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DECEMBRE/JANVIER

2020/2021 LE GRAND RESET

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Pour garder le cap | Charles Sannat
Lettre Stratégies - Le Grand Reset, le dossier du Time – Décembre/Janvier 2020-2021
STRATÉGIES

Le grand reset – que va-t-il se passer ?

L A L E T T R E D E S T RA T É GIE S E S T U N S E R V IC E D E L A P U B L I C A T ION IN S OL E N T IA E .C O M
A GR É É P A R L A C OM M IS S ION P A R IT A IR E S OU S L E
N U MÉ R O 1 1 1 9 W 9 3 5 2 6 .

Lettre Stratégies - Le Grand Reset, le dossier du Time – Décembre/Janvier 2020-2021


Sommaire
Sommaire ........................................................................................................................................................................... 4
Introduction ......................................................................................................................................................................... 6
Nous sommes en 2023. ........................................................................................................................................................ 9
Voici comment nous avons redressé l'économie mondiale. ...................................................................................................... 9
Le PDG de Mercado Libre, Marcos Galperin, voit venir une révolution du commerce électronique ............................................. 14
En quoi le commerce électronique est-il différent en Amérique latine par rapport à l'Europe ou aux États-Unis ?
............................................................................................................................................................... 14

Saviez-vous que Mercado Libre serait un succès dès le départ ? .......................................................... 14

La pandémie risque de rendre les inégalités en Amérique latine encore pires qu'elles ne le sont déjà. Est-ce
mauvais pour les affaires ? .................................................................................................................... 15

La pandémie a apporté beaucoup de changements négatifs. Prévoyez-vous des changements positifs ? 15

Quel est votre prochain grand pari ? ..................................................................................................... 15

J'ai lu que vous aimiez les échecs. Cela vous a-t-il aidé en tant qu'homme d'affaires ? ....................... 15

Il est temps de repenser radicalement notre façon de travailler. .............................................................................................. 16


La pandémie de coronavirus a fait exploser les tendances géopolitiques. Nous devons nous adapter plus rapidement................ 24
Inégalité mondiale ................................................................................................................................. 24

L'effritement de la légitimité des institutions politiques ....................................................................... 24

Évolution de l'architecture géopolitique ............................................................................................... 25

Technologie Disruptive .......................................................................................................................... 26

Tony Blair : « J'ai toujours été un optimiste. Mais pour la première fois, je suis préoccupé par l'avenir » ..................................... 27
Stewart Butterfield : « La COVID-19 va changer à jamais notre façon de travailler. .................................................................. 29
Cela pourrait rendre le monde meilleur. » ............................................................................................................................. 29
« C'est la bonne chose à faire »........................................................................................................................................... 31
Le PDG de Walmart, Doug McMillon, déclare qu'il est temps de réinventer le capitalisme post-coronavirus. ............................... 31
Quels changements induits par la pandémie dans la façon dont vous gérez votre entreprise, pensez-vous qu'ils
persisteront au-delà de la pandémie ? .................................................................................................. 31

En termes de chaîne d'approvisionnement et de logistique, quels sont les changements qui, selon vous, seront les
plus durables ? ....................................................................................................................................... 31

En termes de changement technologique à court terme (deux à cinq ans), qu'est-ce qui, selon vous, aura le plus
d'impact sur votre entreprise ? ............................................................................................................. 32

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Y a-t-il une corrélation entre l'intérêt croissant des entreprises pour le capitalisme des parties prenantes et le
déclin de la capacité des gouvernements à résoudre les grands problèmes ? ..................................... 32

Quelle est votre réaction face aux personnes qui entrent dans vos magasins, ne portent pas de masque ? 32

Portez-vous un masque ?....................................................................................................................... 32

Kristalina Georgieva, chef du FMI, déclare que nous avons une "occasion unique" de financer un avenir durable ....................... 33
Le 13 octobre, le FMI a déclaré que l'économie mondiale allait se contracter de 4,4 % cette année. Que faut-il
faire pour favoriser un retour rapide à la croissance ?.......................................................................... 33

Dans cet esprit, vous avez dit que le changement climatique devrait être un élément clé de la relance. Comment
la relance peut-elle contribuer à lutter contre le changement climatique ? ........................................ 33

Au-delà des opportunités que vous mentionnez, le FMI a également mis en garde contre les risques que le
changement climatique fait peser sur l'économie mondiale. Comment le FMI peut-il s'assurer que ces risques sont
pris en compte ? .................................................................................................................................... 34

On a beaucoup parlé de la possibilité que la reprise soit en forme de K, les riches devenant plus riches et les
pauvres plus pauvres. Le capitalisme doit-il être réformé ? ................................................................. 34

Comment les pays peuvent-ils lutter contre les inégalités au milieu de toutes ces crises ? ................. 34

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Introduction
Mes chers amis, mes chers abonnés,

La pandémie de la COVID-19 a fourni une occasion unique de réfléchir au type d'avenir que nous
souhaitons. Le TIME s'est associé au Forum économique mondial pour demander à des penseurs
de premier plan de partager leurs idées sur la manière de transformer notre mode de vie et de
travail.

… C’est l’occasion de traduire pour vous ce document en anglais de plus de 30 pages.

L’attente est grande de comprendre ce que le grand reset signifie dans l’esprit des grands
mamamouchis de Davos, qui dirigent cette planète.

Vous ne serez pas déçu par ce document, mais je pense, que comme moi, vous resterez sur votre
faim et c’est cela que j’en retire.

Je pense qu’il est très important de lire ce dossier, car vous y voyez quoi ?

L’avenir que certains psychopathes rêvent pour notre planète, qui se dessine, mais qui n’est pas
plus figé qu’écrit.

Cet avenir sombre est à mi-chemin entre la dictature sanitaire, la dictature écologique et la
dictature technologique.

La lutte contre la pandémie justifie toutes les mesures liberticides. La dictature écologique au nom
du sauvetage de la planète justifie toutes les rapines fiscales. La dictature technologique permet

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d’assoir tout cela avec du contrôle social et le crédit social à la chinoise afin de rendre tout ce petit
monde bien obéissant.

Il vous restera une forme de liberté de dépenser, voire même une incitation à le faire, surtout à
travers des abonnements, nous en avions déjà parlé.

C’est cela l’idée du grand reset, auquel évidemment il convient d’ajouter la destruction enfin
définitive des états-nations cadre dans lequel s’exprime bien évidemment la démocratie de même
que les contre-pouvoirs judiciaires ou politiques… L’idée ultime, c’est logiquement une
gouvernance mondiale sans entrave au service du totalitarisme marchand.

Comment voulez-vous que le peuple français contrôle le gouvernement mondial ? Nous n’arrivons
déjà plus à contrôler démocratiquement nos dirigeants locaux et je ne parle même pas de l’Union
Européenne qui a été conçu volontairement comme un machin loin des peuples et surtout à l’abri
des peuples afin de pouvoir réaliser les petits arrangements entre amis bien loin du regard
suspicieux de démocrates un peu trop tatillon et empêcheurs de tourner en rond !

Vous verrez dans ce dossier, que pour nous vendre leur soupe bien indigeste, les hommes de
Davos, « socialisent » leur discours afin de le rendre audible par les gueux que nous sommes.

On nous parle donc de justice sociale, de lutte contre les inégalités, d’accès aux soins amélioré,
ou encore d’éducation. Dans le même temps, « Ils » ferment des lits dans les hôpitaux, « Ils »
cassent l’éducation nationale consciencieusement, « Ils » augmentent les inégalités et les
milliardaires sont de plus en plus milliardaires (à ne pas confondre avec les « petits » riches même
à millions dont le plus grand nombre est nécessaire à une économie développée et riche)… Quant
à la justice sociale n’en parlons pas !

Alors nous avons droit à un festival et au bal des faux-culs !

Le parton de Wall-Mart le plus grand distributeur américain qui explique qu’il faut prendre soin de
son écosystème et que son entreprise.

Voici ce qu’il déclare : « le capitalisme des parties prenantes vient du fait que les entreprises
s'investissent réellement pour faire le bien dans notre monde, parce que c'est la bonne chose à
faire et parce que les entreprises qui adoptent cette approche sont plus fortes. Nous ne serons
tout simplement pas là si nous ne nous occupons pas des choses mêmes qui nous permettent
d'exister : nos associés, nos clients, nos fournisseurs et la planète. C’est indiscutable »

Le capitalisme des partie prenante, l’entreprise à mission… hahahahaha, c’est assez cocasse,
mais si vous lisez bien il ne dit rien. C’est totalement creux, et la seule partie prenante c’est celle
des bénéfices à la fin de l’année et des dividendes versés. Le reste c’est de l’habillage, de la
communication. « c'est la bonne chose à faire et parce que les entreprises qui adoptent cette
approche sont plus fortes »… soit, mais cela ne veut juste strictement rien dire concrètement.
C’est de la langue de bois politiquement correcte, avec une once de « communisme » bon teint,
pour faire « gentil » parton de gauche !

Voilà ma vision du grand reset pour le moment et à ce stade.

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Il est essentiellement, une manipulation, une propagande des hommes de Davos qui comptent
bien conserver tout le pouvoir qui est le leur.

Ils comptent bien continuer à accumuler encore plus de richesses.

Ils veulent même accroître ce pouvoir.

Ils veulent une gouvernance mondiale loin des peuples et du contrôle démocratique afin de
pouvoir acheter tout ce petit monde pour pas très cher de surcroit.

Ils veulent une domination sans partage.

ET pour l’obtenir, ils sont prêts à lâcher quelques miettes.

Dans le discours d’abord en le « gauchisant ».

Dans les faits ensuite, en donnant le moins possible et le plus tard possible mais en laissant filer
deux trois choses pour satisfaire les gueux.

Au bout du compte, le grand reset, c’est juste faire encore plus de ce que l’on fait actuellement
mais en faisant croire que c’est juste et bon.

Juste est bon, notamment, pour votre santé et pour notre environnement.

Propagande, culpabilisation, et… autoritarisme.

La peur et la culpabilisation.

Voici le monde que nous propose et nous dessine le grand reset.

Il n’y a aucun grand reset.

Il n’y a que la poursuite d’objectifs identiques et mortifères par d’autres moyens de propagande,
par la mise en place d’un nouveau narratif.

N’ayez pas peur du grands reset.

Tremblez à l’idée de la techno-dictature, qui elle est bien en marche.

Charles SANNAT

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Nous sommes en 2023.

Voici comment nous avons redressé l'économie


mondiale.
Nous sommes en 2023. La pandémie de la COVID-19 a pris fin, et l'économie mondiale est
sur la voie de la reprise. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment notre économie et
notre société ont-elles évolué pour surmonter la plus grande crise de notre époque ?

Commençons par l'été 2020, lorsque la propagation ininterrompue de la maladie annonçait


des perspectives de plus en plus sombres pour les économies et les sociétés. La pandémie avait
mis en évidence des vulnérabilités critiques dans le monde entier : des travailleurs essentiels
sous-payés, un secteur financier non réglementé et de grandes entreprises négligeant les
investissements au profit d'une hausse des cours boursiers. Face à la contraction des économies,
les gouvernements ont reconnu que les ménages et les entreprises avaient besoin d'aide - et
rapidement. Mais alors que les souvenirs de la crise financière de 2008 étaient encore frais, la
question était de savoir comment les gouvernements pouvaient structurer les plans de sauvetage
de manière à ce qu'ils profitent à la société, plutôt que de soutenir les profits des entreprises et un
système défaillant.

Dans un écho de “l'âge d'or" du capitalisme - la période après 1945 où les nations
occidentales ont orienté la finance vers les bons secteurs de l'économie - il est devenu évident
que de nouvelles politiques étaient nécessaires pour faire face aux risques climatiques,
encourager les prêts verts, renforcer les institutions financières qui s'attaquent aux objectifs
sociaux et environnementaux et interdire les activités du secteur financier qui ne servent pas un
objectif public clair. L'Union européenne a été la première à prendre des mesures concrètes dans
ce sens après avoir approuvé en août un plan de relance historique de 1,8 billion d'euros. Dans le
cadre de ce plan, l'Union européenne a imposé aux gouvernements qui recevaient des fonds de
mettre en œuvre des stratégies solides pour lutter contre le changement climatique, réduire la
fracture numérique et renforcer les systèmes de santé.

Fin 2020, cet ambitieux plan de relance a permis à l'euro de se stabiliser et a inauguré une
nouvelle renaissance européenne, les citoyens contribuant à définir l'agenda.

Des mesures écologiques et en faveurs du lien social

Les dirigeants européens ont eu recours à des politiques axées sur les défis pour créer 100 villes
neutres en carbone sur le continent. Cette approche a conduit à une résurgence de nouveaux
bâtiments à faible consommation d'énergie, à une refonte des transports publics conçus pour être
durables, accessibles et gratuits, et à un renouveau artistique sur les places publiques, avec des
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artistes et des designers qui repensent la vie urbaine en plaçant la citoyenneté et la vie civique au
cœur de celle-ci. Les gouvernements ont utilisé la révolution numérique pour améliorer les
services publics, de la santé numérique aux cartes électroniques, et créer un État-providence
centré sur le citoyen. Cette transformation a nécessité à la fois des investissements du côté de
l'offre et des impulsions du côté de la demande, les marchés publics étant devenus un outil de
réflexion innovant qui a été diffusé dans tous les secteurs de l'administration.

L’élection de Biden

Les États-Unis ont commencé à changer leur approche après le 3 novembre 2020, lorsque Joe
Biden a battu Donald Trump à l'élection présidentielle et que les démocrates ont obtenu la
majorité dans les deux chambres du Congrès. Après son investiture en janvier 2021, le président
Biden s'est empressé de reconstruire les liens effilochés entre l'Amérique et l'Europe, en créant un
forum pour partager l'intelligence collective qui pourrait informer une forme de gouvernement plus
intelligente. Les gouvernements européens étaient désireux de tirer les leçons des stratégies
d'investissement utilisées par le gouvernement américain - comme celles de l'agence de
recherche de la défense DARPA - pour stimuler la recherche et le développement dans les
technologies à haut risque. Et les États-Unis voulaient apprendre de l'Europe comment créer des
villes durables et revigorer la participation civique.

Impact sur l’industrie pharmaceutique

Avec la COVID-19 toujours en vigueur, le monde a pris conscience de la nécessité de donner la


priorité à l'intelligence collective et de placer la valeur publique au centre de l'innovation en
matière de santé. Les États-Unis et d'autres pays ont abandonné leur opposition à une
communauté de brevets obligatoire gérée par l'Organisation mondiale de la santé qui empêchait
les sociétés pharmaceutiques d'abuser des brevets pour créer des profits de monopole. Des
conditions audacieuses ont été imposées à la gouvernance de la propriété intellectuelle, à la
fixation des prix et à la fabrication des traitements et vaccins à la COVID-19 afin de garantir que
les thérapies soient à la fois abordables et universellement accessibles.

En conséquence, les entreprises pharmaceutiques ne pouvaient plus faire payer les médicaments
ou les vaccins comme elles le souhaitaient ; les gouvernements ont rendu obligatoire la fixation de
prix reflétant l'importante contribution publique à leur recherche et développement. Cela s'est
étendu au-delà des thérapies de la COVID-19, ce qui a eu un impact sur la tarification de toute
une série de médicaments, des thérapies contre le cancer à l'insuline. Les pays riches se sont
également engagés à accroître les capacités de fabrication à l'échelle mondiale et à recourir à
l'approvisionnement mondial de masse pour acheter des vaccins destinés aux pays pauvres.

Programme de vaccination contre la COVID-19

Le 11 février 2021, la FDA a approuvé le vaccin contre la COVID-19 le plus prometteur pour la
fabrication aux États-Unis. La production de masse a commencé immédiatement, les plans pour
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une distribution mondiale rapide ont été mis en œuvre et les premiers citoyens ont reçu leurs
vaccins dans les trois semaines, gratuitement au point d'utilisation. Ce fut le développement et la
fabrication d'un vaccin les plus rapides jamais enregistrés, et un succès monumental dans le
domaine de l'innovation en matière de santé.

Lorsque le vaccin a été prêt à être distribué, les autorités sanitaires nationales ont travaillé de
manière constructive avec une coalition d'acteurs de la santé mondiale - dirigée par l'OMS, la
Fondation Bill et Melinda Gates et d'autres - pour concevoir collectivement un plan de distribution
mondial équitable qui soutenait les objectifs de santé publique. Les pays à faible et moyen revenu,
ainsi que les agents de santé et les travailleurs essentiels, ont bénéficié d'un accès prioritaire au
vaccin, tandis que les pays à revenu plus élevé ont mis en place des programmes de vaccination
en parallèle.

Les nouvelles modalités d’aides économiques / les contreparties

La fin était en vue pour notre crise sanitaire. Mais en juin 2021, l'économie mondiale était encore
en crise. Alors que les gouvernements commençaient à débattre de leurs options pour de
nouveaux plans de relance, une vague de protestations publiques a éclaté, les contribuables au
Brésil, en Allemagne, au Canada et ailleurs réclamant des récompenses communes en échange
du renflouement des géants de l'économie.

Avec Biden au pouvoir, les États-Unis ont pris ces demandes au sérieux et ont assorti de solides
conditions la prochaine vague de renflouements d'entreprises. Les entreprises qui recevaient des
fonds étaient tenues de maintenir les salaires et de payer à leurs travailleurs un salaire minimum
de 15 dollars de l'heure. Les entreprises se sont vues interdire de façon permanente de s'engager
dans des rachats d'actions et de verser des dividendes ou des primes aux dirigeants jusqu'en
2024. Les entreprises étaient tenues d'offrir aux travailleurs au moins un siège au sein de leur
conseil d'administration, et les conseils d'administration des entreprises devaient faire approuver
toutes les dépenses politiques par les actionnaires. Les conventions collectives sont restées
intactes. Et les PDG devaient certifier que leur entreprise respectait les règles, sous peine de
sanctions pénales en cas de violation.

Au niveau mondial, les renflouements de référence sont ceux qui protègent les travailleurs et
soutiennent des entreprises viables qui apportent de la valeur à la société. Ce n'était pas toujours
un exercice clair, surtout dans les industries dont les modèles d'entreprise étaient incompatibles
avec un avenir durable. Les gouvernements étaient également soucieux d'éviter le risque moral de
soutenir des entreprises non viables. Ainsi, le secteur américain du schiste, qui n'était pas rentable
avant la crise, a été en grande partie laissé à l'abandon, et les travailleurs ont été recyclés pour
l'industrie solaire du bassin du Permien, en pleine croissance.

2022 : nouvelle crise climatique

Au cours de l'été 2022, l'autre grande crise de notre époque a pris un tournant apocalyptique.
L'effondrement du climat a finalement atteint les pays développés, mettant à l'épreuve la résilience

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des systèmes sociaux. Dans le Midwest américain, une grave sécheresse a anéanti des cultures
qui fournissaient un sixième de la production céréalière mondiale. Les gens ont pris conscience de
la nécessité pour les gouvernements de mettre en place une réponse coordonnée au changement
climatique et d'orienter la relance budgétaire mondiale vers une économie verte.

La transition vers une économie verte exige une innovation à grande échelle, couvrant de
multiples secteurs, des chaînes d'approvisionnement entières et chaque étape du développement
technologique, de la R&D au déploiement. Aux niveaux régional, national et supranational,
d'ambitieux programmes de "Green New Deal" ont été mis en place, combinant des programmes
de garantie de l'emploi et une stratégie industrielle ciblée. Les gouvernements ont eu recours aux
marchés publics, aux subventions et aux prêts pour stimuler autant d'innovation que possible,
contribuant ainsi à financer des solutions pour débarrasser l'océan de plastique, réduire la fracture
numérique et lutter contre la pauvreté et les inégalités.

« Un Pacte Vert et Sain »

Un nouveau concept de "Pacte Vert et Sain" a émergé, dans lequel les objectifs climatiques et les
objectifs de bien-être étaient considérés comme complémentaires et nécessitaient des politiques
tant du côté de l'offre que de la demande. Le concept d'"infrastructure sociale" est devenu aussi
important que l'infrastructure physique. Pour la transition énergétique, cela signifiait se concentrer
sur une stratégie de mobilité future et créer une plate-forme ambitieuse pour les transports
publics, les pistes cyclables, les sentiers piétonniers et de nouvelles façons de stimuler un mode
de vie sain. À Los Angeles, le maire Eric Garcetti a réussi à transformer une voie de l'autoroute
405 en piste cyclable et a inauguré fin 2022 un système de métro souterrain sans carbone, gratuit
au point d'utilisation.

S'élevant au rang “d'État entrepreneur", le gouvernement était finalement devenu un investisseur


de premier recours qui créait de la valeur en collaboration avec le secteur public et la société
civile. Tout comme à l'époque du programme Apollo, travailler pour le gouvernement - plutôt que
pour Google ou Goldman Sach - est devenu l'ambition des meilleurs talents sortant de l'université.
Les emplois dans l'administration publique sont devenus tellement désirables et compétitifs qu'un
nouveau programme d'études a été créé pour un master mondial en administration publique
destiné aux personnes souhaitant devenir fonctionnaires.

2023 une nouvelle normalité : prise en compte de l’intérêt public par les acteurs privés

Nous sommes donc ici en 2023, les mêmes personnes mais dans une société différente. La
COVID-19 nous a convaincus que nous ne pouvions pas revenir à la normale.

Le monde a adopté une "nouvelle normalité" qui garantit que les collaborations public-privé sont
motivées par l'intérêt public et non par le profit privé. Au lieu de donner la priorité aux actionnaires,
les entreprises valorisent toutes les parties prenantes, et la financiarisation a fait place à des
investissements dans les travailleurs, la technologie et la durabilité.

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Aujourd'hui, nous reconnaissons que nos citoyens les plus précieux sont ceux qui travaillent dans
les secteurs de la santé et de l'aide sociale, de l'éducation, des transports publics, des
supermarchés et des services de livraison. En mettant fin au travail précaire et en finançant
correctement nos institutions publiques, nous valorisons ceux qui maintiennent notre société en
place et renforçons notre infrastructure civique pour les crises à venir.

La pandémie COVID-19 nous a tant pris, en vies perdues et en moyens de subsistance brisés.
Mais elle nous a également donné l'occasion de remodeler notre économie mondiale, et nous
avons surmonté notre douleur et notre traumatisme pour nous unir et saisir l'occasion. Pour
assurer un avenir meilleur à tous, c'était la seule chose à faire.

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Le PDG de Mercado Libre, Marcos Galperin, voit
venir une révolution du commerce électronique
Lorsque Marcos Galperin a fondé Mercado Libre en 1999, moins de 3 % de la population
d'Amérique latine était connectée. Mais la plateforme de commerce électronique argentine a
prospéré à mesure que la région s'est connectée, et elle prétend aujourd'hui être le leader du
marché dans toutes ses grandes économies. Comme d'autres vendeurs en ligne, elle a prospéré
pendant la pandémie de coronavirus, doublant ses ventes au cours du deuxième trimestre de
l'année. Monsieur Galperin a parlé au TIME de l'avenir du commerce électronique et du potentiel
économique des Amériques.

En quoi le commerce électronique est-il différent en Amérique latine par rapport à


l'Europe ou aux États-Unis ?

Nous avons dû tout créer à partir de rien. La logistique du commerce électronique et


l'infrastructure pour les paiements numériques - nous avons dû tout créer. Certains de nos
concurrents internationaux, comme eBay et Amazon, se sont développés [beaucoup plus vite que
nous] dès le début. Curieusement, nous avons commencé à nous développer à un rythme
beaucoup plus rapide maintenant que nous fêtons notre 21e anniversaire. C'est une réussite du
jour au lendemain qui a pris plus de deux décennies.

Saviez-vous que Mercado Libre serait un succès dès le départ ?

Lors de notre lancement, j'ai fait une enquête auprès de 20 camarades de classe latino-
américains à Stanford et je leur ai demandé s'ils pensaient que le modèle allait fonctionner en
Amérique latine : 100 % d'entre eux ont répondu non, que les Latino-américains n'achèteraient
jamais quelque chose qu'ils n'avaient pas vu ou touché de [quelqu'un] qu'ils ne connaissaient pas.
Il s'est avéré que cela a fonctionné.

En 2019, le commerce électronique représentait environ 4 % des ventes au détail en Amérique


latine, contre 11 % aux États-Unis. En quoi la pandémie a-t-elle changé les choses ?

Je pense que ce chiffre sera plus proche de 10 % cette année. La pandémie nous a fait avancer
de trois à cinq ans. La capitalisation boursière de Mercado Libre a dépassé les 60 milliards de
dollars cet été, ce qui en fait l'une des entreprises les plus précieuses d'Amérique latine. Ce
succès vous semble-t-il étrange alors que le monde souffre ? Si c'était nous qui vendions, peut-
être que ce serait le cas. Mais nous évitons littéralement à des centaines de milliers de vendeurs
de devoir déposer le bilan. Les gouvernements latino-américains ont été moins capables de
fournir aux gens l'argent nécessaire pour maintenir de longs blocages que les gouvernements
européens ou américains ne l'ont fait. Mais des millions de petites et moyennes entreprises sont
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en mesure de continuer à fonctionner en toute sécurité et à gagner leur vie. Ainsi, au contraire,
nous devenons un service essentiel.

La pandémie risque de rendre les inégalités en Amérique latine encore pires qu'elles ne
le sont déjà. Est-ce mauvais pour les affaires ?

C'est certain. À long terme, nous voulons une société prospère où le plus grand nombre possible
de personnes sont aisées. Je crois que l'égalité en soi n'est pas une valeur. Nous voulons que la
ligne de départ soit aussi proche de l'égalité que possible. Mais c'est une ligne de départ. Si
certaines personnes veulent travailler plus dur ou ont une meilleure idée, et qu'elles gagnent plus,
quel est le problème ? C'est un peu comme le sport. La meilleure équipe gagne et devient
championne, et la pire équipe perd. Et c'est, je pense, plus intéressant pour la société en général.

La pandémie a apporté beaucoup de changements négatifs. Prévoyez-vous des


changements positifs ?

Je pense que nous allons commencer à nous attaquer au changement climatique d'une manière
beaucoup plus agressive. Les entreprises doivent prendre l'initiative. Par exemple, le fait que de
grandes entreprises comme la nôtre passent des commandes de véhicules électriques nous aide
beaucoup à mettre en place les infrastructures dont nous avons besoin.

Quel est votre prochain grand pari ?

Nous pensons que l'argent liquide va disparaître en Amérique latine. En partie parce que les
paiements par QR et les paiements numériques sont une meilleure expérience. Mais aussi, parce
qu'ils utilisent l'argent liquide pour tout, 50 % des Latino-Américains n'ont pas d'antécédents de
leurs transactions financières et n'ont donc pas accès au crédit. Nous avons commencé à leur
créer un historique financier numérique. Cela signifie que nous pouvons fournir des prêts à des
personnes qui n'ont jamais eu accès à des prêts.

J'ai lu que vous aimiez les échecs. Cela vous a-t-il aidé en tant qu'homme d'affaires ?

J'étais un fan des échecs. Maintenant, je perds contre mon fils. Donc je ne suis plus un fan.

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La pandémie COVID-19 a bouleversé le Bureau.

Il est temps de repenser radicalement notre façon


de travailler.
En avril, alors que les employés de bureau du monde entier ont passé des mois coincés à la
maison à jongler avec la garde des enfants, leur travail et l'inquiétude générale face à une
pandémie mondiale, Lisa Kribs et Gavin Thomas, les co-fondateurs d'une société de marketing à
Rochester, N.Y., ont décidé de tenter une expérience pour rendre la vie plus agréable à leurs
employés stressés.

Ils ont mis en place une semaine de travail de quatre jours dans leur entreprise de huit personnes,
TGW Studio, et ont réduit le nombre de réunions d'environ 50 %. En versant à chacun le même
salaire tout en s'attendant à ce qu'il travaille moins, ils espéraient que les employés seraient plus
productifs pendant les heures de service.

Ils avaient raison. Deux mois plus tard, la productivité avait augmenté et les employés réalisaient
le travail le plus créatif qu'ils avaient fait depuis longtemps. Les dirigeants de TGW rêvaient depuis
un an d'une semaine de travail plus courte, mais ils s'inquiétaient de la réaction des clients,
explique Kribs, 37 ans. "Et puis la COVID arrive et nous nous disons, tu sais quoi, faisons ça", dit-
elle. "C'était presque comme si c'était un truc du genre 'F*** it'."

Le travail de bureau a été interrompu bien avant la pandémie. La technologie a permis de relier
les travailleurs les uns aux autres de manière transparente, mais elle a entraîné un flux
ininterrompu de distractions. Le travailleur du savoir moyen - essentiellement quelqu'un qui
effectue des tâches cérébrales pour son travail - vérifie ses e-mails toutes les six minutes et passe
de plus en plus de temps en réunion. En 2017, les cadres passaient 23 heures par semaine en
réunion, contre 10 heures par semaine dans les années 1960. La productivité du travail de bureau
étant plus difficile à contrôler que celle du travail manuel - il est facile de voir si une chambre
d'hôtel a été nettoyée, par exemple - de nombreux travailleurs intellectuels se sentent attachés à
leur bureau, car le temps qu'ils passent devant leur ordinateur est devenu un indicateur de
l'intensité de leur travail.

La pandémie oblige les entreprises à repenser leur mode de fonctionnement, et certaines essaient
des changements ambitieux pour tenter de réparer ce qui est cassé. Elles raccourcissent la
semaine de travail, suppriment les réunions et repensent la mentalité du cul-de-sac. Ils adaptent
les journées de travail aux besoins des employés dispersés dans les différents fuseaux horaires et
confrontés à des responsabilités de garde d'enfants. Certains transforment même les bureaux en
lieux de retraite pour les employés qui ont besoin de faire une pause.

Il n'y a pas que les petites entreprises comme TGW qui changent leur mode de fonctionnement.
Morrison's, une chaîne de supermarchés britannique, a déclaré en juillet que ses 1 500 employés
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recevraient le même salaire pour travailler quatre jours par semaine, un effort pour maintenir la
motivation des travailleurs. Slack, la société de logiciels de messagerie, a instauré un congé
d'entreprise un vendredi par mois pour permettre à son personnel de se reposer et de se
recharger. En août, JPMorgan a déclaré que ses employés allaient passer en permanence du
travail à distance au bureau. Cinquante-huit pour cent des entreprises interrogées par Xerox aux
États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Allemagne et en France ont déclaré qu'elles
modifiaient leur politique de travail à domicile.

Des entreprises comme TGW espèrent que leur expérience incitera d'autres personnes à essayer
quelque chose de différent. "C'est vraiment le moment, en tant que société, de réfléchir à tout
cela", déclare Thomas. "Les gens sont vraiment enthousiasmés par les nouvelles façons de
penser au travail".

Faire un travail de bureau peut donner l'impression d'aller au combat avec un flux incessant
d'informations qui vous parvient à la vitesse de la lumière, grâce à la technologie. Alors que je
m'asseyais pour me concentrer sur cette histoire, un jour de semaine récent, mon téléphone
portable a sonné avec un numéro non identifié qui pourrait être une source pour une autre histoire
(c'était un télévendeur). Ma concentration étant à bout, j'ai rapidement consulté mon courrier
électronique pour trouver un message me demandant de revoir un achat qui n'avait jamais été
livré, ce qui m'a conduit dans un terrier de lapin de l'endroit du monde où le paquet pourrait se
trouver. Déterminé à me concentrer, j'ai fermé mon téléphone personnel et mon courrier
électronique, mais un message Slack d'un collègue est apparu, demandant les coordonnées d'une
source que je ne pouvais obtenir que dans mon courrier électronique, ce qui m'a ramené à ma
boîte de réception, qui s'était remplie de nouveaux messages, dont certains auxquels je me suis
senti obligé de répondre immédiatement. Juste au moment où je commençais enfin à me
concentrer, une femme que j'avais interviewée pour un reportage il y a quelques mois m'a appelée
sur mon téléphone de travail pour me poser une question.

C'est ce à quoi les employés de bureau sont confrontés tous les jours. Depuis les années 1970, le
travail de connaissance, constitué de tâches cognitives non routinières généralement effectuées
par des personnes assises à leur bureau, s'est développé. Cela a libéré des millions de personnes
des emplois routiniers et souvent physiquement éprouvants du passé, comme les comptables, les
ouvriers d'usine et autres, mais la technologie qui a contribué à créer le travail de la connaissance
a introduit des distractions sans fin.

La pandémie a ajouté des tas d'autres choses, avec pas moins d'une personne sur quatre
travaillant à domicile dans le monde, contre plus d'une sur douze avant la pandémie. Outre
les interruptions dues aux enfants, aux colocataires et aux conjoints, nous avons affaire à des
collègues qui utilisent Slack et le courrier électronique pour poser des questions qui, dans les
jours précédant la pandémie, auraient pu être traitées rapidement dans des conversations
improvisées dans les couloirs. Les réunions sont plus nombreuses afin que les collègues qui ne
se retrouvent plus autour d'un café dans une cuisine commune puissent entendre ce que chacun
fait. Après le passage des entreprises au travail à distance en mars, le nombre de réunions a fait
un bond de 12,9 %, le nombre de courriels internes a augmenté et les journées de travail se sont
allongées de 48 minutes et 30 secondes, selon une étude mondiale portant sur 3 millions de
travailleurs.

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Cela signifie qu'il y a moins de temps pour le type de travail ciblé qui rend les travailleurs heureux
et productifs. Au lieu de cela, les gens passent leur temps à alterner entre les réunions, les
courriers électroniques, les chats et leurs tâches professionnelles principales. Il a été démontré
que le multitâche peut coûter jusqu'à 40 % du temps productif d'une personne.

Cela a des implications pour l'économie mondiale. Après une croissance mondiale de 3 % par an
au début des années 2000, la productivité - essentiellement la quantité de travail par heure - a
augmenté de 1,4 % en 2019, selon le Conference Board. Certains économistes soutiennent que la
même technologie qui a alimenté un boom de la productivité au début des années 2000 est
devenue si perturbatrice qu'elle ruine la capacité des travailleurs à se concentrer. Aujourd'hui, les
gens ne peuvent se concentrer sur une tâche que pendant 47 secondes, contre 150 secondes
en 2004, selon Gloria Mark, professeur d'informatique à l'université de Californie à Irvine. "Nous
sommes en pleine crise de productivité, et l'arrivée du courrier électronique dans les années 1990
est vraiment ce qui a donné le coup d'envoi", explique Cal Newport, professeur d'informatique à
Georgetown, qui étudie l'impact de la technologie sur la cognition. "Si vous écrivez un article, que
vous vérifiez Slack et que vous vous lancez dans le courrier électronique, votre cerveau
fonctionne à une fraction de son potentiel".

Alors que tant de personnes luttent pour équilibrer leur vie professionnelle et familiale pendant la
pandémie, de plus en plus d'entreprises interviennent pour aider les travailleurs qui sont tellement
absorbés par une tâche que l'on perd la notion du temps. Le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi
a développé ce concept dans son livre Flow : The Psychology of Optimal Experience, publié en
1990. Flow permet aux travailleurs d'affiner leurs compétences et de les appliquer à un niveau
d'élite, explique Monsieur Newport, dont le propre livre, Deep Work, aide les lecteurs à trouver
comment minimiser les distractions et faire mieux leur travail. "Une fois que vous commencez à
être incroyablement concentré, la quantité qui peut être produite en une heure est beaucoup plus
élevée", dit-il, "Il s'agit de s'entraîner pour se rendre dans cet espace, tout comme le font les
athlètes".

En maîtrisant les flux, les travailleurs peuvent être plus heureux au travail et loin du bureau -
virtuel ou autre - parce qu'ils ne sont pas hantés par les tâches laissées en suspens.

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Aider les travailleurs à travailler à domicile

Leanne Robinson, à gauche, et Shea Costales à la cinquième colonne, le 23 janvier. L'entreprise


essaie de nouvelles façons d'aider les employés à être productifs tout en travaillant à domicile.

Kribs, de TGW, a remarqué pour la première fois les avantages du flux lorsque les femmes qui
étaient de nouvelles mères et qui retournaient au travail étaient désireuses de retrouver leur bébé,
elles s'asseyaient et se mettaient au travail, accomplissant plus que les personnes qui passaient
de longues heures au bureau.

S'adapter à ce niveau de travail concentré n'est pas chose facile pour les travailleurs habitués à
des interruptions constantes. C'est pourquoi, lors d'une récente journée de travail, j'ai rejoint une
communauté en ligne, en m'inscrivant à Caveday. L'entreprise new-yorkaise fait payer 20 dollars
par personne pour se connecter à un appel Zoom avec des dizaines d'autres travailleurs et un
coach, dans le seul but de se forcer à se concentrer.

L'entraîneur, Kait, assise à sa table de cuisine, a dirigé la soixantaine de personnes connectées et


a lancé notre première session de 45 minutes de mise au point. L'écran de mon ordinateur était
rempli de tuiles de têtes d'étrangers qui fixaient leur propre ordinateur, soi-disant pour se
concentrer.

Au début, c'était facile d'éteindre mon appareil photo et de continuer à tergiverser, en me gavant
de crackers et de gelée et en faisant défiler Twitter, mais j'ai fait plus d'efforts lors du deuxième
sprint de 45 minutes. En faisant semblant que les autres visages déstabilisés regardaient pour voir
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si je travaillais, je pouvais me forcer à me concentrer. Lorsque nous avons commencé une séance
de respiration profonde à la fin du troisième et dernier sprint, j'étais d'accord avec d'autres qui
disaient que la séance rendait les choses un peu plus faciles à faire.

Column Five, une société de marketing dont le siège est à Costa Mesa, en Californie,
expérimentait l'idée d'intégrer le temps de flux dans les horaires des employés avant la pandémie.
Entre 12 h 30 et 16 h environ chaque jour, elle encourageait tout le monde à s'abstenir de se
relâcher, d'envoyer des courriels ou de s'appeler pour que les travailleurs puissent se concentrer
sur leurs propres projets. Mais pendant la pandémie, lorsque les employés de la cinquième
colonne ont commencé à travailler à domicile, ils ont vu leurs horaires perturbés par leurs
responsabilités familiales. Le flux est devenu plus difficile à réaliser, explique Tamara Hlava, la
vice-présidente de la Colonne 5 chargée des personnes et de la culture. L'entreprise a redoublé
d'efforts, conseillant aux travailleurs de régler un emoji bleu "flux" qui ressemble un peu à un éclair
sur leur statut de Slack pour faire savoir à leurs collègues de ne pas les déranger lorsqu'ils étaient
en mode flux.

"Nous devions nous rappeler que notre meilleure façon de travailler dans le bruit et la distraction
de tout ce qui se passe autour était de trouver un moment de flux quelque part dans la journée",
dit Hlava. Certains employés, comme la responsable des finances Daniella Hughes, ont demandé
aux membres de leur famille de suivre le flux aussi. Parmi eux, son mari, qui travaille dans un
entrepôt et rentre chez lui vers 15 heures, alors qu'elle essaie de se concentrer sur le travail en
profondeur. "J'ai vraiment dû le former pour me permettre d'être dans le temps du flux", dit-elle.

D'autres entreprises aident leurs employés à se concentrer sur leur travail en leur fournissant un
logiciel de surveillance, une évolution qui peut sembler Big Brotheriste, mais qui, selon les
entreprises, est utile pour s'assurer que les gens consacrent leurs heures de travail aux bonnes
tâches. Memory, une entreprise norvégienne qui fabrique une application de suivi du temps de
travail basée sur l'intelligence artificielle, a vu le nombre de ses clients payants augmenter de 18
% par rapport à la même période l'année dernière. Son PDG, Mathias Mikkelsen, affirme que le
logiciel aide les travailleurs à réduire le nombre d'e-mails étrangers, de messages Slack et de
navigations sur le web.

"Si vous voulez devenir plus productif, en utilisant votre temps correctement et en comprenant ce
que vous avez fait avec une heure, c'est par là qu'il faut commencer", dit-il. Une entreprise de
services financiers qui utilise le logiciel de suivi créé par Sapience Analytics a gagné plus de 100
000 heures productives en un mois, car ses 11 000 employés ont passé une plus grande partie de
leurs journées de travail à des "activités essentielles" pendant la pandémie, qui représentent la
partie la plus importante de leur travail, selon les données recueillies par Sapience.

D'autres entreprises, dont TGW, constatent que la réduction des réunions peut aider les
travailleurs à trouver plus de temps pour un travail approfondi. "Combien de réunions avons-nous
toutes eu, où les ordinateurs portables de tout le monde sont ouverts, où chacun vérifie ses mails
et où les gens n’écoutent qu’à moitié", explique Monsieur Kribs. "Ce n'est plus ce qu'une réunion
signifie pour nous." Il y a des preuves tangibles que la réduction des réunions fonctionne :
Microsoft Japon a augmenté sa productivité de 40 % l'année dernière en passant à une
semaine de travail de quatre jours et en réduisant de moitié la durée standard des réunions,
qui est passée à 30 minutes.
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Maintenant que de nombreux travailleurs sont sur des fuseaux horaires différents, certaines
entreprises reconsidèrent l'idée des réunions en direct et adoptent la "communication
asynchrone", dans laquelle les gens échangent des informations mais pas en temps réel. La
cinquième colonne a commencé à utiliser un logiciel appelé Loom, qui permet aux employés de
laisser des messages vidéo dans des documents qui guident leurs collègues dans des
directions ou un contexte important.

Buffer, une plateforme de gestion des médias sociaux qui compte 90 employés dans 19 pays, n'a
plus de réunions obligatoires et utilise plutôt Threads, une plateforme qui permet aux employés de
peser sur les questions et les décisions quand cela leur convient. (Threads est elle-même un
enfant de la pandémie ; elle a été lancée en mode furtif en 2019 et a décidé de s'ouvrir en mars
pour aider davantage de clients à réunir les travailleurs à distance). Buffer a cessé de demander
aux employés d'assister à des réunions publiques en direct ; l'entreprise enregistre désormais les
réunions publiques et encourage les personnes de différents fuseaux horaires à organiser des
"soirées de surveillance" afin qu'elles puissent les regarder ensemble tout en ayant le sentiment
d'y participer.

"L'un des problèmes des réunions est que l'on y entend souvent les opinions les plus franches et
les plus fortes", explique Hailley Griffis, responsable des relations publiques chez Buffer. "La
communication asynchrone est plus inclusive - n'importe qui dans l'entreprise peut intervenir
et prendre part à n'importe quelle conversation".

Et la questions des bureaux ?

Alors que les employeurs s'adaptent au travail à distance, la plus grande question qui se pose à
eux est de savoir ce qu'ils doivent faire de leurs bureaux physiques. Même avant la pandémie, de
nombreux employeurs avaient commencé à s'interroger sur la sagesse des bureaux en espace
ouvert, qui sont devenus populaires au cours des deux dernières décennies. Avec des employés
assis côte-à-côte dans des espaces restreints et partageant les cuisines et les salles de pause,
ces bureaux permettaient de se distraire en permanence. Mais avec la pandémie, ils se sont
également avérés potentiellement mortels.

Aujourd'hui, de nombreuses entreprises remettent en question la valeur des bureaux. Les


entreprises technologiques, dont Twitter, Facebook et Shopify, ont déclaré qu'elles allaient laisser
de nombreux employés travailler à domicile en permanence. Pinterest a payé 89,5 millions de
dollars pour annuler un nouveau projet de bureaux à San Francisco, affirmant que davantage de
ses employés allaient travailler à distance à l'avenir. Mais le fait de travailler à distance entraîne
son lot de problèmes.

Les nouveaux employés et les personnes en quête de mentorat auront du mal à travailler dans
une entreprise s'ils n'ont jamais rencontré leurs collègues en personne ; si les gens ne peuvent
pas "bavarder" avec leurs collègues, ils leur font moins confiance, selon une étude réalisée par
des professeurs d'écoles de commerce des universités de Columbia et Northwestern. Le travail à
distance peut également porter un coup à la santé mentale des employés ; lorsque Ctrip, une
entreprise chinoise, a permis à plus de 100 employés de travailler à domicile quatre jours par
semaine à partir de 2010, ils ont été heureux pendant trois mois, mais en l'espace de neuf mois,
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environ la moitié d'entre eux ont voulu retourner au bureau, selon une étude du professeur
d'économie de Stanford Nicholas Bloom.

C'est pourquoi certains propriétaires d'entreprises continuent d'investir dans des bureaux ; ils
construisent simplement un autre type de bureau.

John Sweeden, qui dirige une petite entreprise de logiciels en Oklahoma qui travaille dans
l'industrie du pétrole et du gaz, a inauguré en août un nouvel immeuble de bureaux sur un terrain
de 25 acres. Le complexe se trouve à environ 20 minutes au nord-est d'Oklahoma City, sur un
terrain qui coûte beaucoup moins cher que l'immobilier dans un centre-ville surpeuplé. Bien qu'il
s'agisse d'un espace de bureaux, une grande partie sera "un endroit où aucun travail n'est
effectué", dit-il.

Il y aura un grand salon pour la socialisation ; les employés seront encouragés à y passer des
heures, à parler de n'importe quoi. La Suède construit une maison d'hôtes qui accueillera une liste
de visiteurs en rotation ; en échange d'un lieu d'hébergement gratuit, ces visiteurs seront invités à
socialiser avec l'entreprise et à lui faire part de leurs commentaires.

Le complexe comprendra également des bureaux individuels pour les employés qui ont du mal à
se concentrer à la maison - de petites pièces sans accès à l'Internet sont prévues pour que les
gens puissent se concentrer.

L'aspect solitaire et social de son bureau est nécessaire à l'innovation et à la productivité,


affirme-t-il, surtout à une époque de distanciation sociale. "Le bureau devient essentiellement une
pause dans le travail à domicile", dit Monsieur Sweeden. "Vous pouvez socialiser avec vos
collègues, aider les gens, obtenir de l'aide, apprendre, enseigner et discuter des idées".

Le futur bureau de Sweeden est basé sur un concept de design appelé la machine Eudaimonia,
développée par l'architecte David Dewane. Eudaimonia est un terme grec qui décrit l'état de
contentement que les humains atteignent lorsqu'ils s'épanouissent dans la vie ou au travail.
Atteindre un état d'eudaimonia se tradauit par « gérer les distractions », explique Dewane, dont le
bureau idéal comporte différentes zones, chacune conçue pour mettre l'esprit des travailleurs
progressivement en éveil. La clé de ce concept est l'espace de socialisation des travailleurs, qui
passent dans des chambres isolées pour un travail concentré. "Ce que la COVID-19 et ce quasi-
blocage permanent font, c'est mettre en exergue notre soif d'interaction sociale", dit Dewane.

La cinquième colonne, la société de marketing Costa Mesa, avait construit un nouveau bureau
basé sur la machine Eudaimonia avant la pandémie. Aujourd'hui, la société espère que les
employés l'utilisent toujours, mais pas pour le travail. "Nous voulons garder cet espace pour la
socialisation - si vous voulez aller partager un LaCroix avec quelqu'un et avoir une conversation",
dit Hlava. "Aller dans l'espace de travail et choisir comment vous voulez être ce jour-là mène à la
liberté et à l'autonomie qui sont bonnes pour une culture de travail".

Réhabiliter le travail de bureau pourrait être bon pour tout le monde. Les économies des États-
Unis, du Japon et de l'Europe sont confrontées à une baisse du dynamisme des entreprises, ce
qui signifie que les gens créent moins de nouvelles entreprises et de jeunes pousses. La
croissance économique stagne, ce qui se traduit par une moindre prospérité.

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Il serait ironique que la même pandémie qui a provoqué une telle perturbation du travail dans le
monde entier aide en fait les entreprises à réparer leur façon de travailler et à devenir plus
productives.

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La pandémie de coronavirus a fait exploser les
tendances géopolitiques. Nous devons nous
adapter plus rapidement
"Il y a des décennies où rien ne se passe ; et il y a des semaines où des décennies se
passent."

Souvent attribuée à Vladimir Lénine, cette citation en dit long sur l'impact du nouveau virus
COVID-19 dans un monde qui évolue déjà rapidement. Il n'y a pas de révolution historique à
l'horizon, mais les derniers mois de la pandémie ont fait exploser quatre des tendances
géopolitiques les plus importantes de ces dernières décennies : inégalité croissante, érosion de la
légitimité des institutions démocratiques, architecture mondiale archaïque et niveaux de
perturbation technologique toujours plus rapides.

Inégalité mondiale

L'inégalité au sein des pays était un problème bien avant que l'un d'entre nous ait entendu le
terme COVID. Au début de la pandémie, le Congrès américain a réagi par de fortes mesures de
relance budgétaire, mais la période électorale controversée a mis un terme à la coopération
bipartite. La situation économique va se détériorer, car le financement de l'assurance chômage est
faible, le nombre de saisies augmente, les permissions de sortie deviennent permanentes et
l'hiver rend la vie encore plus difficile pour les restaurants et l'industrie du voyage. Il ne s'agit pas
seulement d'une tendance américaine ; les dirigeants politiques du monde entier se demandent
maintenant s'ils doivent augmenter les mesures de relance budgétaire à un moment où de
nombreuses personnes en ont désespérément besoin. Et alors que l'économie mondiale avance à
pas de tortue, l'élargissement des écarts de richesse va susciter colère et protestations.

L'effritement de la légitimité des institutions politiques

Aux États-Unis, les profondes divisions au sein de l'électorat et la colère croissante du public à
l'égard de l'establishment politique de la nation se sont accumulées depuis des années. Le
président, le Congrès, la fonction publique et les médias sont devenus de plus en plus la cible du
vitriol public. En 2020, COVID-19 a prouvé que même un objet aussi inoffensif qu'un masque
chirurgical peut faire partie d'une guerre des cultures. Les démocrates et les républicains sont
également très divisés sur la meilleure façon d'équilibrer les besoins de santé publique et de
vitalité économique. Le problème de la polarisation politique et de la baisse de confiance dans les
institutions s'accélère à l'échelle mondiale. De nombreux pays ont vu les protestations contre la

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COVID créer des blocages - et aussi contre des dirigeants qui ne prenaient pas la santé publique
au sérieux.

Évolution de l'architecture géopolitique

Même avant l'arrivée du virus de la COVID-19, le monde était entré dans une période de
récession géopolitique, dans laquelle le leadership international et la coopération entre les pays
s'évaporaient, avec un nombre réduit d'arbitres reconnus pour rétablir la confiance dans le
système mondial existant. La pandémie et ses effets économiques et politiques ont révélé à quel
point le système international est réellement brisé et à quel point nos institutions multinationales
de l'époque de la guerre froide sont inadaptées aux tâches à accomplir.

Chambre de commerce américaine

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Technologie Disruptive

Nous assistons à une accélération de la rivalité entre les États-Unis, toujours dominants, et la
Chine, toujours ascendante. Aucune arène de concurrence ne deviendra plus importante que la
création de nouvelles technologies perturbatrices. La COVID-19 a accéléré les investissements
dans l'automatisation du lieu de travail, l'apprentissage machine et l'IA. En substance, la pandémie
a décimé les moteurs de l'économie du XXe siècle - les usines et les magasins de détail en
briques et mortier - tout en turbo compressant les moteurs du XXIe siècle, comme les
technologies de l'information et le commerce en ligne.

Comme pour chaque grand bond technologique dans l'histoire de l'humanité, la révolution
numérique fera des gagnants et des perdants. Au fil du temps, ces technologies et d'autres encore
libéreront un potentiel humain plus important en créant des possibilités sans précédent pour
l'enseignement à distance, la pratique de la télémédecine, les progrès de l'agriculture et les
percées qui créeront les "villes intelligentes" de l'avenir. Les parties les plus innovantes de nos
économies sont celles qui ont subi le moins de dommages.

Il y a des segments de la société qui ne peuvent pas faire ce grand bond en avant. La question de
savoir comment les gouvernements peuvent réécrire le contrat social afin de pourvoir aux besoins
du plus grand nombre reste urgente et vitale.

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Tony Blair : « J'ai toujours été un optimiste. Mais
pour la première fois, je suis préoccupé par
l'avenir »
« La COVID-19 inaugurera un monde où l'insécurité et l'imprévisibilité constituent la nouvelle
norme.

Ma thèse sur la politique moderne est que le principal défi politique actuel est la révolution
technologique, l'équivalent au 21e siècle de la révolution industrielle du 19e siècle. Et la politique
a été lente à rattraper son retard.

L'effet de la COVID-19 sera d'accélérer cette révolution. Les entreprises se numériseront plus
rapidement ; l'innovation sera stimulée par la nécessité de trouver de nouvelles méthodes de
travail et de réduire les coûts. Beaucoup de choses ne reviendront pas comme avant.

L'impact de cette situation, ainsi que l'énorme facture résultant de la lutte contre le virus et la perte
d'activité économique, seront à l'origine de nombreuses difficultés, le fardeau retombant souvent
sur les plus vulnérables.

Les injustices préexistantes sembleront encore plus inacceptables, libérant une colère refoulée et
peut-être même des troubles sociaux. Les gouvernements vont donc se battre. Les populistes
auront de quoi jouer. Et les divisions sociales deviendront plus brutales. Il faudra une direction
politique capable d'analyser, de comprendre, d'expliquer et de montrer la voie.

Ce n'est pas un art perdu. La crise a été caractérisée par le fait que les gouvernements qui l'ont
mieux gérée sont ceux qui ont donné la priorité à la transparence, à une politique saine, à
l'engagement collaboratif et à l'innovation créative. Nous ne pouvons qu'espérer qu'il s'agit là de la
politique qui émerge du cauchemar de la COVID-19.

Mais elle sera fortement contestée. Les relations entre les États-Unis et la Chine vont continuer à
se détériorer, et la communauté mondiale devra décider comment trouver un espace pour
coopérer avec la Chine, ainsi que pour lui faire concurrence et - si nécessaire - l'affronter.
L'Europe et le Royaume-Uni joueront un rôle important dans l'élaboration de la politique
américaine.

La coordination mondiale reste objectivement rationnelle. Pourtant, son absence pendant la crise
a été vraiment choquante. Et dommageable. Pensez à la rapidité avec laquelle nous aurions pu
développer des choses comme des tests rapides sur place si le monde s'était rassemblé et avait
travaillé ensemble.

Ce vide est d'autant plus préoccupant que le monde en développement est confronté à des choix
déchirants en raison de la COVID-19. Les aider est une question d'intérêt personnel éclairé. Je
prie pour que nous le reconnaissions.

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J'ai toujours été optimiste. Mais pour la première fois de ma vie politique, j'ai des doutes. J'ai
toujours de l'espoir, mais je suis troublé. »

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Stewart Butterfield : « La COVID-19 va changer à
jamais notre façon de travailler.

Cela pourrait rendre le monde meilleur. »

« La pandémie a provoqué des changements dans notre façon de vivre et de travailler qui
persisteront longtemps après que la science médicale aura rendu le virus gérable.

Le passage massif et mondial au télé-travail ne sera pas annulé. Près de 9 travailleurs sur 10 ne
veulent pas retourner au bureau à plein temps. Cela va remodeler les bureaux, les entreprises qui
les utilisent, les villes dont les quartiers d'affaires centraux sont organisés autour d'eux, et tout le
reste, des transports publics au prix des logements. Le changement cumulatif pourrait en fin de
compte avoir autant d'impact sur la forme de nos villes que l'automobile en a eu il y a 75 ans.

Cela peut sembler être un problème, mais c'est aussi une opportunité. Aujourd'hui, la plupart des
travaux de connaissance sont concentrés dans quelques villes exceptionnellement coûteuses,
densément peuplées et souvent confrontées à des problèmes d'environnement. En dehors de ces
endroits, les possibilités de recevoir une bonne éducation et d'occuper des emplois bien
rémunérés sont rares. Les meilleures études, les meilleurs stages et les meilleurs parcours
professionnels sont encore des conditions préalables les uns pour les autres. Trop souvent, si
vous êtes laissé de côté au départ, vous êtes laissé de côté pour de bon.

Mais l'accélération du télé-travail, combinée aux nouvelles technologies qui permettent une
collaboration productive et gratifiante entre des équipes à distance, peut changer tout cela. Cela
ne signifie pas pour autant que le bureau va disparaître. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas parce
que presque personne ne veut retourner au bureau à plein temps que les gens ne veulent pas y
aller du tout. Nous le voulons ! Cela nous manque, surtout le lien social du travail en personne.
Mais cela peut se satisfaire d'un ou deux jours par semaine.

Un trajet de deux jours par semaine permet de repousser les limites du lieu de résidence. Les
grandes entreprises auront toujours des bureaux qui façonnent les lignes d'horizon, mais elles
n'auront plus besoin d'espace pour 100 % de leurs employés en même temps ; un espace plus
proche de 25 % suffira. La demande de logements dotés d'espaces de travail appropriés
augmentera, ce qui ramènera aux schémas préindustriels de la vie professionnelle et familiale.
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Les villes seront moins chères et donc plus accueillantes pour les artistes, les enseignants et les
infirmières, ainsi que pour les entreprises indépendantes qui luttent pour leur survie contre les
chaînes, car les espaces commerciaux urbains deviennent prohibitifs.

Nous serons en mesure d'étendre les possibilités de l'ère de l'information à des communautés qui
n'y ont jamais participé. Les outils qui permettent une collaboration asynchrone afin que les gens
puissent travailler sur leur temps libre signifient que les soins aux enfants, aux personnes âgées et
les autres obligations familiales ne devraient plus être des obstacles insurmontables. Et tout cela
nous permettra de repenser les villes elles-mêmes, en réduisant la circulation, en augmentant les
espaces verts et en transformant certains de ces anciens bureaux en maisons et en institutions
culturelles.

Ce n'est pas une chimère ou un avenir lointain ; c'est maintenant, et l'année prochaine, et l'année
d'après, si seulement nous saisissons l'occasion de réimaginer et de réinventer. »

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« C'est la bonne chose à faire ».

Le PDG de Walmart, Doug McMillon, déclare qu'il


est temps de réinventer le capitalisme post-
coronavirus.

Doug McMillon a débuté chez le plus grand détaillant du pays alors qu'il était adolescent, en
déchargeant des camions pour un salaire horaire. Il explique comment il a positionné Walmart
pendant la pandémie pour s'assurer que cette entreprise de plus de 500 milliards de dollars
prospère dans le nouveau paysage qui se dessine à l'avenir.

Quels changements induits par la pandémie dans la façon dont vous gérez votre
entreprise, pensez-vous qu'ils persisteront au-delà de la pandémie ?

Lorsque la pandémie a frappé, il ne faisait aucun doute que nous devions accorder toute notre
attention à la sécurité de nos associés et au service de nos clients qui devaient avoir accès à des
aliments et à des fournitures essentielles. Il est devenu évident qu'il y avait beaucoup de réunions
qui n'avaient pas besoin d'avoir lieu et, aussi, que tout le monde n'avait pas besoin d'être impliqué
dans chaque décision. Ce type de hiérarchisation rigoureuse des priorités a en quelque sorte
réinitialisé nos processus, et je pense que nous continuerons à travailler de manière plus
rationnelle.

En termes de chaîne d'approvisionnement et de logistique, quels sont les changements


qui, selon vous, seront les plus durables ?

La chaîne d'approvisionnement a été mise à rude épreuve. Nous sommes toujours en train de
creuser les enseignements, mais quelques éléments ont émergé sur lesquels nous allons nous
concentrer. D'abord, nous serons exigeants en matière de taux de remplissage pour nous assurer
que les produits commandés arrivent dans nos magasins. Nous allons également affiner notre
assortiment. Cela nous permettra d'obtenir de plus gros volumes et une capacité de production
plus prévisible de la part de nos fournisseurs - le résultat est que les clients seront servis même
en cas de forte demande. Pendant la pandémie, nous avons vu les avantages de nos relations
avec les fournisseurs locaux, et nous allons donc les exploiter comme un autre moyen de garantir
l'accès aux produits.

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En termes de changement technologique à court terme (deux à cinq ans), qu'est-ce qui,
selon vous, aura le plus d'impact sur votre entreprise ?

Je ne pense pas que l'on puisse attribuer cela à une seule technologie. Parfois, la magie se
produit lorsque nous assemblons plusieurs pièces. La clé est de savoir clairement quels sont les
gros problèmes et obstacles que nous rencontrons et que nous essayons de surmonter a
posteriori. Nous testons ou étudions la livraison par drones, en éliminant la ligne de caisse et en
tirant parti des nouvelles technologies dans notre chaîne d'approvisionnement.

Y a-t-il une corrélation entre l'intérêt croissant des entreprises pour le capitalisme des
parties prenantes et le déclin de la capacité des gouvernements à résoudre les grands
problèmes ?

Les grands problèmes ne reposent pas uniquement sur les épaules du gouvernement ou des
entreprises. Je pense que l'intérêt croissant pour le capitalisme des parties prenantes vient du
fait que les entreprises s'investissent réellement pour faire le bien dans notre monde, parce que
c'est la bonne chose à faire et parce que les entreprises qui adoptent cette approche sont plus
fortes. Nous ne serons tout simplement pas là si nous ne nous occupons pas des choses mêmes
qui nous permettent d'exister : nos associés, nos clients, nos fournisseurs et la planète. C’est
indiscutable.

Quelle est votre réaction face aux personnes qui entrent dans vos magasins, ne portent
pas de masque ?

Nous comprenons que certaines personnes ne peuvent pas porter de masque pour des raisons
de santé. Ce qui m'inquiète, c'est que c'est devenu une question politique. Nos équipes continuent
à gérer ces situations avec beaucoup de soin et renforcent l'importance du port d'un masque. Des
millions de clients passent dans nos magasins chaque semaine, et nous ne pensons pas qu'il soit
trop demandé aux gens de porter un masque quand il s'agit de se protéger les uns les autres.

Portez-vous un masque ?

Oui. Et j'apprécie que nos employés le fassent et le fassent depuis si longtemps. Nous pensons
que cela a contribué à leur sécurité et à celle de nos clients.

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Kristalina Georgieva, chef du FMI, déclare que
nous avons une "occasion unique" de financer un
avenir durable

Kristalina Georgieva, économiste de l'environnement de formation, a pris ses fonctions de


directrice générale du Fonds monétaire international en octobre 2019, avec la volonté d'écologiser
le système financier. Un an plus tard, la pandémie COVID-19 a créé une toute nouvelle série de
défis pour elle - et ce que l'économiste d'origine bulgare appelle une "occasion unique" de
reconstruire l'économie de manière durable.

Le 13 octobre, le FMI a déclaré que l'économie mondiale allait se contracter de 4,4 %


cette année. Que faut-il faire pour favoriser un retour rapide à la croissance ?

Ce que nous avons rapporté est moins grave qu'il y a quelques mois, mais il s'agit toujours de la
pire récession depuis la Grande Dépression. La route sera semée d'embûches. Nous
recommandons trois actions.

La première consiste à reconnaître que nous ne pouvons pas sortir durablement de la crise
économique tant que nous n'aurons pas surmonté la crise sanitaire. Par conséquent, [nous
devons] nous concentrer sur la santé des personnes, la capacité du système médical à faire face
à l'augmentation des infections, et surtout travailler ensemble pour obtenir les solutions les plus
durables : vaccins et traitements.

Deuxièmement, nous recommandons vivement que ce qui a fonctionné pour soutenir l'économie
mondiale soit maintenu aussi longtemps que nécessaire. En d'autres termes, il ne faut pas retirer
prématurément le soutien politique.

Et troisièmement, nous savons que pour sortir de cette crise, il faut des mesures de relance
budgétaire. Utilisez cet argent à bon escient. Il s'agit d'une opportunité unique de ce siècle.

Dans cet esprit, vous avez dit que le changement climatique devrait être un élément clé
de la relance. Comment la relance peut-elle contribuer à lutter contre le changement
climatique ?

Des millions d'emplois ont été détruits, et beaucoup d'entre eux pourraient ne pas revenir, en
particulier ceux occupés par des travailleurs peu qualifiés. Si vous devez créer rapidement des
emplois, les infrastructures publiques répondant à des critères écologiques peuvent être un
excellent endroit pour investir. Les énergies renouvelables créent plus d'emplois que les énergies
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fossiles. Le but devrait donc être de marier ces deux objectifs : créer des emplois et réduire les
émissions.

Il semble que les pays n'aient pas suivi cette orientation jusqu'à présent.

La toute première réponse à la crise a consisté à soutenir l'économie sans discernement, telle
qu'elle était. Nous avons parfois vu des mesures en faveur de l'écologisation, mais elles étaient
plus l'exception que la règle. Selon certaines estimations, 5 % du premier cycle de soutien
budgétaire était orienté sur des questions écologiques. Mais lors du deuxième cycle, ce sera
différent. Nous allons nous concentrer davantage sur ce que l'argent permettra exactement
d'acheter et orienter la reprise vers ce nouvel objectif : des emplois nombreux et résistants au
climat.

Au-delà des opportunités que vous mentionnez, le FMI a également mis en garde contre
les risques que le changement climatique fait peser sur l'économie mondiale. Comment
le FMI peut-il s'assurer que ces risques sont pris en compte ?

Dès le début, nous avons discuté de la manière dont nous pouvons mieux orienter les décisions
sur la base d’évaluation des risques en matière de stabilité financière liés au climat. Le fonds a
inventé des stress tests qui sont maintenant universellement adoptés pour juger de la santé du
système bancaire. Nous voulons mettre en place un niveau supplémentaire de stress tests pour
les risques de stabilité financière liés au climat.

On a beaucoup parlé de la possibilité que la reprise soit en forme de K, les riches


devenant plus riches et les pauvres plus pauvres. Le capitalisme doit-il être réformé ?

Ayant vécu dans une économie centralement planifiée [en Bulgarie soviétique], je considère le
capitalisme comme un système économique efficace, efficient et rationnel. Cependant, les
marchés ne sont pas parfaits. Les marchés à eux seuls ne nous mèneront pas sur une voie à
faible émission de carbone et résistante au climat. Nous devons mettre en place des politiques qui
corrigent ces imperfections du marché, et nous devons être très clairs sur le fait que sans
intervention politique, nous pouvons causer beaucoup de dommages à notre niveau de vie, à
notre bien-être. Et un autre aspect du capitalisme qui ne se corrigera pas sans intervention
politique est la lutte contre les inégalités.

Comment les pays peuvent-ils lutter contre les inégalités au milieu de toutes ces crises ?

Le premier et le plus important de ces éléments est l'accès aux opportunités - à une éducation,
des soins de santé et une protection sociale de qualité. Et pour cela, il faut augmenter les
revenus. Le fonds a délivré un message très clair : une plus grande proportionnalité de la fiscalité
à l'heure actuelle peut soutenir la croissance, et non lui nuire. Elle permettrait de renforcer la
capacité de production de chacun.
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Blablabla blablabla... Bref, n'oubliez pas la règle de prudence de mon pépé : "Quand il y a un doute, il n'y a
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