«La règle de la décision préalable provient de la loi du 17 juillet 1900, reprise par le décret n° 65-29 du 11
janvier 1965. Mais son fondement est plus ancien : il provient du fait que le Conseil d'État dans le régime
procédural du début du XIXème siècle ne pouvait être saisi que de décisions. Il a maintenu cette exigence après
1889, rendant utile l'adoption de dispositions textuelles.
La règle de la décision préalable peut être ainsi énoncée : la recevabilité des recours est subordonnée au fait
qu'ils soient dirigés contre une décision. Cette exigence ne fait pas problème en cas de recours pour excès de
pouvoir ni dans le contentieux de l'annulation en général, mais elle est d'un grand poids dans le plein
contentieux. Si un préjudice résulte d'un acte administratif non décisoire ou d'un fait juridique, l'intéressé doit en
principe provoquer une décision en adressant une demande expresse d'allocation de dommages et intérêts à la
personne publique ou privée (CE, Sect. 13 juin 1984, Assoc. Club athl. Mantes-la- ville, Rec.218, AJDA
1984.572) auteur du préjudice. Cependant, pour que l'auteur de l'acte ou des faits litigieux ne puisse par inertie
faire obstacle à l'action de l'intéressé, une décision de rejet est réputée intervenue au bout de deux mois de
silence. On l'appelle décision implicite de rejet.»

316
l’acte attaqué l’affecte dans des conditions suffisamment spéciales, certaines et directes mais
il n’est pas nécessaire que l’intérêt invoqué soit propre et spécial au requérant.810

En résumé l’intérêt doit être direct, ce qui signifie que le grief doit émaner directement de
l’acte attaqué. Cet intérêt doit être certain, né et actuel. La jurisprudence admet toutefois
l’intérêt éventuel, s’il est probable. L’intérêt doit être légitime et conforme aux principes
juridiques. Il peut enfin être matériel ou purement moral, c’est-à dire que, pour qu’il y ait
intérêt à agir, l’acte doit avoir une influence sur les intérêts matériels ou moraux du requérant
et il faut qu’il y ait un lien direct entre l’acte et la qualité dont le requérant se prévaut pour
agir.

Chapitre II – Les matières contentieuses


davantage compatibles

Donnant suite au critère matériel que nous avons adopté dans ce travail en ce qui concerne le
rattachement aux modes alternatifs des litiges, nous nous limiterons aux conflits sur les
matières dont la nature, associée à l’importance sociale et économique, rapproche beaucoup
plus du contentieux en dehors du juge.

Le contentieux fiscal est déjà une matière qui révèle la réussite de la procédure administrative
préalable. Autant en France qu’au Brésil le domaine fiscal est un exemple de l’efficacité du
contentieux en dehors du juge.

Les marchés publics ont des caractères qui les poussent au contentieux en dehors du juge. Il y
a tout d’abord le facteur prépondérant de l’autonomie de la volonté des parties, même si
modérée par l’ordre public, elle doit être considérée comme un facteur d’encouragement au
dialogue entre les parties, puis le poids économique des contrats exige de l’État des solutions
plus efficaces, rapides et créatives par rapport à ce contentieux.

810
CE Ass. 20 décembre 1995, Mme V et M. J., n° 132183;142913 - CE 24 juillet 2009, M. D…, n°317617.

317
Le contentieux de la responsabilité est un domaine où le contentieux en dehors du juge
pourrait favoriser une accélération du règlement des litiges et principalement en matière
indemnitaire, il permet une réduction du montant des intérêts moratoires. En outre, puisque
les mécanismes alternatifs reposent sur la bonne foi de l’administration, ils pourraient
s'inscrire dans une politique d'amélioration de l'image de l'administration.

Le contentieux de la fonction publique s’insère dans un domaine très particulier car il s’agit
de conflits entre l’administration et ses propres agents. Ainsi, du fait que ces conflits
proviennent de relations continues et aussi proches, l’administration doit leur donner un
traitement moins belligérant et plus pacifique. C’est plutôt une question de stratégie, car ces
agents sont les sujets grâce auxquels l’administration pratique ses actes.

Finalement, le contentieux de l’environnement est adaptable au contentieux en dehors du juge


du fait de son caractère très spécifique, et ensuite en raison de la nécessité habituelle de
pondération avec l’intérêt de protection de l’environnement qui entre en contradiction avec
d’autres intérêts, principalement de développement économique générateur de richesses. La
pondération constante demande un dialogue et non une imposition.

§I. Le contentieux fiscal en dehors du juge: un exemple


satisfaisant au Brésil et en France.

En France chaque étude prouvant la réussite de la procédure administrative non


juridictionnelle relève de la procédure administrative développée dans le contentieux fiscal.811
La rapidité, la possibilité d’une dimension conciliatrice et l’acceptation par les particuliers de
cette voie l’a transformé en icône du recours administratif préalable obligatoire.812

Concernant cette même matière, il y a au Brésil une procédure administrative similaire. On


constate au Brésil que cette organisation procédurale jouit d’une importante performance. La
différence entre les systèmes français et brésilien en est le caractère obligatoire. Au Brésil,
cette voie administrative préalable est facultative pour les particuliers.

811
Conseil d’Etat. Les études du Conseil d’Etat. Les recours administratifs préalables obligatoires. Paris : La
documentation Française, 2008, p. 107.
812
On rappelle qu’une procédure administrative contentieuse non juridictionnelle en France doit être appelée
recours administratif. .

318
Le système alternatif pour le contentieux fiscal est efficace dans les deux pays. Mais cette
efficacité renforce la remise en cause de son caractère obligatoire comme garantie de son
efficacité. Une vérification empirique entre la réalité brésilienne et la réalité française peut
confirmer ce que la doctrine française défendait déjà à propos de ce contentieux. L’obligation
du recours préalable en matière fiscale n’est pas la raison de son gain spectaculaire, mais
l’organisation procédurale de ce recours et la nature particulière des litiges fiscaux qui
favorisent cette procédure.813

Vu l’efficacité de ce système dans les deux pays et vu la distinction révélatrice par rapport à
son caractère obligatoire, il nous semble indispensable de faire une analyse spécifique de cette
procédure administrative non juridictionnelle même si plusieurs autres procédures
administratives spécifiques sont en vigueur autant en France qu’au Brésil.

A. L’organisation du contentieux fiscal avant le juge

Le contentieux fiscal est constitué par l’ensemble des litiges qui relèvent de l’établissement et
du recouvrement de l’impôt. Dans les deux systèmes en comparaison les procédures fiscales
sont prévues expressément par des textes légaux. Le décret n° 70.235 du 06 mars 1972
organise cette procédure dans la sphère fédérale au Brésil et, en France, c’est le Livre de
Procédure Fiscale qui est responsable de cette organisation.

Dans les deux systèmes analysés le contentieux fiscal comprend une phase administrative
caractérisée par une réclamation faite auprès de l’administration et suivie occasionnellement
d’une phase juridictionnelle. La phase administrative, dans le système français, constitue une
condition de recevabilité du recours juridictionnel et, au Brésil, c’est une procédure
facultative.

Le caractère contentieux de cette procédure préalable à la saisine du juge est indubitable. Il


s’agit selon Gilles Noël de discuter la légalité des opérations fiscales et non simplement d’une

813
BRISSON. Régler autrement les litiges administratifs. RDP, 1996, p. 811.

319
sollicitation d’équité ou d’humanité de l’administration. Le contribuable exerçant ce recours
auprès de l’administration n’interpelle pas davantage l’autorité administrative gracieuse.814

L’administrateur saisi d’un recours administratif fiscal va statuer en droit. Pendant l’exercice
de cette fonction, on peut considérer cette autorité comme une autorité contentieuse. Le juge
fiscal a déjà reconnu que ce recours est un recours administratif contentieux non
juridictionnel.815

Cependant, malgré l’évidence du caractère contentieux des recours préalables obligatoires


français, les autorités administratives compétentes pour trancher ces litiges fiscaux avant le
juge disposent d’un pouvoir encore restreint. Les garanties processuelles trouvées dans les
procédures juridictionnelles ne sont pas présentes dans les procédures exercées avant le juge.
La décision prise par l’autorité administrative ne fait pas de chose jugée, cette décision est
issue d’une procédure non contradictoire, l’autorité qui décide n’est ni collégiale ni
indépendante, finalement la décision n’est même pas obligatoire.816

En revanche, au Brésil l’instance administrative facultative de la procédure contentieuse non


juridictionnelle présente une plus grande similitude par rapport à la procédure juridictionnelle.
Le principe du « due process off law » est constitutionnellement assuré par les procédures
administratives comme par les procédures juridictionnelles.817 De la même façon, le principe
du contradictoire et de la défense pleine est d’application obligatoire pour l’administration,
par conséquent la procédure administrative fiscale doit observer une plus ample phase
d’instruction et de publicité des actes procéduraux. La décision prise par l’autorité

814
NÔEL, Gilles. Le règlement administratif des litiges fiscaux sans recours au juge. Le Juge Fiscal sous la
direction de HERTZOG, Robert. Paris : Economica, 1988, p. 122
815
CE, Ass. 31 octobre 1975, Sté Coq France, AJDA, 1976, p. 314 ; CE, 22 février 1929, Sieur X, S. 1929, III, p.
96.
816
NÔEL. Op. cit., p. 124.
817
L’expression anglaise a une origine nord-américaine, cette garantie est traduite au Brésil par l’expression
« devido processo legal », il n’y a pas de traduction exacte en français. Selon Elisabeth Zoller : « La traduction
française de l'expression due process of law pose de grandes difficultés. Si l'on tient compte du sens que la
jurisprudence de la Cour suprême a donné à l'expression, il est impossible de ne conserver que le terme
procédure. Aux Etats-Unis, le terme due process of law s'est identifié et a été tenu pour équivalent au terme law
of the land; c'est-à-dire qu'il a pris, en sus de son contenu formel initial, un contenu matériel. Due process
signifie donc règles de procédure, mais aussi règles de fond. Pris dans le sens matériel que la Cour suprême lui
a conféré à partir de la fin du XIXe siècle, le due process se confond avec le droit commun, c'est-à-dire les
règles de fond habituellement suivies par les habitants et effectivement appliquées par les tribunaux du pays.».
Due process of lawet principes généraux du droit. Mélanges Benoit Jeanneau. Paris : Dalloz, 2002, p. 145.

320
administrative contentieuse doit être motivée et finalement l’autorité compétente, qui est
nécessairement collégiale, ne peut pas s’omettre de le faire pour décider.818 Malgré toutes ces
garanties la décision prise n’a pas l’autorité de chose jugée en raison de l’absence
d’impartialité de l’autorité décisionnelle, ce qui justifie le besoin irremplaçable de l’instance
juridictionnelle.

1. L’autorité décisionnelle

Selon les registres historiques, les organes fiscaux concernant le jugement de demandes
fiscales existent depuis le Brésil colonie. L’ancien Tribunal du Conseil du Fisc a donné place
au des siècles après au Conseil des Contribuables, institué en 1927, mais effectivement
installé seulement en 1934. Depuis quelques décennies le Conseil des Contribuables s’est
réaffirmé comme un juge collégial paritaire. Il était composé de représentants du Fisc et de
contribuables et sa responsabilité concernait le jugement en deuxième instance administrative
des litiges tributaires.

Au cours de ces dernières années les Conseils de Contribuables est passés par une série de
changements vers une plus grande modernisation et une compatibilité avec l’augmentation
constante du flux des procès. La Loinº 11.941/09a créé le Conseil Administratif de Recours
Fiscal (CARF).

A l’exemple de l’ancien organe, le CARF est aussi rattaché au Ministère des Finances et sa
composition, également collégiale, est constituée de représentants du Fisc choisis parmi les
contrôleurs des finances publiques et de contribuables indiqués sur liste triple par les
syndicats. Tous vont accomplir un mandat de trois ans, renouvelable, mais qui ne peut
excéder la période de neuf ans. Le CARF est formé par des chambres collégiales
subordonnées à la Chambre Supérieure de Recours Fiscal qui est compétente pour uniformiser
les décisions des chambres communes composantes du CARF.

Le jugement en première instance administrative est de la compétence des organes


représentants le Fisc Fédéral dans chaque état de la fédération. Ces organes ont une nature

818
CARRAZA, Roque Antonio. Curso de Direito Constitucional Tributário.3. Ed. São Paulo: Revista dos
Tribunais, 1992, p. 56.

321
collégiale et sont rattachés à la représentation du Ministère des Finances dans chaque état
correspondant de la fédération.

En France, le contentieux fiscal comprend deux branches distinctes. Dans le Livre de


Procédure Fiscale nous trouvons les règles sur le contentieux de l’assiette819 et les règles sur le
contentieux du recouvrement820. Pour le contentieux de l’assiette, la réclamation préalable est
normalement faite auprès du Directeur Départemental des Services Fiscaux, cette autorité
administrative est le chef des services chargés de l’établissement des impôts de toute nature.
Pour le contentieux du recouvrement ou de l’obligation de payer, l’autorité compétente est le
responsable départemental du service auquel appartient le comptable public.821

Comme on a pu s’en apercevoir, les organes chargés de statuer sur la demande administrative
fiscale au Brésil sont toujours collégiaux et paritaires, c’est-à-dire que font partie de sa
composition des membres rattachés aux intérêts des contribuables et des membres rattachés
aux intérêts du fisc. En thèse, cette formation collégiale et paritaire assure des décisions plus
équitables.

En revanche, en France l’autorité contentieuse est la seule autorité administrative.


L’introduction de la collégialité dans les traitements des réclamations préalables a été écartée.
Le Conseil d’État a conclu dans son étude sur les Recours Préalables Obligatoires qu’elle
alourdirait les procédures et exigerait des moyens supplémentaires.822

Cette question mérite réflexion. L’argument utilisé par le Conseil d’État peut se justifier à
partir d’une analyse des données officielles brésiliennes sur la durée des procédures

819
Art. L 190 du LPF « […] relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la
réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant
d'une disposition législative ou réglementaire.»
820
Art. L 252 « Le recouvrement des impôts est confié aux comptables publics compétents par arrêté du ministre
chargé du budget. Ces comptables exercent également les actions liées indirectement au recouvrement des
créances fiscales et qui, dès lors, n'ont pas une cause étrangère à l'impôt au sens de l'article 38 de la loi n° 55-
366 du 3 avril 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère de l'économie et
des finances et des affaires économiques pour l'exercice 1955. »
821
Selon Martin Collet « l’identification du destinataire de la réclamation ne soulève normalement pas de
difficulté : il est mentionné dans les différent documents - et notamment les avis d’imposition – adressés au
contribuable et, au pire des cas, la loi du 12 avril 2000 fait obligation à l’administration saisie par erreur d’une
demande de la transmettre au service compétent. » Procédures Fiscales. Paris : PUF, 2011, p.225.
822
Conseil d’Etat. Les Etudes du conseil d’Etat. Les Recours Préalables Obligatoires. Paris : La documentation
Française, 2008, p. 107.

322
administratives fiscales. Actuellement on estime que la durée moyenne de la phase
administrative du contentieux fiscal fédéral au Brésil est de 4(quatre) ans823, alors qu’en
France la durée moyenne de la phase administrative est de 6(six) mois et dans les contentieux
des assiettes 98,7 % des réclamations sont traitées en moins de 3(trois) mois.824

Face à ces données, une question s’impose. La durée raisonnable d’un procès est-elle
inconciliable avec la qualité d’une décision équitable ? Une réponse positive n’a pas lieu
d’être.

L’alourdissement et la bureaucratisation d’un organe contentieux collégial ne justifient


vraiment pas une si longue durée de la procédure. Le fait de pouvoir constater que la phase
administrative développée dans le contentieux français obtient de bons résultats auprès du
contribuable nous permet d’avoir un autre regard sur la collégialité et la parité. Actuellement
en France 93,43% des décisions en matière d’assiette et 35% en matière de recouvrement sont
favorables aux contribuables.825

2. La procédure du système

La réclamation auprès de l’autorité administrative contentieuse en France doit être faite par
écrit, sous forme de lettre sur papier libre en langue française.826 Elle est entièrement gratuite
et elle ne doit pas être nécessairement présentée par l’intermédiaire d’un avocat. Le
contribuable peut la déposer dans les locaux de l’administration ou l’expédier par voie postale
ordinaire.

En principe, les réclamations doivent être individuelles mais les réclamations collectives sont
prévues dans les trois cas énumérés dans l’article R* 197-1 du LPF827. Elles doivent permettre

823
Expositions des Motifs nº 00204/2008 – MF du Projet de loi qui dispose sur la transaction en matière fiscal.
Disponible sur http://www.apesp.org.br/legislacao/camara_PL50822009.pdf. Consulté le 29 juin 2011.
824
Conseil d’Etat. Les Etudes du conseil d’Etat. Les Recours Préalables Obligatoires. Paris : La documentation
Française, 2008, p. 107.
825
Idem, p. 107.
826
Cette règle comporte une atténuation. L’agent administratif ,sur la base d’un entretien oral avec le
contribuable, peut établir une fiche de visite qui signée et datée a valeur de réclamation.
827
Art R 197-1. Les réclamations doivent être individuelles. Toutefois, peuvent formuler une réclamation
collective :a) Les contribuables imposés collectivement ;b) Les membres des sociétés de personnes qui
contestent les impôts à la charge de la société ; c) Les maires qui sollicitent au nom de leurs administrés un
dégrèvement de taxe foncière pour pertes de récoltes.

323
l’identification du réclamant, de l’imposition contestée, contenir l’exposé sommaire des
moyens par lesquels l’auteur prétend la justifier, indiquer l’objet et la portée de la demande et
être accompagnées de l’avis d’imposition.828

Certains problèmes de formes peuvent être régularisés jusqu’à la décision de l’administration.


En principe, ils rendent irrecevable la réclamation, sauf ceux qui empêchent l’identification
du réclamant. 829

L’administration dispose en principe d’un délai de six mois pour donner sa réponse dans le
cas du contentieux de l’assiette car dans le contentieux du recouvrement le délai est plus bref,
il est de deux mois seulement830. Les décisions devront être motivées si elles conduisent à
rejeter totalement ou partialement les demandes du contribuable ou du redevable. En cas de
silence gardé par l’administration pendant six mois ou deux mois respectivement, le
contribuable peut saisir les tribunaux. Par rapport au contentieux des assiettes le contribuable
peut aussi sans craindre de forclusion attendre la réponse expresse de l’administration, car
c’est seulement à partir de cette décision-là que le délai va courir.831

Les prescriptions légales sur la procédure administrative fiscale s’arrêtent là. Comme la
procédure n’est pas contradictoire, il n’y a aucune discussion avec le réclamant, ni échange de
mémoires, ni débat d’aucune sorte. Il y a une lacune singulière dans le contentieux
administratif fiscal, principalement si l’on considère qu’il y a le contradictoire dans la phase
d’assiette. Gilles Noël pose donc la question suivante: « pourquoi l’exclure en aval au
contentieux, où il semble pourtant tout aussi capital ? »832

La procédure au Brésil commence à partir de la notification du contribuable qui dispose de


trente jours pour présenter la réclamation devant l’autorité compétente responsable pour le

828
Art. R. 197-3 et R 197-5 LPF.
829
« Une décision de rejet en la forme ne pourra être prise que si le contribuable n’a pas répondu, dans un délai
de trente jours, à l’invitation à régulariser sa demande. S’il est encore dans les délais, le contribuable pourra
présenter une nouvelle réclamation ayant le même objet. » LABERT, Thierry. Contentieux Fiscal. Paris :
Hachette, 2011, p. 36/37.
830
« C’est sur ce terrain des délais que le contentieux du recouvrement se singularise le plus nettement, par
rapport au contentieux de l’assiette. L’ensemble des règles applicables en l’espèce manifestent le souci d’éviter
les manœuvres dilatoires du contribuable ». COLLET. Op. cit., p. 323/324.
831
COLLET. Op. cit., p. 240/241.
832
NÖEL. Op. cit., p. 140.

324
jugement en première instance. La réclamation doit être faite par écrit et elle devra présenter
tous les documents nécessaires à la consolidation de sa contestation.833

La réclamation devra indiquer l’autorité à laquelle elle s’adresse ; elle doit permettre
l’identification du réclamant, de l’imposition contestée ; doit contenir les motifs de fait et de
droit sur lesquels elle est fondée ; doit exposer les points de discordance ; doit présenter toutes
les raisons et les preuves qui permettront de convaincre le fisc ; elle aura un effet suspensif et
finalement devra solliciter les diligences ou les expertises nécessaires dûment justifiées tout
comme l’indication de son expert.834

De la décision prise par l’autorité compétente de première instance, il est possible de faire
recours au Conseil Administratif de Recours Fiscal – CARF. Après la décision du CARF, il
est possible de faire un recours spécial auprès de la Chambre Supérieure de Recours Fiscal
quand la décision du CARF interprète la loi fiscale de façon contradictoire par rapport aux
autres décisions prises par les chambres composantes.

Toutes ces décisions administratives fiscales sont issues du pouvoir administratif


d’autocontrôle. Les autorités compétentes pour traiter et juger ces demandes sont des autorités
publiques intégrantes de l’administration, ce qui empêche de leur attribuer le caractère des
tiers impartial. Suite à toutes ces affirmations, le juge pourra cependant toujours réviser ces
décisions.

Au Brésil, la Constitution Fédérale prévoit le principe du droit d’accès au juge de manière


plus renforcée. L’article 5°, XXXV de la Constitution Fédérale prévoit que « la loi ne peut
soustraire à l'appréciation du Pouvoir Judiciaire aucune lésion ou menace d'atteinte à un
droit. ».835 Cette disposition parvient à empêcher qu’une norme exclue personnes ou droits de
la compétence du Pouvoir Judiciaire.836

833
Article 15 du Décret 70235 du 30 mars 1972.
834 Article 16 du Décret 70235 du 30 mars 1972.
835
La Constitution de la République Fédérative du Brésil, 1988, traduction en français par : Jacques Villemain et
Jean François Cleaver. Disponible sur : http://www.bresil.org/images/stories/ambassade-documents/le-bresil-
politique-constitution.pdf. Consultéle12 janvier 2010.
836
GIORGI JUNIOR, Romulo Ponticelli. A duplicidade de instancias Administrativa e Judiciária no Brasil.
Rapport « Inter-Relações entre o processo administrativo e o judicial a partir da identificação de contenciosos
cuja solução devia ser tentada prioritariamente da esfera administrativa». Disponible sur :

325
Cette façon constitutionnelle renforcée de garantir le droit d’accès au juge maintient aussi une
prohibition d’adopter une quelconque mesure dans le système juridique capable d’éloigner le
citoyen du Pouvoir Judiciaire. Nul ne peut porter atteinte au principe de la protection
judiciaire représentée au Brésil par l’unité de juridiction.837

Les réclamants sont intimés à prendre connaissance de tous les actes pris par les autorités
publiques dans la procédure administrative fiscale qui est obligatoirement de nature
contradictoire.838

Le double, ou des fois, le triple degré de juridiction ajouté à une ample instruction probatoire
alourdit beaucoup la procédure administrative fiscale au Brésil. De ce fait, il n’est pas
étonnant que la durée moyenne de la phase administrative du contentieux fiscal fédéral au
Brésil soit de 4(quatre) ans.

La phase administrative facultative du contentieux fiscal au Brésil a un effet suspensif du


paiement jusqu’à la décision administrative définitive. En revanche, l’effet suspensif de la
procédure administrative obligatoire n’est pas la règle en France. Cependant le Conseil d’État
par l’arrêt du 6 novembre 2002, SA Le Micocoulier a rendu une interprétation extensive à la
loi. Le Conseil d’État a considéré que si les dispositions législatives étaient de permettre la
suspension dans les meilleurs délais d’une imposition sérieusement contestée par le requérant,
dans les cas où l’urgence le justifie, une telle mesure peut également être demandée au juge
des référés sans attendre que l’administration ait statué sur la réclamation préalable
obligatoire.

3. Les décisions prises dans les systèmes

Les décisions de rejet de la réclamation doivent contenir d’une façon sommaire les motifs sur
lesquels est fondé le rejet. Dans les cas d’admission totale de la réclamation et dans la

http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-judiciarias/Publicacoes/relat_pesquisa_ufrgs_edital1_2009.pdf.
Consultéle 7 mai 2012.
837
ZENIN NETO, Armand. As alterações no processo administrativo fiscal federal e a instalação do C.A.R.F.
Travailpubliédanslesannalesdu XIX Colloquedu CONPEDI, p. 4418, 2010, Ceara / BR.
838
Décret 70235 du 30 mars 1972, Loi 9784 du 29 janvier 1999 et Constitution de la République Art. 5°, LIV et
LV.

326
procédure administrative française, la décision n’est jamais motivée. En revanche, au Brésil
les décisions sont toujours motivées, mêmes quand elles sont contre le fisc.839

Les décisions dans les deux systèmes sont notifiées par lettre recommandée avec accusé de
réception. La date de réception sert de point de départ au délai dont dispose le contribuable
pour saisir la juridiction compétente s’il s’agit de la France ; et s’il s’agit du Brésil pour saisir
facultativement l’autorité de deuxième instance administrative ou directement la juridiction.

Par ailleurs, l’autorité compétente pour le jugement de première instance au Brésil est obligée
de recourir au Conseil Administratif de Recours Fiscal. Chaque décision qui exonère le
contribuable de payer la valeur totale fixée ou qui s’abstient d’appliquer la sanction de perte
de marchandises ou de quelques autres biens confisqués, ces mesures étant prévues par la loi,
sera objet d’un recours pour le CARF. Ce recours est fait par déclaration dans la propre
décision rendue par l’autorité décisionnelle de première instance.840

En France la cristallisation de la demande est appliquée aux décisions fiscales. Pour assurer
que le procès juridictionnel ne parte pas dans tous les sens, une imposition retombe sur les
parties qui ne peuvent pas demander n’importe quoi auprès du juge. Selon l’article R* 200-2
« Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes
de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ».

Une cristallisation de la demande est absolument contraire à tous les principes du système
brésilien. L’hypothèse de refuser la conduction de quelque dommage ou menace de droit au
Pouvoir Judiciaire affecte le droit d’accès au juge, ce qui au Brésil a pris des proportions
supérieures à celles présentées en France.

Dans le contentieux de l’assiette en France, la décision prise par l’autorité compétente va se


prononcer sur la validité de l’acte d’imposition. Cette décision ne substitue pas l’imposition
839
La motivation des décisions administratives et judiciaire au Brésil est la règle générale. En outre, un Avis du
Procureur Général des Finances Nationales n° 1083/2004 a reconnu la possibilité pour l’Union de remettre au
Pouvoir Judiciaire les décisions issues de la phase administrative du contentieux fiscal quand elles étaient
favorables au particulier, ce qui renforce la nécessité de motivation même si la décision est favorable à personne
privée. Le Procureur Général des Finances Nationales est une autorité publique qui représente l’Union judiciaire
et extrajudiciairement en matière de recouvrement des créances exigibles de nature fiscale.
840
Art. 34 du Décret 70235 du 30 mars 1972.

327
initiale, alors un quelconque vice de forme lié à cet acte continue et les vices qui viendraient
tacher la décision ne modifient pas l’acte initial.

Nous pouvons donc résumer à trois les conséquences de décisions prises dans le contentieux
fiscal français. En premier lieu, l’autorité peut transmettre d’office la réclamation au juge
fiscal sans se prononcer841 ; en deuxième lieu, elle peut prendre une décision expresse notifiée
au contribuable ; et en troisième lieu, le silence de l’administration pendant six mois vaut
rejet.

Au Brésil, dans le même contexte, on peut avoir seulement des décisions expresses notifiées
au contribuable. Le silence est configuré comme négligence fonctionnelle. Il faut donc que
l’autorité décide toujours de façon motivée même si celle-ci donne entière satisfaction au
contribuable. L’accès au juge est toujours ouvert et facultatif pour le contribuable à condition
d’observer seulement d’observer les délais de la prescription.

B. La portée des procédures contentieuses dans le domaine fiscal

En ce qui concerne l’aspect de réduction du contentieux juridictionnel, les procédures


administratives fiscales avant le juge sont des figures pionnières et un exemple de réussite
autant au Brésil qu’en France.

Malgré cette performance quantitative, il y a des auteurs en France qui font des réflexions non
négligeables sur l’utilité pratique ou non de cette procédure. Gilles Noël, par exemple, utilise
une méthodologie intéressante pour développer ses critiques sur le recours administratif
préalable obligatoire en matière fiscale. L’auteur considère l’existence de deux catégories de
litiges fiscaux : « les litiges mineurs et les litiges importants ». Les premiers se caractérisent
par l’absence réelle de discussion juridique ou par la faiblesse relative des droits dus en
question ; les seconds soulèvent des questions juridiques de principe ou qui mettent en jeu des
droits d’un montant important. A partir des catégories définies l’auteur conclut que cette

841
Cette faculté est rarement mise en œuvre. Elle peut arriver dans les circonstances où il y a déjà une instance
juridictionnelle ouverte par le contribuable.

328
procédure préalable est nécessaire seulement pour les litiges mineurs, mais pour les litiges
importants elle est inopérante, inutile et superflue.842

Au Brésil la procédure est facultative, elle est contradictoire et la décision doit être prise de
façon expresse. En revanche, l’autorité décisionnelle n’est pas indépendante et surtout la
durée de la procédure n’est pas raisonnable.843

La possibilité de retarder l’exécution des créances rend cette procédure attractive pour tous les
contribuables. L’effet suspensif de l’exécution des impositions jusqu’à la fin de cette
procédure est en effet un bénéfice pour le particulier et un préjudice pour l’intérêt public.844

En dépit de ces critiques, il faut considérer que cette procédure administrative joue un rôle
d’une importante phase de dépuration. Elle « permet de faire un tri parmi les arguments »,
comme le met en évidence Gilles Noël, et cette action incite les parties à ne présenter au juge
que les arguments révélés plus sérieux. Cette clarification représente un avantage indiscutable
par rapport à la majorité des litiges, facilitant le travail du juge.845

Les litiges de moindre complexité (litiges mineurs) constituent une masse énorme de litiges
présentés au juge en France. Donc, il faut admettre l’importance fondamentale de tels recours.
Au Brésil, la procédure administrative évite de la même façon la judiciarisation des conflits
facilement réglés en dehors du juge.846

Finalement on peut affirmer que la procédure administrative dans le domaine fiscal est
efficace, et notre hypothèse se confirme, elle est plus compatible avec des litiges mineurs,
842
NÖEL. Op. cit., p. 131/132
843
Actuellement on estime que la durée moyenne de la phase administrative du contentieux fiscal fédéral au
Brésil est de 4 ans, ce que l’on a déjà indiqué dans ce travail.
844
Selon le Ministre des Finances et l’Avocat-Général de la République cette lenteur ajoutée à d’autres
problèmes attachés aux phases juridictionnelles provoque des conséquences désastreuses par le trésor public,
moins de 1% du stock des créances rentrent dans les coffres de l’Etat. Expositions des Motifs nº 00204/2008 –
MF du Projet de loi qui dispose sur la transaction en matière fiscal. Disponible sur
http://www.apesp.org.br/legislacao/camara_PL50822009.pdf. Consulté le 29 juin 2011.
845
NÖEL. Op. cit., p. 134
846
PASSOS, Cláudio dos. Processo Administrativo Tributário: possibilidade de questionamento na Justiça das
decisões contrárias ao estado. Mémoire du Master en Droit Public. Bibliothèque de Droit de l’Université
Fédérale de Bahia, 1998, p. 38 ; et ALCOFORADO, Antônio Machado Guedes. Estudo da terminologia
processo administrativo – tributário e da aplicabilidade de alguns princípios inerentes. Revue de l’Ecole
Supérieur de la Magistrature de Pernambuco, EMASP, Recife, EMASP, nº. 14. 2001

329
c’est-à-dire des litiges dont la discussion juridique est d’une moindre complexité. Ces litiges,
dans la majorité des cas, sont nombreux, répétitifs et facilement réglés.

En revanche lorsqu’il s’agit des litiges importants, même si la loi établit toutes les garanties
de contradictoire, d’obligation de réponse effective, et de présence d’une autorité
indépendante pour jouer le rôle de juge, le contribuable ferait appel au juge étatique. À notre
avis, il y a des litiges qui sont forcément des litiges qui doivent être réglés seulement par le
juge étatique. Dans ces cas, les parties cherchent soit une sécurité juridique plus profonde, soit
la procrastination des délais, et en raison de ces deux motifs elles vont jusqu’au bout.

§II. Le contentieux des marchés publics

Le poids économique des contrats administratifs est le principal facteur mobilisateur pour la
recherche de solutions alternatives pour résoudre les inconvénients concernant les actions
juridictionnelles dans ce domaine. Au Brésil et en France les actions juridictionnelles
constituent des inconvénients pour plusieurs raisons. En effet, elles surviennent au cours de
l’exécution du contrat et portent préjudice à cause de leur lenteur à la bonne marche des
travaux ou des services ou autres encore et, dans certains cas, augmentent le montant des
intérêts contre l’administration.

Bénédicte Delaunay considère le régime des contrats administratifs comme une source
permanente de nombreux litiges. Les prérogatives exorbitantes de l’administration et les
fréquents aléas qui les affectent sont les raisons principales attribuées aux marchés publics
pour justifier leur fort caractère conflictuel.847

Par conséquent des procédures et des organes de règlement des litiges en dehors du juge pour
le contentieux des marchés public ont été institués très tôt en France. On peut citer les CCRA
créés par le Décret du 18 mars1981.848

847
DELAUNAY, Op. cit. 699.
848
Voir Chapitre I, §1°, A

330
A. Les effets favorables d’un contentieux en dehors du juge pour
les marchés publics

Un règlement plus souple et plus rapide que les juridictions administratives peut représenter
une amélioration dans les relations contractuelles entre l'administration publique et les
particuliers. Il est bon de rappeler que les conflits dans ce domaine, même s’ils sont constants,
sont épisodiques par rapport à la fréquence des relations contractuelles qui ont lieu dans les
marchés publics. Ainsi un contentieux non traditionnel, c’est-à-dire en dehors du juge, peut
préserver la bonne relation entre les parties dans une sphère économique, traitant l’épisode
litigieux comme une perturbation temporaire.849

En plus ces litiges portent fréquemment sur des questions de fait, question qui dans la
majorité des cas sont complexes et techniques, donc l’intervention de plusieurs acteurs
comme des experts, des maîtres d’ouvrages, des architectes, des entreprises, des victimes, la
caisse de sécurité sociale ou autres, confirment l’avantage des techniques alternatives. Les
procédures en dehors du juge peuvent rendre aux parties une opportunité plus ample et moins
contraignante pour ce qui est de la démonstration des faits. Sans la crainte d’être jugé à la fin
et de façon définitive, les parties peuvent être plus à l’aise que dans un procès juridictionnel.

Une telle procédure, même si elle n’évite pas la saisine du juge, joue un rôle efficace comme
préalable de cette saisine car, au moins, le juge sera éclairé et sa tâche facilitée par l’expertise
déjà ordonnée et par l’audience des parties.

B. Les demandes techniques dans un contentieux de


contractualisation

Il s’agit d’une circonstance ostensive où la contractualisation administrative gagne un champ


d’action de plus en plus important et habituel dans le mode d’actuation de l’administration
publique. Dans ce contexte et chaque fois plus, la manière autoritaire de faire, diminue face à
une tendance de technicisation de l’activité administrative. L’utilisation intense de
mécanismes techniques oblige l’administration à rechercher de nouvelles formes pour les

849
CAPPELLETTI, Mauro. Os métodos alternativos de solução de conflitos no quadro do movimento universal
de acesso à Justiça, Revista de Processonº 74, Rapport d’Ouverture du Séminaire Juridique W. G. Hart sur la
Justice et ses alternatives, réalisé à Londres, à l’Institute of Legal Advanced Studies, du 7-9.7.92

331
décisions administratives. Autrefois les fondements des décisions administratives étaient
basés sur des choix politiques, maintenant les fondements sont d’une autre nature, ils sont
basés sur des choix techniques.850

Pour Yves Gaudemet, spécialement dans le contentieux qui est celui de l'autonomie de la
volonté, la libre disposition de procédés alternatifs évitant le recours au juge est en soi une
bonne chose. Il n’est pas sans raison qu’en France la loi du 31 décembre 1987 réformant le
contentieux administratif annonce que « des décrets en Conseil d'État déterminent dans
quelles conditions les litiges contractuels concernant l'État, les collectivités territoriales et
leurs établissements publics [...] sont soumis, avant toute instance arbitrale ou contentieuse,
à une procédure préalable soit de recours administratif, soit de conciliation ».851

L’auteur ajoute que le libre champ de la discussion, de la négociation, de la conciliation, du


règlement amiable évite le formalisme paralysant du contentieux traditionnel. Mais, il nous
avertit en nous disant que ces alternatives sont valables quand elles sont le résultat du libre
choix des parties et principalement quand elles ne constituent pas essentiellement un retard
pour l'intervention possible du juge.

Les conflits sur les marchés publics concernent généralement l’appréciation des circonstances
de fait. Ils représentent des questions qui sont complexes et qui exigent l’intervention de
plusieurs techniciens ainsi qu’une phase d’instruction plus ample et plus participative. Le
contentieux en dehors du juge est plus compatible avec cette nature technique des contrats. Il
peut être pour les parties une opportunité moins contraignante pour la démonstration des faits.
Dans un procès juridictionnel, il y a la crainte pour le cocontractant d’être jugé de façon
définitive et beaucoup plus couteuse. En outre, la phase d’instruction est rigoureusement
limitée par les lois procédurales qui n’admettent pas de réflexion hors du droit.

Le Conseil d’État admet que le développement du commerce international plaide en faveur


d’un recours accru à l’arbitrage, par exemple. Il considère que le secteur de l’administration

850
BATISTA JÚNIOR, Onofre Alves. Op. cit., p. 248
851
Cependant l’auteur critique l'imposition des recours préalable obligatoire. GAUDEMET, Yves. Le
précontentieux : le règlement non juridictionnel des conflits dans les marchés publics. AJDA, 1994, p.84.

332
proche du monde des affaires doit avoir la faculté d’insérer dans certains types de contrats la
possibilité de recourir à l’arbitrage. Cette technique serait plus souple, moderne et rapide.852

C. La nature du droit objet du contrat administratif

La Cour Suprême brésilienne a déjà décidé que l'administration peut transiger sans
autorisation légale spécifique si elle ne fait que renoncer à son droit à la procédure
contentieuse.853

En France la circulaire du 6 avril 2011 est très claire en ce sens. Elle préconise que des
concessions réciproques doivent être consenties à la condition qu’elles ne comportent pas des
déséquilibres entre elles. Pour justifier sa recommandation, elle cite la jurisprudence de la
Cour de cassation (Cass. soc. 28 janvier 2004, pourvoi n° 01-46.538 ; Cass. soc. 27 mars 1996
: Bull. V n° 124) et du Conseil d’État (CE, 29 décembre 2000, M. Comparat, Rec. p. 658,
concl. Fombeur ; CE, section 19 mars 1971, sieurs Mergui, p. 235, concl. Rougevin-
Baville)854

En ce qui concerne la nature des droits objets des contrats et à la possibilité de règlement en
dehors du juge en utilisant le consensus, il est bon de se rapporter aux considérations faites
dans ce travail, dans la partie réservée au règlement par le consensus.

D. L’utilisation de l’équité

L’utilisation de l’équité est un autre aspect qui favorise le contentieux en dehors du juge en
matière de marchés publics.

852
Conseil d’État. Régler autrement les conflits, conciliation, transaction, arbitrage en matière administrative.
Paris: Section du rapport et des études, 1993. La documentation française, p. 12.
853
STF, RE – 253885/MG, le 4 juin 2002, Min. Ellen Gracie, Première Turme. Publié dans le DJ p.118, le 21
juin 2002.
854
La circulaire du 15 février 2005 a déjà prévu ce devoir.

333
Les CCRA des marchés publics sont explicitement autorisés à fonder leurs avis sur
l’équité.855Cette possibilité, selon Laurent Richer est un avantage car une compétence étendue
au-delà de la règle de droit peut éventuellement suppléer son insuffisance.856

Pour Marjolaine Fouletier les conflits nés entre l’administration et les administrés portent bien
souvent sur des questions de fait mettant en cause l’opportunité, l’équité de l’action ou de
l’acte administratif concerné. Toutefois, en considérant que l’on interdit au juge de décider en
opportunité, la probabilité pour lui de réussir à régler véritablement le litige seulement en
appliquant la règle du droit est nulle.857 Ceci veut dire que pour plusieurs conflits dans ce
domaine le juge n’est pas efficace.

L’auteur ajoute que les litiges administratifs portent de plus versent de plus en plus sur des
questions économiques et sociales et moins sur des questions d’ordre public. Ainsi, dans ces
hypothèses, la solution équitable et opportune importe au moins autant que la solution en droit
strict.858

Dans ce sens, le Conseil d’État a constaté que bien souvent les solutions prises par les juges
administratifs ne sont pas les meilleures du point de vue humain.859Donc si un des buts
envisagés par l’administration est, de bonne foi, d’améliorer son image devant ses administrés
et en même temps d’améliorer sa relation avec les particuliers, l’utilisation de l’équité est
bienvenue et recommandée lorsque le droit s’éloigne du juste.

§III. Le contentieux de l’environnement

Le contentieux de l’environnement est complexe, il est à la mesure de la complexité du type


de conflits qu’il essaie régler. L’opposition croissante entre le développement social et la
conservation de l’environnement est conflictuelle en soi et plusieurs spécialistes en la matière

855
Code des Marches Publics art. 127«Ces comités ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de
fait en vue d'une solution amiable et équitable.»
856
DELAUNAY, Op. cit., p. 704
857
FOULETIER, Marjolaine. Recherche sur l’équité en droit public français. Bibliothèque de Droit Public,
LGDJ : Paris, 2003, p. 108.
858
FOULETIER. Op. cit., p. 112.
859
Conseil d’État. Régler autrement les conflits… Op. cit., p. 14

334
se penchent sur la question au Brésil pour essayer d’harmoniser ces deux valeurs essentielles
à la préservation humaine.

Ce n’est qu’après d’énormes discussions qu’on en est arrivé à la conclusion que ce choc de
valeurs n’a de solution que dans un équilibre entre les deux. C’est la notion de développement
durable. En vérité il est impossible d’imaginer une société qui choisirait uniquement la
préservation de l’environnement au détriment de l’économie, ou la croissance économique au
détriment de l’environnement. L’un ou l’autre de ces choix engendrerait la décadence de la
société. 860

En vérifiant tous ces aspects, la Constitution brésilienne de 1988, art. 170, IV e VI, a mis sur
pied d’égalité la libre concurrence et la défense de l’environnement. Ce choix constitutionnel
démontre clairement l’intention de diffuser l’idée du développement durable.

L’équilibre poursuivi par l’idéologie centrale du droit de l’environnement est déjà une source
d’incompatibilité face au contentieux traditionnel qui est toujours de nature dialectique et
sanctionnatrice, incapable, parfois, d’atteindre des buts plus conciliateurs souhaités. Ceci
représente le premier facteur de proximité entre le contentieux de l’environnement et le
contentieux en dehors du juge.

Comme deuxième facteur de proximité nous pouvons évoquer la dimension des dommages
dans les conflits environnementaux. En effet, les dommages d’une pluralité diffuse de
victimes, à l’opposé des dommages traditionnels, ne permettent pas de mesurer le poids
économique du préjudice écologique, ce qui souvent ne permet pas une juste indemnisation.

Le troisième facteur concerne le degré élevé de technicité de ce contentieux. Le Rapport sur


l’Accès des citoyens à la justice et aux organisations juridictionnelles en matière
d’environnement élaborée par l’Association du Conseil d’État et des Juridictions
Administratives suprêmes de l’Union Européenne affirme que les questions de fait nécessitent
une analyse scientifique poussée. « En matière de pollution ou de nuisances, comme en
matière de biodiversité par exemple, il est régulièrement nécessaire de faire appel à des

860
MILARÉ, Édis. Direito do Ambiente. 5.ª Ed. RT : Sao Paulo, 2012, p. 42.

335
experts afin de trancher des questions de fait complexes. En outre, ce contentieux suppose
d’articuler autour de ces normes techniques les principes du droit de l’environnement. Enfin,
la forte instabilité législative et réglementaire qui caractérise ce champ, de même que la
place prépondérante du droit de l’Union dans nombre de ces contentieux, génèrent des
questions lourdes d’interprétation et d’articulation des textes applicables. ».861

Une procédure alternative au juge est largement utilisée au Brésil dans le contentieux de
l’environnement. Le Terme d’Adéquation de Comportement – TAC, institut brésilien qui a
déjà été objet de notre recherche dans ce travail862, incite à l’application négociée de la loi et
constitue un des plus importants moyens de résoudre les conflits environnementaux. Le TAC,
comme mécanisme propre de la magistrature d’influence, ne semble pas assurer un équilibre
entre les parties intéressées ni privilégier le consensus comme technique de règlement.
Cependant il est efficace comme règlement alternatif au juge principalement par rapport aux
intérêts écologiques pour lesquels la conciliation est difficile mais pourtant indispensable.863

Le contentieux environnemental, en raison des arguments exposés, peine à trouver sa place


dans une organisation classique judiciaire. Les mécanismes alternatifs sont plus compatibles
avec les demandes environnementales modernes car ils sont moins rigides quant à
l’application de la loi, ils sont plus souples en ce qui concerne l’instruction et l’appréciation
des preuves et enfin donnent place à des organes plus spécialisés et multidisciplinaires. Ceci
est bien traduit par Pierre Delvolvé quand il analyse les limitations du juge administratif qui
ne juge pas en équité ni en opportunité.864

§IV. Le contentieux de la fonction publique

En raison du décret du 10 mai 2012, les agents de la fonction publique de l'État qui veulent
contester une décision administrative individuelle défavorable devant le juge administratif, en

861
Rapport de l’Association des Conseils d’État et des Juridictions Administratives suprêmes de l’Union
Européenne. L’accès des citoyens à la Justice et organisations juridictionnelles en matière d’environnement.
Bruxelles, le 23 novembre 2012. Disponible sur : www.juradmin.eu/seminars/Bruxelles2012/France.pdf.
Consulté le 25 novembre 2012.
862
Voir Chapitre II, §IV, première partie.
863
BATISTA JUNIOR, Op. cit., p. 448.
864
DELVOLVÉ, Pierre. Les solutions Alternatives aux Litiges entre les autorités administratives et les
particuliers: conciliation, médiation et arbitrage. Conférence Multilatérale, Conseil de l’Europe. Lisbonne : 2000,
p. 22.

336
France, doivent au préalable exercer un recours administratif.865Désormais certains agents
civils de l'État pour contester devant le juge la légalité d'une décision individuelle défavorable
doivent faire un recours administratif préalable auprès de l'auteur de la décision contestée. A
défaut, la requête devant le juge administratif sera irrecevable.

Cette expérimentation prévue par ce décret a trouvé son origine dans la loi du 30 juin 2000
qui a établi la mise en place de RAPO pour les fonctionnaires civils comme pour les
militaires. La commission de recours des militaires a été mise en place et fonctionne
efficacement jusqu’à présent, toutefois pour la fonction publique civile la situation a été
bloquée. C’est justement en raison de cette frustration que la loi du 17 mai 2011, ajoutée au
décret du 10 mai 2012, a introduit cette expérimentation jusqu'au 16 mai 2014. Elle
s’appliquera au secrétariat général du gouvernement et. Elle s’appliquera au secrétariat
général du gouvernement et à la direction des services administratifs et financiers des services
du premier ministre, au ministère de la justice, dans les juridictions administratives et dans les
services du ministère de l'éducation nationale de l'académie de Lyon. Elle concerne les
décisions individuelles défavorables en matière de rémunération, de positions et de
classement indiciaire.866

L'agent qui fait un RAPO, selon ce décret, peut demander à ce que celui-ci soit soumis, à titre
consultatif, à un tiers de référence. Les ministres ou autorités engagés dans l'expérimentation
qui établiront des listes de tiers de référence et les autorités saisies du recours choisiront le
tiers auquel ils le transmettront. Les tiers de référence doivent exercer leur mission en toute
indépendance et impartialité, mais leurs avis ne lient pas l'administration.

Pour Emmanuel Roux «les sages du Palais-Royal appellent en effet régulièrement de leurs
vœux leur généralisation pour certains contentieux de masse en particulier celui de la
fonction publique ». Yves Gaudemet a déjà informé que « sur les 180 246 affaires
enregistrées en 2009 devant les tribunaux administratifs, plus de 85 % des litiges ne relèvent
que de 10 des 35 matières retenues pour suivre l'activité des tribunaux administratifs. Ces dix
matières sont les suivantes : étrangers (près de 25 %), contentieux fiscal (près de 12 %),

865
Decreton°2012-765 du 10 mai 2012.
866
MONTECLER, Marie-Christine de. L'expérimentation du recours administratif préalable pour les
fonctionnaires de l'Etat est lancée. AJDA, 2012, p. 972.

337
police (11,5 %), fonctionnaires et agents publics (près de 11 %), urbanisme et aménagement
(6 %), logement (près de 6 %), pensions, travail, aide sociale, marchés et contrats (ces trois
derniers postes à moins de 5 % chacun). »

En face de ces données statistiques nous pouvons conclure que le contentieux de la fonction
publique est potentiellement un contentieux de masse ou un contentieux des séries, selon les
termes d’Yves Gaudemet.867 D’une façon ou d’une autre, c’est un contentieux expressif et qui
contribue à l’engorgement de la justice administrative raison pour laquelle il mérite de faire
l’objet d’une recherche pour trouver des modes alternatifs de règlements qui évitent le juge.

Au Brésil, il n’existe pas de mécanisme similaire au RAPO dans le contentieux de la fonction


publique, bien qu’elle soit une source permanente de conflits, principalement en ce qui
concerne les questions rémunératoires. Dans d’autres parties du monde, par contre, nous
trouvons des recours semblables à ceux des RAPO français. En Italie, par exemple, le décret
165, de 2001, prévoit l’essai obligatoire de la conciliation pour les conflits individuels
concernant les fonctionnaires publics. En Espagne la loin°9/1987, modifiée par la loin°
7/1990, a établi l’utilisation de la négociation collective des conflits concernant les
fonctionnaires publics et les conditions du travail. Finalement, aux États-Unis on utilise la
médiation pour les conflits collectifs concernant les particuliers mais aussi pour les conflits
collectifs concernant les fonctionnaires publics.868

Si le citoyen, qui n’a pas de rapport aussi proche avec l’administration publique, a besoin de
moyens de communication plus efficaces avec l’administration, raison de plus pour les

867
Selon Yves Gaudemet il existe six millions de fonctionnaires et d'agents publics en France et le contentieux
reste relativement stable et très faible par rapport au nombre de justiciables potentiels. « Et, même si - en raison
sans doute de la dispense d'avocat - un certain nombre de requêtes peuvent apparaître, aux yeux du juge,
pauvres en termes d'enjeu ou d'argumentaire, ce contentieux recouvre une pluralité de litiges (litiges en matière
de concours, de discipline, de rémunérations, etc.) que l'on ne saurait pour cette raison ranger dans la catégorie
des contentieux de masse. » (…) « On peut donner de la série contentieuse une définition simple : de multiples
recours formés contre l'application d'une même législation ou réglementation, par une pluralité de justiciables
se trouvant dans des situations très comparables ou similaires et agissant en ordre dispersé ; encore que ces
actions soient souvent coordonnées ou relayées par une certaine organisation : que l'on songe à l'action de
syndicats professionnels, d'associations ou de conseils susceptibles de diffuser des requêtes- types ; ainsi,
dernièrement, l'association « Robin des toits » a mis sur Internet des modèles de recours disponibles pour
demander le démantèlement des antennes-relais de télécommunications au nom des troubles de
voisinage. »GAUDEMET, Yves. Approche doctrinale : définition, origines, essai d'explication et perspectives
des contentieux de masse. RFDA, 2011.
868
MOESSA. Op. cit., p. 328.

338
fonctionnaires publics. Ces sujets sont liés à l’administration, ils constituent les organismes,
c’est par le biais de ces sujets que l’administration se fait voir. Ainsi, créer une façon moins
conflictuelle pour discuter des problèmes issus de cette relation est raisonnable et attendue.

Nous sommes en face d’un contentieux ayant une forte potentialité d’augmentation. Le
harcèlement moral, le contentieux du congé maladie, de l’accident du travail et de la maladie
professionnelle constituent une bonne illustration de la riche diversité de ce champ. C’est en
raison de tous ces motifs qu’il faut inclure ce contentieux parmi les plus adaptables au
contentieux en dehors du juge tout comme parmi ceux qui ont le plus besoin de règlements
alternatifs au juge.

§V. Le contentieux de la responsabilité administrative

À notre avis le contentieux de la responsabilité administrative est le contentieux qui a le plus


besoin d’une solution en dehors du juge. Les victimes même quand elles ont un droit
subjectif à une indemnisation de la part de l’administration publique, doivent recourir au juge.
La règle selon laquelle les personnes morales de droit public ne peuvent pas payer des
sommes encore controversées a longtemps freiné le recours aux solutions conciliatrices en
matière indemnitaire. C’est une réalité en France et au Brésil.

Nous pouvons affirmer que la principale raison qui aggrave la tension entre l’administration
et les citoyens est la constante nécessité de demander au pouvoir judiciaire ou à la justice
administrative de régler des conflits simples et pratiquement dépourvus de controverse. En ce
qui concerne l’indemnisation des dommages causés par l’État, l’effort de l’administré en face
du juge est immense.

Le droit administratif, de par sa façon de régler les relations entre l’administration et le public,
soit par des règles soit par des principes, énonce clairement que l’administration peut avoir
une posture plus proactive et moins belligérante en cherchant des formes alternatives pour
rétablir une situation de justice matérielle.869

869
BRAGA, Luiziane Pinheiro. Responsabilidade civil do estado por omissão nos casos de enchentes na cidade:
O exemplo de Fortaleza em 2004. Disponible sur :http://jus.com.br/revista/texto/9963/responsabilidade-civil-do-
estado-por-omissao-em-razao-das-enchentes-na-cidade. Consultéle 20.11. 2011.

339
Heureusement, il existe au Brésil quelques lois qui prévoient expressément une façon non
juridictionnelle d’obtenir la réparation des dommages causés par l’État. La loi de l’état de Sao
Paulo - Loi nº 10.177 du 30 décembre 1998 - dans l’article 65 dispose que le citoyen peut
demander administrativement la réparation pour des dommages provoqués par
l’administration publique.

La procédure de cette demande en dehors du juge, en règle générale, est prévue dans le même
dispositif de la loi. Elle établit un délai de cinq ans, à partir du dommage, pour que le citoyen
puisse faire sa demande sous peine de prescription de son droit. Pendant la durée de la
procédure alternative au juge, le délai de prescription ne s’écoule pas contre le demandeur, le
requérant doit indiquer la somme de l’indemnisation et il incombe à l’administration, par le
biais de son avocat public, de considérer totalement ou partiellement favorable le montant
présenté. L’administration notifiera le requérant et fera l’enregistrement de la dette. L’absence
de manifestation de la part de l’intéressé dans un délai de dix jours est considérée comme un
accord de sa part. Le règlement doit être fait jusqu’au dernier jour de l’exercice financier
suivant, ceci veut dire que l’administration dispose de plus d’une année pour payer ces
sommes.870

870
Loi de l’Etat de Sao Paulo n° 10177 de 31/12/1998, article 65 - Aquele que pretender, da Fazenda Pública,
ressarcimento por danos causados por agente público, agindo nessa qualidade, poderá requerê-lo
administrativamente, observadas as seguintes regras:
I - o requerimento será protocolado na Procuradoria Geral do Estado, até 5 (cinco) anos contados do ato ou
fato que houver dado causa ao dano;
II - o protocolo do requerimento suspende, nos termos da legislação pertinente, a prescrição da ação de
responsabilidade contra o Estado, pelo período que durar sua tramitação;
III - o requerimento conterá os requisitos do artigo 54, devendo trazer indicação precisa do montante atualizado
da indenização pretendida, e declaração de que o interessado concorda com as condições contidas neste artigo
e no subseqüente;
IV - o procedimento, dirigido por Procurador do Estado, observará as regras do artigo 55;
V - a decisão do requerimento caberá ao Procurador Geral do Estado ou ao dirigente da entidade
descentralizada, que recorrerão de ofício ao Governador, nas hipóteses previstas em regulamento;
VI - acolhido em definitivo o pedido, total ou parcialmente, será feita, em 15 (quinze) dias, a inscrição, em
registro cronológico, do valor atualizado do débito, intimando-se o interessado;
VII - a ausência de manifestação expressa do interessado, em 10 (dez) dias, contados da intimação, implicará
em concordância com o valor inscrito; caso não concorde com esse valor, o interessado poderá, no mesmo
prazo, apresentar desistência, cancelando-se a inscrição e arquivando-se os autos;
VIII - os débitos inscritos até 1º de julho serão pagos até o último dia útil do exercício seguinte, à conta de
dotação orçamentária específica;
IX - o depósito, em conta aberta em favor do interessado, do valor inscrito, atualizado monetariamente até o
mês do pagamento, importará em quitação dodébito;
X - o interessado, mediante prévia notificação à Administração, poderá considerar indeferido seu requerimento
caso o pagamento não se realize na forma e no prazo previstos nos incisos VIII e IX.

340
Il ne serait pas raisonnable que l’administration puisse causer un dommage à un citoyen et
s’abstenir d’indemniser la personne privée, sauf contrainte par le juge. L’administration est
soumise à des valeurs éthiques et morales qui ne permettent pas une telle omission.
L’administration irresponsable de ses actes est une administration du régime autoritaire et
absolutiste d’autrefois. Alors, indépendamment de l’existence des lois qui prévoient cette
façon d’agir, les principes administratifs indiquent le devoir de réparer les dommages causés
aux citoyens par l’administration une fois qu’ils sont prouvés.871

À ce sujet nous pouvons revoir le dispositif public d'indemnisation des victimes d'accidents
médicaux, créé par la loi du 4 mars 2002. Ce dispositif traite aussi de la responsabilité
administrative des hôpitaux publics. La réforme de la responsabilité médicale, introduite par
la loi du 4 mars 2002, a introduit une procédure de règlement amiable indépendamment d'une
faute et en complément du système traditionnel. Cette loi du 4 mars 2002 offre un réel gage
d'unification. Elle a créée l'ONIAM pour indemniser l'aléa thérapeutique par la solidarité
nationale, bénéficiant tous les patients, quels que soient le mode et le lieu de leur prise en
charge.872

Cet Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) est la raison
principale de notre regard sur ce dispositif, car il organise le système de règlement amiable
des accidents médicaux prévu par la loi, tout comme il indemnise les victimes. Il est financé
par une dotation globale de l'assurance maladie, dont le montant est fixé chaque année dans la
loi de financement de la sécurité sociale.873 Ceci rend ce dispositif autosuffisant par rapport au
Ministère de la Justice et de la Santé.

§ 1º - Quando o interessado utilizar-se da faculdade prevista nos incisos VII, parte final, e X, perderá qualquer
efeito o ato que tiver acolhido o pedido, não se podendo invocá-lo como reconhecimento da responsabilidade
administrativa.
§ 2º - Devidamente autorizado pelo Governador, o Procurador Geral do Estado poderá delegar, no âmbito da
Administração centralizada, a competência prevista no inciso V, hipótese em que o delegante tornar-se-á a
instância máxima de recurso.
(...)
871
MOREIRA, EgonBockmann. Processo administrativo – Princípios Constitucionais e a lei 9.784/1999, 2.Ed,
atualizada, revista e aumentada, São Paulo: Malheiros: 2003 p.134.
872
HELMLINGER Op. cit. p. 1876
873
«Cette dotation fixée à 40 millions d'euros pour 2002 a été portée à 70 millions d'euros pour 2003. Le Rapport
du premier semestre 2009 enregistre que le budget primitif pour 2009, voté par le conseil d’administration de
l’ONIAM du 7 novembre 2008, s’établissait à 141,37 M€. Ces dépenses marquent une progression par rapport à
2008. Ainsi, les dépenses engagées au titre de l’indemnisation des accidents médicaux s’élèvent à 40,5 M€ à la
fin du premier semestre 2009, ce qui représente une progression de 9 % par rapport à la même période en 2008.»
.V. Rapport des Activités de l’ONIAM sur le site http://www.oniam.fr/.

341
Ce rouage d’indemnisation des accidents médicaux sert donc d’exemple pour les autres
champs de règlement d’indemnisation en dehors du juge pour la France elle-même et
principalement pour le Brésil, dont un des principaux problèmes est l’organisation financière
du règlement des créances par l’État.

L’utilisation équitable de l'argent public est le principal but de l’ONIAM.874 Il faut auparavant
que les dommages soient subis et que les ressources soient disponibles pour supporter les
indemnisations demandées. Cette organisation met ce système alternatif de règlement des
litiges dans la logique des politiques publiques où l’administration n’est pas surprise par des
évènements ponctuels mais fait face à des événements prévisibles dans sa gestion.

CONCLUSION DU TITRE II

Nous avons présenté les types de litiges qui sont les plus adaptables aux moyens alternatifs de
règlements. Ces litiges sont de moindre complexité et n’exigent aucun effort de la part du
magistrat. Ils ne présentent aucune surprise pour l’administration qui connaît depuis le début
le contenu de la décision de la justice.

Ainsi, avant de vouloir atteindre des buts plus audacieux, il serait plus raisonnable que les
mécanismes en dehors du juge se concentrent sur ces litiges dont les caractères garantissent
l’efficacité de ces mécanismes.

La présence d’un potentiel de négociation ou de flexibilisation rend les litiges plus


compatibles avec le règlement par les modes alternatifs. Les litiges d'ordre patrimonial
justifient le règlement des litiges par la voie transactionnelle même dans le contentieux
administratif.

En revanche, en France, en ce qui concerne la légalité des actes, la renonciation aux droits est
interdite en vertu de l'adage selon lequel on ne transige pas sur la légalité. Au Brésil, la

874
MARTIN, Dominique. L'indemnisation des victimes d'accidents médicaux comme politique publique,
Recueil Dalloz, 2006, p. 3021.

342
doctrine considère que l’impossibilité de transiger dans le champ de la légalité est un mythe
principalement quand les renonciations sont faites par le pouvoir public.

En fonction du critère matériel adopté concernant le rattachement aux modes alternatifs des
litiges, nous pouvons conclure qu’il y a des matières dont la nature est beaucoup plus adaptée
au contentieux en dehors du juge.

Admettre que les mécanismes alternatifs ne sont pas compatibles avec tous les types de
contentieux administratifs, c’est aussi se rapprocher de la réalité. Il est opportun d’être
conscient des limitations de ces mécanismes pour pouvoir leur permettre d’exercer
efficacement leur rôle de façon crédible afin de parvenir à des résultats plus satisfaisants.

L’illusion que l’administration active pourrait faire tout ce que le juge étatique fait, est une
illusion qui peut vraiment empêcher les modes alternatifs au juge administratif d’obtenir les
résultats qu’ils sont capables de réaliser. Souhaiter parfois le meilleur, c’est aussi dédaigner le
bon. Ces modes sont des mécanismes efficaces pour soulager le juge et pour améliorer le
rapport entre les citoyens et l’administration.

Le mythe de l’interdiction de la renonciation du droit est un mythe qui a été maintenu tout au
long de l’existence d’une justice effective et capable de répondre de manière satisfaisante aux
demandes entre l’administration et les particuliers. C’est pour cette raison que pendant
longtemps personne ne l’a remis en question. A présent, face à une nouvelle réalité, ce mythe
a été démystifié et ne présente plus de valeur scientifique pour être pris en considération
comme critère de limitation des matières adaptées aux modes alternatifs de règlement.

Redimensionner le champ d’application de ces modes alternatifs est essentiel pour garantir
leur efficience. Ils doivent être délimités en fonction de leur matière et de leur complexité.

343
CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

Nous avions commencé cette deuxième partie en posant la question suivante : Quelle est la
véritable motivation de l’État pour régler la majorité de ces conflits devant le juge?

Quand les litiges sont des litiges de masse, répétitifs, ou des faux litiges qui peuvent être
réglés par les autorités publiques elles-mêmes, cette question devient encore plus intéressante.

A partir de l’analyse des données recherchées nous pouvons conclure que l’engorgement de la
justice administrative en France et du Pouvoir Judiciaire au Brésil continue à augmenter. Ce
n’est que dans les deux dernières décennies que l’administration publique s’est rendue compte
que cet accroissement était stable et constant. Les problèmes budgétaires de l’organisation de
la justice ont voilé un problème plus grave et qui devrait être traité d’une autre façon.

Pour cette raison, l’expérimentation dans le champ du contentieux en dehors du juge est le
mode le plus courant. La majorité des instituts analysés dans la première partie de notre
recherche n’étaient pas conçus dans l’urgence de la perception du problème ni dans les
proportions qu’il atteint à présent.

Le manque de valorisation des modes alternatifs était compatible avec l’indifférence de


l’administration pour ces méthodes qui, à l’époque, ne représentaient pas grand chose. A
présent l’administration publique donne plus d’importance à cette alternative car le juge ne
peut pas supporter la surcharge qui retombe sur lui. L’administration publique active doit
administrer ces problèmes dans les limites de ses forces, sans vouloir assumer le travail du
juge ni s’esquiver du sien.

344
CONCLUSION GÉNÉRALE

L’État est une entité dépersonnalisée et pensée pour favoriser le développement intégral de
l’homme. L’État est inexistant en lui-même, il justifie son existence en fonction d’un
objectif : promouvoir la dignité humaine. Par conséquent, face à ce raisonnement nous
pouvons défendre que les intérêts poursuivis par l’administration ne sont pas ceux de l’État.
Ils peuvent être attribués au gouvernement qui se sert de l’État et qui, en ce moment,
s’éloignerait de la légitimité que l’État lui offre. Pratiquer des actes pour favoriser les
autorités soucieuses de maintenir le pouvoir, ou pour bénéficier certaines idéologies
politiques, est une pratique politique usuelle au Brésil et qui n’est pas absente en France.875

Aussi devons nous remarquer que, l’un des objectifs essentiels de l’activité administrative
doit être la satisfaction des intérêts collectifs, imprégnés des valeurs socialement souhaitées.
Nier aux particuliers l’exercice d’un véritable droit de pétition n’est pas une action permise
dans les États de droit constitutionnel. Les particuliers ont le droit de demander et de recevoir
de l’administration publique une réponse effective.

Les techniques analysées dans cette recherche et utilisées avant le juge et à la place du juge
sont très efficaces, certaines plus que d’autres, et elles pourraient parvenir à une efficacité
encore plus grande si leur application était faite de façon conjointe. Si les institutions et les
organismes énumérés dans la première partie n’atteignent pas les résultats escomptés, c’est-à-
dire soulager les juges et améliorer les rapports entre l’administration et les particuliers, ce
n’est pas pour des raisons de faiblesse des mécanismes alternatifs en soi, mais pour des
raisons externes. Le vide est dans l’absence d’un lien entre ces mécanismes et leurs
destinataires.

La prévision d’une procédure est fondamentale. La participation active des particuliers et


l’existence d’une instruction où les garanties sont assurées vont contribuer à une médiation
entre des intérêts opposés et, même dans les cas où la conciliation n’aboutit pas, la procédure
permet de clarifier les choses et le travail du juge en est facilité.

875
Cette pratique est appelée au Brésil comme garantie de gouvernabilité.

345
En France, la procédure administrative contentieuse et non juridictionnelle est reléguée à un
niveau d’importance très réduit. Le fait que la justice administrative et la procédure
administrative contentieuse juridictionnelle existent, a créé en France un faux semblant
d’inexistence de procédure en dehors du juge. Le concept de Défenseur des Droits comme
Autorité Administrative Indépendante, qui pourrait être un paradigme pour le Brésil, est sans
doute actuellement le mode alternatif des litiges français le plus performant pour atteindre les
résultats souhaités. Il existe cependant un décalage entre ce concept et son utilité pour le
public. En effet, pour qu’il soit réellement un mode alternatif des litiges, la procédure prévue
et le champ de compétence doivent être revus.

Au Brésil, la procédure administrative non juridictionnelle occupe déjà une place plus
prestigieuse, mais pour les raisons déjà exposées elle n’aboutit pas, principalement en ce qui
concerne le désengorgement du contentieux administratif. L’incrédulité des particuliers face à
l’administration publique, ajoutée à l’incertitude des autorités publiques quant aux limites de
leur pouvoir, retardent le processus d’un système alternatif au juge.

Un droit de pétition vague et informel ne contribue pas à la mise en œuvre d’un contentieux
en dehors du juge. Une procédure lourde et capable de ralentir un procès de la même façon
qu’une procédure juridictionnelle, n’est pas le genre de règlement alternatif attendu.
L’équilibre est idéal. L’option pour une procédure simple mais capable de garantir l’audience
du demandeur et d’apporter des réponses effectives et motivées est déjà un point de départ
pour l’implantation d’une autorité dont la vocation est le règlement des litiges de façon
alternative.

Suite à ces préoccupations concernant la question procédurale, nœud de la concrétisation d’un


contentieux alternatif au juge administratif en ce qui concerne les litiges administratifs, nous
avons dû aussi nous concentrer sur la nature alternative de ces modes. Une alternative au juge
peut renfermer des mécanismes qui arrivent avant le juge ou même à la place du juge, de
façon circonstancielle, mais jamais pour supprimer l’activité juridictionnelle. Il y a des litiges
dont la complexité et la nature exige le règlement par le juge étatique et la meilleure solution
est qu’ils continuent dans cette condition. Ainsi, nous devons faire observer que l’expression

346
alternative présuppose un principal et, dans ce cas, le rôle le plus important joué par des
mécanismes alternatifs est de préserver la véritable compétence du juge, qu’il ne faut pas
confondre avec un guichet de plaintes de l’administration publique.

Nous avons déjà affirmé, à partir de l’énumération faite des instituts amiables de règlements
des litiges, que la présence du consensus n’est pas décisive pour atteindre la réussite du
contentieux alternatif en dehors du juge. La participation de l’administration publique en tant
que partie produit l’incapacité du consensus à trancher le litige. La diversité de nature entre la
volonté administrative et la volonté privée va affronter des difficultés anormales pour parvenir
au consensus.

Ainsi à notre avis, les institutions qui utilisent la persuasion avec les parties sont plus adaptées
au contentieux administratif. La magistrature d’influence rend la procédure contentieuse en
dehors du juge plus agile et plus efficace. La réputation construite autour d’une autorité
administrative compétente pour conduire la procédure, ainsi que le respect d’une procédure
plus équitable et contradictoire, peuvent donner au contentieux alternatif une crédibilité
capable d’améliorer l’image de l’administration auprès des particuliers.

En outre, nous affirmons aussi l’importance économique de l’arbitrage comme mode


alternatif de litige, toutefois nous savons qu’il ne s’applique qu’à certains administrés.
L’arbitrage n’est pas non plus accessible ou utile pour la grande majorité des administrés,
dont le seul lien qui rattache à l’administration est leur condition de personne privée, membre
d’une collectivité. Son efficacité est donc réduite, l’arbitrage n’est pas suffisant pour soulager
la justice administrative ou le pouvoir judiciaire.

Nous réaffirmons aussi que la fixation des limites au champ de compétences des modes
alternatifs des litiges administratifs rapproche ces modes de leur concrétisation. Les conflits
qui forment le contentieux de masse, les faux litiges et le contentieux des séries, sont les plus
adaptables au contentieux en dehors du juge. Le contentieux fiscal et environnemental, le
contentieux de la responsabilité administrative, des marchés publics et des fonctions
publiques sont aussi des types de contentieux qui, par une constatation empirique, ont
démontré avoir une proximité plus grande avec les modes alternatifs. Cette énumération n’est

347
pas définitive mais elle sert à démontrer que, dans les deux réalités comparées, le système
préconisé est limité sans perdre son utilité et son efficacité.

Dans les deux degrés de règlement alternatif, le premier d’une justice avant le juge et le
second d’une justice à la place du juge étatique, nous observons une variation d’efficacité
entre elles et une claire absence de systématisation procédurale pour l’application de ces
mécanismes.

La superposition des structures conçues pour mettre en œuvre ces mécanismes, chacune
d’elles avec sa composition et son mode d’actuation, n’a aucun intérêt pour le citoyen. Ce
citoyen préfère continuer à l’abri du juge et hors d’atteinte du désordre administratif. A notre
avis, le manque de systématisation d’une structure centralisée pour concrétiser ces modes
alternatifs au juge, le manque d’organisation procédurale capable de garantir aux administrés
une participation plus égalitaire sont les principaux motifs de l’échec des modes alternatifs en
termes de désencombrement de la justice.

La valorisation de la procédure comme principe du droit pourrait imprégner la procédure des


caractères capables de valoriser tout le style alternatif de règlement des litiges. Le devoir de
motivation, l’indépendance des autorités qui exercent ces fonctions, l’accès à l’information,
l’observation du contradictoire, sont des exemples par nous présentés comme des caractères
capables de rendre ces mécanismes efficaces.

La réponse aux question formulés dans cette recherche (Comment changer tout un système
qui était depuis longtemps conçu pour diviser complètement la fonction administrative de la
fonction contentieuse ? Comment favoriser un changement de mentalité des administrés par
rapport à l’administration publique?), est au sein de la valorisation de la procédure
administrative contentieuse non juridictionnelle érigée comme principe du droit.

L’importance actuelle de l’étude des modes alternatifs au contentieux administratif est


compatible avec la surcharge qui retombe sur les juges et les tribunaux. L’administration
publique active doit administrer ces problèmes dans les limites de ses forces, sans vouloir
assumer le travail du juge ni s’esquiver du sien.

348
Enfin, nous estimons que, dans un État de droit, le juge est la personne chargée de préserver la
suprématie de la loi pour tous, mais à présent nous pouvons considérer que la maturité de
l’État doit aussi exiger un comportement plus éthique et moral de l’administration publique
comme une expression plus active de l’État contemporain. La capacité de gérer et de régler
ses propres conflits est aussi le reflet d’une bonne administration et nous ne pouvons pas
exiger moins que cela. Que ce soit au Brésil ou en France, nous voulons de l’administration
publique ce qu’elle a de mieux. Nous souhaitons que l’administration publique puisse donner
le meilleur d’elle-même en faveur d’une vie citoyenne plus juste.

349
BIBLIOGRAPHIE

I – Traités et Ouvrages Généraux


(France)
ANNICHIARICO, Elisa; HELMOLTZ, Cam Van; MAREUIL, Jean-Baptiste. Litige Fiscaux
le recours à la Commission Départementale des Impôts, la Commission de Conciliation et
l’Interlocuteur Départemental en 175 questions. Paris : EFE éditeur, 1995.

AUBY, Jean-Marie et DRAGO, Roland. Traité de contentieux Administratif. T. I ,


Paris :LGDJ, 1984

BLANCO. Florent. La loi du 4 mars 2002 et les Commissions Régionales de Conciliation et


d’Indemnisation (C. R. C. I.). Aix-en-Provence : Presse universitaire d'Aix-Marseille, 2005.

BOISSESON, Mathieu. Le droit Français de l’arbitrage. Lille : GLN, 1990.

BONAFË-SCHMITT, Jean Pierre. La médiation: une justice douce, Paris : Syros, 1992.

BREWER-CARIAS. Allan R. Les principes de la procédure administrative non contentieuse,


études de droit comparé. Paris : Economica, 1992.

CAPDEPON, Yannick. Essai d’une théorie générale des droits de la défense, Bordeaux,
2011.

CHAVERINI, Philippe, MARTINEZ. Éric et MICHELANGELI, Laure. Les commissions


régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales, CRCI. Bordeaux : les Études hospitalières, 2004.

COLLET, Michel. Droit fiscal, Paris : PUF, 2007.

CORNU, Gérard. Vocabulaire Juridique. Paris : PUF, 1992.

CROZIER, Michel. On ne change pas la société par décret. Grasset : Paris, 1979

DAVID, René. Traité Élémentaire de Droit Civil Comparé, Paris : LGDJ, 1950.

DELVOLVE, Pierre. L’arbitrage en droit public français. Bruxelles : LGDJ, 2010.

DUMON, Fréderic. Le Brésil, Bruxelles : Éditions de l’Institut de sociologie de l’Université


Livre de Bruxelles, 1964.

EISENMANN. Charles. Cours de droit administratif. Recueil, LGDJ, 1983, t. II, 2007.

FREITAS, Juarez. Discricionariedade Administrativa e o direito fundamental à boa


administração. São Paulo: Malheiros, 2007.

350
GAUDEMET, Yves. Droit administratif, 19 Ed., Paris: LGDJ, p. 89.

GERANDO, Joseph-Marie de. Cours. Revue Thémis, t. IV, 1822.

GUEDON, Marie José. Les autorités Administratives Indépendantes. Paris : LGDJ, 1981.

HAURIOU, Maurice. Préface à ses Notes d'arrêts, 1928.

LAFERRIERE. Edouard. Traité de la Juridiction Administrative et des recours contentieux,


T. 2, Paris: LGDJ, 1888(réimpression 1989).

LEGATTE, Paul et BARBÉ, Anne. Le principe d’Équité - Défendre le Citoyen face à


l’administration, Paris : Presses de la Renaissance, 1992.

MALIGNIER, Bernard. Les fonctions du Médiateur. Paris : PUF, 1979.

MARTIN, Dominique. L'indemnisation des victimes d'accidents médicaux comme politique


publique, Recueil Dalloz, 2006.

MARDIERE. Christophe de la. La transaction Regard Fiscal. La transaction dans toutes ses
dimensions. Dirigé par MALLET-BRICOUT, Blandine et NOURISSAT, Cyril. Dalloz, 2006.

MOUREAU. Léon. Notion et spécificité du contentieux administratif. Mélanges Jean Dabin.


Paris : Sirey, 1963.

PACTEAU, Bernard. Traité de Contentieux Administratif, Paris : PUF, 2008

PISIER, Eleyne. Vous avez dit indépendantes ? Réflexion sur les AAI. Paris : PUF, 1998.

PLESSIX, Benoît. La transaction dans toutes ses dimensions. Transaction et droit


administratif. Dirigé par MALLET-BRICOUT, Blandine et NOURISSAT, Cyril. Paris :
Dalloz, 2006.

RENDERS, David et BOMBOIS, Thomas. L’arbitrage en droit public Belge. Bruxelles:


Bruyant, 2010.

VEDEL, George; DELVOLVÉ, Pierre. Le système français de protection des administrés


contre l’administration. Paris : Sirey, 1991.

VEDEL, George. Cours de droit administratif, Paris : Les cours de Droit, 1969-1970. Paris :
Les cours de Droit, 1970.

WALINE, Jean. Droit administratif, 22 Ed. Paris : Dalloz.

WEIL. Prosper et POUYAUD. Dominique. Que sais-je ? Le droit administratif, 23 Ed.,


Paris : PUF, 2008.

351
(Brésil)
BANDEIRA DE MELLO, Celso A. Curso de Direito Administrativo. 20. Ed. São Paulo :
Malheiros, 2007.

BARBOSA GOMES, Joaquim B. Agencias Reguladoras: a metamorfose do Estado e da


Democracia. Agências Reguladoras e Democracia. Rio de Janeiro : Lumen Juris, 2006.

BAPTISTA, Patrícia. Transformações do Direito Administrativo. Rio de Janeiro: Renovar,


2003.

BATISTA JUNIOR. Onofre Alves. Transações Administrativas, São Paulo : Quartier Latin
do Brasil, 2007.

BINENBOJM, Gustavo. Uma teoria do Direito Administrativo, Rio de Janeiro: Renovar,


2006.

BUCCI, Maria Paula Dallari. Direito Administrativo e políticas públicas. 2. tiragem. São
Paulo: Saraiva, 2006.

CARRAZA, Roque Antonio. Curso de Direito Constitucional Tributário. 3. Ed. São Paulo:
Revista dos Tribunais, 1992.

CARMONA, Carlos Alberto. Arbitragem e processo um comentário à lei 9307/96. São


Paulo : Atlas, 2009.

CARNEIRO, Paulo Cezar Pinheiro. Acesso à Justiça: juizados especiais cíveis e ação civil
pública, Rio de Janeiro: Forense, 1999.

CARVALHO FILHO, José dos Santos. Ação Civil Pública: Comentários por Artigo, 3ª
edição, Rio de Janeiro: Lumen Juris, 2001

CAVALCANTI, Themistocles Brandão. Curso de Direito Administrativo. 10 ed., Rio de


Janeiro: Freitas Bastos, 1977.

DIDIER JUNIOR, Fredie. Curso de Direito Processual Civil, v.1, 13a ed., Salvador: Podium,
2009.

DI PIETRO. Maria Sylvia Zanella. Direito Administrativo. 22 ed., São Paulo: Atlas,2010.

ESTORNINHO, Maria João. Requiem pelo contrato administrativo. Coimbra: Almedina,


1990.

FIGUEIREDO, Lúcia Valle. Comentários à Lei Federal de Processo Administrativo (Lei nº


9.784/99). Belo Horizonte: Fórum, 2004.

FRACO, Mariulza. Nova Cultura do litígio : necessária mudança de postura. Sao Paulo :
Atlas, 2007.

FRANCO SOBRINHO, Manoel de Oliveira. Introdução ao direito processual administrativo.


São Paulo : RT, 1971.

352
FREITAS, Juarez. Discricionariedade Administrativa e o direito fundamental à boa
administração. São Paulo: Malheiros, 2007.

GRINOVER, Ada Pellegrini; DINAMARCO, Cândido Rangel; CINTRA, Antonio Carlos


Araujo. Teoria Geral do Processo. São Paulo: Malheiros, 1998.

JUSTEN FILHO, Marçal. O direito das agencias reguladoras independentes. São Paulo:
Dialética, 2002.

JUSTEN FILHO, Marçal. Curso de Direito Administrativo. 3 ed., São Paulo : Saraiva, 2008

LYRA, Rubens Pinto. Ouvidor: o defensor dos direitos na Administração Pública Brasileira.
João Pessoa: EditoraUniversitária UFPB, 2004.

MARQUES NETO, Floriano de Azevedo. Agencias Reguladoras Independentes. Belo


Horizonte: Forum, 2009.

MEDAUAR. Odete. Direito Administrativo Moderno. 9 ed., São Paulo : RT, 2005.

MEIRELLES, Hely Lopes. Direito Administrativo Brasileiro. 33 ed., São Paulo: Malheiros,
2004.

MILARÉ, Édis. Direito do Ambiente. 5.ª Ed. RT : Sao Paulo, 2012.

MOREIRA, Egon Bockmann. Processo administrativo – Princípios Constitucionais e a lei


9.784/1999, 2.Ed, atualizada, revista e aumentada, São Paulo: Malheiros: 2003.

REALE, Miguel. Lições preliminares do direito. São Paulo Saraiva. 25 ed., São Paulo:
Saraiva, 2001.

RODRIGUES, Geisa de Assis. A Ação civil Pública e Termo de Ajustamento de Conduta, 2 ª


edição, Rio de Janeiro: Forense, 2006.

SILVA, Luciana Aboim Machado Gonçalves da. Termo de ajuste de conduta. São Paulo:
LTr, 2004.

(autres)
CANOTILHO, José Joaquim Gomes. Direito Constitucional e Teoria da Constituição.
Coimbra : Almedina, 1998, p. 1034.

LOMBARTE. Artemi Rallo. La constitucionalidad de los Administraciones Independientes,


Madrid : Tecnos, 2002.

OTERO, Paulo. Legalidade e Administração Pública o sentido da vinculação administrativa


à juridicidade. Coimbra : Almedina, 2007.

SILVA, Vasco Manuel Pascoal da. Em busca do acto administrativo perdido. Coimbra :

353
Almedina, 1996.

GORDILLO, Agostin. La Administración Paralela, Madrid : Civitas, 1982.

II – Articles, Chroniques et Mélanges


(France)

AUBY, Jean-Marie. Les Recours Administratifs. AJDA, 1955.

AUBY, Jean-Marie, La transaction en matière administrative ,AJDA, 1956, p. 132.

AUBY, Jean-Marie. La renonciation au bénéfice de la loi en droit public français : Travaux de


l'association Henri Capitant, tome XIII, 1960.

AUBY, Jean-Marie. Les recours administratifs préalables. AJDA, 1997.

AUTIN, Jean-Louis. La motivation des actes administratifs unilatéraux, entre tradition


nationale et évolution des droits européens. RFAP, 2009.

AUTIN, Jean-Louis. Le devenir des autorités administratives indépendantes. RFDA, 2010, p.


875.

BARROSO, Luis Roberto. La protection collective des droits au brésil et quelques aspects de
la class action américaine. Disponible sur :http://www.courdecassation.fr/IMG/File/barroso-
actionco-bresil.pdf. Consultéle 28 février 2011.

BAUDOIN-MAZAND, Anne. La conciliation et la médiation : deux modes amiables de


règlement des différends commerciaux, Petites Affiches, 6 août 1993, n° 94, p. 31.

BELDA, Beatrice. Faut-il généraliser le recours administratif préalable ? RDP, 2008.

BOCCARA, La procédure dans le désordre, Le désert du contradictoire, JCP, 1981, I, p.3004.

BONICHOT, Jean-Claude. Le juge administratif et l'Europe, Revue annuelle des avocats au


Conseil d'État et à la Cour de cassation, Dalloz, 2005, pp. 121-126.

BONICHOT, Jean-Claude. Le recours administratif préalable obligatoire : dinosaure juridique


ou panacée administrative. Mélange en l’honneur de Daniel Labetoulle. Paris : Dalloz, 2008.

BOUQUET, Gaël et BEAUVILLARD, Stéphanie. Le règlement des différends devant la


Commission de régulation de l'énergie, AJDA, 2004, p. 1911.
BRAIBANT. Guy. Nouvelles Réflexions sur les Rapports du Droit et de l'équité, RFDA,
1992, n. 64, pp687-691, p. 688.

BRAIBANT, Guy. Les rapports du médiateur et du juge administratif. AJDA, 1977, p. 283.

354
BRISSON, Jean-François. Régler autrement les litiges administratifs : Les recours gracieux et
hiérarchiques, voie alternative de protection des administrés ? Revue de Droit Public, 1996.
pp.792-846.

BRISSON, Jean-François. Les principes de l’administration Française en Droit administratif.


La procédure administrative non contentieuse en droit français. BDPE, V. XIV, sur direction
de FROMONT, Michel. London : Esperia, 2000

CALVÉS, Gwénaële. Mieux connaître les contentieux de masse l'apport des travaux
sociologiques. RFDA, 2011.

CANNAC, Yves ; et GAZIER, François. Études sur les autorités administratives


indépendantes, EDCE, 1983/ 1984, p. 14.

CASSIA, Paul. Vers une action collective en droit administratif ? RFDA, 2009.

CAUDAL, Sylvie. Les procédures contradictoires en dehors du contentieux. RFDA, 2001.

CHAPUS, René. De la valeur juridique des principes généraux du droit et des autres règles
jurisprudentielles du droit administratif, D. 1966, chron., p. 99/100.

CHAPUS. René. Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence administrative.


Mélange Eisenmann. Paris : Cujas, 1975.

CHAPUISAT, Louis-Jérôme. Le Médiateur Français ou l’Ombudsman Sacrifié. RISA, 1974,


Vol. XL n. 2, p. 109.

CHAVRIER, Géraldine. Réflexions sur la transaction administrative. RFDA, 2000, p. 548

CHEVALLIER. Jacques. Fonction contentieuse et fonction juridictionnelle. Mélanges


Stassinopulos, Paris : LGDJ, 1974.

CHEVALLIER, Jacques. L'administration face au public, in La communication


administration-administrés, Paris : PUF 1983, pp. 13-60

CHEVALLIER, Jacques. Réflexion sur l’institution des Autorités Administratives


Indépendantes. JCP, 1986, p.312.

CHEVALLIER, Jacques. L’État de Droit. Revue du Droit Public et de la Science Politique en


France et a L’étranger, Paris: Librairie Générale de Droit et Jurisprudence, pp.313-380.

CLAEYS, Antoine. Une nouvelle remise en cause de la théorie de la connaissance acquise.


AJDA, 2003.

CLAY. Thomas. Arbitrage et modes alternatifs de règlement des litiges. RecueilDalloz, 2008.

COSTA, Delphine. L'influence du droit européen sur la procédure administrative française.


AJDA, 2002, p. 1934.

355
COURRÈGES, Anne et VERROT, Célia. L'arbitrage des litiges intéressant les personnes
publiques - quelques éclairages sur un rapport récemment remis au Garde des Sceaux. RFDA,
2007.

DESIDERI, Paul. La procédure d’indemnisation amiable des dommages médicaux. LPA, le


19 juin 2002, p. 67.

DEUMIER, Pascale. L'adieu aux Commissions administratives consultatives. RTD, 2009, p.


81.

DELVOLVE, Pierre. La justice hors du juge en matière administrative. Article inédit non
publié. 2008.

DEVOLVÉ, Pierre. La Justice Hors du Juge. JPA Cahiers de droit de l’entreprise, 1984, n.
27, p. 18.

DELVOLVE, Pierre. La justice hors du juge en matière administrative. Article inédit non
publié. 2008.

DEVOLVÉ, Pierre. Le contentieux des sentences arbitrales en matière administrative Note


sous T. confl., 17 mai 2010, n° 3754, Institut national de la santé et de la recherche médicale,
AJDA, 2010, p.1047.

DUCAROUGE Françoise, « Le juge administratif et les modes alternatifs de règlement des


conflits : transaction, médiation, conciliation et arbitrage en droit public français », RFDA,
1996, p. 89.

FISCHER, Nicolas. Le tribunal administratif à l'épreuve du contentieux de masse. Premiers


résultats d'une étude de sciences sociales réalisée au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
RFDA, 2011.

FLAUSS, Jean-François. L'influence du droit communautaire sur le droit administratif


français. Petites affiches, 1995.

FRAYSSINET, Jean. Les rapports entre les protections non juridictionnelle et juridictionnelle
des administrés : le cas de l’accès à l’information administrative. Revue Administrative, 1993.

FROMONT, Michel. Les types de procédures administratives. La procédure Administrative


Contentieuse en Droit Français. Bibliothèque de Droit Publique Européen. Volume XIV,
Michel Fromont Directeur, Londres : Esperia, 2000.

FRISON-ROCHE (M. A.), Généralités sur le principe du contradictoire en droit processuel,


thèse Paris 2, 1988.

GABARDA, Olivier. Vers la généralisation de la motivation obligatoire des actes


administratifs ? Enjeux et perspectives d'évolutions autour du principe de la motivation
facultative. RFDA, 2012 p. 61.

GABORIAU, Simone. Déjudiciarisation et administration de la justice Promouvoir la

356
«juridiversité» À la recherche d'une déjudiciarisation raisonnée et constructive. LPA, 2012.

GAUDEMET.Yves. Le médiateur est-il une autorité administrative? Mélanges Robert-


Edouard Charlier. Paris : Éditions de la Revue Moderne.1977, p. 121.

GAUDEMET, Yves. L’avenir de la juridiction administrative, Gazette du Palais, 1979.

GAUDEMET, Yves. Le Médiateur est-il une autorité administrative? Mélanges de Robert-


Edouard Charlier. 1981, PUF, Paris.

GAUDEMET, Yves. La codification de la procédure administrative non contentieuse en


France. Recueil Dalloz. 1986.

GAUDEMET, Yves. Le précontentieux : le règlement non juridictionnel des conflits dans les
marchés publics. AJDA, 1994.

GAUDEMET, Yves. Approche doctrinale : définition, origines, essai d'explication et


perspectives des contentieux de masse. RFDA, 2011, n° 3, p. 464.

GAUDEMET, Yves. Le pré contentieux : le règlement non juridictionnel des conflits dans les
marchés publics. AJDA 1994, p. 84.

GOHIN, Olivier. La prpocédure administrative non contentieuse. Colloque de la section


luxembourgeoise de l’IDEF, 27-28 mai 2004. Disponible sur :
http://www.google.fr/#q=procédures+non+contentieuses+union+européenne+application+en+
droit+francais&spell=1&sa=X&ei=6gOsUcbGCoWE9QSilYHwCA&sqi=2&ved=0CCgQBS
gA&bav=on.2,or.r_qf.&fp=bcfa9a515d4aac52&biw=1600&bih=701. Consulté le 20 avril
2012.

GUILLIEN, Raymond. Saint- Nicolas du Chardonnet bon offices – conciliation – médiation.


Mélanges dédiés à Robert Pelloux, pp 169-192, Lyon : Edition De l’Hermès, 1980, pp 169-
192.

GIUSTTI, Gilberto. Les développements récents de l'arbitrage au Brésil. GazetteduPalais,


n° 339, 2004.

GOUSSEAU (J-L), « Administrés et procédés facultatifs de règlement non juridictionnel des


litiges administratifs »; L.P.A., 19-21 octobre 1987, n. 125, pp. 9-19.

HARICHAUX. Michèle. Sur la procédure de règlement amiable et de conciliation de la loi du


4 mars 2002. Revue de Droit Sanitaire et social, 2004, p. 348.

HELMLINGER, Laurence. Les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation


des accidents médicaux : ni excès d'honneur, ni indignité. AJDA, 2005, p. 1875.

HERVIEU, Merryl. Le défenseur des droits : le mirage de la constitutionnalisation des AAI.


Petites Affiches, juillet 2010.

JACOBY, Daniel. Indépendance et accessibilité: deux points cardinaux pour la navigation de


l'ombudsman sur la mer démocratique. Actes de la 4° Conférence Internationale Organisée

357
par l'Institut des Droits de L'Homme du Barreau de Beyrouth les 8-9 septembre 2000.
Beyrouth, 2001.

JARROSSON, Charles. Les modes alternatifs de règlement des conflits. RIDC, 1997, vol. 49,
pp. 325-345.

JARRONSON, Charles. L’arbitrage en droit public. AJDA, 1997.

LANGROD, Georges. Procédure Administrative et Droit administratif. RISA, 1956.

LATOURNERIE, Dominique. Médiation et Justice. EDCE, 1983/1984, pp. 79/86.

LABETOULLE. Daniel. Pour un Statu de l’arbitrage en droit administratif. Mélanges en


l’Honneur de Jean-François Lachaume. Paris : Dalloz, 2007.

LEGATTE, Paul. Le médiateur de la république. RA, 1986.

LEMAIRE, Sophie. Le règlement ROME 1 du 17 juin 2008 et les contrats internationaux de


l’administration. AJDA, 2008.

LINDITCH, Florian, Une nouvelle circulaire pour encourager le recours à la transaction en


matière de commande publique. JPA Collectivités territoriales n° 42, 12 octobre, 2235,
documento 452.

LOUSSOUARN, Yvon. L'Etat-Commerçant et la Compétence Juridictionnelle Internationale.


Netherlands International Law Review. Vol. 9, 1962, pp. 318/323. Disponible sur
http://journals.cambridge.org/action/displayFulltext?type=1&fid=5053448&jid=NLR&volum
eId=9&issueId=04&aid=5053440. Consulté le 08 avril 2011.

LYON-CAEN, Arnaud. Sur la transaction en droit administratif, AJDA, 1997, p. 48.

MAITRE, Gregory. Autorités Administratives Indépendantes : L’état de lieux.


RegardssurL’actualité. 2007, n 331, p. 15/25.

MARTIN, Dominique. L'indemnisation des victimes d'accidents médicaux comme politique


publique, Recueil Dalloz, 2006, p. 3021.

MODERNE, Frank. Principes fondamentaux, principes généraux Actualité des principes


généraux du droit RFDA, 1998.

MONTECLER, Marie-Christine de. L'expérimentation du recours administratif préalable pour


les fonctionnaires de l'Etat est lancée. AJDA, 2012.

MOURRE, Alexis. Private arbitration and regulatory adication in the telecommunications


industry - the new balance between private and public interests, Journal of International
Arbitration, 2005, v. 22, n. 3, p. 222-223.

NÔEL, Gilles. Le règlement administratif des litiges fiscaux sans recours au juge. Le Juge
Fiscal sous la direction de HERTZOG, Robert. Paris : Economica, 1988.

358
NOURY, Arnold. Les modes alternatifs peuvent-ils prospérer dans le contentieux
administratif. JCP, 2005.

PEISER, Gustave. Sources du Droit de la procédure Administrative. La procédure


Administrative Contentieuse en Droit Français. Bibliothèque de Droit Publique Européen.
Volume XIV, Michel Fromont Directeur, Londres : Esperia, 2000.

PELLETIER, Jackes. Vingt ans de médiation à la française. RFDA, octobre-décembre, 1992,


n. 64, pp599-609.

PELLISIER, Gilles. Pour une revalorisation de la spécificité des recours administratifs.


RFDA, 1998.

PERRIN, Laurent. La transaction en droit administratif. Courrier Juridique des Finances et de


l'Industrie. Juillet-out 2007 n°46, p. 172-174.

PICARD, Etienne. L'influence du droit communautaire sur la notion d'ordre public. AJDA,
1996, p. 5.

RACINE, Jean-Baptiste. L’Arbitrage est-il un mode alternatif de résolution des conflits ?


(contribution a la définition du terme « alternatif »). PA, 2001.

RICHER, Laurent ; JEANNENEY. Pierre-Alain et CHARBIT. Nicolas. Actualités du droit de


la concurrence et de la régulation. AJDA, 2006, p. 2437.

RIVERO, Jean. A propos de métamorphoses de l’administration d’aujourd’hui : démocratie et


administration. Mélanges offerts à René Savatier. Paris : Dalloz, 1965.

RIVERO, Jean. Personnes Morales de droit public et arbitrage. Revue de l’arbitrage. 1973.

ROLIN, Elisabeth. Les règlements de différends devant l'Autorité de régulation des


télécommunications. Petitesaffiches, 23 janvier 2003 n° 17, p. 26.

SAVIGNAC, Jean-Claude. Simplification Administrative et amélioration des relations entre


l'administration et le public. RA, 1991, p. 34.

SCHRAMEK, Olivier. Rapport de la commission Balladur : Libres propos croisés de Pierre


Mazeaud et Olivier Schramek, RDP 2008 n°1, 2008.

SEILLER, Bertrand. Les limites de la théorie de la connaissance acquise. RFDA, 1998.

SEILLER, Bertrand. Question préjudicielle. Répertoire du contentieux administratif. Dalloz,


2010.

TAQUET, François. À quoi sert la Commission de Recours Amiable dans le contentieux


URSSAF? SemaineSociale Lamy, n° 1028, 2001, p. 426-429.

TEITGEN-COLLY Catherine, « Le Défenseur des droits : « un ovni » dans le ciel


constitutionnel », JCP, A, février, 2009.

359
THIELLAY, Jean-Philippe. La nature juridique des actes des commissions régionales
d'indemnisation des accidents médicaux. RFDA, 2008, p. 343.

WALD, Arnold. Wald Arnold. Le droit comparé au Brésil. RIDC, 1999, Vol. 51, n.4, pp.
805-839.

WALD. Arnold. La résolution, par l'arbitrage, des conflits entre l'administration publique et
les entreprises privées en droit brésilien. Gazette du Palais, 17 juillet 2007 n° 198.

WALINE, Jean. La réforme de la juridiction administrative: un tonneau des danaïdes ? Etudes


offertes à Jean-Marie Auby, Paris : Dalloz, 1992, pp. 347-36.

(Brésil)
ALEXY, Robert. Colisão de direitos fundamentais e realização de direitos fundamentais no
Estado de Direito democrático. Revista de Direito Administrativo, Rio de Janeiro, v. 217, p.
74-76, jul./set. 1999.

BARROSO. Luis Roberto. Sociedade de economia mista prestadora de serviço público.


Cláusula arbitral inserida em contrato administrativo sem prévia autorização legal. Invalidade.
RDB, 2033.

BERNARDO, Antonio C. et autres. Brasil, o desenvolvimento ameaçado: perspectivas e


soluções. São Paulo: UNESP, 1989.

BERNARDO, Leandro Ferreira. A Câmara de Conciliação e o novo papel da Advocacia-


Geral da União. Revista da AGU, 2010.

BITTENCOURT, Sidney. A cláusula de arbitragem nos contratos administrativos. DCAP,


2000.

BORGES, Alice Gonzales. Processo Administrativo e Controle. Revista Diálogo Jurídico, v.


I, nº. 8, novembro, 2001. Disponible sur: <http://www.direitopublico.com.br>. Consulté le 19
mai 2012.

BRAGA, Luiziane Pinheiro. Responsabilidade civil do estado por omissão nos casos de
enchentes na cidade: O exemplo de Fortaleza em 2004. Disponible sur :
http://jus.com.br/revista/texto/9963/responsabilidade-civil-do-estado-por-omissao-em-razao-
das-enchentes-na-cidade. Consulté le 20.11. 2011.

BRANDÃO, Cláudio. O controle das omissões e do silêncio da Administração Pública. In:


OSÓRIO, Fábio Medina Osório. Direito administrativo: estudos em homenagem a Diogo de
Figueiredo Moreira Neto. Rio de Janeiro: Lumen Juris, 2006.

CAPPELLETTI, Mauro. Os métodos alternativos de solução de conflitos no quadro do


movimento universal de acesso à Justiça, Revista de Processo nº 74, Rapport d’Ouverture du

360
Séminaire Juridique W. G. Hart sur la Justice et ses alternatives, réalisé à Londres, au
Institute of Legal Advanced Studies, du 7-9.7.92.

CARDOSO. AntonioSemeraro Rito. Ouvidoria Publica como Instrumento de Mudança. Texto


para discussão n° 4880. Brasilia, 2010. Disponiblesurwww.ipea.br. Consulté le 9 septembre
2011.

CAVALCANTI, Eugênia Giovanna Simões. A analise de obrigatoriedade de motivação dos


atos administrativos face à Constituição de 1988. Revista Eletrônica de Direito do Estado
(REDE), Salvador, Instituto Brasileiro de Direito Público, no. 15, 2008. Disponible sur:
<http://www.direitodoestado.com.br/rede.asp>. Consulté le 19.08.2012.

COMPARATO, Fabio Konder. Planejar o desenvolvimento: a perspectiva institucional. In:


In: BERNARDO, Antonio C. et autres. Brasil, o desenvolvimento ameaçado: perspectivas e
soluções. São Paulo: UNESP, 1989.

DALLARI, Adilson Abreu. Formalismo e abuso de poder. Revista Eletrônica de Direito do


Estado (REDE), 2008. Disponible sur: <http://www.direitodoestado.com.br/rede.asp>.
Consulté le: 12 de septembre de 2012.

DALLARI. Adilson Abreu. Arbitragem na Concessão de Serviço Público. Revista de


Informação Legislativa do Senado Federal, 1995. Disponiblesur :
http://www2.senado.gov.br/bdsf/bitstream/id/176408/1/000506871.pdf. Consultéle 11 avril
2011.

DALLA. Humberto. Ações de classe, direito comparado e aspectos processuais relevantes.


Disponible sur
http://www.humbertodalla.pro.br/arquivos/acoes_de_classedireito%20comparado_e_aspectos
_processuais_relevantes.pdf. Consulté le 07 mars 2011.

DALLA, Humberto et FARIAS, Bianca de. Apontamentos sobre o compromisso de


ajustamento de conduta na lei de improbidade administrativa e no projeto de lei da ação civil
pública. Disponible sur :
http://www.humbertodalla.pro.br/arquivos/apontamentos_sobre_o_compromisso_de_ajustam
ento_de_conduta.pdf. Consulté le 27 février 2011.

DI PIETRO. Maria Sylvia Zanella. Parcerias na Administração Pública. 4ed. São Paulo:
Atlas, 2002.

FALCAO, Joaquim. Desestatizar o Judiciário. Disponible sur


http://www.cnj.jus.br/imprensa/artigos/13320-desestatizar-o-judicio. Consulté le 25
septembre 2012.

GIDDENS, A. A terceira via: reflexões sobre o impasse atual e o futuro da socialdemocracia.


Rio de Janeiro: Record, 2001.

GIORGI JUNIOR, Romulo Ponticelli. A duplicidade de instancias Administrativa e Judiciária


no Brasil.Disponible sur :
http://www.cnj.jus.br/images/pesquisasjudiciarias/Publicacoes/relat_pesquisa_ufrgs_edital1_2
009.pdf. Consulté le 7 mai 2012.

361
GODOY, Arnaldo. Câmaras de Concilião da AGU combatem judicialização. Revue
Consultor Juridico au 25 septembre 2010. Disponible sur : http://www.conjur.com.br/2010-
set-25/camaras-conciliacao-agu-combatem-cultura-judicializacao. Consulté le 10 avril 2012

GODOY, Arnaldo Sampaio. Transação Tributaria. Disponiblesur :


http://www.arnaldogodoy.adv.br/artigos/artigotransacao.htm. Consulté au 21 décembre 2011.

GRINOVER, Ada Pellegrini. Do Direito de Defesa em Inquérito Administrativo. Revista do


Direito Administrativo. n. 183, 1991.

GRINOVER, Ada Pellegrini. A arbitragem da ANATEL. Revista de Arbitragem e Mediação


v 18, 2008, p. 301.

LORENZ, Konrad. On Agression, New York Harcourt, Brace& Word,1996.

MACHADO. Hugo de Brito. Transação Tributaria Limites e inconstitucionalidades. Rapport


demandé pour le Syndicat des Fiscales des Impôts. Le 20 août 2009. Disponible sur :
www.sindifisconacional.org.br/mod_download.php?id.

MARQUES NETO, Floriano de Azevedo. A nova regulação dos Serviços Públicos. RDA,
2002, p. 17.

MORAES, Luiza Rangel de. Arbitragem e agencias Reguladoras. Revista de Arbitragem e


Regulação. 2004, p. 73.

OLIVEIRA, João Elias. A Ouvidoria do Estado do Paraná. In: LYRA, Rubens Pinto (org.) A
Ouvidoria na esfera pública brasileira. Curitiba: Ed. UFPR, 2000.

OLIVEIRA, João Elias de. Ouvidoria Publica Brasileira: a evolução de um modelo único.
Disponiblesur: www.abonacional.org.br/index.php?.ouvidoria-publica-brasileira-a-
evolucao-de-um-modelo-unico. Consulté le 08 mai 2012.

PESSOA, Robertonio Santos. Processo Administrativo. Disponible sur : www.jus.com.br.


Consulté le 29 janvier 2010.

REINERT, Edison Eduardo Borgo. Contratos administrativos e a aplicabilidade de lei de


arbitragem. Revista Brasileira de Direito Público, Belo Horizonte, v. 8, n. 28, jan. 2010.
Disponível em: <http://br.stj.jus.br/dspace/handle/2011/33966>. Acesso em: 1 jul. 2010.

SADDY, André. Efeitos Jurídicos do Silêncio Positivo no Direito Administrativo Brasileiro.


Disponible sur http://www.icjp.pt/sites/default/files/media/639-956.pdf. Consulté le 04
septembre 2012.

SOUZA, Gabriel Felipe de. O papel de uma ouvidoria no âmbito da Administração Publica
Federal. Revista da AGU, 2008, avril/juin, n°16, p. 15.

362
TAVARES. Ana Lucia. O ensino do Direito Comparado no Brasil Contemporâneo. Direito,
Estado e Sociedade, 1996, n 29. Disponiblesur: http://br.vlex.com/vid/80667339. Consulté le
19 juillet 2010.

TIBURCIO, Carmen. A arbitragem envolvendo a Administração Publica. RFDUERJ, 2007.


Disponible
sur :http://www.epublicacoes.uerj.br/index.php/rfduerj/article/viewFile/1353/1141. Consulté
le13 avril 2011.

TRINDADE BACELAR, Luiz Ricardo. Função jurisdicional das agências reguladoras,


RePro, ano 28, São Paulo: RT, jul.-set. 2004, p. 153

ZENIN NETO, Armand. As alterações no processo administrativo fiscal federal e a instalação


do C.A.R.F. Travailpubliédanslesannalesdu XIX Colloquedu CONPEDI, p. 4418, 2010,
Ceara / BR.

(autres)
LORENZ, Konrad. On Agression, New York Harcourt, Brace& Word,1996.

III-Études et Rapport Officiels


(France)
Conseil d’Etat. Rapport de l’Assemblée Générale du 6 mars 1986. Disponible sur :
http://www.conseil-etat.fr/cde/media/document//avis/339710.pdf. Consulté le 13 avril 2011.
Ministère de la Justice. Rapport Final du Group de Travaille sur l’arbitrage. Disponible sur :
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_final.pdf. Consulté le 11 avril 2011.

Conseil d’Etat. Les études du Conseil d’Etat. Les recours administratifs préalables
obligatoires. Paris : La documentation Française, 2008.

Rapport du Conseil d’État. Régler autrement les conflits, conciliation, transaction, arbitrage
en matière administrative. Paris: Section du rapport et des études, 1993. La documentation
française.

Conseil d’Etat. Rapport du Group de Travail sur l’action collective en droit administratif.
Disponible sur : http://www-cdpf.u-strasbg.fr/Rapport%20action%20collective.pdf. Consulté
le 03 mars 2011.

Rapport Public 2012 du Conseil d’État et de la Juridiction Administrative en 2011. Disponible


sur : http://www.conseil-etat.fr/media/document/RAPPORT%20ETUDES/ra12-dp_13-mars-
2012.pdf. Consulté au 14 avril 2012.

EDCE. Étude sur la prévention du contentieux administratif. Paris : 1980- 1981, n. 32, p. 299-
309.

363
Conseil de l’Europe. L’administration et les particuliers. Allemagne : Éditions Du Conseil de
l’Europe, 1997.

Conseil de l’Europe Actes de la Conférence Multilatérale. Les solutions Alternatives aux


Litiges entre les autorités administratives et les particuliers: conciliation, médiation et
arbitrage. Conférence Multilatérale, Lisbonne : 2000.

Cour Européenne des Droits de l’Homme : Statistique - Violations par l’article et par l’État
1959-2011. Disponible sur : http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/37EC6A43-A7E7-4732-
A5F1-E705900AC611/0/TABLEAU_VIOLATIONS_FR_2011V2.pdf. Consulté le 20 avril
2011.

Cour Européenne des Droits de l’Homme. Statistique sur les arrêts par l’État. Disponible sur :
http://www.echr.coe.int/ECHR/FR/Header/Reports+and+Statistics/Statistics/Statistical+data/.
Consulté au 20 avril 2012.

Conseil de l’Europe, Direction générale des droits de l’homme. Série : Précis sur les droits de
l’homme, n° 3 Le droit à un procès équitable, Guide sur la mise en œuvre de l’article 6 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme. Disponible sur :
http://echr.coe.int/NR/rdonlyres/44D3E02B-BB1E-472B-885E-
9F89397A1C16/0/DG2FRHRHAND032007.pdf. Consulté le 22.07.2012

Intervention du 11 février 2010 de Jean-Marc SAUVÉ Vice-président du Conseil d’État


audition par MM. Christian Vanneste et René Dosière, Députés, rapporteurs de la mission
mise en place par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) sur les
autorités administratives indépendantes. Disponible sur : http://www.conseil-
etat.fr/fr/discours-et-interventions/les-autorites-administratives-independantes.html. Consulté
le 25.07.2012.

Rapport Annuel 2011 du Défenseur des Droits. Disponible sur


http://defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/ddd_raa_2011.pdf. Consulté le
22.07.2012.

Rapport du Médiateur de la République 2003. Disponible sur http://www.mediateur-


republique.fr/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1115373513_RAPPORT2003.pdf. Consulté le 12 janvier
2012.

Médiateur Actualités. Litiges fiscaux : le rôle à part du Médiateur de la République. Janvier


2008, n. 33. Disponible à:http://www.mediateur-
republique.fr/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1201875611_le_mediateur33_p02-03.pdf

Ministère de la Justice. Rapport Final du Group de Travail sur l’arbitrage. Disponible sur :
http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Rapport_final.pdf. Consulté le 11 avril 2011.

Rapport sur la qualité et la simplification du droit. Jean-Luc Warsmann, Député, Président de


la Commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de
la République. Disponible sur : http://www.gouvernement.fr/premier-ministre/rapport-

364
warsmann-sur-la-simplification-du-droit-remis-au-premier-ministre. Consulté le 12 septembre
2011.

Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des


institutions de la Vème République, Paris, Doc. Fr., Fayart, 2007.

Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique. Améliorer la


sécurité juridique des relations entre l’administration Fiscale et les contribuables: une
nouvelle approche. Présenté par M. Olivier FOUQUET, président de Section au Conseil
d’Etat Juin 2008, La documentation Française, Disponible à
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000360/

Rapport 2095 de l’Assemblée Nationale, T I. Disponible sur : http://www.assemblee-


nationale.fr/13/rapports/r2095-ti.asp. Consulté le 08 mars 2012.

Rapport de l’Office Parlementaire d’Évaluation de la Législation sur Les Autorités


Administratives Indépendantes. Tome I. disponible sur : http://www.assemblee-
nationale.fr/12/pdf/rap-off/i3166-ti.pdf. Consulté le 20.05.2011.

Rapport de la Commission Douanière. La transaction, outil de la conciliation fiscale.


Disponible
sur :http://www.minefe.gouv.fr/fonds_documentaire/notes_bleues/nbb/nbb275/conciliation.pd
f. Consulté au 12.06.2010.

Rapport n° 218 du Sénat : Amélioration relations administration-public. Disponible sur :


http://www.senat.fr/rap/l96-218/l96-218_toc.html. Consulté le 04 septembre 2012.

Rapport n° 400 du Senat le 10 juin 1992. Dépôt publié au Journal officiel du 1 l Juin 1992.
Disponible sur: www.senat.fr

Rapport n° 482 du Sénat le 19 mai 2010. Disponible sur : http://www.senat.fr/rap/l09-


482/l09-482.html. Consulté le 2 décembre 2012.

SAUVE. Jean-Marc. Colloque du 30 septembre 2009 organisé par la Chambre Nationale pour
l’Arbitrage Privé et Public L’arbitrage et les personnes morales de droit public. Disponible
sur : http://www.conseil-etat.fr/cde/fr/discours-et-interventions/larbitrage-et-les-personnes-
morales-de-droit-public.html#_ftn8. Consulté le 06 avril 2011.

(Brésil)
Expositions des Motifs nº 00204/2008 – MF du Projet de loi qui dispose sur la transaction en
matière fiscal. Disponible sur http://www.apesp.org.br/legislacao/camara_PL50822009.pdf.
Consulté le 29 juin 2011.

Rapport du CNJ – CONSELHO NACIONAL DE JUSTIÇA (Conseil National de Justice)


Justice en numéros 2010. Disponible sur : http://www.cnj.jus.br/images/programas/justica-
em-numeros/2010/rel_justica_numeros_2010.pdf. Consulté le 10 avril 2012.

365
Rapport annuel des activités de l'Ouvidoria-Générale de l'Union en 2008. Disponible sur:
http://www.controladoria.gov.br/Publicacoes/RelatAtividadesOuvidoria/Arquivos/rel_anual2
008.Consulté le 20 octobre 2012.

Programme de Soutien à la Modernisation de l’Advocacia-Geral da Uniao. Projet: BR-


L1277. Disponible sur :http://idbdocs.iadb.org/wsdocs/getdocument.aspx?docnum=35335067.
Consulté au 07 novembre 2010 .

Centre de Recherche et Enquête de l’Université de Brasília « CENTRO DE PESQUISAS DE


OPINIÃO DA UNIVERSIDADE DE BRASÍLIA - DATAUnB». 8° Rapport d’Activité, p. 62.
Disponible sur : <http://cedes.iuperj.br/PDF/05maio/stf%20justica%20em%20numeros.pdf> ;
Consulté le 07 Novembre 2010.

Note Technique n°319, de 1996 de la Banque Mondiale. Document disponible sur :


www.anamatra. org.br. Consulté au 10 mars 2011.

Rapport de l’accès à la Justice au Brasil, 2004 a 2009. Disponible sur :


http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-
judiciarias/Publicacoes/relat_panorama_acesso_pnad2009.pdf. Consulté au 19 avril 2012.

Rapport 32789-BR de la Banque Mondiale (2004).Fazendo com que a Justiça Conte –


Medindo e Aprimorando o Desempenho do Judiciário no Brasil. Unité de Réduction de la
Pauvreté et de la Gestion Economique, Amérique Latine e Caraïbe. Disponible sur :
http://www.amb.com.br/docs/bancomundial.pdf. Consulté le 12 mai 2012.

CNJ – Conseil National de Justice (Conselho Nacional de Justice). Disponible sur


:http://www.conciliar.cnj.gov.br/conciliar/arquivos/ProjetoConciliar.doc. Consulté le 24
janvier 2011.

CNJ - Conseil National de Justice, 100 majors litigants, Brasilia, mars, 2011. Disponible sur :
http://www.cnj.jus.br/images/pesquisas-judiciarias/pesquisa_100_maiores_litigantes.pdf.
Consulté le 10 avril 2012.

Rapport d’Ouverture du Séminaire Juridique W. G. Hart sur la Justice et ses alternatives,


réalisé à Londres, à l’Institute of Légal Advanced Studies.CAPPELLETTI, Mauro. Os
métodos alternativos de solução de conflitos no quadro do movimento universal de acesso à
Justiça,Revista de Processo nº 74, ,du 7-9.7.92.

IV – Thèses et mémoires
(France)

BRISSON, Jean François. Bibliothèque de Droit Public, T. 185, Les Recours administratifs en
droit public français. Paris : LGDJ, 1996.

DELAUNAY, Bénédicte. Bibliothèque de Droit Public, T.172, L’amélioration des Rapports


entre l’administration et les Administrés. Paris : LGDJ, 1993.

366
FALL, Alioune Badara. La responsabilité extra-contractuelle de la puissance publique au
Sénégal: essai de transposition des règles de droit administratif français dans un pays
d’Afrique noire francophone. Thèse pour le Doctorat d’Etat en Droit. Bibliothèque de
l’Université Montesquieu Bordeaux I.

FOULETIER. Marjolaine. Recherches sur l’équité en droit public français. Bibliothèque de


droit public. T. 229. Paris : LGDJ, 2003.

GALLOUDEC, Fabien. Le futur Défenseur des Droits et la garantie des Libertés


Fondamentales en France. Mémoire de Recherche. Bibliothèque IEP, Université Montesquieu
Bordeaux IV.

GELBLAT, Antonin. Le défenseur des droits contre-pouvoir ou alibi. Mémoire de master 1.


Bibliothèque l’université& Paris Ouest Nanterre La Défense. Disponible sur :
http://chezfoucart.com/IMG/pdf/MEMOIRE_LE_DEFENSEUR_DES_DROITS.pdf.
Consulté le 30 septembre 2011.

GOMES, Joaquim Benedito Barbosa. La Cour Suprême dans le système politique brésilien.
Paris: LGDJ, 1994.

IKONOMOU, Alexandre. Les modes non juridictionnels de règlement des litiges


administratifs. Thèse pour le Doctorat en Droit. Présentée et soutenue publiquement le 8juillet
1993. Paris : Panthéon-Assas Paris II.

ISAAC, Guy. Bibliothèque de Droit Public. T. 79, La procédure administrative non


contentieuse, Paris : LGDJ, 1968.

METTOUDI, Robert. Les fonctions quasi-juridictionnelles de l'autorité de régulation des


télécommunications. Thèse pour le Doctorat en Droit. Présentée et soutenue publiquement le
2 septembre 2004. Disponible
sur :http://mettoudilaw.com/wpcontent/uploads/2010/01/Th%C3%A8se-2-septembre-
2004.pdf

PATRIKIOS, Apostolos. L’arbitrage en matière administrative. Paris: LGDJ, 1997.

PREVEDOUROU, Eugénie. Bibliothèque de Droit Public. T. 180. Les recours administratifs


obligatoires, étude comparée des droits allemands et français. Paris : LGDJ, 1993.

(Brésil)
COMPARATO, Bruno Konder. Thèse de doctorat: As ouvidorias de policia no Brasil:
Controle e Participação. Université de Sao Paulo. Faculté de Philosophie, 2005, SP, p. 56.
Disponible sur
http://www.ipea.gov.br/ouvidoria/index.php?option=com_content&view=article&id=174&Ite
mid=18. Consulté le 12 avril 2010.

DAVI, Kaline. A dimensão política da administração pública. Mémoire présenté à


l’Université Fédérale de Bahia. Porto Alegre : Sergio Fabris, 2008.

367
TABORDA, Maren Guimarães. O princípio da publicidade e a participação na
Administração Pública. Rio Grande do Sul. 2006.

MOESSA, Luciane. Meios Consensuais de Solução de Conflitos Envolvendo entes públicos e


a Mediação de Conflitos Coletivos. Thèse de doctorat, 2010, Bibliothèque de l’Université
Fédérale de Santa Catarina.

PASSOS, Cláudio dos. Processo Administrativo Tributário: possibilidade de questionamento


na Justiça das decisões contrárias ao estado. Mémoire du Master en Droit Public.
Bibliothèque de Droit de l’Université Fédérale de Bahia, 1998.

V - Jurisprudence principalement citées – Notes, conclusions e


références
(France)

CAA Lyon 27 décembre 2007 SA Lagarde et Meregnani n° 03LY01017.

CAA de Paris, 3ème chambre, 07 mars 2013, 12PA00727.

Cour des comptes, 28 mai 1952, Marillier, Rec. Valentigney : Grands arrêts juridictions
financières, n° 15.

CC, 26 juin 1969, Protection de sites, A.J.D.A. 1969, p. 563.

CC, 10 mars 1988, Compagnie Alitalia, Rec Lebon p. 44.

CC, 2 déc. 2004, n° 2005-506 DC.

CC, 6 janvier 2011, pourvoi n°09-71201.

CE. Ass. 3 décembre 1999, M. Didier, Lebon p. 399 ; AJDA 2000, p. 126, chron. Mattias
Guyomar et Pierre Collin ; RFDA 2000, p. 584, concl. A. Seban.

CE, Ass. 31 octobre 1975, Sté Coq France, AJDA, 1976.

CE, 1°juin 2009, SOCIETE DEFI FRANCE, Rec. Lebon. Disponible sur :
http://lexinter.net/JPTXT4/JP2005/connaissance_acquise_et_recours.htm. Consulté le : 09
aout 2012.

CE,Ass. 20 décembre 1995, Mme V et M. J., n° 132183;142913.

368
CE, 17décembre 2010, Mme. Gabrielle A., Rec. Lebon. Disponible sur :
http://lexinter.net/JPTXT4/JP2005/connaissance_acquise_et_recours.htm. Consulté le : 09
août 2012.

CE, 28 décembre, 2005, Union syndicale des magistrats administratifs, Rec., p. 591 ;
Disponible sur : http://www.easydroit.fr/jurisprudence/Conseil-d-Etat-6eme-et-1ere-sous-
sections-reunies-28-12-2005-274527-Publie-au-recueil-Lebon-27/J43850/. Consulté le 16
avril 2011.

CE, 30 mars 1973, Gen, concl. Guillaume, A.J.D.A., 1973, p. 268.

CE, 3 juillet 1981, Ministre du travail et de la participation contre Gaumont, Rec, p. 578.

CE, 1er avril 1992, SA Clinique gynéco-obstétricale Marivaux, Rec. p. 147.

CE, 23 mars 1956, Vinciguerra, Rec. 56 ; 10 juillet 1954, Centre Médico-pédagogique de


Beaulieu, Rec. 399.

CE, 11 septembre 2006, Commune de Théoul-sur-Mer, Rec. 395.

CE, Ass. 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second cycle du
second degré de l’Haÿ-les-Roses, Rec. 433.

CE, sect. 26 mars 1965, Dame veuve Molinet et demoiselle Moulinet, Lebon p. 208.

CE, 7 juil. 1978, CEVAPIC, n° 01593, Lebon ; D. 1979., p. 187.

CE, Sect., 15 février 1935, Bladanet, Rec. p. 202.

CE, Ass. 27 février 1970, Commune de Bozas, AJDA, 1970, p. 232.

CE, Ass., 13 déc. 1957, Société nationale de vente des surplus, Lebon 677

CE 17 nov. 1824, Ouvrard c/ Ministre de la guerre, Lebon, p. 631.

CE, 29 juillet 2002, Société POLYTECH SILIMED EUROPE GmbH, N°232829, à paraître
dans les tables du recueil Lebon.

CE, 8 décembre 1995 Commune de Saint-Tropez, Lebon p. 431.

CE, Sect., 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, Grands arrêts de la jurisprudence
administrative, 12 éd., 1999, n° 61.

CE, 5 février 1971, Balme, Lebon p. 105.

CE, Notes de Jurisprudence, AUBY, Jean-Marie, Retail, RDP, 1981, T. 2

CE, 10 février 1997, Ibo, Lebon p. 751.

369
CE, 23 décembre 1887, De Dreux-Brézé, évêque de Moulins, Lebon p. 842 concl. Le
Vavasseur de Précourt, S. 1889.3.57, D. 1889.3.1.

CE, 19 février 2003, Préfet de la Seine-Maritime c/ Mme L.C., n° 237321.

CE, Avis, 6 mars 1986, n° 339710, GACE n° 15.

CE 1er mai 1822, Laffitte, Lebon 1821-1825.202.

CE 9 mai 1867, Duc d'Aumale et Michel Lévy, Lebon 472.

CE 30 juin 1893, Gugel, Lebon 544 ; S. 1895.3.41.

CE Sect. 18juill. 1930, Rouché, Lebon 771, 29 nov. 1968.

CE Ass. 19 janv. 1934, Compagnie marseillaise de navigation à vapeur Fraissinet, Lebon 98.

CE, sect., 19 mars 1971, Mergui.

CE, ass., 11 juil. 2008, Sté Krupp Hazemag.

CE, ass., avis, 6 déc. 2002, Synd. intercnal des établissements du second cycle du second
degré du district de L'Hay-les-Roses.

CE, 17 mars 1893, Chemin de fer de l'est et autres, S. 1894.3.119. Conclusions J. Romieu.

CE, Cohn-Bendit du 22 décembre 1978.

CE du 30 octobre 1996, SA cabinet Revert et Badelon

CE, 8 déc. 2000, Parti nationaliste basque ERI-PNB, req. n° 212044, Lebon 594.

CE., 1er avril 1992, Clinique des Maussins, Conclusions ABRAHAM, AJDA 1992, p. 676.

CE, 28 janvier 1994, Sté Raymond Camus et Cie : Rec. CE 1994, p. 1041.

CEDH, AyseÖztürk c. Turquie, requête n° 24914/94 du 15 octobre 2002.

CJCE, 29 juin 1994, Fiskano, n° C-135/92, p. I-2885 ; TPICE 9 novembre 1995, France-
Aviation, n° T-364/94.

CJCE, 4 juillet 1963, Alvis, n° 32/62, p. 99.

CJCE, 1er décembre 1965, Firma G. Schwarze, Aff. 16-65, Rec. p. 1081.

CJCE, 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma, n° 41/69, p. 661.

TC, 11 juillet 1908, Caisse d’épargne de Caen contre hospices civils de Caen, Sirey III, p.
154.

370
(Brésil)
STF (Cour Suprême), n° 253885/MG, Rapporteuse Ministre Ellen Gracie Northfleet, publiée
DPJ 21/06/02, p. 00118.

STF(Cour Suprême), RE – 253885/MG, le 4 juin 2002, Min. Ellen Gracie, Première Turme.
Publié dans le DJ p.118, le 21 juin 2002.

STF (Cour Suprême), RE 233582, Min. Joaquim Barbosa, publié le 16 août 2007; RE
549238, Min. Ricardo Lewandowski, publié le 05 mai 2009.

STF (Cour Suprême), ADI-MC 1.511/DF, Min. Carlos Velloso, jugé le 16.10.1996, publié le
06.06.2003.

STF (Cour Suprême), ADI-MC 1.063/DF, Min. Celso de Mello, jugé le 18.05.1994, publié le
27.04.2001.

STF(Cour Suprême), AI-AgR 287.731/DF, Min. Celso de Mello, jugé au 3.2.2002 ;STF, 2a
Chambre, RE-AgR 289.014/SP, Min. MaurícioCorrêa, jugé le 30.10.2001.

STF(Cour Suprême),MI 670/ES, Min. Gilmar Mendes, jugé au 25.10.2007.

STF (Cour Suprême), RE 268.319/PR, Min. Ilmar Galvão, jugé le 13.6.2000.

STF (Cour Suprême), Publié le4 juin.1918, Ap. Cív. 3.021/MG, Rel. Min. Pedro Lessa.

STJ, 1280729, 2ª T. Rel. Min. Humberto Martins, jugé le 10 avril 2012, 19.04.2012,
Brasília/DF. Disponible au www.stj.jus.br. Consulté le 21.08.2012.

STJ, 200401224610, 1ª T. Rel. Min. Teori Albino Zavaski, jugé le 25 mai 2005, 13.06.2005,
Brasília/DF. Disponible au www.stj.jus.br. Consulté le 04.08.2010.

STJ, publié le14 septembre. 2006, Resp 612.439/RS, Rel. Min. João OtávioNoronha

STJ, publié le 14 août 2006, AgRg no MS 11.308/DF, Rel. Min. Luiz Fux; publié le 30
octobre 2006, EDcl no AgRg no MS 11.308/DF, Rel. Min. Luiz Fux.

STJ(Supérieur Tribunal de Justice), Recours Spécial 879046 DF 2006/0109019-2, 1ª T, Min


Denise Arruda, publié DJ du 18 juin 2009; REsp 700.114/MT, 1ª T, Rel. Min. Luiz Fux, DJ
du 14 mai 2007; REsp 882.747/MA, 1ª Turma, Rel. Min. José Delgado, DJ du 26 novembre
2007.

TCU(Cour de Comptes), publié le4 août. 1993, Décision 286/93, Rel. Min. Homero Santos.
Intéressé: Dep. Fed. Paulino Cícero, Ministre. Société Hydro Electrique Du São Francisco.

TJDF, publié le18 août 1999, MS 1998002003066-9/DF, Relª. Desª. Nancy Andrighi.

TJRJ, publié le 29 octobre 2003, AI 2003.002.07839, Rel. Des. Ademir Pimentel.

371
TJRS, publié le 14 nov. 2002, AI 70003866258, Relª. Desª. Teresinha de Oliveira

TJPR, publié le20 février 2004, AC 247.646-0/PA, Rel. Juiz Lauro Laertes de Oliveira
Silva.

TJRJ, publié j. 29 octobre 2003, AI 2003.002.07839, Rel. Des. Ademir Pimentel.

372
Index

A E

actes administratifs, 40, 72, 84, 155, 157, 165, 166, 174, équitable, 44, 48, 56, 65, 107, 108, 138, 142, 149, 168,
178, 187, 195, 196, 197, 200, 221, 224, 225, 227, 228, 221, 222, 255, 256, 312
229, 230, 236, 239, 244, 246, 264, 265, 270, 271, 273, établissements publics, 20, 44, 45, 49, 59, 72, 87, 102,
274, 277, 279, 288 124, 181, 183, 186, 188, 205, 210
amiable compositeur, 198, 199, 200 exequatur, 190, 203, 204, 207
assurance maladie, 65
autorité administrative, 5 F
Autorités Administratives Indépendantes, 37
fonction contentieuse, 26
fonction juridictionnelle, 25
C

chambre de conciliation et de l’arbitrage de J


l’administration fédérale, 209
juridiction administrative, 22
chose jugée, 39, 80, 89, 102, 122, 137, 138, 177, 178,
203, 204, 210, 216, 298, 309
M
clause compromissoire, 40, 183, 190, 194, 195, 198, 203,
204 magistrature d'influence, 96
Comission nationale de l’informatique et des libertés, maladministration, 18
101 marchés publics, 17, 37, 38, 42, 43, 44, 50, 78, 83, 84, 88,
comités consultatifs, 17 166, 232, 319
Commission de l’Accès aux Documents Administratifs,
112 O
Commission de Recours Amiable, 66
Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux,
Commission Nationale des Accidents Médicaux, 51
51
Commissions Départementale de Conciliation, 67
ordre public, 81, 181, 185, 200, 201, 202
Commissions Régionales de Conciliation et
Ouvidoria-Geral da União, 37
d'indemnisation, 51
concession réciproque, 83
P
Cour Suprême Brésilienne, 83

parajuridiction, 177, 178, 216


D Pouvoir Judiciaire, 22
procédure administrative, 27, 28, 32, 37, 105, 107, 147
décision implicite, 158, 249, 251, 267, 268, 269, 270, 275
Défenseur des Droits, 18, 112, 139, 145, 248, 257, 259
R
droit fondamentaux, 101

Recours Administratifs, 37

373
obligatoires, 165 T
Règlement Alternatif, 5
Terme d’Ajustement de Comportement, 22

sentence arbitrale, 39, 190, 202, 203, 204, 205, 206, 207,
208

374
TABLE DE MATIÈRES

Remerciements _____________________________________________________________ 2

Sommaire _________________________________________________________________ 8

Introduction _______________________________________________________________ 9

I PARTIE : L’OUVERTURE DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF AUX MODES


ALTERNATIFS EN FRANCE ET AU BRÉSIL _________________________________ 37

TITRE I : Les modes alternatifs de règlement des litiges administratifs avant le juge _____ 39

Chapitre I : Règlement par le consensus __________________________________________ 42


§I. Les Comités Consultatifs de Règlement Amiable du Contentieux en France. ___________________ 46
A. Les comités en matière contractuelle __________________________________________________ 47
1. La compétence ____________________________________________________________________ 49
2. La composition ___________________________________________________________________ 50
3. La procédure _____________________________________________________________________ 51
B. Les comités en matière extracontractuelle. ____________________________________________ 54
§II. Les dispositifs spécifiques _________________________________________________________ 56
A. Le système de la responsabilité médicale institué en France ________________________________ 56
1. La compétence ____________________________________________________________________ 58
2. La composition. ___________________________________________________________________ 62
a) La Procédure de conciliation _________________________________________________________ 65
b)La procédure de règlement amiable ____________________________________________________ 67
B. Les conciliateurs dans le système de la sécurité sociale en France ____________________________ 71
C. La Commission départementale de conciliation dans le contentieux fiscal français_______________ 73
§III. La transaction comme auto-jugement entre les parties ___________________________________ 76
A. L’adaptation de la transaction en droit administratif ______________________________________ 80
1. La nature publique de la transaction ___________________________________________________ 82
2. Le sens de l'expression « concession réciproque » ________________________________________ 87
3. L'examen des éléments de validité de la transaction _______________________________________ 89
4. La juridictionnalisation de la transaction ________________________________________________ 93
B. La transaction en matière fiscale _____________________________________________________ 96

Chapitre II : Règlement par une magistrature d’influence. __________________________ 102


§I. Les Autorités Administratives Indépendantes Françaises et les Agences Régulatrices Brésiliennes _ 103
A. La prévention des litiges dans le secteur économique en France et au Brésil___________________ 110
B. La prévention des litiges dans le domaine des droits fondamentaux _________________________ 116
§II. Le Médiateur de la République et l'Ouvidoria-Générale de l'Union _________________________ 120

375
A. L’historique des deux institutions ____________________________________________________ 121
B. La nature juridique de chacune des deux institutions _____________________________________ 124
C. Leur champ d'action ______________________________________________________________ 129
D. Leur procédure de saisine __________________________________________________________ 134
1. Les légitimités pour la saisine _______________________________________________________ 135
2. L'intervention parlementaire ________________________________________________________ 136
3. Les conditions préalables à la saisine _________________________________________________ 139
E. La portée de leurs moyens d’action__________________________________________________ 140
§III. Le Défenseur des Droits, une autorité constitutionnelle indépendante. ______________________ 143
A. L’apparente réduction du pouvoir politique du Défenseur des Droits. ________________________ 145
B. Le Défenseur des Droits remplace le Médiateur de la République : les avantages. ______________ 146
1. La saisine du Défenseur des Droits. _________________________________________________ 147
2. Les pouvoirs du Défenseur des Droits _______________________________________________ 148
§IV. Le Terme d’Adéquation de Comportement (TAC – Termo de Ajustamento de Conduta) _______ 151
A. Le TAC - un mécanisme brésilien de protection collective des droits ________________________ 152
B. La protection du droit collectif en France ______________________________________________ 154
C. La qualification juridique du TAC ___________________________________________________ 156

Chapitre III : Règlement par respect au droit de pétition ___________________________ 158


§I– Les recours administratifs en France _________________________________________________ 160
A. Distinction entre recours administratif de droit commun et recours administratif spécial par une
nouvelle typologie __________________________________________________________________ 163
B. Le caractère préalable du recours administratif et les décisions préalables ____________________ 164
C. Les caractères obligatoire et facultatif du recours administratif préalable _____________________ 166
1. Les avantages d’une généralisation du caractère obligatoire ________________________________ 167
a) La protection juridique des citoyens __________________________________________________ 168
b) Le désencombrement des tribunaux administratifs _______________________________________ 168
c) L’exercice de l’autocontrôle bloquant une action juridictionnelle évitable _____________________ 170
2. Les obstacles à une généralisation du caractère obligatoire ________________________________ 171
D. Les garanties apportées aux particuliers par les recours administratifs spéciaux après la loi n° 2011-525
du 17 mai 2011 ____________________________________________________________________ 173
1. Mesures générales de simplification des demandes des usagers _____________________________ 174
2. Mesures spécifiques de simplification des demandes des usagers____________________________ 175
§II– Les recours administratifs au Brésil _________________________________________________ 178
A. Des effets des recours administratifs________________________________________________ 178
B. Des décisions prises par les recours administratifs _____________________________________ 179

CONCLUSION DU TITRE I ___________________________________________________ 180

TITRE II : Les modes alternatifs de règlement des litiges administratifs à la place du juge 184

Chapitre I : L’arbitrage comme mode alternatif au contentieux administratif traditionnel. 185

376
§I. L’interdiction de l’arbitrage à la recherche d’un équilibre entre la protection de l’ordre public et la
croissance économique. ______________________________________________________________ 188
A. Situation actuelle de l’arbitrage en matière administrative en France ________________________ 193
B. Situation actuelle de l’arbitrage en matière administrative au Brésil _________________________ 198
§II. La procédure de l’arbitrage et ses particularités en droit administratif _______________________ 200
A. La compétence pour adopter le compromis ou pour conclure une clause compromissoire. _______ 201
B. Le contrôle des actes administratifs en cours d’instance arbitrale ___________________________ 202
C. La possibilité pour l’arbitre de statuer en équité _________________________________________ 204
D. La sentence arbitrale :portée et recours _______________________________________________ 209
1. La publicité _____________________________________________________________________ 209
2. La chose jugée et l’exequatur _______________________________________________________ 210
3. Le contentieux ___________________________________________________________________ 211

Chapitre II : La Chambre de Conciliation et d’Arbitrage de l’Administration


Fédérale(CCAAF) au Brésil ____________________________________________________ 215
§I. L’organisation de la Chambre de Conciliation et d’Arbitrage et son fonctionnement ____________ 217
A. La singularité des conflits soumis à la CCAAF :une nouvelle conceptualisation des conflits pour de
nouveaux modes de règlement ________________________________________________________ 219
B. La nature complexe de la CCAAF et ses avis arbitraux ___________________________________ 222
§II. La portée de la CCAAF dans le système des règlements des litiges administratifs _____________ 223

CONCLUSION DU TITRE II __________________________________________________ 225

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE ____________________________________ 226

II PARTIE : LA VALORISATION DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF EN DEHORS


DU JUGE _______________________________________________________________ 228

TITRE I : Pour un développement de la procédure administrative contentieuse non


juridictionnelle ______________________________________________________________ 230

Chapitre I : Les difficultés de l’organisation de la procédure administrative contentieuse au


Brésil et en France ___________________________________________________________ 231
§I. Les imprécisions et ambiguïtés terminologiques de la procédure administrative non juridictionnelle 232
A. Les raisons du monopole de la procédure par la fonction juridictionnelle en France _____________ 234
B. L’absence de monopole de la procédure par la fonction juridictionnelle au Brésil ______________ 236
C. La procédure administrative contentieuse non juridictionnelle dans le contentieux alternatif en dehors
du juge. __________________________________________________________________________ 238
§II. La complexité normative des organisations procédurales au Brésil et en France _______________ 240
A. La compétence de légiférant dans le domaine de la procédure administrative et l’organisation fédérative
tripartite du Brésil. __________________________________________________________________ 247
B. La réduction de la force normative des règles générales de la procédure administrative par rapport aux
règles procédurales spécifiques. _______________________________________________________ 249

377
C. La complexité normative des organisations procédurales en France _________________________ 251
1. La pluralité des sources écrites ______________________________________________________ 251
2. La pluralité des sources non écrites ___________________________________________________ 253
D. L’influence du droit européen et de droit de l’Union européenne sur la procédure administrative
contentieuse non juridictionnelle _______________________________________________________ 254
§IV. Les obstacles d’origine politique et budgétaire ________________________________________ 257

Chapitre II : La nécessité de réorganisation du contentieux administratif en dehors du juge


___________________________________________________________________________ 259
§I. La procédure administrative en dehors du juge comme principe de droit _____________________ 260
A. La valeur juridique des principes généraux du droit ______________________________________ 262
B. L’effectivité incomplète du principe constitutionnel de la procédure en dehors du juge au Brésil __ 263
§II. La dimension du principe de la procédure administrative en dehors du juge et les valeurs qu’il
renferme__________________________________________________________________________ 266
A. De l’impartialité _________________________________________________________________ 268
1. Un mandat non révocable et non renouvelable __________________________________________ 269
2. Un strict régime d’incompatibilité et d’immunité ________________________________________ 270
3. Une indépendance budgétaire _______________________________________________________ 271
B. De la garantie du contradictoire _____________________________________________________ 272
1. Droit à l’information ______________________________________________________________ 275
a) De l’opacité à la transparence _______________________________________________________ 276
b) L’information sur la procédure ______________________________________________________ 278
2. La motivation des décisions ________________________________________________________ 283
a) La généralisation du principe de la motivation pour une simplification de droit. ________________ 286
b) L’influence du droit européen sur l’évolution du principe de la motivation en France____________ 288
c)Le principe de la motivation obligatoire au Brésil. _______________________________________ 289
C. De l’obligation d’une décision effective _______________________________________________ 291
D. Du rejet aux formalismes __________________________________________________________ 295
1. Les formalités procédurales et leurs effets _____________________________________________ 296
2. L’instrumentalisation des formes ____________________________________________________ 298

CONCLUSION DU TITRE I ___________________________________________________ 299

TITRE II – Pour une fixation des limites matérielles _______________________________ 301

Chapitre I - Le contentieux en dehors du juge contre le contentieux de masse __________ 304


§I. La notion de contentieux de masse___________________________________________________ 305
A. La distinction entre «le contentieux de masse » et « le contentieux de la masse » _______________ 306
B. La distinction entre le contentieux de masse et le contentieux des séries ______________________ 309
§II. Les faux litiges _________________________________________________________________ 310
A. L’intérêt pour agir en justice dans le contentieux brésilien et dans le contentieux français. _______ 311
B. Les spécificités de l’intérêt à agir en justice dans le contentieux français _____________________ 315

378
1. Dans le cadre d’un recours de plein contentieux _________________________________________ 315
2. Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir _______________________________________ 316

Chapitre II – Les matières contentieuses davantage compatibles _____________________ 317


§I. Le contentieux fiscal en dehors du juge: un exemple satisfaisant au Brésil et en France. _________ 318
A. L’organisation du contentieux fiscal avant le juge _______________________________________ 319
1. L’autorité décisionnelle ____________________________________________________________ 321
2. La procédure du système ___________________________________________________________ 323
3. Les décisions prises dans les systèmes ________________________________________________ 326
B. La portée des procédures contentieuses dans le domaine fiscal _____________________________ 328
§II. Le contentieux des marchés publics _________________________________________________ 330
A. Les effets favorables d’un contentieux en dehors du juge pour les marchés publics _____________ 331
B. Les demandes techniques dans un contentieux de contractualisation _________________________ 331
C. La nature du droit objet du contrat administratif_________________________________________ 333
D. L’utilisation de l’équité ___________________________________________________________ 333
§III. Le contentieux de l’environnement _________________________________________________ 334
§IV. Le contentieux de la fonction publique ______________________________________________ 336
§V. Le contentieux de la responsabilité administrative ______________________________________ 339

CONCLUSION DU TITRE II __________________________________________________ 342

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE ____________________________________ 344

CONCLUSION GÉNÉRALE __________________________________________________ 345

BIBLIOGRAPHIE ________________________________________________________ 350

Index ___________________________________________________________________ 373

TABLE DE MATIÈRES ___________________________________________________ 375

379

Vous aimerez peut-être aussi