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(1915-1934)
2. Le Clergé
Le Grand Séminaire d’Haïti, fondé à Paris en l864 et établi à Saint Jacques, en France,
depuis l894, continue de préparer des prêtres pour Haïti qui reçoit régulièrement des
missionnaires bretons, sauf quand la guerre les oblige à aller sur le front. Quelques Haïtiens
vont y étudier la philosophie et la théologie, comme nous l'avons déjà vu. En l92l, les évêques
d’Haïti fondent à Saint-Pol-de-Léon une maison d’étudiants destinée à fournir des élèves à
Saint-Jacques (Cabon, l929: 575). Mais en l920, Mgr Conan, archevêque de Port-au-Prince, de
retour de Rome qui le lui a probablement exigé, décide de fonder l’École Apostolique de Port-
au-Prince qui ouvre ses portes en l922. Les deux premiers prêtres haïtiens à en sortir, en l927,
seront les PP. Emmanuel Kébreau et Ludovic Brierre. Le recrutement se fait sans grand
enthousiasme et les prêtres en sortent au compte-gouttes. On ne s’étonnera pas qu’en l957
Duvalier se serve de ce retard pour prendre des avantages politiques pendant la campagne
présidentielle.
Pendant l’Occupation, malgré les souffrances que leur infligent la Guerre de l9l4-l9l8 et
ses suites, les prêtres bretons ne cessent pourtant de se dépenser pour Haïti. Il faut souligner
ici que c’est à l’amour de certains d’entre eux pour la population haïtienne (Guilloux, l867: l5)
qu’on doit la naissance de quelques villages du pays; c’est autour d’un curé et de son clocher,
autour du P. Rouillard, du P. Ono, du P Muzac que se sont respectivement développées les
paroisses et les communes de Camp-Perrin, de Moron, de La Vallée de Jacmel (Adrien, l993;
Nérestant, l999: l55-238.)
Voilà contenues en germes les grandes questions qui traverseront l’Église catholique d’Haïti
dans la deuxième moitié du XXe siècle et aujourd’hui encore. L’incubation se fera lentement
après l’Occupation pour paraître en pleine lumière et exploser entre l946 et l957. Clergé
indigène et missions, Vodou et Christianisme, Liturgie et culture haïtienne, Église et
engagement social et politique, Évangile et libération nationale des masses haïtiennes, la
tenure de la terre, autant de questions qui se posent depuis longtemps, qui appartiennent
même à l’essence du christianisme. Pendant l’Occupation les chrétiens catholiques et
protestants n’ont pas su y répondre. Griffiths veut montrer qu'au lendemain de l'Occupation
l'Église méthodiste d'Haïti a commencé à chercher des solutions à ces problèmes (Griffiths,
l99l: 247s) Aujourd’hui encore des conflits surgissent au sujet de ces grandes interrogations.
L’histoire avance, bouleverse parfois, mais aide au moins à entreprendre des recherches
loyales. On ne saurait prévoir de date à la solution de ces graves problèmes mais on n’a pas le
droit de feindre qu’ils n’existent pas ni de ne pas chercher à les bien poser ni de ne pas
s’engager quand ils interpellent. Les solutions viendront dans la praxis.
William Smarth