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SotS, A DTRECTToN DE

VIICHN .HECTOR *
LAËI\NEC HURBOI\
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Génèse de I' tat, hilfien


(18 185,9)

Editions Presses Nationales d'IIaïti fI


c û{,L E c r{ t>N Ê{É nx * T F{E 1r{1',à \ T i
Sous I-a DIREcTIoN DE
MICHEL HECTOR sr
LNËNNEC HURBON

Genèse de l'Etat haitien


(1804-185e)

COLLECTION MEMOIRE VIVANTE


Juillet 2009
Premiàe publication: France.

Comporition ct Maquette de couverture:


Atcliers Graphiques des Editions Presses Nationdes d'Haitl
Illustrrtioo de couverturs Philomé obin, JeanJacques Dessdines, 30 x 24 pouces, 1959.
Âvcc l'eimable courtoisie du Musée d'Art Haitien du Collège Saint-Pierre.

Editipns Presses Netionales d'HdH


Collcction Mérnoire Vivente, iuillet 2009
Fort-au-Prince, Haïti

O Cop;night Presscs Netiondes d'tki'ti,2009.


O Copyright Fondation Meison des sciences de l'homme, 2009.

IIIBN: 97t-99935-91-78-8
DÉpôtUgd: W-07-60!'
Bibliotheque Nationde d'Haîti

Aôevé d'inpdær
iuillet 2009
aur Presses Natboales dI{rfoi
Les religio* oîiifr:îË;î.tion de l'État

LnËNNrc HunsoN

Dans l'institution esclavagiste, un rôle important sinon cardinal est assigrré


au christianisme coffune mode de justihcation de I'esclavage, mais, en même
temps, les esclaves manifestent un surprenant engouementpour les ptatiques et
croyances du christianisme, tout en conservant l'héritage des cultes africains,
notarnment du vodou. C'est une problématique bien complexe : d'un côté, en
effeg les nouveaux gouvernants connaissent déià le rôle positif rempli par le
vodou dans les luttes contre l'esclavage et craignent l'organisation de pouvoirs
parallèles à la faveur de ce culte ; d'un autre côté, I'Eglise catholique, qui avait été
la seule 1çligion imposée pendant la période esclavagiste, n'acceptait pas les
principes de la Révolution française et l'application rigoureuse des droits humains
fondamentaux exigée àtravers I'insurrection çnerale des esclaves. Double écueil
donc pour Ie nouvel Etat qui se construit sur les décombres de I'institution
esclavagfste et qui devra compter avec un héritage religieux délicat, marqué par
des contradictions apparemment insurmontables. Nous tenterons ici de porter
l'interrogation sur le statut des lsligl'ons dans ce nouvel État indépendant qui
émerge pour la première fois d'une insurrection d'esclaves, mais aussi sru ce que
le statuides religircns révèle de la nahre de lÉtat haitien.
Si I'on jette un coup d'æil sut le mode de formation du vodou autant que
sur la réception du catholicisme par les esclaves, dès le XVIIe siècle à Saint-
Domingue, on aperçoit sans peine que ces deux systèmes religieux apparaissent
effectivement très liés entre eux, au point que le regretté Gérard Barthélemy
padait de << catho-vaudouisme D, encore dominant aujourd'hui dans les
campagnes haïtiennes. Les emprunts faits par le vodou au catholicisme sont

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soient en rupture avec le système esclavagiste et en même temps qui ne rompent
en effet rès nombteux, sinon significatifs :les prières catholiques qui ouvrent pas tout à fait avec la France. Politique périlleuse, s'il en est, et en tout cas
les cérémonies, le calendrier liturg'ique, et pat-dessus tout le culte des saints et patadoxale : comment disposer d'une souveraineté réelle à Saint-l)ominguc
les chtomolithogtaphies introduites dans les temples. Que ce soit à ftavers le et fonctionner en Etat libre associé avec la France ? Toussaint va alors chcrcher
vodou ou à travers le catholicisme, les esclaves ont pu se constituer en à concentrer tout le pouvoir entre ses mains et faire de I'armée
communauté, se créer des moyens de reconnaissance mutuelle, reftouver un
- qui compte
20 000 hommes en 1801 - l'épine dorsaie de la société. La hiérarchisario'
nouveau lien sociall. La stratégie des maîtres, qui avait été de brouiiler les liens raciale (grands Blancs, petits Blancs, Mulâtres, Noirs), qui est la rnarque de la
des esclaves avec leur lignage et leuts ethnies, a donc en toute rigueur subie un colonie, est un héritage lourd pour le nouvel F,tat catla Constitution penséc et
échec évident. Le nouvel Etat pouvait-il cependant assumer à cette époque commandée par Toussaint Louverture ne se contente pas de déclarer à nouveau
une reconnaissance quelconque du vodou comme système rslideux ? Et l'abolition dérinitive de I'esclavage (articie 3 : < Il ne peut exister d'esclaves sur
pouvait-il obtenir de Rome une reconnaissance de son indépendance, étant ce terdtoire, la servirude y est à jamais abolie. Tous les hommes y naissent,
donné le contexte tévolutionnaire dans lequel cette indépendance a étê acquise vivent et meurent libres et français >). Elle prétend ailer beaucoup plus loin en
? Plus profondément, dans quelle mesure I'Etat haïtien peut-il se passer de stipulant en ses articles 4 et 5 : < Tout homme quelle que soit sa couleur, y est
s'articuler au système imaginaire et symbolique qui fait se tenir ensemble la admissible à tous les emplois. > ; Art. 5 < Il n'y existe d'autre distinction que
société et qui lui confère sa spécificité ? Autant de questions quï convient celle des vertus et des taients, et d'autre supédorité que celie que la loi donne
d'apptocher à défaut de pouvoir y répondre ici de façon exhaustive. Dans la clans l'exercice d'une fonction publique. La loi est la même pouï tous, soit
mesure où, dès la Constitution de 1801, Toussaint Louverture, gouverneur de c1u'elle punisse, soit qu'elle protège3. >
Saint-Domingue, pose ies fondations du nouvel Etat, il faudta examiner au Ces,articles représentent une radicale nouveauté et posent les bases d'un
préalable les premières mesures prises vis,-à-vis des teligrons et en quoi elles nouvel Etat, mais pour que cet Etat soit viable, il ne peut se reposer que sur
ont affecté le mode de construction de i'Etat. I'armée ; encore faudra-t-il assurer une certaine homogénéisation de la société,
s'attaquer par exempie à la hiétarchisation raciale caractédstique de l'institution
Toussaint l-ouverture et la Constitution civile du clergé csclavag*te à Saint-Domingue. Le catholicisme, en dépit de son histoire de
connivence avec I'institution esclavagtiste, sera choisi pour êtte mis au service
De l'insurrection générale des esclaves en aoirt 179I à 1801, la colonie a de la pacification des différents groupes sociaux et < raciaux >. Il nous faut
connu bien des péripéties : difficiles négociations des insurgés avec llien prendre la mesure de ce que ce choix représente en termes structurels
I'adminisration coloniale, division plus marquée entre la classe des affranchis tlans la constitution même de l'Etat. Toussaint a dti reprendre i.\abilement la
(14u1âtres et Noirs) et celle des esclaves, revendications autonomistes des co- rnême perspective de l'Église gallicane de ia période esclavagiste. Tout en
lons, guer:re conte ies Ânglais qui veulent supplanter les Français, guerre contrc
lrroclamant la religion cathoiique comme < la seule publiquement professée >
les Espagnols et finaiement guerre lancée par Toussâint Louverture et (Ârt. 6), il prescrit que < seul le gouverneur assigne à chaque ministe l'étendue
Dessalines dans le Sud contre les Mulâtes. Dans son ouvrage céièbre intitulé tlc son administration spirituelle, et ces ministres ne peuvent jamais sous un
Toussaint Louverture et lesJacotrins noirs, C. R. L.James dresse un bilan de la rurrcun prétexte former un corps dans la colonie > (Art. 8). Mais comment
situation à Ia veille de 1801 : < Sur 30 000 blancs que ia colonie comptait err lrouver un clergé qui accepte de telles conditions ? Car les prêtres en exercice
1789, il en restait X0 000. I-es autres avaient été tués ou avaient émigré. Sur lcs rlans ies paroisses ont subi les conséquences de finsurrection générale de
40 000 Mulâtres et Noirs libres, il en restait enviton 30 000, et un tiers des 50 1791 : ceux qui ont choisi de soutenir tres insurgés ont été soit exécutés, soit
000 Noirs avait peut-être péti ; Les plantations et les cultures étaienr .bligés de fuir la colonie ; quant aux religfeuses, plusieurs d'entre elles ont été
complètement détruites2... > C'est dans ie contextè que Toussaint se donnc si'cularisées par le commissaire dépêché à Saint-Domingue par la Convention,
cofirme tâche de rétabLir une administration, une police et des tribunaux qui Sonthonax, dès 1794, peu après la première abolition de l'esciavage par ia Con-
v.ntion. Toussaint fera appel à l'abbé Grégoire pour quT lui procure des prêtres

1. \roirnotrc ouvrage Re[grons et lien social (2004) dans lequel nous dér,eloppons l'idéct1uc lc catholicisrrr,
come le vodou, héritage religreux africain, ont favorisé la reconstruction d'un systèmc dc r(cr)nrr.rs
sânce mutuellc et de soldarité entre lcs csciâves.
I Voir (llerrdc Moïsc (2(X)1 : 72, ct lcs commentaircs : 32 s<1. et 40 sq.).
2. \roir.famcs (19a9 ll93Ul:213).

I
()0 l()l
de la Constitution civile du clerg#. Ainsi, en 1797,l'abbé Grégoire envoie-t-il pli d'une fondation moderne de lÉtat haitien,
douze prêtes à SainrDomingue Les instructions de l'abbé Grégoire aux prêtres sauf qu,un paradoxe se laisse
o'ns la particulière difficulté
sont confotrnes aux vceux de Todssaint : < rétablir l'union entre les hommes de 9.::?j"ï quor réside la nati-o1.-{,e
t-".tul.f"
é" par le pouvoir pour réaliser
".i.o.,ta.*,
gouverneur p.,ri_ere sylbo[ser à la
toutes les couleuts ; resserret les liens qui doivent unir les colonies à la rnétropole, fois l'Etat er ræ nation er s'offrir .o*. r;."."g!9
atder àlapairfication des troubles de la malheureuse colonie de SainrDomingue5. vient en quelque sorte à manquer faute de
._""pJtî nation qui
> Mais, sâns pour autant subir les troubies causés par le développement de la reaise.ïi ."tt" t ypourar"
est acceptable, l'on dewa dire q.r. ro.r,
politique de déchristianisation déployée dans la Métropole,l'Eghse catholique
'unitédans un contexte théologico_
sorïunes
politique, au sens où le pouvoir a beau ne
demeurait une institution en crise à la fois du fait de l'éctoulement du systèrne
reconnaîfte rien au-dessus de rui, ir
serait quand même le lieu d,un transfert
esclavagiste et de l'allégeance nécessaire au pouvoir métropolitain à cause de
d,rrr po,r.roir;;ig;, ;" moment
même, curieusemen! où il rcnvoie la religion
à la conditior a. .uuorai;;;
la Constitution civile du clergé. La décision prise par I'abbé Mauviel de soutenir par rapport à lÉtat. Toussaint.h.r.h.r"?.pendant
l'atmée napoléonienne venue rétablir I'esclavage représente sans doute un l. .or.orr", de la rerigion
comme moyen de réarisation d'un .or,r.nt"-.nt
indice de cette crise de l'Ég[se en ce tournantirucial de la genèse de l'État de ra popuration à son
gouvernement et aux-lois de la société, < ra rerigion,
indépendant d'Haïti. ai.ait-it aân, o. dir.orr",
sur la Constitulion, [étant] la base de toutes
La Constitution de 1801 représente donc une véritable prise de pouvoir, les vertus et le fondement du
bonheur des sociétés >
l'expression d'une souvetaineté, un acte de volonté énonçant clairement lcita,in Moi'se [200r :100]). Les plus grands malheurs
dans la colonie aur^ieni été causes pL
qu'existe désormais cette entité, Saint-Domingue, laquelle dispose d'un a.t.rrJir-"rt;J;i;"n et sans
m*urs >. On devine ici sans peine que"la religion
po,rr To.rsrînt ne peut
territoke propre bien circonscrit, d'une loi mère à laqueile tous les indrvidus j3*T ête que le carholicisme,i" prot.rt ere u""îia. h colonie
en tant qu'égaux et semblables sont assujettis. Cependant, il se trouve que 'tir-Ë "y"rit
qtryr la publication du code noi" d" 16g5,I'année
tout le pouvoir repose essentiellement suf, un homrne, Toussaint Loqverture, de la révocation de lÉdit
de Nantes ; de son côté.le vodou n. po,rrr"it
seul garant et seul lieu de cette souveraineté. Il oblige tous les individus à se guère encor" àt .orriaé.e
conune religion, il apparaît seulement ô--" "
dËs d"nses q,rr ào.r.r.rra ri.,, l
sitoei face à lui qui représente désormais l'État, mais aussi la nation, laquelle des < assemblées séd]tieuses.> (d'après
était déià posée de manière inchoative dans l'acte de I'insurtection générale
Èèàa" noir de l6g5) ou comme pra-
tiques et croyances de sorcellerie rgyr r"
plume des premiers'.i-rriq,r..rr.. a.
des esclaves de la nuit dt 22 au 23'aoit 1791,, mais qui cette Fois est devenue la colonie et dans la plupart des arrêtés,
palpabie dans la Constitution de 1801. Il y a là, semble-ril, quelque chose
lol et règl"me"" p"ule, ." métropore.
Plusieurs auteurs, parmi.lesquels des romancicrs
d'irrér'ersible, et l'on peut déjà augurer que l'expédirion de Leclerc d'environ comme Madison smart
Bell (2000) etJean-crrude Frgnoié
40 000 homrnes en 1802 pour rétablir I'esclavage sera à l'avance vouée à l'échec. èooo),f,ré..n,"n, Toussaint comme un (
docteur-feuilles >, parfois mêLe .oà-"i'
oungan (ou prêtre_vodou), en se
En revanche,.on peut à titte d'hypothèse se demander si on n'est pas et.r basant la plupart du temps sur le rôle de <
docteir-f".rilË, > quî Jest donné
présence d'un phénomène técurrent dans l'histoire pol-itique du pays pendant auprès du chef des esclaves insurgés d'aoirt
1791,re< docteui-fe"r'*, it"rrt
les deux derniers siècles, à savoir une confusion enffe le chel du gouvernement un guédsseur qui connaît les verrui thérapeutiqu.r
et la nation, chaque fois qu'on tente de déhnit la souveraineté nationale. Certes, ao pr*r.r, Àt q,ri
acquis son don de guédsseur dans d., èrr.s
Ët a. qrràqu. f"ç"r, gra.e^,r"^rt
à un
on sait depuis la déclaration des Droits de I'homme et du citoyen de 1789 qut' contact avec le monde dit < invisibre >, soit donc
avec les ancêtres ou res morts
< Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Ntrl récents, ou encore des < esprits > du vodou.
corps, nul individu ne peut exercer d'autotité qui n'en émane expressément >
Aujourd,hui .**., .rrr. ,r.,,a
distinction existe entre les àocteurs-feùilles et
res prêtrer-r.oJorr,'-"is il est
(cité in Mairet [1997 :103]). Si l'on admet avec Gérard N[airet que la natit.,rr très rare qu'un docteur-feuines se montre
est unité et que I'Etat est la souveraineté en acte de la nation (ibid.), on doil
hostile au vodou. Toussaint ne
manquefa pas cependant de poursuivre
certaines assemblées de voàouisants,
reconnaître qu'avec la Constitution de 1801 on se trouve devant le fait acconr pour.des raisons qui, semble-t-il, étaient loin
d,être ,.tigr..r."r, .", l. '.rodo'
dont il connaissait le rôle dans les révoltes de
la fin n d., ivltt.'riè.I. porrrr"it
être un lieu de fonctionnement de petites
républiques parallèles au pouvoir
central' La préférence pour le catholicisme
cornme .àtgiâ., ,., ,.rr.il. de r,État
.1. l)our plus d'inf<rrmations sur le rôlc dc l'abbé Grégouc dans l'itablisscmcnt d'unclcrgé c(x]slitutr(n)nr 'hst( allait de soi et ne soufirait aucune hé.i;;;;"
r.n Ileiti, r'oir notrc l{cligons ct licn social (2004), ct bien cntcndu Yvcs l:}tnot (2(X)5 : 2t14 29,1) srrr regard de Toussaint.
I'elrlxl ( )régoirc clélcnstur dc la causc dcs Noirs, dans Lcs Lumièrcs, I'csc)avrgc, h colrrtisati,rrt.

;r'rrilrttx t, v,,rr I )t lrit rr (lr.)fll). (' l'irrrrrrlts'r.rri.rschr-rritlrrtrrrs,<'ir.nsltpr:rcI)trtcrtrc(1(r(16),rcpèrcLabat(1726).

l
().)
l() I
Art. 30 : < Nul ne peut être conftaint de concourir, d'une mantère laquelle un concordat sera finarement
signé en&e le vatican et lÉtat, que Ie
quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte, ni d'en observer les jouts pays connaîtra une relative stabiritl_du-régi;e
poiitique, à ,^rroi",rrr.
r.publique.
de repos. > Cette Constitution a été particulièrement appliquée pendant les En.attendant,'pour.rr,raintenir l'Indéfrendance
et assuref la souveraineté
années d'instabilité politique qu'a connues le pays aptès la présidence de Boyer, nationale, le chef de l'État devient, .o--.
le dit avec justesse claude Moïse,
considérée conune une période de despotisme. Le régime de Faustin Soulouque < la clef de vorîte du régime politique
> (Àdoise, 19gg : 63). Il n,apparaissait
uniquement coûrme le represent""t aà h n^iorr, pas
(de 1849 à 1859), qui s'est fait sacrer empereur sous le titre de Faustin ler, a en
a""J r^-fi"iirr des cas il
vain cherché à relancer les négociations pour un concordat avec Rome, laquelle prétendait se confondr. â-r.. la nation et remplissait
divers iôres, à ra fois
I
s'est bien gardée d'accorder une quelconque reconnaissance du gouvernement militaire, policier et administrateur. Lrnstrrrction
prrbriqrr. oni*selle n,était
de Soulouque et de l'Indépendance d'Harti. C'est que Soulouque entend mettre pas encore au rendez-vous, sauf dans le
royaume àe christophe où perçait la
l'Eglise totalement au service de son pouvoir absolu, et qui plus est, il parvenait problématique de I'instruction pour tous,
tependant encorJi"i' a. devenit
à instrumentaliser à la fois le catholicisme et le vodou en faisant d'une rumeur une réalité. En définitive, làs chefs d'É,tat a,,
d'Indépendance n'ont pas pu compter sur l'Egrise
p..-r.rî.mi-.iè.le
d'apparition de la Vierge sur un palmiste en plein cæur de la capitale le signe cathorique, et encore moins
de son élection par les dieux à la couronne d'empereur. C'est justement à sur le protestantisme, po,ri dorrn.i d.s forrdaion.;r;il,Ë;."ôr,
surtout la tendance des Ég[ses à l'autonomie ."^lgr,"it
partir de cette époque qu'a été inauguré le célèbre pèlerinage annuel de la de fonctiorrrr.-..r,. Lgs rap-
localité de Saut d'eau, également appelée Ville-bonheure, où lesfidèles ports contradictoires toujours ambivalenrs enrre l,Éta; ;;l;, Egrises.
-et
L'institution centrale, de
catholiques peuvent en même temps honorer les divinités du vodou. Toussaint Louverrure (1s01) à ili;"q"; (1g59), au
Pendani les premières décennies de l'Indépendance, l'État haitien se servigg d'une,pacification de la population
sera plutôt l,armée. É" ,o"ti. a. h
préoccupait de consolider son indépendance à une époque où tous les pays çondition esclavagiste entrainait un rupport spécifique ;;;"L Jrl, h
environnants demeurent encore sous le régime esclavagiste et colonial. Il ne t. paysan entendait de.o.-ri. travailler ^" -.r*.
LT "?".".au d,abord pour lui et
pouvait être question que de liberté surveillée pour les cultes. L'Eglise catholique repugnalt à se voir nvé de force sur. de grandes
plantations pour la'producdon
était recherchée pour les fêtes officielles pâr tous les gouvernements de de denrées d'exportation dont l'État"et les nouveaux
grands propriétaires
Toussaint Louverrure à Soulouque, comme si on considétait le catholicisme avaient besoin. Tou_s_les gouvernements émit"ni
contraignantes
a", airp"ritions
comme la seule religion susceptible de faire passer Haïti pour une nation l'égard des nÀrreaux libres, comrne par excmple
à
l,interdiction
moderne et civiliséelo. Une telle,Eglise devait être une Eglise nationale, du vagabondage, afin d,empêcher l" ..rrrti'uutio"
d";^r;;;;ilil
pour l'esclave à fuir les phÀtations et les atcricrs
consistait
totalement dédiée au service de l'Etat et aider surtout à la pacirication de la et c1ui, depui, fï.,âép..rd".r..,
population, d'autant plus que le pays était régulièrement secoué pat des révoltes signiliait la tuite pat r.ppo.t à rout cc qui rcpréscn,riiiÈi".
oourer que |Etat rencontrât justcment des
ô;;i, donc se
plysannes et des luttes violentes enffe les factions politiques. La fragilté de cLfficuhés à s,imposer auptès de
I'Etat se laisse découvrir à travers les différents systèmes politiques mis en toutes les couches de la population, en parriculier
auprès d; ;i;;paysannes.
æuvre : république, royauté, ernpire. C'est seulement à partir de 1860, date :i Il ne semble pas inutilè ,à,r. .."ppà.t d'examin'er r" po.ruorr-q,rioccupa re
vodou dajrs la production du lien social au regard
d., pro..rrr* i. .orrro,r._
tion de I'Etat en HaTti.
Dès les premières années de l'Indép-endance, le
clergé catholique s,était
rnontré rolérant vis-à-vis des pratique. à,., .rodo..,
, h tË;";;;;r;rêftes en
9. Sur le pèlerinage de Saut d'eau, voir Laguerre (1989) qui montre avec précision les liens entre religion ct service étaient, il est vrai, très souvent sans
attaches n'o-.,,^.rtais que de
politique noués autour des rurneurs d'apparition de la \rierge et de la fondation de Saut d'eau comn',' lcur côté les dirigeants hartiens cherchaient à ^rr..
travers des missions dipromatiques
centre de pèlerinage catholique, investi massivement pr les vodouisants sous l'empire de Soulouqrr<' à favoriser une implantation officiele de l'Égrise
(1847-18s9). dans h ptr. ôirr, ,o,r, t.,
les campagnes rurales ., p"rt.i..rliir, faute
10. Sur les difficultés d'aboutir au concordat très recherché cependant par l'État haitien, voir Trouill,t lill 1?1 de;é;;, iË; ;;
(1986 : 51) : a De 1804 à 1860, I'absence de liens officiels avec Rome renforça le mepris de I'Occitlcrrt lx)uva't assuref sa présence. La tendance de la paysann.rie ét^ii à la recon_
structioî d'un système de production et d,écËa;g.
chrétien pour Haiti... Le mépris de Rome coûta cher à I{uti, et sur le plan du développement intcmc, r r
sur le plan intemational... > Voir aussi dans notre Religions et lien social (2004 : 149) les explications tlrr,' rassemblant une famille éraigle ou plusieurs
,";;;;.p1.. aorrra
familËs sous ra air'..tio' a,rr'
nous foumissons sur les positions de Rome pâr rapport à I'lndépendance d'Haiti ; on se râpp()rt( rr <'lrcf dc famille en même t"mpr .Ë.f religieux.
spécialement aux p. 139 sq. relatives au conflit qui opposa le président Boyer en 1t121 à Mgr (iftrry, ce sysrème, uppJe lakou,
r',rrstrtuait-un licu propice à la-reprod.,.tion d.,
cnvoyé par Rome et soupçonné de soutenir lcs visécs colonialcs sur I I'.-iti. l,'histoncn llcaubrun Artftrrrrr pr^tiq.r., ., .t5ùr.", a'
(ltl60: l5fi) cr<>it que la mission dc Mgr Ol<>ry a éti'orclonnéc tlcpuis h cour dcs'l\rilcrics crr r<rrrrrl v,tlrtrrr. (l'cst airsi cluc l'individu retrouvait la solâaritéïgr^gèr.É
obtenait
rvcc ll<xnr'.

I 1)'l
l(Xr
Etats-Unis d'Amérique [...]. Les Haïtiens disaient que ces papiers, c'est le
une certâfure sécurité pout les services que l'État ne procurait pas toujours en
mot, étâient faits pour les pays étrangers, afin qu'on y crut que nous étions
ce qui concerne les naissances, les funérailles, la sécurité des titres de ptopdété,
comme les autres peuples civilisés. (Ibid. : 109.)
la transmission de I'héritage. Dans les villes, les prêtes catholiques
collaboretont avec les prêtes-vodou, sans doute parce que les càtholques
La vision de l'État exprimée ici nous donne à penser les difhcultés de
eux-mêmes étaient attachés au double système catholique et vodouisant, cela
fond,rencontrées par les premiers chefs d'Etat haïtiens dans la construction
d'autant plus que n'existait pas à cette époque de hiétarchie catholique offi-
de I'Etat indépendant d'Haïti. Inutile de faire appel à la théotie qu'on peut
ciellement teconnue.
estimet déjà vieillie de l'État comme exptession d'un groupe ou dLrne classe
sociale avide d'exploiter et de dominer les masses d'anciens esclaves devenus
Uambivalence de l'État vis-à-vis du vodou
paysans. Cettes, on est encore loin à cette époque, un peu partout dans le
monde, d'assistet à la réalisation d'un Étrt à. àroit. Dans ie cas de l'État
Les considérations de Thomas Madiou sur le vodou, dans son tome 5 sur
haïtien, ce qu'il conrrient de soulignet, c'est le caractère ambivalent et ambigu
l'histoite d'Haïti (IMadiou, 1987,5 : 705-712), peuvent nous aider à pénélter
de l'Etat vis-à-vis du vodou, à partir de quoi l'on peut éventuellement saisir
plus avant la question de la place ds5 lsligions dans la construcdon de I'Etat
toute la complexité de la construction de I'Etat haïtien. En effet, la plupart
haïtien. L'historien s'est d'abord laissé aller à tous les ptéiugés véhiculés par
des chefs d'Etat furent tântôt tolérânts, tantôt intolérants à l'égard du vodou
les colons et les voyageurs sur le vodou, quI assimile à des danses < horibles
> pratiquées par des (< sectateurs... excités par des liqueurs aphrodisiaques et ; même quand ils prétendaient par des arrêtés interdire la pratique, une
enivrantes ) et qui se livrent à < des scènes d'anthropophagie >. Le vodou,
interprétation politique (et non religieuse) du vodou prévalait, dans la mesure
poursuit-il, disposerait de < démons > qui sont < des malfaitsurs intelligents >>
où le vodou donnait lieu à l'otganisation de pouvoirs parallèles à I'Etat. Mais
en même temps, le vodou renvoyait à un ordre symbolique qui venait organiscr
et qui suscitent < des violentes passions >. Mais il a su en même temps rendte
compte de l'ampleur des pratiques et croyances du vodou dans la premiète et scander la vie quotidienne, et assuter aux individus un licn social. Sous ce
moitié du XIXe siècle. Selon lui, la pratique en était génétalisée dans toutes les rapport, I'Etat semble avoir présenté un caractère allogène par rapport aux
couches sociales : < Se fait-on une idée de ce que c'était qu'une société ou tant normes et âux représentaticlns qui sous-tendaient lcs graticlues sociales, ce
de personnes presque de tous rangs pratiquaient cette 1sligion... > (ibid. : 106). que souligne le propos de Madiou quand il cornparc l'litat à des < papiers >
De même, il parvient fort bien à souligner I'importance du syncrétisme faits pour < les pays étrangers >. L'Etat aurait donc eu une faible prise sur la
catholico-vodou: population, Or, les chefs d'Etat de 'Ibussaint l-ouverture à Soulouque ont
èhêrché - mais sans vraiment y parvenir - à s'appuyer sur l'Églse catËoLque
Bien des gens très pieux, ennemis déclatés du Vaudou, voyaient en tant qu'institution capable de favoriser une homogénéisation nationale et
cependant en lui I'ange déchu, le démon et lui faisaient des sacrifices pour en même temps la reconnaissance effective de l'indépendance du pays en
n'être pas I'objet de ses séductions... On baptisait ses enfants, on allait à Europe. On doit toutefois signaler le rôle capital joué par l'abbé Grégoite
confesse, on communiait [...] on faisait des services funèbres, mais sur le pour aider le nouvel Etat haïtien à trouvet un clergé capable de servir la cause
terrain des évangilês vivait en fait, sous les formes chrétiennes, le dieu de la Révolution hartienne. Après l'envoi à Toussaint d'une douzaine de prêtres,
Vaudoux... (Ibid. : 106.) Grégoite ne cessa jamais de suivre l'évolution de la Révolution haïtienne et
d'assurer sa défense à travers sa revue, la Chroniquç lsligieuse. Cettes, il eut
À partir de ces notations sur le vodou, Madiou en vient à attirer l'attention des déconvenues non seulearent de la part des chefs d'Etat haïtiens, mais
sur le àécalage qui existe entre l'État et la culture du pays : aussi de certains prélats comme l'évêque Mauviel qui allait trahir, lots de
l'expédition de 1802,1a cause pour laquelle il était envoyé en Haïti. L abbé
Presque toutes les lois, tous les arrêtés, ainsi que les comptes-rendus Grégoire tenta également de soutenfu Christophe, mais sans pour autant ac-
officiels, étaient sans propos, sans ptendre en considération les mæurs et les cepter le retournement de la république en royauté.Il semble avoir été meurtri
habitudes du pays, copiés sur ceux de la France, quelque fois sur ceux des et déçu pat l'évolution politique du pays, mais sans jamais cesser d'accotder
son soutien à la sauvegarde de l'Indépendance et à la lutte antiraciste dans
laquelle il considérait Haïti comme un phare pour les autres nations des
Amériques. Face aux hésitations cie Rome pour réimplanter I'Eglise dans la
nouvelle nation haïtienne, Grégoire plaida très tôt pour la prépatation
Il. Voir lixrvnlic colltclil- l)rysans, syslimt et cnsc (19ti7, 1 : 154)

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I t99
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Prince, Éditiotr. Henri Deschamps. communiquer. Ils expriment des idées et envoient des messages qui sont reçus
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17 > in der Karikalar de signes et vise à la communication, feste tfibutaire de I'histoire de la société
Honoré Daumiers, Hamburg, Hans Christians Vetlag :95-126. à laqielle elle appartient. Dans I'histoire de l'anthropologre, Franz_Boas fut le
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La farllite des classes dirigeantes, Montréal, CIDIHCA. déieloppée. C'est le concept de relativisme culturel (< cultuml telativism >)
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Pi n ce, Édittons Henri Deschamps. américain de Lewis Henry Morgan, et l'école diffusionniste de W H. R. Riv-
TROUILLOT, Michel Rolph, 7986,12s racines histoiqau de lEtat daaaliéien,Pott- efs, Gfafton Elliott Smith et William J. Perry, etc. Les vicissitudes historiques
au-Prince, Éditionr Henri Deschamps. ont donné naissance au concept d'acculturation développé par Melville Jean
Herskovits dans son livre, Man and his Works, traduit cofiune Les bases de
l'anthropologie culturelle en français. Ainsi, dans le cas de la culture hartienne,
rotr inlslligibilité, c'est-à-dire son être communicatif, son sens, pouf fester
dans les li-it.t de la pensée boasienne touiouts actuelle, demeure dépendant_e
de l'histoire do p.nple hartien. La réserve sémiologique et sémantique qui
recèle la réserve de iens du pays, donc sa communicabilité, a commencé en

l. P Guiraud" La sémiologie, Paris, PUR 7977 :29

204 205
n'est pas conforme âux normes génénles de la culture, l'individu devient objet
Afrique d'où a été déracinée et déportée la majorité de la population, dont de soupçon.
l'interaction avec le nouvel environnement multidimensionnel, corrune nous Chez les Adja Fon du sud du Bénin, la bouche (nu) d'où sort la parole
l"avons décrit plus haut, a donné naissance aux institutions maieures du pays, (gbe) est particulièrement un organe sensible. C'est un organe d'expression
notamment la langue ctéole, 1x 1çligion et spiritualité vodou, la famille, dont ia valeut est double car elle loge la bonne (dagbe) et la mauvaise (nyanya)
l'économie locale et l'art. Cela a commencé d'abord en Afrique d'où sont patole. La p arole es t dynamique. Cà dynamir-. . *or..ntre dan s deux autres
venus les pionniers de cette culture, puis a continué sur le continent américain, éléments logés dans la bouche, le souffle e (agbôn) et la salive, spécialement le
et d'abord dans les Caraibes, dans la rencontre avec ce nouvel envitonnement, crachat appelé atàn en aja fongbé, qui est la salive (craché en créole), mucosité
physique, social, métaphysique, teligreux et spirituel. Nous n'ignorons pas rejetée par la bouche. Ces deux éléments, le souffle et la parole, peuvent signi-
i'.*isten.. d'autres contributions, indienne, européenne ou nord-âméricaine, Frer ou la bénédiction (dexixo, mot à mot ( frapper la parole > puisclu'on
mais nous voulons ici affirmet et conftmer que si toute culture est uri en- prononce cette patole spéciale fubel ou mot en taparit des mains), ou la
semble de signes et si ces signes sont porteurs de sens, en raison de l'histofue malédiction (nudido or nududo, mot à mot ( applique la bouche >). l,a prièrc
d'Harti, c'est de lâfrique qu'il faut partir pour comptendre la culture hartienne elle-même se dit dexixo, action de frapper la bonne parole. Il existc la rnêmc
puisque les masses haitiennes sont l'auteut du créole, la langue padée par la croyance en Haïti quant au dynamisme du souffle et de la parole, dc bérrédiction
totalité de la population, du vodou qui est plus qu'une lsligion mais comme ou de malédiction de cet orifice qu'est la bouche. Si une mauvaisr: ;rarolc cst
1oo1s 1çligion promeut une cosmologie et une spititualité. lancéeenHaïti, lesgens disent<<pametedio/u/asumwen>,<n'ap;rlirlucl)astâ
Nous nous contenterons d'ébaucher quelques âspects attachés à la no- mauvaise (pout employer ufl mot décent) bouche sur moi ; nc tn(: jcttr'pas ta
tion de la personne. Cette analyse montfefa combien le concept haitien mauvaise parole >. Le signe et le signifré Adja Fon du Bénin sc s()trt consr:rvés
d'homme s'enracine dans la radition afuicaine. en Haïti. On rend malade et on guérit par la parole. On bénit orr rnaurlir par la
Nous ne prétendons pas partir de den. Nous reconnaissons la valeur des patole. Au Bénin comme en Haïti, on croit à la vettu dc la bouchc: clu pctit
travaux de nos devanciers, tels ceux du feu DrJean Price-Mars (7928), auteur matin qui n'a pas été lavée, désacralisée pâr l'eau. Cettc bouchc-là qui s'est
du livre Ainsi pada I'Oncle, lequel nous a tous inspirés dans la découverte de
^srrzanne renforcée durant la nuit en se gardant de l'air pollué du jour cst particulièrcment
notre identité nationale ; d. Comhaire-Sylvain, de toute l'École
fertile en patoles de bénédiction ou de malédiction. l,c soufflc et la sal-ive de
d'ethnologie fondée parJean Price-Mars, LorrimerDenis, Emmanuel C. Paul, cette bouche sont particulièrement féconds. Au l)énin, on croit que pour que
et ceux encore de Jean-Baptiste Romain et de René Piquion, médecin. Les le vodou exauce certaines ptières, pour que certaines mag'ies @o en fongbé,
limites de temps et d'espace nous forceront à ébaucher seulement notre analyse.
wanga en créole), il est nécessaire d'en user seulement si l'on est resté < atanfn
La notion de personne est au centre de la compréhension de toute anthro-
pologie parce qu'elle est au cefltre de la conceptualisation de I'homme, du fn >>, c'est-à-dire le matin, au lever, avant de s'être lavé la bouche, avant d'avoir
pris toute noutriture liquide ou solide, avant d'avoir adressé la parole à qui que
monde, de la société et des autres qui partagent avec soi la même humanité.
ce soit. Ainsi, on ne pade pas à ou ne salue pas quelqu'un sans se laver au
La personne en ce.sefrs nous renvoie à l'être humain comme conscience et
préalable la bouche, au Bénin comme en Harti. En Haïti, on appelle aussi cette
inconscient, c'est-à-dire à l'être de relation que nous sommes' relation de soi
bouche néfaste < diol bàkè >, diol balonùn. Si les enfants saluent leurs parents
avec soi, de soi avec les autres, avec le monde comme objet, événement et fait.
avec une telle bouche, les parents leur disent, a/ laue diàl bokè u /a anuan u di
La culture forme ce sens de soi, cette perception de I'intériorité et de l'extériorité
mwer bonl'u.Laparole est dynamique, c'est-à-dire ptoduit son effet, comme la
comme pefsonne.
bouche elle-même.
En Afrique, cette conception de l'êtte humain comme conscience et
Chez les Adja Fon du sud Bénin, la fontanelle, au centre du sommet de la
inconscient prend naissance dans la perception'du cotps. Le corps est soi. Il
tête, appelé ahonmé en fongbé (< crâne dedans >), est sacrée. C'est là que siège
est une totalité où s'otigine I'identité et l'unité de l'être humain. Ainsi, toutes
le sè, la partie puissante et essentielle d'un être, le principe vital, l'esprit, le
les parties du corps expriment cette identité de la personne : le cæut, les reins,
destin, la destinée, en bref le soi. Le sè, c'est l'espdt qui préside à la destinée.
le ventre, le sang, les membres, etc. L'absence de l'un de ces éléments, par
I-à se situe la vie par excellence. On ne touche pas une personne à cet endtoit,
exemple un ceil, une oreille ou un pied, est considérée métaphoriquement de
spécialement les petits enfants. Si on le fait, c'est qu'on est sorcier, on veut
mauvais augufe. L'élément qui fait défaut est interprété comme nuisible à la
prendre et emporter le sè, c'est-à-dire le soi de l'individu, son esprit. Si on
totalité et à I'intégrité de l'être humain, à sa véracité comme personne. Il en est
ainsi, pat exemple, patmi les Lugban d'Ouganda. Chez les Adia l"on, lcs touche les huni (ittéralement les femmes du vodou) à cet endroit, on les
désacralise. Il faut faire des cérémonies pour les resacraliser. On les a profanées
sorciets, azeto, sont souvent tecrutés patmi les hommes stérilcs. Si lc cor;rs

2(Xr 207
d, son siège, la fontanelle (ahonne). En Harti, cette
en chassant le vodou (lro)
les Fon, une coutume très ancienne était de planter littéralement le cordon
radition continue. On ne touche pas les petits enfants à la fontanelle, on
ombilical au bord du chemin (ali). Tous les Àembres d'une famille étendue
empotterait leur gro bon ange.
(h*rn) avaient encore dans des temps pas trop anciens leur cordon ombircal
Ce terme gro bon ange nous amène à cette aufte considération. Les
planté dans le même village. Moi-mêmg Hartién, j'ai eu mon cordon ombilical
Hartiens padent de gro bon anj et de ti bon anj considérés conune les deux
planté à Saint-Mchel-du-sud où j'étais nj, et on planta dessus un cocotiet
aspects de l'âme occidentale. D'où est venue cette tradition ? Chez les Adja
Dans la radition africaine, les jambeà et les pieds sont en relation avec le
Fon, le pti".ip. de la vie est métaphoriquement appelé yè, ombre. Le yè ne se destin, la chance et I'augure. Parmi les Adja Fon du Bénin, bonne chance se
confond pas avec le sè. Le yè désigne le principe vital. Ilrse dédouble en principe
drt afi dagbe,mot à mot < bon pied >. Pour souhaiter un bon voyage à quelqu'un,
psychologique ou conscient et en prircrpe biologique ou vie corporelle. Le
on dit.mi ù ûdogbt, ce qui signifie littéralement < prendre votrelon pi.a n. I.e
pdncipe psychologique est le yè gaga (yè long). Le pdncipe biologique est le
bon pied où le pied chanceux est lié à la positionàe quelqu'un dans sa famille
yè gli (yè court). Les Adja Fon ont observé que I'ombre quand elle est vue à la
parmi ses frères et sceurs. Quelqu'un né entre deux garçoni a la chance mascu-
lumiète d'une lampe, se dédouble en deux parties. Il y a le centre qui est plus
line (sunnukpetq mot à mot < garçon ïencontrer ftpe] garçon >). pour cette
i
court et sombre. Puis il y a une frange qui est clafueLa ftange qui est claire est
personne, quand elle sort de chez elle, rencontrer un homme est un présage
le yè gaga 0"rg).Le centre sombre est le yè gli. La fuange claire est le principe favorable pour les démarches qu'elle va entreprendre. Elle échouerâ si e[e
I
psychologique, la conscience. Le centre opaque est le principe de la physique.
rencontre en premier lieu une femme. En Haïti, nous avons la mêrne tradition
Quand quelqu'un meurt, s'en va le yè gaga. Puis disparaît le yè gli, le principe de chans gann et dc cbansfanm ot4 pJe garun ou plefun.
de la vie physique. Quand le soir nous rêvons, c'est le yè gaga (long) qui con-
L'étude du corps révèle beaucoup cet héritage des Adja Fon. D'autres
dnue sa vie propre. Àinsi, quand les anciens disaient que le soir ils s'en allaient
expressions existent. Par exemple, les Haitiens disent : lwa pran /i. Les Adja
en Afrique, au pays de la terre natale, c'était le yè gaga qui partait et retoutnait
Fon disent : e û hun (ilprend uodou). Il est possible que les Hartiens disenr aussi :
au pays d'où ils étaient venus. Le yè gli est immobile. ST quitte le corps, c'est
li prar lwa. L'intérêt ici est dans le verbe prendre
la mort qui s'ensuit. Il est le. derniet à partir. Remarquez cette logique : la 0ù q* est identique dans les
deux cultures.
conscience s'en va d'abord, puis suit la vie physique, et alots, la mort est
Toute culture se compose de systèmes de signes qui s'entrecroisent, sont
complète. La tradition dit aussi qu'après la mort, le yè ne va pas tout de suite
solidafues les uns les autres et forment une unité organique, avons-nous dit au
à la rencontre des ancêtres, il reste autour de la tombe jusqu'à ce quT soit
cofiunencement de cet exposé. En ce sens, la culture est un langage dont il
congédié. C'est pourquoi on continue à déposer des mets sur la tombe jusqu'à
faut apprendre à déchiffrer les multiples codes. Les cultures ,ont
ce qu'on âccomplisse les dernières cérémonies pour ce défunt. Alors le yè qui "fti-."irr.,
tl vivaces en Haïti. Elles constituent les fondements de notre pensée qui
est encore là mange le yè des offrandes Qes Haïtiens disent nanm manjé a). Il
s'enfouissent dans le sous-sol de notre inconscient. Nous n-'avons fait
est intéressant de noter que la croyance des Haïtiens au gro bon anj et ti bon
qu'aborder sommairement quelques aspects de la culture $aitienne. Bien sûr,
anj s'enracine dans la tadition sémantique des Adja Fon du sud du Bénin. Les
il ne faudrait pas réduire cet héritage historique afi..cain seulement à celui des
traditions liées aux rêves et aux cétémonies funéraires sont la continuation de
Adja Fon du sud du Bénin. cet exposé s'est concenfté seulement sur cette
cette même tradition. On est en plein dans le prolongement de la métaphysique
pattie de lâfrique puisque c'est elle que, cofiune anthropologue, je connais le
africaine de I'homme et sa perpétuation à trâvers la diaspora d'Haïu.
mieux pour y avoir vécu plusieurs années puis essayé de la coÀprendre durant
Passons au plan de la lignée. Les Haïtiens ont l'habitude de pader de
plusieurs décades. Cet exposé n'a rait que soulever le voile derière lequel se
mové plan, mauvaise l-ignée, au sujet d'un enfant ou d'une personne Il faut
laisse entrevoir un monde de sens.
encore aller chez les Adja Fon du Bénin qui emploient le tetme krin, kunkan
pour dire lignée. L'expression nyla kun signifie < être de mauvaise lignée > ;
nyô kun signiFre < êtte de bonne lignée >. E nyo kûn signifie < il est d'une
bonne lignée >. De nouveau, I y sans doute une extension de la pensée
^
afircaine en Haïti sous des mots créoles. Chez les Adja Fon et chez d'autres
peuples afitcains,l'individu ou la personne (men)n'existe que faisant partie de
la famille étendue (hennu) ou du clan (ako). En principe, le clan définit la
personne. En Harti, nous nous dérinissons encore par la famille étenduc. Nous
reconnaissons le lieu d'origine où notre cordon ombilical a été planti'. Ohcz

201{
201)
l*
Captifs islamisés et leur héritage

JEIN RÉNero CrÉmsuÉ

La pratique mandingue est observée dans cinq localités au nord d'Harti :


Balan, Camp-Louise, Marssade, Pott-Matgot et Pignon. Deux hommes de
terrain questionnés nous ont indiqué n'être au courant du rituel mandingue ni
à Marssade et ni à Pignon. Il se peut que le rite y êtart ptatiqué dans un passé
lointain. Le père Rodolphe Arty, un descendant mandingre né à Camp-Louise,
actuellement supérieur provincial des Pères de Sainte Croix, nous a informé
que ses parents ét^ient originaires de Maïssade. N'ayaht pas encore
l'opportunité de conduire des recherches à Port-Margot, je me limite aux
techerches effectuées à Balan et à Camp Louise. Depuis le début des années
7960, l'zu été intrigué par les récits d'un de mes condisciples, Yves Bêlizatre,
sur la pratique des Mandingues de Balan qui enterent leurs morts dans des
nattes. Ma curiosité s'est intensifiée quand au début des années 1980 j'ai entendu
d'autres observateurs corobotet les dires dYves Béllzalu.e dans le cadre de
leur travail de terrain à l'Institut de développement et d'animation (IDEA).
Mais ce n'est qu'en 1996 que i'"i pn finalement cofiunencer l'investigation.
Iæ père Rodolphe Arty a eu l'amabilité de me passer une cassette contenant
le récitquI a enregistré en 1969 à Camp-Louise sur la ptatique du rite funérafue
mandingue. Le principal informateur était un dignitafue mandingue appelé :
Mor/ Baa Inan Dans son récit le mod Bwa Inan nous indique que le terme
mandingue peut avoir plus d'une acception. Il peut vouloir désigner toute la
nation haïtienne, les enfants de lâfrique Guinée, la < nanshon > (la nation),
I'ethnie mandingue ou leurs descendants. Il peut aussi vouloir dire le rite
funéraire mandingue.

1. Le terme mori signifie officiant, marabout dans la pratique mandingue.

2rr
Les descendants des Mandingues se distinguent du reste de la population avons observés en deux occasions à Balan, ainsi que le récit des mêmes rites
de Balan par leur façon d'entetrer et de vénérer leurs morts. Ils se réclament contés par le Moti Bwa Inan, font I'objet de cette ptésentation. Bwa Inan
du Prophète Mahomet et entetrent leurs motts dans un linceul qu'ils nous décdt dans les moindres détails le détoulement du rite funéraite
enveloppent dans une natte de jonc. Une cérémonie spéciale est organisée en mandingue à pattir duquel il nous permet de mesuret le poids de I'hédtage
mémoire du défunt mandingue sept mois après son inhumation, d'après culturel que les captifs islamisés noui ont légtré. De telle sorte qu'il nous faille
certains informateurs, après un an et un jour d'après d'autres. ajouter le mandingue à côté du vodou dans notre patrimoine culturel leligreux.
Ces rites funétaires sont des reflets de mythes reçus, transmis et véhiculés À Balan, il m'a été donné d'observet que des bribes de soutates du Coran
par les descendants des Mandingues en Hatti. Comme tels ils constituent un sont chantées au cours de la partie sacrée du rite. Par exemple le mori
outil important pouvant nous permettre de comprendre les processus mentaux Barthélemy Exalus, sorte d'imam de Balan se désignant cofirme le sacrifica-
en cause dans cette tranche de la population hartiennel teur et notaire du ptophète Mahomet, ouvre la cérémonie paf ces mots qu'il
L'analyse du rite funéraire mandingiiê, appelé tout simplement mandingue chante ainsi : Allah Maya labi sala la mann madi. Puis, La hilah hilah hil hilah,
par les habitués, nous permet de découvrir certains concepts purement Mamadou Rasoulay ilahi. Ce qui se taduimit selon une Mandingue de Guinée
mandingtres tels que Mori, Dèguè, Monni ayant la même signification en Guinée Konakd pat < Oh Dieu le Misédcordieux, le Tout Misédcordieux. Mahomet
Konakri, au Sénégal, au Mali et peut-être ailleuts en teritoire mandingue l'Envoyé dâllah >. Le tout est repris en chæur par ùn grouPe de femmes
zfnczltn. De tels concepts nous permettront de déceler la notion de sacré qui initiées tout de blanc vêtues
déFrnit le rite mandingue en tant que phénomène religieux. Quand ils organisent Bwa Inan nous indique que ceux qui organisent le rite mandingue disent
le rite funérùe mandingue, les adeptes disent toujouts quïs règlent les affaires toujours qu'ils règlent les affaires du Gtand Maître, les affaires du Père éternel,
du Grand Maître, les affaires du Très-Haut, les affaires du Soleil... les affaites du Soleil, et que c'est au nom du Grand Maîfte, c'est au nom du
Le mori est le < sacrificateur >, l'officiant qui conduit le rituel funéraire Soleil quïs le font. Ce n'est pas l'affafue de satan. Tant et si bien que si tu n'es
mandingue. À n , -o-..t de la cérémonie, il revêt une aube blanche et allume pas franc, si tu n'es pas sincère, si tu n'es pas puT, si tu es voué au démon, si tu
une chandelle blanche. Il est le seul autodsé à consommer et à distribuer le es loup-garou, tu ne peux y patticiper, tu ne peux boite l'eau du dèguè
monni à ceux qu'il estime dignes de le consommer. D'où son catactère sacré. impunément. Il nous explique, ce que i'ai observé en 1996 et en 1998, que le
C'est lui qui compose le dèguè blanc et rouge. C'est à lui que revient l'honneur ritè funéraire mandingue s'organise du lundi au mardi et comporte une partie
de le présenter en premier au Soleil levant. C'est lui qui mélange le dèguè profane où tout le monde peut participet et une partie que i'appelletais sactée,
blanc au rouge et en fait la distribution avant d'en envoyer le reste au dépôt àù seulement les membres de la famille mandingue habillés tout de blanc et
pour les morts. leurs invités peuvent patticiper.
I-e dèguè est composé de farine de riz, d'eau froide et de sel. Une quantité
Bwa Inan nous guide à ttavers le déroulemeqt du rite funéraire
mandingue avec tellement de précisions qu'il offte à tout chercheur familier
de riz blanc est passée au pilon dans une salle attenante pendant que le mori
de la culture mandingue en dehors d'Haïti l'opporrunité de faire le départ
conduit la cérémonie. Le monni est une sorte de mousse faite à partir de la
des ressemblances et des différences des pratiques du rite funétaire
tête de tn pné réduit en pâte.
mandingue comme expression de la culture musulmane en Haïti et ailleurs.
Au cours d'une ptemiète visite de teconnaissance faite à Balan en févriet
7996,1'îteu le privilège d'entter au cimetière mandingue de Balan. Il se uouve
Il explique comment le mandingue est une religion dont le mori est
l'équivalènt d'un prêtte. Il est différent du vodou mais est compatible avec
à I'extrémité sud du boug, à l'opposé du cimetiète convendonnel du village
le catholicisme. Le moti fait son apprentissage en suivant les faits et gestes
où la population non islamisée enterre ses morts dans des tombes et des
d'un mori plus âgé. Le plus souvent, le rite funéraire mandingue est exécuté
caveaux. Le cimetière mandingue se trouve dans un tertain fermé par une
aptès qu'un membre de la famille mandingue ait reçu en songe le message
clôture de < candélabres > et consiste en un ensemble de monceaux de terre
sous lesquels reposent des descendants mandingues. Les gens du village qui
di te fàire. Celui qui a reçu le message en songe doit aller trouver le mori
avec une feuille de papier timbté et trois chandelles. Après quoi il doit avertit
m'accompagnaient rn'ont dit que la fosse est creusée de telle sorte qu'une
le reste de la famille. Le mori écrit ses évocations aux motts sur le papiet.
galerie pelpendiculakeaucadavre soit laissée de façon à ce que le mort puisse
C'est aussi sur ce papier qu'il écrira ce que le mori Barthélemy Exalus appelle
se Pfomenef la nuit...
le testament pour l'ordonnance. C'est aussi ce papier qu'il signem avec le
Le rite funémire demeure le plus éloquentvestige de la culture musulmane
sang des bêtes sacrifiées. On fait le mandingue.
en Harti. Il est destinê à téaffirmer les valeurs et à assuter la relance de
l'organisation sociale mandingue. La description des dtes funéraites que nous

213
212
lr
Dans un langage fot imagé accompagné d'onomatopées et de mimiques,
Bwa Inan décrit les insttuments de musique tels que les tambouts, les ba-
guettes de bambou, les sons qui en sortent ainsi que la chotégraphie quTs
animent. Il mentionne quelques priètes catholiques en ftançais et quelques
sourates du Coran en arabe (apparemment) ainsi que quelques invocations en
créole qui sont récitées ou chantées. Il explique dans les moindres détaiis le
processus de pÉpataaon du dèguè et du monni, où le riz, < principale nour-
riture > des Mandingues selon Moreau de Saint-Méry (2004: 48)2, occupe une
place prépondérante. Il explique comment à l'aube du mardi un membre de 2
l'assistance vêtu de blanc est possédé de I'esprit du défunt et transmet un
message à certains membres de la famille. Y a-t-il là une influence du rite
krazé kanari du vodou ou s'agit-il d"une pratique propre au rite funémire
mandingue ? Je ne saurais le dire à ce stade de mes recherches. Le sacrifice
rituel du coq blanc en l'honneur du ptophète Mahomet est mis en exergue à Le système coutumier haïtien
côté du sâcdflce des poules et du cabri dont la viande va être prépatée, distribuée
en partie à l'assistance et déposée en partie dans un endroit déterminé pour
l'âme du défunt. Il dit qu'au moment des grandes séchetesses, dès que les
Perrucr PrERnr-rouIs
membres cotisent pour faire un grand mandingue général, il se met à pleuvoir.
Il raconte aussi que la cétémonie mandingue protège contte les tempêtes et
les mauvais temps.
Pathologie des origines
ou résistance au monisme iuridico-étatique ?

Que l'État haitien ait été saisi dans un rapport de Filiation avec l'État
français a pu sembler relever du domaine des certitudes établies aux yeux des
tenants de'cette interprétation. Dans le fil de ce taisonnemcnt, l'État émergent
aurait emprunté à son modèle de référence les caractétistiques de I'Etat
moderne. L'établissement de l'Etat haïtien, s'inscrivant dans le prolongement
de cet héritage, se setait accompagné de ce qui en est le corollaire obligé, en
I'occurrence, l'instauration d'une justice centralisée. Mais, même en adoptant
les prémisses à I'ceuvre dans une telle lecture, force est de constater qu'elle
soulève un certain nombre d'interrogations. En effet, alors que dans son destin
français, le processus de codification mené sous I'impulsion de Napoléon
devait accomplir une fonction d'intégration destinée à aplanir les différences
de castes et pour ainsi dire à suspendte des particuladsmes relégués au dehors
de l'État au proFtt de I'intérêt général, nouveau dogme des temps modernes,
de tout autre pottée semble être le pfocessus de centralisation étatique en
Haiti dans les années qui suivent I'Indépendance. Au-delà de l'économie
juridique qui en résulte, la ttansposition des codes napoléoniens, opétée par
voie de réception sous le gouvetnement de Boyer, est travaillée par des
conditionnalités propres qui débouchent suf un déficit de légitimité. Une telle
hlpothèse appelle d'office son commentaire. Le phénomène de réception
juridique qui a conduit à l'établissement du système tomâno-germanique dans
toute I'Amérique latine peut certes être perçu comme un instrument
d'irnposition d'une certaine modernité, une stratégie de I'impérialisme juridique

214 215

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èsë'dd i'Etat,'hàitiôd
(1 804:1859),, ',-.,, .,.' . ,'', ,, . ,.', ,, , ,:

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lurtstes potrr interroger les londaLions de cer l-.rar (enLre l8tt4 er l8rr0) crée a la suir.
de I'e flondremcnt d'un sr:tèmc cscJavagisr. er il ,,flrc rinsi un ensemble
cle poinrs dc
r''ue cril ;q ue q ui permt ttcn t de m ic ur comprendre les aspccts originrrx d'u n pr.cess u.
de consuuction érarique dans un Lrnirtrs rnrernadonal totalement hosrjlc
au cours cie
1r prtnrièrc moirié du XIXc siecle. Lr signlficadon de la rcrolution
haLricnnc porir
I'hisr, ,ire unir ercclJe . lc r,lle cju *rr.r.,nnrgl, er de son i.m.rginaire
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les sr:rème.:colaire. iulidiqur.. rerieieLrr. le commt.rcc, la poliLique
de clélcnsc du
tertilgiie ef le regard qul l.es temmès dani lihistotiàgraphie.haitierrr,. tle la pédode
reroluric,nnaire / l1')l
1804) srnr l.S principaux rhùmes qui sonr abordcs rn
rr'gardneut.l.ccroiscmenrdes<lillérenrcsapprochesdisciplinaireslairt]e ^,,...
cerouvrâgc
une contributj,rn indi:pcnsrblc pour I'Lnrelugbiliré,le l,acreuc.rir. a. r.g,r;,,.î,
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/tanaines dc /'['n)rvùte Ll.'L./nt d'Hùt) ,/tneml.,re tlu canilr scien/tfqtre in/ernaliona/ t/a
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Carùlte.

ISBN: 978-9:9935-91 78 8
D!pg! tégal ;, 09-07-604

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