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2) La citoyenneté

Les distinctions qui suivent et qui correspondent à une historiographie très


contemporaine sur le sujet se rencontrent notamment dans ce numéro de La Documentation
photographique de Vincent Azoulay, historien et anthropologue de la Grèce ancienne.

a) Définition abstraite, philosophique, institutionnaliste :

- " quiconque a la possibilité de participer au pouvoir délibératif et judiciaire, nous disons dès lors
qu'il est citoyen (politès) de cette cité." Aristote dans la Politique : la citoyenneté se réduit à la
seule participation aux institutions. Athènes aurait ainsi compté entre 30000 et 50000 citoyens,
tous mâles. La démocratie désigne une certaine distribution du pouvoir (archè), marquée par le
règne de la loi majoritaire. La démocratie est un cadre institutionnel assurant la participation du
plus grand nombre aux affaires communes.
- le citoyen partage cependant des droits avec d'autres catégories statutaires (métèques,
affranchis, esclaves).

b) Les historiens-anthropologues arrivent à la même conclusion par d'autres chemins : selon eux,
les Athéniens se seraient définis au travers d'une série d'oppositions constitutives - l'identité
fonctionnant en miroir de l'altérité -, dont les femmes auraient été l'un des termes, en compagnie
des Barbares et des bêtes sauvages.
c) S'intéresser à ce que peut faire concrètement un citoyen - en passant d'une approche
philosophique à une perspective sociologique.
- Les pratiques rituelles y trouvent leur place.
- Alors que dans la perspective aristotélicienne les femmes, tout comme les métèques, semblent
radicalement exclues du corps civique, ils retrouvent leur place dans cette conception élargie
(soutenue par le renouvellement de l’historiographie).
- La loi de 451 avant J.-C., votée à l'initiative de Périclès, avait instauré l'obligation d'avoir deux
parents eux-mêmes athéniens pour devenir citoyen. Le terme de citoyen est souvent employé au
singulier masculin, politès, il se rencontre aussi au singulier féminin, politis. Aristote explique que
“ dans certaines démocraties le citoyen (politès) l'est par sa mère citoyenne (politis)".
La citoyenneté s'apparentait plutôt à un faisceau, de devoirs et de privilèges, et la
démocratie plus complexe que les seules institutions.
Caryatides de l’ Erechthéion, sur l'Acropole d'Athènes

L’Athénienne : soutien sous-estimé de la démocratie ?

3) Principes de la démocratie athénienne (+ révision classe de seconde)

a) Isonomie : l’égalité de tous les citoyens devant la loi de la Cité ou la répartition égale (selon
l’étymologie). Concrètement ceci signifie égalité dans l’application de la loi et dans les conditions
d’accès au statut de législateur.
b) Isègoria : garantie de liberté d’accès et à la libre parole sur l’Agora, la place publique où se
noue la politique.
c) Exclusions : femmes, métèques, esclaves.
d) Tirage au sort : principe général de sélection des occupants des charges publiques / tout le
monde a la même chance face aux dieux.
e) Rotation des charges : c’est variable. L’épistate est tiré au sort dans la boulè pour une journée
(sorte de chef d’État), un stratège peut être réélu car c’est une fonction particulière, technique.

f) La dégradation civique :
a) Une forme permanente : l'atimie
- sanctionnait un ensemble de crimes ou délits : déserter l'armée, voler des biens publics,
déposer de faux témoignage… 
- pluralité de sanctions : l'interdiction de parler devant le peuple, de faire partie du Conseil, de se
rendre sur l'Agora, ou bien encore d'entrer sanctuaires.
- reflète le caractère composite de la citoyenneté, agglomérat de privilèges, de droits et de
capacités civique que la cité était en mesure de retrancher par morceaux.
b) l'ostracisme ne supposait pas la perte de la citoyenneté - puisque l'exilé continuait à jouir et
prétendre à l'exercice des magistratures des revenus de ses terres et réintégrait automatiquement
la communauté au bout de dix ans.
c) Les Athéniens privèrent parfois de leur citoyenneté des groupes entiers ou, à l’inverse
procédèrent à des naturalisations en masse. Définir les contours du corps civique fut un enjeu
crucial de l’époque classique, donnant lieu à des débats souvent violents entre tenants d'une
ouverture et partisans d'une clôture radicale.

C) Des critiques et des défenseurs de la démocratie :

1) De jeunes aristocrates ambitieux ralliaient le parti démocratique.


D'autres demeuraient sur la réserve, craignant la guerre entre classes, une réaction des
oligarques et la menace de nouveaux événements révolutionnaires, auxquels pouvaient encore
être opposés la tradition, la défense de la religion et des vertus anciennes.
2) La génération à laquelle appartenait Thucydide marque un tournant.
a) C'est celle qui vivait à Athènes au moment de la guerre du Péloponnèse :
- Sophocle,Thucydide mais aussi Euripide et Aristophane, plus hésitants. Ainsi que Périclès,
Hérodote, Protagoras , Démocrite, sans oublier et surtout Socrate.
- Les propos de Démocrite, et ceux de Périclès, sonnent comme une attaque avant la lettre contre
Platon. Ainsi en est-il de la célèbre oraison funèbre que prononce Périclès un demi-siècle au
moins avant la rédaction de La République. 
b) Il peut exister une critique démocratique de la démocratie, celle de Socrate qui ne s'était
attaqué aux politiciens de son temps que pour mieux dénoncer les jeunes aristocrates travestis en
démocrates qui flattaient les masses. La guerre perdue, il fut accusé d'avoir formé les hommes qui
avaient trahi la démocratie.
c) Platon, le plus doué de ses disciples, fut aussi le plus infidèle.
- Les oligarques avaient eu la légèreté de croire que la tyrannie des Trente suffirait à ramener le
bon vieux temps. Platon avait parfaitement compris que la tyrannie alimente la flamme de l'esprit
révolutionnaire.
d) Bien qu'il n'éprouve aucune sympathie pour la démocratie, Aristote la croit néanmoins
inévitable.
- Pour lui comme pour Platon, les classes laborieuses ne doivent pas gouverner. Le seul correctif
qu'Aristote apporte au platonisme, c'est un optimisme, il peut exister des changements vers le
mieux, là où pour Platon, tout changement conduit à la dégénérescence.
- Pour Aristote, trois régimes gouvernent pour le bien commun : la royauté, l’aristocratie et le
gouvernement constitutionnel. Pour le premier, si le roi agit pour son propre et unique bien, on
bascule dans la tyrannie. Dans la seconde, si les « meilleurs » confisquent le pouvoir et les
bénéfices du pouvoir, on bascule dans l’oligarchie.  Dans la dernière, si le pouvoir est confisqué
par la masse on bascule dans la démocratie. Au second siècle av., Polybe nuance en parlant
d’ochlocratie dès lors que la foule s’empare du pouvoir. La théorie de l’anacyclose donne un
ordre de succession et de dégradation de ces régimes.

D) Complément : les étapes vers la démocratie athénienne :


1) De Solon à Clisthène : la cité et le citoyen.

a) Dans la période archaïque (entre


la réapparition de
l’écriture et
Clisthène 750-500)
s’affirme vraiment la
Cité.
- La colonisation :
pour résoudre les
crises sociales
des colons partent
s’installer dans des
colonies auxquelles
il faut trouver une
constitution. On
fait des
comparaisons et
parfois l’on en commande une à un expert, favorisant ainsi une réflexion théorique
comparatiste.

- La crise de la stasis (sécession ) des classes.


L’expansion s’accompagne de classes nouvelles (plèbe des villes, endettées ; classe
moyenne) en plus des nobles et des paysans.
- L’aristocratie se divise elle-même avec une fraction qui cherche l’appui du peuple. Les
factions n’hésitent pas à faire appel aux factions équivalentes des autres cités.
- Les pauvres réclament une redistribution des terres et la remise des dettes, la classe
moyenne l’accès aux charges.
- Le régime de la tyrannie apparaît alors dans des cités développés, permettant de sortir de la
paralysie et faisant perdre l’habitude du régime aristocratique.

b) A Athènes :
- Vers 620, l’archonte Dracon impose des lois sévères (draconiennes), écrites, applicables à tous :
premier témoignage d’isonomia (égalité devant la loi).

- Solon : archonte en 594, Eupatride plutôt favorable au peuple dans un contexte de tensions


très fortes entre riches et pauvres: les dettes sont réduites et les paysans ne seront plus
esclaves pour dette. En interdisant l'esclavage pour dette, Solon instaura une protection inédite
du corps civique, creusant le fossé entre les citoyens et les non-citoyens - C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle les Athéniens firent désormais venir leurs l'étranger,
Son nouveau statut des personnes, fondé sur la richesse (quatre classes), ébranle l’ordre
traditionnel. Solon aboutit donc à une distinction juridique renforcée entre citoyens et non-
citoyens, et, parallèlement, à une hiérarchisation accentuée à l'intérieur du corps civique.
Il crée le tribunal populaire de l’Héliée.

- Pisistrate (mi-VIe siècle av.J.-C.) : correspond au schéma classique du tyran démagogue,


Eupatride appuyé sur la masse paysanne.

- Clisthène procéda à une redéfinition radicale avec sa réforme de -508 avec la


réorganisation de l’espace civique. Les anciennes structures politiques fondées sur la
richesse et les groupes familiaux furent remplacées par un système de répartition
territoriale. Un citoyen athénien ne se définit désormais plus que par son appartenance à un
dème, circonscription administrative de base de la vie civique.

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