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JUIN COMPRENDRE LA STRATEGIE DE DOMINATION

2018 DE TRUMP ET S’Y PREPARER !

Pour garder le cap | Charles Sannat


STRATÉGIES

Le monde néo-américain de Trump?


Plus de puissance américaine, mais moins
d'empire!

Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Sommaire
Sommaire ........................................................................................................................................................................... 3
Introduction ......................................................................................................................................................................... 5
L'état des lieux! .................................................................................................................................................................... 8
Pourquoi le protectionnisme c'est mal? .................................................................................................. 9

La déprofitatio est la petite sœur de la dé o dialisatio . ................................................................. 10

Les déséquilibres inhérents à la mondialisation. ................................................................................... 11

L'énoncé du problème « trumpien » ..................................................................................................... 12

Les grands sujets de la démondialisation ............................................................................................................................. 13


Le combat démocratique : pas de grande économie sans une grande liberté ..................................... 13

Le combat autour de l'immigration ....................................................................................................... 14

Le combat autour des technologies et des brevets ............................................................................... 16

Guerres commerciales, de multiples fronts ouverts par les États-Unis ..................................................................................... 17


La fin du pétrole, l’Arabie saoudite et la mondialisation .......................................................................................................... 20
Le règlement du conflit israélo-palestinien ........................................................................................... 20

Pas de mondialisation sans pétrole! D'où vient l'énergie? .................................................................... 21

Les États-Unis, premier producteur mondial ......................................................................................... 22

La loi anti-OPEP de Trump qui assimile l’OPEP à un cartel .................................................................................................... 23


Le dilemme dit de « Triffin » ................................................................................................................................................ 25
Qu’est-ce que le dilemme de Triffin, ou le paradoxe de Triffin ? .......................................................... 25

La « folie » de Trump et le retour de l’étalon-or ! ................................................................................. 25

Du dilemme de « Triffin » au retour de l’étalon-or ! ............................................................................. 25

Le dilemme de « Triffin » vu par la BCE : conférence de 2011 et monnaie supranationale ........................................................ 28


Le dilemme de Triffin, toujours d’actualité ........................................................................................... 28

1. Le dilemme de Triffin : une formulation générale ............................................................................. 29

2. Le dilemme de Triffin à l’époque de Triffin........................................................................................ 30

3. Le dilemme aujourd’hui : ce qui a changé, ce qui reste pertinent .................................................... 31

3.1 Ce qui a changé ................................................................................................................................ 31

3.2 Ce qui demeure pertinent................................................................................................................ 32

Trois facteurs essentiels entraînent l’accumulation de réserves .......................................................... 32

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4. Peut-on échapper à Triffin ? .............................................................................................................. 33

Conclusion.............................................................................................................................................. 35

Comment peut-on mettre en place un système monétaire et financier véritablement multipolaire ? 35

Un système monétaire et financier multipolaire serait-il stable ? ........................................................ 35

La solution du Bancor ............................................................................................................................ 35

Ce que la politique de domination énergétique de Trump signifie pour le monde! ..................................................................... 37


Le plan qui a permis de prendre le contrôle du marché mondial du pétrole........................................ 38

Plus de puissance américaine, mais moins d'empire ............................................................................ 39

La méthode de Trump est plus machiavélique ...................................................................................... 39

Conclusion ........................................................................................................................................................................ 42

Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Introduction
Ce n'est pas simple, ce n'est pas facile, mais c'est la clef!

Comprendre la stratégie de Donald Trump, c'est comprendre ce qu'il nous attend. Le comprendre
c'est pouvoir l'anticiper, et je déteste être pris par surprise.

L'ambition visible du prédisent Trump?

Rectifier la mondialisation.

Pourquoi faire ?

Pour donner du travail aux Américains.

Pour se préparer à la déplétion pétrolière.

Pour assurer la domination des États-Unis

Pour que Washington passe vitel’ère post-américaine et s’oriente vers l’ère néo-américaine.

Rectifier et changer la mondialisation est devenu une évidente nécessité, mais cela reste très, très
complexe à réaliser.

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La démondialisation trumpienne ne sera pas un long fleuve tranquille, loin s’en faut, et d’ailleurs,
ce n’est pas uniquement une bonne nouvelle pour nous les Européens, ou les Français, car
Trump n’est pas le président du monde, mais bien le leader des États-Unis, un très grand pays,
qui a su se hisser au premier rang mondial.

Au-delà de toutes ces considérations d’ordre général, la question fondamentale à se poser est
quelle est la stratégie du Président américain Donald Trump.

Que cherche-t-il à faire et comment va-t-il y arriver ?

Oui la stratégie trumpienne est brillante, d'autant plus que personne ne veut la voir, et quand je dis
qu'elle est brillante, je le dis d'un point de vue américain.

Si je me place d'un point de vue français, il y a de nouvelles choses qui peuvent nous convenir.
D'autres qu'il conviendra de rejeter, et dans certains cas, cela impliquera de combattre les États-
Unis, et seules de nouvelles alliances, notamment avec la Chine et la Russie, permettront
d'assurer l'indépendance de la France.

C'est en ce sens que notre soumission à des structures européennes profondément pour ne pas
dire génétiquement atlantistes et notre réintégration à l'OTAN devront être remises en question
par la force des choses et afin de pouvoir prendre réellement en considération les intérêts
profonds du peuple de France, en particulier, et des Européens, de manière générale.

Nous entamons une période qui sera historiquement remarquable et l'élection de Donald Trump
marque un tournant majeur dans l'histoire mondiale.

Historiquement, la césure politique liée à Donald Trump sera certainement considérée par les
historiens comme aussi importante que la chute du mur de Berlin, et c'est d'ailleurs deux
événements qui, s’ils sont distants de presque 30 ans, sont en réalité intimement liés.

Loin de toutes les passions politiquement correctes qui empêchent de penser convenablement, je
vous invite à un grand voyage dans la stratégie de Trump pour la mise en place d'un monde néo-
américain, car Trump est viscéralement américain.

« America first » n'est pas juste un slogan.

« Makeamericagreatagain » n'est pas juste un marqueur politique ou un mantra de campagne.

« Makeamericagreatagain », c'est l'objectif de Trump et des élites qui le soutiennent, des élites
souverainistes américaines. Des élites nationalistes.

Pour rendre l'Amérique à nouveau grande (« Makeamericagreatagain »), cela impliquera de


rendre d'autres un peu plus petits.

Rendre plus petit un adversaire, c'est lui raccourcir la tête!

Quand vous êtes un adversaire des États-Unis, l'idée de « Makeamericagreatagain » n'est pas
franchement une bonne nouvelle pour vous!

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Mais l'idée de rendre sa grandeur à l'Amérique est une politique globale, une véritable vision qui
se décline sur tous les aspects fondamentaux de notre vie quotidienne, et Trumpmet en œuvre
avec force et conviction sa vision pour l'Amérique.

Sa stratégie est réelle, elle est même "brillante", et vous savez quoi? Elle risque de fonctionner.

Vous expliquer tout cela va nécessiter quelques dizaines de pages, et j'espère simplement que
vous aurez autant de plaisir à découvrir et comprendre tout cela que j'en ai eu à écrire ce texte
que je suis véritablement très heureux de partager avec vous.

Allons-y mes amis.

Charles SANNAT

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L'état des lieux!
J'attache à l'honnêteté intellectuelle une grande importance. Vous le savez.

Je me dois donc de vous préciser que "j'aime" bien la personnalité de Trump.

Si j'aime bien Trump, je pourrai ne pas être objectif dans mes analyses.

Mais je le suis. Et si je le suis, c'est parce que je pense que la politique de Trump est la bonne
pour l'Amérique (pas pour la France) et que notre pays devrait s'inspirer de l'approche de Trump
même si cela est inaudible dans nos grands médias.

Vous allez très vite comprendre pourquoi.

Si j'aime la personnalité de Trump, c'est parce qu'elle n'est pas lisse, et que cela nous change des
insignifiants produits marketing qui nous sont proposés comme leaders aux élections, et d'ailleurs
c'est partout le même concept marketing.

Trudeau, Macron, Pedro Sanchez en Espagne ou feu Matteo Renzi en Italie, ils sont tous
l'expression du même travail de marketing et de communication entrepris par des élites
mondialistes et apatrides dont les ennemis sont les États-nations et le protectionnisme.

Regardez leurs têtes ! C'est le même casting de quadras beauxgosses aux dents blanches et au
sourire Colgate. Genre "le gendre idéal". Stéphane Plazza ou Macron, c'est la même niche, il n'y a
que la fonction occupée qui change.

Vous allez me dire... mais non, ce n’est pas possible.

Et je vous répondrai, mais si c'est possible!! Tenez, d'ailleurs, pour vous faireune analogie,
regardez ces groupes de chanteurs à 4 voix. Vous retrouvez le même concept porté par les
mêmes maisonsdans le monde entier... Le premier groupe c'est les Stentors en France, j'adore.
En Espagne, ils portent le nom de Il Divo, et puis on a la même chose dans tous les grands pays.
C'est un "produit", un concept "marketing". Comme Macron, Sanchez, Renzi et consort. Oui, je
sais, la vérité est effrayante.

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Pourquoi le protectionnisme c'est mal?

Parce que lorsque vous êtes une grande multinationale, la seule manière de vous épanouir et
d'exploiter sans empêcheurs de gagner du pognon en rond, c'est de détruire les États-nations qui,
par définition, sont à la fois l'échelon le plus adapté à l'expression de la démocratie, mais aussi à
la mise en place de protectionnismes au sens large, car le protectionnisme ne doit surtout pas être
réduit uniquement à sa dimension "droits de douane".

Le protectionnisme, c'est des législations environnementales pour par exemple protéger la nature
de la pollution et au hasard industrielle.

Le protectionnisme c'est des législations sociales pour, par exemple et au hasard, protéger les
salariés, les femmes et les enfants des outrances du capitalisme qui, s'il n'est pas encadré, sera
fatalement excessif puisque l'excès est dans la nature humaine (de même que son antidote
naturel à savoir la sagesse).

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Le protectionnisme c'est des législations financières, fiscales, économiques pour permettre de
financier des protections collectives et des solidarités indispensables bien que leurs coûts et leurs
portées doivent être discutés.

Le protectionnisme c'est des législations normatives qui permettent de fixer des règles, des
normes, afin d'assurer la sécurité de ce qui est consommé (norme NF ou CE pour les exemples
les plus connus).

Le protectionnisme, c'est des tribunaux et un système judiciaire publics et non des arbitragistes
privés qui rendent la justice au nom du peuple français comme cela est proclamé sur chaque
jugement en France.

Tous ces protectionnismes grands et petits, et je n'ai pas été exhaustif, participent à la protection
de nos concitoyens au même titre que la réalité de nos frontières ou de droits de douane que nous
appliquons.

Le protectionnisme est un ensemble protéiforme et la nation est, par essence, protectionniste


puisqu'elle ne doit sa raison d'être qu'à la protection de ses membres et la première des
protections historiques qui fondent nos nations est évidemment qu'elle répond au besoin premier
de sécurité.

Il n'y a aucun épanouissement possible y compris économique quand il n'y a pas de cadre
sécuritaire.

Le protectionnisme n'est en aucun cas le mal absolu comme beaucoup souhaitent vous le faire
croire. C'est l'état naturel de toute nation, de tout pays.

Mais... cela implique justement la présence d'un contre-pouvoir fort pour lesmultinationales, qui ne
peuvent pas polluer impunément, empoisonner tranquillement, exploiter les enfants ou la misère
franchement, s'évader... fiscalement.

Le protectionnisme c'est mal... pour les grandes entreprises!

Le protectionnisme ce n'est pas l'arrêt des échanges, c'est leur encadrement. Cela n'a rien à voir.
L'arrêt des échanges serait une volonté stupide qu'aucun chef d'État normalement constitué
n'envisage sérieusement une seule seconde. Même pas Trump. D'ailleurs, Trump est allé aider le
"grand leader nord-coréen" à avancer dans une politique d'ouverture au reste du monde.

C'est les mondialistes qui vomissent le protectionnisme car encadrer la mondialisation, c'est
encadrer les profits et les bénéfices, et il y en a beaucoup qui ne rigolent pas à l'idée d'une telle
politique.

C'est d'ailleurs ce que j'expliquais dans mon édito du 20 juin 2018 intitulé "Démondialisation =
déprofitation" que vous pouvez relire en intégralité ici, à savoir que la déprofitation est un
phénomène économique qui correspond à une baisse structurelle et de très longue durée des
profits des entreprises.

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La déprofitation est la petite sœur de la démondialisation

"Si vous démondialisez, vous allez déprofiter et les dividendes du CAC 40 risquent d’être moins
plantureux. Vous allez baisser les marges de production, inciter à la relocalisation, vous pouvez
même déclencher une inflation sur les salaires si l’emploi repart.

Pourquoi avons-nous de la déflation ? Parce que les salaires ne peuvent pas progresser depuis
plus de 20 ans. Sans progression des salaires et de l’emploi, c’est tout le système qui s’effondre.
Remettre les choses dans le bon sens est une bonne chose.

Les Chinois vont couiner, les grandes entreprises, aussi.

Au bout du compte, on se rendra compte d’une chose.

La primauté va au pouvoir politique. L’économie n’est que de l’intendance.

Nous avons juste laissé aux affaires des politiciens affairistes et plus ou moins vendus ou achetés,
y compris les syndicats, d’ailleurs vous avez dans cette édition un article consacré aux nouvelles
fonctions de l’ancien patron du syndicat FO. Stupéfiant.

Le véritable pouvoir est le pouvoir régalien. Encore faut-il avoir le courage, la volonté et
l’indépendance de l’exercer pour le bien des nations et des peuples.

En attendant, si la démondialisation se poursuit, il y aura un mouvement concomitant de


déprofitation. S’il y a moins de profits, de rendement et de dividendes, le cours action chutera et
prendra en considération les nouvelles perspectives économiques. L’ajustement se fera à la
baisse sur les actions, mais si c’est bien fait, les États ne tomberont pas dans l’insolvabilité, et
mieux vaut un énorme krach boursier que des faillites d’États en chaîne."

Première conclusion, le protectionnisme n'est mal que pour ceux qui gagnent des milliards dans la
globalisation telle qu'elle est conçue jusqu'à maintenant.

Les déséquilibres inhérents à la mondialisation

La mondialisation entraîne, par nature,là encore des déséquilibres.

Les déséquilibres résident dans les échanges qui sont déséquilibrés justement en l'absence de
mécanismes de régulation dits, donc, "protecteurs".

Déséquilibres dans le commerce international puisque les pays à bas coût de main-d'œuvre, mais
également à basses normes environnementales ont raflé toutes les usines et toutes les
productions autrefois basées dans les pays occidentaux, entraînant le phénomène des
"délocalisations" et donc une augmentation significative du chômage.

Ces déséquilibres commerciauxont pour conséquence des déséquilibres monétaires puisque les
pays qui ont des déficits commerciaux chroniques s'appauvrissent chaque année collectivement
du montant de ces déficits.

Ils s'appauvrissent en monnaie... Il y a donc des déséquilibres dans les mouvements de changes,
dans les réserves de changes et donc... au bout du compte, des problèmes monétaires.

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Avec la mondialisation et la libre circulation de tout, et surtout des flux financiers, que se passe-t-
il? Il y a recherche systématique du moins-disant fiscal (ou social d'ailleurs), il y a donc par nature
une optimisation fiscale exacerbée qui permet l'évasion fiscale légalisée, ce qui crée de nouveaux
déséquilibres. Le déséquilibre dans les rentrées fiscales des États qui ne sont plus suffisantes
pour assurer leur niveau de protection sociale héritée de la période de la guerre froide (entre la fin
de la Seconde Guerre mondiale et la chute du mur de Berlin en gros).

Avec la baisse des rentrées fiscales se créent des déséquilibres budgétaires dans les pays
occidentaux.

Avec les déséquilibres budgétaires, nous arrivons logiquement à un problème d'endettement ou


de décroissance puisque logiquement, quand vos rentrées fiscales baissent, vous n'avez que
deux possibilités pour rester à l'équilibre : soit vous diminuez vos dépenses, soit vous vous
endettez pour continuer à payer... Nous avons choisi l'endettement, mais à un moment, les dettes
deviennent telles que l'ensemble de ces déséquilibres posent le problème de la solvabilité même
de certains États.

Cette question de la solvabilité est encore plus prégnante pour les pays européens membres de la
zone euro qui n'ont même plus la possibilité de faire tourner la planche à billets!

Rajoutons enfin à tout cela que la mondialisation repose sur le principe intellectuel suivant : la
mondialisation c'est la consommation de masse de produits que nous n'avons pas fabriqués (et
dont nous n'avons pas forcément besoin), achetés avec de l'argent que nous n'avons pas, et qui
nécessitent des quantités astronomiques d'énergie abondante et bon marché.

La mondialisation c'est donc la nécessité d'un pétrole qui coule à flots pour irriguer ce système
"oléodépendant".

L'énoncé du problème Trumpien

Maintenant, nous posons l'énoncé du problème que Trump veut résoudre!

Il est d'ordre général et particulier aux États-Unis par certains de ses aspects.

Le premier volet du problème c'est comment réduire les déséquilibres mondiaux qui menacent
désormais les économies occidentales.

Le second volet, c'est comment réduire tous ces déséquilibres, en renouvelant, dans une nouvelle
donne économique, la suprématie américaine pour que les États-Unis restent les maîtres
incontestés du monde.

Pour cela, Trump propose « Makeamericagreatagain », et vous allez voir que c'est un concept
global et une vision. Que cela plaise ou non (et par certains aspects, cela ne me convient pas),
Trump a une vision réelle de ce qu'il veut faire de l'Amérique.

Si l'Amérique a toujours su faire une chose, c'est bien de savoir attirer les talents du monde entier
et de les intégrer à ses élites pour être tout simplement le pays le plus créatif. Mais toute cette
belle mécanique s'est totalement enrayée avec les attentats du 11 septembre 2001.

Le 11 septembre 2001, ce n'est pas seulement les tours du World Trade Center qui se sont
effondrées, c'est aussi le rêve américain et "l'américain way of life", une manière de vivre à la fois

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insouciante et progressiste, un espoir permanent de lendemains encore meilleurs. Les États-Unis
c'était aussi la liberté, la Liberté même avec un grand L.

Le monde libre d'un côté, celui où tout est possible, de la liberté de parole à celle de penser sans
oublier celle de se déplacer et d'entreprendre, par opposition au monde communiste, étouffant,
avec sa police politique, son KGB et ses goulags.

Dans l'idée de refaire l'Amérique "grande à nouveau", il y a aussi le volet et le sujet démocratique
et de libération de la parole, ce qui doit permettre de voir les outrances trumpiennes d'un autre
œil.

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Les grands sujets de la
démondialisation
La démondialisation, nous allons le voir concrètement, ce n'est donc pas uniquement ou
seulement des droits de douane. Le droit de douane, sans être l'écume des choses, n'est pas
l'essentiel.

La mondialisation repose sur l'ouverture massive des pays et des économies aux biens, aux flux
financiers et aux personnes.

Cela s'exprime par des marchés financiers qui peuvent déplacer des sommes colossales chaque
jour et chaque seconde sans entrave ni contrôle, ou encore par une immigration qui est
encouragée, ou encore par du dumping fiscal ou social, mais il y a aussi un vrai sujet autour de la
démocratie ou de la liberté, etc, etc.

Si la mondialisation repose sur ces grands principes, la mise en place d'une véritable
démondialisation va logiquement reposer sur des principes inverses ou opposés. Que l'on soit
pour ou contre ici n'est pas le sujet. L'objet est d'observer les différences de politiques mises en
œuvre pour savoir où l'on va.

Le combat démocratique : pas de grande économie sans une grande liberté

Il n'y a pas de grande économie sans une grande liberté.

La liberté ne se tronçonne pas en tranches. Elle est totale ou elle n'est pas! Pour créer, il faut
pouvoir penser librement.

Pénalisez la pensée, et vous pénaliserez la créativité, vous euthanasierez la croissance et c'est ce


qu'il se passe depuis 20 ans avec l'émergence d'un politiquement correct qui est un des outils du
totalitarisme marchand pour fabriquer le consentement des masses et pour maîtriser et étouffer
les oppositions.

Désormais, exprimer une libre pensée fait de vous forcément un « phobe » de quelque chose,
europhobe, américanophobe, homophobe, transphobe ou encore un nationaliste, un fasciste et,
insulte suprême, désormais un "lépreux".

Pour relancer les États-Unis, il ne faudra pas seulement relever les droits de douane, il va falloir
relever le degré de liberté des acteurs économiques, car cette liberté estfondamentale dans le
rêve américain, et cette liberté sera un avantage concurrentiel considérable par rapport à la
dictature chinoise.

Trump a un choix à faire.

Nous avons un choix à faire.

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Soit nous nous alignons sur la Chine, en termes de coûts sociaux, en termes de productivité, et en
termes de droits (c'est à dire aucun), et nous devenons une dictature politique douce, ce qui est
évidemment le cas et le chemin choisi dans le cadre de cette mondialisation. Soit... nous relevons
notre degré de liberté pour marginaliser la Chine. C'est le choix de Trump! Plus de liberté... Mais
plus de liberté c'est évidemment prendre le risque de laisser les peuples s'exprimer.

Les mondialistes, les européistes, ont, pour imposer leur vue pas forcément partagée par des
peuples entiers, choisi le chemin de la dictature même soft et du contrôle social.

Sans idéaliser Trump et ses volontés démocratiques, il fait partie de la vieille école. Et la vieille
école est celle d'une plus grande autonomie et d'une plus grande liberté commecorolaire
indispensable à la créativité et à la grandeur retrouvée de l'Amérique.

Il faut donc attaquer de front le système médiatique serviteur zélé de l'idéologie mondialiste
puisque c'est aujourd'hui quelques multinationales qui détiennent la presse et les grands médias
mondiaux.

Le combat autour de l'immigration...

Comment comprendre le combat autour de l'immigration?

Mon point de vue sur le sujet est assez simple.

En dehors de tout politiquement correct et de fausse générosité, le modèle immigrationniste actuel


est profondément crétin, intellectuellement parlant s'entend.

Exporter ses bac +7 pour importer des bac -12 qui ne parlent pas votre langue, ce n'est
certainement pas le meilleur modèle économique ni le plus intelligent modèle social. C'est très
"gentil" sur le papier, mais c'est totalement stupide, et croire que ça va marcher sans poser de
problèmes relève au mieux de l'aveuglement, au pire
d'une volonté de destruction.

Mais la destruction de quoi?

La destruction justement de l'homogénéité des nations,


socle des nationalismes et de la force des pays.

Un peuple homogène est un tout homogène. Un


ensemble qui a un corpus de croyances et de réactions
partagées, capable de cohésion et d'actions collectives...
comme la guerre par exemple.

Partant du principe que les nations, c'est les


nationalismes, et que les nationalismes, c'est la guerre, il
n'en a pas fallu plus à quelques esprits "brillants" après les massacres de la Seconde Guerre
mondiale pour penser qu'il fallait,afin d’éviter la guerre, "casser" les nations.

C'est exactement à cela que s'emploient nos élites "pro" européennes depuis les années 50.

Casser les nations c'est casser les homogénéités selon le bon vieux principe du diviser pour
mieux régner, et faire en sorte que plus aucun pays ne ressemble à rien, et que tous soient plus

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ou moins identiques, c'est-à-dire un gloubi-boulga de plusieurs communautés n'ayant idéalement
rien à voir les unes avec les autres.

C'est parce que certaines élites ne veulent surtout pas de nations homogènes qu'elles ne veulent
surtout pas une intégration qui fonctionne, car évidemment, les couleurs de peau ne conditionnent
pas vos pensées. Être français ou allemand, ce n'est pas une question de couleur. C'est une
question d'adhésion personnelle à une fiction imaginaire collective appelée « nation ».

Ces élites européistes pensent qu'il faut casser les nations, d'une part pour éviter les
nationalismes, la "lèpre" selon Macron, mais aussi pour construire l'Europe.

On comprend donc facilement l'approche et l'utilisation de l'arme migratoire dans le cas européen.
Pour aller vers une Europe fédérale, il faut casser les sentiments d'appartenance à son pays
d'origine, pour basiquement dire que je suis "citoyen du monde et de l'Europe"...

Mais pourquoi la même chose semble se produire aux États-Unis?

La réponse est simple : les intérêts des multinationales se sont greffés aux intérêts politiques des
européistes pour constituer un ensemble de décideurs, de penseurs, et une élite profondément
européiste et mondialiste, car casser l'homogénéité des États-Unis d'Amérique, ce n'est pas pour
faire une nouvelle fédération. Les États-Unis sont déjà unis contrairement aux États européens.

En revanche, casser les USA, c'est casser le plus grand des contrepouvoirs politiques au
totalitarisme marchand.

Casser les États-Unis c'est permettre enfin aux grandes multinationales de faire tout ce qu'elles
veulent et sans aucune entrave.

De la même manière qu'il peut parfois dans le syndicalisme y avoir des "convergences des luttes",
il peut aussi y avoir dans le monde des convergences d'intérêts et c'est exactement ce qu'il se
passe.

Ces convergences ont donné naissance au courant mondialiste, globaliste, et européiste financé
et appuyé par toutes les grandes entreprises le tout au service des uns et des autres, pour former
le "totalitarisme marchand".

N'oubliez pas que les premières lois antitrusts ont été votées aux États-Unis, que c'est aux États-
Unis qu'une entreprise comme Microsoft a été démantelée, que Trump a ouvert le débat pour le
démantèlement d'Amazon, ou encore évidemment les lois de séparation entre les activités de
banques de détail et de banques d'investissements!

La puissance politique américaine peutêtre un redoutable contre-pouvoir au "big-business", un


contre-pouvoir que les grandes multinationales souhaitent évidemment éradiquer.

Dans le cas américain, l'immigration est également un outil aussi bien pour détruire la nation et
ses homogénéités du corps social qu'un moyen de permettre aux entreprises également l'accès à
une main-d'œuvre docile et bon marché qui pèse sur le reste des salaires.

La mondialisation et l'immigration sont les deux facteurs qui expliquent la non-augmentation des
salaires depuis presque 20 ans en Occident avec les résultats que nous connaissons sur la
paupérisation des classes moyennes.

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Le combat autour des technologies et des brevets

Depuis la révolution Internet, nous avons une accélération prodigieuse des évolutions techniques
qui s'exprime par de nouveaux produits de plus en plus technologiques.

Les États-Unis accusent d'ailleurs désormais la Chine ouvertement de pillage industriel et nous le
savons depuis des années pour ne pas dire des dizaines d'années. Jeune étudiant au milieu des
années 90, nos professeurs nous mettaient déjà en garde contre les cravates des visiteurs chinois
qui avaient tendance à les laisser tremper dans les différentes cuves pour pouvoir après faire
analyser les recettes industrielles...

Le Journal Le Monde en parle d'ailleurs lui aussi


dans une série d'articles et vous pouvez consulter
celui de cette photo ici.

Or dans notre économie de la connaissance et de la


technique, les capacités conceptuelles, les capacités
d'innovation sont évidemment fondamentales et
c'est elles qui conditionnent aujourd'hui ce que l'on
nomme la chaîne de valeur.

Fabriquer un tee-shirt vendu 5 euros en France,


mais acheté en gros en Chine pour 20 centimes
montre que la valeur se fait dans la distribution en
Europe... pas à la fabrication en Chine.

Vous pouvez multiplier à l'infini tous ces exemples


jusqu'à l'iPhone! Les coûts de fabrication en Chine sont très faibles par rapport à son prix de vente
en Occident!

Pour capter la valeur, il faut doncque la propriété industrielle soit défendue bec et ongles par ceux
qui y ont le plus intérêt, à savoir les pays occidentaux qui, jusqu'à présent, restent tout de même
très en pointe dans l'innovation et la créativité.

La Chine, et l'on va reboucler avec la dictature et le système politique, ne favorise pas


culturellement parlant l'innovation, l'inventivité et la liberté de création.

La créativité implique de laisser explorer des voies qui sont souvent... interdites par les autorités!

La créativité c'est savoir sortir des sentiers battus et c'est un peu la quadrature du cercle que
d'avoir d'un côté, un système politique et social rigide et de l'autre, exiger de sa population des
capacités créatrices importantes.

Conséquence de cet état de fait : les Chinois espionnent beaucoup, beaucoup trop, et Trump veut
d'un côté redonner de la liberté et casser les capacités d'espionnage des Chinois.

Cette volonté est plutôt pertinente, la stratégie plutôt judicieuse.

Voilà donc pour ce rapide tour d'horizon des constats et les premiers éléments de réflexion
nécessaires à la compréhension de la stratégie globale de Trump pour reprendre le leadership.

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Maintenant, faisons un arrêt sur image sur les "fronts" ouverts par Trump!

Guerres commerciales, de multiples


fronts ouverts par les États-Unis
Faisons un point rapide maintenant sur la guerre commerciale générale qui a été initiée par
Donald Trump depuis son arrivée à la Maison Blanche.

Si nous prenons de la hauteur et le temps de lister l'ensemble des fronts ouverts, le tableau
d'ensemble qui apparaît est évident.

Guerre commerciale sur tous les fronts !

C’est un article assez long de l’Agence France Presse, plutôt habituée à rédiger des dépêches
courtes, qui revient avec précision sur l’ensemble des fronts que le Président américain Donald
Trump a ouvert dans l’immense bataille commerciale qui se joue pour la maîtrise du leadership
économique mondial.

La liste qui fait peur de tous les conflits ouverts !

Alors que Donald Trump menace de porter à 450 milliards de dollars la valeur des produits chinois
qui seraient soumis à des droits de douane aux États-Unis, loin de se calmer, la guerre
commerciale semble redoubler d’intensité.

Ces 450 milliards d’importations qui seraient taxées représenteraient alors la majorité des
exportations chinoises, mesure que Trump est prêt à prendre si la Chine amplifie de son côté sa
riposte aux premières décisions protectionnistes américaines.

Compenser le pillage technologique chinois

L’idée de l’administration américaine par ces droits de douane est de compenser, selon elle, le
« vol par la Chine de technologie et de propriété intellectuelle »

Comme le dit l’AFP, « Pékin y a répliqué en annonçant des droits de douane "identiques" et crie
désormais au "chantage" de la part des États-Unis ».

Il faut dire que Donald Trump souhaite réduire son déficit commercial vis-à-vis de Pékin,
actuellement de 375 milliards de dollars. Un déficit commercial considérable.

Mais la Chine n’est pas le seul sujet ni le seul plat dans lequel le Président américain a mis les
deux pieds !

Union européenne

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
« Jeans, bourbon, Harley-Davidson: l'Union européenne taxe depuis vendredi des dizaines de
produits américains en réponse aux droits de douane des États-Unis sur son acier et son
aluminium.

Cette mesure, adoptée à l'unanimité par les 28, vise à compenser à hauteur de 2,8 milliards
d'euros les dommages générés par les taxes américaines.

D'autres produits américains pourraient à l'avenir être également taxés par l'UE, à hauteur de 3,6
milliards d'euros.

Les Européens redoutent une escalade si Washington décide de mettre à exécution sa menace
de taxer les voitures importées, une perspective qui fait frémir la puissante industrie automobile
allemande. »

Canada et Mexique = ALENA

Rien ne va plus entre le Président américain qui est lassé des critiques récurrentes du Premier
ministre canadien Justin Trudeau, qu’il juge "insultantes" et, selon lui, « les taxes américaines sur
l'acier et l'aluminium vont coûter cher au Canada ».

Le Canada a annoncé ses représailles pour juillet !

De son côté, le Mexique, autre grand partenaire au sein de l’ALENA, a décidé d'imposer des taxes
douanières équivalentes "sur divers produits" importés des États-Unis, dont certains aciers, des
fruits et des fromages.

L’idée de Trump est de renégocier l’ensemble du traité de l’ALENA, l’Accord de libre-


échangenord-américain qui date de 1994 et dont les effets n’ont pas été franchement bénéfiques
pour le « worker », le travailleur américain.

Russie

Côté russe, rien ne va plus non plus… « Touchée elle aussi par la hausse des taxes sur l'acier, la
Russie a informé l'OMC qu'elle était prête à des mesures de représailles contre les États-Unis.
Moscou estime le préjudice de ces taxes à 538 millions de dollars. »

En plus du sujet purement commercial, les tensions entre la Russie et les USA dépassent
largement les aspects liés aux droits de douane puisque des sanctions importantes sont imposées
à Moscou.

Iran

Concernant l’Iran, Donald Trump a annoncé début mai son retrait de l'accord nucléaire iranien et
le rétablissement des sanctions à l'égard de Téhéran ainsi que « de toutes les entreprises ayant
des liens avec la République islamique ».

« Les Américains ont donné à ces dernières une période de 90 à 180 jours pour se retirer d'Iran.
Le premier train de rétablissement de sanctions, fixé au 6 août, concernera l'automobile et
l'aéronautique civile. Suivront le 4 novembre l'énergie et la finance. »

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Japon

Idem pour l’Empire du Soleil levant, lui aussi concerné depuis mars par les taxes sur l'acier. Tokyo
a informé l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de sa volonté d’imposer des taxes à
hauteur de 50 milliards de yens sur des marchandises américaines en représailles.

Pour le Japon comme pour l’Allemagne, le principal danger réside dans la menace de taxes sur
les importations automobiles.

Corée du Sud

« La Maison Blanche a annoncé le 1er mai avoir finalisé son traité de libre-échange avec Séoul,
mettant un terme au conflit commercial l'opposant à la Corée du Sud.

En vertu de cet accord, Séoul accepte d'ouvrir davantage son marché automobile aux
constructeurs américains. Il a par ailleurs accepté de réduire de 30% ses exportations d'acier vers
les États-Unis. »

Conclusion ?

Les Américains ont décidé de réduire considérablement les déficits commerciaux et de mettre fin
à la mondialisation telle que nous la connaissions.

L’exemple coréen est à ce titre très instructif car il y a bien un nouvel accord qui vient d’être
négocié entre Séoul et Washington, avec une Corée du Sud qui préfère accepter de baisser
volontairement ses exportations de 30% plutôt que de se lancer dans une guerre commerciale
sans fin.

Ces immenses changements dans la globalisation de l’économie sont porteurs d’une grande
instabilité économique et monétaire, car c’est tous les grands équilibres actuels qui sont rompus,
quand bien même ils n’étaient pas forcément satisfaisants.

Source AFP ici

Voilà pour le point rapide sur les différentes "guerres" commerciales initiées par Trump.

Maintenant, relions tout cela ou intégrons également à la réflexion le sujet pétrolier et l'or noir.
Vous pouvez vous reporter au dossier Stratégies consacré aux guerres pour l'énergie.

Ici, je vais pointer le lien direct entre la mondialisation et le besoin en énergie qu'elle implique ainsi
que la raréfaction des ressources pétrolières mondiales, avec en gros deux grands producteurs
qui vont rester sur le marché et qui sont... La Russie et les États-Unis d'Amérique!!

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
La fin du pétrole, l’Arabie saoudite et la
mondialisation
C’est un article de La Tribune sur lequel je vous invite à vous arrêter quelques instants.

Comme vous le savez, et j’y avais consacré une lettre Stratégies entière, les aspects énergétiques
sont essentiels pour comprendre le monde dans lequel nous évoluons et les guerres qui le
secouent, mais aussi les grandes tendances à venir.

Beaucoup se posaient la question de la réalité de ce que le rapport Meadows appelait le


« peakoil ».

Si ce phénomène de « fin » du pétrole est toujours considéré comme sulfureux et presque comme
une légende, il n’en reste pas moins que c’est l’Arabie saoudite, le plus gros producteur mondial,
qui nous donne la réponse quant à la véracité de telles allégations.

Le titre de l’article de La Tribune est le suivant : « Arabie saoudite : en marche vers l’après-
pétrole ».

Comprenez que du pétrole, il n’y en a plus, qu’il n’y en aura plus pour tout le monde, et la
mondialisation nécessite un modèle économique qui repose sur une quantité abondante d’énergie
pas chère. C’est aussi une manière différente de voir ce qu’il se passe actuellement.

Le règlement du conflit israélo-palestinien

Ce que je veux dire par là, c'est que dans son plan Vision 2030, il n'y a plus une goutte d'or noir à
Ryad, qui est n'est donc plus en aucun cas un pays qui "compte" stratégiquement. L'Iran et les
guerres intestines à l'islam entre le chiisme et le sunnisme, sans oublier les différences de
démographie entre l'Iran et l'Arabie saoudite, rendent les Saoudiens terriblement vulnérables aux
ambitions des Perses!

L'Arabie saoudite fait donc tout aujourd'hui contre l'Iran aussi bien avec les États-Unis qu'avec les
Israéliens. Les Palestiniens seront les sacrifiés de l'histoire et Donald Trump ne va pas tarder à
annoncer comme un coup de tonnerre, un plan de paix autour de la Palestine pour régler
"définitivement" le conflit israélo-palestinien.

Ce règlement sera le résultat de négociations bien plus vastes sur la gestion des rapports de force
dans la région.

Trump troque la sécurité d'Israël contre la sécurité de l'Arabie saoudite qui s'exprime en mettant
au pas l'Iran, et c'est pour cette raison que le président américain sera intraitable avec les
Iraniens.

Pour en revenir au pétrole et à cet article de La Tribune, il confirme simplement ce que je vous
disais déjà il y a quelques mois dans le dossier consacré aux guerres pour l'énergie. Il n'y a plus
de pétrole en Arabie saoudite!
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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Et s’il n'y a plus de pétrole en Arabie, comment fournir le système économique basé sur la
mondialisation qui nécessite des millions de barils chaque jour pour permettre aux flux logistiques
d'exister?

Pas de mondialisation sans pétrole! D'où vient l'énergie?

Voici les 11 plus gros producteurs de pétrole, on devrait dire d'ailleurs les 11 plus "extracteurs"
importants de pétrole.

En tête, à un "pouième" des États-Unis, on retrouve... la Russie!

Voici le reste du classement... Vous allez me dire quel intérêt?

Le premier pays européen c'est la Norvège puis le Royaume-Uni, or l'Europe est l'un des trois plus
gros consommateurs de pétrole au monde, avec les États-Unis, et même la Chine!!

Du coup, vous voyez le sujet de la transition énergétique d'un autre œil, mais aussi la guerre que
se mène Russie et États-Unis pour le plus gros client en dehors de la Chine à savoir... nous,les
Européens!

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Source Trading Economics ici

Les États-Unis, premier producteur mondial

Maintenant que les États-Unis sont lesplus gros producteurs de pétrole, et cela globalement
jusqu'à la fin de ce que l'on appelle « l'oléocène » (l'ère du pétrole), ils vont pouvoir mettre en
place d'une part une stratégie de domination par la fourniture de cette précieuse énergie, et
d'autre part, ils n'ont plus besoin du pétrole pour asseoir la domination de leur dollar. Gardez en
tête cette histoire de dollar et de pétrole, nous allons y revenir à la fin du chapitre suivant!

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
La loi anti-OPEP de Trump qui assimile
l’OPEP à un cartel
Les USA préparent-ils une révolution sur le marché mondial du pétrole?

Le projet de loi contre les cartels de production et d'exportation de pétrole, prêt depuis 18 ans, a
été soumis au Congrès américain fin mai. Ce document proclame hors la loi les accords de cartel
sur le marché pétrolier et propose d'étendre la loi antitrust Sherman à l'OPEP.

La loi antitrust Sherma qui est antimonopole avait été utilisée il y a plus d'un siècle pour faire
éclater l'empire pétrolier de John Rockefeller, rappelle mercredi 20 juin le site d'information
Vestifinance.ru.

L’OPEP pourrait décider de la levée des restrictions sur la production de pétrole en juin

Le projet d'élargissement de cette loi a déjà franchi la première étape: la semaine dernière, il a été
approuvé par le Comité judiciaire de la chambre des représentants.

Cela fait plus de 30 ans que Donald Trump critique l'OPEP. Pour lui, le cartel «vole les citoyens
américains». Le président américain s'est déjà distingué par sa conduite radicale en déclenchant
une guerre commerciale contre la Chine, l'UE et d'autres pays.

«Les pays membres de l'OPEP ne s'entendront pas sur l'augmentation de la production pétrolière
pendant la prochaine réunion à Vienne le 23 juin», estime le ministre iranien du Pétrole
BijanZangeneh. Ce dernier note également que le président américain Donald Trump soutient un
prix du baril élevé, tout en décrétant des sanctions contre l'Iran et le Venezuela.

Le pétrole cher est bénéfique aux compagnies de schiste, mais a provoqué une hausse du prix de
l'essence, notamment aux États-Unis. C'est pourquoi le locataire de la Maison blanche a demandé
à l'OPEP d'accroître la production d'un million de barils. BijanZanganeh juge «inadmissible» ce
comportement du dirigeant américain. «L'OPEP n'est pas une organisation qui doit recevoir des
instructions du président Trump et les respecter», dit-il.

Vers un cours du baril à 100 dollars en 2019?

Précédemment avait été relayée l'information selon laquelle à Vienne, la Russie et l'Arabie
saoudite insisteraient sur l'augmentation de la production de 1,5 million de barils par jour au
troisième trimestre. Cependant, par la suite, l'agence Bloomberg a rapporté que plusieurs pays
n'étaient pas d'accord et suggéraient une hausse de seulement 600000 barils.

Dans le même temps, le ministre koweïtien du Pétrole, de l'Électricité et de l'Eau Bakhit al-Rachidi
a déclaré que les parties de l'accord n'avaient pas encore trouvé de consensus sur
l'assouplissement des quotas, rapporte l'agence officielle Kuna.

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
«Il n'y a pas encore de vision claire en ce qui concerne l'augmentation ou la baisse du plafond de
production. À Vienne, les parties prendront une décision dans l'intérêt des producteurs, des
consommateurs et de la stabilité des marchés mondiaux», a déclaré le ministre.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média
russe et traduit dans son intégralité en français.

https://fr.sputniknews.com/presse/201806201036876610-usa-opep-revolution/

Premier volet de la stratégie trumpienne sur l'énergie : casser les concurrents potentiels. On casse
la Russie, on casse l'Iran, le Venezuela c'est déjà fait, et l'Irak a été envahi. La Syrie est en pleine
guerre. L'Arabie saoudite bientôt à sec, le champ est libre pour l'Amérique.

Second volet, le sujet monétaire!! Les pétrodollars ne seront plus nécessaires... D'abord parce
que l'Arabie saoudite n'en génèrera bientôt plus et ensuite parce que le pétrole sera acheté aux
États-Unis... qui le fourniront contre des dollars... Or plus personne n'aura de dollars si les USA
vendent leur pétrole à l'étranger...

Vous savez pourquoi? Parce que si j'achète en dollars plus que je n'exporte vers les États-Unis,
au bout de x temps, je n'ai plus assez de dollars pour acheter en dollar... Ma monnaie s'effondre,
je suis obligé d'acheter du dollar qui, lui, s'envole vers des sommets insoupçonnés... Et c'est là où
les choses deviennent rudement intéressantes !

Car ce phénomène que je viens de vous décrire très sommairement et succinctement est connu
sous le terme de "dilemme de Triffin". Nous allons nous y arrêter longuement.

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Le dilemme dit de « Triffin »
Qu’est-ce que le dilemme de Triffin, ou le paradoxe de Triffin ?

C’est un sujet économique assez peu connu et peu discuté dans le grand public, pourtant il
explique bien des difficultés et bien des problèmes actuels auxquels nous sommes tous
confrontés.

Le dilemme de Triffin, ou paradoxe de Triffin, tire son origine du système de Bretton Woods,
lequel rendait nécessaire le déficit de la balance courante des États-Unis pour alimenter le monde
en moyens de paiement internationaux. Une telle situation contribue à un affaiblissement
progressif de la confiance des agents économiques étrangers envers la monnaie de référence.
Les besoins importants de l'économie mondiale en une devise fiable aboutissent donc
paradoxalement à la perte de confiance envers cette monnaie.

Ce problème a été exposé par Robert Triffin dans Gold and the Dollar Crisis: The Future of
Convertibility (1960).

Ce paradoxe peut aussi être lié à une création monétaire trop élevée.

En effet, soit la balance globale du pays de la monnaie internationale est déficitaire, ce qui permet
aux autres pays de disposer d'instruments de paiement, mais ce qui sape à terme toute confiance
dans cette monnaie, soit sa balance globale est excédentaire, ce qui provoque un manque de
liquidités internationales et donc ralentit la croissance des échanges : une monnaie nationale ne
peut servir durablement de monnaie internationale.

Ainsi, le dilemme de Triffin conduit à penser que tout système monétaire international assis sur
une devise clé unique, en l’occurrence le dollar, est instable.

La « folie » de Trump et le retour de l’étalon-or !

Hugo Salinas Price est né en 1932. Il a traversé le siècle et les crises, c’est aussi un magnat
mexicain des affaires, investisseur et philanthrope. Il est le fondateur de la chaîne de magasins
Elektra au Mexique.

Il revient brillamment et simplement, dans son dernier article, sur l’importance du dilemme dit de
Triffin, et pointe du doigt que la politique de Trump devrait logiquement aboutir à une immense
crise monétaire qui pourrait avoir pour conséquence le retour de l’étalon-or.

Du dilemme de « Triffin » au retour de l’étalon-or !

En 1995, alors que le Mexique traversait une autre crise financière, j'ai compris que le problème
du système monétaire mondial existant résidait dans le fait qu’il était basé sur le dollar comme
monnaie fondamentale du monde entier.

Dans mon ignorance, je ne savais pas qu'un homme nommé Triffin avait déjà signalé ce
problème, qui s’est fait connaître sous le nom de "dilemme de Triffin".

Le problème est vraiment très simple.


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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Si le dollar – tel qu'il est – doit être la base du système monétaire mondial (on achète tout en
dollars y compris et surtout le pétrole), il est donc requis par toutes les banques centrales en tant
que réserves.

Il n'y a qu'une seule façon pour toutes les banques centrales du monde d'obtenir ces réserves
précieuses de dollars. Leurs pays sont obligés de vendre moins cher que tous les producteurs
américains, afin de pouvoir vendre plus aux États-Unis qu'ils n'achètent aux États-Unis.

La différence entre les dollars qu'ils obtiennent des ventes est plus importante que les dollars
qu'ils dépensent pour acheter aux États-Unis.

Cette différence – connue sous le nom de déficit commercial américain – alimente toutes les
banques centrales du monde entier et augmente leurs réserves.

Donc, si le président Donald Trump veut réduire, voire idéalement supprimer le déficit commercial,
cela signifierait que toutes les banques centrales étrangères devraient trouver beaucoup plus
difficile l’obtention des dollars pourtant nécessaires à leurs réserves.

Lors de la fin des accords de Bretton Woods, les Américains ont souhaité s’exonérer du carcan de
l’étalon-or et ont réussi à imposer le dollar comme monnaie de réserve mondiale en le rendant
obligatoire pour acheter le pétrole indispensable à toutes nos économies.

Le dollar était devenu « notre monnaie, mais votre problème » selon les célèbres paroles d’un
ministre américain de l’époque.

Pourtant, ce que ce grand système monétaire mondial basé sur le dollar papier a fait aux États-
Unis était tout à fait inattendu : il consiste à obtenir des biens étrangers en offrant de la monnaie
papier en paiement, ce qui est fondamentalement frauduleux. Et cette fraude est revenue hanter
les États-Unis, de façon tout à fait inattendue.

Le résultat inattendu du dilemme de Triffin a été la désindustrialisation des États-Unis (et dans
une autre mesure, celle de l’Europe), car le monde s'est préparé à être plus compétitif et moins
cher que tous les producteurs américains partout où ils pouvaient le faire, afin d'obtenir les
indispensables dollars américains.

Trump s'aliène sauvagement tout le reste du monde, avec la menace des tarifs douaniers, afin de
réduire le déficit commercial. Ce qu'il ne comprend pasc'est que le déficit commercial est intégré à
l'économie américaine, parce que les banques centrales du monde entier ont besoin de dollars
pour leurs réserves : c'est le système. Il tourne et fonctionne ainsi.

Il n'y a qu'une seule façon, et une seule façon, de se débarrasser du déficit commercial et de
renouveler la productivité des États-Unis : abandonner le système monétaire international actuel
(dérivé des accords de Bretton Woods de 1944) et revenir à l'étalon-or.

Il n'y a pas de "déficit commercial" dans le cadre du Gold Standard, car tous les pays doivent
payer comptant avec de l'or pour leurs importations et collecter de l'or pour leurs exportations.
Résultat : commerce équilibré. Pas de déficit commercial.

Une question qui me trotte dans la tête : la "folie" de Trump mène-t-elle vraiment au « gold
standard » ? C'est vraiment ce qu'il veut ?

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Parce que s'il continue à saper le dollar américain actuel en tant que monnaie de réserve
mondiale, en rendant impossible pour les autres banques centrales d'obtenir des dollars par le
biais du déficit commercial américain, cela semblerait être le résultat final probable.

Source Plata.com ici : http://plata.com.mx/enUS/More/353?idioma=2

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Le dilemme de « Triffin » vu par la
BCE : conférence de 2011 et monnaie
supranationale
Afin d'aller plus loin, je vous invite à prendre lecture de cette conférence organisée par un membre
du directoire de la BCE sur ce sujet. Vous allez voir que cela conduit logiquement à deux
alternatives. Soit une monnaie supranationale, soit l'étalon-or!!

Et la boucle sera presque bouclée...

Le dilemme de Triffin, toujours d’actualité

Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE,

Conférence sur le système monétaire international :

soutenabilité et projets de réforme,

Centenaire de la naissance de Robert Triffin (1911-1993),

Fondation internationale Robert Triffin, Bruxelles, 3 octobre 2011.

Introduction

L’héritage intellectuel de Robert Triffin, c’est tout d’abord son fameux « dilemme », qui est toujours
d’actualité de nos jours. Nous sommes encore dans une situation où une monnaie nationale – le
dollar des États-Unis – est la principale devise internationale. Le dollar demeure au cœur du
système monétaire et financier international. Et nous sommes toujours en présence d’une tension
fondamentale entre les demandes de devises émanant d’économies en forte croissance, les
politiques incitatives nationales des pays émetteurs ou détenteurs de réserves et la stabilité
économique et financière au niveau international. Comme le disait déjà Triffin, le système reste
fortement dépendant des décisions prises séparément par les pays.

Cette tension, qu’on appelle le dilemme (ou paradoxe) de Triffin, était liée aux modalités
spécifiques du système d’étalon change-or qui était en vigueur en 1960, année où parut son
ouvrage L’or et la crise du dollar. Nous vivons aujourd’hui dans un système beaucoup plus souple,
où la demande de liquidité à l’échelle mondiale peut être plus facilement satisfaite. Pourtant,
même si ses ressorts ont changé, ce dilemme reste actuel pour autant que l’on formule sa teneur
essentielle en des termes plus larges, comme je vais le faire dans la première partie de mon
exposé aujourd’hui. Ensuite, je rappellerai brièvement comment ce dilemme a vu le jour et a été
résolu à l’époque de Triffin. Cela me permettra de mieux cerner les principales différences et
similitudes avec notre époque, ce qui m’amènera à conclure qu’il est bel et bien justifié de parler
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d’un « retour » du dilemme de Triffin. Enfin, je me tournerai vers l’avenir et poserai la question de
savoir si, et comment, il est possible d’échapper à ce dilemme aujourd’hui.

Ma principale conclusion est qu’il convient, pour contribuer à maintenir la stabilité au niveau
mondial, de mettre en place un certain nombre d’incitations à l’intention des grands émetteurs et
détenteurs de réserves afin d’éviter les externalités négatives pour d’autres pays.

1. Le dilemme de Triffin : une formulation générale

Chaque système monétaire et financier international doit s’appuyer sur une ou plusieurs monnaies
internationales pour que les agents économiques puissent interagir dans l’économie mondiale en
utilisant ces monnaies comme moyen de paiement, comme unité de compte ou comme réserve
de valeur. Lorsque ces devises internationales sont aussi des monnaies nationales, l’offre de
liquidité mondiale émane d’un ou plusieurs « pays clés ». Et quand les pays clés sont en position
de monopole ou de quasi-monopole, ils ont tendance, avec le temps, à tirer parti de la forte
dépendance des autres pays à l’égard de leur monnaie. Exploitant ce « privilège exorbitant », les
pays clés mettent en place des politiques incitatives d’absorption des chocs (par exemple, le
financement d’une guerre) ou des modèles de croissance (fondés par exemple sur la
surconsommation) qui ne sont viables à long terme que si leurs propres actifs liquides et sûrs font
l’objet d’une demande inconditionnelle de la part du reste du monde. Cependant, lorsque les
politiques appliquées se concentrent trop sur le court terme et les besoins intérieurs, elles se
traduisent souvent par des retombées négatives sur le reste du monde (par exemple, des tensions
inflationnistes ou des rendements relativement faibles) et, à long terme, en l’absence de
rééquilibrage, elles peuvent s’avérer insoutenables et entraver le bon fonctionnement du système
monétaire international.

Depuis quelque temps pourtant (voire depuis très longtemps), ce comportement ne menace pas le
statut international de ces monnaies clés. La raison en est non seulement qu’il n’y a pas de
solution de rechange, mais aussi que certains pays d’importance systémique dans le reste du
monde ont entre-temps adopté des mesures incitant à demander de plus en plus d’actifs libellés
dans les monnaies clés. Ces pays, à la périphérie du système, ont tendance à appliquer des
modèles de croissance qui reflètent, en miroir, ceux des pays clés et peuvent eux aussi
s’accompagner d’externalités négatives : il suffit de penser aux excédents des comptes courants
et à l’accumulation de réserves, qui contrevenaient aux règles du système monétaire international
à l’époque de Bretton Woods et qui contribuent de nos jours au maintien de rendements
excessivement faibles et à des distorsions dans les échanges commerciaux.

D’où la tension, qui peut un jour ou l’autre devenir un réel dilemme entre, d’une part, les politiques
incitatives nationales à court terme dans les pays clés émetteurs ou détenteurs de réserves et,
d’autre part, la stabilité à long terme d’un système monétaire et financier international.

Cependant, aucun instrument unique ne permettrait de remédier à cette tension, formulée ainsi de
manière générale. De fait, il a existé au fil du temps de nombreux types de systèmes monétaires
internationaux. À l’époque de Triffin, certains systèmes étaient dotés de règles strictes en matière
d’ajustement et de disponibilité mondiale de liquidité, comme je vais le rappeler dans un instant.
D’autres systèmes, comme c’est le cas aujourd’hui, facilitent plutôt la création de liquidité à
l’échelle mondiale et le financement des déséquilibres, en négligeant la stabilité à long terme du
système, un point sur lequel je reviendrai plus tard.

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2. Le dilemme de Triffin à l’époque de Triffin

Dans le système de Bretton Woods, le dollar était la monnaie internationale, utilisée


principalement comme unité de compte et comme moyen de paiement pour acquérir des biens
étrangers. Étant donné que le compte de capital était pour ainsi dire fermé et les marchés
financiers peu développés, la fonction de réserve de valeur était limitée, et résultait
essentiellement du besoin de couvrir toute pénurie temporaire de dollars, nécessaires pour
importer des biens de l’étranger. Les autres caractéristiques essentielles du système étaient des
taux de change fixes par rapport au dollar, la convertibilité du dollar en or et un mécanisme
d’ajustement des déséquilibres reposant sur une correction symétrique de la demande intérieure
totale et des prix relatifs dans les pays concernés. Mais aucun mécanisme n’imposait la symétrie
dans le processus d’ajustement, une correction par réalignement des taux de change étant
possible, mais rare.

Lorsque le système de Bretton Woods a été mis en place, dans la seconde moitié des années
1940, les autres pays pouvaient difficilement acquérir des dollars sans l’aide américaine, compte
tenu de leur immense retard économique sur les États-Unis. À la fin des années 1950, toutefois, la
pénurie mondiale de dollars avait pris fin, grâce à la hausse des exportations réglées en dollars.
C’était une bonne nouvelle, qui signifiait que les pays n’avaient plus besoin de l’assistance
américaine pour obtenir des dollars afin de surmonter les difficultés économiques de l’après-
guerre. Mais tout n’était pas rose, comme l’a compris Triffin. Des pays comme l’Allemagne et le
Japon avaient, de fait, commencé à accumuler de gros excédents courants et, par conséquent, un
volume croissant de dollars sous la forme de réserves officielles, ce qui impliquait pour les États-
Unis une accumulation d’engagements monétaires vis-à-vis des non-résidents. Le problème était
le suivant : la courbe de l’offre, pour ces engagements américains à taux de change fixe, était
élastique en fonction de la demande (croissante), mais l’engagement américain de fournir de l’or
sur demande à un prix tout aussi fixe, lui, ne l’était pas.

Dès le début des années 1960, les engagements monétaires américains à l’égard des non-
résidents étaient supérieurs aux stocks d’or que possédaient les États-Unis. D’où le dilemme, qui
prenait à l’époque de Triffin cette forme spécifique et bien connue : si les États-Unis refusaient de
fournir des dollars aux autres pays, les échanges commerciaux allaient stagner et l’économie
mondiale finirait par être entraînée dans une spirale déflationniste. Mais si les États-Unis
fournissaient un volume illimité de dollars, l’assurance de les voir convertis en or éroderait la
confiance dans sa monnaie internationale.

On pourrait toutefois formuler ce dilemme en des termes plus généraux. Compte tenu des règles
de Bretton Woods, il existait, dans les pays clés émetteurs ou détenteurs de réserves, des
mesures nationales incitant à ne pas respecter ces règles, au détriment de la viabilité du système.
La raison principale en était que la tentation a toujours été grande d’utiliser le taux de change
comme un outil de rééquilibrage, qui avait l’avantage, surtout en cas de choc majeur, d’être
politiquement plus facile à faire admettre qu’un ajustement intérieur long et coûteux. À la fin des
années 1960, les États-Unis ont financé le plus violent de ces chocs – la guerre du Vietnam – par
une politique d’expansion monétaire qui a donné lieu à de fortes pressions inflationnistes et qui
n’accordait aucune importance à la stabilité monétaire mondiale. Sous l’effet de cette politique, les
avoirs de réserve libellés en dollars ont perdu 40 % de leur pouvoir d’achat, et les créanciers des
États-Unis sont devenus de plus en plus réticents à l’idée de financer la guerre en accumulant des
réserves libellées en dollars. Le système a fini par s’effondrer, comme Triffin l’avait prédit :
confronté au dilemme, le pays au centre du système a décidé de mettre fin à son engagement de
maintenir la valeur du dollar par rapport à l’or, préférant répondre à ses besoins intérieurs en

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fournissant sa monnaie de réserve aux autres pays (qui s’exonéraient eux aussi de tout
ajustement).

3. Le dilemme aujourd’hui : ce qui a changé, ce qui reste pertinent

Qu’est-ce qui a changé depuis l’époque de Robert Triffin ? En fait, le fonctionnement du système
monétaire et financier international, et donc les modalités du dilemme, ont évolué de manière
considérable. Mais la tension fondamentale entre les incitations nationales à court terme et la
stabilité du système international, elle, demeure. Le dilemme de Triffin se porte donc bien et a de
beaux jours devant lui.

3.1 Ce qui a changé

Trois évolutions majeures ont eu lieu.

Premièrement, on sait aujourd’hui que les règles de Bretton Woods étaient trop strictes. Un
nouveau système monétaire et financier international, informel, s’est constitué au cours des
quarante dernières années, qui est beaucoup plus souple que les systèmes précédents. Le dollar
ne doit plus être « aussi bon que l’or ». Les ajustements des taux de change sont devenus un outil
de rééquilibrage important, tandis que le système monétaire et financier international s’est adapté
aux conditions économiques et aux préférences des différents pays quant aux moyens d’action.
Ainsi, les taux de change des monnaies de l’ensemble des économies avancées et de plusieurs
économies émergentes suivent un régime de flottement pur, alors qu’une nouvelle « zone dollar »
est née qui comprend des créanciers d’importance systémique, le système international étant
donc organisé à la fois autour de régimes de change flottants et fixes.

Deuxièmement, une nouvelle monnaie de poids au niveau mondial a vu le jour avec l’euro. La
naissance de la monnaie unique européenne a eu des conséquences importantes, sans toutefois
provoquer l’émergence d’un véritable duopole dans l’offre de monnaies internationales. L’euro
s’est imposé de façon crédible face au dollar, sans pourtant influer fortement sur le rôle central de
ce dernier dans le système international. Le dollar continue en particulier de bénéficier de son
privilège exorbitant. Je dirais ceci pour nous en convaincre. Il est indéniable que les très faibles
écarts de rendement constatés jusqu’en 2008 environ sur la dette de certains pays européens
s’expliquaient principalement par le « privilège » de l’appartenance à la zone euro. Et il est
également vrai qu’il s’agissait là d’un des facteurs ayant conduit à sous-estimer l’importance
cruciale de la discipline budgétaire et de la compétitivité au sein de l’union monétaire. Cependant,
il est tout aussi exact que les chocs idiosyncrasiques négatifs provenant de ces pays de la zone
euro au cours des deux dernières années ont entraîné une réévaluation majeure de leur risque
souverain. Cette situation est l’inverse de ce qui s’est passé lorsque des chocs négatifs de même
nature sont venus des États-Unis. La stabilité actuelle du taux de change de l’euro tient davantage
aux bons fondamentaux, dans l’ensemble, de la zone euro qu’à un quelconque privilège
exorbitant.

Mais la dernière évolution, la plus significative, du point de vue de la pensée de Triffin est qu’il
n’existe plus dans le monde de déficit de liquidité fondamental, inhérent au fonctionnement même
du système. L’accumulation de déséquilibres extérieurs au niveau international à l’heure actuelle
ne doit pas être perçue comme une condition préalable nécessaire à la fourniture de liquidité
mondiale et à la croissance des échanges internationaux. Je voudrais expliquer ce point.

Les États-Unis et la zone euro ne doivent plus, aujourd’hui, enregistrer des déficits courants
croissants pour satisfaire la demande de dollars ou d’euros. Deux raisons, qui se recoupent,
expliquent cela. Tout d’abord, des marchés financiers mondiaux plus liquides, largement intégrés
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et fonctionnant harmonieusement permettent aux pays émetteurs de réserves de contracter, vis-à-
vis du reste du monde, des engagements financiers sûrs et liquides tout en investissant des
montants correspondants dans une large gamme d’actifs financiers à l’étranger.

L’euro est, de fait, devenu une monnaie internationale importante depuis sa création et la zone
euro présente un compte courant équilibré. Dans un monde désormais dépourvu d’un lien direct
entre les comptes courants, c’est-à-dire entre les flux nets de capitaux et la liquidité mondiale, il
convient d’inclure également les flux bruts de capitaux pour bien appréhender la question de la
liquidité mondiale. La deuxième raison est que, sous Bretton Woods, la liquidité mondiale et la
liquidité publique étaient pour ainsi dire les deux faces d’une même pièce.

Aujourd’hui, en revanche, la « disponibilité de financement » au niveau mondial dépend


également en grande partie de la liquidité privée fournie directement par les établissements
financiers, notamment à travers les prêts interbancaires et les marchés de valeurs mobilières.
Étant donné le caractère endogène de cette liquidité privée, les conditions de la liquidité mondiale
à un moment donné ne peuvent être évaluées que par l’examen de la liquidité tant publique que
privée.

Les données empiriques montrent alors qu’il n’y a pas de déficit endémique de liquidité dans le
monde. Il ne s’agit pas de nier que des pénuries temporaires peuvent survenir, comme on l’a vu
après la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008. Mais ces pénuries sont le résultat des
chocs et des cycles d’essor et de contraction, et non d’une caractéristique intrinsèque du système
monétaire et financier international. Elles peuvent dès lors être résorbées grâce à un filet de
sécurité financière adéquat à l’échelle mondiale.

3.2 Ce qui demeure pertinent

En premier lieu, certains facteurs continuent de faire peser sur le système international des
tensions du même type que dans le dilemme de Triffin. En particulier, les secteurs publics de
plusieurs économies de marché émergentes continuent d’ajouter régulièrement leurs propres
demandes d’actifs américains sûrs à la demande privée de dollars sur les marchés.

Même lorsqu’un choc provient des États-Unis, des flux importants de capitaux publics continuent
de s’orienter vers ce pays en quête, avec le dollar, d’une réserve de valeur sûre et d’une source
de liquidité de précaution. Il en résulte des flux de capitaux nets totaux en provenance des
économies de marché émergentes dans leur ensemble vers les économies avancées (le
paradoxe de Lucas), alors même que des capitaux privés continuent d’affluer vers les économies
émergentes, conformément à la théorie.

Cette situation ne poserait pas de problème si elle n’aggravait pas la fragilité du système financier
américain en exerçant des pressions à la baisse sur les primes de risque et les taux d’intérêt
réels, ce qui favorise l’innovation financière et tend à faire monter les niveaux d’endettement. Or,
elle aggrave cette fragilité.

Trois facteurs essentiels entraînent l’accumulation de réserves.

1. Certaines économies de marché émergentes dégageant des surplus courants achètent des
dollars dans le cadre d’une stratégie visant à maintenir systématiquement le taux de change
effectif réel de leur monnaie à un niveau sous-évalué.

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2. D’autres économies de marché émergentes dont le compte de capital est largement ouvert, et
qui sont donc exposées à la volatilité des flux de capitaux, achètent des dollars pour constituer
des réserves de précaution et se prémunir ainsi d’éventuels retournements dans les flux de
capitaux.

3. Les pays exportateurs de produits de base recyclent leurs excédents courants dans des actifs
sûrs libellés en dollars.

Mais, comme au temps de Triffin, cette lame est à double tranchant. La demande d’actifs sûrs
renforce le privilège exorbitant dont bénéficient les États-Unis. Cela entraîne un relâchement des
politiques américaines dans la mesure où le pays tend à s’appuyer de façon excessive sur le
crédit facile dans les périodes normales et sur des politiques macroéconomiques très
expansionnistes en période de crise. Il en résulte un endettement américain excessif.

Le secteur des entreprises était endetté avant que n’éclate la bulle informatique en 2001. Il en
allait de même des secteurs financiers et des ménages avant l’éruption de la crise des subprimes
en 2007-2008. Aujourd’hui, c’est le secteur public qui est endetté.

Cela me conduit à évoquer le deuxième élément qui demeure pertinent dans le dilemme de Triffin.
Le système monétaire et financier mondial ne se trouve pas en meilleure posture actuellement.
L’incertitude prévalant dans le système de Bretton Woods – l’absence d’ancrage crédible pour la
stabilité monétaire et financière internationale – subsiste.

Les grands émetteurs et détenteurs de monnaies de réserve ont des objectifs nationaux
indépendants de ce qui serait bon pour le système mondial, voire pour leurs propres intérêts à
long terme. Dans la mesure où ces politiques n’accordent pas une attention suffisante aux
externalités négatives affectant d’autres pays et aux préoccupations à plus long terme quant à la
stabilité macroéconomique et financière, elles sont généralement à l’origine de déséquilibres
insoutenables et aggravantla vulnérabilité du système financier mondial.

De nombreux ouvrages soutiennent la thèse selon laquelle un facteur fondamental des


incertitudes à l’origine de la crise économique et financière mondiale qui a éclaté à l’été 2007 [8] a
été la surabondance, au niveau mondial, de liquidité et d’épargne – aux dépens des
investissements –, due respectivement aux économies émettant et aux économies accumulant
des réserves.

Globalement, comme à l’époque de Triffin, il n’existe pas actuellement de mécanisme crédible


d’ajustement symétrique des déséquilibres, même si nous disposons aujourd’hui de cours de
change plus flexibles, d’une plus grande innovation financière, de capitaux plus mobiles et d’une
plus grande liquidité privée internationale.

4. Peut-on échapper à Triffin ?

En l’occurrence, la théorie de Triffin s’est révélée exacte, sinon au sens strict du moins dans une
approche plus large. Non seulement les politiques à courte vue s’appuyant sur des modèles de
croissance insoutenables alimentent l’essor généralement constaté avant les crises financières,
mais elles peuvent également, sur le long terme, compromettre la confiance qui est le socle du
statut de monnaie de réserve. Même le système monétaire et financier plus flexible dont nous
disposons aujourd’hui peut donc, de ce point de vue, s’avérer intrinsèquement instable.

Le chaînon manquant entre la discipline des politiques publiques des principaux émetteurs et
détenteurs de réserves, d’une part, et la stabilité mondiale, d’autre part, réside dans les incitations
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visant à empêcher que ces pays ne produisent des externalités négatives. Et ces incitations ne
peuvent être mises en place que si elles se fondent simultanément sur les trois éléments suivants
: i) des mesures de coopération au niveau international ; ii) des réponses adéquates en cas de
crise ; iii) des évolutions structurelles.

S’agissant tout d’abord de la coopération internationale, des progrès significatifs ont été réalisés, à
la suite de la crise, dans la surveillance régionale multilatérale et celle exercée par le FMI, de
même que dans l’évaluation mutuelle des politiques au sein du G 20. Les pays ont en effet
cherché à mettre en place une plate-forme leur permettant d’avoir une certaine influence sur les
politiques des pays partenaires qui avaient des retombées négatives – qu’il s’agisse de politiques
budgétaires laxistes, du manque de réformes du secteur financier, de l’accumulation incontrôlée
de réserves ou de la restauration des contrôles des mouvements de capitaux. Bien sûr, une telle
plate-forme ne peut être élaborée sans réciprocité entre les pays, chacun pouvant influencer les
politiques des autres. Nous sommes au stade où les choses peuvent commencer à bouger.

En ce qui concerne cette fois les politiques de coopération, l’expérience montre qu’elles ne sont
malheureusement pas suffisantes et que les crises offrent une occasion d’apporter des
changements fondamentaux au système d’incitations. Il a par exemple fallu attendre que la crise
de la dette souveraine frappe la zone euro pour que de nettes améliorations commencent à être
apportées à la gouvernance économique de l’Union économique et monétaire. Et je pourrais citer
d’innombrables exemples.

Enfin, outre les crises, les mutations structurelles à long terme, largement induites par les
marchés, peuvent également influencer le système des incitations. Une de ces mutations pourrait,
selon certains, résider dans un basculement vers un système monétaire réellement multipolaire.
Dans un système de ce type, d’autres solutions crédibles existeraient à côté des investissements
en dollars, ce qui renforcerait inévitablement la discipline des politiques menées aux États-Unis.

Un monde monétaire multipolaire ouvrirait également la voie à plus d’autonomie des politiques
monétaires dans les économies de marché émergentes comme la Chine. Ces dernières
pourraient par conséquent plus efficacement réduire leurs déséquilibres et atténuer les risques de
surchauffe.

Je partage largement l’avis selon lequel un système international véritablement multipolaire


inciterait davantage à conduire des politiques axées sur la stabilité.

Mais comment pouvons-nous y parvenir ?

Et un système monétaire multipolaire serait-il stable, ou une nouvelle hégémonie finirait-elle par
s’imposer, comme les États-Unis l’ont fait au cours du siècle écoulé ?

Pour faire face à une éventuelle pénurie de dollars, Triffin préconisait l’émission par une banque
centrale mondiale d’une nouvelle monnaie supranationale, pouvant servir de « monnaie fiduciaire
extérieure » et dont le cours de change aurait flotté par rapport aux monnaies nationales. Et les
pays auraient eu l’obligation d’accepter cette monnaie en règlement des transactions
internationales.

Ne s’agirait-il pas de la meilleure voie à suivre ?

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Conclusion

Ces questions sont tout à fait pertinentes et les réponses à y apporter loin d’être faciles.
Permettez-moi donc de conclure mon intervention par quelques ultimes réflexions.

Comment peut-on mettre en place un système monétaire et financier véritablement


multipolaire ?

Le rôle de l’approfondissement des marchés financiers, de la libéralisation des comptes de


capitaux et de la flexibilité des régimes de change des économies de marché émergentes est
souvent sous-estimé à cet égard.

Plus ces pays progresseront dans ces domaines, plus leurs sorties de capitaux publics
diminueront vers les économies avancées.

Une telle évolution entraînerait une baisse progressive de la demande de titres de créance sûrs
émis par les économies avancées et contribuerait, in fine, à une plus grande stabilité financière
dans le monde.

Elle permettrait également de mieux orienter le crédit intérieur vers l’investissement et la


consommation, ce qui favoriserait une croissance tirée par la demande intérieure, réduisant ainsi
l’incitation à privilégier un modèle basé sur les exportations et sur un taux de change sous-évalué.

Par sa nature même, un tel processus serait probablement graduel et dépendrait d’une multitude
de décisions prises de façon autonome et indépendante par des acteurs privés et publics.

On peut espérer qu’un processus de ce genre rende possible une transition ordonnée vers un
système monétaire et financier multipolaire, avec un dollar demeurant longtemps encore primus
inter pares. Mais d’ici là, bien sûr, la capacité des responsables politiques à prendre les bonnes
décisions jouera un rôle déterminant.

Un système monétaire et financier multipolaire serait-il stable ?

Une plus grande symétrie dans la mondialisation financière serait certainement bienvenue. Mais la
puissance économique et la crédibilité politique – les autres ingrédients essentiels pour qu’une
monnaie acquière un statut international et commence à bénéficier des avantages de l’ancienneté
– se concrétiseraient-elles de telle manière que le nombre de concurrents monétaires serait
suffisant autour de la table ? Ici encore, la réponse dépend en grande partie des responsables
politiques actuels.

La solution du Bancor

Enfin, un système monétaire et financier international fondé sur le Bancor, tel que préconisé par
Keynes dans les années 1940 et par Triffin dans les années 1960, ne serait-il pas la meilleure
réponse ?

Ce type de solution avait très peu de partisans dans les années 1960 et cela n’a pas beaucoup
changé cinquante ans plus tard.

Je reste pour ma part très sceptique quant au Bancor, et pas seulement en raison de sa faisabilité
très hypothétique.
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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
De fait, certains ont affirmé que la solidité d’une monnaie supranationale devrait être préservée
afin d’éviter qu’elle ne se déprécie par rapport aux autres monnaies majeures existantes. Tout
affaiblissement entamerait son attractivité et, partant, sa fonction en tant qu’avoir de réserve.

Par ailleurs, si l’offre d’une monnaie supranationale venait à être restreinte, la demande de cette
monnaie pourrait ne pas être satisfaite, et celle-ci cesserait alors de remplir son rôle.

Vous le voyez, on ne sait pas si une nouvelle monnaie supranationale pourrait résoudre le
dilemme une fois pour toutes, ou si le dilemme se poserait simplement en des termes différents. À
l’aune de pareille incertitude, la Fondation internationale Robert Triffin pourrait bien être amenée à
organiser une nouvelle conférence au XXIIe siècle !

Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.

Voilà pour cette intervention à la BCE sur Triffin.

C'était en 2011! Et depuis, les interrogations restent les mêmes, et les hypothèses identiques.
Doit-on mettre en place une monnaie supranationale, ou encore une nouvelle forme d'étalon-or
modernisé, ou doit-on au contraire, relancer la primauté du dollar et remettre le roi sur son
piédestal ?

Je ne connais pas Trump personnellement, mais ce dernier n'a nullement l'intention de brader le
leadership américain, et la domination des États-Unis est aussi bien la conséquence d'une armée
très forte, que d'une économie très forte, que de la monnaie également la plus forte!!!

Maintenir le leadership américainpasse aussi par le maintien de la domination monétaire sans


partage du dollar.

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Ce que la politique de domination
énergétique de Trump signifie pour le
monde!
Je vous propose ici la traduction exclusive de cet article passionnant sur la stratégie de
domination énergétique de l'Amérique de Trump.

Ce que la politique de domination énergétique de Trump signifie pour le monde entier

"Il y a deux semaines, nous avons écrit sur la façon dont la politique étrangère du président Trump
s'était en quelque sorte transformée en "néo-américanisme", et cité le professeur des Affaires
étrangères des États-Unis, Russell-Mead, suggérant que la métamorphose du 8 mai de Trump
représentait quelque chose de nouveau, un changement de direction vers "une ère néo-
américaine dans la politique mondiale, plutôt qu'une ère post-américaine.

L'administration veut élargir le pouvoir américain, plutôt que de s'adapter au déclin (comme l'aurait
fait Obama). Pour l'instant, au moins, le Moyen-Orient est la pièce maîtresse de cette nouvelle
affirmation", selon Russell-Mead, expliquant que cette nouvelle impulsion de Trump provient de
son instinct lui disant que la plupart des Américains sont tout sauf avides d'un monde "post-
américain".

Les partisans de M. Trump ne veulent pas de longues guerres, mais ils ne se prêtent pas non plus
à une acceptation stoïque du déclin national."

Il y a là quelque chose de paradoxal : Trump et sa base déplorent le coût et l'engagement de


l'immense parapluie de défense américaine, disséminée dans le monde entier par les mondialistes
(sentiments aggravés par l'ingratitude supposée de ses bénéficiaires) - mais le Président veut
"élargir le pouvoir américain, plutôt que de s'ajuster pour décliner".

C'est-à-dire qu'il veut plus de pouvoir, mais moins d'empire. Comment peut-il résoudre la
quadrature du cercle?

Eh bien, un élément est à noter : lorsque presque un an plus tôt, le 29 juin 2017, le Président a
utilisé un mot tout à fait inattendu dans un discours lors d'un événement du département de
l'énergie : libérer l'énergie américaine. Au lieu de parler de l'indépendance énergétique
américaine, comme on pouvait s'y attendre, il a plutôt annoncé une nouvelle ère de "domination"
énergétique américaine.

Dans un discours "qui cherchait à souligner une rupture avec les politiques de Barack Obama",
note le FT, M. Trump a lié l'énergie à son programme America First...

"La vérité est que nous avons maintenant des réserves d'énergie presque illimitées dans notre
pays", a dit M. Trump.
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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
"Nous sommes vraiment aux commandes, et vous savez quoi : nous ne voulons pas que
d'autres pays nous enlèvent notre souveraineté et nous disent quoi faire et comment le
faire. Ça n'arrivera pas. Avec ces ressources incroyables, mon administration recherchera
non seulement l'indépendance énergétique américaine que nous recherchons depuis si
longtemps, mais aussi la domination énergétique américaine ", a-t-il dit.

Il semble, comme l'explique Chris Cook, que Gary Cohn, alors conseiller économique en chef du
Président, ait joué un rôle dans la genèse de cette ambition.

Le plan qui a permis de prendre le contrôle du marché mondial du pétrole

Cohn (alors chez Goldman Sachs), avec un collègue de Morgan Stanley, a conçu en 2000 un plan
pour prendre le contrôle du marché mondial du pétrole par le biais d'une plateforme de trading
électronique, basée à New York. En bref, les grandes banques ont attiré d'énormes quantités
d'"argent géré" (de fonds spéculatifs, par exemple), vers le marché, pour parier sur les prix futurs
(sans qu'elles ne prennent jamais réellement livraison de pétrole brut : le commerce du "pétrole
papier", plutôt que du pétrole physique). Et, en même temps, ces banques travaillaient en
collusion avec les principaux producteurs de pétrole (y compris, plus tard, l'Arabie saoudite) pour
préacheter du pétrole physique de telle manière que, en retenant ou en libérant du brut physique
du marché ou sur le marché, les grandes banques de New York ont pu " influencer " les prix (en
créant une pénurie ou une surabondance).

Pour donner une idée de la capacité de ces banquiers à "influencer" les prix, au milieu de 2008,
on estimait que quelque 260 milliards de dollars d'investissements "gérés" (spéculatifs) étaient en
jeu sur les marchés de l'énergie, éclipsant complètement la valeur du pétrole qui sort
effectivement de la mer du Nord chaque mois, peut-être de 4 à 5 milliards de dollars, tout au plus.
Ces jeux d'options pétrolières "papier" l'emporteraient donc souvent sur les "fondamentaux" de
l'offre réelle et de la demande réelle de l'utilisateur final.

NDLR, vous avez actuellement à l'œuvre exactement la même chose et les mêmes
manipulations sur les marchés de l'or et de l'argent physique.

Pour Cohn, la première étape consistait donc, pour les États-Unis, à gérer le marché commercial,
à la fois en termes de prix et d'accès, les antagonistes américains tels que l'Iran ou la Russie
pouvant accéder au marché à des conditions inférieures.

La "deuxième étape" présumée a été de nourrir la production américaine de schistes, de


construire de nouveaux terminaux américains d'exportation de GNL et d'ouvrir l'Amérique à la
poursuite de l'exploration pétrolière et gazière, tout en forçant tout le monde, de l'Allemagne à la
Corée du Sud et à la Chine, à acheter des exportations américaines de GNL.

Et troisièmement, avec les exportations de pétrole du Golfe déjà sous l'égide des États-Unis, il y
avait alors deux grands producteurs d'énergie du Moyen-Orient au-delà des frontières de
l'"influence" du cartel (tombant davantage dans le "cœur" stratégique de la Russie rivale) : l'Iran -
qui fait maintenant l'objet d'un changement de régime, d'un blocus économique sur ses
exportations de pétrole, et l'Irak, qui fait l'objet d'intenses pressions politiques (douces) (comme la
menace de sanctionner l'Irak en vertu de la loi Countering America's Adversaries Through
Sanctions Act) pour forcer son adhésion à la sphère occidentale.

Que signifierait cette notion de domination énergétique dans un langage simple ?

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
Les États-Unis – si la domination de l'énergie réussissait – contrôleraient simplement le robinet du
développement économique – ou son absence – pour les rivaux de la Chine et de l'Asie. Et les
États-Unis pourraient faire pression sur les revenus de la Russie de cette façon aussi.

En bref, les États-Unis pourraient mettre un tourniquet sur les plans de développement
économique de la Chine et de la Russie. Est-ce la raison pour laquelle la JCPOA(NDLR le JCPOA
c'est l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou plan d'action conjoint en anglais : Joint
Comprehensive Plan of Action) a été révoquée par le Président Trump ?

Voici donc la quadrature du cercle.

Plus de puissance américaine, mais moins d'empire

Les objectifs américains de Trump pour la "domination", non pas par le biais de l'infrastructure
permanente des globalistes de la défense américaine, mais par l'effet de levier intelligent du dollar
américain et du monopole de compensation financière, par l'isolement et le maintien de la
technologie américaine, et par la domination du marché de l'énergie, qui à son tour représente la
valve marche/arrêt de la croissance économique pour les rivaux américains.

De cette façon, Trump peut ramener les "troupes à la maison", et pourtant l'Amérique garde son
hégémonie.

Le conflit militaire devient un dernier recours.

Le conseiller principal Peter Navarro a déclaré sur NPR plus tôt cette semaine que "nous pouvons
les empêcherles Chinois de mettre nos entreprises de haute technologie hors service" et
"d'acheter nos joyaux de la technologie"... "Chaque fois que nous innovons sur quelque chose de
nouveau, la Chine vient l'acheter ou le voler."

Est-ce que c'est cela le plan de Trump?

Par la domination du marché et la guerre commerciale, prolonger la "supériorité" de l'Amérique en


matière de technologie, de finance et d'énergie – et ne pas être obligé d'une manière ou d'une
autre de s'adapter au déclin ?

Et en agissant de la sorte, réduire – ou du moins retarder – l'émergence de rivaux ?

Dans ce contexte, deux questions se posent immédiatement: cette formule est-elle l'adoption du
néo conservatisme, par l'administration américaine, que la propre base de Trump déteste tant ?
Et, deuxièmement, l'approche peut-elle fonctionner ?

Il ne s'agit peut-être pas de néo conservatisme, mais plutôt de retravailler un thème.

Les néoconservateurs Américains voulaient en grande partie donner un énorme coup de marteau
sur les parties du monde qu'ils n'aimaient pas ; et le remplacer par quelque chose qui leur
convenait nettement mieux, ce qu'ils ont fait.

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Lettre Stratégies – Co pre dre la stratégie de do i atio de Tru p et s’y préparer ! – Juin 2018
La méthode de Trump est plus machiavélique.

Les racines de ces deux courants de pensée résident cependant –plus qu'en partie – dans
l'influence de Carl Schmitt sur la pensée conservatrice américaine par l'intermédiaire de son ami
Leo Strauss, à Chicago (que Trump ait jamais lu l'un ou l'autre homme, les idées circulent toujours
dans l'éther américain).

Schmitt a soutenu que la politique (contrairement à la veine libérale/humaniste) n'a rien à voir
avec l'équité ou la justice dans le monde–c'est-à-dire le travail des moralistes et des théologiens–
la politique, pour Schmitt, concerne le pouvoir et la survie politique, et rien de plus.

Les libéraux (et les mondialistes), a suggéré Schmitt, ont du mal à utiliser le pouvoir pour écraser
les forces alternatives qui émergent : leur vision optimiste de la nature humaine les amène à croire
en la possibilité de médiation et de compromis.

L'optique de Schmittrejette l'opinion libérale en faveur du pouvoir, pur et simple – basé sur une
compréhension plus sombre de la vraie nature des "autres" et des rivaux.

Ce point semble aller à la racine de la pensée de Trump : Obama et les "libéraux" étaient prêts à
échanger les "joyaux de la couronne" de "Notre culture" (expertise financière, technologique et
énergétique) par le biais d'une "action positive" multilatérale qui aiderait les États moins
développés (comme la Chine, rivale en haut de l'échelle).

C'est peut-être la raison pour laquelle Trump s'est retiré de l'Accord sur le climat : pourquoi aider
des rivaux putatifs, tout en imposant des handicaps volontaires à sa propre culture ?

Le terrain d'entente entre les deux courants s'exprime avec une candeur remarquable à travers le
commentaire de Berlusconi selon lequel "nous devons être conscients de la supériorité de notre
civilisation[occidentale]".

Steve Bannon dit quelque chose de très similaire, bien qu'exprimé dans les mérites de la
préservation d'une culture judéo-chrétienne occidentale (menacée).

Ce sens de l'avantage culturel qui doit à tout prix être récupéré et préservé va peut-être un peu
(mais pas en totalité) dans le sens de l'ardent soutien de Trump pour Israël : s'adressant à
Channel Two d'Israël, Richard Spencer, un leader éminent de l'Alt-Right américain (et une
composante de la base de Trump), a souligné le sentiment profond de dépossession des Blancs,
dans leur propre pays[les États-Unis:

"... un citoyen israélien, quelqu'un qui comprend votre identité, qui a le sentiment d'être une nation
et un peuple, ainsi que l'histoire et l'expérience du peuple juif, vous devriez respecter quelqu'un
comme moi, qui a des sentiments analogues à l'égard des Blancs. Vous pourriez dire que je suis
un sioniste blanc – dans le sens où je me soucie de mon peuple, je veux que nous ayons une
patrie sûre pour nous et pour nous-mêmes. Tout comme vous voulez une patrie sûre en Israël."

Ainsi, la tentative d'exploiter et d'armer la culture des élites américaines – à travers le dollar,
l'hégémonie supposée de l'énergie et son emprise sur le transfert de technologie –peut-elle réussir
à s'accrocher à la " culture " américaine (dans la construction réductionniste de la base de Trump)
?

C'est la question à soixante-quatre mille dollars, comme on dit.


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Cela peut facilement provoquer une réaction toute aussi puissante ; et beaucoup de choses
peuvent se produire au niveau national aux États-Unis, entre maintenant, et les élections de mi-
mandat de novembre, qui pourraient soit confirmer le président au pouvoir soit le défaire. Il est
difficile de s'en tenir à un horizon analytique au-delà de cet horizon.

Mais un point plus important est que si Trump se passionne pour la culture américaine et
l'hégémonie, les dirigeants du non-Occident, aujourd'hui, ressentent tout aussi passionnément
qu'il est temps pour " le siècle américain " de céder la place.

Tout comme après la Seconde Guerre mondiale, les anciens États coloniaux voulaient
l'indépendance, ainsi, maintenant, les dirigeants d'aujourd'hui veulent la fin du monopole du dollar,
ils veulent la fin de l'ordre mondial dirigé par les États-Unis et de ses institutions dites
"internationales" (et qui ne le sont pas) ; ils veulent "être" à leur manière culturelle distinctive, et ils
veulent retrouver leur souveraineté.

Il ne s'agit pas seulement d'un nationalisme culturel et économique, mais d'un point d'inflexion
significatif réductionniste– loin de l'économie néolibérale, de l'individualisme et du mercantilisme
brut – vers une expérience humaine plus complète.

Souvenez-vous de la décolonisation : la marée, dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale,


était irréversible à l'époque.

Je me souviens même que les anciens colonialistes européens ont ensuite déploré leur retrait
forcé : "Ils vont (les anciennes colonies] le regretter", ont-ils prédit avec confiance. (Non, ils ne
l'ont jamais fait.)

La marée monte en flèche aujourd'hui contre l'hégémonie américaine et s'est même étendue à
l'Europe. Où, qui sait, si les Européens auront la colonne vertébrale suffisamment solide pour
repousser les machinations financières et commerciales de Trump.

La force et la volonté européennes seront très importantespour la suite.

Mais ce qui est différent aujourd'hui (par rapport à l'époque), c'est que l'hégémonie monétaire, les
prouesses technologiques et la " domination " énergétique ne sont plus du tout réservées aux
pays occidentaux. Avec la mondialisation, ces avantages ne sont plus tout à fait les leurs et ils ont
même commencé leur migration, il y a quelque temps déjà, vers les pays émergents qui ont
définitivement émergé…

Source Strategic-culture.org ici

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Pourquoi la Chine ne peut pas gagner
la guerre commerciale avec les USA
C'est un article très utile à prendre en considération dans nos raisonnements et réflexions du site
KingWorldNews ici et qui relaie les propos tenus par la société GaveKal, qui n'est autre que
l'entreprise fondée par Charles Gave, avec un grand succès s'il en est.

Les stratégistes de GaveKal analysent avec une grande pertinence le rapport de force qui oppose
les États-Unis et la Chine dans la guerre commerciale.

Derrière les façades et la culture chinoise du "ne pas perdre la face", la réalité c'est que la Chine
n'est pas en position de force, et qu'elle a même déjà vraisemblablement perdu la guerre
commerciale avec les États-Unis pour qui il est temps de faire dérailler la Chine, sans la faire
s'effondrer pour autant.

Avant cela, méditons cette phrase de 2010 d'un grand journaliste américain :

« À l’avenir, je pense que nous allons voir les grandes nations se recroqueviller sur la région dans
laquelle elles se trouvent. Je ne dis pas qu’il n’y aura plus de commerce international, mais ce ne
sera plus le convoyeur qui achemine les biens de la Chine directement vers Walmart tel qu’on l’a
connu durant ces dernières décennies. Les perspectives de conflit sont donc très, très élevées.»

James Howard Kunstler

L'analyse de GaveKal

Alors que les tensions augmentent à nouveau sur le front du commerce international, d’après
GaveKal, les États-Unis disposent d’une option nucléaire dans l’éventualité peu probable que la
Chine se mette à vendre en masse ses Treasuries.

C’est en novembre 2010 que James Howard Kunstler a écrit la phrase ci-dessus. Elle nous est
revenue à l’esprit alors que nous étions la semaine dernière à Nashville afin de rencontrer des
investisseurs institutionnels, ainsi que pour donner une présentation pour nos conseillers
financiers et leurs clients.

La question du jour était : à quoi doit-on s’attendre au niveau des risques de guerre commerciale ?
En fait, un client particulièrement intelligent a dit «mais qui se soucie du prix du thé en Chine ?»
Eh bien, avec ce qui est en train de se passer, tout le monde devrait se soucier de ce qui se passe
en Chine, ainsi que du ton qui monte entre Washington et Pékin.

En parlant de ce sujet, nos amis de GaveKal ont signé un papier de très grande qualité la semaine
dernière. Intitulé «Les soucis engendrés par les représailles commerciales», cette analyse de Tom
Holland explique très bien la situation.

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La Chine exporte plus qu'elle n'importe, elle ne peut imposer de droits de douane
supérieurs!

«Si la Chine n’est pas en mesure d’infliger des droits de douane en retour, de dévaluer sa
monnaie ou de se débarrasser de ses obligations américaines, elle devra trouver une autre
méthode pour infliger des représailles aux États-Unis. La plus évidente serait de s’attaquer aux
affaires des grandes entreprises américaines actives en Chine.»

Pourquoi la Chine ne pourrait-elle pas lever des droits de douane elle aussi ? La réponse est
assez simple : les États-Unis importent beaucoup plus de biens en Chine que la Chine importe de
produits américains. Sa marge de manœuvre sur ce terrain est donc limitée par rapport à celle
dont dispose Trump.

La Chine ne peut pas dévaluer massivement sa monnaie!

En ce qui concerne la dévaluation du yuan, comme nous l’avons indiqué la semaine dernière,
nous doutons fortement que Pékin prenne cette voie. En effet, en cas de dévaluation, le système
financier chinois serait victime d’énormes fuites de capitaux. Cela serait également un coup dur
pour la crédibilité du yuan alors que Pékin souhaite faire de sa devise l’une des monnaies de
réserve mondiale, et ce, depuis un bon moment.

Si la Chine vend ses bons du Trésor, la FED rachètera!

Des ventes conséquentes d’obligations américaines ne devraient également pas être au


programme. On estime à 1,2 trillion de dollars les actifs basés sur la dette que possède la Chine
dans cette devise. Si la Chine devait vendre tout cela en un coup, cela ferait sans aucun doute
bondir les taux américains, mais réaliser une telle opération est plus facile à dire qu’à faire. Dans
l’éventualité où cela devrait avoir lieu, la FED serait l’acheteur de dernier recours. Elle a bien
entendu les ressources pour absorber les volumes. De plus, comme les gens affûtés de GaveKal
l’ont écrit :

«Dans l’éventualité d’un tel événement, il est probable que Trump invoque les pouvoirs qui lui sont
conférés par l’International Emergency Economic Powers Act de 1977 et qui donnent autorité au
président de geler les titres américains détenus par les Chinois auprès des sociétés financières
US.»

Les États-Unis bloqueront les achats d'entreprises US par les Chinois!

En ce qui concerne la prise pour cible des grandes sociétés américaines qui sont actives en
Chine, cela semble être le scénario vers lequel on se dirige si la Chine devait être provoquée. À
vrai dire, dans le Global Times de la semaine dernière, on a évoqué la possibilité de contre-
mesures contre les grandes sociétés américaines qui font la pluie et le beau temps du Dow Jones.
Il est intéressant de noter que la Chine avait opéré de cette façon avant son boycott des produits
japonais de 2012. Cependant, une telle décision pourrait créer davantage de problèmes à la
Chine. Toujours selon GaveKal, qui conclut :

«En bref, la Chine dispose de peu d’options intéressantes. Des mesures de représailles prises à
l’encontre des sociétés américaines pourraient leur occasionner des dégâts, mais cela pourrait
également avoir des conséquences négatives sur l’emploi, créer un environnement moins
concurrentiel et réduire la productivité domestique. Cela n’empêchera pas Pékin de prendre des

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mesures de rétorsion, elle l’a déjà fait à l’encontre de sociétés japonaises et coréennes. Mais
l’efficacité de ces mesures sera limitée alors qu’elles seront coûteuses.»

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Conclusion
Plus de puissance américaine, mais moins d'empire

Les objectifs américains de Trump pour la " domination ", non pas par le biais de l'infrastructure
permanente des globalistes de la défense américaine, mais par l'effet de levier intelligent du dollar
américain et du monopole de compensation financière, par l'isolement et le maintien de la
technologie américaine, et par la domination du marché de l'énergie, qui à son tour représente la
valve marche/arrêt de la croissance économique pour les rivaux américains.

Trump et les Américains vont tenter d'étouffer l'Europe, de contenir la Russie, d'isoler l'Iran et de
réduire son économie à néant, garantir la paix à Israël et la tranquillité de l'Arabie saoudite sur le
dos des Palestiniens, à terme, les États-Unis échangeront Taïwan contre les tombereaux de bons
du Trésor que les Chinois détiennent... Les Chinois, dont les options sont limitées comme nous
venons de le voir à l'instant dans le dernier chapitre. Ils obtiendront avec Taïwan ce qu'ils veulent
depuis des décennies.

Si la stratégie de Trump fonctionne, alors il faut vendre ses euros, et acheter des dollars et investir
à la prochaine correction sur les grandes valeurs américaines.

Si la stratégie américaine échoue, c'est parce que le reste du monde, à commencer par l'Europe,
n'aura pas su s'émanciper de la tutelle des États-Unis pour former de nouvelles alliances.

La seule façon de faire échec à la stratégie "trumpienne" c'est d'unifier le continent européen en
incluant évidemment la Chine, l'Inde et la Russie, ce qui représente 70% de la population
mondiale et marginaliserait considérablement les États-Unis.

Pour le moment, nous n'en prenons évidemment pas le chemin.

Le reste du monde étant très divisé, cela laisse le champ libre à Donald Trump.

Se pose évidemment également la question d'une éventuelle réforme du système monétaire


international.

L'idée de Trump consiste à dire qu'il n'a plus besoin du pétrodollar pour asseoir la force du dollar
puisque jusqu'à la fin du pétrole, ce sont les États-Unis qui seront la "nouvelle" Arabie saoudite. La
demande de dollars est assurée.

Il faudra alimenter le monde en dollars pour que le reste des États puissent acheter leur énergie
aux États-Unis, tout en sachant que les Américains pourraientêtre tentés de vendre leur pétrole
contre autre chose que du dollar...

Surtout qu'ils seraient capables, en raison du dilemme de Triffin, d'imprimer des billets pour les
donner à leurs clients pour qu'ils achètent avec leur pétrole. Absurde.

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Encore plus absurde si les États-Unis redeviennent un exportateur, alors leur balance
commerciale redeviendra positive sur les biens produits par exemple. Ceci aggraverait le dilemme
de Triffin.

Trump et les Américains pourraient donc être tentés... de vendre le pétrole contre des choses qui
ont une véritable valeur, à savoir des technologies, des savoir-faire, des entreprises ou
évidemment des métaux précieux comme de l'or.

Avec une telle politique, les États-Unis seront excédentaires en entrées d'or! Logique. C'est
d'ailleurs la même chose pour la Chine qui achète son pétrole en or à l'Iran... On pourrait penser
que la Chine va s'appauvrir de tonnes d'or chaque année. Sauf qu'en réalité, la balance
commerciale chinoise est excédentaire. Cela veut dire qu'à la fin de l'année, les Iraniens payent
juste moins aux Chinois, mais à aucun moment, l'or chinois ne part en Iran!

Ce sera la même chose pour les USA! Le même phénomène.

À partir de là, l'or peut augmenter considérablement, de même que la valeur du dollar, les dettes
exprimées en anciens dollars ne valant rien peuvent être réduites presque à néant par une
réévaluation considérable de la valeur du dollar.

Si les USA n'avaient plus intérêt à un dollar convertible en or et ont mis fin aux accords de Bretton
Woods en 1971, les conditions économiques et géopolitiques sont désormais inversées et les
États-Unis peuvent remettre en œuvre une politique monétaire de dollar convertible.

Et la monnaie internationale?

C'est l'idée du Bancor, ou du Phoenix...ou les DTS, quoique... on ne sache plus très bien
comment l'appeler.

La monnaie internationale est un projet porté par les mondialistes et les globalistes qui voulaient
passer au-dessus des États et c'était aussi une façon de réduire considérablement l'influence
américaine.

Avec plus d'Amérique et moins d’empire, la politique de Trump est à l'opposé. Il n'est pas dit du
tout qu'il souhaite abandonner maintenant le dollar américain qui, contrairement à ce que
beaucoup disent ou prédisent,a sans doute un très bel avenir devant lui, peut-être même avec le
retour d'une convertibilité en or!

La nouvelle Amérique de Trump pourrait redevenir "As good as gold" : ce serait un sacré retour, et
il ne faut jamais, jamais, sous-estimer la colossale puissance américaine et la puissance de l'esprit
américain capable du pire, comme des plus exceptionnels exploits.

À bientôt mes amis, et j’en profite, encore une fois, pour vous exprimer toute ma gratitude.

Charles SANNAT

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