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Lettre n°35

LETTRE OUVERTE AUX


POLITICIENS EN
HERBE
ETAT DE LA QUESTION Christ » (Louis Veuillot). Monseigneur
Lefebvre nous mettait déjà en garde contre
Nombreux sont nos fidèles qui, cette tentation de mariage adultère entre les
écœurés par l’état de décomposition avan- principes Catholiques et les idées de 1789.
cée de notre société française, souhaitent se Une union adultère ne peut donner que des
lancer dans la politique. Ils nous re- enfants bâtards ! Nous ne pouvons être à la
prochent amèrement notre « passivité » fois régénérés dans les eaux du Baptême de
dans ce domaine, et voudraient se lancer à Clovis en 496, et nager dans les eaux de la
corps perdu dans l’action politique, pour la révolution : « Deux puissances vivent et
plus grande gloire du Christ-Roi bien en- sont en lutte dans le monde moderne : la
tendu. Révélation, ou la révolution qui veut
ôter la Croix à la couronne et la cou-
Il est évident qu’il y a un créneau ronne à la Croix. Nos Catholiques libé-
pour les laïcs dans ce domaine, mais il ne raux sentent le danger de la doctrine de
faudrait pas oublier pour autant que les 1789 ; de là ces distinctions par les-
plus belles actions sont les actions surnatu- quelles ils s’efforcent d’en détourner la
relles : se confesser régulièrement, aller à conséquence pratique, et de composer
la Messe le Dimanche et parfois en se- un 89 particulier qui les fasse suffisam-
maine, prier son Chapelet, pousser le pro- ment révolutionnaires, et qui les laisse
chain à se confesser et le remettre ainsi sur pourtant Catholiques. Mais l’entreprise
le chemin de la pratique religieuse, placer est de concilier le mal et le bien, elle dé-
ses enfants dans une bonne école de la tra- passe donc les forces humaines. Il est
dition, … sont des actions autrement plus temps de dénoncer le point où la foi Ca-
réelles et utiles que d’essayer de faire de la tholique libérale devra cesser ou d’être
politique dans un milieu gangrené par le li- libérale, ou d’être Catholique. » (Louis
béralisme, en se mettant ainsi plus ou Veuillot, dans « l’Illusion libérale », livre
moins à la remorque des principes républi- dont je m’inspirerai beaucoup dans cette
cains, laïques, démocratiques et révolution- Lettre, et que je citerai abondamment).
naires qui ont déjà placé notre pays dans sa
tombe. LE CHRIST-ROI
Le problème est le suivant : « il Notre Seigneur Jésus-Christ étant le
existe une incompatibilité radicale entre Créateur de la société politique, en est aus-
la société libérale et la société de Jésus- si le Roi. Ainsi, « dans la vie publique
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comme dans la vie privée, il n’y a qu’un tuelles le sont par rapport aux choses
moyen d’échapper au règne du diable, matérielles. Le pouvoir spirituel peut
c’est de se soumettre au règne de Dieu : donc établir, et si nécessaire, juger le
la domination universelle du Christ réa- pouvoir temporel ».
lisera seule l’universelle fraternité. Les
âmes sont malades, et d’une terrible ma- Bien que le pouvoir temporel soit
ladie : la fatigue et la terreur de la Véri- indépendant dans son domaine propre
té. Cette maladie se manifeste par une (l’Église n’a rien à dire, par exemple, pour
absence d’horreur pour l’hérésie, par décider s’il faut faire passer le nouvel auto-
une continuelle complaisance envers route à tel ou tel endroit), il n’en demeure
l’erreur, par un certain goût des pièges pas moins que le pouvoir spirituel aura
qu’elle tend, souvent par une honteuse souvent son mot à dire ; car ce pouvoir spi-
ardeur à s’y laisser prendre ». rituel, analogiquement parlant, est au tem-
porel ce que l’âme est au corps. L’Église
Si Notre Seigneur est Roi de la so- sera donc l’âme qui doit animer le corps
ciété, il est évident que l’Église aura son politique, et dans bien des cas, si c’est né-
mot à dire en politique : elle condamne cessaire, le corriger.
donc avec force le communisme, le capita-
lisme libéral, le divorce, l’école sans Dieu, L’Église et l’état sont certes tous
l’avortement …, toutes choses qui sont ré- les deux des sociétés parfaites (c’est à dire
glées par les politiciens. capables par elles-mêmes d’atteindre leur
fin propre), mais il faut toujours souhaiter
« UNAM SANCTAM » l’union de l’Église et de l’état. Il est néces-
saire dans les temps troublés que nous vi-
L’Église aura donc un droit de vons, de rappeler ces principes élémen-
contrôle en matière politique. Voici taires à nos fidèles qui veulent se lancer
l’enseignement dogmatique donné par le dans la politique : la civilisation sera chré-
grand Pape Boniface VIII, dans son ency- tienne ou ne sera pas !
clique magistrale « Unam Sanctam » en
1302, mais toujours aussi actuelle : DEUX DANGERS A EVITER
« Il n’y a qu’une Église Catho- Dans l’action politique, il y a deux
lique, en dehors de laquelle il n’y a ni sa- dangers principaux à éviter, car les tenta-
lut, ni rémission des péchés. Cette Église tions sous apparence de bien sont nom-
a un corps et une tête (non deux comme breuses, et la bonne volonté ne suffit pas :
les monstres). Le Christ a tout confié au • Le Surnaturalisme : il consiste à espé-
successeur de Saint Pierre, tout, sans ex- rer que Dieu fera tout le travail pra-
ception. tique ; ainsi, certains voudraient ne
« Il y a deux glaives sous le faire qu’une seule chose : prier et faire
contrôle de l’Église : le spirituel et le pénitence, mais refusent de faire quoi
temporel. Le premier est brandi par que ce soit dans la pratique. Certes,
l’Église, par la main du Prêtre, le second prière et pénitence sont les fondations
est brandi pour l’Église, par la main des nécessaires pour construire toute œuvre
rois et des soldats, selon le vœu et la per- durable voulue par Dieu, mais l’adage
mission des Prêtres. Il est donc conve- reste vrai : « Aide-toi, et le Ciel t’aide-
nable que l’autorité temporelle soit sou- ra ». Il faut donc aussi agir, en suivant
mise à l’autorité spirituelle. la célèbre trilogie : « Prière – Étude –
« Le pouvoir spirituel est autant Action ».
supérieur en dignité et en noblesse à tout • Le Naturalisme : cette fois-ci, l’hom-
pouvoir temporel, que les choses spiri- me veut tout faire par lui-même, et
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considère que prière et pénitence ne ritable Israël, c’est à dire ceux que le Bap-
sont que des pertes de temps. Cet actif tême a fait enfants de Dieu.
est mûr pour tous les excès, et tombera Le nombre de 300 s’exprime en
dans l’activisme ou le volontarisme. grec par la lettre « Tau », qui est en même
temps la figure de la Croix. Les 300
UX EXEMPLE TIRE DE hommes qui suivirent Gédéon personni-
fient ceux dont il est dit dans l’Évan-
L’ANCIEN TESTAMENT gile : «Si quelqu’un veut venir après Moi,
qu’il se renonce, qu’il porte sa Croix, et
Nos politiciens en herbe devraient qu’il Me suive » ! Le Christ ne prend avec
méditer au Livre des Juges le chapitre Lui, pour mener Son combat, que les cœurs
VII qui relate la victoire de Gédéon sur généreux qui acceptent de porter la Croix.
l’armée des Madianites. Ces derniers dé- Pour les connaître, Il les conduit au bord
vastaient régulièrement les terres des Hé- du fleuve, c’est à dire aux eaux de la Di-
breux, ne laissant aucune subsistance en Is- vine Sagesse.
raël, ni brebis, ni bœufs, ni ânes : « Ils Ceux qui plient les genoux sont
montaient avec leurs troupeaux et leurs ceux qui se relâchent dans la conduite et la
tentes, et venaient nombreux comme des pratique des bonnes œuvres.
nuées de sauterelles ; eux et leurs cha-
meaux étaient innombrables, et ils ve- Selon Origène, voici ce que nous
naient dans le pays pour le dévaster. » devons maintenant faire pour imiter les
Gédéon décida de passer à l’action soldats de Gédéon : « Il nous faut briser
contre les Madianites avec une armée de nos pots de terre, en détruisant l’orgueil de
32 000 hommes. Mais Dieu avait d’autres la chair, réduisant notre corps par la morti-
idées en vue : « Le peuple que tu as avec fication, car tant que nous faisons de notre
toi est trop nombreux pour que Je livre corps une idole, il nous voile la lumière. Il
Madian entre ses mains, de peur qu’Israël nous faut aussi faire briller notre lampe, en
n’en tire gloire contre Moi, en disant : pratiquant les bonnes œuvres, selon cette
c’est ma main qui m’a délivré. Que celui parole de l’Évangile : Qu’ainsi brille votre
qui a peur et qui tremble s’en retourne. » lumière devant les hommes, afin qu’ils
22 000 hommes s’en retournèrent ! Il n’en voient vos bonnes œuvres. Il faut enfin
resta que 10 000 ! sonner de la trompette, c’est à dire prê-
Mais Dieu dit à Gédéon : « Le cher hardiment l’Évangile, et chanter la
peuple est encore trop nombreux. Fais-le gloire de Dieu. Avec ces trois armes, nous
descendre près de l’eau du fleuve, et là Je vaincrons tous les ennemis, même s’ils
t’en ferai un triage. » Et Dieu tria si bien sont aussi nombreux qu’une armée de sau-
qu’il n’en resta que 300 : « C’est avec ces terelles. »
300 hommes qui n’ont pas plié les genoux
que Je vous sauverai, et que Je livrerai
Madian entre tes mains. » SAINTE JEANNE D’ARC
La victoire de Gédéon sera com-
plète : il a prié, fait pénitence, et Dieu a Dieu utilisera de la même façon
remporté la victoire en l’utilisant comme notre héroïne nationale. Il commencera par
un vaillant instrument. la former en lui envoyant Saint Michel,
Sainte Marguerite et Sainte Catherine, qui
Il est intéressant de voir l’explica- vont apprendre à Sainte Jeanne d’Arc à
tion qu’en donnent les Pères de l’Église. prier, faisant d’elle une âme d’oraison. Elle
Gédéon est la figure du Sauveur, passera des heures à méditer en gardant ses
tandis que les Madianites représentent le troupeaux.
démon et ses suppôts, qui oppriment le vé- Arrivée devant les murailles
d’Orléans, elle exigera que tous les soldats
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de l’armée française se confessent et com- « Quand un homme perd l’amour


munient. Alors, et alors seulement, elle ba- de la doctrine, bonne ou mauvaise, qu’il
taillera avec les gens d’armes pour obtenir professait, il garde ordinairement le
la victoire militaire. symbole de cette doctrine : seulement, il
sent mourir en lui toute aversion pour
Elle avait compris qu’on ne com- les doctrines contraires à celle-là » (Er-
bat pas pour le Règne de Notre Seigneur nest Hello, « L’homme »).
Jésus-Christ sans que les soldats soient
d’abord en état de grâce ; sage principe « Beaucoup ont mis leur espoir
que les leaders de certains de nos partis po- de salut dans la lutte électorale, c’est à
litiques français feraient bien de méditer et dire dans la souveraineté du peuple en
de mettre en pratique. exercice. Que de temps, que d’argent,
On ne peut prétendre, d’un côté se que d’activité a fait dépenser cette illu-
battre au service du Christ-Roi, quand de sion !
l’autre on vit avec le démon par le péché « La dixième partie de tout cela,
mortel ! Cela explique bien des déboires employée depuis vingt ans à réformer les
politiques, car Dieu n’a pas reconnu les idées, eût sauvé le pays depuis dix ans !
siens chez ces soldats qui vivent dans la
pratique comme s’Il n’existait pas ! « L’effort déployé pour faire élire
des candidats met toujours l’idée au se-
CONCLUSION cond plan s’il ne l’étouffe entièrement, et
prépare ainsi pour l’avenir des défaites
Pour être clair, nous terminerons de plus en plus écrasantes. Ce qu’il fau-
par deux citations, la première d’Ernest drait, ce serait d’arracher les hommes
Hello, la deuxième de Monseigneur Henri influents à l’action électorale pour les
Delassus. Puissions-nous méditer ces fortes lancer dans la propagande de la Vérité.
paroles, et surtout les mettre en pratique,
car les mêmes causes provoquent toujours « Là est la difficulté. Il est aisé de
les mêmes effets ! grouper et d’intéresser les masses
conservatrices à une action concrète et
« Quiconque aime la Vérité dé- simple comme le vote.
teste l’erreur. Cette détestation de
l’erreur est la pierre de touche à laquelle « Il faut dépenser beaucoup de
se reconnaît l’amour de la Vérité. Si talent, de courage et de persévérance
vous n’aimez pas la Vérité, vous pouvez pour arriver à faire comprendre à ces
jusqu’à un certain point dire que vous mêmes masses qu’elles sont dans
l’aimez, et même le faire croire : mais l’erreur, et pour leur montrer et leur
soyez sûr qu’en ce cas vous manquerez faire admettre les principes de l’ordre
d’horreur pour ce qui est faux, et à ce social, en délivrant leur esprit des prin-
signe on reconnaîtra que vous n’aimez cipes démocratiques » (Monseigneur De-
pas la Vérité. lassus, dans « Vérités sociales et erreurs
démocratiques »).
« Quand un homme qui aimait la
Vérité cesse de l’aimer, il ne commence Tout dévoué en Notre Seigneur Jé-
pas par déclarer sa défection ; il com- sus-Christ et Sa très Sainte Mère.
mence par moins détester l’erreur. C’est
par là qu’il se trahit. Les complaisances
secrètes forment une des parties les plus Abbé Jean-Luc Lafitte
ignorées de l’histoire du monde.

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