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A – Mise en contexte
Document 1 : Les réformes de Clisthène (507 avant JC) et la mise en œuvre de la démocratie
Dans cet extrait, l’historien Thucydide met en scène l’oraison funèbre prononcée par Périclès pour les combattants
athéniens morts durant la première année de la Guerre du Péloponnèse.
« Notre régime a pris le nom de démocratie parce-que le pouvoir est entre les mains du peuple et non d’une
minorité. Mais si, en ce qui concerne le règlement de nos différends particuliers nous sommes tous égaux devant la
loi, c’est en fonction du rang que chacun de nous occupe dans l’estime publique que nous choisissons les magistrats
de la cité, les citoyens étant désignés selon leur mérite plutôt qu’à tour de rôle. D’un autre côté, quand un homme
sans fortune peut rendre quelques services à l’Etat, l’obscurité de sa condition ne constitue pas pour lui un obstacle.
Nous nous gouvernons dans un esprit de liberté, et cette même liberté se retrouve dans nos rapports quotidiens,
d’où la méfiance est absente. […] Nous obéissons aux magistrats qui se succèdent à la tête de la cité, comme nous
obéissons aux lois, à celles surtout qui assurent la protection des victimes de l’injustice […] »
1
Dème : circonscription de base de la démocratie athénienne. Il y a trente dèmes sur le territoire d’Athènes (10 sur la côte, 10
dans l’intérieur, 10 dans la ville-centre). Avec un dème de chaque, on compose les 10 tribus d’Athènes.
2
Deniers de l’Etat : l’argent public
3
Esope : auteur de fables grec
II – PARTICIPER OU ETRE REPRESENTE : DEBAT AUTOUR DE LA DEMOCRATIE INDIRECTE
A – Mise en contexte
1°) Le contexte historique : la France après 1815, un pays marqué par la Révolution française
La liberté des Anciens4 consistait à exercer collectivement, mais directement, plusieurs parties de la souveraineté
toute entière, à délibérer, sur la place publique, de la guerre et de la paix, à conclure avec les étrangers des traités
d’alliance, à voter les lois, à prononcer les jugements, à examiner la gestion des magistrats, à les mettre en
accusation, à les condamner ou à les absoudre ; mais en même temps que c’était là ce que les Anciens nommaient
liberté, ils admettaient comme compatible avec cette liberté collective l’assujettissement complet de l’individu à
l’autorité de l’ensemble. Vous ne trouvez chez eux presque aucune des jouissances faisant partie de la liberté des
Modernes. Toutes les actions privées sont soumises à une surveillance sévère. Rien n’est accordé à l’indépendance
individuelle, ni sous le rapport des opinions, ni sous celui de l’industrie, ni surtout sous le rapport de la religion. »
Benjamin Constant, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, discours prononcé en 1819
Que le pouvoir s'y résigne donc; il nous faut de la liberté, et nous l'aurons; mais comme la liberté qu'il nous faut est
différente de celle des anciens, il faut à cette liberté une autre organisation que celle qui pourrait convenir à la
liberté antique; dans celle-ci, plus l'homme consacrait de temps et de force à l'exercice de ses droits politiques, plus
il se croyait libre; dans l'espèce de liberté dont nous sommes susceptibles, plus l'exercice de nos droits politiques
nous laissera de temps pour nos intérêts privés, plus la liberté nous sera précieuse.
De la vient, Messieurs, la nécessité du système représentatif. Le système représentatif n'est autre chose qu'une
organisation à l'aide de laquelle une nation se décharge sur quelques individus de ce qu'elle ne peut ou ne veut pas
faire elle-même. […] Le système représentatif est une procuration donnée à un certain nombre d'hommes par la
masse du peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus, et qui néanmoins n'a pas le temps de les défendre
toujours lui-même. […] les peuples qui, dans le but de jouir de la liberté qui leur convient, recourent au système
représentatif, doivent exercer une surveillance active et constante sur leurs représentants, et se réserver, à des
époques qui ne soient pas séparées par de trop longs intervalles, le droit de les écarter s'ils ont trompé leurs vœux,
et de révoquer les pouvoirs dont ils auraient abusé.
Benjamin Constant, De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes, discours prononcé en 1819
Document 15 : Des élections manipulées sous la Restauration ? Le roi Louis-Philippe distribue des
récompenses aux électeurs. Daumier, Honnêtes récompenses, 1834
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Anciens : peuples de l’Antiquité
Document 16 : La population française en 1815. Source : Insee
Population française totale 28 millions d’individus
Nombre d’électeurs 110 000
Taux d’alphabétisation Femmes : 28%
(ici, capacité à signer de son Hommes : 48%
nom)
Composition de la population Secteur primaire (agriculture, élevage, pêche, bois) : 85%
active Secteur secondaire (artisanat, industrie) : 5%
Secteur tertiaire (domesticité, professions libérales) : 10%
Taux d’urbanisation Entre 20 et 25%
(% de la population vivant en
ville)
« Jusqu’en 1847, la revendication du suffrage universel reste très minoritaire, circonscrite à de petits noyaux
républicains. Les socialistes eux-mêmes sont loin d’en faire un cheval de bataille privilégié et les libéraux les plus
avancés se contentent de revendiquer un élargissement progressif de l’électorat. […] En France, la démocratie
comme participation populaire à la décision politique a été marquée de façon indélébile par l’expérience
révolutionnaire. Durant toute la première moitié du XIXe siècle, le suffrage du nombre reste lié à des images de
désordre, à des scènes d’émeute, à des procédures expéditives. »
Pierre Rosanvallon, François Guizot et la culture politique de son temps, Gallimard-Le Seuil, 1991
La moyenne des hommes et des femmes sont également incapables de juger actuellement des choses politiques.
Elles dépassent infiniment leurs capacités d'attention et de compréhension. (...) Les femmes étant encore plus
livrées que les hommes aux forces émotives, seront emportées plus massivement encore par ces vastes ondes... La
masse électorale nouvelle en s'ajoutant à l'ancienne ne fera qu'amplifier les vibrations de l'opinion régnante ».
Romain Rolland : Le nouveau monde, 1925
« Ce qu’il y a à dire au sujet du vote électoral, peut se formuler en quelques mots : voter, c’est abdiquer. Nommer
un ou plusieurs maîtres, pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Sans doute,
les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages, et peut être ont-ils raison le premier
jour quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour à son lendemain.
N’abdiquez donc pas ! Ne remettez pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs.
Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois puisqu’ils se chargent de les rédiger, et que leur mission est
de vous faire obéir. Voter, c’est être dupe. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les
vous-mêmes ! Agissez !
Elisée Reclus, lettre, 1885 (reprise plus tard dans des affiches anarchistes).