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EMC Terminale

Fondements et expériences de la
démocratie
Introduction
I. L’émergence contrastée de la démocratie
A. La démocratie athénienne

3
4

La procédure
d’ostracisme
permettait de chasser
de la cité, pour un
temps défini, un
homme considéré
comme dangereux
pour la démocratie.

Jetons d’ostracisme
portant le nom de
Thémistocle, Ve siècle
av. J.-C., musée de
l’Agora, Athènes.
B. La République romaine, une ploutocratie
En 509 av. J.-C., une révolution menée par les
riches familles romaines chasse les rois
étrusques de Rome. Désormais, il n’y a plus de
roi! Rome devient une République où le peuple
partage le pouvoir avec le Sénat (Les lettres
SPQR : Senatus Populus Que Romanum : le
Sénat et le Peuple de Rome). Les citoyens, c’est-
à-dire les hommes adultes qui ne sont ni
esclaves, ni étrangers, votent les lois. Ils élisent
ceux qui dirigent Rome, les magistrats.
Cependant, tous les citoyens romains ne sont
pas égaux. Seules les voix des patriciens sont
comptabilisées. Ils appartiennent aux familles les
plus riches et les plus anciennes de Rome. Ce
sont eux qui dirigent la cité. Les autres citoyens,
appelés plébéiens sont tenus à l’écart du
gouvernement de la ville. Longtemps, les
plébéiens luttent pour avoir les mêmes droits que
les patriciens. Ils obtiennent que des magistrats,
les tribuns de la plèbe, les défendent contre les
patriciens. Puis les plus riches des plébéiens
parviennent à être magistrats. Ils accomplissent
la carrière des honneurs. Certains parviennent
même à accéder au sommet de l’Etat et à
devenir consuls (magistrat qui dirigent l’Etat et
l’armée).
D’après Catherine Salles, Les mondes antiques, article
« Rome, des origines à la République », Bayard, 2006
La république romaine :
un processus électoral (le
vote aux comices )
inégalitaire

Dans la république
romaine, on vote pour élire
les magistrats qui dirigent le
régime. Mais le vote est
pondéré en fonction des
classes sociales : la voix
des riches compte
beaucoup plus que celle
des pauvres.
Rome : une république équilibrée ?
À Rome,(…) toutes les choses avaient été organisées et étaient menées d’une manière si équitable et appropriée que personne, même
parmi les gens du pays, n’aurait pu dire avec certitude si l’ensemble du régime était aristocratique, démocratique ou monarchique. Et
cet embarras était bien normal. Car lorsqu’on regardait le pouvoir des consuls, le régime paraissait parfaitement monarchique et royal ;
mais d’après le pouvoir du Sénat, c’était cette fois une aristocratie ; et si maintenant on considérait le pouvoir du peuple, cela semblait
être nettement une démocratie. [...] Dans ces conditions, il serait normal de se demander ce que peuvent bien être les caractéristiques
et la nature de la part laissée au peuple dans ce régime, quand d’un côté le Sénat détient l’autorité sur les secteurs que nous avons
dits, avec ce point capital que toutes les questions de revenus et de dépenses sont traitées par lui, et quand de leur côté aussi les
consuls ont les pleins pouvoirs pour la préparation à la guerre, les pleins pouvoirs pour les opérations en campagne.
Polybe, Histoires, vers 150 av. J.‑C
Voie royale républicaine : Cursus honorum et évergétisme

Il y a dans la Rome antique un ordre obligatoire d'accès


aux magistratures publiques. Il permet de gagner les
compétences requises et d’avoir pour magistrats
suprêmes des hommes mûrs et expérimentés.
Chaque année, les comices élisaient, en théorie du
moins :
2 consuls, qui dirigent l'Etat et l'armée.
2 préteurs, qui rendant la justice.
2 édiles, qui ravitaillent et administrent Rome (voirie,
police).
3 questeurs, qui s'occupent des finances.
Ainsi que des tribuns de la plèbe afin de permettre à
cette dernière de défendre ses intérêts contre l'abus de
magistrats.
Définitions :
Cursus honorum : Carrière des honneurs ou course des honneurs
Évergétisme : Forme de générosité pratiquée par les notables devenue pratiquement
obligatoire pour toute magistrature importante à Rome et dans les cités latines et
consistant à financer banquets publics, spectacles gratuits, édifices d’utilité publique...

César cherche à se faire élire aux magistratures


A Rome, César acquit une grande et brillante popularité. Il savait flatter ses concitoyens par ses
manières affables, ses poignées de main, sa conversation. [Afin d’être élu aux différentes
magistratures] César dépensait sans compter. Avant même d’avoir été élu, il était déjà endetté.
Nommé édile, il fournit vingt paires de gladiateurs, finança les théâtres, les festins. En agissant de
la sorte, le peuple fut si bien disposé à son égard que chacun cherchait de nouvelles
magistratures, de nouveaux honneurs à lui attribuer pour le remercier.
Plutarque, Vie de César, IIe siècle.
Un sénat tout puissant. Senatus populusque Romanus est une devise en latin, qui signifie « Le Sénat et le peuple romain ». Souvent
abrégée sous la forme du sigle SPQR, elle était l'emblème de la République romaine.

Cesare Maccari, Cicéron dénonce Catilina, 1889, fresque (détail), 4 × 9 m, Sénat italien, Rome
Lucius Sergius Catilina (108 av. J.-C. à Rome – 62 av. J.-C. à Pistoia) est un homme politique romain connu pour deux conjurations
visant à renverser le Sénat de la République romaine.
II. Du Moyen Age à l’époque moderne : une lente évolution vers la démocratie

Contrairement à ce qu’on dit souvent, le Moyen Âge n’est pas un trou noir de la démocratie. Des
aspirations démocratiques sont présentes dans l’Occident médiéval, notamment dans les villes ou
dans les communautés religieuses. À partir du XIIIe siècle se diffuse le principe selon lequel « ce
qui concerne tout le monde doit être discuté et approuvé par tout le monde ».
De nouvelles formes politiques
s’inventent, insistant sur le
bien commun et cherchant à
impliquer la population dans
les processus politiques.
La Grande Charte (1215) un premier pas vers le parlementarisme
Face à une rébellion de ses barons, le roi anglais Jean sans Terre concède
cette charte qui limite le pouvoir royal. Elle est souvent considérée comme
l’une des fondations du régime politique anglais.

Jean, par la grâce de Dieu, Roi d’Angleterre, Seigneur


d’Irlande, Duc de Normandie et d’Aquitaine et Comte d’Anjou
[…] dicte :
Aucun impôt ne sera imposé, dans notre royaume, sans le
consentement du Conseil commun de notre royaume, à moins
que ce ne soit pour la rançon de notre personne, pour faire
notre fils aîné chevalier ou, pour une fois seulement, le mariage
de notre fille aînée. Et, pour ceci, il ne sera levé qu’une aide1
raisonnable. […] En plus, le montant d’aide levé sera déterminé
par le Conseil commun du royaume, à l’exception des trois cas
susdits. Et, pour déterminer le montant des impôts, nous
convoquerons individuellement par écrit : les archevêques,
évêques, abbés, comtes et hauts barons du royaume, et, en
plus, au moins quarante jours avant la convocation, nous ferons
convoquer par nos shérifs et huissiers, de façon générale, à
une date et à un endroit spécifique, tous ceux qui nous sont Enluminure de Matthieu Paris
principalement responsables [...]. représentant le roi Jean dans
Aucun homme libre ne sera saisi, ni emprisonné ou dépossédé son Historia Anglorum, vers
de ses biens, déclaré hors-la-loi, exilé ou exécuté, de quelque 1250.
manière que ce soit. Nous ne le condamnerons pas non plus à
l’emprisonnement sans un jugement légal de ses pairs,
conforme aux lois du pays.

Jean sans Terre, Magna Carta, 1215.


1. aide : impôt
De la Grande Charte à la démocratie libérale moderne
Une démocratie cléricale ?

La procédure de l’élection de
l’abbé apparaît dans les règles
monastiques au Moyen Âge.

Réunion de moines autour de leur


abbé, 1483, enluminure dans un
manuscrit, bibliothèque Mazarine,
Paris.
Les assemblées médiévales, lieux
d’acculturation démocratique

Mais les débats sur la nature du


peuple et sur les possibilités de
sa représentation ne sont pas
inhérents au paradigme de la
démocratie. [...] Ils sont
parfaitement compatibles avec
les régimes princiers et
monarchiques des
derniers siècles du Moyen Âge.
Thomas d’Aquin et Marsile de
Padoue, aux XIIIe et XIVe
siècles, réfléchissant sur
les constitutions mixtes et sur la
souveraineté du peuple, ne sont
pas des figures isolées [...].
Surtout, l’idée d’une
représentation populaire est
universellement mise en pratique, dans une série d’expériences politiques convergentes, aussi
bien dans les villes, les grandes communes italiennes avant tout, que dans l’Église et surtout, [...]
dans les assemblées représentatives de type « parlementaire » qui s’imposent partout comme
lieux de médiation du pouvoir. Sous des noms différents, on trouve des réalités semblables :
parlement en Angleterre ou en Sicile, états généraux ou états régionaux en France et dans
l’espace d’influence de la royauté capétienne et valoise, Cortes dans toute la péninsule ibérique
et diètes territoriales centrale ou locales (Reichstag, Landtage) dans la mosaïque des
principautés laïques ou ecclésiastiques de l’Europe germanique, sans négliger leurs équivalents
nordiques (Riksdag suédois) ou orientaux (Sejm polonais).
Michel Hébert, La Voix du peuple. Une histoire des assemblées au Moyen Âge, PUF, 2017.
Les Lumières en marche vers la démocratie 
Les Lumières en marche vers la démocratie : le cas Rousseau
Rousseau s'inscrit dans la tradition du contrat social, dont les doctrines voient dans l'individu le fondement de
la société et de l'Etat. Cette notion était subversive car elle ne donnait aucun rôle à Dieu. De nombreux
penseurs du Moyen Age s'y sont référés dans l'espoir de borner le pouvoir des monarques de droit divin.
Au début du XVIIe siècle, plusieurs théoriciens (Hooker, Grotius) postulent l'existence d'un double contrat: les
hommes renoncent à leur indépendance au profit de la collectivité, qui acquiert ainsi la souveraineté. En
échange, l'individu reçoit la garantie de la protection de ses droits.
La démocratie rousseauiste

Pour Rousseau, les citoyens doivent exercer eux-mêmes la souveraineté, qui est
«inaliénable» et «indivisible». Concrètement, le peuple se réunit régulièrement pour
voter les lois, auxquelles chacun sera ensuite soumis. Rousseau préconise qu'on
s'approche de l'unanimité pour les textes les plus importants et qu'une simple majorité
soit acceptable pour des objets de seconde importance. La démocratie doit donc être
directe. Rousseau rejette radicalement la représentation du peuple par des députés: «La
souveraineté ne peut être représentée pour la même raison qu'elle ne peut être aliénée.
[...] Toute loi que le peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle.(…) Le peuple anglais
pense être libre, il se trompe fort; il ne l'est que durant l'élection des membres du
parlement; sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien.» Sur ce point, Rousseau n'a
pas été visionnaire. C'est le modèle anglais qui s'est imposé dans les constitutions des
pays démocratiques, sauf en Suisse où une combinaison des deux systèmes a abouti à
l'instauration de la démocratie semi-directe. Et le gouvernement ? Peu importe sa
nature, monarchique, aristocratique ou exercée par des magistrats, selon Rousseau,
pourvu qu'il soit élu par le peuple: «Les dépositaires de la puissance exécutive ne sont
point les maîtres du peuple mais ses officiers, il peut les établir et les destituer quand il
lui plaît.» Rousseau est épris de pureté (vertu). Il voudrait que chacun vote en ayant
pour objectif l'intérêt général. L'auteur du Contrat social pense que cet objectif est
atteignable en interdisant les factions (les partis), dont l'influence peut obscurcir le
jugement des citoyens et les détourner de l'intérêt général. Cette interdiction permettra
«que le peuple ne se trompe point». Rousseau va plus loin en mettant en doute
fondamentalement la clairvoyance du peuple qu'il souhaite libérer de sa prison: «La Jean-Jacques
volonté générale est toujours droite, mais le jugement qui la guide n'est pas toujours Rousseau
éclairé.» C'est pourquoi le peuple a besoin de «guides». herborisant, (détail),
Le philosophe s'est aussi préoccupé, seul ou presque dans son siècle, des inégalités Georges-Frédéric
sociales. Dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité entre les Meyer (1735 –
hommes, il conclut: «Il est manifestement contre la Loi de la Nature [...] qu'une poignée 1779), RMN-Grand
de gens regorgent de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du Palais
nécessaire.» Il faudra attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale et la naissance de
l'Etat providence pour que l'exigence de justice sociale soit véritablement prise en
compte. Le Temps, Xavier Pellegrini, août 2006
L’évolution contrastée vers la démocratie

Anocratie : système politique en transition qui n'est ni une démocratie ni une dictature. Les
anocraties sont souvent des régimes politiques instables.
Au terme
d’un long
et
complexe
processus,
l’aboutis-
sement
démocrati-
que
III. La démocratie moderne
Les démocraties scandinaves, un
exemple ? Une exception ?
La Scandinavie constitue d’abord un
espace durablement marqué par la paix
et l’essor de la liberté, peut-être le
meilleur exemple des théories de la «
paix démocratique » [...]. Le plus grand
symbole de cet engagement est sans
aucun doute la remise annuelle du prix
Nobel de la paix. […] Cette préférence
pour la paix semble avoir eu des
prolongements, en politique interne,
dans la propension manifeste au
compromis, voire au consensus et à la
paix civile. En effet, il y a eu remarqua-
blement peu de moments révolution-
naires au cours des derniers siècles. […]
Ces régimes ont bénéficié d’une grande
stabilité institutionnelle [...]. Ces
démocraties se sont distinguées par leur
tradition de transparence, de respect des
droits et d’innovation, ainsi que par leur
faible exposition à la corruption. [...] Le
dernier thème, et non le moins important,
c’est évidemment la conciliation de
modèles de capitalisme innovants et
dynamiques avec des systèmes de
sécurité sociale universalistes et
extensifs, qui font que ces pays restent
les plus égalitaires au monde, tout en
étant aussi parmi les plus prospères.
Yohann Aucante, Les Démocraties
scandinaves, Armand Collin, 2013
Dangers et dérives de la démocratie
Viktor Orbán, né en 1963 est un juriste et homme d'État
hongrois. Membre du Fidesz-Union civique hongroise
(Fidesz-MPSZ), il est Premier ministre de Hongrie de 1998 à
2002, et depuis 2010.
Christine Lagarde, née en 1956, est une personnalité
politique française, avocate et femme d'affaires. Elle est
ministre de l'Économie de 2007 à 2011, ce qui fait d'elle la
première femme à occuper ce poste dans un pays du G8.
En 2019 elle devient présidente de la Banque centrale
européenne (BCE) ; première femme à occuper ce poste.
Marcel Gauchet est un philosophe français né en 1946.
Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences
sociales, il fut rédacteur en chef de la revue Le Débat, l'une
des principales revues intellectuelles françaises, qu'il a
fondée avec Pierre Nora en 1980 et qui a disparu depuis.
Pierre Rosanvallon, né en 1948, est un sociologue français.
Ses travaux portent principalement sur l'histoire de la
démocratie et le modèle politique français. Il occupe depuis
2001 une chaire au Collège de France.
Questions
1 Quelles sont les particularités du
populisme ? En quoi est-il ambigu ?
2. A la naissance de quel nouveau
phénomène politique assiste-t-on ? Quels
dangers pour la démocratie présente-t-il ?
Comment peut-on lutter contre ?
VOCABULAIRE Conclusion
Aristocratie : gouvernement dʼun petit nombre de
personnes considérées comme « les meilleures ».

Oligarchie : système politique dans lequel le


pouvoir est détenu par une élite.

Res publica : littéralement « la chose publique ».


Ce terme peut désigner le bien public, la
communauté politique, l’État ou la patrie.

Bien commun : notion héritée d’Aristote. Le bien


commun est le bien de l’ensemble de la
communauté, ce qui profite à tous. C’est aussi un
critère du bon gouvernement.

Diète : assemblée de nobles, d’évêques et


dʼautres seigneurs, ayant pour rôle d’élire ou de
délibérer sur des questions importantes (impôts,
successions, etc.).

État-providence : État qui aide les citoyens par la


mise en place d’une protection sociale (assurance
maladie, chômage, assurance vieillesse, etc.).

Social-démocratie : système politique


démocratique qui allie l’État-providence à une
économie de marché fondée sur le libre-échange.
Taïwan nous rappelle ainsi que l'ambition démocratique, ce n'est pas qu'un truc de bobos
occidentaux.

"Le dessous des cartes. Le retour de la guerre", par Emilie Aubry et Frank Tétart (Tallandier, Arte
éditions, 223 p., 18,90 ¤).

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