Vous êtes sur la page 1sur 5

GRANDE DOCTRINE JURIDIQUE

Sujet : "il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu."

La phrase de Jésus est devenue tellement courante qu’elle a aujourd’hui l’honneur des
pages roses de nos dictionnaires. Là où sont reprises les locutions célèbre. Ce proverbe qui
nous incite à rendre à chacun selon son dû risque pourtant de nous faire mal comprendre,
ou tout du moins de façon incomplète, les textes d’aujourd’hui.

Historiquement, le terme ‘’rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ‘’
découle dans bible dans le livre de Marc 12 :13-17, Selon l'Evangile, les Pharisiens auraient
"innocemment" demandé à Jésus s'ils devaient obligatoirement payer l'impôt à l'empereur.
Jésus leur demanda de lui montrer un denier. Celui-ci ayant été fait graver par César, le
Christ déclara : "il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu."
Etonnés de cette réponse, les Pharisiens ne cherchèrent plus à le flatter et s'en allèrent
comme ils étaient venus. Depuis, l'expression s'est raccourcie "il faut rendre à César ce qui
est à César", et signifie qu'il faut attribuer la responsabilité d'un acte à celui dont on sait
qu'il l'a commis. Cependant, une question mérite d’être posée celle de savoir, le croyant
(chrétien) doit-il se soumettre à la loi de l'Etat ? Pour répondre à cette question nous
voyons que Jésus apprécie positivement le rôle de l'Etat et il conseille aux Pharisiens et aux
Hérodiens de payer l'impôt et de se soumettre aux lois civiles. Nous examinerons
premièrement l’exclusion de Dieu dans l’appréhension du droit (I), ensuite l’influence divin
du droit (II).

I. L’exclusion de Dieu dans l’appréhension du droit

L’exclusion de Dieu par la sphère publique est une douloureuse naissance d’un droit
rationnel. D’où le principe de laïcité confronté à un entrisme religieux par l’arme de la
victimisation ou du libéralisme juridique. Jésus-Christ Sépare Dieu et César qui
représente pour le chrétien l’autorité de l’état, nous évoquerons en premier temps la
séparation de Dieu et l’Etat (A) ; ensuite la soumission de la religion aux normes
étatiques (B).

A. La Séparation de Dieu et l’Etat

"Rendez à César ce qui est à César" peut aussi signifier : "restituez à César tout ce que
vous lui devez et ce afin de ne plus rien lui devoir. Ainsi vous serez libres vis-à-vis de lui
et libérés de son pouvoir". L'Etat ne doit avoir aucune emprise sur vous car l'Etat est
l'œuvre de Satan, de l'anti-Christ. Dans cette optique, les chrétiens devraient chercher à

1
désorganiser le bon fonctionnement de l'Etat, celui-ci étant un pouvoir opposé à celui de
Dieu. Cette tradition d'anarchisme libertaire et spirituel a été féconde en particulier dans
le judaïsme des dix-neuvièmes et vingtième siècles (Bouber, Bloch, Benjamin et Bernard
Lazare). C'est en fonction de cette vision que certains juifs refusaient la création de l'Etat
d'Israël. Le passage de Matthieu 22 :21 Jésus christ proclamait une énorme nouvelle
distinction quelque chose de tout à fait différent pour l’âge de l’Eglise à venir, par
rapport à Israël dans le passé au temps de l’ancien testament. Ce passage, parmi tant
d’autres du nouveau testament, représente la base biblique de la séparation
institutionnelle du gouvernement civil de l’institution de l’église ordonnée par Dieu.
Contrairement à l’époque biblique antique de l’ancien testament Israël où le peuple de
Dieu et l’Etat ne faisaient qu’un, une théocratie ou un système de gouvernement
sacerdotal ou ecclésiastique dans l’ère à venir, Jésus s’attend à ce que les deux
institutions soient différenciées dans leurs structures, objectifs et leadership.

Au début du christianisme primitif, comme indiqué dans le livre des Actes, la séparation
de l’Église de l’État de Rome existait clairement. Ce n’est qu’au IVe siècle après Jésus
Christ., lorsque Constantin a coopté le christianisme comme religion d’État (dans sa
tentative d’unifier et diversifié le vaste Empire romain), que la séparation clairement
existante entre les deux institutions a disparu. Tragiquement, ce manque de séparation
se produit même pendant la période post-réforme. Luther, Zwingli et Calvin pratiquaient
une structure sociétale sacerdotale, à l’opposé d’une structure composite selon
l’enseignement clair du nouveau testament (cf., Matthieu 20 :20-22 ; Romains 13 :1-8 ;
1Pierre 2 :13-14). Bien qu’ayant largement mis l’accent sur la correction doctrinale de
l’hérésie liée à la sotériologie (la doctrine du salut), le réformateur n’a effectué aucune
chirurgie pour mettre fin au vieux mariage aberrant de l’Église et de l’État. Il est
important pour cette étude de savoir qu’à l’ère du nouveau testament, à l’exception des
trois premiers siècles de celui-ci, un système théocratique et sacerdotal a existé dans la
plupart des pays du monde. Historiquement, il a fallu attendre l’expérience américaine
de gouvernement, dans laquelle nos pères fondateurs en réaction à l’Angleterre
sacerdotale (où l’Église d’Angleterre et l’État d’Angleterre ne font toujours qu’un), ont
cherché une solution pragmatique pour se séparer d’un système de croyances
religieuses imposé à celui qui est né en Angleterre.

En droit positif le principe de la laïcité est une condition de la démocratie, institué en


France. Ce principe ne connait ni Dieu ni fidèle mais seulement les citoyens, l’état
français se basait sur l’état de droit en l’occurrence des articles 3 et 10 de la DDHC 1789.
La loi concernant la séparation des Eglises et l’Etat du 9 décembre 1905 est
l’aboutissement d’un long processus de laïcisation et de sécularisation engagé depuis la

2
révolution Française. Elle proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des
cultes et met en place un nouveau régime des cultes.

B. La soumission de la religion aux normes étatiques

Jésus apprécie positivement le rôle de l'Etat et il conseille aux Pharisiens et aux Hérodiens
de payer l'impôt et de se soumettre aux lois civiles. Ainsi Jésus reconnaîtrait que l'Etat est
une bonne chose. Par la collecte de l'impôt, l'Etat organise une redistribution des richesses.
Et il institue la notion de service public. Ainsi l'Etat instaure un analogue laïc et profane de
la charité chrétienne. C'est cette conception de l'Etat que l'on retrouverait chez Paul
(Romains 13). Le rôle de l'Etat est d'établir des lois et de les faire appliquer. Ces lois sont
laïques, mais en fait elles doivent être considérées comme une traduction laïque des lois
religieuses. Grâce à l'Etat, tous, croyants ou non, appliquent la loi de Dieu. Les lois civiles
suscitent une forme de régulation des passions individualistes; elles rendent obligatoire une
certaine forme de vertus "chrétiennes". C'est cette conception de l'Etat qui se retrouve
dans la "doctrine des deux règnes" de Luther. Celle-ci est souvent mal comprise. Luther ne
considère pas l'Etat comme séparé de l'Eglise et indépendant par rapport à l'Eglise. Il
considère que l'Etat est une traduction laïque des exigences religieuses. Il a donc une
fonction tout à fait légitime, même vis-à-vis de l'Eglise. C'est cette conception de l'Etat qui
se retrouve dans la "doctrine des deux règnes" de Luther. Celle-ci est souvent mal
comprise. Luther ne considère pas l'Etat comme séparé de l'Eglise et indépendant par
rapport à l'Eglise. Il considère que l'Etat est une traduction laïque des exigences religieuses.
Il a donc une fonction tout à fait légitime, même vis-à-vis de l'Eglise. Ils ont dans leurs
poches de la monnaie à l'effigie de César. Et Jésus leur dit en substance : " puisque vous
avez dans vos poches de la monnaie de César, puisque vous faites du commerce, puisque
vous participez au "règne du monde et de César", soyez cohérents avec vous-mêmes. Et
soumettez-vous au règne du monde auquel vous participez. Vous êtes bien obligés de le
reconnaître, vous ne vivez pas selon les seuls principes de la foi (refus des richesses, amour
de la pauvreté et du partage). Vous faites des affaires. Donc, puisque c'est comme ça, payez
l'impôt sur les sociétés, sur le commerce et sur les revenus.

En fait, la parole de Jésus serait une forme de concession. Il dit qu'il vaudrait mieux que
nous ne participions qu'au règne de la grâce gratuite de Dieu. Mais puisque nous
participons au monde de César, soumettons-nous à ses lois et à ses règles.

De la même manière, saint Paul dit également sous forme de concession : il vaudrait mieux
que vous restiez chastes, mais puisque, de fait, vous brûlez, eh bien, il vaut mieux que vous

3
vous mariiez. De la même manière saint Paul dit encore: il vaudrait mieux que vous n'ayez
pas de conflits entre vous et que toutes les difficultés se règlent selon les lois de l'amour.
Mais puisque, de fait, vous avez des conflits, eh bien, réglez-les devant les tribunaux.

Selon cette deuxième interprétation, l'existence du règne de César, à côté du monde de


Dieu, est une sorte de concession faite à la chair, à la faiblesse des hommes et à leur
incapacité à vivre leur foi.

I. L’influence divine du droit

S’il y’a indéniablement une historicité des structures juridiques ecclésiales, leurs
modifications s’opère dans la continuité, qui se mesure par rapport à un noyau immuable
sans lequel l’église ne serait plus elle-même. Ce noyau est le « critère d’authenticité » de
toute évolution du peuple de Dieu. Lorsqu’on le considère du point de vue juridique, il porte
l’appellation classique de droit divin. D’où nous examinerons les interférences entre le divin
et le droit (A) et la continuité de la référence au sacré (B).

A. Les interférences entre le divin et le droit

Il s’agit de poser la question de l’immuabilité du droit de l’église qui revient donc à se


demander quel est le droit divin ecclésial qui se superpose avec le droit humain. En effet, le
droit divin a notamment été défini comme « ensemble des facteurs juridiques qui ont Dieu
comme auteur et auxquels les normes du droit canonique humain sont subordonnées, de telle
sorte que ces dernières manquent complètement de valeur si elles sont contraires au droit
divin ». Il s’agit donc de la question des sources traditionnelles dont le droit humain a hérité
du droit divin. La plupart des définitions actuelles soulignent que le droit divin est à la fois
« fondement », « principe informateur » et « clause-limite » du droit humain. Le jus divinum
est aussi fondement et principe inspirateur qui stimule et indique des principes et des
orientations, qu’il reviendra au juriste et au législateur, de déterminer, mettre en œuvre en
faisant souvent un véritable travail « inventif ». Comme cette activité humaine se fonde sur
un ensemble de réalités juridiques qui sont permanentes dans l’église, il ne s’agit ni d’une
œuvre purement créatrice ; le droit divin est préexistant ni d’une simple concrétisation de
données abstraites. Le critère d’authenticité synthétise en quelque sorte, la trilogie
(fondement, principe informateur, clause-limite) qui caractérise le droit divin. Si l’on
applique cette conception du droit dans le cadre de ce sous intitulé, l’on comprend aisément
que, loin de séduire à la loi divine par exemple les préceptes du genre « tu ne tueras pas » ou
« tu ne voleras pas », le droit divin englobe donc tous les éléments juridiques qui sont
permanents selon le dessein divin pour l’église. Outre, les normes ou formulations divino-
positives, il comprend aussi les rapports de justice, les structures ecclésiales, ainsi que les
biens salvateurs qui en vertu des prescrits de la Raison Divine, sont dus en justice au sein de
la communauté catholique. Dans cette optique, le droit divin ne se profile plus avant tout

4
comme un ensemble de règles immuables. Il apparaît plutôt comme la totalité des « res
iustoe », des biens qui, par institution divine, sont dus en justice aux fidèles et en définitive, à
l’église elle-même.

B. La continuité de la référence au sacré

Il s’agit notamment de dire dans le cadre de cette partie de montrer qu’au delà de Dieu s’il
existe encore bel et bien d’autres sources du droit. Nous pensons que la réponse est
négative. En ce sens que la loi divine est définie comme « ensemble des facteurs juridiques
qui ont Dieu comme auteur et auxquels les normes du droit canonique humain sont
subordonnées, de telle sorte que ces dernières manquent complètement de valeur si elles sont
contraires au droit divin ». Cela montre donc le caractère sacré du droit divin sur le droit
humain. La référence au sacré ici on fait allusion de la loi divine. En effet, la conception
‘’sacré’’ est ce qui rompt l’unité et l’homogénéité du monde profane comme affirme Mircea
Eliade. Le sacré apporte un sens, un surplus d’être. Michel Leiris (1938 : 112-113) affirme :
« À côté des objets, des lieux, des spectacles qui exerçaient sur nous un attrait si spécial
(l’attrait de tout ce qui apparaît séparé du monde courant), je trouve des circonstances, des
faits pour ainsi dire impondérables, qui m’ont donné la perception aigue de l’existence d’un
règne distinct, réservé, sans commune mesure avec le reste, et détaché de la masse du
profane ». L’intéressant dialogue entre Philippe Breton et David Le Breton, dans leur
ouvrage, Le silence et la parole (2009), révèle au détour d’un chapitre ce clivage dans la
façon d’appréhender le sacré. Pour David Le Breton, le sacré se situe en deçà du religieux.
Ce serait l’émotion initiale, presque primordiale, qui pousserait les hommes à se référer
parfois à Dieu, aux dieux ou à rester là, dans un sentiment de transcendance face à un
visage ou à un événement sans le référer à une divinité. « Le sacré traduit un sentiment de
transcendance devant le monde : la montagne qui m’éblouit, la mer, le visage d’un enfant, la
beauté d’un texte ou d’un geste, l’amour : voilà le sacré, c’est-à-dire la matière première, la
matière encore non ouvragée » (Breton, Le Breton, 2009 : 76-77).

Vous aimerez peut-être aussi