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Lettre n°26

FAMILLE,
JEUNESSE
ET REVOLUTION
INTRODUCTION contre les ouvriers ; pour saboter la fa-
mille, cette même révolution va pousser
La famille est la cellule fondamen- les enfants contre les parents, en cher-
tale de la société, laquelle ne peut s’assurer chant à les éloigner d’eux, détruisant la
une quelconque stabilité sans cette fonda- confiance que les enfants doivent avoir
tion décidée et fondée par Dieu, qui a vou- envers leurs parents, les poussant à se
lu que les enfants se développent, mû- retrouver exclusivement entre eux, sans
rissent physiquement, intellectuellement et l’influence de leurs aînés : ils ne seront
psychologiquement dans le cocon protec- alors plus protégés, et deviendront des
teur de la famille. proies faciles entre les doigts de ceux qui
tirent les ficelles de ce jeu diabolique.
La famille fut la force qui façonna
le Moyen Age chrétien. Si la famille résiste Marx savait que la plus grande ri-
quelque part, la révolution ne peut tout dé- chesse des enfants, c’est la confiance
truire ; mais si la famille s’écroule, la révo- qu’ils doivent avoir en leurs parents ;
lution triomphera partout. une fois cette confiance sapée, puis dé-
truite, c’est tout l’édifice familial qui se re-
La révolution progresse donc sur trouve par terre. Si la famille n’est plus, les
les ruines de la famille. La fissure par la- vocations disparaissent, et l’Église Catho-
quelle le virus révolutionnaire entre lique n’est plus capable de remplir son de-
dans la famille s’appelle la lutte des voir : sauver les âmes en les amenant au
classes, chère au Juif Karl Marx : il faut di- Ciel ! « A la fin des temps, qui sait si Je
viser pour régner, dissoudre pour refor- trouverai encore la foi ! »
mer : « Solve et coagula » (dissoudre pour
coaguler). Cet esprit révolutionnaire a mal-
heureusement pénétré dans nos cercles
Par la lutte des classes, on introduit Catholiques, jusque dans les meilleures
la division dans la famille, division qui en familles de la Tradition. Dans cet article,
sape les fondements naturels. Pour détruire je voudrais essayer de lancer un cri
l’entreprise, la révolution va monter les ou- d’alarme aux parents, et aux jeunes Catho-
vriers contre les patrons, et les patrons liques, pour qu’ils réagissent et se ressai-
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sissent avant qu’il ne soit trop tard : pèlerinage que si nous sommes assu-
« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et rés d’avoir un chapitre composé ex-
Sa justice, et tout le reste vous sera donné clusivement de jeunes. Nous ne vou-
par surcroît » (Mat VI, 33). lons pas d’adultes avec nous. »
Dieu a confié aux parents chré-
tiens et à l’Église Catholique l’éducation Ces jeunes réalisent-ils que nous
des enfants baptisés, et non aux mouve- sommes là en pleine lutte des classes !
ments de jeunes en tant que tels ! Sans vouloir juger les intentions, force est
Mon intention n’est bien sûr, en au- de constater qu’objectivement, la somme
cun cas, de critiquer l’œuvre admirable ac- d’orgueil, de suffisance, de mépris, conte-
complie par un Saint Jean-Baptiste de la nue dans ces deux petites phrases parfaite-
Salle, un Saint Jean Bosco, ou plus près de ment révolutionnaires est ahurissante.
nous des Pères Timon-David ou Lallemant
avec leurs extraordinaires patronages de Entendant de pareilles réflexions,
jeunesse, ou autres œuvres éminemment on ne peut que penser à la fameuse phrase
Catholiques dont on ne saura qu’au Ciel le de Saint Pie X à l’encontre des jeunes diri-
bien qu’elles ont fait sur la terre. Je vou- geants du Sillon de Marc Sangnier : « Le
drais simplement partager avec nos lec- souffle de la révolution est passé par là :
teurs une inquiétude chaque jour grandis- ces jeunes, enthousiastes et plein de
sante dans nos cœurs de Prêtres, qui sont confiance en eux-mêmes, n’étaient pas
avant tout des cœurs de pères ! suffisamment armés de science histo-
rique, de saine philosophie et de forte
DEUX EXEMPLES théologie pour se prémunir contre les in-
filtrations libérales et protestantes » (en-
SIGNIFICATIFS cyclique ‘Notre Charge Apostolique’,
1910).
Afin de bien me faire comprendre,
je voudrais illustrer ce que j’essaie d’expli-
quer par deux exemples vrais, entendus L’ESPRIT
plusieurs fois sous des formes variées, pro- DE LA REVOLUTION
férés par des grands adolescents ou des
jeunes adultes de nos chapelles en France. L’esprit de la révolution se ré-
sume en trois mots : « liberté – égalité –
• Dans de nombreuses chapelles nous fraternité ». Les jeunes des deux tristes
n’arrivions pas à trouver des jeunes exemples cités plus haut sont des fana-
pour chanter dans la chorale. Raison in- tiques d’indépendance, en vertu même des
voquée par ces jeunes : « Nous ne vou- principes du libéralisme qui les gou-
lons pas chanter avec les ‘vieux’ ; vernent. On croirait entendre le cri de
nous voulons bien venir chanter à la guerre de Lucifer : « Je ne servirai pas ! »
chorale, à la condition expresse qu’il Le plus grave, le plus inquiétant,
n’y ait que des jeunes dans cette cho- c’est que la plupart des jeunes qui nous
rale. Nous ne sommes pas des Catho- agressent de cette façon se prétendent Ca-
liques coincés, et nous ne voulons pas tholiques, pratiquent dans la tradition, et ne
d’adultes avec nous. » comprennent absolument pas ce qu’il peut
y avoir de répréhensible dans leur attitude
• Pendant la préparation du pèlerinage de à notre égard.
Chartres, des jeunes viennent trouver le
Prêtre, expliquant : « Nous ne voulons Sans le savoir, ces jeunes sont
pas faire le pèlerinage avec des des libéraux révolutionnaires. Sans doute
‘vieux’ ; et nous ne participerons à ce peut-on espérer que nombreux sont, parmi
eux, ceux qui sont de bonne foi, et qui ont
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les meilleures bonnes intentions du Pour nos jeunes imbus de ces


monde : ils veulent peut-être faire de fausses idées, cette égalité se traduira
l’apostolat pour convertir le monde. Mais par un mépris voilé de toute forme
« l’enfer est pavé de bonnes intentions » ! d’autorité qui ne viendrait pas d’eux,
et ne serait pas acceptée par eux. On
Nous ne voyons chez ces jeunes retrouve là l’esprit de collégialité, cher
que la pointe de l’iceberg. L’esprit révolu- à Vatican II. Révolution, libéralisme et
tionnaire est déjà très profondément enfon- démocratie vont toujours main dans la
cé dans leurs esprits, certainement à leur main !
insu, et dans bien des cas à l’insu de leurs
parents. • Fraternité : on ne peut parler de fra-
ternité que si l’on reconnaît un père
LIBERTE, EGALITE, commun qui est, pour un Catholique,
Notre Seigneur Jésus-Christ Lui
FRATERNITE même, qui nous parle et nous guide par
le ministère de Son Corps Mystique, la
• Liberté : pour un Catholique, elle Sainte Église Catholique.
n’est que le pouvoir de choisir les Pour le révolutionnaire, la
moyens, tout en gardant l’ordre de la fraternité conduit à l’œcuménisme le
fin. Nous ne sommes donc pas libres plus total, qui efface toutes les diffé-
de choisir le but de notre vie (Dieu rences entre les individus.
nous l’impose), mais nous avons la li-
berté de choix parmi les différents Pour les jeunes de chez nous
moyens qui conduisent à cette fin. imbus de ces idées, cela conduit à la
Pour le libéral, la liberté se grande fraternité des jeunes, sans la
confond avec la licence, c’est à dire le famille pour les guider et les diriger :
droit de faire ce que l’on veut. ils deviennent comme un troupeau sans
pasteur.
Pour nos jeunes révolution-
naires « Catholiques », cette fausse
conception de la liberté se manifeste LA CONTRE-
par un farouche esprit d'indépen- REVOLUTION
dance, un subjectivisme qui entraîne la
liberté de conscience, et qui peut tuer Il faut réagir pour arracher le sub-
dans l’œuf toutes les vocations reli- jectivisme révolutionnaire de l’âme de nos
gieuses. Ces jeunes rejettent donc ins- enfants, et leur donner à la place les vertus
tinctivement toute forme de direction théologales, cardinales et morales.
spirituelle qui ne va pas dans leur sens.
Saint Pie X donnait comme causes
• Egalité : pour un Catholique, Dieu a du modernisme, outre le subjectivisme qui
créé l’inégalité entre les hommes, car pourrit l’intelligence, l’orgueil, l'ignorance,
chaque âme est différente. C’est pré- l’amour des nouveautés (la curiosité).
cisément cette inégalité qui fait la Les jeunes, imprégnés d’esprit du
beauté de la création du Bon Dieu, monde, demandent liberté, égalité et frater-
comme les fleurs de couleurs variées nité ; répondons-leur en les poussant à la
font la beauté d’une prairie. vertu. Les fausses vertus révolutionnaires
Pour le révolutionnaire, l’éga- conduisent à l’infidélité, puis à l’enfer ; les
lité est un absolu, et toutes les têtes vraies vertus chrétiennes garantissent la fi-
qui dépassent seront raccourcies pour délité qui mène au Paradis.
être sûr d’obtenir cette égalité forcée.
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• A la place de la liberté, demandons- d’éducateurs authentiquement Catholiques


leur la vertu d’Obéissance qui les pour les guider et les encourager. Il nous
protégera contre le mauvais usage de faut former une élite Catholique et contre-
la liberté. Si la mort est entrée dans le révolutionnaire. Hors de l’absolu, il n’y a
monde par Adam, la vie nous est ren- pas de salut pour nos enfants, surtout pour
due par l’obéissance de Notre Sei- nos grands adolescents et jeunes adultes.
gneur « Qui S’est anéanti Lui-même, Ou ils deviendront des élites, des héros
en prenant la forme d’un esclave, en de la Foi, des saints, ou ils périront, gri-
devenant semblable aux hommes, et en gnotés, et finalement dévorés par le
Se montrant sous l’apparence d’un monde et ses trois concupiscences :
homme. Il S’est humilié Lui-même, se « Parce que vous êtes tièdes, et que vous
faisant obéissant jusqu’à la mort, et la n’êtes ni froids, ni chauds, Je vais vous vo-
mort de la croix » (Phil, II, 7). mir de Ma bouche » (Apoc, III, 15).

Si nos jeunes comprennent la né- Qu’ils prient, qu’ils se sanctifient


cessité de la vertu d’obéissance, ils pra- par l’usage des Sacrements, qu’ils étudient.
tiqueront sans difficulté l’esprit de pau- Je conseille à ce sujet trois livres fonda-
vreté et de chasteté et surtout la vertu mentaux :
d’humilité, reine de toutes les vertus. - Don Sarda y Salvani : « Le libéra-
lisme est un péché ».
• A la place de l’égalité de 1789, met- - Abbé Augustin Roussel : « Libéra-
tons dans le cœur de nos enfants la lisme et Catholicisme ».
vertu de Justice pour rendre à cha- - Luce Quenette : « l’Éducation de la
cun ce qui lui est dû. La justice leur Pureté ».
donnera l’amour de leur devoir d’état,
et en fera des travailleurs prêts à tout Beaucoup de jeunes ne veulent pas
pour rendre à Dieu ce qui lui est dû. comprendre, beaucoup de parents se
voilent la face en pratiquant la politique de
• A la place de la fraternité, donnons à l’autruche : hélas, tant pis pour eux ! Car
nos enfants la vraie Charité, c’est à seuls ceux qui aiment Dieu plus que tout
dire l’amour de Dieu et de Sa volonté arriveront au Paradis, et Il ne refuse jamais
par l’accomplissement de Ses Com- Sa grâce à qui la Lui demande humble-
mandements et la vie constante en ment.
état de grâce : « Quand je parlerais les
langues des hommes et des anges, si je Finissons par cet appel pathétique
n’ai pas la charité, je suis comme un ai- de notre très cher Monseigneur Marcel Le-
rain sonnant ou une cymbale retentis- febvre : « Nous ne régnerons dans la cité
sante. Si je n’ai pas la charité, je ne suis que lorsque quelques milliers de dis-
rien. Et quand je distribuerais tous mes ciples assidus de Notre Seigneur Jésus-
biens pour nourrir les pauvres, et que je Christ seront convaincus de la Vérité
livrerais mon corps pour être brûlé, si qui leur est transmise, et que cette Véri-
je n’ai pas la charité, cela ne me sert de té est une force Divine capable de tout
rien » (1 Cor, XIII, 1-3). transformer ».

CONCLUSION Tout dévoué en Notre Seigneur Jé-


sus-Christ et Sa Très Sainte Mère.
Aimons notre jeunesse, mais ai-
mons-la telle que le Bon Dieu la veut. Nos
Abbé Jean-Luc Lafitte
jeunes ne doivent pas pousser tout seuls :
ils ont besoin de Prêtres, de parents et

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