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METHODOLOGIE

DES EXERCICES JURIDIQUES



Pour chaque séance de travaux dirigés, un exercice est à réaliser : cas pratique, commentaire d’arrêt,
dissertation. En quelques mots, vous trouverez ci-dessous des conseils méthodologiques nécessaires
à la réalisation desdits exercices. En plus de vos connaissances sur le fond, le respect de la
méthodologie des exercices juridiques est indispensable à votre réussite.

I. Le cas pratique

L’objectif d’un cas pratique est d’apprécier votre aptitude au raisonnement juridique et à
l’application concrète de vos connaissances.
Le cas pratique est l’application juridique du syllogisme.

Exemple du syllogisme de Platon :
« Tous les hommes sont mortels [majeure],
Platon est un homme [mineure]
Donc Platon est mortel [conclusion] ».

Vous devez impérativement respecter ces trois étapes, faute de quoi le syllogisme devient erroné.
Ainsi, il est impossible d’affirmer que « tous les hommes sont mortels donc Platon est mortel » car on
ignore si Platon est bien un homme ou que « Platon est un homme donc Platon est mortel » car il
n’est pas indiqué que la qualité d’homme implique la mortalité.

Exemple de syllogisme juridique :
« En vertu de l’article 227 du Code civil, le mariage est dissous par le décès de l’un des époux
(majeure).
En l’espèce, Madame Dupont, épouse de Monsieur Dupont, est décédée le 22 décembre 2016
(mineure),
Donc le mariage des époux Dupont est dissous depuis le 22 décembre (conclusion)».

Ø Comment élaborer la rédaction de votre cas pratique ?

Première étape : la lecture du sujet.

- Lisez une première fois les faits qui vous sont énoncés pour avoir une vue d’ensemble des
thématiques abordées et anticiper le temps qu’il vous faudra pour étudier chaque élément.
- Repérez les éléments inutiles ou superflus pour les écarter.
- Repérez les éléments essentiels que vous devez retenir (dates, termes, chiffres…).
- Prenez une feuille de brouillon et classez les faits par ordre chronologique (au besoin faites
un schéma).

Deuxième étape : la qualification et le résumé des faits

- Vous devez d’abord qualifier les faits et les prétentions des parties, c'est-à-dire leur donner une
forme juridique. Ex : José, âgé de 14 ans… deviendra « un mineur ». Josette, incapable de gérer son
argent et âgée de 83 ans… deviendra une « personne vulnérable ». Arthur qui a acheté une voiture
chez son garagiste et qui souhaite s’en débarrasser… deviendra « un particulier a conclu une vente
avec un professionnel de l’automobile et souhaite annuler le contrat ».

- Vos qualifications établies au brouillon, résumez les faits au propre en adoptant une
démarche chronologique et précise, sans oublier les éléments essentiels et sans extrapoler.

Troisième étape : la détermination de la question de fait ET du problème de droit

- Une fois le résumé des faits achevé, vous devez identifier la question factuelle posée par le
cas pratique.
Imaginez qu’un client vient consulter un avocat, il lui posera une question très concrète et non
une question juridique.
Exemples : « Est-ce que Marion peut adopter Tom ? » ; « Est-ce que Monsieur DUPONT peut
épouser Martine ? » ; « Mathilde peut-elle obtenir le divorce en raison de la relation adultérine
entretenue par son époux Serge ? ».
- Il faut ensuite traduire cette question factuelle en question juridique : il s’agit de déterminer
le problème de droit.
Celui-ci peut figurer explicitement dans le cas pratique. Dans ce cas, reprenez la question posée.
A défaut de problème précis posé, il vous appartient de problématiser les faits, c'est-à-dire de
rechercher ce qui pose juridiquement problème dans le cas exposé et de le transcrire en une
formule interrogative.

Quatrième étape : l’identification des règles de droit applicables (majeure du syllogisme)

- Votre problème posé, vous devez dégager puis présenter les règles de droit applicables aux
faits de l’espèce.
- Une façon pertinente de faire est la suivante : 1°) Définitions succinctes des termes ; 2°)
Règles applicables ; 3°) Conditions de mise en œuvre de ces règles et exceptions ; - 4°) Effets
juridiques de ces règles ; 5°) Jurisprudence (évolution ? absence de jurisprudence ? position
souple ou restrictive ? etc.…) ; 6°) Doctrine.

Cinquième étape : l’exposé des faits (mineure du syllogisme)

- Vous devez rappeler les éléments factuels concernés par la règle de droit afin de pouvoir ensuite
apporter des réponses lors de la conclusion. Si l’application de la règle de droit suppose la réunion de
trois conditions, ces trois conditions doivent être mentionnées dans la mineure (mention de ce que la
condition existe ou, à l’inverse, est absente).

Sixième étape : l’application de la règle de droit aux faits exposés (conclusion du syllogisme)

- Vous devez appliquer les règles de droit exposées au cas concret.
- Vous devez envisager l’ensemble des réponses possibles afin de ne pas être pénalisé ; la
solution n’est pas forcément positive.
NB : si vous avez fait plusieurs syllogismes, il peut avoir plusieurs conclusions avant de répondre à la
question de droit générale.

Septième étape : la réponse à la question de fait posée par le cas pratique (conclusion générale)

La réponse juridique donnée à l’étape n°6 permet de donner une réponse factuelle. Autrement dit, la
réponse concrète découle de l’application des règles de droit. C’est pourquoi la question de fait est
posée avant la question de droit mais la réponse factuelle intervient après la réponse juridique.

Ø Comment présenter votre cas pratique ?

De manière générale, vous devez commencer par un résumé des faits qualifiés, puis formuler une
question de droit avant de présenter les syllogismes nécessaires à la résolution du cas pour terminer
par la conclusion générale (réponse générale à la question de droit posée en amont).

Exemple : Mireille a épousé Antoine DUPONT le 3 mars 2012. Elle est hélas décédée le 22 décembre
2016. Désormais veuf, Antoine veut savoir s’il est en mesure d’épouser Martine. (résumé des faits).
Le mariage des époux DUPONT a été célébré en 2012 mais l’époux veut désormais épouser une tierce
personne, le peut-il ? (question de fait). La bigamie étant prohibée en France par l’article 147 du Code
civil selon lequel « on ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier », il est
nécessaire de se demander si le mariage des époux DUPONT a été dissous : le décès de l’un des époux
entraine-t-il la dissolution du mariage ? (question de droit)
Syllogisme : « En vertu de l’article 227 du Code civil, le mariage est dissous par le décès de l’un des
époux (majeure).
En l’espèce, Madame Dupont, épouse de Monsieur Dupont, est décédée le 22 décembre 2016
(mineure),
Donc le mariage des époux Dupont est dissous depuis le 22 décembre (conclusion)».
Ainsi Monsieur DUPONT, ex-époux de Mireille, décédée, pourra épouser Martine (réponse à la
question de fait).

Si le cas pratique soulève plusieurs questions, vous pouvez vous en servir comme d’un plan. Ainsi,
une introduction avec le domaine général du cas et les faits juridiquement qualifiés, puis I. Première
question, II. Deuxième question… etc.

II. Le commentaire d’arrêt

L’objectif de cet exercice est d’apprécier juridiquement un arrêt (ou un jugement même si la
terminologie de commentaire d’arrêt est consacrée) dans une démarche critique : quelle est sa
signification ? quelle est son importance ? quelle sera son incidence ? la solution retenue mérite-t-
elle ou non d’être approuvée et pour quelles raisons juridiques ?

Avant d’envisager précisément la méthode du commentaire, il convient donc de maîtriser
parfaitement la lecture d’un arrêt ou d’un jugement et de savoir faire une fiche d’arrêt (constituant
l’introduction du commentaire d’arrêt). Les quelques éléments ci-dessous pourront vous y aider.

Ø rappel sur le fonctionnement de la Cour de cassation

Composition de la Cour de cassation - La Cour de cassation est la plus haute juridiction de l’ordre
judiciaire. Il n’existe qu’une seule Cour de cassation, située à Paris. Elle se compose de 3 chambres
civiles, une chambre commerciale, une chambre sociale et une chambre criminelle.


Source : justice.gouv.fr

Rôle de la Cour de cassation - contrôler la bonne application du droit par les juges du fond
(juridiction du premier degré et cour d’appel) et unifier la jurisprudence (éviter que deux litiges
similaires soient jugés distinctement par deux juridictions du fond). La Cour de cassation ne donne
donc pas raison ou tort à l’une des parties, elle vérifie que les juges du fond ont appliqué
correctement la loi. C’est pour cette raison que les juges de la Cour de cassation sont, par opposition
aux juges du fond, qualifiés de « juges du droit ».

Si l’application de la loi par les juges du fond est correcte : la Cour de cassation rend un arrêt de rejet.
On dit que la Cour de cassation « rejette le pourvoi ».

Si l’application de la loi par les juges du fond est incorrecte : la Cour de cassation rend un arrêt de
cassation. On dit que la Cour de cassation « casse et annule » l’arrêt rendu par la Cour d’appel ou les
juges du premier degré. Dans cette hypothèse, l’affaire est quasiment systématiquement renvoyée
devant une Cour d’appel, autrement composée.

Ø Savoir lire un arrêt rendu par la Cour de cassation


Structure des arrêts de la Cour de cassation - Les arrêts de rejet et de cassation ne sont pas
construits de la même façon.

1° Les arrêts de rejet

Nb : Lorsque la Cour de cassation rejette le pourvoi, elle estime que la décision rendue par la Cour
d’appel n’encourt pas de reproches (de griefs).

Structure d’un arrêt de cassation et éléments pertinents pour la construction de la fiche d’arrêt, AP,
29 juin 2001 :

Arrêt de la Cour cassation Éléments de


compréhension
Cour de cassation Références de la
Assemblée plénière décision : chambre,
Audience publique du vendredi 29 juin 2001 date, n° de pourvoi,
N° de pourvoi: 99-85973 publication éventuelle,
Publié au bulletin nature de la décision
Rejet. (cassation ou rejet)
Premier président :M. Canivet., président Magistrats
Rapporteur : M. Sargos, assisté de M. Avocat, auditeur., conseiller rapporteur

Avocat général : M. Sainte-Rose., avocat général Avocats aux Conseils (=
Avocat : la SCP Bachellier et Potier de la Varde., avocat(s). avocats spécialisés
devant la Cour de
cassation) des parties à
l’instance
REPUBLIQUE FRANCAISE Début de l’arrêt, cela
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS indique que la Cour de
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS cassation parle
LA COUR DE CASSATION, a rendu l’arrêt suivant :


Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui Faits.
conduit par Mme X..., enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des Attendu que : formule
suites du choc le foetus qu'elle portait ; par laquelle la Cour de
cassation commence un
paragraphe.

que l'arrêt attaqué (Metz, 3 septembre 1998) a notamment condamné M. Z... du Procédure et décision
chef de blessures involontaires sur la personne de Mme X..., avec circonstance de la Cour d’appel
aggravante de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, mais l'a relaxé du En grisé vous trouvez les
chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître ; éléments indiquant que
la Cour de cassation cite
la Cour d’appel. Les
phrases suivant les
éléments grisés sont
donc les propos de la
Cour d’appel
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que, Cette formule indique
l’introduction des
moyens du pourvoi.
alors que, d'une part, l'article 221-6 du Code pénal réprimant le fait de causer la 1ère branche du premier
mort d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable, moyen du pourvoi
qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le coeur battait à la naissance En grisé vous trouvez les
et qui a respiré, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et éléments indiquant que
alors que, d'autre part, le fait de provoquer involontairement la mort d'un enfant le pourvoi se reporte
à naître constitue le délit d'homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable aux motifs de la Cour
au moment des faits quand bien même il n'aurait pas respiré lorsqu'il a été d’appel.
séparé de la mère, de sorte qu'auraient été violés les articles 111-3, 111-4 et En rouge, le cas
221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; d’ouverture à cassation,
grief fait à la CA.
Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose Motifs de la Cour de
une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination cassation.
prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire On peut noter que dans
d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève un arrêt de cassation,
de textes particuliers sur l'embryon ou le foetus ; les motifs sont
introduits par la
formule : « Mais
attendu que ».

D'où il suit que l'arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le Dispositif de la Cour de
moyen ; cassation.
On peut noter que dans
PAR CES MOTIFS : un arrêt de rejet le
dispositif est « rejette le
REJETTE le pourvoi ; pourvoi ».


Publication : Bulletin 2004 II N° 291 p. 245 Références de la
publication éventuelle
au bulletin.

Vous voyez que l’arrêt de cassation, pris dans notre exemple, est un arrêt rendu par l’Assemblée
plénière. L’assemblée plénière est une formation spéciale de la Cour de cassation. Dirigée par le
premier président de la Cour de cassation, l’Assemblée plénière comporte 19 membres : six
présidents, six doyens de chambre et un conseiller de chacune des chambres.

2° Les arrêts de cassation

Nb : Lorsque la Cour rend un arrêt de cassation, elle considère que la Cour d’appel ou la juridiction du
premier degré (lorsque la décision est rendue en premier et dernier ressort) n’a pas correctement
appliqué la loi.

Attention : dans certains arrêts, les premier et deuxième paragraphes peuvent être réunis en un seul.

Exemple d’un arrêt de cassation : AP, 29 octobre 2004

Arrêt de la Cour cassation Éléments de


compréhension
Début de l’arrêt, cela
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt indique que la Cour de
suivant : cassation parle
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Visa
Vu les articles 900, 1131 et 1133 du Code civil ;
ici, le visa se compose
Attendu que n'est pas nulle comme ayant une cause contraire aux bonnes d’articles et d’un
mœurs la libéralité consentie à l'occasion d'une relation adultère ; chapeau énonçant un
principe.



Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Première
Faits.
Chambre civile, 25 janvier 2000, pourvoi n° D 97-19.458), que Jean X... est Attendu : formule par
décédé le 15 janvier 1991 après avoir institué Mme Y... légataire universelle par laquelle la Cour de
testament authentique du 4 octobre 1990 ; que Mme Y... ayant introduit une cassation commence un
action en délivrance du legs, la veuve du testateur et sa fille, Mme Micheline X..., paragraphe. Les « que »
ont sollicité reconventionnellement l'annulation de ce legs ; indiquent la suite du
« attendu que ».

Décision de la Cour
Attendu que, pour prononcer la nullité du legs universel, l'arrêt retient que celui- d’appel
ci, qui n'avait "vocation" qu'à rémunérer les faveurs de Mme Y..., est ainsi En grisé vous trouvez les
contraire aux bonnes mœurs ; éléments indiquant que
la Cour de cassation
rappelle le
raisonnement de la
Cour d’appel.
Motifs de la Cour de
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; cassation.
On peut noter que dans
un arrêt de cassation,
les motifs sont
introduits par la
formule : « Qu’en
statuant ainsi ».
En rouge, le cas
d’ouverture à
cassation : violation de
la loi.

Dispositif de la Cour de
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du cassation.
moyen : On peut noter que dans
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 janvier 2002, un arrêt de cassation le
entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; dispositif est « casse et
annule ».

Remarque : il est possible de rencontrer des décisions qui soient à la fois des arrêts de rejet et de
cassation : ces arrêts particuliers sont des arrêts de cassation partielle. Cela signifie que, pour une
partie, l’arrêt de la Cour d’appel a correctement appliquée la loi mais non pour une autre. La Cour de
cassation casse donc l’arrêt de la Cour d’appel mais seulement partiellement.

Cas d’ouverture à cassation – Pour former un pourvoi en cassation, le demandeur au pourvoi doit
invoquer « un cas d’ouverture à cassation ». Il doit invoquer la raison pour laquelle il est en droit de
former un pourvoi. Plusieurs cas sont prévus :

La violation de la loi
- Par fausse application : application d’une règle qui n’a pas lieu d’être appliquée
- Par refus d’application : pas d’application alors que la règle s’appliquait
- Par fausse interprétation : le juge du fond interprète mal la règle de droit
- Par fausse qualification des faits : fausse application liée à une qualification erronée.

Le défaut de base légale
- La Cour de cassation ne peut exercer son contrôle (normatif) car les motivations des juges du
fond sont insuffisantes pour savoir si la règle de droit a été correctement appliquée ou non.
Ce cas d’ouverture est lié au contrôle normatif de motivation.

Le défaut ou la contradiction de motif
- Le défaut de motif : aucune justification des juges du fond qui mène à une cassation
disciplinaire
- La contradiction de motif : sanction de l’incohérence de la justification des juges du fond car
deux motifs contradictoires équivalent à une absence de motifs (donc variante de la
cassation disciplinaire).

Le défaut de réponse à conclusions
- Les juges du fond n’ont pas répondu aux arguments de la ou des partie(s)
Attention - précision nécessaire : lorsque la décision est juridiquement fondée mais qu’il y a défaut
de réponse à conclusions, la Cour de cassation esquive le cas d’ouverture à cassation :
o En déclarant le moyen inopérant ;
o En substituant le moyen par un moyen de pur droit (rare).

La dénaturation
- Les juges du fond font dire autre chose :
o Aux conclusions des parties
o Au contrat

Ø Savoir rédiger une fiche d’arrêt

La fiche d’arrêt comprend, traditionnellement, cinq rubriques :

Faits
Procédure
Prétentions des parties
Question de droit
Solution
La fiche d’arrêt doit être introduite par une phrase de présentation qui comprend : la juridiction, la
date et le thème abordé par l’arrêt.

Exemple tiré de l’arrêt de rejet reproduit ci-dessus (AP, 29 juin 2001) :

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2001, la Cour de cassation réunie en Assemblée plénière
tranche le point de savoir si l’infraction d’homicide involontaire peut s’appliquer à un fœtus.

En l’espèce, un conducteur en état alcoolique heurte un véhicule conduit par une femme
enceinte de six mois. A la suite de l’accident, la femme perd le fœtus qu’elle portait.

Le conducteur est condamné par la Cour d’appel pour blessures involontaires sur la personne
de la femme enceinte, mais est relaxé pour l’atteinte involontaire à la vie de l’enfant à naître. Un
pourvoi est formé. Il est ainsi soutenu que l’article 221-6 du Code pénal incriminant l’homicide
involontaire n’exclut pas l’enfant à naître et viable. Le pourvoi soutient ainsi que la Cour d’appel a
ajouté une condition non prévue par la loi en exigeant que l’enfant ait respiré et que son cœur batte
pour caractériser l’existence d’un homicide involontaire. Le pourvoi considère en effet qu’il suffit que
l’enfant soit viable au moment des faits, peu important qu’il n’ait pas été séparé du corps de sa
mère.

La question posée à la Cour de cassation était donc de savoir si le fait de porter atteinte à la
vie d’un fœtus viable constitue un homicide involontaire. Un conducteur ayant causé la mort d’un
fœtus viable peut-il être condamné pour homicide involontaire au sens de l’article 221-6 du Code
pénal ?

La Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi, au motif que le principe de
légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce
que l’homicide involontaire soit étendu à l’enfant à naître dont le régime juridique est encadré par
des textes particuliers.


Exemple tiré de l’arrêt de cassation reproduit ci-dessus (AP, 29 octobre 2004) :

Dans un arrêt rendu le 29 octobre 2004, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a été invitée à
se prononcer sur la question des libéralités consenties à l’occasion d’une relation adultère.

En l’espèce, un testament authentique a été rédigé par un époux. Ce testament institue légataire
universelle la femme avec qui il a eu une relation adultère. Au jour de son décès, un litige s’élève.

Tandis que la bénéficiaire du legs forme une action en délivrance de celui-ci, l’épouse du défunt et sa
fille exige, de façon reconventionnelle, la nullité de ce dernier. La première chambre civile de la Cour
de cassation, saisie une première fois le 25 janvier 2000, n’a pas fait droit à cette demande en nullité
et a cassé l’arrêt des juges du fond. Elle a, ensuite, renvoyé cette affaire devant les juges de la Cour
d’appel de Paris. Ces derniers ont prononcé la nullité du legs universel au motif que ce dernier n’avait
vocation qu’à rémunérer les faveurs de la bénéficiaire du testament. Le legs, partant, a été considéré
comme contraire aux bonnes mœurs par les juges du fond. La bénéficiaire du legs décide donc de
former un pourvoi en cassation.

La question se trouvait ainsi posée à la Cour de cassation de savoir si une libéralité consentie par un
époux à l’occasion d’une relation adultère a une cause contraire aux bonnes mœurs et si elle peut,
comme telle, être annulée.

L’Assemblée plénière casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Paris au visa des articles 900, 1131
et 1133 du Code civil. Elle énonce, dans un chapeau, le principe selon lequel « n’est pas nulle comme
ayant une cause contraire aux bonnes meurs la libéralité consentie à l’occasion d’une relation
adultère ». La Cour d’appel a donc violé, selon la haute juridiction, les textes visés. L’affaire est ainsi
renvoyée à la Cour d’appel de Versailles.

Ø Réalisation du commentaire d’arrêt



Plusieurs étapes doivent être suivies :

Travail préparatoire :

Lecture de l’arrêt, au moins deux fois, puis rédaction de la fiche d’arrêt en suivant scrupuleusement
les étapes exposées précédemment.
Ø
Recensement des idées :

>Écrire l’ensemble des connaissances sur le sujet en s’appuyant sur l’arrêt : connaissances issues des
livres, des TD, du cours magistral, de notes d’auteurs, EN RAPPORT avec l’arrêt.
Noter les visas, les termes employés,… Se poser les questions suivantes : est-ce conforme au droit
positif ? Est-ce un revirement de jurisprudence ? Est-ce un point qui n’avait pas encore été tranché ?
État de la loi et de la jurisprudence sur le sujet (cf. Jurisprudence antérieure,…). Définir les termes
procéduraux employés peut également vous servir : tierce-opposition, fraude, mainlevée, demande
reconventionnelle,…
>Appréciation critique : la solution doit-elle ou non être approuvée ? Le raisonnement des juges est-il
logique ? La solution est-elle opportune ? Quel intérêt vient-on protéger ?
>Influence de l’arrêt : la solution a-t-elle une influence juridique ou extra juridique ?

Exemple de questions que vous pouvez vous poser pour établir le contenu de votre commentaire à
partir de l’arrêt d’AP du 29 juin 2001 reproduit ci-dessus.

o La solution est-elle ou non conforme au droit positif ?

L’article 221-6 du CP réprime le fait de donner la mort à une personne. Il convient donc de
s’interroger sur la qualification de personne appliquée au fœtus.

La personnalité juridique s’acquiert par la naissance à condition d’être né vivant et viable (loi du 4
mars 2002 énonce que l’on n’acquiert la personnalité juridique qu’avec la naissance).

En l’espèce, la condition de naissance manque au jour de l’accident et, si l’on se place après, le fœtus
n’est pas vivant et viable.

DONC absence de personne donc absence d’homicide.

Pour que l’infraction puisse être constituée, il faudrait que l’enfant soit né puis meurt en raison des
blessures causées in utero.

Crim, 2 décembre 2003 : accident, césarienne, naissance, mort 1h après.

La solution est bien conforme au droit positif national.

Quid du droit supranational ?

CEDH, 8 juillet 2004 : renvoie à la marge d’appréciation des Etats membres. « Il n’est ni souhaitable
ni possible actuellement de répondre dans l’abstrait à la question de savoir si l’enfant à naître est
une personne ».

La solution est conforme à la convention EDH.

o Reconstituer le syllogisme

Majeure : le principe de légalité des délits et des peines impose une interprétation stricte de la loi
pénale, « pas de peine sans loi »

Mineure : l’article 221-6 du CP est un texte de droit pénal qui doit donc être interprété strictement.
Ce texte réprimant l’homicide involontaire d’autrui s’applique aux personnes.

Conclusion : Envisagé de manière stricte, le fœtus n’est pas une personne donc la qualification
d’homicide involontaire ne peut être retenue à l’égard d’un fœtus.

o La décision mérite-t-elle d’être approuvée ?

Oui en ce qu’elle est conforme au droit positif.

Oui car il ne relève pas du pouvoir judiciaire de créer une infraction, tel est le rôle dévolu au
législateur.

Oui l’embryon n’est pas une personne mais des « personnes humaines potentielles » (CCNE, avis du
22 mai 1984). A ce titre, ils doivent être respectés mais un accident n’est pas un manque de respect.
Le respect engendre par exemple l’interdiction d’utilisation scientifique de l’embryon ou sa
mercantilisation.

Oui car une infraction est quand même retenue donc l’auteur des faits n’échappe pas à toute peine,
il peut être poursuivi pour coups et blessures involontaires. Cette infraction appliquée au fœtus
revient à le considérer comme une partie du corps de la mère protégé par le principe d’inviolabilité.
Par ailleurs ce serait cohérent avec la législation sur l’I.V.G. (cf. libre disposition de son corps).
NON car cela va dans le sens inverse de l’évolution actuelle tendant à considérer le fœtus comme
une personne.

Exemple : « acte d’enfant sans vie » prévu à l’article 79-1 du Code civil qui inscrit à l’état civil un
enfant mort-né or l’état civil est le siège de la personne.

Civ. 1ère, 6 février 2008 censure les juges du fond qui ont refusé l’inscription à l’état civil de fœtus
morts in utero après quelques semaines de grossesse : « l’article 79-1 alinéa 2 du Code civil ne
subordonne l’établissement d’un acte d’enfant sans vie ni au poids du fœtus ni à la durée de la
grossesse ».

o Quelle est la portée de l’arrêt ?

L’arrêt conforte la législation sur l’I.V.G. autorisé jusqu’à 12 semaines. En effet, cette règle semble
impliquer que le fœtus n’est pas distinct de la mère car celle-ci peut en disposer comme elle
disposerait d’une partie de son corps.

L’arrêt est-il conforme à l’article 16 du Code civil selon lequel « la loi assure la primauté de la
personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le
commencement de sa vie » ? On voit qu’il y a une césure entre la primauté attachée à la personne et
le respect attaché à l’être humain or le fœtus est un être humain et non une personne et, en tant
que tel, est respecté par l’arrêt ici étudié (voir supra.).

Reste à savoir si la distinction personne/chose est suffisamment protectrice. Faudrait-il créer une
nouvelle catégorie de chose sacrée ? Chose objet de respect ?

Pour ma part, la réponse est négative, l’obligation de respect de l’être humain est suffisante ici.

L’arrêt est-il conforme à l’adage infans conceptus ? Oui car cet adage implique que l’enfant conçu est
présumé exister à la condition qu’il naisse vivant et viable. Il s’agit d’une fiction et non d’une
reconnaissance de la personnalité juridique.

o Le législateur pourrait-il intervenir pour changer cette solution ?

De lege feranda, le législateur pourrait créer une nouvelle infraction comme le lui permet l’article 34
de la Constitution.

Exemple : coups et blessures volontaires/involontaires contre un fœtus OU homicide


involontaire/volontaire contre un fœtus.

La majeure de l’arrêt de 2001 résidant dans le principe de légalité des délits et des peines, cette
option semble envisageable. Une loi prévoyant l’homicide d’un fœtus pourrait conduire à une
condamnation quand bien même elle serait interprétée strictement.

Une proposition de loi avait d’ailleurs été déposée en ce sens : sanction de l’interruption involontaire
de grossesse ou perte d’un fœtus provoquée par la faute d’un tiers.

Recherche du plan :

Aucun plan-type n’existe. La seule et unique règle c’est la logique. Néanmoins, parce que le
raisonnement juridique est majoritairement binaire, votre plan le sera aussi : deux parties et deux
sous-parties.
Le plan apparaît parfois facilement : s’il y a deux moyens ou deux questions de droit d’importance
équivalente : ce sont les deux parties ; si l’attendu peut être découpé en deux ou en quatre parties,
cela peut constituer vos parties.
Attention aux intitulés : ils constituent la vitrine du devoir : les titres doivent être courts et
percutants ; ils sont annoncés par des chapeaux.

Exemple :
I. Le rejet de l’homicide involontaire d’un fœtus
A) Une solution fondée sur le principe de légalité des délits et des peines
B) Une solution conforme au droit positif sur le statut du fœtus
II. La portée du rejet de l’homicide involontaire d’un fœtus
A) Une solution contestable au regard de l’évolution des mœurs
B) Une évolution subordonnée à l’intervention du législateur

Rédaction

- Insister sur les transitions et les annonces de plan.
- Intitulés concis et clairs.
- Être très rigoureux sur l’usage du vocabulaire juridique : pas d’expressions familières.
- Toujours rattacher une idée à l’arrêt. Ainsi, adopter un mode de rédaction circulaire :
toujours commencer et terminer vos sous-parties en évoquant l’arrêt, cela évite l’écueil
dissertatif.
- Ne pas faire de répétition d’une sous-partie à l’autre.
- Dégagez explicitement son idée, ne pas croire que le correcteur devine.
- Pas de conclusion.

III. La dissertation

La dissertation n’est pas une récitation du cours : il s’agit de démontrer une idée en suivant une
démarche logique et cohérente tout en synthétisant des connaissances.

Ø Le sujet

Une lecture attentive du sujet est indispensable. L’emploi du singulier ou du pluriel, le choix de la
conjonction de coordination et/ou, la formule interrogative ou affirmative sont autant d’éléments à
analyser.

Une fois le sujet lu, il convient d’en définir les termes : définissez l’ensemble des termes, écartez les
sens qui vous semblent trop éloignés.

Ø L’inventaire des connaissances

Qu’il s’agisse d’une dissertation à faire en temps limité ou en temps libre, il convient, une fois le sujet
compris, de dresser l’inventaire de vos connaissances :

- Que disent les textes légaux sur ce thème ?


- Quelle est la position de la jurisprudence le cas échéant ?
- Existe-t-il des théories doctrinales sur le sujet ?
En résumé, vous passez ici en revue et vous notez systématiquement tout ce qui vous vient à l’esprit
sur le thème abordé.

Cette étape accomplie, il vous sera possible de mettre à l’écart ce qui, selon vous, n’entre pas dans le
sujet compte tenu de l’intitulé et des définitions que vous aurez retenues. Attention : toutes les
exclusions doivent être justifiées en introduction. Le correcteur doit percevoir que vous avez bien vu
toutes les acceptions possibles du sujet et que vos choix ne relèvent pas du hasard.

Ensuite, il convient de vous interroger sur les intérêts que comporte la dissertation : est-ce une
question soumise à controverse ? Qu’en est-il en droit comparé ? Qu’en est-il dans d’autres
domaines du droit ? L’histoire du droit ou l’histoire en générale peut-elle être concernée ? Quelles
sont les lacunes du droit positif ? Ne devrait-on pas proposer une nouvelle vision en droit
prospectif ?

Ø La construction du plan

La construction du plan ne doit pas relever du hasard. Par sa seule lecture, le correcteur doit
comprendre l’idée que vous souhaitez démontrer.

Certes, il vous sera parfois présenté des plans-types : conditions/effet ; notion/régime ;


principe/exception. Ces plans classiques peuvent vous être utiles à condition de s’adapter
correctement au sujet choisi. A défaut, cela rend votre démonstration artificielle et donc contestable.

Afin de trouver votre plan, il faut, dans l’inventaire de vos connaissances, relever l’existence de
grands axes et de pôles d’intérêts.

Evitez les plans qui conduisent à des répétitions – chaque paragraphe de votre devoir doit contenir
une idée nouvelle –, les plans trop déséquilibrés, les plans qui ne permettent pas d’envisager tous les
aspects du sujet.

Les intitulés du plan doivent être particulièrement soignés, à l’image de ce que nous avons déjà
mentionné pour le commentaire d’arrêt. Ils doivent véritablement correspondre à ce que vous
développez et révélez votre idée.

Ø La rédaction

La rédaction de l’introduction doit être particulièrement soignée. Elle constitue le point de départ de
votre devoir et de votre démonstration. De façon traditionnelle, l’introduction doit être présentée en
partant du plus large au plus précis (méthode de l’entonnoir). Si les étapes suivantes peuvent être
adaptées à chaque sujet, elles constituent un guide minimal dont vous pouvez vous inspirer :

- Phrase d’accroche : elle constitue votre entrée en matière. Vous ne devez pas trop vous
éloigner du sujet mais il convient de ne pas, non plus, être trop abrupt.
- Rappelez ensuite l’intitulé exact du sujet et exposez les définitions des termes que vous avez
retenues. C’est également à cet instant qu’il convient de délimiter le sujet et d’expliquer
pour quelles raisons vous avez écarté tel ou tel aspect. N’hésitez pas à citer, sans entrer dans
le détail, les textes légaux concernés.
- Exposez ensuite les intérêts du sujet, qu’ils soient pratiques ou/et théoriques : histoire, droit
comparé,…
- Annonce et justification du plan (n’annoncez ici que les deux parties).
Pour le corps du devoir, les conseils précédemment donnés pour le commentaire peuvent être
repris. Attention à toujours lier vos idées les unes aux autres et à soigner les transitions, c’est ce qui
permet au lecteur de vous suivre et à votre devoir de gagner en cohérence.

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