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Les deux versions syriaques

de la Prière de Manassé

Ariel Gutman

Mémoire de M2 dans le programme « Langue, Langage, Modèles »,


Université Nouvelle Sorbonne
Septembre 2009
Dirigé par:
Dr Pollet Samvelian (ILPGA, Université Nouvelle Sorbonne)
Dr Wido van Peursen (LIRS, Universiteit Leiden)
T  

Introduction 5
0.1 Méthodologie de l’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
0.2 La langue syriaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
0.3 La Prière de Manassé, son contexte et ses manuscrits . . . . . . . . 8

1 Comparaison Grammaticale 11
⒈1 Morphologie et orthographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
⒈⒈1 Formation vocalique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
⒈⒈2 Alternance de genre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
⒈⒈3 Conjugaison de personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
⒈⒈4 Orthographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
⒈2 Syntaxe des syntagmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
⒈⒉1 Syntagmes pronominaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
⒈⒉2 La construction génitive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
⒈⒉3 Syntagmes prépositionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
⒈⒉4 Négation de syntagmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
⒈⒉5 Appositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
⒈3 Syntaxe des propositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
⒈⒊1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
⒈⒊2 Modes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
⒈⒊3 Négation de propositions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
⒈⒊4 Compléments et objets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
⒈⒊5 Propositions impersonnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
⒈⒊6 Propositions avec un pronom personnel enclitique . . . . . 32
⒈⒊7 Propositions subordonnées . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
⒈⒊8 Les conjonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

2 Analyse Lexicale 43
⒉1 Correspondances lexicales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
⒉⒈1 Correspondances synonymes et non-synonymes . . . . . . . 44
⒉⒈2 Correspondances antonymes . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
⒉2 Distance lexicale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

1
TABLE DES MATIÈRES 2

⒉⒉1 Comptage des lexèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48


⒉⒉2 Comptage des mots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
⒉⒉3 Conclusion du comptage . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

3 Structure discursive 53
⒊1 Méthodologie d’analyse hiérarchique . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
⒊2 La macro-structure de la prière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
⒊3 La structure de la section 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
⒊4 La limite entre les sections 2 et 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
⒊5 La limite entre les sections 3 et 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
⒊6 L’alignement des versets 9–10 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
⒊7 La structure de la section 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

4 Les Variants Dans les Autres Manuscrits 65


⒋1 Similarités croisées entre les deux familles de manuscrits . . . . . . . 65
⒋2 Autres variantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

Conclusions 74
⒌1 Méthodologie de l’analyse comparative . . . . . . . . . . . . . . . . 74
⒌⒈1 L’analyse indépendante des versions syriaques . . . . . . . . 74
⒌⒈2 Les deux versions comme deux témoins égaux . . . . . . . 74
⒌⒈3 L’analyse linéaire et le comptage du vocabulaire . . . . . . . 75
⒌⒈4 L’analyse comparative comme la moyen d’enquête linguistique 76
⒌2 Le caractère des différences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
⒌3 Le rapport entre les deux versions de la prière . . . . . . . . . . . . 78
⒌⒊1 Deux traductions indépendantes ? . . . . . . . . . . . . . . 78
⒌⒊2 Est-ce que chaque version a son propre profil linguistique ? . 80

Le texte et la traduction des deux versions 83

Bibliographie 89
L  

1 Manuscrits syriaques de la Prière de Manassé . . . . . . . . . . . . 10

⒈1 Pronoms des vv. 1–5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15


⒈2 Les désignations de compléments verbales . . . . . . . . . . . . . . 28
⒈3 Deux analyses de l’exemple (38) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
⒈4 Deux analyses de l’exemple (40) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
⒈5 Conjonctions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

⒉1 Correspondances des lexèmes synonymes . . . . . . . . . . . . . . 44


⒉2 Correspondances des lexèmes non-synonymes . . . . . . . . . . . . 46
⒉3 Lexèmes spécifiques de la version A . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
⒉4 Lexèmes spécifiques de la version B . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
⒉5 Comptage des lexèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
⒉6 Comptage des mots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

⒊1 La prière et ses éléments « externes » . . . . . . . . . . . . . . . . . 54


⒊2 Division de la prière en unités majeures . . . . . . . . . . . . . . . 54
⒊3 L’effet des pronoms sur la disposition hiérarchique des vv. 1–4 . . . 55
⒊4 La limite entre les sections 2 et 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
⒊5 Versets 7b–8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
⒊6 Début du verset 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
⒊7 La limite entre sections 3 et 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
⒊8 Versets 9–10 (alignement linéaire) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
⒊9 Versets 9–10 (transposés) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
⒊10 Comptage des lexèmes (versets 9–10) . . . . . . . . . . . . . . . . 62
⒊11 Section 5 (versets 13–15) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

⒋1 Similarités syntaxiques entre la famille A et la version B . . . . . . . 67


⒋2 Similarités syntaxiques entre la famille B et la version A . . . . . . . 68
⒋3 Autres similarités entre la famille B et la version A . . . . . . . . . . 69
⒋4 Autres similarités entre la famille A et la version B . . . . . . . . . . 69
⒋5 Variation dans la famille A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
⒋6 Variation syntaxique dans la famille B . . . . . . . . . . . . . . . . 72

3
LISTE DES TABLEAUX 4

⒋7 Variation lexicale dans la famille B . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73


⒌1 Syntagmes longs communs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
⒌2 Passages communs dans la fin de la prière . . . . . . . . . . . . . . 79
⒌3 La doxologie à la fin de la prière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
I

Le travail de recherche présenté dans ces pages est consacré à la comparaison


de deux textes parallèles dans la langue syriaque. Ces deux textes sont deux versions,
tirés de deux manuscrits différents, d’une portion de la traduction syriaque de la Bible
(la Peshitta) nommé « La Prière de Manassé » (=PrMan). Le contexte historique de
ce texte et de ces manuscrits est décrit ci-dessous dans la section 0.3. Une brève
introduction à la langue syriaque est donnée dans la section 0.2. 1
La comparaison présentée est à la fois de nature linguistique et philologique.
Le but linguistique de la recherche est de mieux comprendre et analyser la langue
syriaque, dans laquelle les textes sont écrits. Le cadre analytique est un cadre struc-
tural ; les données linguistiques sont tirées exclusivement du corpus de recherche et
on suppose que les formes attestées dans le corpus sont représentatives de la langue.
De plus, aucun niveau « profond » de la langue n’est postulé : la langue est conçue
comme un ensemble de constructions dont les réalisations concrètes peuvent être
observées dans le corpus.
Le but philologique de la recherche est de mieux comprendre les versions étu-
diées, d’un côté, et les relations entre les deux versions, de l’autre. Ici, il s’agit non
seulement de l’analyse propre de forme linguistique, mais aussi de l’attribution du
sens à ces formes. De plus, certaines hypothèses ayant causé les variations observées
sont envisagées.

0.1 M  ’

L’analyse linguistique et la comparaison des textes ont été effectuées par l’auteur
au cours de ses études à l’université de Leyde, Pays-Bas, au sein d’un projet intitulé
« Turgama : Computer-Assisted Analysis of the Peshitta and the Targum : Text, Lan-
guage and Interpretation ». Ce projet est né en 2005 d’un projet antérieur, « CALAP :
Computer-Assisted Linguistic Analysis of the Peshitta », effectué entre 1999 et 2005
par le Peshitta Institute à l’université de Leyde et le Werkgroep Informatica au Vrije
1. Je remercie le Dr Wido van Peursen, sans qui cette recherche n’aurait pu avoir lieu, et le Dr
Pollet Samvelian pour son aide et ses conseils. De plus, je remercie Solange Pawou Molu pour la
relecture du mémoire et ses corrections et suggestions. Bien sûr, toutes les autres fautes éventuelles
sont de ma seule responsabilité.

5
LISTE DES TABLEAUX 6

Universiteit d’Amsterdam. Les deux projets utilisaient une méthode informatique


pour analyser la Peshitta. Parmi ses résultats on peut nommer des monographies sur
les livres des Rois, 2 et Ben Sira, 3 et d’autres monographies vont paraitre.
Les procédures exactes de l’analyse linguistique du projet Turgama ne nous in-
téressent pas ici, ayant un aspect assez technique. 4 Ici nous nous contentons avec un
court résumé de la procédure analytique.
Le modèle analytique est une analyse linguistique multi-couche « du bas en haut ».
La comparaison finale se base sur tous les catégories linguistiques recherchés : les
lexèmes, les parties du discours, les syntagmes et les propositions. D’abord, chaque
texte est analysé d’une façon indépendante en utilisant quatre étapes majeures :
⒈ Niveau morphologique : les mots orthographiques sont segmentés en mor-
phèmes en tenant compte la nature non-concaténative de la langue syriaque.
Chaque lexème (morphème lexical) est identifié dans un dictionnaire informa-
tique (basé sur Payne Smith 1903) avec sa partie de discours. Les « grammèmes »
(morphèmes grammaticales) sont aussi identifiés pour leurs fonctions gramma-
ticales (marquage de genre, nombre etc.). Les formes verbales, qui sont basées
sur une morphologie non-concaténative, sont codés d’une façon spéciale qui
met en évidence la racine verbale aussi bien que le gabarit vocalique. 5
⒉ Niveau syntagmatique : les lexèmes sont regroupés dans des syntagmes. Puisqu’il
n’y a qu’un niveau de syntagmes dans l’analyse, ce sont les syntagmes maximaux
qui sont identifiés et regroupés. Le type de syntagme et celui de ses lexèmes
constituants est aussi indiqué. 6
⒊ Niveau propositionnel : les syntagmes sont regroupés en propositions. Nor-
malement une proposition est identifiée comme un groupe de syntagmes qui
contiennent une prédication, mais quelques exceptions existent (comme les
vocatifs, qui sont vus comme des éléments en dehors de la proposition et sont
2. Cf. Dyk et Keulen (à paraître).
3. Cf. Peursen (2007).
4. Cf. Talstra et al. (2006) et autres contributions à Keulen et Peursen (2006) ; voir aussi Peursen
(2007 : chapters 7–8).
5. Par exemple, le participe actif /msaybar/ est codé comme !M !S&JBR[/ :d. Le pré-
formatif participial ‫ ܡ‬est codé comme !M !, suivi de la racine SBR. Le signe & indique que le J ne
fait pas parti de la racine. Les signes [ et / indiquent les terminaisons verbales et nominales – vides
(∅) en ce cas. La terminaison :d indique la deuxième conjugaison ; c’est, en effet, le seul codage du
gabarit vocalique. Il faut noter que le principe de codage est de garder la forme orthographique intacte,
comme si la morphologie était, en fait, concaténative.
6. Par example, ‫ܗ‬ ‫ܕ‬ est analysé comme [ B (Prep, n/a) PWQDN> (N, emp)
D (Prep, n/a) MLT (N, con) H (PersPN, n/a) ] (PrepP, det). Il s’agit donc d’un syn-
tagme prépositionnel déterminé constituant d’une préposition, un nom dans l’état emphatique, une
autre préposition, un nom dans l’état construit et un pronom personnel. Remarquons que les syn-
tagmes nominaux internes ne sont pas délimités puisqu’ils ne sont pas maximaux.
LISTE DES TABLEAUX 7

regroupés séparément). Dans cette étape, les syntagmes constituants reçoivent


un rôle grammatical dans l’analyse. 7
⒋ Niveau du texte dit discursif : les relations hiérarchiques entre les propositions
sont déterminées, de même que leurs fonctions.
En théorie, ces quatre étapes sont suivies de deux autres étapes informatiques :
⒌ Alignement parallèle de deux textes, selon un calcul de correspondances.
⒍ Comparaison de deux textes selon leur analyse linguistique.
En pratique, ces deux étapes informatiques ne fonctionnaient pas au temps de la
recherche pour une comparaison inter-syriaque. Donc, l’alignement et la comparaison
des deux textes ont été faits manuellement par l’auteur de ce mémoire. Néanmoins,
la comparaison s’est basée sur l’analyse linguistique qui a été faite en suivant les pro-
cédures informatiques décrites ci-dessus.
La comparaison qui se base sur les étapes 1–3 est donnée dans le chapitre 1.
Puisque l’analyse informatique permet facilement de regrouper le lexique utilisé par
les textes, un chapitre entier est consacré à la comparaison propre du lexique (chapitre
2). La comparaison de la structure discursive (obtenue par l’étape 4) est donnée dans
le chapitre 3. Une synthèse des tous les données comparatives et une discussion sont
données dans les conclusions.

0.2 L  

Le syriaque est l’une des langues qui font partie du groupe linguistique connue
comme l’« araméen ». 8 Ce groupe de langues appartient à la famille sémitique et plus
précisément de sa branche nord-ouest. Les premières inscriptions syriaques datent
du 1er siècle, 9 mais la langue acquiert son importance comme langue liturgique et
littéraire du Christianisme entre le 3e et le 7e siècle. Il n’est pas surprenant, donc, que
le livre le plus connu en syriaque soit la traduction syriaque de la Bible, intitulée la
Peshitta ( , « le simple, courant »). La langue syriaque s’est diffusée d’Édesse
(aujourd’hui la ville turque d’Urfa, ou Şanlıurfa) avec le développement et la propaga-
tion du christianisme dans le nord-ouest de la Syrie et, ensuite, dans la Mésopotamie
entière. La langue syriaque avait son propre alphabet consonantique.
Au 5e siècle l’église syriaque s’est divisée en deux : les Nestoriens (les syriaques
de l’est) et les Jacobiens (les syriaques de l’ouest). Cette division a eu aussi des consé-
quences linguistiques, avec la création de deux dialectes principaux de la langue sy-
riaque. Ces deux dialectes se manifestent, inter alia, dans deux différentes adaptations
7. La proposition ‫ܕ‬, par exemple, est analysée comme [D-<Re>] [>SR <Pr>] [JM>
<Ob>] : un relatif suivi d’un prédicat et un objet.
8. Ce sommaire est basé sur Costaz (1955 : 230–236) et Muraoka (2005 : 1–2).
9. Cf. Healy (2007 : §2).
LISTE DES TABLEAUX 8

de l’alphabet. Cependant, l’usage d’une variante de l’alphabet qui a été employée avant
le schisme du 5e siècle et qui est appelée « Estrangelo », est resté courant. 10
Après la conquête arabe d’Édesse en 636 la langue syriaque perd sa position cen-
trale pour l’arabe. Cependant, elle continue à être utilisée comme langue littéraire
jusqu’au 13e siècle et comme langue liturgique, elle est encore utilisée de nos jours
par les églises syriaques. Ces communautés chrétiennes utilisent parfois comme verna-
culaires des variétés modernes d’araméen (dits néo-araméen et parfois néo-syriaque).
Bien que ces variétés soient parfois écrites dans l’alphabet syriaque et montrent beau-
coup d’affinités avec la langue syriaque (dite classique), il n’est pas clair que ces dia-
lectes sont des descendantes directes de la langue syriaque littéraire.

0.3 L P  M,     

La Prière de Manassé (en syriaque ‫ ܨ ܬ ܕ‬/ṣalwata da-mnaše/, abrégé


PrMan) est une prière de pénitence attribuée au roi Manassé (en hébreu : ‫)מנשה‬,
qui a régné en Judée au septième siècle avant notre ère. Selon le deuxième livre des
Chroniques 33 :11–13, Manassé, qui fut un roi méchant et idolâtre, était pris en
captivité à Babylone, où il pria pour le pardon de Dieu :
Alors l’Éternel fit venir contre eux les chefs de l’armée du roi d’Assyrie, qui sai-
sirent Manassé et le mirent dans les fers ; ils le lièrent avec des chaînes d’airain,
et le menèrent à Babylone. Lorsqu’il fut dans la détresse, il implora l’Éternel,
son Dieu, et il s’humilia profondément devant le Dieu de ses pères. Il lui adressa
ses prières ; et l’Éternel, se laissant fléchir, exauça ses supplications, et le ramena
à Jérusalem dans son royaume. Et Manassé reconnut que l’Éternel est Dieu. 11
Le texte de la Prière est donné, selon l’auteur des Chroniques dans « le livre de
Hozaï » (33 :19), un livre encore inconnu de nos jours. La Prière de Manassé dans sa
forme connue aujourd’hui doit être un essai tardif de remplir ce manque. 12
Selon nos connaissances actuelles, PrMan apparaît initialement dans un livre grec
du 3e siècle de notre ère, intitulé Didascalia Apostolorum « les enseignements des
Apôtres ». Ce livre se présente comme s’il était écrit au temps du Concile de Jé-
rusalem au 1er siècle (Actes des Apôtres 15 :1–29). Le livre contient des instructions
de l’église pour diverses personnes, comme des évêques, des diacres et des veuves.
L’original grec n’existe plus, 13 mais il peut être reconstruit grâce à la traduction sy-
riaque et le texte grec des « constitutions apostoliques ». Les premiers manuscrits
syriaques connus de la Didascalie datent du 10e siècle, mais il est possible qu’il ait été
10. Ici, nous utilisons une adaptation de cette écriture à une police informatique nommée
« Estrangelo Edessa », crée par Paul Nelson et George Kiraz.
11. Traduction de Louis Segond (1910).
12. Cf. Nau (1908 : 134).
13. Sauf quelques agments édités par Bartlet (1917).
LISTE DES TABLEAUX 9

traduit déjà plus tôt. 14


Le septième chapitre de la Didascalie contient des instructions pour des évêques
au sujet de la pénitence. Une partie substantielle du chapitre parle de Manassé et de
sa repentance. Le chapitre utilise des matériaux des livres des Rois et des Chroniques,
mais aussi des autres traditions qui n’apparaissent pas dans ces livres. Un de ces ajouts
est la Prière de Manassé. 15 La Prière est précédée des mots : « Et quand il fut affligé
beaucoup, il a cherché la visage du Seigneur son Dieu et il s’humilia devant le Dieu
de ses ancêtres. Et il pria devant le Seigneur Dieu et dit : Prière de Manassé. » 16
La recherche présentée ici se base sur l’édition critique de la Peshitta publiée par
Baars et Schneider (1972). La base textuelle de l’édition inclut des manuscrits de la
Didascalie, marqué par D dans le sigle, dont 10D1 17 et 13D1 18 sont les témoins
principaux et plus anciens, des Horogia (livres des prières des églises orientales) de
l’église melkite (marqué par H dans le sigle) et des manuscrits bibliques (marqué par
a dans le sigle). Le plus ancien manuscrit biblique est celui marqué comme 9a1, 19 où
la Prière fait partie du livre des Odes, un livre de la Bible dans la tradition chrétienne
orientale et contient un regroupement des prières et cantiques d’autres parties de la
Bible. 20 Un autre manuscrit biblique ancien est 14/8a1, 21 qui date du 8e siècle, mais
PrMan apparaît sur un supplément du 14e siècle. 22 Le manuscrit 10t1, qui est en
principe un manuscrit des Psaumes et des Odes, contient aussi une Horlogion abrégée
comme appendice, où PrMan apparait. 23 Dans les Horlogia melkites, comme dans
les grecques, PrMan fait partie des Grandes Complies, une prière récitée aux temps
de Pâques. 24
Les divers manuscrits reflètent deux lignes de transmission différentes. L’un est
attesté par les manuscrits de la Didascalie et les manuscrits bibliques. L’autre est
14. Cf. Borbone (1999 : 540) ; Connolly (1929 : xviii).
15. Cf. Newman (2007a : 4–6) ; Newman (2007b : 122–124).
16. Il semble que Nau (1908 : 137) confonde ce paragraphe avec un autre qui apparaît après la
Prière. L’édition critique de la Didascalie est publiée par Vööbus (1979).
17. Paris, Bibliothèque Nationale, Syr. 62 ; voir Vööbus (1979 : I (Syr. 175), 13*–16*). Ici et dans les
autres sigles le premier nombre indiquent le siècle du manuscrit, le lettre indique le type du manuscrit
et le chiffre final est un numéro séquentiel.
18. Cambridge University Libr. Add. 2023 ; see Vööbus (1979 : I (Syr. 175), 40*–42*).
19. Florence, Bibl. Medicea Laurenziana, Orient. 58 ; PrMan se situe dans fol. 104b.
20. Dans ce manuscrit, PrMan fait partie de 14 cantiques en tout, ce qui diffère du regroupement
traditionnel de neuf cantiques, qui ne contient pas PrMan. Voir Schneider (1972 : Introduction, p. v).
21. Paris, Bibliothèque Nationale, Syr. 341 ; PrMan est dant fol. 131a.
22. Il est très possible que le supplément soit une reconstruction d’une partie du manuscrit original,
ce qui est le cas pour une autre prière dans ce manuscrit ; voir Jenner (1994 : 10–11).
23. Cf. Baars et Schneider (1972 : Introduction, p. v) : « This peculiar recension of the OrM
[=PrMan] makes its first appearance in a biblical MS, a Melchite Psalter (10t1), though its later use
is restricted to the Horologia. Actually even in this Psalter it does not form part of the Canticles as in
9a1 but of an abbreviated Horologion appended to the Psalter. »
24. Cf. Baars et Schneider (1972 : Introduction, p. v) ; Borbone (1999 : 539, note 3).
LISTE DES TABLEAUX 10

celui-ci qui apparaît dans les manuscrits de l’Horlogion melkite ; ces versions reflètent
apparemment une autre traduction syriaque de PrMan grecque. 25 Pour cette raison,
Baars et Schneider ont décidé de présenter deux versions parallèles de PrMan, l’un
à côté de l’autre. Les autres variantes sont présentées dans l’apparat critique, qui, lui
aussi, est divisé en deux parties, selon la tradition de transmission.
Les diverses manuscrits utilisés dans l’édition et l’emplacement de la Prière de
Manassé sont présentés dans le tableau 1. Le tableau est divisé en deux selon les deux
groupes de manuscrits. De plus, les manuscrits qui ont servi de bases pour les textes
principaux de l’édition critique de Baars et Schneider (1972) sont marqués en gras.

Type de manuscrits Sigle Nombre


de MSS
Manuscrits bibliques 6
–Dans le livre des Odes 9a1 1
–Entre le livre de la Sagesse et Isaïe 14/8a1 1
–Après Chroniques 17a⒍⒎⒏9 4
Manuscrits de la Didascalie 10D1 ; 13D1 ; 16D1 ; 18D1 ; 8
19D⒈2, 20D⒈2
Autres manuscrits liturgiques 1
–Dans « Le Livre des Prières des 16g7 1
Sept Heures”
Horlogia melkite 9
–Après les Psaumes et les Odes 10t1 1
–Autres manuscrits de la Horlogion 13H⒈⒉⒊⒋⒌6 ; 15H⒈2 8

T 1: Manuscrits syriaques de la Prière de Manassé

Ainsi que nous l’avons expliqué au début de cette introduction, la recherche pré-
sentée ici s’intéresse à la comparaison des deux textes. Ces deux textes sont, en effet,
les deux textes principaux de l’édition critique de Baars et Schneider (1972) : le texte
de 9a1 (=version A) et le texte de 10t1 (=version B). Une reproduction de ces deux
textes avec leur traduction ançaise est donnée dans l’annexe. 26 Quelques autres va-
riantes (des autres manuscrits) ont été considérées quand elles ont été jugées à même
d’élucider la discussion. En ce cas, le sigle du manuscrit concerné est donné. Un
traitement plus général des variants est donné dans le chapitre 4.
25. Cf. Baars et Schneider (1972 : Introduction, p. v) : « Besides the translation deriving om the
Didascalia Apostolorum, the Syriac Church, or more exactly the Melchite branch of Syriac Christia-
nity, knew a second translation of the [PrMan] . . . This translation, though not wholly independent,
is largely different om the other. » Voir aussi Borbone (1999 : 539, n. 3).
26. La traduction des textes est basée sur la traduction proposée par Nau (1908), bien que ma
traduction s’écarte de la sienne pour mieux souligner les différences parfois subtiles entre les deux
versions. Pour cette raison, la traduction proposée n’est pas toujours idiomatique en ançais.
C 1

C G

Le chapitre suivant présente une comparaison grammaticale entre les deux ver-
sions. Les deux versions sont similaires du point de vue de leur contenu, mais presque
chaque phrase contient des différences grammaticales diverses. Par conséquent, la
comparaison se concentre sur les différences, plutôt que les similarités, bien que
celles-ci aussi soient discutés, quand ils sont pertinentes.
Conformément à notre système d’analyse linguistique les données sont présentées
en ordre croisant de domaine comparé : d’abord la comparaison morphologique et
orthographique est présentée (section ⒈1), suivie par comparaison de syntagmes (⒈2)
et celle de propositions (⒈3). L’analyse de la structure discursive sera présentée au
chapitre 3.
Le but de la comparaison est double : d’un côté, nous souhaitons exposer les
différences entre les deux textes pour établir le rapport interne entre eux et d’une
façon indirecte aussi le rapport avec les versions grecques (voir la discussion dans
les conclusion, section ⒌3). De l’autre côté, l’étude de ces différences peut enrichir la
discussion sur quelques points de grammaire syriaque, puisque les variations étudiées
ont souvent le même sens (signifié) mais différentes formes (signifiant). 1 Pour faci-
liter cette discussion, chaque section commence par une introduction sur les sujets
grammaticaux discutés. Bien entendu, cette introduction n’est pas complète, mais
sert plutôt à illuminer les discussions qui suivent.

⒈1 M  

Le syriaque, comme toutes les langues sémitiques, utilise beaucoup la morpholo-


gie non-concaténative : des racines consonantiques (comprenant normalement trois
consonnes) sont intégrés dans des gabarits vocaliques pour créer les lexèmes (ou les
mot-formes) de la langue. 2 Les différences en ce domaine sont discutées en sec-
1. Cf. la section « Textual Variation and Linguistic Variation » dans Peursen (2008 : pp.246–250).
2. Cf. Muraoka (2005 : 17, §7). Si on voit les racines comme des unités lexicales de base, leur
combinaison avec un gabarit vocalique comme une opération flexionnelle produit un mot-forme plutôt
qu’un nouveau lexème. Ce point de vue est peut-être adéquat pour le domaine verbal mais probléma-

11
C G 12

tion ⒈⒈1.
Substantifs et adjectifs sont déclinés pour le genre (masculin et féminin), le
nombre (singulier et pluriel), l’état (absolu, construit et emphatique). 3 La déclinai-
son d’état est liée à l’environnement syntagmatique et sera discutée dans les sections
appropriées. Un cas de variation morphologique du genre est discuté dans la section
⒈⒈2.
Les verbes sont conjugués selon leur sujet, en marquant son genre, son nombre
et sa personne (1re, 2e ou 3e), et aussi selon l’aspect (accompli et inaccompli), la
voix (active ou passive) et la formation vocalique. 4 Les différences en marquage de
personne sont discutées en section ⒈⒈3, tandis que les différences en formation
vocaliques sont discutées dans la section ⒈⒈1, comme dit ci-dessus.
Pour finir, une section brève discute des différences orthographiques entre les
deux versions (section ⒈⒈4). Ces différences ne semblent pas avoir une signification
morphologique, mais il faut noter que la limite entre morphologie et orthographie
n’est pas toujours claire. 5 Par exemple, la variation de genre discutée dans la section
⒈⒈2 peut être vue comme une différence de convention orthographique.

1.1.1 Formation vocalique

Dans deux cas, la même racine apparaît dans deux différentes formations vo-
caliques, sans un changement notable de sens : dans le domaine verbal, il y a une
alternance entre le gabarit « lourd » paˁˁel dans la version A ( ̇ « glorifié ») et le
gabarit « léger » pˁal dans la version B ( « glorieuse ») dans le verset ⒊ Dans le
domaine nominal, il y a une autre alternance entre une forme « légère » dans la version
A ( ̣ « ton miséricorde ») et une forme « lourde » dans la version B (‫ܬܟ‬ ,
même sens) dans verset ⒕ Les deux différences peuvent être vues comme des choix
entre des lexèmes alternatifs plutôt qu’une variation de nature morphologique.

1.1.2 Alternance de genre

Dans un cas, le verset 1, il y a un changement formel de genre morphologique


sans un changement de sens : dans la version A ‫( ܐܒ‬avec des suffixes ‫ )ܐ‬est décliné
tique pour le domaine nominal, puisque l’utilisation de gabarits n’est pas régulière. En effet, Aronoff
(1994 : 151–154) analyse la combinaison d’une racine et d’un gabarit vocalique comme un lexème et
pas comme un mot-forme, bien qu’il traite les gabarits paˁˁel et ˀaphˁel comme deux réalisations de la
même formation verbale (binyan). Cependant, dans le modèle analytique présenté ici, chaque racine
est analysée comme un lexème, et les formes verbales sont représentées comme des combinaisons de
préfixes et de gabarits vocaliques (cf. le morphème :d introduit dans la note 5 (p. 6)). Ceci n’a pas
d’implications pour ce chapitre, mais est important pour la discussion dans le chapitre 2.
3. Cf. Muraoka (2005 : 21, §17).
4. Cf. Costaz (1955 : ch. VI) et Muraoka (2005 : 40, §48).
5. Cf. par exemple Peursen (2009b).
C G 13

avec un suffixe pluriel masculin ‫ ܝ‬pour donner ̈ ‫ « ܐ‬nos pères », tandis que dans
̈
B un suffixe féminin ‫ ܬ‬donne ‫ ܐ ܬܢ‬avec le même sens. 6

1.1.3 Conjugaison de personnes

Dans la première partie de la prière, la version B utilise systématiquement la 2e


personne (même dans les cas où syntaxiquement ceci est le moins adéquat). La version
A n’introduit la 2e personne que dans le verset 4, après l’introduction glorifiant du
Seigneur. Les différences sont apparentes surtout sur les verbes : (‫ )ܬ‬, (‫ܐ )ܬ‬,
(‫ܐ )ܬ‬, (‫)ܬ‬ et dans quelques SNs : A ‫ܗ‬ ‫ܕ‬ « dans la promesse de sa
parole »/ B ‫ܕ‬ « dans la parole de ta promesse » (notez la transposition)
et A « avec son nom »/ B ‫ܕ‬ « avec ton nom ».
Seulement dans le verset 4 la version A introduits la 2e personne, en parallèle à
son occurrence dans la version B :

⑴ A. . ̇ ‫ܡ‬ ‫ܡ ܕ ̇ ܘܙ ̇ ܥ‬ ‫( ̇ܗܘ ܕ‬verset 4)


celui devant la puissance (de toi) de qui tout craint et tremble
B. .‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬ ‫ܡ ܨܘ‬ ‫ܪܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܡ ܪ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬
celui devant le visage de force (de toi) de qui tout tremble et est terrifié

L’introduction de la 2e personne dans la version A peut être expliquée par la fait que
l’utilisation de la 3e personne pour designer le Seigneur pourrait créer une confusion
avec la 3e personne qui désigne ‫ܡ‬ « tout ».
Les différences de pronoms sont encore discutés ci-dessous en section ⒈⒉1.

1.1.4 Orthographie

Quelques cas de variation orthographique mineure sont exposés en comparant les


deux versions : A ‫ܡ‬ /B‫ܡ‬ « tous » (verset 4), A ‫ ܬܘ‬/ B ‫( « ܬܘ‬ne)
me détruit » (verset 13). Un autre cas possible est A ‫ܬ‬ /B ‫ܬ‬ « beauté,
élégance » (verset 5), bien que ces deux mots apparaissent comme deux entrées dif-
férentes dans les dictionnaires. 7 En outre, les deux versions diffèrent beaucoup dans
l’utilisation de points diacritiques, mais ceux-ci n’ont pas été inclus d’une façon sys-
tématique dans cette étude.
6. Cf. l’entrée de ‫ ܐܒ‬dans Payne Smith (1903 : 1), qui en donne les deux formes du pluriel. Voir
aussi Nöldeke (1898 : §146) et Muraoka (2005 : 26, §2⒎1). Au sujet des noms masculins qui prennent
un suffixe pluriel féminin voir aussi Nöldeke (1898 : §82).
7. Par exemple, en Payne Smith (1903) ils apparaissent en pp. 184 et 432 avec les mêmes dénota-
tions : « beauté, grâce », bien que les collocations données soient différentes. Dans Costaz (1963) aussi
ils apparaissent sous des racines différentes : (p. 135) et ‫( ܝ‬p. 268) mais avec le même sens :
« beaué ».
C G 14

⒈2 S  

Dans notre modèle analytique, assisté par ordinateur, nous pouvons coder seule-
ment un niveau de syntagmes qui servent comme les constituants immédiats de pro-
positions. Pour cette raison, notre codage de syntagmes est essentiellement plat ;
chaque syntagme est un constituant « maximal », soit syntagme nominal, syntagme
adjectival, syntagme prépositionnel, syntagme pronominal etc. 8 Les différences dans
le domaine des syntagmes prépositionnels sont traitées ci-dessous dans la section
⒈⒉3, et le différences entre syntagmes pronominaux dans la section ⒈⒉1.
En syriaque, comme dans les autres langues sémitiques, un syntagme nominal
peut être élargi par une construction génitive. 9 Le rapport entre le nom-tête et son
dépendant (normalement un autre nom ou un pronom) peut être exprimé soit mor-
phologiquement, par la déclinaison de la tête en État Construit, ou syntaxiquement
par la particule d’enchaînement ‫ ܕ‬ou ‫ܕ‬. 10 Les différences dans ce domaine sont
traitées dans la section ⒈⒉2.
Dans la ontière entre la syntaxe des syntagmes et la syntaxe des propositions
nous retrouvons le phénomène d’apposition, qui désigne un rapport d’« égalité » entre
deux syntagmes qui réalise la même fonction syntaxique dans la proposition. Ce phé-
nomène est traité dans la section ⒈⒉5.

1.2.1 Syntagmes pronominaux

Dans la première partie de la prière, la version A utilise systématiquement le


pronom démonstratif 3m.sg. ‫ ̇ܗܘ‬comme mis en apposition au nom-tête vocatif
« le Seigneur », tandis que la version B utilise aussi le pronom personnel 2m.sg. ‫ ܐ‬et
le pronom interrogatif . 11 D’ailleurs, dans la section ⒈⒈3 nous avons vu aussi que
l’accord verbal et nominal diffèrent entre les deux versions. Le tableau ⒈1 présente
les versets 1–5 avec les pronoms et les suffixes pronominaux concernés soulignés.
La 2e personne est introduite dans la version A seulement à la fin du verset 4, 12
peut-être pour éviter une confusion avec ‫ܡ‬ « tous ». 13 Du point de vue gramma-
tical, il semble plus logique d’utiliser la 3e personne avec le pronom démonstratif ‫ܗܘ‬, ̇
comme la version A le fait, ou avec le pronom interrogatif (mais voir l’exemple ⑵
8. Contrairement à certaines théories linguistiques, notre syntagme verbal ne contient que le verbe,
excluant tous les compléments.
9. Cette construction s’appelle ‫ סמיכות‬smixut en hébreu et ‫ ﺇﺿﺎﻓﺔ‬iḍāfa en Arabe.
10. Cf. Muraoka (2005 : 61, §73).
11. Cependant, tous les autres manuscrits d’Horlogion utilisent systématiquement le pronom in-
terrogatif dans les trois premiers versets au lieu de ‫ ̇ܗܘ‬et ‫( ܐ‬sauf le manuscrit 13H2 qui omet le
pronom ‫)ܐ‬. Ces manuscrits sont plus similaires à la version A dans leur structure régulière, bien
qu’ils utilisent un autre pronom.
12. Le commentaire de Charlesworth (1983–1985 : 365, note m) selon lequel c’est le premier usage
de ce pronom dans la version syriaque est imprécis, car il est vrai seulement pour la version A.
13. Cf. aussi l’exemple ⑴ dans la section ⒈⒈3 ci-dessus.
C G 15

V. Version A Version B
1 Seigneur. . . ... Seigneur . . . ...
2 Celui qui a ... ̇ Celui qui as ̇
̣ ‫ܗܘ ܕ‬ ...‫ܬ‬ ̣ ‫ܗܘ ܕ‬
fait. . . fait. . .
3a Celui qui a lié la ̇ Toi, qui as lié la
̣ ‫ܗܘ ܕ‬ ‫ܬ ܝ‬ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬
mer et qui l’a ̣ ‫ܘ‬ mer
constituée
par le précepte .‫ܗ‬ ‫ܕ‬ par la parole de . ‫ܕ‬
de sa parole. ton précepte.
3b Celui qui a ̣ ‫̇ܗܘ ܕ‬ Qui as fermé ‫̣ ܬ‬ ‫ܕ‬
fermé l’abîme ‫ܬܗܘ‬ l’abîme ‫ܗܘ‬
et qui l’a scellé ... ̣ ‫ܘ‬ et qui l’as scellé ‫ܝ‬ ̣ ‫ܘ‬
de son nom. . . de ton nom. . . ... ‫ܕ‬
4 Celui que tout ...‫ܡ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬ Celui que tout ...‫ܡ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬
craint. . . craint. . .
. . . devant ta . ̇ ‫ܡ‬ ... . . . en face de ta ‫ܡ‬ ...
puissance. puissance. ‫ܨܘ‬
.‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬
5a Car … ta gloire. ...‫ܕ‬ Car … ta gloire‥ ...‫ܕ‬
.‫ܟ‬ ‫ܕܬ‬ .‫ܟ‬ ‫ܕܬ‬

T ⒈1: Pronoms des vv. 1–5

ci-dessous). Cependant, le changement soudain de personne à la fin du verset 4 de la


version A est aussi étonnant du point de vue grammatical, car la 2e personne dans la
proposition relative a comme antécédent un pronom démonstratif de 3e personne.
L’emploi de dans la version B (verset 3) en tant que désignant un référent
unique est intéressant. Cet emploi, contrairement à son emploi comme pronom in-
défini, reste souvent inaperçu dans les dictionnaires et grammaires. Un emploi simi-
laire est attesté pour ‫ מי‬en hébreu rabbinique, par exemple en Sie Nombres 78 :4
‫ « מי שאמר והיה העולם‬celui qui parla et le monde fut » 14 ou dans la prière ‫מי שבירך‬
‫אבותינו‬. 15 Autrement dit, (en hébreu ‫ )מי‬fonctionne comme la tête syntaxique de
sa proposition relative et ne contribue pas une valeur définie ou indéfinie, cette valeur
étant dérivée de la sémantique de la proposition relative.
L’utilisation de pronoms différents projette une différente disposition hiérar-
chique du texte, présenté dans le tableau ⒊3.
Dans un autre cas, la version B utilise le pronom interrogatif amalgamé avec
la préposition ‫ « ܐ‬comme » (formant ‫)ܐ‬, tandis que la version A emploi tout
14. Cf. Pérez Fernández (1997 : 36).
15. Cf. Wertheimer (2001 : 23, note 12).
C G 16

simplement la préposition ‫ܐ‬:

⑵ A. . ‫ܐܪ ܪ‬ ‫ܕ‬ ‫( ܐ‬verset 10a)


de sorte que je ne puis plus lever ma tête en haut
B. . ‫ܘ ܪ‬ ̇
‫ܬܗ‬ ‫ܐ ܕ‬ ̇ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬
comme quelqu’un qui ne peut (puis) de me tourner et de lever mon âme

On remarque que dans ce cas aussi, la version B emploie le pronom qui est co-
indexé avec une 1re personne (et pas une 3e personne). On pourrait traduire ‫ܐ‬
16
comme dans la version A « de sorte que » mais une telle traduction obscurcirait
l’usage particulier de dans la version B.

1.2.2 La construction génitive

Dans quelques cas, les deux versions différent par rapport à la construction gé-
nitive. La version A préfère en ces cas utiliser une construction morphologique pour
marquer le rapport génitif de possession, tandis que la version B utilise une construc-
tion syntaxique.

⑶ A. (verset 3b)
par son nom
B. ‫ܕ‬
par le nom de toi
⑷ A. ‫( ܪܘ ܟ ܘ ̣ ܟ‬verset 5b)
ta colère et ta fureur
B. ‫ܕ‬ ‫ܘܪܘ‬ ̣
la colère et la fureur de toi

Dans les exemples ⑶ et ⑷, la version A lie le pronom génitif-possessif directement


à la base nominale, déclinée dans l’état construit, tandis que la version B utilise une
construction analytique : le nom dans l’état emphatique est suivi d’une particule pos-
sessive ‫ ܕ‬à laquelle s’attache un suffixe possessif. 17 Il est difficile de reconnaître une
différence fonctionnelle entre les deux constructions ; selon T. Muraoka, la construc-
tion de ‫ ܕ‬est souvent utilisée pour mettre l’accent sur le pronom possessif. 18 Dans
l’exemple ⑷ nous voyons que l’ordre des lexèmes change aussi, probablement sans
rapport à la question du marquage de la possession.
16. En effet, Payne Smith (1903 : 16) le traduit comme « as, as if, that ».
17. Selon l’analyse de Goldenberg (1995a : 4), la particule ‫ ܕ‬est apposée au nom-tête. En ce cas, la
préférence pour la construction analytique est un cas particulier de la préférence pour les appositions
de la version B, exemplifiée dans la section ⒈⒉5).
18. Cf. Muraoka (1987 : §87) ; voir aussi Nöldeke (1898 : §225A) et Joosten (1996 : 57–58).
C G 17

Dans d’autres cas, une des versions utilise la construction géntive « double » : dans
cette construction le rapport génitif est marqué syntaxiquement par la particule de
liaison ‫ ܕ‬et morphologiquement par une déclinaison possessive de nom-tête en accord
avec le nom génitif. La version A emploi cette construction dans l’exemple ⑸ et la
version B l’utilise dans l’exemple ⑹, où la construction « double » fait partie d’un
syntagme génitif plus grand, et dans l’exemple ⑺.

⑸ A. ̈ ‫( ̣̈ ܗܘܢ ܕ‬verset 7)
les méchancetés d’eux, des hommes
B. ̈ ‫ܕ‬ ̈
̣
les méchancetés des hommes
⑹ A. ‫ܕ‬ (verset 9)
le sable de la mer
B. ‫ܕ ̣ ܕ‬
le nombre du sable d’elle, de la mer
⑺ A. . ‫̇ܗܘ ܕ‬ ‫( ܪܘ‬verset 10)
la hauteur, celui du ciel
B. . ‫( ܪܘ ̇ ܕ‬verset 9)
la hauteur de lui, du ciel

L’exemple ⑺ est particulièrement intéressant. 19 La version B emploie la construc-


tion genitive double, mais la version A emploie une construction syntaxique encore
plus compliquée : le nom-tête ‫ « ܪܘ‬la hauteur » est en apposition avec le pronom
̇
démonstratif ‫ܗܘ‬, qui est la tête de la construction genitive. 20
En ce cas, comme le cas d’accord pronominal (voir ci-dessous, exemple (25)) les
deux constructions alternatives (la « double » et la « simple ») ont une certaine me-
sure d’équivalence fonctionnelle (aucune différence fonctionnelle n’est observée – ce
sont des variants libres), ainsi qu’une équivalence distributionnelle (les constructions
apparaissaient en alternance dans les textes-témoins – c’est une variation paradigma-
tique).
Dans ce contexte nous pouvons aussi citer l’exemple (36) ci-dessous, où la ver-
sion A utilise en parallèle à ‫ ܕ‬de la version B. Cependant, cet exemple peut
être contesté, car les deux syntagmes apparaissent dans deux environnements assez
distincts.
19. Pour l’alignement des versets 9 et 10, voir le tableau ⒊9.
20. En fait, ceci est un exemple concret de l’analyse syntaxique donnée par Goldenberg (1995a) aux
constructions génitives. Dans l’analyse de G. Goldenberg la marque relative ‫ ܕ‬a un statut pronominal
et entre dans une relation d’apposition avec le nom tête. Dans l’exemple ci-dessus, le pronom appositif
est un vrai pronom démonstratif. Bien que cet exemple confirme la logique syntaxique de l’analyse de
Goldenberg, il montre aussi que du point de vue du locuteur, ‫ ܕ‬n’a pas de signification pronominale,
puisqu’il suit un pronom (et donc, sa fonction est différente).
C G 18

Dans la plupart des cas, les deux versions utilisent la même construction pour
exprimer le rapport génitif, comme l’attestent les exemples suivants :

⑻ A. ‫ܟ‬ ‫ܬ ܕܬ‬ (verset 5)


la majesté de ta gloire
B. ‫ܟ‬ ‫ܬ ܕܬ‬
l’élégance de ta gloire
⑼ A. ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬ (verset 8)
Seigneur, Dieu des justes
B. ̣ ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬
Seigneur, Dieu des justes

1.2.3 Syntagmes prépositionnels

Dans certains cas, les deux versions diffèrent dans le choix des prépositions. Dans
deux cas, ceci ne mène pas à un changement de sens :

⑽ A. . ̇ ‫ܕ‬ ‫( ̣ ܬ ܬ‬verset 8)
Tu as placé la pénitence pour moi, pécheur.
B. .̣ ‫ܕ‬ ‫̣ ܬ ܬ‬
Tu as placé la pénitence sur moi, pécheur.
⑾ A. ̣ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬ ‫( ̇ܩ ܐ‬verset 14)
Tu me sauveras selon la multitude de tes miséricordes.
B. .‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬ ‫̇ ܙܒ ܐ‬
Tu me délivreras avec la multitude de tes clémences.

Dans un autre cas, cependant, les différentes prépositions sont employées avec des
compléments nominaux différents, ce qui peut mener à deux sens différents, selon
l’interprétation :

⑿ A. .‫̈ ܬܝ‬ ‫ܬܘ‬ ‫( ܘ‬verset 13b)


Ne me fais pas périr avec mes fautes/mes péchés/ma sottise.
B. .‫̈ ܝ‬ ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬
Ne me fais pas périr avec/en raison de mes péchés.

Ces deux variants peuvent être interprétés comme exprimant le même sens (« avec
mes péchés ») ou ils peuvent exprimer deux sens différents : « avec ma sottise » contre
« en raison de mes péchés ». La première interprétation peut être appuyée par le verset
10 ‫̈ ܝ‬ ‫ « ̈ ܬܝ ܘ‬mes transgressions et péchés », mais ce syntagme n’apparaît que
dans la version B. 21 Dans la version A, ‫ܬ‬ n’apparaît que dans le verset ⒔
21. Dans des autres manuscrits de l’Horlogion, liés à la version B, ‫ܬ‬ apparaît aussi comme
variant de ̈ « méchancetés » du verset 7, ou de ̈ ‫ « ̈ ܘ‬mes iniquités et mes péchés » du
̣
C G 19

1.2.4 Négation de syntagmes

Le négateur peut nier des têtes nominales, comme dans l’exemple ⒀. 22

⒀ A. ‫ܕ ܘܕ‬ ‫( ܕ‬verset 6)
sans limite, cependant, et sans mesure
B. . ‫ܘ‬ ‫ܗܘ‬
infinie, en effet, et impénétrable

Ignorant les différences lexicales entre les deux propositions (voir la section ⒉1),
on voit que les deux versions emploient des moyens différents pour nier les têtes
nominales : dans la version A ‫ « ܕ‬sans » est employé, tandis que la version B emploie
comme un négateur nominal, similaire au préfixe ançais « in- ». 23
L’expression , qui sert comme une négation emphatique « pas du tout »
est traitée dans l’exemple ⒇.

1.2.5 Appositions

Dans notre modèle linguistique, nous considérons deux syntagmes successifs


comme étant en apposition, s’ils ont la même fonction syntaxique, le même référent
et ne sont pas liés par une conjonction. 24 Par ailleurs, nous adoptons ici l’idée que les
adjectifs sont des appositions (aux noms-têtes), puisqu’ils remplissent les conditions
ci-dessous (en particulier, ils peuvent remplacer un substantif ). 25
Selon cette analyse, la version B utilise plus d’appositions que la version A, qui
préfère l’emploi de la conjonction ‫( ܘ‬exemples ⒃, ⒄) ou omettre simplement
le deuxième constituant (exemples ⒁, ⒂). 26 On remarque que dans l’exemple
⒂ l’apposition A ‫ܗܡ‬ ‫ « ܐ ܗ ܕ‬Dieu d’Abraham » est parallèle à B ‫ܗܡ‬ ‫ܕ‬
« d’Abraham ».
L’exemple ⒂ est aussi marqué par l’addition de « tout cela » dans la version
e
B. Le suffixe possesif de 3 personne (sg.) peut être analysé comme quasi-appositif au
verset 9, ainsi renforçant cette interprétation.
22. Voyez la section ⒈⒊3 pour une discussion de comme négateur de propositions.
23. Ces emplois sont donnés dans la description de de Payne Smith (1903 : 233). Les expressions
et sont aussi traitées séparément (Payne Smith 1903 : 319, 320).
24. Des fois, le même référent peut être présenté d’une façon différente, ainsi obscurcissant la
co-référence. Ceci est le cas dans l’exemple ⒄ où « toujours » et « tous les jours de ma vie » ne
semblent pas référer à la même période temporelle, mais dans le contexte de la prière ils sont, en fait,
co-référentiel.
25. De ce point de vue, l’adjectif est un syntagme nominal qualifié, co-référentiel avec son nom-tête.
Voir Goldenberg (1995a : 8-11).
26. Cf. Peursen (2007 : 214) discute de la question d’absence ou présence des appositions dans
des textes-témoins. Notez que cette discussion ne traite pas la variation inter-syriaque, mais plutôt la
différence entre manuscrits syriaques, hébreux et grecques. Voyez aussi la note 28.
C G 20

nom ‫ « ܙܪ ܘܢ‬leur race » (lit. « leurs semences »), mais il est mieux analysé comme
faisant partie de la construction de . 27
̇
⒁ A. . ‫( ܨ ܬ ܕ‬suscription)
Prière de Manassé 28
B. ‫ܕ ̈ ܐ‬ ̇ ‫ܨ ܬ ܕ‬
Prière de Manassé, le roi des israélites
⒂ A. ‫ܒ ܘܕܙܪ ܘܢ‬ ‫ܘܕ‬ ‫ܗܡ ܘܕ‬ ‫ ܐ ܗ ܕ‬. ̈ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬
. ‫( ܙܕ‬verset 1)
Seigneur, Dieu de nos pères, Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de
leur race juste
B. ‫ܒ‬ ‫ܘܕ‬ ‫ܗܡ ܘܕ‬ ‫ܕ ̈ ܬܢ ܕ‬ ‫ ܐ‬. ‫ܐ‬
̈ ‫ܘܕ ܙܪ ܘܢ ܙܕ‬
Seigneur céleste, tout-puissant, Dieu de nos pères, d’Abraham, d‘Isaac,
de Jacob et de toute leur race juste
⒃ A. ‫܉‬ ̇‫ܘ‬ ‫ܪܘ ܁ ܘ‬ (verset 7a)
le Seigneur, patient, clément et très miséricordieux 29
B. ‫ܬ‬ ̇ ‫ ܘ‬. ‫ܪܘ‬ .
le Seigneur, élevé, miséricordieux, patient et de grande grâce
⒄ A. . ̈‫ܕ‬ ̈ ‫ܘܢ‬ ‫܉ ܘ‬ (verset 15)
toujours et tous les jours les jours de ma vie
B. . ̈‫ܕ‬ ̈ ‫̈ ܘܢ‬ .
toujours, tous les jours de ma vie

Il est remarquable que les syntagmes apposés sont parfois séparés par un pasoqa
(. ), qui n’est jamais présent en cas de conjonction : le deuxième élément de
la conjonction suit (avec le mot de conjonction) un taḥtaya (‫܉‬ ‫)ܬ‬, comme dans
l’exemple ⒄, ou un ˤeṣyana (‫܁‬ ), comme dans l’exemple⒃. 30 Ceci est aussi
27. Remarquons que ‫ « ܙܪ ܘܢ‬leur race » est pluriel si nous en jugeons selon l’adjectif ̈ ‫ « ܙܕ‬justes »
qui le suit. Cependant, il n’est pas marqué comme pluriel par un Yodh (‫ )ܝ‬ou par une marque de
siyame. Puisque le suffixe de est singulier on peut supposer que la construction de est déjà
fossilisée, bien que d’autres exemples montrent un accord « correct », par exemple ‫ܘܢ ̈ ܬ‬
‫ « ܕ‬toutes les milices célestes » (v. 15, les deux versions). Les autres manuscrits d’Horlogion, sauf
le 13H5, omettent le mot . Le manuscrit 13H5 marque ‫ ܙܪ ܘܢ‬avec un siyame. Dans la famille A
des manuscrits, le manuscrit 14/8a1 ajoute mais n’a pas un siyame sur ‫ܙܪ ܘܢ‬.
28. D’autres témoins de la version A ajoutent l’apposition ‫ܕ ܘܕ‬ « le roi de Judée » (17a8)
ou ‫ܠ‬ ‫ܕ‬ « le roi d’Israël » (16g7) ou même deux appositions : ‫ܕ‬ ‫ܕ ܘܕ‬
« le roi de Judée, le fils du roi Ézéchias » (14/8a1).
29. Voir aussi l’exemple ⑵ en page 45 pour les correspondances lexicales.
30. Dans la tradition est-Syriaque le même accent s’appelle mziˤna ( ), sur lequel Segal (1953
: 82) explique qu‘il précède une proposition coordonnée, normalement introduite par la conjonction
‫ܘ‬.
C G 21

le cas dans l’exemple (28), ou le circonstant est précédé d’un šwayya (: ̈ ) 31 et


l’apposition par un pasoqa‥ Cet usage du pasoqa est assez différent de l’usage moderne
du point en écritures occidentales, mais aussi de son usage syriaque originale. 32

⒈3 S  


1.3.1 Introduction

La recherche sur la proposition syriaque a attiré beaucoup de chercheurs, mais il


reste toujours beaucoup de questions ouvertes ou controversées. Cette section a pour
but de présenter les sujets différents touchés par le reste du chapitre, afin de donner au
lecteur le contexte des débats présentés. Pour les sujets controversés, nous présentons
les différentes analyses proposées accompagnées de notre propre analyse.
Une distinction centrale de la syntaxe syriaque est la distinction entre propositions
nominales (PN) et propositions verbales (PV). Les PV contiennent un verbe fini,
c’est-à-dire un verbe conjugué à l’accompli, à l’inaccompli ou à l’impératif. Les autres
propositions sont désignées comme PN. 33 Le prédicat d’un PN est normalement un
SN, mais il peut être aussi un SAdj, un SP ou même un SAdv. 34 Pour cette raison, ils
sont parfois appelés propositions non-verbales. 35 Les deux sections suivantes traitent
de ces deux types de propositions.

Propositions nominales et syntagmes focaux


Un caractère important des PN est que leur prédicat non-verbal est souvent suivi
d’un pronom personnel enclitique (p.p.e.). L’analyse du p.p.e. est très controversé :
T. Muraoka le voit comme un élément additionnel ajouté à la structure basique P-S
ou S-P, avec la fonction de marquer le focus de la proposition. 36 En revanche, G.
Goldenberg voit le p.p.e. comme formant avec le prédicat la proposition nominale
nucléaire. De son point de vue, s’il y a un autre SN désignant le sujet, ce SN ne
fait pas partie de la proposition nucléaire et, en conséquence, est situé en « extraposi-
tion ». 37 Les deux sont d’accord sur la fonction discursive du p.p.e. comme marquant
31. Cet accent peut être aussi un taksa pour donner un ton interrogatif. Voir Segal (1953 : 127).
32. Segal (1953 : 133) note que la pasoqa signale la conclusion d’une proposition définie, soit dans
le milieu ou la fin d’un verset, bien que quand il apparaît au milieu d’un verset il est appelé šḥima
( ).
33. Cf. Muraoka (2005 : 82, §101).
34. Cf. Goldenberg (1983 : 99).
35. Joosten (1996 : 77) fait la distinction entre propositions nominales, dont le prédicat est un SN,
et propositions non-verbales, comme, par exemple, les propositions adverbiales. Nous n’adoptons pas
cette distinction ici.
36. Muraoka (2005 : 83, §104).
37. Goldenberg (1983). En effet, la proposition nucléaire est suffisante pour créer une phrase.
C G 22

l’information le plus important de la phrase, qu’il soit appelé ’focus’, ’rhème’ ou ’com-
ment’.
Comme nous verrons dans la section ⒈⒊6, le p.p.e. est mieux analysé comme
un clitique de 2e position intégré dans le domaine du prédicat ou du focus. 38 De ce
point de vue, le prédicat avec le p.p.e. peuvent être appelés « syntagme focal » (SF),
fonctionnant en analogie au verbe dans la PV. Comme le SV, le SF peut former une
phrase tout seule, ou il peut être accompagné par des autres éléments. 39 Notre vue
accepte le rapport intime entre le prédicat et le p.p.e. suggéré par G. Goldenberg, or
sans l’attribuant un statut d’une proposition interne. 40
Cette idée clarifie les cas où un autre argument verbal est mis en valeur ou ex-
traposé, comme dans l’exemple (38) (pour la distinction entre « mise en valeur »
(anglais : « fronting ») et « extraposition » voyez la section suivante). Dans l’analyse
de G. Goldenberg, les deux éléments doivent être analysés comme extraposés. 41 Ceci
n’est pas nécessaire si la « proposition interne » est analysée comme un SF, sans que
le SN-sujet soit extraposé (voir tableau ⒈3).
Une autre structure discutée est la « phrase clivée mal-transformée ». 42 Ces phrases
contiennent un verbe fini, mais aussi un p.p.e. Selon l’analyse de G. Goldenberg, le
prédicat est l’élément suivi du p.p.e. et le verbe fini est « nominalisé virtuellement »
pour devenir le thème de la proposition. 43 L’idée de SF nous permet de voir la phrase
38. L’idée que les clitiques sont intégrées dans un domaine syntagmatique est développée par
Klavans (1985 : §⒈3). Dans cet Article J. Klavans donne un cadre général pour l’emplacement des
clitiques et en particulier les clitiques de 2e position. Voir Anderson (2005) pour un exposé général
sur les clitiques et les clitiques de deuxième position en particulier.
39. Un autre nom possible serait « syntagme prédicatif », car le rapport entre le p.p.e. et le
constituant-tête du syntagme est un rapport de nexus. Cependant, selon Peursen (2007), en quelques
cas, le p.p.e. suit le sujet de proposition formant une structure de S-E-P. En ce cas, la fonction de SF
est seulement une fonction de focus et non une fonction de prédication. G. Goldenberg analyse ces
cas comme une construction de P-s || S, puisqu’il utilise la structure informationnelle (information-
structure en anglais) pour définir le sujet (=thème) et le prédicat (=rhème), ignorant des définitions
grammaticales basées sur les notions de définitude ou d’accord. De notre point de vue, les notions
grammaticales (sujet/prédicat) et les notions informationnelles (thème/rhème) doivent être distin-
gués, bien qu’en pratique ils coïncident bien de fois. En effet, d’autres langues qui marquent le focus
permettent un focus sur le sujet. Voir par exemple Tosco (2002).
40. Du point de vue sémantique, il est possible de parler de deux propositions. Par exemple, Ca-
ron (2000 : 7) caractérise la notion de focalisation ainsi : « La focalisation est l’imbrication dans un
même énoncé de deux propositions : une relation prédicative et l’identification d’un terme de cette
relation prédicative. Ce qui est asserté est l’identification du terme focalisé, la relation prédicative étant
préconstruite. »
41. Peursen (2007 : 332) : « [Goldenberg’s] argument would be weakened if we were to find
examples where the tripartite clause is preceded by another extraposed element, because an analysis
with two elements in extraposition such as X || Su || Pr-s is odd. »
42. En anglais : « imperfectly-transformed cle sentence » selon Goldenberg (1977). Voir aussi
Peursen (2007 : ch. 24).
43. Autrement dit, le verbe fait partie d’une proposition relative sujet, introduite par un morphème
C G 23

entière comme une PV qui contient un SF, sans que celui-ci soit considéré comme
le prédicat de la phrase.
Quelques prédicats nominaux, comme les participes verbaux et la plupart
d’adjectifs, ont les caractéristiques des prédicats verbales, comme le non-marquage
par un p.p.e., quand il est de 3e personne. 44 De plus, les participes verbaux prennent
des compléments exactement comme leur contreparties finis, justifiant de les voir
comme un autre « temps » du système verbale. 45 Ces prédicats peuvent être analysés,
de notre point de vue, comme des SN prédicatifs et non comme des SF. 46 Donc,
notre analyse fait une distinction au niveau syntaxique entre les propositions avec un
prédicat nominal et les propositions « nominales » tripartites, dont le prédicat est, en
fait, un SF.
Les propositions d’existence forment une classe spéciale de proposition nomi-
nales : la particule d’existence ‫( ܐ‬p.ex.) est normalement vue comme leur prédi-
cat. 47 Intéressement, comme nous verrons dans l’exemple (35), le p.ex. peut parfois
remplacer le p.p.e., fonctionnant comme un type de copule.

Propositions verbales et ordre de mots


Dans la tradition linguistique générale, il est équent de voir le verbe comme
le prédicat de la proposition, formant avec ses compléments le SV, auquel un su-
jet est ajouté comme un specifieur. Cependant, dans la tradition sémitique un autre
point de vue est courant : le verbe n’est pas un prédicat, mais plutôt un complexe
morphologique qui contient le sujet (=l’accord pronominal), le prédicat (=la lexème
verbale) et le nexus (=le rapport prédicatif entre les deux). 48 Selon ce point de vue,
le verbe forme seulement une proposition nucléaire à laquelle un SN de sujet peut
être ajouté en extraposition. Nous sommes d’accord avec le point de vue que le verbe
est une unité indépendante qui contient un nexus (en conséquence, nous voyons le
SV comme contenant le verbe seul), mais nous n’analysons pas forcément un SN de
sujet explicite comme étant en extraposition, puisque comme dans le cas de la PN,
le sujet peut intervenir entre un complément et son verbe. En revanche, nous voyons
relatif ∅.
44. Ces prédicats ont été désignés comme « participials » par G. Goldenberg ; Voir Peursen (2007).
45. Cf. Muraoka (2005 : 40, §48) : « Syriac knows three ‘tenses’, traditionally termed perfect, im-
perfect and participle, the last of which is oen nominalised. » En effet, dans le néo-araméen oriental,
les participes historiques sont entièrement intégrés dans le système verbal, en remplaçant les formes
finies antérieures.
46. Ceci est similaire à l’opinion de Pat-El (2006) qui les appelle « inherent predicates ».
47. Peursen (2007 : 339) présente un autre point de vue : la particule d’existence est un « mar-
queur de prédication » (autrement dit, une copule) et non le prédicat (qui n’est pas exprimé dans la
proposition).
48. Ce point de vue est spécialement soutenue par G. Goldenberg – voir par exemple Goldenberg
(1985) – bien qu’il l’attribue aux traditions linguistiques antérieures.
C G 24

le SN-sujet, ainsi que les autres arguments du verbe, comme un élément « satellite »
du noyau propositionnel, étant le verbe. L’argument-sujet a la particularité qu’il doit
être exprimé par accord pronominal dans le complexe verbal, mais il n’est pas le seul à
y être exprimé. Souvent, un complément d’objet est exprimé pronominalement dans
le verbe. Quand un SN-objet suit le verbe, ce phénomène s’appelle « prolepsis » ou
bien « accord pronominal anticipatoire ». 49 Quand il le précède, ça s’appelle « ex-
traposition ». Les deux phénomènes reflètent la même « tendance à mettre des petits
éléments pronominaux proche du verbe, ou autrement dit, à compléter le valence ver-
bale avant que les agents et patients ne soient spécifiés. » 50 En effet, nous faisons une
distinction importante entre les arguments verbaux obligatoires, qui font partie de la
valence verbale, et les arguments non-obligatoires. Ceci, avec la forme syntagmatique
de ces arguments (SN ou SP) détermine leur statut dans notre modèle analytique
(voir le tableau ⒈2 dans la section ⒈⒊4).
Puisque le sujet est toujours exprimé dans le complexe verbal, il n’est pas surpre-
nant que le SN-sujet puisse apparaître avant ou après le verbe. Ceci dit, le sujet a une
légère préférence pour la position postverbale. 51
Parlant du complément d’objet, nous distinguons entre deux stratégies de son
déplacement. Quand le SN-objet apparaît avant la proposition principale et dans la
proposition principale il est désigné par un pronom résomptif (sur le verbe ou dans
un SP), nous parlons d’« extraposition ». Ceci est le cas dans la phrase ‫ܗ‬
« le roi, je l’ai tué ». 52 Quand il n’y a pas un pronom résomptif, nous parlons de
« mis-en-valeur ». Ceci est le cas dans la phrase « le roi j’ai tué ».
Le phénomène de mettre-en-valeur n’est pas très équent. Lorsque l’objet (di-
rect) n’est pas codé pronominalement, il a une tendance très forte à apparaître après
le verbe. 53 Ces observations sont en accords avec les observations de Nöldeke, cité
49. Cf. Khan (1988).
50. Peursen (2007 : 326) : « [The] tendency to put small pronominal elements close to the verb
or, in other words, to complete the valency of the verb before the agents and patients are specified »
Le même auteur note que ceci est courant dans les langues bantoues. Un autre exemple pourrait être
le somali, une langue coushitique, remarqué déjà dans la note 39 pour son marquage du focus. Selon
Tosco (2002 : 28) : « the order of constituents is syntactically ee, and all grammatical information is
found within the ‘Verbal Complex’, which contains in rigid order object pronouns, adpositions, and
adverbials and is ended by the verbal form. »
51. Dans des données recueillis par D. Bakker du Livre de Loi des Nations, 49 de 79 (62%) PV
avec un SN de sujet avec l’ordre VS, ainsi montrant une préférence pour cet ordre (α < 1%).
52. Des cas où le première élément est un SP (‫ܗ‬ ) sont plus difficiles à analyser. Soit il
s’agit d’un mis-en-valeur d’un SP (provenant de ‫ܗ‬ ), soit d’un extraposition d’un élément
marqué comme objet. Pourtant, on remarque que Khan (1988 : xxvi) ne permet pas à l’objet extraposé
d’être marqué comme objet par une préposition. Dans PrMan ces cas n’existent pas.
53. Dans le Livre de Loi des Nations, 110 de 126 (8⒎3%) PV sans un marquage pronominal d’objet
ont l’ordre VO, ce qui montre une préférence forte pour cet ordre (α ≈ 0). En revanche, quand l’objet
est marqué pronominalement, le SN-objet apparaît toujours, dans ce corpus, en extraposition. Des
données similaires ont été observées pour les objets indirects. Les compléments de temps n’ont pas
C G 25

par Kuty : 54
Nöldeke [p. 248] claims that the word order is ‘very ee’ in Syriac. His notes
suggest that the subject sometimes precedes, sometimes follows, sometimes
even interrupts the predicate ; he adds that in narrative clauses the verb is pre-
ferably placed before the subject, but that this is by no means an absolute rule.
P1 -placement appears to be used for the marking of Topic and Focus consti-
tuents (ibid.). As for the object, it occurs most equently aer the verb, but
also oen before it. [p. 250].
Selon ces observations, on pourrait être tenté de penser que le syriaque est une
langue d’ordre VSO. Cependant, cette conclusion ne serait pas exacte. 55 Une obser-
vation plus prudente sera que le syriaque est une langue VO, dans le sens typologique
suggéré par Lehmann, 56 c’est-à-dire une langue à tête initiale. Ceci est aussi attesté
par le fait que le syriaque n’a que des prépositions et qu’en général les adjectives
suivent leurs noms-têtes.

1.3.2 Modes

Dans l’exemple suivant, la version A emploie le mode impératif, tandis que la


version B utilise le mode indicatif, exprimé par un participe actif suivi d’un sujet
pronominal :

⒅ A. ‫ܬܟ‬ ̇ ‫ܝ‬ ̇ ‫( ܐܦ ܗ‬verset 14)


Montre-moi donc encore, mon Seigneur, ta grâce.
B. ‫ܬܟ‬ ̇ ̇ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘ‬
Et en moi tu montres toute ta grâce.

Notez le parallélisme entre le 2m.sg. sujet de la version B ‫ ܐ‬et le vocatif ‫ « ܝ‬mon


Seigneur » dans la version B, ainsi que le complément locatif ‘en moi’ ajouté dans
la version B Dans un autre cas, les deux versions emploient l’impérative :

⒆ A. .‫̈ ܬܝ‬ ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܩ‬ (verset 13b)


Pardonne-moi, Seigneur, et ne me fais pas périr avec mes fautes.
une préférence observable, tandis que les compléments locatifs montrent une plus faible tendance à
apparaître après le verbe : 14 de 41 cas (34%, α < 2%).
54. Kuty (2008 : 299) citant Nöldeke (1898 : 248–250).
55. Dans les données de D. Bakker, dans un échantillon de 26 propositions contenant des SN-
objets et de sujets, seulement 5 (19%) d’entre eux ont un ordre VSO. : Buth cependant, suggère un
ordre VSO dans l’araméen biblique.
56. Cf. Lehmann (1973). Notez aussi son commentaire sur l’emplacement du sujet : « As we
may note om consistent OV languages like Japanese and om consistent VO languages like Hebrew,
subjects are by no means primary elements in sentences. Including them among the primary elements,
as in the attempt to classi SVO and VSO languages as major types in the same way as VO and OV
languages, has been a source of trouble for typolo- gists as well as for linguistic theorists in general. »
(ibid., p. 51). Voir aussi la discussion de Comrie (1989 : 94–102).
C G 26

B. .‫̈ ܝ‬ ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܩ‬ ‫ܩ‬


Pardonne-moi, Seigneur, pardonne-moi et ne me fais pas périr avec
mes péchés.

Sauf la répétition de l’impératif dans la version B, 57 les deux versions utilisent la


même construction. Notez aussi l’usage typique de l’inaccompli nié pour exprimer
l’impératif nié. 58

1.3.3 Négation de propositions

La façon la plus équente de nier une proposition dans notre corpus est avec la
particule de négation . Cette particule est utilisée parallèlement dans quelques pas-
sages dans les deux versions, comme quelques exemples dans ce chapitre l’attestent :
exemples ⒆, (33), (34) et (39).
Dans un cas, la version A emploie le syntagme négatif emphatique « en
59
aucune façon, jamais ». :

⒇ B. ‫ܐ‬ ̇ ‫( ܘ‬verset 9)
Je ne suis pas du tout digne . . .

Selon la discussion dans la section ⒊6 cette négation est parallèle à ‫ « ܐ‬même


pas » dans la version A, verset 10 : ‫ܐ‬ ̇ ‫ « ܐ‬Je ne suis d’ailleurs pas
digne » (voir le tableau ⒊9).

La portée de la négation
(21) A. ..‫̈ ̣ ܝ‬ ‫ܬ‬ ‫ ܘ‬.̣ ‫ܬܪ‬ ‫( ܘ‬verset 13)
Ne t’irrite pas pour toujours contre moi et ne laisse pas subsister mes
fautes contre moi.
B. .‫̣ ̈ ܝ‬ ‫ܘܬ‬ ‫ܬܪ‬ ‫ܘ‬
Ne t’irrite pas pour toujours contre moi et laisse subsister mes fautes.
(22) A. . ‫̇ܗ ܕ ܪ‬ ̈ ‫ܘܬ‬ ̇‫ܬ‬ ‫( ܘ‬verset 13)
Et ne me punis pas et ne me jette pas dans les profondeurs de la terre.
B. . ‫̈ ̇ܗ ܕ ܪ‬ ‫ܬ‬ ‫ܘ‬
Et ne me punis pas dans les profondeurs de la terre.

Ces deux exemples, constituant ensemble une partie du verset 13, montrent le même
phénomène syntaxique. Dans l’exemple (21), le négateur porte sur deux propositions
57. Cf. la section ⒌⒈2.
58. La différence d’orthographe est traitée dans la section ⒈⒈4.
59. Cf. l’entrée de dans Costaz (1963 : 222) ou dans Payne Smith (1903 : 376).
C G 27

dans la version B, tandis que dans la version A il y a un négateur pour chaque pro-
position 60 Dans l’exemple (22), c’est la version A qui utilise un négateur pour deux
propositions, bien que la deuxième proposition ‫ « ܬ‬me jette » soit absent dans
la version B.

La construction de la (h)wa
(23) A. : ‫̣ ܬ ܬ‬ ̈‫ܕ‬ ‫ܗܘ‬ (verset 8)
Ce n’est pas pour les justes que tu as placé la pénitence.
B. . ̈‫ܕ‬ ‫̣ ܬ ܬ‬
Tu n’as pas placé la pénitence pour les justes.

Dans l’exemple (23), la version A emploie une construction de négation ‫ܗܘ‬ ,


tandis que la version B emploie le négateur habituel pour nier la proposition. 61
L’effet de cette construction est que dans la version A, il y a un focus contrastif sur
l’élément suivant ‫ܗܘ‬ , c’est-à-dire ̈ ‫ « ܕ‬les justes ». Ceci est aussi évident dans
la continuation du verset ‫̣ ܬ ܬ‬ ‫ « ܐ‬mais tu as placé la pénitence pour
62
moi », partagé dans les deux versions.
Selon l’analyse de G. Goldenberg, cette construction crée, en fait, une proposition
clivée négative, dans laquelle ̈ ‫ ܕ‬est le rhème et le reste de la proposition (souligné)
est un sujet « virtuellement nominalisé », ou autrement dit, le thème. 63 Donc, la
version positive de cette proposition serait ‫ܬ ܬ‬ ̣ ‫ܗܘ‬ ̈ ‫ « ܕ‬c’est pour
les justes que tu as mis la pénitence ». 64 Cependant, en accord avec notre remarque
précédente (voir la section ⒈⒊6), il est possible de voir ‫ܗܘ‬ avec l’élément qui le
suit comme un syntagme focal négatif, sans que la structure basique de la proposition
verbale change. 65
60. Voir aussi la discussion sur les compléments de l’exemple (31).
61. est employé régulièrement pour nier des propositions verbales, tandis que ‫ܗܘ‬ nie des
éléments non-verbaux, qui peuvent être suivis du p.p.e quand ils ne sont pas niés. Voir Nöldeke (1898
: §328B) ; Falla (2000 : 21–21) ; Joosten (1996 : 586–587). Pourtant, Costaz (1963 : 75) donne = ܳ
‫̄ܗ ܳܘ‬ ܳ et le traduit par « ne. . . pas ».
62. Sauf la préposition, voir ⑽.
63. Cf. Goldenberg (1995b : 27) : « The rest of the sentence is thus implicitly nominalized to
become the “glose” of a cle sentence » ; ibid. 32–33 : « The new grammatical predicate of the lā-w X
or the lā ⒣wā X nuclear construction is obviously the X ; its subject is the virtually nominalized rest
of the sentence. » ; Voir aussi Peursen (2007 : 359).
64. Cf. Pat-El (2006 : 339) : « We may, theferfore, rightly call h wā the negative counterpart, syn-
tactically speaking, of the clitic h w ». Selon ce point de vue ‫ ܗܘ‬est nécessairement une particule
fossilisée non-conjuguant.
65. Contrairement à une proposition clivée positive, l’élément focale n’est pas d’information nou-
velle, mais plutôt la négation est nouvelle. Dans l’hébreu parlé moderne, il est possible de mettre
seulement le négateur dans la position-vedette dans la proposition clivée : ...‫ « זה לא ש‬ce n’est pas
que. . . », marquant ce phénomène syntaxiquement.
C G 28

1.3.4 Compléments et objets

La distinction entre « objet direct », « objet indirect » et « circonstant » (ou « com-


plément circonstanciel », en anglais adjunct) 66 reste toujours un sujet de discussion
linguistique. Dans le cadre analytique utilisée ici les deux types d’objets sont iden-
tifiés comme constituants faisant partie de la valence du verbe. La distinction entre
les deux se fait seulement par des critères formelles : l’objet indirect est introduit par
une préposition, tandis que l’objet direct ne l’est pas. 67 Donc, la désignation tradi-
tionnelle « un objet direct introduit par Lamadh » 68 est classifié ici comme un objet
indirect (cf. exemples (25) et (26)). Par contre, un syntagme prépositionel qui ne fait
pas partie de la valence verbale est analysé comme un circonstant (cf. (27)) ou des
fois comme une expression temporelle ou une locative. En outre, un adverbe ou un SN
fonctionnant comme un adverbe est analysé comme un modifieur. Donc, dans notre
cadre théorique, l’analyse se fait selon des critères formels (le syntagme est préposi-
tionnel ou non) et fonctionnels (le syntagme fait partie de la valence verbale ou non).
Le tableau ci-dessous résume notre terminologie.

[+ valence] [- valence]
[+ préposition] objet indirect circonstant
[- préposition] objet direct modifieur

T ⒈2: Les désignations de compléments verbales

La version B utilise quelques fois des objets indirects, introduits par Lamadh,
tandis que la version A utilise un objet direct ou un circonstant (tous soulignés).

La cataphore pronominale
(24) A. ‫( ܕ‬verset 3a)
Qui a lié la mer.
B. ‫ܬ ܝ‬ ‫ܕ‬
Qui l’a⒮ liée (à) la mer.

Dans l’exemple (24) la version B exprime l’objet par une construction de cataphore
pronominale (ou prolepsis 69 tandis que la version A l’exprime comme un objet di-
rect simple. En effet, l’objet direct en A ( ) est un objet indirect en B ( )
qui est co-référencé par un suffixe pronominal cataphorique attaché au verbe (‫ ܝ‬-).
66. Nous empruntons ici la terminologie suggérée par Tesnière (1966 (1959 : 125, §56), bien que
notre usage ne soit pas tout à fait idéntique à celui de Tesnière, qui ne fait pas la distinction entre
« circonstant » et « modifieur ».
67. Voir Rodrigue-Scharzwald et Sokoloff (1992 : 105) pour une définition similaire.
68. Cf. par example Muraoka (2005 : 77, §97a).
69. Cf. Muraoka (2005 : 88, §112).
C G 29

Jusqu’à présent aucune règle définitive pour déterminer la distribution de ces deux
constructions alternatives n’a été donné, bien que quelques tendances aient été ob-
servées. 70 Il semble que les deux constructions soient quasi équivalentes du point de
vue fonctionnel, 71 et distributionnel (les constructions apparaissent comme variants
paradigmatiques dans des textes-témoins différents, comme ici).

Alternance des objets directs et indirects


(25) A. ‫ܬܗܘ‬ ‫( ܕ‬verset 3b)
Qui a fermé l’abîme.
B. ‫ܬ ܗܘ‬ ‫ܕ‬
Qui a⒮ fermé (à) l’abîme.
(26) A. ‫̣ܝ‬ ̈ ‫ܕ ̇ܥ ܐ‬ ‫( ܘ‬verset 12)
Et parce que je connais mes péchés. . .
B. ‫̇ ܥ ܐ‬ ‫ܘ ̈ ܐ‬
Et mes iniquités je les sais.

L’exemple (25) montre une variation entre un objet direct et un objet indirect (dont
la tête est la préposition Lamadh ‫)ܠ‬, qui n’implique pas une différence fonctionnelle
ou sémantique. 72 Ceci est le cas aussi dans l’exemple (26), bien que dans cet exemple
le marquage d’objet par Lamadh soit motivé par sa position thématique : le Lamadh
permet d’identifier l’objet, malgré sa position thématique qui est normalement ré-
servée pour le sujet extraposé. 73 La proposition qui précède cet exemple est donnée
ci-dessous comme exemple (30).

Alternance des objets et circonstants


(27) A. ̈ ‫ܕ ̈ ܘܢ ܕ‬ ‫̣ ܬ̇ ܬ ܐ‬ ̣ ‫ܕ‬ ‫( ܘ‬verset 7b)
Et, dans la grandeur de tes miséricordes, tu as placé la pénitence (comme)
pour la vie des pécheurs.
70. Cf. Peursen (2007 : 325) ; et aussi Williams (2001 : 325) ; Khan (1984 : 473) ; Joosten (1996 :
40–41).
71. Cf. Muraoka (2005 : 78, §97g). Bien qu’il n’y ait pas un changement de sens, il n’est pas clair
si cette construction est conditionnée par des autres facteurs communicationnels.
72. De plus, il n’y a pas de raison de croire que la variation est conditionnée par la variation de la
personne du sujet du verbe : 3e dans la version A ( ‫ )ܐ‬et 2e dans version B (‫)ܐ ܬ‬.
73. Ceci est similaire au phénomène de Marquage Différentiel d’Objet qui existe dans certains
langues : objets qui peuvent être compris comme thèmes ou agents sont explicitement marqué comme
objets, par exemple par un cas accusatif. Ici ce n’est pas la nature de l’objet qui exige ce marquage, mais
plutôt sa position dans la phrase. En effet, ces exemples renforcent l’idée que le Lamadh est utilisé
seulement pour marquer l’accusatif, sans ajouter de valeur sémantique. Voyez aussi la discussion de cet
exemple en (38), section ⒈⒊6.
C G 30

B. ̈‫ܕ‬ ‫ܪ‬ ‫ܬ ̣ ܬ ܬ‬ ̈ ‫ܕܪ‬ ‫ܘ‬


Et, dans la grandeur de tes miséricordes, tu as ordonné la pénitence
pour la rédemption des pécheurs.
(28) A. ‫ܒ ̇ܗ ܢ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܡ ܘ‬ ‫ܕ‬ ‫( ܐ‬...) ̈ ‫( ܕ‬verset 8)
pour les justes (. . .) comme pour Abraham, pour Isaac et pour Jacob,
ceux. . .
B. ‫ܒ ̣ܗ ܢ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܡ ܘ‬ ̈‫ܕ‬
pour les justes, pour Abraham, pour Isaac et pour Jacob, eux. . .

L’exemple (27) présente une variation entre un circonstant dans la version A ( ‫ܐ‬
̈ ‫ « ܕ ̈ ܘܢ ܕ‬comme pour la vie des pécheurs ») et un objet indirect dans la
version B ( ̈‫ܕ‬ ‫ܪ‬ « pour la rédemption des pécheurs »). L’analyse assume que
le syntagme prépositionel de B fait partie de la valence verbale, mais il est possible de
le voir comme un circonstant causal. Le même type de variation existe dans l’exemple
(28) : la version A utilise un circonstant (‫ܒ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܡ ܘ‬ ‫ « ܐ ܕ‬comme
pour Abraham, pour Isaac et pour Jacob ») tandis que la B utilise un objet indirect
(‫ܒ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܡ ܘ‬ « pour Abraham, pour Isaac et pour Jacob »), qui en
apposition à l’objet indirect principal ( ̈ ‫) ܕ‬. Les deux versions continuent avec le
pronom ‫ܗ ܢ‬, qui sert comme apposition à ‫ܒ‬ ‫ܘ‬ ‫ܐ ܗܡ ܘ‬, c’est-à-dire le
complément du syntagme prépositionel dont la tête est la préposition Lamadh ‫ܠ‬. 74
Cet exemple sera repris plus tard, dans un contexte plus large (voir (23)).

Les compléments verbaux comme ajouts


(29) A. ‫܉‬ ‫ܗܥ ܕ‬ ‫̇ ܦ ܐ‬ ‫ܗ‬ ‫( ܘܗ‬verset 11)
Et maintenant, voilà, je plie les genoux de mon cœur devant toi.
B. . ‫ܗܝ ܕ‬ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘܗ‬
Et maintenant j’incline les genoux de mon cœur.
(30) A. . ̇ ̇ (verset 12)
J’ai péché, Seigneur, j’ai péché.
B. ‫܁‬ ‫ـ‬
J’ai péché contre toi, Seigneur, j’ai péché.
(31) A. ..‫̈ ̣ ܝ‬ ‫ܬ‬ ‫ ܘ‬.̣ ‫ܬܪ‬ ‫( ܘ‬verset 13b)
Et ne t’irrite pas pour toujours contre moi et ne laisse pas subsister mes
méchancetés contre moi.
B. .‫̣ ̈ ܝ‬ ‫ܘܬ‬ ‫ܬܪ‬ ‫ܘ‬
Et ne t’irrite pas pour toujours contre moi et laisse subsister mes mé-
chancetés.
74. Selon les signes diacritiques, la version A utilise le pronom démonstratif ‫ « ̇ܗ ܢ‬ceux » et la
version B le pronom personnel ‫ ̣ܗ ܢ‬og eux/ils ».
C G 31

(32) A. ‫ܬܟ‬ ̇ ‫ܝ‬ ̇ ‫( ܐܦ ܗ‬verset 14)


Montre-moi donc encore, Seigneur, ta grâce.
B. ‫ܬܟ‬ ̇ ̇ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘ‬
Et en moi tu montreras toute ta grâce.

Dans l’exemple (29), la version A ajoute deux syntagmes par rapport à la version B : le
circonstant « devant toi » et l’élément présentatif ‫ « ܗ‬voilà ». 75 L’élément ‫ܗ‬
n’apparaît que dans la version A, ici et dans le verset 9b : ‫ܐ‬ ‫ « ܕܗ ܐ‬Voilà que je
suis prisonnier ». 76 L’ajout de ces deux syntagmes donne plus d’emphase sémantique
à la version A par rapport à l’autre version.
Dans l’exemple (30), qui apparaît dans le texte juste avant l’exemple (26), la version
B ajoute un objet indirect , qui sert plutôt comme un malfactif 77 « contre toi »,
tandis que la version A n’a aucun complément. Du point de vue sémantique, la version
A est plus détaillée.
Dans l’exemple (31), la proposition première est identique dans les deux versions,
mais dans la deuxième proposition la version A ajoute un objet indirect de la 1re
personne (servant encore comme un malfactif « contre moi ») et aussi la particule de
négation . 78 Les deux ajouts sont explicables syntaxiquement : dans la version A,
les deux propositions sont indépendantes l’une de l’autre ; en conséquence, l’objet
indirect et la négation sont répétés dans chaque proposition. Dans la version B, il y a
une conjonction au niveau du Syntagme Verbal (et pas au niveau propositionnel), et
ainsi ni la négation ni l’objet ne sont répétés. 79 On note aussi que dans la version A,
il y a un signe de pasoqa entre les deux propositions contrairement à la version B.
Dans l’exemple (32), il y a un circonstant ajouté . La préposition ‫ ܒ‬/b-/ peut
être comprise soit comme une préposition locative (dans un sens figurative) « en moi »
soit comme une préposition instrumentale « par moi ». L’ajout du circonstant peut
être lié à l’emploi de la plus faible conjonction dans la version B (voir l’exemple (55)
(p. 41)), comme un type de compensation sémantique. Par contre, le lien avec la
différence de mode est moins clair.
75. Cet élement est souvent analysé comme une interjection, mais en accord avec la table ⒈2, on
peut l’analyser comme un modifieur. Du point de vue sémantique, il renforce l’assertion de l’énoncé ;
du point de vue syntaxique, il modifie le nexus, tout comme une particule de négation le nierait.
76. Les autres manuscrits de la famille A ajoutent un ‫ ܗ‬additionnel dans ce verset : ̣ ‫ܗ‬
‫ « ܐ‬voilà, je suis affligé » (17a6–9, 16D2) ou ‫ܦ ̣ܐ‬ ̇ ‫ « ܗ‬voilà, je suis tourmenté » (16g7,
13D1).
77. J’emploie ici le terme « malfactif » comme l’inverse de « bénéfactif », c’est-à-dire un complément
verbal qui désigne un actant qui soue de l’action exprimée dans le verbe.
78. Voir la discussion de l’exemple (21).
79. On remarque que dans la version A, deux objets indirects différents sont utilisés : ̣ « sur
moi » et « à moi ». Cependant, leur fonction est identique : les deux sont des objets indirects servant
comme des malfactifs.
C G 32

1.3.5 Propositions impersonnelles

La version B utilise deux propositions impersonnelles (c’est-à-dire des proposi-


tions qui n’ont pas un sujet explicite ; le sujet est conçu comme générique) là où la
version A utilise des propositions avec un sujet (souligné).

(33) A. ‫ܟ‬ ‫ܬ ܕܬ‬ ‫ܪ ܬ‬ ̇ (verset 5a)


Car la majesté de la beauté ta gloire n’est pas être enduré.
B. ‫ܟ‬ ‫ܬ ܕܬ‬ ‫ܬ‬ ̇
Car on n’endure pas la majesté de l’élégance de ta gloire.
(34) A. ‫ܐ‬ ‫( ܘ‬verset 5b)
Et personne ne peut. . .
B. ‫ܘ‬
Et il n’est pas possible . . .

Dans le premier exemple, le complément de B (qui peut être vu comme le thème


de la phrase) est rendu dans A comme le sujet grammatical. A utilise une forme ver-
bale normalement associée à la voix moyen ( ) pour rendre le sens générique
80
du sujet impersonnel de B.
Dans le deuxième exemple, A utilise un sujet générique explicite ( ‫)ܐ‬, tandis
que B a un sujet générique implicite, donnant une proposition impersonnelle. Les
deux constructions sont équivalentes de point de vue fonctionnel, mais différents du
point de vue syntaxique. 81

1.3.6 Propositions avec un pronom personnel enclitique

Les deux versions diffèrent par l’utilisation du pronom personnel enclitique (p.p.e.).
Le p.p.e. est le troisième élément dans une proposition nominale tripartite, 82 ou se-
lon l’analyse de Goldenberg (1977), le marqueur de rhème dans « les phrases clivées
mal transformées ». Le p.p.e. s’attache normalement au prédicat (en le focalisant),
mais comme les exemples suivants le montrent, il pourrait être mieux analysé comme
80. La phrase A pourrait être analysée comme une phrase passive, bien que la forme verbale puisse
être vue comme une forme moyenne (et pas exclusivement passive). Seulement trois autres manus-
crits (14/8a1, 16g7, 13H5) utilisent la construction impersonnelle, bien que les deux premières ne
marquent pas ‫ ܪ ܬ‬comme un objet avec un Lamadh (probablement sous l’influence de la version
A). En revanche, tous les manuscrits qui utilisent la forme moyenne n’ont pas un Lamadh. Quelques
manuscrits de la famille B (13H1-⒊6) utilisent la forme moyenne masculine , peut-être à cause
d’une fausse analogie à . Pour une discussion générale de la construction impersonnelle faisant
partie de la catégorie sémantique de la voix moyenne voyez Kemmer (1993 : 148) ; pour une étude de
cette catégorie en syriaque et des autres formes d’araméen voyez Farina (à paraître).
81. Cf. Lambert (1998 : 297).
82. Cf. Muraoka (2005 : 83, §104).
C G 33

un clitique de deuxième position située dans le syntagme prédicatif. 83

Propositions Nominales
La version B tend à utiliser les phrases nominales tripartites avec un p.p.e. (sou-
ligné) tandis que la version A préfère les éviter :

(35) A. . ̈‫ܕ‬ ‫ܘܢ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ ܘܕ‬ ‫( ܕ‬verset 6)


Sans limite, cependant, et sans mesure sont les misécordes de tes pro-
messes.
B. . ‫ܕ ̈ ܘܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܘ‬
Infinie, en effet, et impénétrable est la facilité de tes promesses.
(36) A. ‫܀‬. ‫ܘ‬ ‫( ܘ‬verset 15)
Et te chantent à jamais.
B. ‫ܘ‬ ‫ܘܪܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܝ ܬ‬ ‫ܘܕ‬
Et pour toi sont la louange et l’éloge et l’exaltation à jamais.

Dans l’exemple (35), la version B emploie une proposition nominale tripartite avec le
p.p.e. ‫ܗܘ‬, tandis que la version A utilise la particule existentielle ‫( ܐ‬p.ex.). 84 Le
même type de variation est attesté en comparant le verset 7 (dans les deux versions)
avec le variant des autres manuscrits de l’Horlogion : 85

(37) A. ‫ܪܘܗ ܁‬ ‫( ܐ ܗܘ‬verset 7)


Tu es le Seigneur patient.
B. . ‫ܐ ܗܘ‬
Tu es, en effet, le Seigneur élevé.
H. ‫ܐ‬ ‫ܐ‬
Tu es, en effet, le Seigneur élevé.

Une équivalence distributionnelle (ou paradigmatique) du p.p.e. et de la p.ex. est


attestée, par exemple, en passages parallèles dans les Évangiles synoptiques. 86 Une
équivalence fonctionnelle est plus difficile à établir. 87 Le p.p.e. de B vient directe-
83. Cf. Voir les notes 38 et 89.
84. Les autres manuscrits de l’Horlogion emploient les participes actifs comme prédicats dans ce
verset et, en conséquence, n’emploient pas le p.p.e. : ‫ ܘ‬. ‫ܕ‬ ‫ܘ ̈ ܬܟ‬
. ̣ ‫ܕ‬ ̇ . ̈ « Tes miséricordes, en effet, et ta grâce ne sont pas compréhensibles ni
mesurées, [non plus que] la promesse que tu as ordonnée ».
85. Remarquons que le sujet ‫ ܐ‬est marqué comme focalisé. Ceci peut être un cas de focus
propositionnel (sentence focus), marquant tout l’énoncé comme information nouvelle. Voir Lambrecht
(1994 : 233–235) et Tosco (2002 : 30–31) qui applique ce cadre dans son étude de Somali.
86. Comparez Matthieu 21 : 25 et Marc 11 : 30. Voir aussi Peursen (2006b : 159).
87. Mais voyez Muraoka (2005 : 87, §109) qui adopte cette vue : « ‫ ܐ‬is also used as a substitue
for a pronominal enclitic of tripartite nominal clauses. »
C G 34

ment après la première unité minimale du prédicat, 88 , en la séparant en deux éléments


parallèles (conjoints) avec la conjonction (qui peut aussi être analysée comme un
clitique de deuxième position). En revanche, la p.ex. dans A est dans la position
pénultième, c’est-à-dire juste après les deux éléments parallèles du prédicat (qui sont
toujours séparés par la conjonction clitique ‫)ܕ‬. Donc, il semble correct d’analyser le
p.p.e. comme étant implanté dans le syntagme prédicatif, tandis que la p.ex. appa-
raît en dehors de la prédication et normalement est adjacente au SN-sujet. 89 À part
cela, les deux phrases ont une structure parallèle, bien que les lexèmes utilisés soient
différents.
L’exemple (36) présente une différence plus extrême : les proposions peuvent être
admises comme parallèles seulement à cause de leur position dans le texte (en particu-
lier, leur conjonction parallèle avec la proposition précédente, qui est donnée comme
l’exemple (40)). Du point de vue syntaxique et lexicale elles sont très différentes. La
version A emploie une proposition verbale-participiale, tandis que la version B utilise
une proposition nominale avec un p.p.e. On remarque la 2e position du p.p.e. et son
accord sg.f. avec le premier sujet ‫=( ܬ‬ ‫ « ܬ‬les hymnes »). 90 L’adjoint qui
suit le sujet ‫ܘ‬ « à jamais » rend difficile à analyser le SN-sujet comme
un sujet extraposé (voir ci-dessus, la section ⒈⒊1 et la note 41).
Dans les deux exemples, le prédicat avec le p.p.e. (autrement dit, le syntagme
focal) apparaît au début de la proposition, tandis que le SN-sujet apparaît à la fin.
Dans l’état actuel de la connaissance, il est difficile de savoir si cet ordre est marqué
ou non. L’exemple (40) ci-dessous est un cas clair où la position initiale du prédicat
le met en valeur.

Proposition avec un p.p.e. et un participe actif


Tel que nous l’avons expliqué dans la section ⒈⒊1, les participes, et en particulier
le participe actif, sont des formes intermédiaires entre prédicats nominaux et prédicats
88. Cf. Peursen (2007 : 250–251 ; 269) sur la deuxième position du p.p.e. après la première unité
minimale. Selon Anderson (2005 : ch. 5), l’unité minimale peut être une unité prosodique, bien que
la syntaxe entre aussi en jeu.
89. Le terme « syntagme prédicatif » désigne le syntagme minimal qui contient la prédication. Gol-
denberg (1983) voit la combinaison du rhème et du p.p.e. comme une construction de Pr-s (Prédicat-
sujet mineur), auquel un sujet explicite peut être ajouté à la position initiale ou finale. De notre point
de vue, la combinaison d’un syntagme prédicatif avec un p.p.e. donne lieu à un syntagme focal. La
question de la position de la p.ex. est adressée par Muraoka (2005 : 86, §109), qui donne sa position
comme SN-p.ex. ou p.ex.-SN. Par ailleurs, dans une proposition existentielle simple, la p.ex. sert
comme prédicat (mais voyez la note 47).
90. Cf. Nöldeke (1898 : §322) et Costaz (1955 : 175, §628) qui écrit : « Quand il y a plusieurs sujets,
le verbe peut s’accorder avec le plus rapproché ». Le p.p.e. semble suivre cette règle ici.
C G 35

verbaux. 91 Quand le sujet est au 3e personne le p.p.e. n’est pas nécessaire. 92 Pour les
autres personnes, le p.p.e est employé, comme le montrent l’exemple suivant.

(38) A. ‫̣ܝ‬ ̈ ‫ܕ ̇ܥ ܐ‬ ‫( ܘ‬verset 12)


Et parce que je connais mes péchés . . .
B. ‫ ܐ‬.‫̇ ܥ‬ ‫ܘ ̈ ܐ‬
Et mes péchés je connais.

Dans l’exemple (38) (repris de l’exemple (26) dans section ⒈⒊4) deux construc-
tions différentes sont présentes : la version A emploie une proposition de type VSO,
tandis que celle de la version B est de type OSVs 93 . De plus, l’objet de A est un
objet direct, tandis que dans la version B B c’est un objet indirect. 94 Les différences
entre les deux phrases peuvent être expliquées en fonction en fonction des leur envi-
ronnement syntaxique diffèrent. La proposition de la version A est une proposition
adverbiale, liée syntaxiquement à la proposition suivante ( ‫ܐ‬ ̇ ), tan-
dis que celui de la version B est une proposition indépendante (terminée, d’ailleurs,
par une pasoqa). 95 Les deux phrases (A et B) sont liées en arrière par la conjonction
de coordination ‫ « ܘ‬et ». La thématisation de l’objet en A produirait une proposition
relative encombrante (* ‫̈ ܝ ܥ ܬ‬ ‫ )ܘ‬et pour cette raison est évitée.
Le p.p.e de B (comme tous les p.p.e. en effet) peut être analysé de deux façons
différents : soit comme une copule/marqueur de focus dans une phrase nominale tri-
partite, soit comme un sujet mineur dans une proposition nucléaire ‫ ̇ ܥ ܐ‬parallèle
à A. Ces deux analyses sont illustrées en tableau ⒈3 :

‫ܐ‬ ‫ܥ‬ ‫ܐ‬ ̈


[ sujet prédicat rhème extraposé thème extraposé
[ marquer du focus prédicat sujet objet mis-en-valeur

T ⒈3: Deux analyses de l’exemple (38)

La première analyse pose un problème par rapport au statut d’objet : puisqu’il n’y
a pas un pronom anaphorique qui le remplace dans la proposition interne, il doit être
91. Goldenberg (1983 : 113), en suivant Cohen (1975), considère que les participes sont dans « le
troisième [maximal] niveau de la verbalisation ». Voir aussi Cohen (1984). En hébreu, il est intéressant
de noter que les participes sont dits ‫ « בינוניים‬intermédiaires », bien que des différentes explications
existent pour cette désignation.
92. Cf. la note 84 ci-dessus pour un exemple.
93. Le « s » désigne un sujet mineur. Voyez la note 89 et aussi Peursen (2006b : 158). Les deux
phrases sont en fait des phrases nominales, puisque le prédicat verbal (V) est un participe présent.
94. Cf. la section ⒈⒊4, exemple (26).
95. Dans la version A, une pasoqa apparaît juste avant la proposition : le rapport avec la proposi-
tion précédente, marqué par la conjonction ‫ « ܘ‬et », n’est pas si fort comme dans la version B, où la
conjonction ‫ ܘ‬est précédée d’une ˤeṣyana.
C G 36

analysé comme un objet mis-en-valeur. (c’est-à-dire le thème de la proposition) et


pas comme un objet extraposé (c’est-à-dire en dehors de la prédication). Cependant,
puisque l’objet est suivi d’un sujet extraposé, on est obligé de l’analyser aussi comme
étant en dehors de la proposition interne et en conséquence extraposé. 96 Du point de
vue sémantique, les deux analyses impliquent une structure marquée (soit un ordre
SV marqué, soit un sujet extraposé fonctionnant comme un rhème), ce qui donne une
certaine emphase sur la proposition, qui manque dans la version A. Cette emphase
est encore plus marquée à cause du statut indépendant (et non-subordonné) de la
proposition dans la version B.
Dans des autres cas les deux versions emploient la construction bipartite, où le
sujet est exprimé par un pronom (possiblement enclitique) qui suit le participe. Ceci
est le cas dans l’exemple suivant.

(39) A. ‫̇ܩ ܐ‬ ‫ܐ‬ ̇ ‫( ܘ‬verset 14)


Et, bien que je n’en suis pas digne, tu me sauveras.
B. ‫̇ ܙܒ ܐ‬ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘ‬
Et, bien que je n’en suis pas digne, tu me délivreras.

Les « phrases clivées mal-transformées »


Tel que nous l’avons expliqué dans la section ⒈⒊1, les « phrases clivées mal-
transformées » sont une catégorie très débattue pour la langue syriaque. Le texte
de PrMan contient deux cas qui pourraient être classifiés sous cette catégorie : la
construction négative de la (h)wa, présentée dans l’exemple (23) (p. 27), et l’exemple
suivant.

(40) A. . ‫ܘܢ ̈ ܬ ܕ‬ ̇ ‫ܕ‬ (verset 15)


Car toi, toutes les milices célestes te louent.
B. ‫ܘܢ ̈ ܬ ܕ‬ ̈ ‫ܗܘ‬ ‫ܕ‬
Car c’est toi que toutes les milices céleste louent.

Cet exemple est un cas où la version B ajoute un p.p.e. (dans le 2e position). Les deux
constructions sont dans un rapport d’équivalence distributionnelle, comme l’attestent
plusieurs cas où des manuscrits syriaques du même texte varient par rapport à la pré-
sence ou absence du p.p.e. 97 Du point de vue de la structure informationnelle, les
deux versions mettent en valeur l’objet indirect « toi ». 98 De plus, la version B
attache le p.p.e. à l’objet indirect pour le focaliser. Le p.p.e. 3sg.m. ‫ ܗܘ‬n’est pas
en accord en genre et en nombre avec le sujet pl.f. ‫ « ̈ ܬ‬milices » (comparez
96. Voir ci-dessous, la section ⒈⒊1 et la note 41.
97. Cf. Joosten (2006 : 185–186). Voir aussi Peursen (2006c : 199–200) pour une discussion de
cette variation dans les propositions nominales.
98. Cf. la note 53 (p. 24), qui discute de la équence basse de cet ordre.
C G 37

avec l’exemple (36)B qui emploie un p.p.e féminin ‫)ܗܝ‬. Ceci n’est pas exceptionnel
et peut être expliqué par deux analyses différentes : selon l’analyse de G. Golden-
berg, le p.p.e. est en accord avec la proposition « nominalisée virtuellement » ̈
‫ܘܢ ̈ ܬ ܕ‬ « toutes les milices célestes louent », ce qui est réalisé comme
un accord de 3sg.m. 99 Selon ce point de vue, la construction est « une phrase clivée
mal-transformée », et dans cet esprit je l’ai traduite comme une phrase clivée en an-
çais. Dans cette perspective la structure informationnelle et la structure grammaticale
sont assimilées ; en revanche, le parallélisme grammatical avec la version A est perdu.
Une autre analyse, qui distingue entre la structure informationnelle et la structure
grammaticale, est de voir le syntagme ‫ܗܘ‬ comme un syntagme focale parallèle au
syntagme prépositionnel non-focalisé de la version A. Selon cette vue, le p.p.e.
marque seulement le focus et ne porte pas d’accord ; en essence, il est un élément
fossilisé. 100 En vue du parallélisme (autrement dit, de l’équivalence distributionnelle
des propositions) entre les deux versions, cette analyse me semble préférable. Les
deux analyses sont présentées schématiquement dans la table ⒈4.

...‫ܘܢ‬ ̈ ‫ܗܘ‬
[ sujet prédicat ] sujet (pronominal) prédicat
sujet prédicat [ marquer du focus objet mis-en-valeur ]

T ⒈4: Deux analyses de l’exemple (40)

1.3.7 Propositions subordonnées

Les deux versions diffèrent dans l’emploi des propositions subordonnées. Parfois,
seule la version A emploie une proposition subordonnée, et parfois seule la version B
le fait. Dans les exemples ci-dessous, les propositions subordonnées et leurs parallèles
non-subordonnées sont soulignés.

Propositions subordonnées remplaçants des compléments d’objet


(41) A. ‫ܕ ܡ ܡ ܪܘ ܟ ܘ ̣ ܟ‬ ̇ ̇ ‫ܐ‬ ‫( ܘ‬verset 5)
Personne ne peut subsister à affronter ta colère et ta fureur.
B. ‫ܕ‬ ‫ܘܪܘ‬ ̣ ‫ܡ‬ ‫ܘ‬
Il n’est pas possible d’affronter la fureur et la colère de toi.
(42) A. ̈ ‫̣̈ ܗܘܢ ܕ‬ ‫( ܘܬ ̇ ܒ ܐ‬verset 7a)
Et tu reviens sur les méchancetés des hommes.
99. Cf. la note 43 (p. 22).
100. Cf. Peursen (2006b : 161–162 et 167, note 40), qui discute de la fossilisation du p.p.e. dans la
Proposition Nominale.
C G 38

B. ̈ ‫ܕ‬ ̈ ‫ܕ‬ ‫ܬܘ‬ ‫ ܘ‬...


̣
Et véritablement [tu es] pénitent sur les méchancetés des hommes.
(43) A. . ‫ܐܪ ܪ‬ ‫ܕ‬ ‫( ܬ‬verset 10)
de sorte que je ne puis plus lever ma tête en haut
B. . ‫ܘ ܪ‬ ̇
‫ܕܐܬܗ‬ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬
comme quelqu’un qui ne peut (puis) de me tourner et de lever mon
âme

Dans l’exemple (41), la version A emploie une proposition relative tandis que la ver-
sion B a une proposition infinitive. Remarquons aussi que la version version A em-
ploie en plus un verbe auxiliaire ̇ . Du point de vue sémantique, ceci est superflu,
mais du point de vue stylistique, il est parallèle au verbe ̇ dans le début du
verset (voir exemple (33)). 101 Le verbe ̇ « puis » est ajouté comme un verbe
auxiliaire dans la version B dans l’exemple (43), ainsi transformant la proposition
‫ܘ ܪ‬ ̇
‫ܬܗ‬ ‫ « ܕ‬que je me tourne et lève mon âme » en une proposition-objet
(notez que le verbe ̇
‫ܐܬܗ‬ « je me tourne » est ajouté aussi). Voyez l’exemple ⑵ (p.
16) pour une discussion du pronom .
Dans l’exemple (42) nous voyons deux phénomènes : la version A utilise le par-
ticipe ‫ ܬ ̇ ܒ‬comme un prédicat verbal d’une proposition coordonnée, tandis que la
version B exprime le même sens avec le participe ‫ ܬܘ‬, faisant partie d’une série
des adjectifs. Ignorons la différence lexical, et nous voyons une différence syntaxique :
l’objet indirect de la version A ‫̣̈ ܗܘܢ‬ « sur les méchancetés d’eux » est gou-
verné directement par le prédicat quasi-verbal, alors que le SP parallèle de la version
B ̈ est précédé du particule subordonnant ‫ܕ‬, puis que la proposition est
̣
conçue comme une PN. 102

Propositions subordonnées remplaçant les participes non-prédicatifs


(44) A. . ̈ ‫ܕܬ‬ ‫ܐ‬ ‫( ܐ ܗܘ‬verset 13)
Tu es, en effet, le Dieu des pénitents.
B. . ̈ ‫ܕܬ‬ ‫ܕܐ‬ ‫ܗܘ ܐ‬ ‫ܕ‬
Car toi tu es le Dieu de ceux-ci qui repentent.
101. Cf. Charlesworth (1983–1985 : 635, note p) : « In Syr.—but not in Gk.—5a and 5b are linked
by different forms of the same verb (sbr, “to endure” ; in Ethpaial in 5a, Paiel in 5b). The Syr. of this
verse is superior to the Gk. » ; on remarque que le commentaire de Charlesworth est vrai seulement
pour la version A. Comparez aussi avec le verset 11 où ‫( « ̇ ܦ‬je) plie » est en parallèle à ̇ dans la
version B ; aussi ici, la version A a un parallélisme interne avec ̣ « courbé », dans le verset ⒑
102. Ceci est idiomatique en syriaque (voir Peursen (2007 : 224)). Cependant, dans le manuscrit
14/8a1 le 2m.sg. pronom personnel de sujet n’apparait pas, renforçant la nature nominale-attributive
du participe ‫ܬ ̇ ܒ‬, et pourtant il n’est pas suivi par ‫ܕ‬.
C G 39

Dans l’exemple (44) deux phénomènes se présentent : d’abord, la proposition de la


version B est subordonné par la proposition précédant comme une proposition ad-
103
verbiale, tandis que la version B utilise la conjonction Deuxièmement, le
participe ̈ ‫ « ܬ‬pénitents » dans la version A correspond au SN analytique ‫ܐ‬
̈ ‫ « ܕܬ‬ceux qui repentent ». Du point de vue morphologique, ̈ ‫ ܬ‬et ̈ ‫ ܬ‬dif-
fèrent en état (état emphatique ou absolu), mais du point de vue syntaxique, ̈‫ܬ‬
fonctionne comme un substantif non prédicatif, tandis que ̈ ‫ ܬ‬est son homologue
verbal, fonctionnant comme le prédicat de la proposition subordonnée. 104

Différences de disposition
(45) A. ‫ܘܢ‬ ̈ ̇ ‫ܕܬ‬ ‫( ܐ ܘܕ‬verset 7b)
Tu as promis la rémission à ceux qui se repentent de leurs péchés.
B. ̈ ‫ܕ‬ ‫ܕ ̣ ܬ ܬ ܕ‬ ‫ܐ‬
Tu as promis la pénitence de la rémission à ceux qui ont péché devant
toi.

Dans l’exemple (45), le même contenu est réparti d’une façon différente dans les deux
versions entre une proposition principale et une proposition subordonnée. La version
A introduit l’idée de pénitence dans le participe qui sert comme le prédicat de la
proposition subordonnée ( ̇ ‫ « ܬ‬se repentent », voir aussi l’exemple (44)), tandis que
la version B le présente comme un substantif dans la proposition principale, faisant
partie d’une construction génitive : ‫ « ܬ ܬ ܕ‬pénitence de rémission », en
parallèle à « rémission » dans la version A. En conséquence, les « péchés »
exprimés comme le substantif ‫ܘܢ‬ ̈ dans la version A réapparaît dans la version
B comme un verbe « ils ont péchés » dans la proposition subordonnée.

1.3.8 Les conjonctions

Les deux versions diffèrent en plusieurs places par rapport aux conjonctions uti-
lisées. Parfois, une version utilise une conjonction de subordination tandis que l’autre
utilise une conjonction de coordination. 105 Dans les exemples suivants les conjonc-
tions sont soulignées :

(46) A. ‫̣ ܕ‬ ‫ܘܢ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ ܘܕ‬ ‫( ܕ‬verset 6)


Sans limite, cependant, et sans mesure sont les miséricordes de tes pro-
messes.
103. Voir la section ⒈⒊8 pour une discussion de .
104. Dans les dialectes Néo-Araméen cette tendance est étendue à tout le système : les substantifs
sont presque toujours dans leur ancien état emphatique, tandis que le système verbal est basé sur les
participes dans leur état absolu.
105. Une variation similaire est attestée dans l’Épître de Baruch, comme l’a montré H. R. Bosker
dans son mémoire de licence, soumis pour l’université de Leyde.
C G 40

B. ‫ܕ ̈ ܘܕ‬ ̇ ‫ܘ‬ ‫ܗܘ‬


Infinie, en effet, et impénétrable est la volonté de tes promesses.
(47) A. ‫ܪܘ ܁‬ ‫ܕܐ‬ (verset 7a)
Car tu es le Seigneur patient.
B. . ‫ܐ ܗܘ‬
Tu es, en effet, le Seigneur élevé.
(48) A. ... ‫( ܐ‬verset 7b)
Toi, Seigneur. . .
B. ... ‫ܐ ܗ‬
Toi, donc, Seigneur. . .
(49) A. . ̣ ‫( ܕܐ‬verset 8)
Qui n’ont même pas péché contre toi.
B. . ̈ ‫ܕ‬
Qui n’ont pas péché contre toi.
(50) A. ‫( ܘ‬verset 9a)
Et je n’ai pas le courage. . . 106
B. . ‫ܐ ܬ‬ ‫( ܘ‬verset 10a)
Et je n’ai pas, donc, un remède.
(51) A. ‫ܐ‬ ̇ ‫( ܐ‬verset 10a)
Je ne suis d’ailleurs pas digne . . .
B. ‫ܐ‬ ̇ ‫( ܘ‬verset 9a)
Et je ne suis pas du tout digne . . .
(52) A. . ‫ܬ‬ ̇ ̇ ‫ܘ‬ ̇ ‫( ܘ‬verset 10b)
̣
Et j’ai élevé des idoles et j’ai multiplié les impiétés. 107
B. . ̈ ‫̇ ܬ‬ ‫ܘ‬ ‫ܬ ܨ‬
Je n’ai pas, en effet, fait ta volonté, et je n’ai pas gardé tes commande-
ments.
(53) A. ‫ܬܟ‬ ‫ܐ‬ ̇ ‫( ܘ‬verset 11)
Et j’implore ta bonté.
B. ‫ܬܟ‬ ‫ܐ‬ ̇
Quand j’implore ta bonté.
(54) A. ̈ ‫ܕܬ‬ ‫ܐ‬ ‫( ܐ ܗܘ‬verset 13b)
Tu es, en effet, le Dieu des pénitents.
B. ̈ ‫ܕܬ‬ ‫ܕ‬ ‫ܕܐ ܗܘ ܐ‬
Car tu es le Dieu de ces qui repentent.
106. Voyez le tableau ⒊9 (p. 61) dans la section ⒊6 pour une discussion de l’alignement de ces deux
versets.
107. Voyez la section ⒉⒈2 pour une discussion lexicale de cet exemple.
C G 41

(55) A. ‫ܬܟ‬ ̇ ‫ܝ‬ ̇ ‫( ܐܦ ܗ‬verset 14)


Montre moi donc encore, Seigneur, ta grâce.
B. ‫ܬܟ‬ ̇ ̇ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘ‬
Et dans moi tu montres toute ta grâce.
(56) A. ̇
‫ܐ‬ ‫ܕ‬ (verset 15)
Et pour cela je te louerai.
B. ̇
‫ܘܐ‬
Et je te louerai.

Dans quelques cas, la version A utilise une conjonction « légère » (soit sémantique-
ment ou syntaxiquement) tandis que la version B emploie une conjonction « lourde ».
Ceci est le cas dans l’exemple (53), où la version A emploie la conjonction symétrique
et neutre (dd point de vue sémantique) ‫ « ܘ‬et » tandis que la version B utilise une
conjonction subordonnant « asymétrique » « quand, car ». Le même phénomène
est observé dans l’exemple (54) où la version B emploie la conjonction de subordina-
tion ‫ܕ‬ « puisque, en raison de », tandis que la version A utilise une conjonction
plus faible schématiquement et syntaxiquement « car, mais, en effet ». D’autres
exemples sont l’exemple (52) (A : , B : ‫ )ܘ‬ou les exemples (48) et (50), où la
version B ajoute respectivement les conjonctions ‫ ܗ‬et (traduits « donc » dans
les deux cas).
Dans d’autres cas, le contraire est vrai : c’est la version B qui utilise la conjonction
légère et la version A utilise la conjonction lourde. Dans l’exemple (55), la version
A emploie la conjonction ‫ « ܐܦ‬même si, encore », tandis que la version B utilise la
conjonction légère ‫ « ܘ‬et ». De plus, la version A ajoute la conjonction ‫ « ܗ‬donc »
(comparez avec l’exemple (48).) Dans les exemples (49) et (51), la version A emploie
la conjonction ‫ ܐܦ‬amalgamée avec le négateur tandis que la version B a respec-
tivement ∅ ou ‫ܘ‬. De la même façon, dans l’exemple (56) A emploie le syntagme
108

connectif ‫ܕ‬ « pour cela » tandis que la version B utilise la conjonction ‫ܘ‬.
La distinction dans l’exemple (46) est lexicale de nature : ‫ « ܕ‬mais, cependant,
car » contre « c’est-à-dire, en effet ». La distinction dans les exemples (47) et (54)
– une conjonction de subordination ‫ܕ‬ contre un adverbe connectif (voir
ci-dessous) – crée une différence dans la structure discursive (voir respectivement les
sections ⒊4 et ⒊7).
Les différences sont récapitulées dans le tableau ⒈5. Les conjonctions plus « lourdes »
sont soulignées.
108. Notez que la version B emploie la négation emphatique dans l’exemple (51). Voyez
l’exemple ⒇ dans la section ⒈⒊3.
C G 42

Exemple Verset A B
(46) 6 ‫ܕ‬
(47) 7a ‫ܕ‬
(48) 7b ∅ ‫ܗ‬
(49) 8 ‫ܕ‬ ‫ܕ‬
(50) 9a/10a ∅
(51) 10a/9a ‫ܕ‬ ‫ܘ‬
(52) 10b ‫ܘ‬
(53) 11 ‫ܘ‬
(54) 13b ‫ܕ‬
(55) 14 ‫ܐܦ ܗ‬ ‫ܘ‬
(56) 15 ‫ܕ‬ ‫ܘ‬

T ⒈5: Conjonctions

Conjonctions ou adverbes connectifs ?


Selon l’analyse de Peursen et Falla (2009), et ‫ ܕ‬sont mieux appelés « ad-
verbes connectifs » et non « conjonctions », en raison de différences syntaxiques et
fonctionnels qui leurs distinguent de vrais conjonctions comme ‫ ܘ‬ou ‫ܕ‬ . Une
conjonction, de ce point de vue, signale la connexion entre deux propositions, mais
ne fait pas partie d’eux. En revanche, le placement syntaxique de et ‫ ܕ‬leur li-
cence comme un constituant de la proposition. 109 Du reste, une conjonction initiale
n’entrave pas la présence de ou ‫ ܕ‬dans la proposition. 110 On pourrait analyser de
façon similaire aussi et peut-être aussi ‫ܗ‬. Cependant, dans un cas (l’exemple
(54)) correspond à ‫ܕ‬ . Ceci suggère qu’au moins du point de vue sémantique
les deux sont similaires.

109. En effet, ces mots sont des particules de deuxième position.


110. Cf. Peursen et Falla (2009 : 66–67) Voyez Par exemple le verset 10 dans la version A : ‫ܐ‬
‫ܐ‬ .
C 2

A L

Les deux versions diffèrent considérablement quant à leur vocabulaire. Pour cette
raison, il n’est pas exact de parler du « vocabulaire (de la version syriaque) de la Prière
de Manassé ». Dans ce chapitre nous explorons le vocabulaire des deux versions selon
deux approches différentes. Dans la section ⒉1 nous présentons une comparaison
qualitative des correspondances lexicales entre les deux versions, établies par une étude
linéaire-syntagmatique. Cette étude n’est pas exhaustive, mais elle a l’intention de
couvrir les correspondances qui ne sont pas déjà traitées dans le chapitre 1. Ensuite,
dans la section ⒉2 nous employons une comparaison non-linéaire, pour établir une
mesure quantitative de la différence lexicale entre les deux versions.

⒉1 C 

Cette section présente quelques correspondances lexicales entre les deux versions,
qui n’ont pas été traitées dans le chapitre 1). Par « correspondances » nous désignons
des lexèmes qui apparaissent au même endroit dans les deux textes et ont la même
fonction syntaxique, mais pas nécessairement la même dénomination sémantique. La
plupart des correspondances a lieu entre deux mots qui ont un sens similaire. Nous
appelons ce type de mots « synonymes », sans impliquer que leur sens est tout à fait
identique, ou même que des vrais synonymes existent (voir ⒉⒈1). 1 Dans quelques
cas, une version emploie un terme plus spécifique que l’autre, ou, parfois, un terme
tout à fait différent. Dans un cas particulier, les deux versions utilisent des lexèmes
avec un sens « antonyme » pour exprimer la même idée (voir section ⒉⒈2).
1. La question des synonymes dans le domaine de la lexicographie syriaque est traitée dans Falla
(2005 : 47-48). Un traitement informatique de cette notion, ou plutôt de la notion plus exacte de
« quasi-synonymie » (en anglais : near-synonymy), est donné par Edmonds et Hirst (2002), qui ca-
ractérise les quasi-synonymes comme partageant la valeur « essentielle » de sens, mais divergeant au
niveau « granulaire » (ibid., p. 12–13).

43
A L 44

2.1.1 Correspondances synonymes et non-synonymes

Bien que nous prenions en compte la problématique liée à la notion de « syno-


nymes », nous allons faciliter notre discussion des correspondances lexicales en les
divisant en synonymes et non-synonymes. Un résumé des correspondances entre des
lexèmes synonymes, avec leurs traductions (adaptés de Costaz (1963) 2 ) est donné
dans la table ⒉1. Les correspondances non-synonymes sont données dans la table
⒉2. On remarque que les correspondances pour les versets 9–10 sont établies en ac-
cord avec notre analyse tranpositionelle de ces versets, qui est donnée dans la table
⒊9. 3 Les mots sont donnés comme ils apparaissent dans le texte, avec des affixes ou
des clitiques.

T ⒉1: Correspondances des lexèmes synonymes

V. Version A Version B
4 craindre ̇‫ܕ‬ être terrifié ‫ܪܕ‬
4 se mouvoir, être ‫ܙ ̇ܥ‬ trembler ‫ܪ‬
mu ; être agité,
trembler, craindre
4 force, puissance, ̇ puissance, force ‫ܬܟ‬
courage
6 illimité ‫ܕ‬ non mesuré,
infinie
6 promesse ; conseil promesse ‫̈ ܘܕ‬
7 placer, établir ; ̣ limiter, ̣ ‫ܬ‬
présenter, offrir circonscrire,
définir ; décider ;
ordonner
10/9 regarder, voir ‫ܪ‬ ‫ܐ‬ fixer les yeux sur ‫ܐܨܕ‬
10/9 malfaisance ‫ܬ‬ iniquité, crime ̈
11 courber, fléchir ‫̇ ܦ‬ incliner, fléchir ̇
12 péché ‫̣ܝ‬ ̈ iniquité, crime ̈
13 supplier, ̇ demander ‫̇ܠ‬
intercéder
14 délivrer, sauver ‫̇ܩ‬ délivrer, sauver ‫̇ ܙܒ‬

Les correspondances synonymes du verset 4 sont établis par la prémisse qu’une


transposition a eu lieu :
2. Aussi Payne Smith (1903) a été consulté.
3. Dans le cas où le verset ne correspond pas pour les deux versions, d’abord le verset de la version
A est donné et ensuite celui de la version B.
A L 45

⑴ A. . ̇ ‫ܡ‬ ‫ܡ ܕ ̇ ܘܙ ̇ ܥ‬ ‫( ̇ܗܘ ܕ‬verset 4)


celui devant la puissance (de toi) de qui tout craint et tremble
B. .‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬ ‫ܨܘ‬ ‫ܡ‬ ‫ܪܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܡ ܪ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬
celui devant le visage de force (de toi) de qui tout tremble et est terrifié

Dans cet exemple, ‫ ܕ‬correspond à ‫ܪܕ‬ tandis que ‫ ܙ ܥ‬correspond à ‫ܪ‬. Par
ailleurs, ‫ « ܨܘ‬visage » est ajouté dans la version B et ensuite ‫ܬܟ‬ « puis-
sance » correspond à ̇ .
Un cas similaire survient dans le verset 7 (traité aussi comme l’exemple ⒃ en
page 20).

⑵ A. ‫܉‬ ̇‫ܘ‬ ‫ܪܘ ܁ ܘ‬ ‫ܗܘ‬ ‫ܕ‬ (verset 7a)


Car tu es le Seigneur, patient, clément et très miséricordieux.
B. ‫ܬ‬ ̇ ‫ ܘ‬. ‫ܪܘ‬ ̇ . ‫ܐ ܗܘ‬
Tu es, en effet, le Seigneur, élevé, miséricordieux, patient et de grande
grâce.

Dans ce cas, les correspondances ne sont pas évidentes. On peut supposer que
‫ ܪܘ‬est parallèle dans les deux versions, bien que sa place soit transposée. Ceci ne
peut pas être dit du mot orthographique , puisque dans la version A il s’agit
du substantif ܳ ܳ xnana « clémence, miséricorde », tandis que dans la version B
il désigne l’adjectif ܳ ܳ ܰ xānana « clément, miséricordieux », comme nous montre
le rwaha en dessous du ‫ܚ‬. En revanche, schématiquement B ̇ correspond à A
« miséricordieux ». Cette analyse laisse B « élevé, suprême » comme un
ܳ ܳ ܰ ܰ
ajout, mais on remarque que la suite des adjectifs ̇ . ܳ mrāyma xānana a un
ܰ
rapport d’allitération avec ܳ ܳ mrāxmana. En continuant par la même hypothèse,
A correspond à B ‫ܬ‬ « bonté, grâce ».
A L 46

V. Version A Version B
6 sans mesure ‫ܕ‬ incompréhensible
6 pitié, miséricorde ̣ préparation, ̇
présence,
promptitude
9/10 respiration, temps guérison, remède, ‫ܬ‬ ‫ܐ‬
de respiration, art médical
repos, souffle
10 tête 4 ‫ܪ‬ âme, esprit, vie
13 avec ma sottise ; ‫̈ ܬܝ‬ avec/à cause de ‫ܝ‬ ̈
faute, péché 5 mes péchés

T ⒉2: Correspondances des lexèmes non-synonymes

Bien que les correspondances lexicales dans le verset 6 ne soient pas synonymes
(doublement soulignés), elles appartiennent au même champ sémantique. Dans le
même verset il y a aussi des correspondances synonymes (soulignés) :

⑶ A. ̈ ‫ܘܢ ܪ ̈ ̣ ܕ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ ܘܕ‬ ‫( ܕ‬verset 6)


Sans limite, cependant, et sans mesure sont les miséricordes de tes pro-
messes.
B. ‫ܕ ̈ ܘܕ‬ ̇ ‫ܘ‬ ‫ܗܘ‬
Infinie, en effet, et impénétrable est la volonté de tes promesses.

La correspondance entre dans le verset 9 de la version A et ‫ ܐ ܬ‬dans le


verset 10 de la version B est basée sur la correspondance entre les deux propositions
suivantes :

⑷ A. ‫( ܘ‬verset 9a)
Et je n’ai pas le courage. . .
B. . ‫ܐ ܬ‬ ‫( ܘ‬verset 10a)
Et je n’ai pas, donc, un remède.

La correspondance est basée principalement sur la construction possessive similaire.


Le contenu sémantique et le contexte sont assez différents. 6
4. Selon l’alignement linéaire, présenté dans la table ⒊8, ce mot correspond à ̈ « mes yeux ».
Cependant, l’alignement linéaire donné par Baars et Schneider (1972 : 5) est en accord avec cette
correspondance.
5. Voir la discussion de l’exemple ⑿ en page 18. Cette correspondance est synonyme ou non
selon l’interprétation de A ‫ܬܝ‬ .
6. Voir la discussion dans la section ⒊6.
A L 47

En conclusion, la plupart des correspondances lexicales sont du même champ


sémantique et en certains cas les deux lexèmes comparés sont même de vrais syno-
nymes.

2.1.2 Correspondances antonymes

Dans la fin du verset 10, la même idée, la désobéissance à Dieu, est exprimée de


deux façons opposées :

⑸ A. . ‫ܬ‬ ̇ ̇ ‫ܘ‬ ̇ ‫( ܘ‬verset 10b)


̣
J’ai élevé des idoles et j’ai multiplié les impiétés.
B. . ̈ ‫̇ ܬ‬ ‫ܘ‬ ‫ܬ ܨ‬
Je n’ai pas, en effet, fait ta volonté, et je n’ai pas gardé tes commande-
ments.

Dans la version A les méchancetés sont explicitement nommées, tandis que dans la
version B elles sont exprimées d’une façon négative, comme un défaut. Les lexèmes
utilisés ne peuvent pas être vus comme des antonymes dans le cas général, mais dans le
contexte ils nous décrivent des notions opposées : A « idoles » ̸= B ‫ « ܨ‬ta
volonté » ; A ‫ܬ‬ ̇ « impiétés » ̸= B ̈ « tes commandements ». La version
grecque est, en ce cas, similaire à la version A.

⒉2 D 

Notre discussion des correspondances lexicales de la section précédente était basée


sur une comparaison syntagmatique : d’abord nous avons établi quels syntagmes et
quelles propositions sont parallèles et ensuite nous avons établi les correspondances
entre les lexèmes dans ces syntagmes. Dans cette approche, le texte est vu comme il est
lu : une suite ordonnée de mots. Une autre façon d’analyser la différence entre deux
textes est de comparer leur vocabulaire, sans tenir compte de l’ordre syntagmatique.
Ce type d’approche prend un point de vue « global » sur les textes. 7
Cette approche générale peut être actualisée par deux méthodes différents : soit
nous comptons les lexèmes du texte comme s’ils apparaissent dans un glossaire :
chaque lexème est pris en compte seulement une fois – des répétitions ou des va-
riations flexionnelles sont ignorées. Cette méthode nous l’appelons « comptage de
lexèmes ». Une autre méthode est de compter les lexèmes selon leur apparence dans les
textes (avec ou sans prendre en compte leur variation flexionnelle). Cette approche ne
prend compte que de l’existence d’un lexème dans le texte, mais aussi de sa équence.
Si un texte utilise un lexème plus souvent que l’autre texte, les emplois additionnels
comptent comme des emplois uniques à cette version. Cette méthode nous l’appelons
7. En effet, cette approche essaie de dévoiler directement la langue du texte ; voir la section ⒌⒈3.
A L 48

« comptage de mots ». Les deux méthodes sont utiles pour établir une mesure nu-
mérique de « distance » entre les deux textes. 8 Le comptage de lexèmes est utile si
nous sommes intéressés par la comparaison de vocabulaire des textes. 9 Le comptage
des mots peut être conçu comme une méthode complémentaire à la comparaison
syntagmatique, car il annule l’effet des transpositions : deux passages transposés ne
seront pas nécessairement analysés comme des parallèles dans l’analyse linéaire, mais
le comptage de mots prendrait compte du fait qu’ils utilisent les mêmes mots. 10
Dans la discussion suivante nous considérons les différentes formes flexionnelles
d’un substantif comme un seul lexème. 11 . Des verbes ou participes qui ont la même
racine consonantique sont aussi traités comme un seul lexème. 12 La section suivante
traite du comptage des lexèmes, mais ces prémisses sont vraies aussi pour le comptage
des mots qui suit.

2.2.1 Comptage des lexèmes

Selon les prémisses données ci-dessus, nous pouvons établir que les deux versions
partagent 115 lexèmes. Les lexèmes uniques (c’est-à-dire, qui apparaissent seulement
dans une version) peuvent être divisés en deux groupes : ceux qui ont un parallèle
dans l’autre version (des lexèmes « spécifique » à la version), 13 et ceux qui ne l’ont
pas (des ajouts). La version A a 25 lexèmes spécifiques (18% de son vocabulaire),
qui sont présentés dans le tableau ⒉3. Version B a 49 (30%) lexèmes spécifiques,
présentés dans le tableau ⒉4.
8. Cette approche n’est pas limitée aux lexèmes. On pourrait l’utiliser pour compter les construc-
tions syntaxiques ou les gabarits morphologiques, par exemple. Cependant, la comparaison lexicale est
la plus facile, car elle n’exige pas une analyse du texte.
9. Cf. Peursen (2009a).
10. Bien sûr, ceci est plus utile pour les textes longs, dont les transpositions ne peuvent pas toujours
être facilement identifiées. Dans les textes courts, les transpositions peuvent être traitées sur une base
individuelle, comme nous le faisons, par exemple dans la section ⒊6 pour les versets 9–⒑
11. C’est-à-dire que les états du substantif sont ignorés. Par ailleurs, les suffixes possessifs sont
traités comme des lexèmes séparés. Voir Sikkel (2008).
12. Une autre possibilité est de voir la combinaison d’une racine avec un gabarit vocalique verbal
comme un lexème, en accord avec l’analyse de Aronoff (1994 : ch. 5). Voir aussi la note 2 (p. 11).
13. Le parallélisme n’est pas nécessairement lexical de nature ; il peut être établi selon les syntagmes
ou les propositions parallèles .
A L 49

Parallèles Ajouts
aussi, et (même si) ‫ܐܦ‬ œil
ceux-là ‫̇ܗ ܢ‬ répandre ‫ܐ‬
beauté, gloire (se) serrer, ( ) ‫ܐ‬
opprimer
supplier, intercéder ( ) voici ‫ܗ‬
sans mesure ( ‫)ܕ‬ celle-ci ‫ܗܕ‬
malfaisance être, exister ‫ܗܘ ) ܗܘܝ‬ )
miséricordieux justement, à bon
droit
promesse ; conseil le Seigneur
respiration, temps ‫ܫ‬ être agité, accablé, (‫ܦ‬ ) ‫ܦ‬
de respiration, épuisé ; défaillir
repos, souffle 14
délivrer, sauver ‫ܩ‬
idole
impureté,
souillure ;
abomination,
idole 15
force, puissance,
courage
regarder, voir ‫ܪ‬
chanter ‫ܙ‬
se mouvoir, être (‫ܙܘܥ )ܙ ܥ‬
mu ; être agité,
trembler, craindre

T ⒉3: Lexèmes spécifiques de la version A

14. On remarque que le lexème apparaît dans la version B (et seulement là). Cependant, il n’est
pas parallèle à ‫ ܫ‬. Bien que les deux lexèmes soient dérivés de la même racine consonantique, ils
ne sont pas régulièrement liés l’un à l’autre, et donc ils méritent d’être traités comme deux lexèmes
distincts.
15. Selon Charlesworth (1983–1985 : 636, note r2), un autre sens est « le culte des idoles ». (cf.
Dan 11 :31).
A L 50

Parallèles Ajouts
guérison, remède, ‫ܐ‬ Ajouts de la suscription
art médical
demander ‫ܠ‬ Israël ‫ܐ‬
promesse ‫ܘܕ‬ Jérusalem ‫ܐܘܪ‬
elle ‫ܗܝ‬ Babel
eux ‫̣ܗ ܢ‬ déchirer, fendre, ‫ܥ‬
trouer
délivrer, sauver (‫ܙܒ‬ ) ‫ܒ‬ emmener en
captivité
à savoir, donc, et être en feu, brûler
quoi ; ce qui roi, empereur
miséricorde dommage
(in)compréhensible ) bronze, cuivre
(
(non) mesuré ) se repentir (‫ܬܘܝ )ܐܬܬܘܝ‬
(infinie) (
pénitent ‫ܬܘ‬ taureau, bœuf ‫ܬܘܪ‬
âme, esprit, vie aimer, désirer, ‫ܨ‬
vouloir
beauté, grâce s’incliner ; prier ‫ܨ‬
rédemption ‫ܪ‬ Autres ajouts
louange, éloge passer, dépasser
trembler ‫ܪ‬ amen ‫ܐ‬
incliner, fléchir ( ) ‫ܪ‬ céleste
exaltation, gloire ‫ܪܘ ܡ‬ (se) tourner ( ‫)ܐܬܗ‬ ‫ܗ‬
être terrifié ‫ܕ‬ désormais, donc
limiter, ‫ܬ‬ nombre
circonscrire,
définir ; décider ;
ordonner
préparation, visage, face ‫ܨܘܦ‬
présence,
promptitude
puissance, force louer, célébrer
volonté ‫ܨ‬ vérité, justice
fixer les yeux sur ‫ܨܕ‬ dessous, sous ‫ܬ‬
dette ; péchés ‫ܒ‬

T ⒉4: Lexèmes spécifiques de la version B


A L 51

F ⒉1: Le rapport entre le vocabulaire de la suscription et le texte

Il parait, donc, que la version B a un vocabulaire plus riche. Ceci peut être attribué
principalement à la suscription qui n’apparaît pas dans la version A. Le traitement de
la suscription comme un élément secondaire et externe à la prière est confirmé par
le grand nombre de lexèmes spécifiques qu’on y retrouve et aussi par l’occurrence de
trois noms propres : Jérusalem, Babel et Israël (en plus de Manassé, qui apparaît dans
le titre de deux versions), tandis que le texte propre ne contient aucun nom propre.
Le rapport entre le vocabulaire de la suscription et le reste du vocabulaire est illustré
schématiquement dans la figure ⒉1.
Si on ignore la suscription (version B0 ), on n’obtient que 36 lexèmes spécifiques de
la version B (24%). Donc, les deux versions utilisent à peu près le même pourcentage
de lexèmes spécifiques (18% et 24%). De la même façon, les ajouts constituent la
même proportion (A 6% et B0 7%). Le tableau ⒉5 résume ces données.

Ver. Lexèmes Spécifiques Parallèles Ajouts


A 140 (100%) 25 (18%) 16 (⒒5%) 9 (⒍5%)
B0 151 (100%) 36 (24%) 25 (17%) 11 (7%)
B 164 (100%) 49 (30%) 25 (15%) 24 (15%)

T ⒉5: Comptage des lexèmes

On peut retourner les données ci-dessus et examiner les proportions du voca-


bulaire partagé par rapport au vocabulaire unifié des deux versions. En effet, le vo-
cabulaire partagé constitue environ 65% des deux versions (ou 61% si on inclut la
suscription de B).

2.2.2 Comptage des mots

En utilisant la méthode intitulée « comptage des mots » on obtient des résultats


similaires, présentés dans le tableau ⒉5. On note, cependant, un petit écart par rapport
au comptage des lexèmes. 16
16. Cet écart peut être expliqué par la grande portion de mots fonctionnels dans le corpus. Ces mots
prennent une grande partie du vocabulaire partagé et ainsi diminue le pourcentage de mots spécifiques
A L 52

Ver. Mots Spécifiques


A 429 (100%) 67 (17%)
B0 447 (100%) 89 (20%)
B 483 (100%) 121 (25%)

T ⒉6: Comptage des mots

2.2.3 Conclusion du comptage

La discussion ci-dessus montre que les vocabulaires utilisés par les deux versions,
et leur emploi, sont similaires dans les deux versions. Cependant, il faut noter que
pour le moment, il n’y a pas de point de référence pour ces données quantitatives. Par
exemple, nous ne savons pas la « distance » moyenne entre deux textes quelconques de
la Peshitta, ou même entre deux textes syriaques en général. Donc, bien qu’il semble
que les données confirment l’intuition que les deux textes sont similaires, la mesure
de similarité n’est toujours pas claire, et exige encore des recherches sur d’autres textes
syriaques. 17

des deux versions. Par exemple, le suffixe d’objet ‫ ܟ‬apparaît 18 fois dans le vocabulaire partagé (5%
de 362 lexèmes partagés). Dans le comptage de lexèmes, ce phénomène est moins marqué, puisque
chaque lexème de fonction n’apparait qu’une fois.
17. Comme étude préliminaire, une comparaison similaire a été faite pour les deux versions de
l’Epître de Baruch (=EpBar). Ces deux textes présentent une mesure plus élevée de similarité : chaque
version n’a que ⒌5%–6% lexèmes spécifiques, et leur vocabulaire partagé constitue presque 90% de
leur vocabulaire unifié. En revanche, une comparaison de la version A de PrMan et de la version A de
EpBar donne une mesure inférieure de similarité : PrManA a 36% de lexèmes spécifiques dans cette
comparaison, et EpBarA 79% ! Cette asymétrie n’est pas surprenante si l’on tient compte du fait que
EpBar a 3 fois plus de lexèmes que PrMan. Donc, il semble que les deux versions de PrMan sont plus
similaires l’une à l’autre que par rapport à un texte arbitraire dans le Peshitta, mais elles ne sont pas
aussi similaires que deux versions qui apparaissent dans le même manuscrit, comme c’est le cas pour
EpBar.
C 3

S 

⒊1 M ’ 

L’analyse de la structure discursive s’occupe d’établir une structure hiérarchique


(ou arborescente) des propositions présentes dans le texte. L’hypothèse de base de
l’analyse est que chaque proposition est liée à une proposition précédente quelconque,
et que le rapport entre les deux propositions peut être soit un rapport parallèle, soit
un rapport de dépendance. 1 Donc, pour chaque proposition l’analyse établit quelle
proposition fonctionne comme son « ancre » et quel est le type de rapport avec l’ancre
(parallèle ou dépendant). De plus, dans certains cas la fonction syntaxique de la pro-
position est établie comme, par exemple, une proposition de complément ou une
proposition attributive. Pour établir tout cela, la méthode d’analyse prend en compte
des signaux linguistiques divers : syntaxiques, morphologiques, lexicaux et séman-
tiques. Parmi eux, on peut noter le type de conjonction qui ouvre la proposition,
la construction grammaticale utilisée, la forme verbale, correspondances lexicales et
grammaticaux et l’ensemble de participants sémantiques. Une description exacte de la
méthodologie utilisée est donnée par Peursen (2007 : 152–153, 168–171, 385–403) ;
Talstra et al. (2006 : 45–69) et Talstra (1997). Ici, l’auteur se contente de présenter les
résultats de ce type d’analyse pour PrMan, sans entrer dans trop de détails métho-
dologiques. De plus, pour éviter les discussions sur les détails techniques, seulement
les cas clairs seront discutés Bien qu’une autre méthode d’analyse discursive pourrait
donner d’autres résultats concernant les détails, il semble clair que les deux versions
présentent une structure discursive différente, qui nécessite une analyse au niveau du
texte et pas seulement au niveau des propositions et syntagmes, comme le fait le
chapitre ⒋1.
1. Il faut noter que deux propositions peuvent être dépendantes de la même proposition, sans être
parallèles, par exemple si elles ont des fonctions grammaticales différentes.

53
S  54

⒊2 L -   

Au niveau supérieur, les deux versions contiennent des éléments qui peuvent être
vus comme extérieurs à la prière et qui sont peut-être des ajouts par le scribe. Ils sont
donnés en italique dans le tableau ⒊1. Clairement, la version B en a le plus. Le mot
final « Amen » pouvait être ajouté pour des raisons liturgiques (Ryle 1913 : 525).

Version A Version B
Titre Titre
• Suscription
• Le texte de la prière • Le texte de la prière
Amen ( ‫)ܐ‬

T ⒊1: La prière et ses éléments « externes »

Le texte de la prière peut être divisé en 6 unités majeures, présentées dans le


tableau ⒊2. 2 Les deux versions commencent avec une vocation du Seigneur, sur la-
quelle les sections qui suivent (sections 1–5) sont dépendants.

Sections Version A Version B


Vocation du Seigneur v. 1
⒈ Attributs du Seigneur vv. 2–5
⒉ Clémence du Seigneur vv. 6–7a v. 6
⒊ Pétition directe vv. 7b–11 vv. 7–8
⒋ Reconnaissance des péchés vv. 12–13a vv. 9–13a
⒌ Demande de pardon vv. 13b–15

T ⒊2: Division de la prière en unités majeures

Comme le tableau ⒊2 le montre, les deux versions ont la même structure dans le
texte de la Prière. Cependant, la division interne et les limites entre les sections de la
Prière sont différentes dans les deux versions.
Dans le tableau ⒊2, chaque section est nommée selon sa thématique principale
mais il faut se souvenir que la prière n’est pas divisée selon des thèmes différents,
mais plutôt selon l’analyse hiérarchique. En effet, dans quelques cas les unités hié-
rarchiques ne sont pas parallèles avec les unités thématiques. 3
2. Nous utilisons ici le système de Charlesworth (1983–1985) qui consiste à diviser quelques versets
en deux parties. Voir la note 20 (p. 83).
3. Ce type de conclusion apparaît aussi dans d’autres recherches qui emploient cette méthodologie
d’analyse. Voir par exemple Talstra (1996) pour un exemple hébreu (Psaumes 9) ou Peursen (2006a)
pour un exemple syriaque.
S  55

⒊3 L     1

La structure hiérarchique de la première section est déterminée par les pronoms


employés (voir ⒈⒉1). Pour cette raison les deux versions ont une structure hiérar-
chique différente dans cette section. 4

Verse Version A Version B


1 ... ...
2 ... ̇ ... ‫̇ܗܘ ܕ ̣ ܬ‬
̣ ‫ܗܘ ܕ‬
3a ... ̇
̣ ‫ܗܘ ܕ‬ ... ‫ܬ ܝ‬ ‫ܐ ܕ‬
3b ... ̣ ‫̇ܗܘ ܕ‬ ... ‫ܕ ̣ ܬ‬
4 ... ‫ܡ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬ ... ‫ܡ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬

T ⒊3: L’effet des pronoms sur la disposition hiérarchique des vv. 1–4

Dans la version A toutes les propositions appositives, qui commencent par ‫ܗܘ‬,
ont un statut parallèle dépendant du vocatif . Dans la version B le changement
d’éléments pronominaux dérange ce parallélisme : le premier ‫ ̇ܗܘ‬et ‫ ܐ‬sont tous
les deux dépendant de , mais ils ne sont pas parallèles. Le pronom qui suit
̇
dépend de ‫ ܐ‬et le dernier ‫ ܗܘ‬dépend de ce . 5

Puisque la suite des pronoms dans les versets 2–4 est un élément structurant
puissant, cette suite, jusqu’au verset 5, est considérée comme une section. Le verset
6, qui commence avec une proposition asyndétique et introduit un sujet grammatical
nouveau (A ̈ ‫ « ̣ ܕ‬miséricordes de tes promesses » et B ‫ܕ ̈ ܘܕ‬ ̇
« la volonté de tes promesses ») ouvre une nouvelle section. Il est vrai que le verset 5
introduit aussi un nouveau sujet, mais le fait qu’il commence par une conjonction de
subordination ‫ܕ‬ « puisque » (dans les deux versions) justifie de le lier au verset
précédent. 6
4. Pour des raisons typographiques, les tableaux dans ce chapitre ne contiennent pas de traductions.
Notez qu’une traduction complète est donnée dans l’annexe.
5. Le rapport de dépendance est déterminé selon une hiérarchie pronominale du pronom le plus
défini jusqu’au pronom le moins défini : SN explicite > pronom personnel > pronom interrogatif >
pronom démonstratif. Une proposition avec un pronom moins classé comme sujet est vue comme
dépendant de la proposition avec un sujet mieux classé. Même si cette analyse est rejetée, il est clair
que la version A utilise une disposition discursive plus symétrique que la version B.
6. Cette analyse est différente de celle de Charlesworth (1983–1985 : 625), qui divise ces versets
en vv. 1–4 « invocation » et vv. 5–7 « acknowledgement of the Lord’s fury against sinners and of his multi-
tudinous mercies ». Une division similaire est faite par Newman (2007a : 8), contrairement à Newman
(2007b) qui fait une division pareille à celle présentée ici. D’autres voient les versets 1–7 comme une
unité ; Ryle (1913 : 612) l’appelle « confession of sin » et Oßwald (1974, 1977, 1983 : 20) « Anrufung
Gottes ».
S  56

⒊4 L     2  3

La limite entre sections 2 et 3 est différente dans les deux versions. Le tableau
⒊4 présente la section 2 et le début de la section 3 comme deux différentes cellules
pour chaque version.

V. version A version B
6 ... ‫ܕ‬ ‫ܕ‬ ... ‫ܗܘ‬
7a ... ‫ܕܐ ܗܘ‬ ... ‫ܗܘ‬‫ܐ‬
... ...
. ̈ ‫ܗܘܢ ܕ‬ ̣̈ ̈ ‫ܕ‬ ̈ ‫ܕ‬
̣
7b ... ‫ܐ‬ ... ‫ܐ ܗ‬

T ⒊4: La limite entre les sections 2 et 3

La raison de cette divergence observée est marquée par une sous-ligne : dans la
version A, la première occurrence de ‫ « ܐ‬tu » est précédée de la conjonction de
subordination ‫ܕ‬ « puisque », qui fait de cette proposition une proposition dé-
pendante. Seulement le pronom ‫ ܐ‬suivant ouvre une nouvelle section (à cause du
changement de sujet). Dans la version B, ‫ ܐ‬apparaît avec l’adverbe connectif
(voir la section ⒈⒊8), ce qui permet de le considérer comme ouvrant une nouvelle
section. La deuxième occurrence de est analysée comme dépendant de la pre-
mière (puisque c’est le même sujet), et cette analyse est confirmée par le parallélisme
avec la conjonction (ou l’adverbe connectif ) ‫ܗ‬. 7
Ici, encore une fois, les résultats de l’analyse hiérarchique diffèrent d’une analyse
littéraire ou thématique. En effet, beaucoup de savants voient le verset 8 comme le
début d’une nouvelle section, par exemple entre l’« invocation » des versets 1–7 et la
« confession » des versets 8–⒑ 8 D’un point de vue discursif, pourtant, c’est l’adresse
directe de ‫ ܐ‬dans le verset 7b (version A) ou 7a (version B) qui marque le début
d’une nouvelle section. Le ‫ ܐ‬au début du verset 8 est, en effet, une continuation
du ‫ ܐ‬précédent.

⒊5 L     3  4

La limite entre les sections 3 et 4 est très différente dans les deux versions. Ceci est
soutenu aussi par le fait qu’il n’y a pas une correspondance linéaire entre les versets
9 et 10 dans les deux versions. Les versets 7b et 8 sont assez similaires dans leur
7. Les différences de conjonctions sont discutées dans la section ⒈⒊8 (p. 39), où ces diffèrences
sont données comme exemples (47) et (48).
8. Cf. Ryle (1913 : 612) et aussi Oßwald (1974, 1977, 1983 : 20) ; Denis et Haelewyck (2000 :
I, 659). Charlesworth (1983–1985 : 625) fait un point de division entre les versets 5–7 et les versets
8–⒑
S  57

structure et leur contenu, comme on peut voir dans le tableau ⒊5. En revanche, au
début du verset 9, il y a une différence remarquable entre les deux versions (voir le
tableau ⒊6). Les différences sont soulignées et chaque proposition a sa propre cellule.

V. version A version B
7b ‫ܐ‬ ‫ܗ‬ ‫ܐ‬

‫ܘܕ‬ ‫ܬܟ ܐ‬ ̣ ‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ‫ܐ‬ ̣ ‫ܘܕ‬ ‫ ܐ‬.‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ‫ܐ‬
‫ܬ ܕ‬ ‫ܬ‬
.‫ܘܢ‬ ̈ ̇ ‫ܕܬ‬ . ̈ ‫ܕ‬

‫ܬ‬ ̇‫ܬ‬ ̣ ̣ ‫ܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܬ‬ ‫ܬ‬ ̣ ‫ܬ‬ ̈ ‫ܕܪ‬ ‫ܘ‬


. ̈ ‫ܘܢ ܕ‬ ̈ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬ . ̈‫ܕ‬ ‫ܪ‬
8 ‫ܐ ܗ‬ ‫ܗ‬ ‫ܐ‬
‫܉‬ ‫ܐ‬ ̈ ‫ܕܙܕ‬ ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬
̈‫ܕ‬ ‫ܗܘ‬
‫̣ ܬ ܬ‬ . ̈‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ‫̣ ܬ‬
‫ܒ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܡ ܘ‬ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬ ‫ܒ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܡ ܘ‬
. ‫̇ܗ ܢ ܕܐ‬ . ̈ ‫̣ܗ ܢ ܕ‬
̣
̇ ‫ܕ‬ ‫̣ ܬ ܬ‬ ‫ܐ‬ ‫܉‬ ‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ‫̣ ܬ‬ ‫ܐ‬

T ⒊5: Versets 7b–8

V. version A version B
9a -‫ܕ‬ ̣ ‫ܕ‬
‫ܕ‬ . ‫̣ ܕ‬ ‫ܕ‬
.‫ܝ‬ ̈ ̣ ‫̈ ܝ‬ ̈

T ⒊6: Début du verset 9

Dans la version A cette proposition est liée directement à la proposition précé-


dente comme une proposition circonstancielle. Donc, elle ne constitue pas un point
de division de la section, bien que du point de vue thématique, ceci est le point précis
où l’auteur de la prière commence à parler de lui-même. Du point de vue stylistique,
ces versets font partie de l’adresse au Seigneur. Le point de division clair se note au
début du verset 12, où l’auteur de la prière se met en avant par le verbe à la 1re personne
« j’ai péché ».
Dans la version B, en revanche, l’ajout du verbe au début du verset 9 peut
changer le rapport de la proposition circonstancielle avec son contexte. Tandis que
dans la version A la proposition circonstancielle est clairement liée en arrière, dans
la version B elle peut être liée soit en arrière soit en avant, au moins du point de vue
S  58

syntaxique. 9 La première lecture de la version B donne la traduction suivante 10


. ‫̣ ܕ‬ ‫ܕ‬ ̣ ‫ܕ‬ , ‫ܕ‬ ‫̣ ܬ ܬ‬ ‫ܐ‬...
. ̈ ‫̈ ܘ‬ ̈ , ,‫̈ ܝ‬ ̈
« … mais tu as placé la pénitence pour moi, pécheur, car j’ai péché plus que le
nombre [de grains] de sable de la mer. Mes péchés se sont multipliés, Seigneur,
ma méchanceté et mes péchés se sont multipliés… »
La deuxième lecture donne une autre structure et puis une autre traduction :
, ‫̣ ܕ‬ ‫ܕ‬ ̣ ‫ܕ‬ . ‫ܕ‬ ‫̣ ܬ ܬ‬ ‫ܐ‬...
. ̈ ‫̈ ܘ‬ ̈ , ,‫̈ ܝ‬ ̈
« … mais tu as placé la pénitence pour moi, pécheur. Puisque j’ai péché plus du
nombre [de grains] de sable de la mer, mes péchés se sont multipliés, Seigneur,
ma méchanceté et mes péchés se sont multipliés… » 11
Les deux interprétations sont possibles, mais la deuxième est préférable par
l’organisation générale du discours : la conjonction ‫ܕ‬ « puisque » signale le
début d’une nouvelle section, qui répète quelques fois cette conjonction. Le verbe
« j’ai péché » est répété deux fois plus tard dans le verset 12, confirmant l’unité
de la section. Donc, il semble qu’en effet le verset 9 commence une nouvelle section.
De plus l’association du syntagme ‫ܕ ̣ ܕ‬ « plus du nombre
[de grains] de sable de la mer » est ambiguë dans la version B : soit il est associé en
avant avec la proposition ‫̈ ܝ‬ ̈ « mes péchés se sont multipliés » (comme dans
la version A), soit il est associé en arrière avec la proposition ̣ ‫ܕ‬ « puisque
j’ai péché ». Les deux interprétations sont possibles du point de vue sémantique et
stylistique, bien que le parallélisme avec la version A confirme la première. Cependant,
la deuxième interprétation (qui est d’ailleurs choisie pour les deux traductions ci-
dessus), est confirmée par la ponctuation de la version B (une pasoqa après le syntagme
et non après). De plus, cette interprétation donne un parallélisme habile entre la
proposition ‫̈ ܝ‬ ̈ et la proposition suivante ̈ ‫̈ ܘ‬ ̈ « ma méchanceté
et mes péchés se sont multipliés ». La transition entre les sections 3 et 4 est présentée
d’une façon schématique dans le tableau ⒊7. Notez que quelques propositions sont
omises.
9. Clairement, du point de vue discursif, la proposition est liée en arrière et en avant. Cependant,
l’analyse se base sur la dépendance syntaxique.
10. Notez que la ponctuation traditionnelle est remplacée par une ponctuation moderne pour mar-
quer plus clairement les deux différentes interprétations. En effet, la ponctuation traditionnelle, un
taḥtaya après la première proposition et un pasoqa après la deuxième, semble confirmer la première
lecture.
11. Parmi d’autres cas de propositions circonstancielles de ‫ܕ‬ on peut nommer quelques
exemples du livre de Loi des Nations, comme le verset 542 : ‫ܘܢ ܐܦ‬ ‫ܬ‬ ‫ܕܗ‬
« Puisqu’ils n’ont pas de foi, ils ne peuvent pas être convaincus » (ed. Drijvers p. 8,
lines 18–19) et verset 543 ‫ܘܢ‬ ‫ܕ ܗ ܐ‬ ‫ܐܦ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ ܦ‬ ‫ܘ‬
« et puisqu’ils doutent encore à propos de Dieu, ils n’ont pas aussi la crainte de Dieu. » Ces exemples
sont la contribution de D. Bakker.
S  59

V. Version A Version B
7b ‫ܐ‬ ‫ܗ‬ ‫ܐ‬

... ‫ܬ‬ ‫ܐ‬ ... ‫ܬ‬ ‫ܐ‬


8 ‫ܗ‬ ‫ܐ‬ ‫ܗ‬ ‫ܐ‬
... ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬ ... ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬
... ‫ܬ‬ ‫ܬ‬ ̣ ‫ܐ‬ ... ‫ܬ‬ ‫ܬ‬ ̣ ‫ܐ‬
9a ... ‫ܕ‬ ̣ ‫ܕ‬
...
9b ‫܁‬ ‫ܘܗ‬
... ̣
10 . . .‫ܬ‬ ̇‫ܕ‬
... ‫̈ ܝ‬ ‫ܕ ̈ ܬܝ ܘ‬
12 ... ̇ ...

T ⒊7: La limite entre sections 3 et 4

⒊6 L’   9–10

Le tableau ⒊7 montre clairement, qu’une discordance d’alignement entre les deux


versions se trouve à l’alentour du verset ⒐ Cette discordance peut être analysée de deux
façons. La première est de comparer les deux versions linéairement, sans permettre
aucune transposition. Cet alignement est présenté dans le tableau ⒊8. Les ajouts
sont signalés par un signe d’addition + (et parfois soulignés quand ils font partie
d’une ligne). Les cellules divisent les textes en unités majeures, identiques à celles du
tableau ⒊9, qui suit. Selon cette approche, il y a 56 mots orthographiques qui sont
considerés comme des ajouts. 12
Une autre option est de voir les deux versions comme des transpositions du même
texte de base. Dans le tableau ⒊9, le texte de la version B est donné dans son propre
ordre, tandis que dans la colonne de la version A, les correspondances sont données.
Les transpositions entre les cellules sont marquées par des flèches. Les ajouts sont
marqués par le signe d’addition + (et parfois soulignés). Dans cette approche, il y a 29
mots orthographiques qui sont considérés comme des ajouts. Donc, les transpositions
réduisent presque la moitié des ajouts.
12. Pour le parallélisme entre les deux dernières propositions de chaque version voir la section ⒉⒈2.
‫‪S ‬‬ ‫‪60‬‬

‫‪V.‬‬ ‫‪Version A‬‬ ‫‪Version B‬‬


‫‪9a‬‬ ‫ܕ‪-‬‬ ‫̣‬ ‫ܕ‬ ‫‪+‬‬
‫ܕ‬ ‫‪.‬‬ ‫̣ ܕ‬ ‫ܕ‬ ‫‪+‬‬
‫ܝ‪.‬‬ ‫̈‬ ‫̣‬ ‫̈ ܝ‬ ‫̈‬
‫‪+‬‬
‫‪+‬‬ ‫̈ ܘ ̈ ‪.‬‬ ‫̈‬
‫ܘ‬ ‫ܐ‬ ‫̇‬ ‫ܘ‬
‫ܕ‪-‬‬ ‫ܕ ܨܕ‬ ‫‪+‬‬
‫̈‬ ‫ܐܪ‬ ‫‪.‬‬ ‫ܪܘ ̇ ܕ‬ ‫ܘ ̇‬
‫ܕ ̇ ̈ ‪.‬‬ ‫ܘܪܘ‬ ‫ܕ ̈‬
‫‪9b+‬‬ ‫܁‬ ‫ܘܗ‬
‫‪+‬‬ ‫ܐ ‪.‬‬ ‫̣‬
‫‪+‬‬ ‫ܕ ̇ ܐ‬ ‫ܘ‬
‫‪+‬‬ ‫ܐ‬ ‫ܐ‬ ‫ܦ ̣ܐ ‪ .‬ܕܗ‬ ‫̇‬
‫‪10‬‬ ‫̣ ܐ‬ ‫ܘ‬ ‫ܐ‬
‫ܘܪ ̣‬ ‫ܕ‬ ‫‪+‬‬
‫̇‬
‫ܕ ܙ̣ ܁‬ ‫ܕ‬ ‫‪.‬‬ ‫ܕ ܙ‬ ‫̈ ܪ‬ ‫ܕ‬
‫‪+‬‬ ‫‪.‬‬ ‫ܪ‬ ‫ܐܪ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ‬
‫ܐ‬ ‫̇‬ ‫ܐ‬ ‫ܐ‬ ‫̇‬ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬
‫ܕ‪-‬‬ ‫ܕ ܬܗ̇‬ ‫‪+‬‬
‫̈‬ ‫ܐܪ‬ ‫‪.‬‬ ‫ܘ ܪ‬
‫‪+‬‬ ‫ܪ‬ ‫ܘ‬
‫‪+‬‬ ‫‪.‬‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬ ‫ܪܘ‬ ‫̇‬ ‫ܘ‬
‫‪+‬‬ ‫܁‬ ‫ܕܘ‬ ‫ܬ‬ ‫ܕ‬
‫‪.‬‬ ‫̇ ܝ‬ ‫̈ܝ‬ ‫ܕ ̈ ܬܝ ܘ‬ ‫‪+‬‬
‫ܬ ‪.‬‬ ‫ܐ‬ ‫ܘ‬ ‫‪+‬‬
‫ܕ‪-‬‬ ‫ܕ‪-‬‬
‫ܟ‪.‬‬ ‫ܐܪ ܬ‬ ‫‪+‬‬
‫̣‪.‬‬ ‫̇ ܬ‬
‫̈‬ ‫̇ ܬ‪.‬‬ ‫ܕ ̣‬ ‫ܘ‬ ‫‪+‬‬
‫‪+‬‬ ‫ܟ‪.‬‬ ‫ܘ ܪ ܬ‬
‫ܘ ̇‬ ‫ܬ ܨ‬
‫ܬ‬ ‫̇‬ ‫ܘ ̇‬ ‫̈‬ ‫̇ ܬ‬ ‫ܘ‬
‫̣‬

‫)‪T ⒊8: Versets 9–10 (alignement linéaire‬‬


S  61

V. version A version B V.
9 ‫ܕ‬ ̣ ‫ܕ‬ + 9
‫ܕ‬ . ‫̣ ܕ‬ ‫ܕ‬
.‫ܝ‬ ̈ ̣ ‫̈ ܝ‬ ̈
+ ‫ܘܗ‬
‫܁‬
+ . ‫ܐ‬ ̣
+ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܕ‬ ‫ܘ‬
+ . ‫ܦ ̣ܐ‬ ̇
+ ⇑ ‫ܐ‬ ‫ܕܗ ܐ‬
⇓1 ⇐ (. . .)
+ ̈ ‫ܕ ܪ‬
. ̈ ̇‫ܕ‬ . ̈ ‫̈ ܘ‬ ̈
10 ‫ܐ‬ ̇ ‫ܐ‬ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘ‬
+ ̈ ‫ܕ ܪ‬ -‫ܕ‬
‫ܪ‬ ‫ܘ‬ ‫ܐܨܕ‬
. ‫̇ܗܘ ܕ‬ ‫ܪܘ‬ ̇ ‫ܘ‬ . ‫ܪܘ ̇ ܕ‬ ̇ ‫ܘ‬

‫܁‬ ‫ܕܘ‬ ‫ܬ‬ ‫ܕ‬ ‫ܘܪܘ‬ ̈ ‫ܕ‬



⇓2 ‫ܐ‬ ̣ ‫ܘ‬ ‫ܐ‬ 10
̣ ‫ܕ ܘܪ‬ +
̇
‫ܕ ܙ̣ ܁‬ ‫ܕ‬ . ‫ܕ ܙ‬ ‫̈ ܪ‬ ‫ܕ‬ +
‫ܕ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬
̇
‫ܬܗ‬ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬ ̇
+ . ‫ܪ‬ ‫ܐܪ‬ . ‫ܪ‬ ‫ܘ‬
‫ܕ ̈ ܬܝ ܘ‬
‫̈ܝ‬ +
. ‫̇ ܝ‬ +
⇒3 ‫ܘ‬ . ‫ܐ ܬ‬ ‫ܘ‬ +
⇑ .‫ܟ‬ ‫ܬ‬ ‫ܘ ܪ‬ .‫ܟ‬ ‫ܐܪ ܬ‬ ‫ܕ‬ +
⇓4 ‫܉‬ ̈ ‫ܕ̇ ܬ‬ .‫ܬ‬ ̇ ̣ ‫ܕ‬ ‫ܘ‬ +
̇ ‫ܘ‬ ‫ܬ ܨ‬
‫ܬ‬ ̇ ̇ ‫ܘ‬ ̈ ‫̇ ܬ‬ ‫ܘ‬
̣

T ⒊9: Versets 9–10 (transposés)

La réduction des ajouts est faite par une transposition majeure, celle qui est mar-
quée par le numéro ⒉ De plus, au lieu de mettre en parallèle A ̈ ‫ܐܪ‬
̈ ̇‫ܕ‬ « (je n’ai pas le courage) de lever ma tête à cause du nombre de mes
iniquités » et B ‫ܪܘ ̇ ܕ‬ ‫ܐ‬̇ « (je ne suis pas digne) à voir la profondeur du
ciel », la proposition A est mise en parallèle à B ̈ ‫̈ ܘ‬ ̈ « mes méchancetés
S  62

et péchés se sont multipliés ». En effet, cette manœuvre met en parallèle une propo-
sition de la version B et un circonstant de la version A. La transposition numéro 1 a
pour seul effet d’aligner la vocation du Seigneur dans les deux versions.
Un parallélisme plus incertain est celui-ci, marqué par le numéro 3, entre A ‫ܘ‬
« et je n’ai pas le courage » et B ‫ܐ ܬ‬ ‫ « ܘ‬et, donc, je n’ai
pas un remède », qui apparaît un verset plus tard (verset 10), selon l’ordre linéaire.
Ils sont quand même mis en parallèle à cause de leur construction similaire. 13 La
transposition numéro 4, par contre, est une transposition locale et claire. 14
En conséquence, il semble que les deux versions soient plus similaires qu’on pour-
rait le penser à première vue. Ainsi, ̈ ‫̈ ܘ‬ ̈ « Seigneur, mes mé-
chancetés et péchés se sont multipliés » qui selon l’alignement linéaire n’est pas un
parallèle dans la version A, était vu comme une évidence pour l’indépendance de la
version B. 15 De même, la « répétition » 16 ‫ܪ‬ ‫ܐܪ‬ ‫ܕ‬ ‫ « ܐ‬de sorte
que je ne puis pas lever ma tête en haut » n’a pas de parallèle dans la version B selon
l’alignement linéaire, mais il en a un selon l’alignement transpositionnel.
Cette discussion montre l’importance de la comparaison non-linéaire en plus de
la comparaison linéaire. 17 Une autre méthode de comparaison non-linéaire, qui n’est
pas basée sur la comparaison de syntagmes, est de compter les lexèmes seuls dans
les deux versions, selon les principes de la section ⒉2. Les résultats du comptage de
lexèmes, conduit sur ces deux versets dans les deux versions, sont présentés dans le
tableau ⒊10. 18

Version Lexèmes Spécifiques


A 53 (100%) 16 (30%)
B 58 (100%) 21 (36%)

T ⒊10: Comptage des lexèmes (versets 9–10)


13. D’ailleurs, dans la version grecque, le verset 10 a la proposition « et je n’ai pas un soulagement »
comme une alternative à « je ne suis pas digne de lever mes yeux » (Charlesworth 1983–1985 : 636,
note k2), c’est qui est similaire à la version B.
14. Ici aussi l’ordre de la version B est en accord avec celui de la version grecque. Charlesworth
(1983–1985 : 636, note p2) le voit comme une « inversion » par rapport à la version grecque puisqu’il
traduit la version A.
15. Cf. par exemple Borbone (1999 : 548, note 5). Charlesworth (1983–1985 : 636, note c2) le voit
comme un ajout de la version grecque par rapport à la version syriaque, puisqu’il ne prend pas en
compte la version B. En général, il semble que la version B soit plus similaire à la version grecque dans
ces versets.
16. Borbone (1999 : 548, note 5).
17. Cette conclusion apparaît dans d’autres projets de recherche qui sont basés sur la même approche
théorique. Voir par exemple la comparaison de l’histoire du siège de Sanchérib sur Jérusalem dans le
livre des Rois et le livre des Chroniques (Peursen et Talstra 2007).
18. Le comptage des mots donne des résultats similaires : 28% de mots spécifiques à la version A
et 32% à la version B.
S  63

Bien entendu, un tel comptage est problématique pour un passage si court et


les inférences qu’on peut en tirer sont à prendre avec des pincettes. Cependant, une
comparaison des résultats dans le tableau ⒊10 avec le tableau ⒉5 (p. 51) semble
indiquer que la variation lexicale dans ces deux versets est plus élevée que la variation
lexicale moyenne du texte entier. En effet, la proportion du vocabulaire partagé de
ces deux versets (37 lexèmes) et le vocabulaire unifié est exactement la moitié (½),
tandis que cette proportion pour tout le texte est d’environ 65%. Pour tout dire, ces
deux versets sont responsables en grande partie de la diversité lexicale du texte entier.
Parmi les 25 lexèmes spécifiques à la version A, 11 (44%) apparaissent dans ces deux
versets. De même, 13 des 36 (36%) des lexèmes spécifiques à la version B0 (B sans la
suscription) viennent des versets 9–10
En conclusion, les transpositions permettent de réduire la différence entre les
deux versions dans cette section, bien qu’il ne résolve pas tous les ajouts, notamment
le paragraphe qui commence par ‫ « ܘܗ‬et maintenant ». Par ailleurs, cette section
reste quand même l’un des principaux points de divergence entre les deux versions,
comme le montre le comptage des lexèmes.

⒊7 L     5

La cinquième section montre un parallélisme strict entre les deux versions. Il


commence avec un impératif ‫ܩ‬ « pardonne ! » et se développe d’une façon parallèle
dans les deux versions. L’analyse hiérarchique diverge aussi ici par rapport à une
analyse thématique. Le fait qu’une nouvelle section commence ici est signalé par des
marques linguistiques et stylistiques : le changement de sujet grammatical (de la 1re à
la 2e personne), l’adresse direct par l’impératif et la construction asyndète. Pour cela,
cette section est traitée ici comme une section indépendante de celle qui précède. 19
La différence principale entre les deux versions provient de l’utilisation différente
des conjonctions. Cependant, ces différences ne changent pas d’une façon dramatique
la structure hiérarchique. Comme le tableau ⒊11 montre, la version A se divise en
cinq unités majeures, ou paragraphes, tandis que la version B en comporte quatre.
Les conjonctions différentes sont soulignées.
Le dernier paragraphe de la version B devrait peut-être être fusionné avec le
paragraphe précédent, puisqu’il commence avec la conjonction ‫ « ܘ‬et » (de même que
le ‫ ܘ‬au début du verset 14 n’ouvre pas un nouveau paragraphe, mais plutôt un sous-
paragraphe).
Comme discuté dans la section ⒇, le deuxième paragraphe contient dans chaque
version une proposition que partage la négation avec la proposition précédente, mais
cette proposition est différente dans chaque version.
19. En revanche, Charlesworth (1983–1985 : 625) prend les versets 11–13 comme une unité qu’il
nomme « supplication » (entreaty) ; de même, Oßwald (1974, 1977, 1983 : 20) agglomère les versets
11–14 et Ryle (1913 : 612) les verstes 11–⒖
‫‪S ‬‬ ‫‪64‬‬

‫‪V.‬‬ ‫‪Version A‬‬ ‫‪Version B‬‬


‫‪13‬‬ ‫ܩ‬ ‫ܩ‬

‫ܩ‬
‫‪...‬‬ ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬ ‫‪...‬‬ ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬
‫̣‪.‬‬ ‫ܬܪ‬ ‫ܘ‬ ‫ܬܪ‬ ‫ܘ‬
‫ܝ‪.‬‬ ‫̣̈‬ ‫ܬ‬ ‫ܘ‬ ‫̣ ̈ ܝ‪.‬‬ ‫ܘܬ‬
‫ܬ̇‬ ‫ܘ‬ ‫ܬ‬ ‫ܘ‬
‫ܘܬ‬
‫‪.‬‬ ‫̇ܗ ܕ ܪ‬ ‫̈‬ ‫‪.‬‬ ‫̈ ̇ܗ ܕ ܪ‬
‫ܗܘ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕܐ ܗܘ‬
‫ܕܬ ̈‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬
‫ܕܬ ̈‬
‫‪14‬‬ ‫̇‬ ‫ܐܦ ܗ‬ ‫ܐ‬ ‫̇‬ ‫ܘ‬
‫ܝ‬
‫ܬܟ‪.‬‬ ‫̇‬ ‫ܬܟ‪.‬‬ ‫̇ ̇‬
‫ܐ‬ ‫̇‬ ‫ܘ‬ ‫ܐ‬ ‫̇‬ ‫ܘ‬
‫̇ܩ ܐ‬ ‫̇ ܙܒ ܐ‬
‫‪15‬‬ ‫̇‬
‫ܐ‬ ‫ܕ‬ ‫̇‬
‫ܘܐ‬
‫ܘ‬
‫܉‪. . .‬‬ ‫‪. . ..‬‬
‫‪...‬‬ ‫̇‬ ‫ܕ‬ ‫‪...‬‬ ‫̈‬ ‫ܗܘ‬ ‫ܕ‬
‫ܘ‬ ‫‪...‬‬ ‫ܗܝ ܬ‬ ‫ܘܕ‬
‫܀‬ ‫ܘ‬ ‫ܘ‬

‫)‪T ⒊11: Section 5 (versets 13–15‬‬


C 4

L V D  A M

Les chapitres précédents ont été consacrés à la comparaison du texte principal de


l’édition de la Peshitta de Leyde (voir la section 0.3). Cependant, l’apparat critique
contient les diverses variantes qui apparaissent dans les autres manuscrits, liés aux ver-
sions A ou B (voir le tableau 1). Ce chapitre discute de ces manuscrits et des variations
qui y sont présentes. Celles-ci sont intéressantes pour deux raisons principales :
– La nature des variations entre les manuscrits supplémentaires et le texte prin-
cipal n’est pas très différent de la nature des variations entre les versions A et
B.
– Parfois, les manuscrits liés à la version B montrent une affinité avec la version A
et vice versa. Dans quelques cas, ceci est instructif pour la nature des différences
grammaticales entre les deux versions. 1
Ces deux faits, illustrés ci-dessus, mettent en question la ligne de démarcation
nette faite dans l’apparat critique entre les deux versions et leurs textes-témoins et
aussi la position privilégiée des deux textes principaux. Le deuxième point, en par-
ticulier, indique qu’il y a eu une influence mutuelle continue entre les deux familles
de manuscrits. Ceci, à son tour, nous permettrait de mieux comprendre les relations
complexes entre les deux versions principales.

⒋1 S       

En plusieurs endroits, un manuscrit de l’une des « familles de manuscrits » (A


ou B) a une construction différente de son texte principal (la version A ou B, res-
pectivement), mais curieusement, est similaire au texte principal de l’autre version.
Ces « similarités croisées » se trouvent dans tous les domaines de la grammaire. Dans
quelques cas, les manuscrits utilisent exactement la même formulation que l’autre
texte principal, mais, la plupart du temps, seulement une construction grammaticale
ou une notion sémantique similaires sont utilisées. Dans ces cas, il n’est pas clair s’il
s’agit d’une vraie influence de l’autre version, ou plutôt d’une coïncidence aidée par
les moyens syntaxiques limités de la langue.
1. Cf. par exemple les notes 11, 28 et 80 dans le chapitre 1.

65
L V D  A M 66

Le tableau ⒋1 donne les cas de similarités syntaxiques entre les manuscrits sup-
plémentaires de la version A (« la famille A ») et le texte principal de la version B. De
la même façon, le tableau ⒋2 donne les similarités syntaxiques entre la famille des
manuscrits B et le texte principal de la version A. Dans les deux tableaux, les variantes
sont classifiées selon le nom de la section où la différence entre les versions princi-
pales a été discutée dans le chapitre . Pour chaque cas le tableau donne le nombre
d’exemple où cette différence est discutée. Les tables ⒋3 et ⒋4 donnent les similarités
croisées dans les domaines lexicaux (voir le chapitre 2) ou discursifs (voir le chapitre
3).
L V D  A M 67

Domaine Variante Manuscrits Voir exemple


grammatical
La construction ‫ܟ‬ ‫ܟ ܘܪܘ‬ 13D1
génitive ⑷ (p. 16) 2
‫ܕ‬ ‫ܪܘ‬ 14/8a1
⑺ (p. 17)
Appositions ‫ܐ‬ 16g7
⒂ (p. 20)
‫ܘܢ‬ ‫ܙܪ‬ ‫ܘܕ‬ 14/8a1
⒂ (p. 20)
Modes ‫ܬܟ‬ 14/8a1
⒅ (p. 25)
Négation des ‫ܘܬ‬ (10–19)D
propositions (21)
Compléments et ‫ܗܡ‬ 14/8a1, 16g7
objets (28) (p. 30)
‫ܐܦ‬ omnes-17a6–9
(32) (p. 31)
Propositions 14/8a1, 16g7
impersonnelles (33) (p. 32)
Propositions ‫ܡ‬ ‫ܕ‬ 17a6-9, 16D2
subordonnées (41) (p. 37)
... ‫ܐ‬ ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬ 16g7
(42) (p. 37)
... ‫ܘܬ ܒ‬ 14/8a1
(42) (p. 37)
‫ܕ‬ ‫ܐ‬ 14/8a1
‫ܪ‬ ‫ܕ ܪ‬ ‫ܐ‬ (43) (p. 38) 3
Les conjonctions ‫ܕܐ‬ 14/8a1
(54) (p. 40)
‫ܕ‬ ‫ܘ‬ Tous D
(56) (p. 41)

T ⒋1: Similarités syntaxiques entre la famille A et la version B

2. On remarque que la construction génitive est la même que dans la version A. Seulement l’ordre
des mots correspond à la version B.
3. Ceci confirme l’alignement de A ‫ܕ‬ ‫ ܐ‬et B ‫ܕ‬ ‫ܐ‬. Cf. la table ⒊9 (p. 61).
L V D  A M 68

Domaine Variante Manuscrits Voir exemple


grammatical
La construction ‫ܕ‬ ‫ܕ‬ omnes 4
génitive ⑹ (p. 17)
Appositions ‫ܘܢ‬ ‫ܘܕܙܪ‬ omnes-13H5
⒂ (p. 20)
Modes ‫ܝ‬ ̇ omnes
⒅ (p. 25) 5
Négation des ( ) ‫ܬ‬ ‫ܘ‬ omnes-13H5
propositions (21) (p. 26) 6
Compléments et ‫ܐ ܬ‬ omnes
objets (24) (p. 28)
‫ܕ‬ omnes
(29) (p. 30)
13H2–6, 15H2
(30) (p. 30)
‫̈ܝ‬ ‫ܘ‬ omnes-13H1
‫ܥ‬ /‫ܘܢ‬ (26) (p. 29)
‫ܐ‬
Propositions ‫ܬ‬ ‫)ܐ( ܪ‬ omnes-13H5
impersonnelles (33) (p. 32)
‫ܬ‬ ‫ܘ‬ omnes-13H5
(34)
Propositions ‫ܕ‬ omnes
nominales (40) (p. 36)
Propositions ‫ܡ‬ ‫ܕ‬ 13H4, 15H2
subordonnées (41) (p. 37)
̇ ‫( ܕ‬ ‫)ܘ‬ omnes
‫̈ ܬ‬ ‫ܐ‬ (42) (p. 37)
Les conjonctions ‫)ܘ(ܐܦ‬ omnes-13H5
(55) (p. 41)
( ) ‫ܕ ܘܕ‬ ‫ܐ‬ 13H1–⒋6, 15H⒈2
‫ܘ‬ (56) (p. 41)
‫ܕ‬ ‫ܐ‬ 13H5
(56) (p. 41)

T ⒋2: Similarités syntaxiques entre la famille B et la version A


4. C’est-à-dire toute la famille B. Voir la table 1.
5. Quelques manuscrits utilisent plutôt l’ordre vocatif-impératif. Par ailleurs, les manuscrits
13H⒈2 emploient « Seigneur » comme vocatif. Tous les manuscrits de la famille B omettent
le pronom de 2e personne ‫ܐ‬.
6. Seul le manuscrit 15H1 ajoute l’objet . Voir aussi l’exemple (31) (p. 30).
L V D  A M 69

Domaine Variante Manuscrits Voir exemple


grammatical
Lexique ‫ܙ ܥ‬/ ‫ܙ‬ omnes
‫ܐܪܬ‬/‫ܘܪ ܬ‬ ⑴ (p. 45)
‫ܐ‬ omnes table ⒉1 (p. 44) 7
̇ ‫ܘ‬ omnes t. ⒉4 (p. 50) 8
Structure discursive ‫ܕ‬ 13H4, 15H1 t. ⒊6 (p. 57)
(‫ܕ‬/‫)ܘ‬ ̈ ‫ܕ ܪ‬ omnes-13H5 t. ⒊9 (p. 61)
‫ܐ ܪ ܘ‬
‫ ܐ‬omitted 13H2 t. ⒊1 (p. 54)

T ⒋3: Autres similarités entre la famille B et la version A

Domaine Variante Manuscrits Voir exemple


grammatical
Lexique ‫ܘ‬ ‫ܪܘ‬ 16g7
⑵ (p. 45)
‫ܪܘ‬ 14/8a1
‫ܘ‬ ⑵ (p. 45)
Structure discursive ‫ܪ‬ ‫ܘ‬ ‫ܕ ܪ‬ 14/8a1 t. ⒊9 (p. 61) 9
‫ܘ‬ ‫ܕ ܪ‬ 16g7 t. ⒊9 (p. 61)
‫ܐ‬ 14/8a1 t. ⒊1 (p. 54)

T ⒋4: Autres similarités entre la famille A et la version B

7. Le verbe « supplie » est ajouté deux fois dans la plupart des manuscrits. Les manuscrits
13H1–5 l’ajoutent soit avant soit après le verbe « implore ». Tous les manuscrits, sauf le 13H5,
l’ajoutent aussi dans le verset 13, soit au lieu du verbe ‫ « ̇ ܠ‬demande » soit au lieu de « implore ».
8. On remarque que le verbe spécifique à la version B ‫ « ܐ‬je te exalterai » est omis dans les
manuscrits supplémentaires.
9. Cette variante et la suivante, qui remplace le texte principal du verset 10 ‫ܪ‬ ‫̈ ܘ‬ ‫ܕ ܪ‬
̇ ‫ « ܘ‬de lever mes yeux et de regarder et de voir » confirment l’alignement transpositionnel : la
variante de la famille A ‫ܪ‬ ‫ܘ‬ ‫ « ܕ ܪ‬de lever mes yeux et de regarder » ne contient que
deux verbes, comme son parallèle dans le texte principal de B ̇ ‫ « ܕ ܨܕ ܘ‬de regarder et de voir »
(donc, on fait l’économie d’un ajout par rapport au texte principal de la version A). En revanche, selon
l’alignement linéaire, on ne devrait avoir qu’un verbe dans A, en parallèle à B ‫ « ܕ ܪ‬de lever
mon âme ».
L V D  A M 70

⒋2 A 

La section ci-dessus a présenté les variantes qui se trouvent aux points où les deux
textes principaux sont en désaccord. Les tableaux qui suivent, en revanche, examinent
quelques cas de variation qui se trouvent dans des endroits où les textes principaux ne
diffèrent pas, ou dont la différence est d’un autre type. Autrement dit, ceux-ci sont des
variantes qui ne peuvent pas être liées à une influence de l’autre famille des manuscrits.
Comme avant, les variations sont classifiées selon leur domaine grammatical, dans
la mesure où une telle classification est possible. Puisque les textes principaux ne
diffèrent pas nécessairement sur ces points, les tableaux donnent aussi le texte de la
version principale concernée. Le tableau ⒋5 donne la variation syntaxique dans la
famille A des manuscrits tandis que le tableau ⒋6 (p. 72) la donne pour la famille
B. Le tableau ⒋7 donne ensuite d’autres variations de nature lexicale qui se trouvent
dans la famille B des manuscrits.
L V D  A M 71

Domaine Variante Manuscrits Texte principal (A) V.


grammatical
Formation ‫ܕ‬ 10D1, 16D⒈2, ̣ ‫ܕ‬ 3
vocalique 18D1, 19D⒈2
La construction ‫ܕ‬ ̈‫ܕ‬ 19D⒈2, 20D2 ̈‫ܕ‬ 6
génitive
14/8a1, 16g7 ‫ܗܝ ܕ‬ 11
Syntagmes ‫ܨ ܗܘܢ‬ ‫ܘ‬ 14/8a1 ‫ܨ ܗܘܢ‬ 2
prépositionnels
‫ܡ‬ 16D2 10 ‫ܡ‬ 4
Appositions ‫ܐ ܗܡ‬ 19D⒈2, 20D2 ‫ܐ ܗܡ‬ 8
‫ܢ‬ ‫ܘ‬ 19D⒈2, 20D2 ‫̇ܗ ܢ‬ 8
14/8a1 , 16g7 ̇ ‫ܕ‬ 8 11
‫ܐ‬ 14/8a1, 16g7, 9
19D⒈2, 20D2
‫ܝ‬ ‫ܐ‬ 14/8a1 13
Compléments et ‫ܘ‬ 14/8a1 ‫̇ܩ ܐ‬ 14
objets
Les conjonctions 18D1 ‫ܕ‬ 5 12
‫ܘܕ‬ 19D⒈2, 20D2 ‫ܕ‬ 6
‫ܘ‬ 10D1, 16D⒈2, ‫ܐ‬ 7
18D1
‫ܘܗ‬ 14/8a1, 16g7 ‫ܕܗ‬ 9
‫ܕ ܪܕܙܬ‬ 14/8a1 ‫ܘ ܪܕܙܬ‬ 10
‫ܕ‬ Tous D sauf 20D2 14

T ⒋5: Variation dans la famille A

10. Cette variante est corrigée dans le manuscrit.


11. Il est intéressant de noter que quelques manuscrits de la famille A omettent aussi le mot ‫ܕ‬,
et ont ainsi la même variante. Il est difficile de déterminer si cette omission est un développement
indépendant ou est lié à une influence mutuelle entre les deux familles de manuscrits.
12. Cette variante change la limite de la première section de la Prière ; voir la section ⒊3.
L V D  A M 72

Domaine Variante Manuscrits Texte principal (B) V.


grammatical
Formation ̈ ‫ܘܬ‬ ̈‫ܕ‬ omnes-13H5 ̈ ‫ܕ‬ 7 13
vocalique ‫ܬܟ‬
Syntagmes ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܘ‬ 15H1 ‫ܗ‬ ‫ܐ‬ 8
pronominaux ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬
La construction ‫ܕ‬ ‫ܕ‬ omnes-13H5 ‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬ 4 14
génitive
‫ܕ‬ ‫ܕ‬ 15H1 ‫ܟ‬ ‫ܕܬ‬ 5
‫ܬ‬ 13H⒉⒋5, 15H2 ‫ܘܢ ̈ ܬ‬ 15
Syntagmes ‫)ܠ(ܐ ܗܡ‬ omnes ‫ܗܡ ܘ‬ 8 15
prépositionnels ‫ܒ‬ ‫ܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܒ‬ ‫ܘ‬
̈ ‫ܬ‬ omnes-13H6 ‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ̈ 15 16
Appositions ‫ܐ‬ 13H⒈⒊6, 15H1 7
‫ܘܢ‬ (‫)ܘ‬ omnes-13H3 ̈ ‫̈ ܘܢ‬ 15 17
Propositions ... omnes voir ex. (35) (p. 33) 6
Nominales et note 84
‫ܐ‬ omnes voir ex. (37) (p. 33) 7
‫ܐ‬
Les conjonctions omnes voir ex. (35) (p. 33) 6
et note 84
‫ܗ‬ ‫ܘ‬ 13H1 ‫ܐ ܗ‬ 7
‫ܐ‬ 13H4, 15H2 ‫ܐ ܗ‬ 7
‫ܬ‬ (‫)ܘ‬ 13H⒈⒋5, 15H1 ‫ܬ‬ 10 18
(‫)ܕ‬ omnes-13H2 ‫ܘ‬ 14 19

T ⒋6: Variation syntaxique dans la famille B

13. On remarque la similarité à la version A : ̇ ‫ܕܬ‬.


14. On remarque la similarité lexicale à la version A.
15. La première préposition ‫ ܠ‬est omise seulement dans le manuscrit 15H1, marquant le syntagme
comme une apposition nette au substantif ̈ ‫ܙܕ‬.
16. Le manuscrit 13H6 ajoute une particule de liaison génitive ‫ ܕ‬donnant ainsi le syntagme douteux
̈ ‫ ̈ ܬ ܕ‬, par analogie au texte principal de la version B.
17. Tous les manuscrits omettent la préposition ‫ « ܒ‬dans », mais seul le manuscrit 13H3 ajoute la
conjonction ‫ « ܘ‬et », annulant ainsi l’apposition à « toujours ».
18. Les manuscrits 13H1 et 15H2 n’ont pas la conjonction initiale ‫ܘ‬.
19. Les manuscrits 13H⒊4 n’ont pas la conjonction de subordination ‫ܕ‬.
L V D  A M 73

Domaine Variante Manuscrits Texte principal (B) V.


grammatical
Lexique omnes ‫ܘܪܘ‬ ̈ 9 20
omnes ‫ܬ‬ ‫ܐ‬ 10 21

T ⒋7: Variation lexicale dans la famille B

20. La variante est un lexème spécifique à la famille B. Voir la section ⒉2.


21. Le manuscrit 13H5 a la variante ‫ܐ ܬ ܕ‬.
C

⒌1 M  ’ 


5.1.1 L’analyse indépendante des versions syriaques

La plupart des études de PrMan, y compris les traductions modernes, prendront


les versions grecques de PrMan comme les versions principales et plus importantes, et
citent les variantes syriaques pour confirmer ou ébranler une certaine lecture grecque.
Le but de ce mémoire, cependant, est l’analyse indépendante des versions syriaques.
Les textes syriaques ont été comparés entre eux sans évaluer leurs différences par
rapport aux versions grecques. De cette façon, la comparaison est robuste et exhaustive
et n’est pas réduite à une comparaison sélective avec les versions grecques. Ce type
de comparaison nous permet de nous centrer sur la variation grammaticale et lexicale
syriaque, élargissant ainsi notre compréhension non seulement du rapport interne
entre les manuscrits syriaques, mais aussi du système linguistique syriaque (voir la
section ⒌⒈4.)

5.1.2 Les deux versions comme deux témoins égaux

La traduction annotée de Charlesworth (1983–1985) suit en général le manuscrit


9a1 (la version A). Cependant, dans la traduction du verset 13, il préfère la lecture de
la version B ‫ܩ‬ ‫ܩ‬ « Pardonne-moi, Seigneur, pardonne-moi » à la
version A ‫ܩ‬ « Pardonne-moi, Seigneur », en expliquant que la répétition
doit être préférée pour des raisons du style de la prière. 1 Sans discuter de la validité
de cet argument, l’habitude générale de suivre seulement une version est redoutable,
puisqu’il n’y a pas une raison inhérente à donner la priorité à l’une des deux versions.
En effet, quelques observations de Charlesworth sont valables seulement en igno-
rant la version B. 2 Par exemple, il écrit que dans le verset 4 apparaît pour la première
fois le pronom personnel de la 2e personne, mais ceci est vrai seulement dans la
1. Charlesworth (1983–1985 : 637, note z2) : « The repetition throughout the PrMan suggests
that the reading in MS 10t1 should be preferred. This choice breaks our usual custom of following
only the reading of 9a⒈ »
2. Ceci est vrai aussi de Nau (1908), mais il semble que Nau ne connaissait pas la famille B des
manuscrits.

74
C 75

version A. 3 Au sujet du verset 5, où la version A a comme ajout le verbe « en-


dure (⒊sg.m) » Charlesworth (1983–1985 : 635, note m) écrit : « In Syr—but not in
Gr—5a and 5b are linked by different forms of the same verb (…). The Syr. of this
verse is superior to the Gr. » On note que cette remarque est applicable seulement
à la version A. La même chose est vraie pour sa remarque que les versets 9–10 sont
différents de la version grecque : en fait, c’est seulement la version A qui diffère de la
version grecque. 4
Malgré ces remarques, Charlesworth a le mérite d’avoir parfois pris en compte
la version B. D’autres auteurs ne le font pas du tout. Certains, comme Nau (1908)
ou Ryssel (1900) avaient publiés leur travaux bien avant la publication de l’édition
critique de Baars et Schneider (1972), mais d’autres auteurs l’ont ignorée même après
sa publication (voir par exemple Oßwald (1974, 1977, 1983)). Ces études, bien que
valables, ne nous donnent pas une vue complète des versions syriaques de PrMan. 5

5.1.3 L’analyse linéaire et le comptage du vocabulaire

L’analyse linéaire des parallèles est appropriée pour examiner dans quels endroits
les deux versions diffèrent et comment ces différences peuvent être expliquées. Par-
fois, ces différences reflètent une « variation libre » : constructions grammaticales qui
sont équivalentes du point de vue fonctionnel et sémantique, mais plus souvent les
différences font partie d’une « variation paradigmatique » (voir la section ⒌2). Par
contre, le comptage du vocabulaire (voir la section ⒉2) est abordé d’un point de vue
non-linéaire. Ainsi, ils peut révéler des accords entre les textes qui sont cachés par
des transpositions ou autres types de réorganisation textuelle.
Les deux approches ne diffèrent pas seulement par la façon dont elles traitent les
textes, mais aussi par la façon dont elles analysent le système linguistique, tel qu’il
est conçu dans la tradition structurale de la linguistique. L’approche linéaire s’occupe
directement de la parole, puisqu’elle analyse les textes dans leur axe syntagmatique –
comme une séquence de signes linguistiques. Par contre, l’analyse non-linéaire essaie
de dévoiler le système linguistique, la langue, d’une façon plus directe. Cette analyse
adresse directement la question du savoir linguistique nécessaire pour produire les
textes. Pour des raisons pratiques, dans cette étude l’analyse non-linéaire est limitée
au domaine lexical, mais en principe elle peut être élargie à tous les niveaux du système
linguistique, en tenant compte des constructions morphologiques et syntaxiques que
les textes emploient.
3. Voir la section section ⒈⒉1 (note 101).
4. Voir les notes dans la section ⒊6. En général, il semble que la version B soit plus proche des
versions grecques conservées aujourd’hui.
5. Par exemple, Ryssel (1900 : 618) explique ̈ ‫ « ̈ ܘܢ ܕ‬pour la vie des pécheurs » dans
le verset 7 de la version A comme une traduction libre de la version grecque εις σωτηρίαν « pour la
rédemption » en ignorant la version B qui donne un parallèle plus littéral ̈‫ܕ‬ ‫ܪ‬ « pour la
rédemption des pécheurs ».
C 76

5.1.4 L’analyse comparative comme la moyen d’enquête linguistique

Comme nous l’avons vu, l’analyse et la comparaison des versions syriaques peut
enrichir notre savoir de PrMan et sa transmission textuelle. Pourtant, comme cela a
été suggéré ci-dessus, l’étude des textes parallèles peut servir à une autre fonction :
enrichir notre savoir du système linguistique. Tel qu’expliqué dans la section pré-
cédente, les deux versions sont un exemple particulier de parole syriaque, qui nous
permet d’examiner la langue syriaque. Bien entendu, ceci est vrai pour chaque étude
de corpus, mais c’est particulièrement vrai pour une étude des textes parallèles, car
ces textes nous présentent, par définition, des cas de variations paradigmatiques :
deux environnements linguistiques (lexèmes, syntagmes, propositions ou discours)
quasi-identiques, qui diffèrent seulement par rapport à un ensemble limité de va-
riables linguistiques. Les deux expressions linguistiques qui varient sont dans une
relation paradigmatique l’une par rapport à l’autre, car elles ont le même « privi-
lège d’occurrence ». Ce type de variation est bien attesté quand plusieurs manuscrits
du même texte sont consultés, ce qui arrive, par exemple dans l’apparat critique de
l’édition de la Peshitta de Leyde, 6 et nous l’avons appelé dans ce contexte « équivalence
distributionnelle ».
Un principe général de la linguistique de corpus est de supposer qu’une varia-
tion en forme correspond à une variation sémantique. Ce principe tient aussi pour
les textes parallèles. Néanmoins, puisque nous savons que les deux textes souhaitent
exprimer la même idée, il est probable que quelques occurrences de variation for-
melle ne soient que de la « variation libre », c’est-à-dire deux formes linguistiques
qu’expriment exactement la même idée. Dans ces cas, on pourrait dire que les deux
expressions linguistiques ont un rapport d’« équivalence fonctionnelle ». Cependant,
ce terme doit être utilisé avec prudence, puisque le plus souvent, la variation formelle
correspond à une nuance sémantique subtile – elle est, par exemple, soit une nuance
de style soit une nuance de la structure informationnelle. Par exemple, l’emploi du
p.p.e. par rapport à la copule existentielle (voir la section ⒈⒊6) exprime peut être
une différence dans la structure informationnelle, en marquant le lieu du focus.

⒌2 L   

Au regard de la discussion précédente (la section ⒌⒈4), il n’est pas surprenant


que la plus grand part de la variation entre les deux versions puisse être classifiée
comme « variation paradigmatique » et dans quelques cas comme « variation libre ».
Parmi les occurrences de variation paradigmatique ou libre nous pourrions citer la
construction impersonnelle dans ses différentes manifestations (exemple (34))) ; les
phrases nominales tripartites ou bipartites (exemples (38) et (40)) ou avec la copule
6. Voir Peursen (2008).
C 77

existentielle ‫( ܐ‬exemple (35)) ; l’objet direct simple contre la construction de ca-


taphore pronominal (exemple (24)) ou l’objet introduit par Lamadh (exemple (25)) ;
la construction négative focale (avec ‫ܗܘ‬ ) contre la construction négative simple
(avec ; voir exemple (23)) ; l’utilisation des diverses conjonctions (voir la section
⒈⒊8) ; l’emploi des appositions (voir la section ⒈⒉5) ; et la construction génitive
morphologique ou syntaxique (exemples ⑶ et ⑷) ou bien « double » (exemple ⑸).
L’analyse du vocabulaire donne une conclusion similaire : la plupart des corres-
pondances sont entre des lexèmes quasi-synonymes. Même s’ils n’ont pas exactement
le même sens, ils peuvent faire partie du même paradigme sémantique.
En égard à ces variations paradigmatiques et libres, on peut se demander pourquoi
les deux textes (les versions A et B) sont vus comme deux versions différentes de
PrMan. Tenant compte du fait que le même type de variation est attesté dans les
autres manuscrits des autres livres de l’ancien testament de la Peshitta, pourquoi les
éditeurs de l’édition de la Peshitta de Leyde (Baars et Schneider) ont-ils décidé de
présenter les deux textes en deux colonnes différentes et non comme des variations
dans l’apparat critique ? 7 Les types de variants examinés dans le chapitre 4 ne donnent
pas une réponse claire, puisque la plupart des types de variations attestées entre les
deux versions sont aussi attestées comme des variantes internes à une famille des
manuscrits. Cependant, un regard plus profond montre que la variation interne (tables
⒋5 et ⒋6) est manifestée surtout dans le domaine de la syntaxe des syntagmes et non
de celle des propositions. Les variations de la syntaxe des propositions sont moins
nombreuses et apparaissent surtout comme partie de la variation entre les familles
des manuscrits (tables ⒋2 et ⒋1). 8 Donc, il semble que la variation entre les deux
versions principales soit plus « globale » (c’est-à-dire, dans le niveau propositionnel),
tandis que la variation interne est « locale » (le niveau syntagmatique). En effet, en
comparant les deux versions on note que beaucoup de versets manifestent plusieurs
types de variation à différents niveaux. Le verset 7a, par exemple, a des différences
au niveau lexical (exemple ⑵ (p. 45)), syntagmatique (l’emploi des appositions, voir
l’exemple ⒃ (p. 20)) et propositionnel (l’emploi des conjonctions, voir l’exemple
(47)), ce qui affecte aussi la structure discursive (voir la section ⒊4). Les deux versions
sont distinctes non seulement à cause de la grande équence des variantes, mais aussi
par le fait que la nature des ces différences est plus globale que les variantes présentées
dans l’apparat critique, bien qu’il soit possible que cette différence de nature soit
liée à la équence des variantes (puisque plus il y a de variants, plus ils ont portée
large syntaxiquement). Il faut aussi remarquer qu’il n’y a pas un type de variation
spécifique qui peut être spécifié comme unique à la variation entre les deux versions
7. Selon leur introduction ceci est fait quand deux textes « véritablement divergents » sont dispo-
nibles. (Baars et Schneider 1972 : General Preface, p. vii).
8. Une exception est le domaine des conjonctions - mais ces variantes concernent souvent une
simple addition ou omission de la conjonction ‫ « ܘ‬et ». Il faut aussi prendre en compte que les tables
⒋5 et ⒋6 ne sont pas exhaustives et d’autres variants syntagmatiques existent.
C 78

(par opposition à la variance interne), mais quand même, vue la discussion précédente,
la décision des éditeurs de l’édition de Leyde semble raisonnable.

⒌3 L        


5.3.1 Deux traductions indépendantes ?

Borbone (1999) a émis l’hypothèse que les deux versions sont deux traductions
indépendantes de la version grecque. Une position similaire, mais un peu plus vague
est donnée par Baars et Schneider (1972), qui les présentent comme deux textes dif-
férents, mais disent aussi qu’ils ne sont pas « tout à fait indépendants. » (en anglais :
« largely different, though not wholly independent »). Il semble que leur formulation
montre la difficulté d’équilibrer le grand nombre de différences entre les deux ver-
sions, d’une part, et les accords qui sont quand même présents, d’autre part. Ce-
pendant, ils postulent que l’auteur de la version B est le traducteur de l’Horlogion
grecque en syriaque. 9 Autrement dit, eux aussi pensent que les deux versions sont
deux traductions différentes. Quelle est la nature, donc, de leur dépendance et com-
ment peut-elle être expliquée ?
La comparaison détaillée faite au chapitre 1 montre que les deux versions diffèrent
presque dans chaque proposition. En effet, presque chaque deuxième syntagme est
différent dans les deux versions. 10 De plus, la plupart des syntagmes qui sont iden-
tiques dans les deux versions ne contiennent qu’un lexème (pour la plupart un verbe
ou une conjonction) ou deux lexèmes (pour la plupart une préposition suivie d’un
pronom personnel). Le fait que ces syntagmes soient communs aux deux versions
n’est pas surprenant et ne confirme pas une dépendance entre les deux versions. En
revanche, une petite part des syntagmes constitue des syntagmes longs, qui sont pré-
sentés dans le tableau ⒌1.
Un fait appant émerge du tableau ⒌1 : aucun de ces syntagmes n’est spécifique-
ment lié à la prière de Manassé. En revanche, ce sont des syntagmes qui pourraient
apparaître dans n’importe quel contexte liturgique en général ou une prière de péni-
tence en particulier. En effet, si nous examinons le noyau commun des deux versions,
c’est-à-dire le texte qui reste si nous enlevons tous les syntagmes divergents, nous
découvrons que la quasi-totalité de la prière est décapé de contenu : seuls les mots de
fonctions et quelques syntagmes principaux y restent. Uniquement dans la fin de la
prière, par contre, quelques passages considérables restent, étant reproduits mot pour
9. Baars et Schneider (1972 : Introduction, p. v).
10. Le pourcentage exact dépend de la méthode de comptage des syntagmes et en particulier si les
syntagmes répétés sont pris en compte ou non (voir la discussion analogue par rapport aux lexèmes
dans la section ⒉2), et quelle version sert comme base du comptage. En tout cas, le pourcentage des
syntagmes différents varie de 40% à 60%, tenant compte du fait que la version B a plus de syntagmes
spécifiques propres.
C 79

V. Syntagmes communs
2 Le ciel et la terre avec tout leur ‫̇ ܨ ̈ܗܘܢ‬ ‫ܘ ܪ‬
ornement
7b Dans la bénignité de ta grâce ‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ‫ܐ‬
7b Dans la grandeur de tes miséricordes ̈ ‫ܕܪ‬ ‫ܘ‬
8 Seigneur, Dieu des justes ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬
11 Les genoux de mon cœur ‫ܗܝ ܕ‬
13b Dans les profondeurs de la terre ‫̈ ̇ܗ ܕ ܪ‬
15 Toutes les milices célestes ‫ܘܢ ̈ ܬ ܕ‬
15 À jamais ‫ܘ‬

T ⒌1: Syntagmes longs communs

V. Passages communs
11 J’implore ta bonté. .‫ܬܟ‬ ‫ܐ‬ ̇
12 J’ai péché, Seigneur, j’ai péché. . . . . .‫܁‬
13b Pardonne-moi, Seigneur, ‫ܩ‬
et ne me fais pas périr ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬
et ne t’irrite pas pour toujours contre ... ‫ܬܪ‬ ‫ܘ‬
moi. . .
et ne me punis pas dans les . . .. ‫̈ ̇ܗ ܕ ܪ‬ ‫ܬ‬ ‫ܘ‬
profondeurs de la terre‥ . .
14 Et, bien que je n’en suis pas digne,. . . ... ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘ‬
15 Je te louerai . . . ... ̇‫ܐ‬
Car toutes les milices célestes te ... ‫ܬ‬ ̈ ‫ܘܢ‬ ̇ ‫ܕ‬
louent. . . . ‫ܕ‬
à jamais. ‫ܘ‬

T ⒌2: Passages communs dans la fin de la prière

mot dans les deux versions. 11 Ces passages sont présentés dans le tableau ⒌2. 12
Au regard de la discussion précédente, il n’est pas surprenant que ces passages
coïncident avec les sections que nous avons intitulées « Reconnaissance des péchés »
et « Demande de pardon », renforçant ainsi l’hypothèse que la formulation similaire
des deux versions est liée à leur fonction liturgique plutôt qu’à une influence directe.
En effet, les autres similarités sont surtout de nature sémantique et peuvent être
expliquées par la supposition que les deux versions sont des traductions indépendantes
11. Une exception est le passage dans le verset 8 (‫̣ ܬ ܬ )ܥ‬ ‫ ܐ‬. ̣ (‫ܕ)ܐܦ‬
̇ ‫ « ܕ‬qui n’ont même pas péché contre toi, mais tu as placé la pénitence pour moi, pécheur »,
mais on remarque que la correspondance n’est pas parfaite.
12. On se permet ici une variance orthographique mineure en ‫ܬܘ‬. Voyez la section ⒈⒈4.
C 80

du texte grec, sans postuler aucune influence entre les deux versions. 13
Une autre raison de voir les version A et B comme deux versions distinctes et
probablement indépendantes est la situation des versets 9–10, où chaque version cor-
respond à d’autres lignes du texte grec. En comparant les deux versions, il est difficile
de dire quelles lignes de ces verstes sont parallèles, puisque les deux versions expriment
des idées similaires et il y a diverses façons dont les versets peuvent être alignés. Le
statut exceptionnel de ces versets devient plus clair avec l’analyse du vocabulaire, qui
montre qu’ils contiennent un nombre disproportionné de lexèmes spécifiques aux
deux versions. Ceci suggère, en effet, que dans ces versets la divergence entre les
deux versions est plus marquée qu’ailleurs. 14
En conclusion, bien que nous ne puissions pas savoir avec certitude si le traduc-
teur (ou le scribe) de la version la plus tardive (probablement la version B) connaissait
la version antérieure (la version A) directement ou indirectement, une telle suppo-
sition n’est pas nécessaire pour expliquer les similarités entre les deux versions. Les
similarités au niveau du contenu et du synopsis peuvent être expliquées par le fait
que les deux versions dépendent en fin de compte d’une version grecque commune,
tandis que les similarités de formulation les plus spécifiques peuvent, pour la plupart
et peut-être pour l’ensemble, être expliquées par le patrimoine liturgique commun
des deux traducteurs.

5.3.2 Est-ce que chaque version a son propre profil linguistique ?

Puisque la plupart des différences entre les deux versions sont des variantes de
nature grammaticale, il est difficile de faire une distinction entre les deux versions
par rapport à leurs profils linguistiques. En effet, dans l’état actuel de notre savoir ces
différences ne peuvent pas être attribuées à une distinction typologique, dialectale ou
diachronique.
Une conclusion possible qui émerge en examinant les variantes, est que la version
B a un peu plus de relief linguistique : elle emploie des constructions plus marquées
du point de vue informationnelle et syntaxique. En général, elle utilise plus souvent
les « subtilités de la syntaxe syriaque » 15 pour exprimer les nuances sémantiques et
13. D’ailleurs, l’opinion commune selon laquelle les versions syriaques sont traduites d’une version
grecque et non d’une version hébraïque semble être confirmée par la divergence des deux versions,
puisqu’on pourrait penser qu’un original hébreu aurait donné lieu à des traductions syriaques plus
proches, au regard de la proximité entre les langues syriaque et hébreue.
14. Cette divergence peut suggérer que les deux versions n’ont pas été traduites d’une seule version
grecque, mais plutôt de deux versions grecques différentes. En effet, l’idée qu’il y a eu quelques versions
grecques (dont seulement une partie existe aujourd’hui) a été défendue dans la littérature. Voyez aussi
Nau (1908 : 135–136), qui attribue la version A à un texte grec perdu de la Didascalie. Néanmoins,
comme ce mémoire s’occupe des versions syriaques, cette question dépasse les limites de l’exposé.
15. Cette expression est empruntée à l’article de Goldenberg (1990) « On Some Niceties of Syriac
Syntax ».
C 81

informationnelles. Parfois, il semble que la version B soit plus idiomatique que la


version A, bien que ceci soit difficile à évaluer dans l’état présent du savoir sur le
syriaque. Parmi les exemples on peut noter l’emploi de la phrase nominale tripartite
dans la version B, quand la version A emploie une copule existentielle (exemple (35))
ou une phrase nominale bipartite (example (40)). En effet, la version B emploie plus
souvent le p.p.e. comme élément focalisant (voir les exemples (40) et (36)). Elle pré-
fère l’emploi de la construction possessive analytique (avec le morphème possessif ‫ܕ‬
qui suit le nom) plutôt que la construction synthétique (avec des suffixes pronomi-
naux attachés directement au nom – voir les exemples ⑶ et ⑷). Elle emploie l’accord
pronominal cataphorique pour l’objet (exemple (24)) et dans la construction génitive
(exemple ⑸). De plus, la version B présente un emploi plus riche des pronoms que
la version A (voir la section ⒈⒉1). En général, la version B a un vocabulaire plus
riche que la version A (voir la section ⒉2). Par contre, l’emploi du participe non-
verbal dans le verset 13 de la version A ( ̈ ‫ܕܬ‬ ‫ « ܐ‬le Dieu des pénitents » ;
B : ̈ ‫ܕܬ‬ ‫ܕ‬ ‫ « ܐ‬le Dieu de ceux qui repentent ») n’est pas idiomatique en
syriaque (contrairement à l’hébreu ou au grecque ; voir l’exemple (44)). Il faut conve-
nir que ceci n’est qu’une tendance : dans l’exemple (23), la version A emploie une
construction focale tandis que la version B a une construction non-marquée.
De même, ce surplus de relief linguistique est difficile à attribuer aux contextes
différents des deux prières. Il est difficile de dire s’il provient de l’emploi liturgique de
la version B dans l’Horlogion melkite. Par contre, d’autres éléments peuvent être plus
facilement attribués à l’emploi liturgique de la version B, comme l’ajout de l’« amen »
final dans la version B (voir la section ⒊2 ; mais on remarque que certains manuscrits
d’Horlogion ne l’ont pas tandis que d’autres de la famille A l’ont). De plus, la version
B a une doxologie plus détaillée, comme le montre le tableau ⒌3)

V. Version A Version B
15 ‫ܬ‬ ̈ ‫ܘܢ‬ ̇ ‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ̈ ‫ܘܢ‬ ̈ ‫ܗܘ‬ ‫ܕ‬
‫ܘ‬ ‫ ܘ‬. ‫ܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܝ ܬ‬ ‫ܘܕ‬ ‫ܕ‬
‫ܐ‬ ‫ܘ‬ ‫ܘܪܘ‬

Car toutes les milices célestes te louent Car c’est toi que toutes les milices
et te chantent à jamais. célestes louent, et pour toi sont la
louange et l’éloge et l’exaltation à
jamais. Amen

T ⒌3: La doxologie à la fin de la prière

Les autres manuscrits de la famille B 13H⒊5 qui emploient le terme « règne » au


lieu de « éloge », ou le manuscrit 13H6 qui a la variante « le règne, la puissance
C 82

et la gloire » font cette doxologie plus proche de la prière de Notre Père (Matthieu
6 :13), ce qui peut être bien expliqué par le contexte liturgique. L’emploi de la 1re
personne du pluriel dans le verset 10 du manuscrit 13H2 ‫ܬܪ‬ ‫ « ܘ‬et
16
ne t’irrite pas pour toujours contre nous » peut être un autre cas similaire. Il existe
d’autres variantes qui ajoutent de la répétition ou de l’emphase, mais leur lien avec le
contexte liturgique est plus difficile à établir avec sûreté.
Au vue de ce caractère liturgique, l’occurrence de la suscription de nature narrative
dans la version B est remarquable. Il faut se souvenir que contrairement à la version
A, qui apparait déjà dans un contexte narratif (surtout dans la Didascalie) qu’explique
le contexte historique présumé de la prière, dans l’Horlogion il n’y a aucune référence
à cette histoire. Donc, il est possible que l’auteur de l’Horlogion ait ajouté cette sus-
cription pour remplir cette lacune. En effet, la combinaison des traditions liturgiques
et narratives dans ces manuscrits, est une des raisons principales pour l’intérêt et la
beauté de la prière.

16. Notez aussi l’emploi du pluriel dans le verset 1 des deux versions : ̈ ‫ܕ‬ ‫ « ܐ‬Dieu de
nos pères ».
A
L       

La table suivante donne le texte intégral des deux versions avec leurs traductions. 17
La traduction est littérale et essaie de refléter les constructions syriaques et les dif-
férences entre les deux versions par des constructions ançaises parallèles (qui ne sont
pas nécessairement idiomatiques en ançais). 18 Certains expressions grammaticales
qui perturbent la traduction ançaise sont données dans des parenthèses. Notez, en
particulier, l’emploi du verbe « avoir » à la 2e personne « a⒮ » pour indiquer l’emploi
syriaque de la 2e personne, où cet emploi est impossible en ançais. En revanche, des
ajouts en ançais sont donnés entre des crochets. Pour une traduction idiomatique
en ançais, voyez Nau (1908), qui sert aussi de base pour la traduction donnée ici. 19
Suivant Charlesworth (1983–1985) certains versets sont divisés en deux. 20

17. Notez que la table ne contient pas l’apparat critique présent dans l’édition de la Peshitta de
Leyde (Baars et Schneider 1972).
18. Voyez aussi la note 26 (p. 10).
19. Notez, cependant, que Nau se base sur des manuscrits plus tardifs, inter alia le manuscrit 17a6
et d’ailleurs sa traduction n’est pas toujours exacte. Dans le verset 7b, par exemple, il confond ‫ܬ ܬ‬
« pénitence » et ‫ܬ‬ « grâce ». Une traduction de 9a1 est composée (en anglais) par Charlesworth
(1983–1985).
20. Ainsi, les versets 5, 7 et 9 sont divisés en deux comme chez Charlesworth (1983–1985). De
plus, les versets 3 et 13 sont divisés à cause de leur structure hiérarchique (voir les sections ⒊2 et ⒊3)
et le verset 10 est divisé selon les unités majeures qui participent à l’alignement transposé et linéaire
(voir la section ⒊6).

83
L        84

V. Version A Version B
̇
‫܁‬ ‫ܕ‬ ‫ܨ ܬ‬ ‫ܕ ̈ ܐ‬ ̇ ‫ܨ ܬ ܕ‬
Prière de Manassé Prière de Manassé, le roi des Israélites
‫ܘܨ ̈ ܕ ̈ ܘ ܝ‬ ̣ ‫ܐ‬
̇
‫ܘܨ‬ ‫ܘܪ ܕ‬ ‫̣ܗܘ‬ ‫ܬܬܘܝ‬
̣ ‫ܘ‬
‫̇ܡ‬ ̣ ‫ܘ‬ ‫ܘ ܬ ܥ ܬܘܪ ܕ‬
‫ܘܪ‬ ‫ܕ‬
quand il fut conduit en captivité à
Babel, et ils voulurent le brûler ; il se
repentit quand il fut dans le taureau de
bronze et il pria et le taureau de bronze
se fendit et il se trouva présent sans
dommages à Jérusalem.
1 ‫ܗܡ‬ ‫ ܐ ܗ ܕ‬. ̈ ‫ܕ‬ ‫ܐ‬ ‫ ܐ‬. ‫ܐ‬
. ‫ܒ ܘܕܙܪ ܘܢ ܙܕ‬ ‫ܘܕ‬ ‫ܘܕ‬ ‫ܒ‬ ‫ܘܕ‬ ‫ܗܡ ܘܕ‬ ‫ ܕ‬.‫ܕ ̈ ܬܢ‬
̈ ‫ܙܪ ܘܢ ܙܕ‬ ‫ܘܕ‬
Seigneur, Dieu de nos pères, Dieu Seigneur céleste, tout-puissant, Dieu de
d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et de leur nos pères, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob
race juste. et de toute leur race juste.
2 ‫ܘ ܪ‬ ̇ ̇ ‫̇ܗܘ ܕ ̣ ܬ‬
̣ ‫ܗܘ ܕ‬ ‫ܘ ܪ‬
.‫ܨ ܗܘܢ‬ .‫ܨ ̈ܗܘܢ‬
Celui qui a fait le ciel et la terre avec Celui qui a⒮ fait le ciel et la terre avec
tout leur ornement. tout leur ornement.
3a ̇
̣ ‫ܘ‬ ̣ ‫ܗܘ ܕ‬ ‫ܬ ܝ‬ ‫ܐ ܕ‬
.‫ܗ‬ ‫ܕ‬ . ‫ܕ‬
Celui qui a lié la mer et l’a constituée Toi qui l’a⒮ liée, (à) la mer, par la
par le précepte de sa parole. parole de ton précepte.

3b ̣ ‫ܘ‬ ‫ܬܗܘ‬ ̣ ‫̇ܗܘ ܕ‬ ‫ܝ‬ ̣ ‫ܘ‬ ‫ܕ ̣ ܬ ܗܘ‬


. ̇ ‫ܘ‬ ̣ ‫ܕ‬ . ‫ܘ‬ ‫ܕ‬ ‫ܕ‬
Celui qui a fermé l’abîme et l’as scellé Qui a⒮ fermé (à) l’abîme et l’a⒮ scellé
de son nom terrible et glorifié. du nom terrible et glorieux de toi.
4 . ̇ ‫ܡ‬ ‫ܡ ܕ ̇ ܘܙ ̇ ܥ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬ ‫ܡ‬ ‫ܪܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܡ ܪ‬ ‫̇ܗܘ ܕ‬
.‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬ ‫ܨܘ‬
Celui devant la puissance (de toi) de qui Celui devant le visage de force (de toi)
tout craint et tremble. de qui tout tremble et est terrifié.
5a ‫ܬ‬ ‫ܪ ܬ‬ ̇ ‫ܕ‬ ‫ܬ‬ ‫ܬ‬ ̇ ‫ܕ‬
.‫ܟ‬ ‫ܕܬ‬ .‫ܟ‬ ‫ܕܬ‬
Car la majesté de la beauté de ta gloire Car on n’endure pas la majesté de
n’est pas endurée l’élégance de ta gloire
L        85

V. Version A Version B
5b ‫ܡ‬ ‫ܕ ܡ‬ ̇ ̇ ‫ܐ‬ ‫ܘ‬ ‫ܘܪܘ‬ ̣ ‫ܡ‬ ‫ܘ‬
. ̈ ‫ܪܘ ܟ ܘ ̣ ܟ ܕ‬ . ̈ ‫ܕ‬ ‫ܕ‬
Et personne ne peut endurer à affronter Et il n’est pas possible d’affronter la
ta colère et ta fureur contre les fureur et la colère de toi contre les
pécheurs. pécheurs.
6 ‫ܘܢ‬ ‫ܐ‬ ‫ܕ ܘܕ‬ ‫ܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܘ‬
. ̈ ‫̣ ܕ‬ ‫ܕ ̈ ܘܕ‬ ̇
Sans limite, cependant, et sans mesure Infinie, en effet, et impénétrable est la
sont les miséricordes de tes promesses. volonté de tes promesses.
7a ‫ܪܘ ܁‬ ‫ܗܘ‬ ‫ܕ‬ ̇ . ‫ܐ ܗܘ‬
̇
‫ ܘܬ ܒ ܐ‬. ̣ ̇ ‫ܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܬ ܘ‬ ̇ ‫ ܘ‬. ‫ܪܘ‬
. ̈ ‫̣̈ ܗܘܢ ܕ‬ . ̈ ‫ܕ‬ ̈ ‫ܕ‬ ‫ܬܘ‬
̣
Car tu es le Seigneur patient, clément Tu es, en effet, le Seigneur, élevé,
et très miséricordieux et tu reviens sur miséricordieux, patient et de grande
les méchancetés (d’eux) des hommes. grâce et véritablement pénitent sur les
méchancetés des hommes.
7b ‫ܬܟ‬ ̣ ‫ܬ ܕ‬ ‫ܐ‬ ‫ܐ‬ ‫ܬ‬ ‫ܐ‬ ‫ܐ ܗ‬
̇ ‫ܕܬ‬ ‫ܐ ܘܕ‬ ‫ ܐ ܘܕ ̣ ܬ ܬ ܕ‬.‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬
‫ܕ‬ ‫ܘ‬ .‫ܢ‬‫ܘ‬ ̈ ̈ ‫ܕܪ‬ ‫ ܘ‬. ̈ ‫ܕ‬
̣ ̣
. ̈ ‫ܕ ̈ ܘܢ ܕ‬ ‫ܬ̇ ܬ ܐ‬ . ̈‫ܕ‬ ‫ܪ‬ ‫ܬ ̣ ܬ ܬ‬
Toi, Seigneur, dans la bénignité de ta Toi, donc, Seigneur, dans la bénignité
grâce, tu as promis la rémission à ceux de ta grâce, tu as promis la pénitence de
qui se repentent de leurs péchés et, la rémission à ceux qui ont péché
dans la grandeur de tes miséricordes, tu devant toi et, dans la grandeur de tes
as placé la pénitence (comme) pour la miséricordes, tu as ordonné la
vie des pécheurs. pénitence pour la rédemption des
pécheurs.
8 ‫܉‬ ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬ ‫ܗ‬ ‫ܐ‬ ̈ ‫ܕܙܕ‬ ‫ܐ‬ ‫ܐ ܗ‬
‫ܬ ܐ‬ ‫̣ ܬ‬ ̈‫ܕ‬ ‫ܗܘ‬ ‫ܗܡ‬ . ‫ܕ‬ ̈ ‫̣ ܬ ܬ‬
‫ܒ ̇ܗ ܢ‬ ‫ܘ‬ ‫ܗܡ ܘ‬ ‫ܕ‬ ̈ ‫ܒ ̣ܗ ܢ ܕ‬ ‫ܘ‬ ‫ܘ‬
‫̣ ܬ ܬ‬ ‫ ܐ‬. ̣ ‫ܕ‬ ‫ܕ‬ ‫̣ ܬ ܬ‬ ‫ ܐ‬.
. ̇ ‫ܕ‬ ‫܉‬
Toi, donc, Seigneur, Dieu des justes, ce Toi, donc, Seigneur, Dieu des justes, tu
n’est pas pour les justes que tu as placé n’as pas placé la pénitence pour les
la pénitence, comme pour Abraham et justes, pour Abraham et pour Isaac et
pour Isaac et pour Jacob, ceux qui n’ont pour Jacob, eux qui n’ont pas péché
même pas péché contre toi, mais tu as contre toi, mais tu as placé la pénitence
placé la pénitence pour moi, pécheur. sur moi, pécheur.
L        86

V. Version A Version B
9a ̣ ‫ܕ‬ ‫ܕ‬ ̣ ‫ܕ‬ ‫ܕ‬̣
̈ ‫ܕ ܪ‬ ‫ ܘ‬.‫ܝ‬ ̈ ̈ ̈ ‫̈ ܝ‬ ̈ . ‫ܕ‬
. ̈ ̇‫ܕ‬ ‫ܐ ܕ ܨܕ‬ ̇ ‫ ܘ‬. ̈ ‫ܘ‬
. ‫ܪܘ ̇ ܕ‬ ̇ ‫ܘ‬
. ‫ܘܪܘ‬ ̈ ‫ܕ‬
Car mes péchés se sont multipliés plus Puisque j’ai péché plus du nombre [de
que le sable de la mer, et je n’ai pas le grains] de sable de la mer, mes péchés
courage de lever ma tête à cause du se sont multipliés, Seigneur, ma
nombre de mes iniquités. méchanceté et mes péchés se sont
multipliés, et je ne suis pas du tout
digne de regarder et de voir la hauteur
du ciel à cause de la multitude de mes
iniquités et méchancetés.
9b . ‫ܐ‬ ̣ ‫܁‬ ‫ܘܗ‬
‫ ܕܗ‬. ‫ܦ ̣ܐ‬ ̇ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܕ‬ ‫ܘ‬
‫ܐ‬ ‫ܐ‬
Et maintenant, Seigneur, c’est avec
justice que je suis affligé et je suis
tourmenté comme je le mérite. Voilà
que je suis prisonnier
10a ‫ܕ‬ ‫ܘ ̣ ܐ‬ ̣ ‫ܐ ܕ ܘܪ‬
̇
. ‫ܐܪ ܪ‬ ‫ܕ‬ ‫ܕ ܙ̣ ܁ ܐ‬ ̇ ‫ ܐ‬. ‫ܕ ̈ ܪ ܕ ܙ‬
‫ܕ‬
̈ ‫ܐ ܕ ܪ‬ ̇ ‫ܐ‬ . ‫ܘ ܪ‬ ̇
‫ܬܗ‬ ‫ܐ ܕ‬
. ‫ܗܘ ܕ‬ ̇ ‫ܪܘ‬ ̇ ‫ܪ ܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ ܘ‬. ‫ܝ‬ ̇ ‫ܝ‬ ̈ ‫ܕ ̈ ܬܝ ܘ‬
‫ܬ ܕܘ ܁‬ ‫ܕ‬ . ‫ܐ ܬ‬
Et je suis courbé sous la multitude des Je suis courbé, donc, et incliné sous la
chaînes de fer de sorte que je ne puis multitude des chaînes de fer, comme
plus lever ma tête en haut. Je ne suis quelqu’un qui ne peut (puis) de me
d’ailleurs pas digne de lever mes yeux et tourner et de lever mon âme. Puisque
de regarder et de voir la hauteur, celui ma sottise et mes péchés sont dépassés
du ciel, à cause de la multitude de ma tête, et je n’ai pas, donc, un remède.
l’iniquité de mes méchancetés.
10b ‫ ܘ ܪ ܬ‬.̣ ̈ ‫ܕ̇ ܬ‬ ̣ ‫ܕ‬ ‫ ܘ‬.‫ܟ‬ ‫ܬ‬ ‫ܐܪ‬ ‫ܕ‬
̇ ‫ܘ‬ ̇ ‫ ܘ‬.‫ܟ‬ ‫ܬ ܨ‬ .‫̇ ܬ‬
̣
. ‫ܬ‬ ̇ . ̈ ‫̇ ܬ‬ ‫ܘ‬
Car j’ai fait le mal devant toi et j’ai Car j’ai très excité ta colère et tout ce
excité ta colère et j’ai élevé des idoles et qu’est mal devant toi j’ai fait. Je n’ai
j’ai multiplié les impiétés. pas, en effet, fait ta volonté, et je n’ai
pas gardé tes commandements.
L        87

V. Version A Version B
11 ‫ܗܝ ܕ‬ ‫̇ ܦ ܐ‬ ‫ܗ‬ ‫ܘܗ‬ . ‫ܗܝ ܕ‬ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘܗ‬
.‫ܬܟ‬ ‫ܐ‬ ̇‫ ܘ‬. .‫ܬܟ‬ ‫ܐ‬ ̇
̣
Et maintenant, voilà, je plie les genoux Et maintenant j’incline les genoux de
de mon cœur devant toi et j’implore ta mon cœur, quand j’implore ta bonté.
bonté.
12 ‫ܕ ̇ܥ ܐ‬ ‫ ܘ‬. ̇ ̇ ‫ܐ‬ ̈ ‫܁ ܘ‬
‫̣ܝ‬ ̈ . ‫̇ ܥ ܐ‬
J’ai péché, Seigneur, j’ai péché, et parce J’ai péché contre toi, Seigneur, j’ai
que je connais mes péchés péché, et mes iniquités je les sais.
13a . ‫ܐ‬ ̇ . ‫ܐ‬ ‫̇ܠ ܐ‬ ‫ܐ‬
Je supplie devant toi : Mais je demande, quand je t’implore :
13b ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܩ‬ ‫ܬܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܩ‬ ‫ܩ‬
‫܉ ܘ‬ ‫ܬܪ‬ ‫ ܘ‬.‫̈ ܬܝ‬ ‫ܘܬ‬ ‫ܬܪ‬ ‫ ܘ‬.‫̈ ܝ‬
‫ܘܬ‬ ̇‫ܬ‬ ‫ ܘ‬. .‫̈ ̣ ܝ‬ ‫ܬ‬ . ‫̈ ̇ܗ ܕ ܪ‬ ‫ܬ‬ ‫ ܘ‬.‫̣ ̈ ܝ‬
‫ ܐ ܗܘ‬. ‫ܗ ܕ ܪ‬ ̇ ̈ . ̈ ‫ܕܬ‬ ‫ܕ‬ ‫ܗܘ ܐ‬ ‫ܕ‬
. ‫ܕܬ‬ ̈ ‫ܐ‬
Pardonne-moi, Seigneur, et ne me fais Pardonne-moi, Seigneur,
pas périr avec mes fautes et ne t’irrite pardonne-moi, et ne me fais pas périr
pas pour toujours contre moi et ne avec mes péchés et ne t’irrite pas pour
laisse pas subsister mes méchancetés toujours contre moi et laisse subsister
contre moi et ne me punis pas et mes méchancetés et ne me punis pas
jette-moi dans les profondeurs de la dans les profondeurs de la terre. Car tu
terre. Tu es, en effet, le Dieu des es le Dieu de ceux qui repentent.
pénitents.
14 ‫ ܘ‬.‫ܬܟ‬ ̇ ‫ܝ‬ ̇ ‫ܐܦ ܗ‬ ‫ ܘ‬.‫ܬܟ‬ ̇ ̇ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܘ‬
‫ܐ‬ ‫ܩ ܐ‬ ̇ ‫ܐ‬ ̇ ‫ܙܒ ܐ‬ ̇ ‫ܐ‬ ̇
. ̣ ‫ܕ‬ .‫ܬܟ‬ ‫ܕ‬
Montre-moi donc encore, Seigneur, ta Et en moi tu montreras toute ta grâce,
grâce, et, bien que je n’en suis pas et, bien que je n’en suis pas digne, tu
digne, tu me sauveras selon la me délivreras avec la multitude de tes
multitude de tes miséricordes. clémences.
L        88

V. Version A Version B
15 ‫ܘܢ‬ ‫܉ ܘ‬ ‫ܐ‬̇ ‫ܕ‬ ‫̈ ܘܢ‬ . ‫ܘ‬ ̇ ‫ܘ‬
̇ ‫ܕ‬ . ̈‫ܕ‬ ̈ ̈ ‫ܗܘ‬ ‫ܕ‬ ̈
. ‫ܕ‬ ̈
‫ ܘ‬. ‫ܕ‬ ‫ܘܢ ̈ ܬ‬ ‫ܗܝ‬ ‫ܘܕ‬ ‫ܘܢ ̈ ܬ ܕ‬
.‫܀‬. ‫ܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܘܪܘ‬ ‫ܘ‬ ‫ܬ‬

Et pour cela je te louerai toujours et Et je te louerai et exalterai toujours,


tous les jours de ma vie. Car toutes les tous les jours de ma vie. Car c’est toi
milices célestes te louent et te chantent que toutes les milices célestes louent, et
à jamais. pour toi sont la louange et l’éloge et
l’exaltation à jamais.
. ‫ܐ‬
Amen
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