Vous êtes sur la page 1sur 1

… Recher

Droit romain
droit dans la Rome antique et plus tard dans tout
l'Empire romain

… … …

Le droit romain désigne le droit édicté dans la


République romaine et l'Empire romain ainsi
que les textes des jurisconsultes qui s'y
rapportent[2]. Du fait de son influence
multiséculaire et de son intégration dans les
ordres juridiques européens, on utilise aussi
l'expression pour désigner la technique
juridique issue de cette tradition romaniste.

Corpus juris civilis est le nom


donné à l'œuvre législative de
l'empereur Justinien. Elle se
compose des différents recueils de
droit écrits à la demande de
l’empereur[1]. Elle est tout autant
une compilation de textes
antérieurs, menacés d'oubli et de
disparition, que de nouveaux
textes. Par son caractère de
compilation, elle demeure l'une
des sources les plus importantes
pour l'étude du droit romain.

Le droit romain est considéré comme l'un des


premiers systèmes juridiques de l'histoire. Il
n'est pas dégagé de la coutume : le droit civil
des Romains étant à la fois non écrit
(coutumes) et écrit [J. Inst. 1.2.3]. Il n'est pas
non plus dégagé de la religion : la
jurisprudence étant, par définition, la
connaissance des réalités divines et humaines
[J. Inst. 1.1.1].

On peut distinguer plusieurs périodes dans


l'évolution du droit romain. Les strates les plus
anciennes demeurent sujettes à controverses
et spéculations. À l'origine, en effet, il ne se
distingue guère du culte et de la religion, et
demeure presque exclusivement de l'ordre de
la tradition orale. Peu à peu se constitue un
corpus de lois et de textes juridiques écrits, qui
formera la base de la tradition juridique
romaniste. L'expérience juridique romaine au
sens strict couvre plus d'un millénaire depuis la
loi des Douze Tables autour de 450 av. J.-C.
jusqu'au Corpus juris civilis de l'empereur
Justinien vers 530. La législation romaine,
préservée par les « compilations de Justinien »
(Institutes, Code, Digeste, Novelles), soit une
gigantesque compilation des textes des
jurisconsultes et des constitutions impériales,
devient la base juridique de l'Empire byzantin,
et plus tard de l'Europe continentale et au-delà
(Amérique latine, Afrique du Sud).

Introduction historique …

Primauté historique …

Le droit romain est parfois considéré comme le


premier système juridique de l'histoire, bien
que ce point soit ponctuellement contesté,
notamment par des anthropologues. Ainsi,
selon l'historien du droit Aldo Schiavone, « si
nous devons aux Grecs la naissance du
"politique", nous devons aux Romains celle du
"juridique" »[3]. Ce débat complexe tourne
autour de la question de la définition du droit
en tant que tel et de ce qui permet de le
qualifier comme un ensemble de règles
prescriptives, par contraste des règles sociales
(coutume, morale) ou religieuses. Néanmoins,
par rapport à d'autres témoignages plus
anciens de lois normatives, tels que le Code
d'Ur-Nammu (2100-2050 av. J.-C.), le Code de
Hammurabi de Babylone (1750 av. J.-C.), à
celles appartenant à la tradition du droit
chinois ou hindou, aux lois qui pouvaient
exister dans la Grèce antique, le droit romain
se caractérise notoirement par un niveau
exceptionnellement élevé de technicité
(constituant ainsi une science juridique stricto
sensu), par le rôle d'une classe spécialisée de
juristes (dits jurisconsultes), qui exercent leur
science juridique en théorie (enseignement,
écriture de traités) et en pratique (expertise,
conseil), et par son autonomie relative à l'égard
tant de la religion que de la politique.

Séparation progressive du droit


et de la religion, une question …
débattue

On traduit habituellement par « droit » le terme


latin ius (ou jus), qui donnera ius civile ou ius
gentium, bien que les deux concepts ne se
recouvrent pas exactement. Le ius civile ou ius
civile Quiritium, fondé sur la loi des Douze
Tables (-450), ne s'applique qu'aux citoyens
romains (les Quirites).

Si le droit romain irrigue l'ensemble de la


culture romaine, il semble en effet n'être
réellement appliqué qu'à une élite restreinte.
Ce système juridique est fermement lié à la
religion et n'est pas développé, présentant des
caractéristiques de formalisme strict, de
symbolisme et de conservatisme, à l'image de
la pratique du mancipatio, un contrat verbal
hautement ritualisé. Le jurisconsulte Sextus
Pomponius dit : « Au début de notre ville, le
peuple a commencé ces premières activités
sans la moindre loi ou droit écrit : toutes les
choses étaient gouvernées despotiquement
par les rois »[4].

Selon Jeno Szmodis, les racines anciennes du


droit romain proviennent directement de la
religion étrusque, qui met l'accent sur la stricte
observance des rites[5]. L'insistance sur les
rites est corroborée par A. Schiavone, qui
observe qu'alors que la religion hébraïque,
fortement ritualisée, s'est orientée vers la
constitution d'une éthique, la religion romaine
s'est concentrée vers l'observation de rites
stricts et de prescriptions formalistes (toutes
proportions gardées, on peut penser à la
distinction kantienne entre agir
« conformément à la morale » et agir « par
morale »). On peut toutefois penser que, dès
l'origine, le ius se distinguait du fas et du nefas
religieux, désignant respectivement le licite et
l'illicite[6].

Le ius archaïque de la période monarchique est


ainsi à la fois profondément imprégné par la
religion et distinct des modèles juridiques
grecs, hébraïques ou hindous, qui donnent aux
lois une origine révélée[7]. La tradition romaine
semblait considérer que la volonté des dieux
ne se manifestait jamais de façon générale,
sous forme de lois, mais uniquement de façon
particulière, relativement à telle ou telle
situation[7]. Ainsi, le pontife, qui lisait une prière
(solemne precationis carmen) et effectuait un
sacrifice avant de délivrer sa sentence,
cherchait à connaître la volonté des dieux par
l'auspicium[7].

Ainsi, bien que les diverses lois de la


République romaine puis de l'Empire
fournissent des sources fondamentales de
l'étude du droit romain, la contribution majeure
de ce dernier à la culture juridique européenne
ne consiste pas dans l'édiction de textes de
lois bien rédigés, mais dans l'émergence d'une
classe de juristes professionnels (prudentes,
sing. prudens, ou jurisprudentes) et de la
science juridique, développée à l'origine
comme une casuistique, c'est-à-dire un
ensemble de règles prescrites, de façon orale,
pour résoudre un cas donné : ce sont les
responsa.

Au VIe siècle av. J.-C., moment du déclin de la


monarchie romaine, la période étrusque
conduit à un tournant important, marqué par
l'affaiblissement des structures claniques de la
parenté (le gens) au profit de liens civiques[8].
Ce changement est favorisé par la révolution
militaire des hoplites, construits sur la triple
figure du guerrier-citoyen-propriétaire
terrien[8], et la constitution des centuries, qui
remplacent les comices curiates. Le rôle des
pontifes prend le pas sur les flamines[9], qui
célébraient le culte de Jupiter, Mars et
Quirinus. Le ius commence alors à se
distinguer de la religion, donnant naissance à la
technique de la iuris prudentia[9]. La figure du
rex sacrorum survivra cependant à cette
évolution[10], et aura un long avenir, comme l'a
montré Marc Bloch dans Les Rois
thaumaturges[10].

La Loi des Douze Tables du


Ve siècle av. J.-C., le conflit entre …
lex et ius
Articles connexes : Lex Terentilia et Loi des
Douze Tables.

Hormis les leges regiae (en) plus ou moins


légendaires, datant de l'époque monarchique,
le premier texte légal dont le contenu nous est
connu avec quelques détails est la Loi des
Douze Tables, datée du milieu du
Ve siècle av. J.-C. Le texte original a été
probablement détruit lors du sac de Rome de
390 av. J.-C, mais il nous est connu de façon
indirecte, notamment par le jurisconsulte
Sextus Aelius Paetus Catus. Les fragments qui
ont survécu montrent que ce n'était pas un
« code de loi » au sens moderne. Il ne fournit
pas un système complet et cohérent de toutes
les règles applicables, et ne donne pas de
solutions juridiques à tous les cas possibles.
Une grande partie est consacrée au « droit
privé » (ius privatum) et à la procédure civile
(le lege agere (it)) : il ne s'agit en aucun cas
d'une « charte constitutionnelle » ou d'une
organisation des pouvoirs publics. Une partie
importante concerne les crimes et les peines.

Selon les historiens romains[11],[12],[13], le tribun


de la plèbe Gaius Terentilius Harsa rédigea un
projet, la Lex Terentilia, afin de mettre par écrit
les règles juridiques, le ius pontifical. Ce projet,
à l'origine des Douze Tables, visait en fait à
opposer au ius secret, connu des seuls prêtres
répondant aux questions par le responsum,
une lex publique et laïque[14]. Il indique ainsi
l'existence d'un conflit entre la plèbe et les
patriciens, ceux-là luttant contre la
confiscation du droit par les pontifes, choisis
parmi les patriciens[14]. Ainsi, selon l'historien
A. Schiavone :

« la cité se trouva en effet face à


deux hypothèses (...) d'organisation
normative et d'ordonnancement
social, deux modèles alternatifs de
souveraineté, pourrions-nous dire :
l'un fondé sur le paradigme,
spécifiquement romain, du ius ;
l'autre sur celui, grec et
méditerranéen, de la lex. On peut
sans abus affirmer que le conflit eut
des conséquences incalculables : de
lui dépendit l'invention de la
« forme droit » dans le parcours de
l'Occident[15]. »

Après huit ans de lutte, les plébéiens


réussissent à persuader les patriciens
d'envoyer une délégation à Athènes pour
copier les lois de Solon. En plus, ils envoient
des délégations vers d'autres villes de Grèce
pour connaître leur législation. En 451 av. J.-C.,
dix citoyens romains sont nommés pour mettre
par écrit les lois, ils sont appelés en
conséquence les decemviri legibus scribundis :
aucun pontife n'en faisait partie. Pendant qu'ils
effectuent leur tâche, on leur a attribué le
pouvoir politique suprême en ce qui concerne
le domaine public et militaire (l'imperium), et
les pouvoirs des autres magistrats ont été
restreints. En 450 av. J.-C., les décemvirs
publient des lois en dix tables (tabulae), mais
qui sont considérées comme peu
satisfaisantes par les plébéiens. Un second
décemvirat ajoute deux tables en 449 av. J.-C.

Selon les historiens de l'époque augustéenne,


de la toute fin du Ier siècle av. J.-C., la nouvelle
loi des Douze Tables aurait été approuvée par
les comitia curiata. A. Schiavone réfute
toutefois ce récit, considérant qu'il s'agit d'une
interprétation rétrospective qui faisait remonter
jusqu'à la Rome monarchique, voire jusqu'à
Romulus, le modèle républicain de la relation
lex-comice[16].

Certaines études modernes[17] tendent à


remettre en cause les récits des historiens
romains. Le second décemvirat ne serait jamais
survenu, et c'est celui de 451 av. J.-C. qui
aurait inclus tous les points controversés de la
loi, ainsi que les principales fonctions à Rome.
En outre, l'existence de la délégation envoyée
en Grèce est débattue : il semble improbable
que les patriciens aient envoyé une délégation
en Grèce, mais plutôt en Grande-Grèce, portail
commun au monde grec et romain.

Cette controverse historiographique, toutefois,


n'affecte pas le rôle indéniable de la Grèce
antique sur la rédaction de ces lois[14]. L'idée
de mettre par écrit le droit était en effet liée à
l'idéal grec d'isonomie (égalité devant la loi),
issu des réformes clisthéniennes en -508, et
au fondement de la démocratie athénienne[14].
Ces réformes conduisent à l'éloignement du
concept de nomos vis-à-vis du thesmos et de
la themis (souvent traduit par justice, mais
dénotant, chez Homère par exemple, ou dans
les lois de Dracon et les lois de Solon, un sens
oraculaire) : le nomos prend son sens moderne
d'une loi dictée par la politique, d'un dispositif
unifiant la loi, l'écriture et la « laïcité »[18]. La
lex vient ainsi traduire ce sens moderne du
nomos, par opposition au ius ancien et
secret[18].

Malgré ce premier succès de la plèbe, le projet


des Douze Tables échoua finalement : les
prêtres, qui devaient désormais interpréter le
ius en fonction de ces lois écrites, enfermèrent
le texte dans un réseau complexe
d'interprétations, faisant prévaloir le
responsum sur la lex[19]. De nouveau, le savoir
des experts s'imposa, en s'appuyant sur un
modèle jurisprudentiel, au détriment d'un
accès immédiat aux lois publiques, conduisant
ainsi vers un système oligarchique[19]. Les
premiers jurisconsultes, tels que Sextus Aelius
Paetus Catus, Manius Manilius ou Publius
Mucius, obtinrent ainsi la charge de trois
missions : respondere, cavere (conseiller) et
agere (agir en justice).

La législation, un rôle d'appoint ? …


Articles connexes : Liste des lois romaines et
Institutions de la République romaine.

La grande majorité des relations sociales et


économiques n'était pas régulée par des lois,
mais par le « modèle jurisprudentiel » du ius
civile[20]. Sauf exception, la loi, lex populi ou
publica, déterminait principalement les
rapports entre citoyens et pouvoir politique ; le
fonctionnement des institutions (Sénat,
assemblées, magistratures, lesquelles
représentent l'exécutif, ou encore les
sacerdoces) ; l'organisation des cultes; les
règlements municipaux et provinciaux ; la
question agraire ; et enfin la répression des
crimes les plus graves[20]. Bref, le domaine de
la loi couvrait ainsi ce qu'on appela ius
publicum. De façon générale, peu de lois ont
été, somme toute, votées et promulguées lors
de l'Antiquité, la période d'Auguste étant, en la
matière, l'une des plus prolifiques. Ainsi, on ne
compte que quelques centaines de
dispositions sur l'ensemble de la période
républicaine (-509 à -27)[20]. Et sur 800 lois,
seules 30 concernent le ius privatum[7].

Par ailleurs, selon l'historien Zîka Bujuklic


(1999), le système législatif romain était
relativement incohérent et contradictoire :
d'une part, les lois étaient fréquemment
promulguées pour répondre à des crises
politiques et à des enjeux particuliers, plutôt
que pour édifier un cadre général au droit[21] ;
d'autre part, les nouvelles lois n'abrogeaient
pas les lois anciennes[7]. Cette incohérence
trouvait un remède partiel dans la procédure
de la desuetudo, par laquelle on considérait
que la communauté avait donné son accord
tacite à l'abrogation d'une loi trop ancienne[7].
C'est ainsi que furent abrogées la plupart des
dispositions des Douze Tables, notamment le
talion ou le droit de tuer un voleur la nuit[7] ;
certaines lois, comme des lois agraires, la Lex
Voconia (en) et d'autres lois somptuaires
devinrent obsolètes sans même être
officiellement abrogées par ce procédé de
desuetudo[7].

Le rôle de la loi est donc restreint au domaine


public, tandis que les juristes développaient, en
dehors de tout pouvoir institutionnel et de tout
imperium de magistrats, les règles régissant la
vie sociale et économique où se logeait les
prérequis de la citoyenneté et de l'autorité des
pater familias[22]. La législation n'a jamais
atteint la même importance que la
jurisprudence, et n'a jamais non plus été
véritablement codifiée. Ainsi, selon l'historien
Zîka Bujuklic (1999):

« Les projets d'une codification


systématique des leges romanae
existantes était aussi éloigné d'eux
[des Romains] que l'idée de Plotin
de fonder la cité Platonopolis au
cœur de la Campanie, dans laquelle
le gouvernement entier serait
gouverné conformément aux
concepts philosophiques et aux lois
de Platon. Vraisemblablement
inspiré par des idéaux helléniques,
Jules César a bien essayé, à la fin
de sa vie, de codifier la législation
existante, mais sa mort interrompit
la réalisation de ce projet. De
l'époque des Douze Tables jusqu'à
Justinien, il semble que cela ait été
la seule tentative de ce genre[23]. »

Du reste, même le Corpus iuris civilis, souvent


appelé « code Justinien », diffère largement de
ce qu'on désigne aujourd'hui comme
codification. Ce texte, assemblé au VIe siècle,
est en effet autant une compilation de textes
antérieurs, un effort de rassemblement, dans
une optique mémorielle et historienne, des
textes épars, menacés de disparition, qu'un
code juridique au sens strict du terme[24].

Parmi les différentes lois votées par les


comices, on peut toutefois citer, par exemple,
la Lex Canuleia (445 av. J.-C., qui autorise le
mariage — ius connubii — entre patriciens et
plébéiens) ; les lois licinio-sextiennes (367 av.
J.-C., qui mettent des restrictions sur la
possession des terres publiques — ager
publicus — et obligent qu'un des deux consuls
soit plébéien) ; la Lex Ogulnia (300 av. J.-C.,
les plébéiens peuvent accéder aux fonctions
religieuses) ; et la Lex Hortensia (287 av. J.-C.,
les verdicts de l'assemblée plébéienne —
plebiscita — ont force de loi). Ces lois illustrent
souvent le conflit des ordres, c'est-à-dire la
lutte entre les plébéiens et les patriciens.

Un autre texte de loi de l'ère républicaine est la


Lex Aquilia de 286 av. J.-C., qui peut être
considérée comme l'origine de la
responsabilité extra contractuelle [Qui ?].

Période pré-classique :
développement de la science …
juridique et du ius gentium

Le droit romain entre dans une véritable


révolution entre 201, fin de la deuxième guerre
punique contre Carthage, et 27 av. J.-C., début
du règne d'Auguste, premier empereur romain.
Celle-ci est marquée par l'assouplissement des
normes issues du ius civile, fortement ritualisé :
la procédure judiciaire de l'actio était en effet
caractérisée par l'obligation, imposée à ceux
qui figuraient dans l'instance, d'accomplir
certains gestes et d'employer certaines
paroles dont l'omission ou la plus petite
altération emportait nullité (par exemple
remplacer le mot « arbre » par « oliviers »). Au
lege agere (it) traditionnel, les préteurs
ajoutent ainsi la procédure dite de l'agere per
formulas, qui permet de substituer au rite
immuable du certa verba le verba concepta,
parole par laquelle le préteur adapte la
formulation de sa sentence au cas concret
exposé devant lui.

Cet assouplissement des règles s'effectue


sous la double influence du ius honorarium,
terme technique désignant le droit développé
par les édits des préteurs, et du ius gentium,
sorte de droit commercial appliqué aux litiges
entre citoyens et pérégrins (« étrangers ») et
développé à la suite de l'expansion de
l'économie romaine. À la fin du
IIe siècle av. J.-C., des jurisconsultes mettent
par écrit ces règles issues de la iuris dictio
(littéralement « juridiction », terme désignant
ce qu'on appellera jurisprudence), signalant
l'influence de la révolution de l'écriture sur le
droit. Ainsi, lorsque débute l'empire romain,
avec la prise de fonctions de l'empereur
Auguste en -27, le droit romain est déjà
fortement structuré sous forme écrite : c'est ce
droit, dont la formation accompagna
l'expansion de Rome, qui fournira le canon du
« droit classique » romain pour les
jurisconsultes postérieurs, qui s'efforceront
d'en donner une lecture systématique.

La figure du préteur et le
développement du ius honorarium …

Dès le IIIe siècle av. J.-C., parallèlement au ius


civile formel et très ritualisé, issu de
l'interprétation, sous forme de responsa orales,
du mos maiorum et des Douze Tables par les
experts de la tradition issus de la nobilitas, se
développe une autre forme de droit, le ius
honorarium, « entièrement constitué
d'actiones, chacune avec sa propre formule
liée à un cas type »[25]. On parle de ius
honorarium (du latin honorarius), car les
préteurs étaient au centre de la création de ce
nouveau corps juridique et que la préture était
une magistrature honorifique. De rang
légèrement inférieurs aux consuls, les préteurs
étaient chargés de la procédure civile (lege
agere).

Il n'est pas un législateur, et techniquement ne


crée pas de nouvelles lois quand il publie un
édit (magistratuum edicta). Le résultat de ces
décisions jouit de la protection juridique
(actionem dare) et sont de fait la source de
nouvelles règles légales. Le successeur d'un
préteur n'est pas tenu par les édits de son
prédécesseur ; cependant, il prend souvent les
actes des édits de son prédécesseur qui
s'avèrent utiles. De cette manière, un fond
constant est créé provenant de l'édit à l'édit
(edictum traslatitium).

C'est dans le cadre de ce ius honorarium que


se développèrent les principes de l'aequitas
(« équité »), qui permettait aux préteurs de
s'écarter des règles rigides et ritualisées du ius
civile au nom d'un principe d'équité entre les
parties[26]. On retrouve ce principe dans la
locution summum ius, summa iniuria (it),
présente par exemple chez Cicéron, et qui sert
à stigmatiser une interprétation trop littérale
des règles (verba legis), au détriment de
l'équité ou allant contre l'« esprit de la loi »
(sententia legis ; les Romains développeront
l'idée de fraude à la loi, in fraudem legis). La
notion de synallagma (« réciprocité ») et de
bona fides (« bonne foi ») en sont aussi issues,
de même que celle de consensus entre les
parties (qui deviendra conventio, puis
pactum)[26].

Mais parallèlement, les experts juristes


rattachèrent ces nouvelles règles et principes
au ius civile, rendant ainsi celui-ci plus flexible :

« Pourtant, la distinction entre ius


et aequum n'était pas destinée à se
confirmer (...) déjà vers la fin du
e
II siècle av. J.-C., la juridiction
prétorienne fut perçue comme

Vous aimerez peut-être aussi