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N° Spécial
ANNALES
AFRICAINES Nouvelle série
Janvier 2020
N° Spécial
Une publication
CREDILA
CREDILA
Directeur de publication
Le Doyen de la Faculté des Sciences juridiques et politiques
Alassane KANTE
Secrétaire de rédaction
Le Directeur du CREDILA
Patrice Samuel A. BADJI
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Comité de lecture
Patrice Samuel A. BADJI, Yaya BODIAN, Jean Louis CORREA, Abdou Aziz DIOUF,
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Isaac Yankhoba NDIAYE, Ndèye C. Madeleine NDIAYE, Mamadou NIANE,
Aminata Cissé NIANG, Dieunedort NZOUABETH, Alain Simo KENMOGNE
Secrétariat de rédaction
Assane DIALLO
Anna Diaw MBOUP
Ephigénie Adam FAYE
&HQWUHGHUHFKHUFKHVG¶pWXGHVHWGHGRFXPHQWDWLRQVXUOHVLQVWLWXWLRQV
Et les législations africaines (CREDILA)
Faculté des Sciences juridiques et politiques
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
BP 16774 Dakar-Fann
CREDILA, 2019
ISSN : 0850-9247
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales
au Niger »
Par
Abdoulaye HAMADOU
Docteur en droit public, enseignant-chercheur à la Faculté de
Droit, d’Economie et de Gestion de l’Université de Tahoua (Niger)
Introduction
« Trop d’Etat tue la collectivité territoriale». Ce dicton trouve tout son sens
dans le contexte africain en termes d’organisation et d’administration du
pouvoir étatique. En effet, des indépendances jusqu’aux années 1990, voire
au-delà dans certains cas, le pouvoir était essentiellement concentré dans la
capitale. Malgré la volonté du pouvoir constituant du lendemain de
l’indépendance d’instituer une dose de décentralisation1, l’Etat central
décidait de tout et il voulait tout contrôler, c’est-à-dire les hommes, les règles
et les institutions. Mais, ce centre avait de la peine à assurer le minimum aux
populations en termes de services publics de base tels que l’éducation, la santé,
l’assainissement ainsi que les équipements et infrastructures convenables.
Souvent autoritaire, l’Etat central installe au niveau local des services
techniques et administratifs plus dans une optique de commandement que de
services public2. Tel était le cas de la plupart des pays francophones d’Afrique,
dont le Niger.
C’était dans un contexte de crise de l’Etat centralisateur que des réformes
politiques et administratives sont intervenues, avec la création des
collectivités territoriales. En effet, les années 1970 marquent, dans la plupart
des pays francophones, le début de la faillite de la gestion centralisée des
affaires publiques. Plus tard, au début des années 1990, la demande
d’expression se fait plus pressante. Les régimes à parti unique s’effondrent les
uns après les autres. Les Conférences Nationales appellent à la mise en œuvre
des processus démocratiques, en plus du multipartisme3. Pris en étau entre les
1Après son indépendance en 1960, toutes les constitutions du Niger ont consacré le principe de
la libre administration des collectivités territoriales : Constitution du 08 novembre 1960 : art.
68 ; Constitution du 24 septembre 1989 : art. 99 ; Constitution du 26 décembre 1992 : art. 115 ;
Constitution du 12 mai 1996 : article 116 ; Constitution du 18 juillet 1999 : article 127 ;
Constitution du 18 août 2009 : article 127 ; Constitution du 25 novembre 2010 : article 164.
2 DEMANTE (M.-J) et TYMINSKY (I), Décentralisation et Gouvernance locale en Afrique :
locales, Paris, édition Charles Léopold Mayer, 2009, p. 152, cité par NANAKO (C.), La libre
376 Annales africaines
administration des collectivités territoriales au Bénin et au Niger, thèse pour le doctorat en droit
public, Université d’ABOMEY-CALAVI, Faculté de droit et de sciences politiques, Ecole
doctorale des sciences juridiques et administratives, p.50.
4
Article 164, al.2, Constitution du 25 novembre 2010.
5 BOULET (M.), Droit des collectivités dans l’Union Européenne, Paris, Dalloz, 2018, p. 2 ;
termes juridiques : GUINCHARD (S.) et DEBARD (Th.), Lexique des termes juridiques, Paris,
21 édition, Dalloz, 2014, p.179.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 377
p. 1594.
378 Annales africaines
13 CE, 18 janvier 2001, Commune de Venelles contre Morbelli, cité par BORNER-KAYDEL
(E), « Le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la jurisprudence du
Conseil d’État », Les Annales de droit [En ligne], 10 | 2016, consulté le 20 janvier 2019. URL
: http://journals.openedition.org/add/328
14 FERSTENBERT (J.), PRIET (F.) et QUILICHINI (P.), op.cit., p.71.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 379
20 Dans un entretien que le Président du Conseil régional de Tahoua nous accordé courant
l’année 2018, celui-ci estime qu’au regard des dizaines de décret d’application prévus par
l’Ordonnance n°2010-54, on peut affirmer que la libre administration des collectivités
territoriales est piégée.
21 Bénin, art. 151, Const. du 11 décembre 1990; Burkina-Faso, art. 144 et 145, Const. 2015;
Côte d’Ivoire, art. 172, Const. 2016; Mali, art. 98, Const. 1992; Sénégal: art. 102, Const. 2001.
22 NZE BEKALE (L), Le principe de libre administration à l’épreuve des collectivités
territoriales d’Afrique francophone (Bénin, Burkina Faso, Gabon, Mali, Sénégal), Paris, éd.
Publibook, 2016, pp. 34-37.
23 KASSIBO (B.) « La Décentralisation au Mali : État des Lieux », Bulletin de l’APAD [En
sont : MEDE (N.), « L’autonomie retenue : études sur la libre administration des collectivités
territoriales en Afrique de l’Ouest Francophone », Cahiers Africains d'Administration Publique
African Administrative Studies, numéro 73, 2009 ; NANAKO (C.), La libre administration des
collectivités territoriales au Bénin et au Niger, thèse pour le doctorat en droit public, Université
d’ABOMEY-CALAVI, Faculté de droit et de sciences politiques, Ecole doctorale des sciences
juridiques et administratives, Cotonou 2016.
25 A titre d’exemples, on peut citer : DANDA (M.), Politique de décentralisation,
dynamiques locales, Douala, 2007, p.6, cité par BAGAGNA (B.), « Le principe de la libre
administration des collectivités territoriales décentralisées au Cameroun », Revue africaine de
parlementarisme et de démocratie, Volume III, n°7, Août 2013 p. 98.
382 Annales africaines
2019 in : Le Sahel du jeudi 26 septembre 2019, pp. 10 et 11. Dans son discours, il invite le
Gouvernement à une sérieuse réflexion sur le système de décentralisation en cours au Niger.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 383
Dès lors, l’on peut se demander quelles sont les implications du principe de
libre administration des collectivités territoriales en droit nigérien? Le droit
fondamental (ou constitutionnel) pour les collectivités territoriales de
s’administrer librement est-il réellement garanti et appliqué? Pour répondre à
ces questions, nous verrons d’abord qu’au regard de sa consécration juridique,
le principe garantit théoriquement une autonomie de décision aux collectivités
territoriales (I). Nous démontrerons ensuite, qu’à l’épreuve de la pratique, le
principe de la libre administration des collectivités territoriales est entravé
dans sa mise en œuvre (II), ce qui limite sa pleine application.
décentralisées : l’exemple du Cameroun, Thèse, Droit public, Université de Paris, Créteil Val
de Marne, 421 p. ; KEUDJEU DE KEUDJEU (J.R.), Recherche sur l’autonomie des
collectivités décentralisées, Thèse, doctorat, Droit public, Université de Douala, 2012, 670 p ;
NANAKO (C.), op.cit., pp.10-15.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 385
loi organique. Elles s’administrent librement par des conseils élus »38. De la
lecture de cette disposition, on peut mettre en lumière deux composantes
essentielles de la libre administration: la nécessité d’avoir des « conseils élus »
et l’exigence que ces « collectivités s’administrent librement ».
Tout d’abord, en exigeant que les collectivités territoriales soient administrées
par des « conseils élus », la loi fondamentale a entendu donner une dimension
« institutionnelle » qui légitime une certaine marge d’autonomie pour ces
entités. Cette exigence induit que la libre administration est indissociable de
l’existence d’organes propres. On peut ainsi dire avec le Professeur ROUX,
que l’existence d’un conseil élu doté d’attributions effectives représente le
minimum requis, d’un point de vue organique, pour que la libre administration
soit assurée39.
L’autonomie institutionnelle des collectivités territoriales a des implications
diverses qui se déploient fondamentalement sur le terrain politique et
juridique. D’un point de vue politique, la libre administration implique que les
organes des collectivités territoriales soient issus d’un suffrage qualifié de «
politique»40 à l’instar des élections nationales. Sur les modalités de l’élection,
la constitution prévoit que le suffrage peut être direct ou indirect, mais il est
toujours universel41. Le caractère électif des conseils des collectivités
territoriales est, de loin, préféré au mode de nomination, en raison notamment
de ses avantages. C’est dans ce sens que le M. VERPEAUX affirme que
« …sans l’élection des organes, les collectivités territoriales paraitraient
moins autonomes par rapport à l’Etat »42. Cette perception est aussi partagée
par les acteurs locaux qui estiment que l’élection des organes locaux est en
faveur d’une meilleure gouvernance et de l’amélioration des relations de
confiance entre les populations et les institutions publiques43. Plus
concrètement, la dimension politique de l’élection des conseils locaux permet
à la population, même lorsque le taux d’illettrisme est élevé, comme dans le
contexte nigérien, de participer à la vie publique locale, et souvent d’exercer
une fonction de contrôle sur ces conseils.
relative à l’élection des conseiller municipaux et aux conditions d’inscription des Français
établis hors de France sur les listes électorales, cons. 7 : https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/1982/82146DC.htm, consulté le 25 octobre 2019
41 Art. 7, Constitution du 25 novembre 2010.
42 VERPAUX (M.), Les collectivités territoriales en France, Dalloz, 2006, p.59.
43 CITES ET GOUVERNEMENTS LOCAUX UNIS D’AFRIQUE, L’environnement
institutionnel des collectivités locales en Afrique, El Mârif Al Jadida, Maroc, Septembre 2013.
p.11.
386 Annales africaines
Mais, il faut bien reconnaître avec M. FAURE, que le caractère électif des
conseils n’est pas suffisant en soi pour assurer l’autonomie tant recherchée de
ces entités, ainsi que l’illustre le rapport de subordination entre l’élu local et
le pouvoir central. Ce rapport de subordination est devenu quasi absolu au
Niger lorsque les conseillers élus sont du même bord politique que le parti au
pouvoir ou la coalition de partis politiques au pouvoir. En d’autres mots, la
fonction émancipatrice de l’élection ne garantit pas nécessairement aux élus
la capacité d’exercer une certaine liberté politique et administrative.
2). Pour ce qui est de la commune, il en existe trois types : la commune rurale ; la commune
urbaine et la commune à statut particulier dénommée ville (art. 21). En ce qui concerne la
région, elle ne comporte qu’une seule forme.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 387
celui de la région est dénommée « Président du conseil régional ». Sa désignation, son mandat
ainsi que ses attributions sont fixées par voie législative (articles 81 à 95 pour la commune et
articles124 à 157 du CGCT).
50 FAURE (B.), Le droit des collectivités territoriales, Paris, 5e édition Dalloz, 2018, p. 39.
51 Cons. Const., Décision n°91-298 DC, du 24 juillet 1991, loi portant diverses dispositions
été explicitement attribuée par la loi à l’Etat ou à une autre personne publique, CE, 29 juin 2001,
Mons -en- Baroeul , cités par NANAKO (C.), op.cit., p.21.
53 « …Le représentant de l'Etat veille au respect des intérêts nationaux » : art. 165, al.2.
388 Annales africaines
54 Les conseils des collectivités territoriales exercent notamment des compétences propres et
les compétences qui lui sont transférées par l’Etat (art. 29, CGCT).
55
Art 5, CGCT. En outre « … Elles ont pour missions, la conception, la programmation et la
mise en œuvre des actions de développement économique, éducatif, social et culturel d’intérêt
communal et régional».
56 BOURJOL (M.), «Libre administration et statut de la fonction publique locale», Actes du
locaux tels que les sultans, les chefs de province, de canton, de village ou de
groupement qui sont membres de droit des différents conseils avec voix
consultative73. Cela signifie que l’action publique n’est plus présentée comme
la seule responsabilité de l’institution municipale ou régionale, mais la
résultante d’un processus de coopération entre de nombreux acteurs.
L’encadrement législatif et règlementaire du principe devrait concourir en ce
sens.
B/ L’encadrement de l’autonomie
Telle qu’elle est consacrée par le pouvoir constituant, l’autonomie de décision
reconnue aux collectivités ne peut prendre corps qu’avec l’intervention des
pouvoirs législatif et réglementaire. Le principe est que les collectivités
territoriales exercent leurs compétences sous le contrôle de l’Etat, dans le
respect des lois et règlements ainsi que des conventions et accords
internationaux régulièrement ratifiés par le Niger. A ce titre, la loi a reçu
mandat du pouvoir constituant de déterminer les principes fondamentaux
suivant lesquels ces compétences doivent s’exercer. Le pouvoir règlementaire
ne doit intervenir qu’en exécution de la volonté du législateur, pour vérifier
que celle-ci est bien observée par les entités décentralisées. C’est ainsi qu’il
appartient au pouvoir législatif d’aménager l’exercice du principe (1), et au
pouvoir règlementaire de mettre en œuvre cet aménagement (2).
1. L’aménagement législatif
Dans la plupart des Etats unitaires, c’est la loi qui fixe essentiellement les
compétences de chacun des niveaux d’administration. Le juge est ensuite
compètent pour sanctionner tout acte administratif contraire à la loi, que ce
soit celui d’une collectivité territoriale ou celui d’une autorité de l’Etat central.
En matière de libre administration, le constituant nigérien se contente
d’énoncer le principe et confie au législateur le soin de déterminer les
conditions dans lesquelles les collectivités territoriales doivent en jouir. En
procédant ainsi, il érige la loi en norme de référence pour l’exercice de cette
« liberté ». Mais, en garantie des libertés locales, la compétence du législateur
doit s’exercer sous le contrôle du juge constitutionnel. Celui-ci peut ainsi
considérer qu’une loi organisant la libre administration méconnait trop cette
dernière ou, au contraire, ne la délimite pas suffisamment par rapport aux
prérogatives de l’Etat, il peut même éventuellement sanctionner l’inaction du
législateur, notamment en matière de libre administration.
(la loi organique n°2017-64 du 14 août 2017, portant Code électoral) et l’autre a un caractère
spécifique (l’ordonnance n°2010-54 portant CGCT)
78 Art. 37 à 49, 56, 98 et 112 du CGCT.
79 Modifiant l’ordonnance n° 2010-54 du 17 septembre 2010, portant Code Général des
2. La tutelle
En droit des collectivités territoriales, le terme « tutelle » est classiquement
défini comme le contrôle exercé par l’Etat sur les collectivités territoriales,
moins dans leur intérêt qu’en vue de sauvegarder l’intérêt général et la
légalité82. Au Niger, comme dans divers pays de l’Afrique de l’Ouest
francophone83 la mise en œuvre de la libre administration se conjugue avec un
important contrôle de tutelle ou « contrôle de légalité »84 dans son expression
moderne. Telle que prévue en droit nigérien85, la tutelle répond à des
préoccupations particulières. En effet, les premières expériences de la libre
administration des collectivités territoriales au Niger ont montré de
nombreuses illégalités de gestion et qui ont généré des précédents
difficilement rattrapables86. A cet égard, l’institution d’un contrôle de tutelle
contribuerait à prévenir ces irrégularités. Théoriquement, elle permet à l’Etat
central de veiller au respect de l’application uniforme de la loi sur toute
l’étendue du territoire national.
82 GUINCHARD S. (sous la dir.), Lexique des termes juridiques, 16e édition, paris, Dalloz,
2008, p. 658.
83En ce sens ; MEDE (N.), op.cit., p.5 ; NZE BEKALE (L.), op. cit., pp. 158 et suivants.
84 Dans un sens large, le contrôle de légalité est un contrôle exercé par une autorité
Le contrôle sur les actes porte « sur la conformité de l’acte aux lois et
règlements en vigueur et s’applique aux aspects et éléments de légalité interne
et de légalité externe de l’acte … »98. En disposant ainsi, le législateur nigérien
circonscrit ce contrôle à un « référentiel juridique» composé de la loi
fondamentale, des accords et traités internationaux, des textes législatifs, de la
jurisprudence, des actes règlementaires. En d’autres mots, c’est un contrôle
destiné à s’assurer que les actes juridiques des collectivités sont réguliers et
respectent le caractère unitaire de l’Etat, l’intégrité du territoire national ainsi
que l’autonomie de chaque collectivité territoriale99. Pour ménager le pouvoir
d’action des conseils élus, le législateur pose le principe que : « les actes pris
par les autorités des collectivités territoriales sont exécutoires de plein droit
dès qu’il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés
ainsi qu’à leur transmission à l’autorité de tutelle »100. Ainsi donc, la
principale condition posée pour l’entrée en vigueur de ces actes réside dans
l’obligation pour la collectivité d’informer particulièrement le représentant de
l’Etat (à travers le procédé de transmission), et plus globalement les
destinataires (à travers la notification ou la publication). Dans les deux cas, la
collectivité est tenue de communiquer.
95
En ce sens : PAGNOU (S.), «La place du contrôle de légalité dans les processus de bonne
gouvernance liés à la décentralisation. Le cas du Togo», Revue internationale des sciences
administratives, Vol. 79, 2013/3, p. 605.
96 FALL (I. M.), « Le contrôle de légalité des actes des collectivités locales au Sénégal », Afrilex
n° 5, p. 82.
97 Art. 305, al.2, CGCT.
98 Article 309, CGCT.
99 Au regard des articles 13 et 34 du décret n° 2013-035/ PRN/MI/SP/D/AR du 1er février 2013
fixant les règles relatives à la déconcentration au Niger, les représentants de l’Etat au niveau
déconcentré sont le Gouverneur pour la région et le préfet pour le Département.
100 Article 312, CGCT.
398 Annales africaines
De tous les modes d’exercice de la tutelle sur les personnes, c’est la révocation
qui cristallise les controverses en droit nigérien. Pourtant, le législateur a
relativement bien défini les conditions et les effets de son application. Pour
l’essentiel, la révocation des personnes n’est envisagée qu’en cas de
condamnation pour crime ou délit, ou de faute grave106. La première ne posant
pas de problème particulier (la qualification juridique relève des juridictions
compétentes), la difficulté réside dans l’appréciation de la faute grave. Au
regard de la loi, seul l’Etat central ou son représentant est compétent pour
apprécier si la faute grave est constituée ou non. Or, dans un contexte où les
rapports entre élus locaux et Etat central sont politisés à outrance, et donc
largement dépendant des logiques majoritaires, une simple divergence de vue
peut servir de prétexte pour constituer les éléments d’une faute grave,
nécessaire pour la révocation. De nombreux Nigériens se rappellent encore de
la révocation fracassante de l’ancien Maire central de Niamey107 intervenue
au lendemain de la décision de son parti, allié principal du Président de la
République, de quitter la mouvance présidentielle. Beaucoup ont considéré
cette révocation comme un règlement de compte, étant entendu que la faute
pour laquelle il a été sanctionné ne datait pas de la veille. L’avènement de
nombreux autres cas108 a renforcé le sentiment que les mesures de révocation
des dirigeants locaux sont majoritairement fondées sur des motifs d’ordre
politique.
Le contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales s’effectue enfin par voie
de « dissolution ». Au regard de la loi, la dissolution sanctionne les cas de
« fonctionnement impossible » des conseils élus109. La condition posée par le
législateur semble être proportionnelle à la gravité de la mesure puisque, s’il
s’agissait d’un simple « blocage » du conseil élu, c’est une mesure de
suspension qui est prévue. Mais la difficulté qui apparaît ici est liée à
l’appréciation de ce qu’est le « fonctionnement impossible ». Encore une fois,
seule l’administration centrale est habilitée par le législateur à en apprécier les
conditions. En d’autres mots, ni l’autorité judiciaire, ni aucune autre autorité
indépendante de l’Etat central ne peuvent intervenir dans la procédure aussi
106 Art. 63, CGCT : « Sont considérées comme graves pouvant entrainer la révocation prévue
à l’alinéa premier, les fautes ci-après : détournement de biens et/ ou des deniers publics dument
constaté par les services compétents ; concussion et/ ou corruption ; prêts irréguliers d’argent
sur les fonds de la commune ; faux en écriture publique et usage de faux ; endettement de la
commune résultant d’une fate de gestion ; (…). ».
107 A l’issue du Conseil des ministres du 30 septembre 2013, M. Oumarou Dogari Moumouni
ou régional peut être dissous. La dissolution est prononcée par décret pris en Conseil des
ministres, sur rapport du ministre chargé de la tutelle des collectivités territoriales…».
400 Annales africaines
dévoyé : http://www.tamtaminfo.com/comment-le-mecanisme-de-la-delegation-speciale-a-
ete-devoye/, consulté le 05 juillet 2019.
113 Cf. Exposé des motifs, Ordonnance portant Code général des collectivités territoriales de la
République du Niger.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 401
donc de s’interroger d’abord sur les fondements de cette entrave (A). Ensuite,
le fait que le principe ne jouisse pas d’une protection conséquente engendre
des violations de la part des différents acteurs, d’où l’intérêt d’aborder les
manifestations de l’entrave (B).
A/ Les fondements de l’insuffisance de la protection
Très souvent, lorsqu’on évoque les raisons qui entravent l’application
effective de la libre administration des collectivités territoriales, beaucoup
d’observateurs l’imputent au manque de volonté politique de l’Etat. Ce n’est
pas faux. Mais, à bien élargir le champ de l’analyse, l’on trouvera que les
fondements de l’insuffisance de la protection tiennent d’abord à la fragilité
des garanties (1), ensuite à l’ineffectivité des garanties (2) qui entourent le
principe de libre administration des collectivités territoriales.
1. La fragilité des garanties
De manière générale, en droit, quand un « droit » ou une « liberté » est
consacré par la loi fondamentale, on est en présence d’une garantie
fondamentale. Partant, l’on peut dire que la première garantie qui entoure la
libre administration viendrait de l’origine constitutionnelle du principe.
Pourquoi alors ses garanties seraient fragiles ?
L’expression « fragilité des garanties » renvoie à l’idée que « les garanties
sont bien existantes, mais elles demeurent faibles ». Si nous partons sur cette
considération, la faiblesse des garanties entourant la libre administration des
collectivités territoriales peut être analysée à l’aune de deux facteurs : elle tient
d’abord au cadre juridique organisant le principe ; elle tient ensuite à
l’environnement administratif et politique au sein duquel les collectivités
territoriales sont censées s’administrer librement.
Le cadre juridique consacrant et organisant le principe de libre administration
des collectivités territoriales présente des insuffisances notables dont certaines
mettent en péril, le système même de la décentralisation. Au regard des
expériences décentralisatrices post-conférences nationales au Niger, le
problème récurrent et rédhibitoire concerne principalement le renouvellement
à temps des conseils élus. Or, toutes les options constitutionnelles en matière
de libre administration font de ces conseils une condition sine qua non pour
qu’il y ait libre administration. Il en résulte que si ce problème continue de se
poser, c’est principalement parce que la condition liée aux conseils élus ne
bénéficie d’aucune garantie constitutionnelle de mise en œuvre. Avant
l’avènement du présent ordre juridique constitutionnel, l’espoir était permis
qu’au regard de ces difficultés, le constituant de 2010 allait suffisamment
entourer la libre administration de garanties suffisantes. Cet espoir a été déçu
puisque les mêmes « recettes » ont été utilisées pour, sans surprise, aboutir au
402 Annales africaines
même « plat »114. Une des attentes était que le constituant précise dans la loi
suprême les conditions essentielles de la libre administration comme le régime
électoral à l’image des élections législatives et présidentielles, ainsi que
l’obligation de renouveler régulièrement le mandat des conseils. De telles
dispositions auraient pu avoir des impacts plus positifs pour notre système de
décentralisation, en renforçant les libertés locales ou tout au moins, auraient
fait obstacle à leur banalisation. Dans une telle hypothèse, le Gouvernement
serait tenu de renouveler régulièrement le mandat des conseils élus au même
titre que les élections nationales. Mieux, comme l’a jugé le juge
constitutionnel français115, au cas où une disposition législative renvoie
indument au pouvoir règlementaire le soin d’apporter une limitation à la libre
administration, elle s’exposerait à la une censure de la cour constitutionnelle.
Aux fragiles garanties de la loi fondamentale, s’ajoutent celles de
l’Ordonnance n° 2010-54 instituant le Code général des collectivités
territoriales. Ce texte, adopté pendant la transition militaire de 2010, a la
particularité de renforcer l’emprise de l’Etat central sur les collectivités
territoriales. D’abord, dans la mise en œuvre de la libre administration
notamment, des pans importants en matière d’organisation, de
fonctionnement, de compétences ou de ressources sont suspendus aux décrets
d’application, donc au bon vouloir de l’Etat central. Or, celui-ci, connu pour
sa légendaire réticence par rapport aux libertés locales, ne semble pas
manifester une réelle volonté d’aller dans ce sens. À l’analyse de cette
ordonnance, on peut affirmer qu’elle porte en elle-même les germes d’un
handicap majeur qui rend difficile son application. En effet, pas moins de
soixante (60) décrets d’application ont été prévus pour sa mise en œuvre 116.
Sur la soixantaine de décrets, seule une dizaine a été prise117 en neuf années
d’application. Ce qui donne un ratio de mise en œuvre de moins du sixième.
Ceci est, peut-être, la conséquence de la confusion créée et entretenue par le
législateur qui se dérobe de ses obligations en permettant à ce que la libre
administration des collectivités territoriales dépende des choix du pouvoir
règlementaire national, dont certains ne sont pas favorables à la libre
administration des collectivités territoriales.
114 C’est toujours une loi organique qui devrait créer les collectivités territoriales, mais qui n’est
jamais adoptée ; c’est toujours le législateur qui est compètent pour déterminer les principes
fondamentaux de la libre administration, mais qui le fait en accordant une place prépondérante
au pouvoir règlementaire de sorte que pratiquement c’est l’Etat central qui maitrise l’essentiel…
la conséquence est que le renouvellement des conseils élus est suspendu à la volonté de l’Etat
central.
115 Cons. const. , dec. n° 83-168 DC du 20 janvier 1984.
116Ce faisant, l’administration centrale devient le véritable centre de production du droit des
collectivités territoriales.
117 DGDCT, Recueil des textes sur la décentralisation, Niamey, 5edition, 2016, 276 p.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 403
118 Le droit constitutionnel nigérien ne prévoit pas la possibilité d’une saisine directe du juge
constitutionnel pour les collectivités territoriales. Seul un recours par voie d’exception est
possible en vertu des dispositions de l’article 132 de la constitution. L’accès au juge
constitutionnel qui pourrait mieux garantir les droits et libertés que la constitution garantit est
donc très marginal.
119 FAURE (B.), op. cit., p.60.
120 MAHAMANE SABO (B.), « Gestion des collectivités territoriales : Encore, des maires
arrive que pour des problèmes purement locaux (une salle de classe qui
menace de tomber ou le forage du village qui tombe en panne), on fait appel
au préfet, au Ministre, voire au Président de République lorsque le lien
politique et social est très fort, mais jamais au Maire122. En montrant qu’elle
est la plus utile aux yeux des citoyens, l’administration centrale fragilise les
entités décentralisées, conçues à l’origine pour la soulager et la rendre plus
efficace et performante.
Les textes n’ont donc pas dissipé les tensions permanentes et perceptibles123
entre l’administration centrale et ses relais territoriaux d’un côté, et les
collectivités territoriales de l’autre côté. Ainsi, comme le rapport de force dans
la production des normes est visiblement à l’avantage de l’administration, le
CGCT a maintenu une forte présence de l’Etat au niveau local, en termes de
conception124, d’exécution125 et de contrôle126 des différentes politiques. Or,
en application du principe de subsidiarité prévu par le CGCT, la dévolution
des compétences s’effectue au niveau de l’administration qui est la plus
proche des préoccupations des populations bénéficiaires des services publics.
122 Extraits d’un entretien avec un préfet, dans la région de Tahoua, juillet 2018.
123 En ce sens : SAWADOGO (R.A.), l’Etat africain face à la décentralisation, Karthala, 2001,
p. 229, in NZE BEKALE (L.), «la contribution de l’union africaine à l’autonomisation des
gouvernements locaux et autorités locales en Afrique au prisme de la charte africaine des
valeurs de la décentralisation », Note d’Analyse Politique, n°57, p.125.
124 Art. 165, CGCT.
125 Art. 248, CGCT,
126 Art. 312 à 324 du CGCT.
127 Expression du Professeur MEDE Nicaise, in « L’autonomie retenue : études sur la libre
ressources de l’Etat aux régions, collectivités territoriales, dans les domaines de l’Education,
de la Santé, de l’Hydraulique et de l’Environnement.
132 Art. 159, CGCT.
133 NZE BEKALE (L.), Le principe de libre administration à l’épreuve des collectivités
135 Exposé des motifs, Ordonnance portant Code Général des Collectivités Territoriales de la
République du Niger.
136 C’est un décret pris en Conseil des ministres qui fixe les modalités de fonctionnement du
fonds d’appui à la décentralisation (article 225, al.2, CGCT) ; les modalités d’alimentation et
de gestion du fond d’appui à la décentralisation (art. 226 CGCT) ; les conditions dans lesquelles
les collectivités territoriales peuvent contracter des emprunts (art. 238, al.2 CGCT) et les
modalités d’exécution des opérations de recettes, de dépenses, de trésorerie, d’établissement
des comptes et de la comptabilité matières (art. 280, al.2 CGCT).
137 PHILIP (L.), «L’autonomie financière des collectivités territoriales », Cahier du Conseil
140 PHILIP (L.), « Le pouvoir fiscal local bénéficie-t-il d’une protection constitutionnelle ? »,
Pouvoir locaux, n°46, sept. 2000, in KPEDU (Y.A.), op.cit., p.12.
141 Art.22, al.2.
142 Art. 212-213, CGCT.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 409
143 Lois n°94-29 du 21 octobre 1994 déterminant le régime de tutelle applicable aux
arrondissements et aux communes n°94-28 du 21 octobre 1994 déterminant les principes
fondamentaux de la libre administration des arrondissements et des communes, ainsi que leurs
compétences et leurs ressources.
410 Annales africaines
144 lois n°2001-23 du 1er aout 2001 portant création de circonscriptions administratives et des
collectivités territoriales et n° 2002-12 du 11 juin 2002 déterminant les principes fondamentaux
de la libre administration des régions, des départements et des communes ainsi que leurs
compétences et leurs ressources.
145 Les élections locales du 24 juillet 2004 ont permis d’élire 3747 conseillers dont 663 femmes.
Les organes délibérants élus à la tête des nouvelles entités ont été officiellement installés au
courant du 1er trimestre de l’année 2005 : SALIFOU (M.), historique de la décentralisation au
Niger, Direction de la coopération décentralisée et du développement local, Niamey, 2008, pp.
12-15.
146 Sur un registre purement comparatif, le Code remet en cause les avancées acquises sous le
régime de la loi 2002-12 en réintroduisant notamment le contrôle a priori des actes des organes
locaux.
147 Expression tirée de l’exposé des motifs de l’Ordonnance portant CGCT.
148 MASLOW (A.), The psychology of science: à reconnaissance, New York, Harper and Row,
mesure d’organiser les élections locales en vue de renouveler les mandats des conseils élus. Les
mêmes efforts qui ont été consentis pour organiser les élections législatives et présidentielles
auraient dû être faits pour les organiser.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 411
Ces révisions répétitives prouvent à l’évidence que l’Etat n’a pas encore
trouvé les repères du système de décentralisation qui convient au corps social
nigérien. Il en découle qu’aujourd’hui, le cadre juridique relatif à la libre
administration des collectivités territoriales n’offre aucune garantie de
stabilité. Car, s’il faut ajouter à ces différents retournements, l’interprétation
divergente des textes entre l’administration étatique et les autorités
décentralisées, ce sont les germes d’une tension permanente que le droit
engendre. A court terme, cette instabilité des règles applicables à la
décentralisation crée un climat d’insécurité juridique pour les citoyens. En
effet, comme l’a écrit M. FAURE, le droit perdrait sa valeur libérale, ne
serait plus qu’une étiquette formelle, si les personnes n’avaient plus de
certitude sur ce qu’il autorise, impose ou défend153. Or, pour que la libre
administration puisse produire des meilleurs résultats, une stabilité des textes
est indispensable, dans le sens où elle protègerait les acteurs face aux
retournements du pouvoir de l’Etat. A long terme, l’instabilité des textes ne
favorise même pas une collaboration des populations à la réforme de l’Etat.
Elle provoquerait selon M. OUATTARA le rejet de l’Etat par les
populations154. En tout cas, la pratique généralisée du recours au système de
150 Art. 23, CGCT, pour la commune ; art. 98, CGCT pour la région.
151 Selon le lexique des termes juridiques, le terme « nécessité » renvoie à l’idée d’ »urgence ».
Et, l’urgence réside dans ce qui est relativement imprévisible. Or, il n y a rien d’imprévisible
dans le renouvellement du mandat des conseils élus, étant entendu que la durée de ce mandat
est préalablement fixée par le législateur, à 5 ans.
152 Le dernier est intervenu le 19 juin 2019.
153 FAURE B. op.cit., p. 68.
154 OUATTARA (S.), Gouvernances et libertés locales. Pour une renaissance de l’Afrique,
Paris, L’Harmattan, 2007, p.212, cité par NZE BEKALE (L.), op.cit., p.122.
412 Annales africaines
155 Article 178, CGCT: « en cas de dissolution du conseil municipal ou régional, de démission
de tous ses membres, (…), une Délégation spéciale est désignée pour en remplir les
fonctions…».
156 Malot (Ch.), La délégation spéciale dans les collectivités territoriales françaises,
délégation spéciale est de six(6) mois à compter de la date de signature de l’arrêté portant
nomination de ses membres. Toutefois lorsque les circonstances l’exigent, elle peut être
prorogée une seule fois, pour une période de six(6) mois, par arrêté du ministre chargé de la
tutelle des Collectivités Territoriales ».
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 413
159 Art. 180, al. 2, Ordonnance n° 2018-01 du 09 février 2018, modifiant et complétant
l’ordonnance n° 2010-54 du 17 septembre 2010, portant Code général des collectivités
territoriales du Niger. Cette Ordonnance a été ratifiée par la loi n° 2018-11.
160 Décret n°2012-582/PRN/MISPD/AR du 28 décembre 2012, fixant les conditions de
spéciales ont été nommées à la tête des collectivités territoriales. À titre d’illustrations, on peut
citer les cas de la Ville de Niamey (Conseil des ministres du 17 aout 2017) ; de la Ville Maradi
(Décret n° 2018-778/PRN/MISPD/ACR du 02 novembre 2018) et, tout récemment d’Agadez
(Conseil des Ministres du 20 septembre 2019). D’autres collectivités de niveau intermédiaire
(communes urbaines notamment) sont également dirigées par des Délégations spéciales :
communes urbaines de BILMA, de DAKORO, de FILINGUE, de TESKER, de N’ GOURTI,
etc.
414 Annales africaines
163 Le concept d’étranger est utilisé ici en termes de « local » et non « national ». À ce titre, un
ancien élu, rencontré à Niamey au cours de nos recherches, s’interrogea au sujet des Délégations
spéciales : « comment des étrangers pourraient-ils gérer efficacement des affaires d’une
commune qu’ils ne connaissent pas… ? ».
164 ABDOU SADOU (S.), « Comment le mécanisme de la délégation spéciale a été dévoyé » :
http://www.tamtaminfo.com/comment-le-mecanisme-de-la-delegation-speciale-a-ete-devoye/,
consulté le 25 aout 2019.
165 MOUMOUNI (A.) et SEYNI AMADOU (T.), « les milieux d’affaires et politiques vus
comme le siège d’une corruption croissante au Niger », Dépêche n° 313, Afro baromètre. A
l’issue de l’enquête, 6% des nigériens estiment que « tous les élus locaux sont corrompus » ;
18% estiment que « la plupart d’entre eux sont corrompus » et 48% pensent que « certains
d’entre eux » seulement sont corrompus, p.2.
« Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 415
Conclusion
Plus de cinquante (50) ans après la première consécration du principe de libre
administration des collectivités territoriales dans une loi fondamentale, l’état
des libertés locales n’est pas encore à la hauteur de l’espoir suscité. Revêtue
d’une remarquable connotation politique, la libre administration des
collectivités territoriales fonde le droit pour que les collectivités territoriales
soient une réalité juridique avec une autonomie de décision effective. Malgré
les différents actes posés, la libre administration n’a pas encore trouvé ses
repères. L’impréparation des élus à gérer les affaires locales, l’effet pernicieux
du phénomène majoritaire, le retard ou la négligence dans le transfert des
compétences et des ressources financières à l’échelon local ont contribué à
entraver sérieusement l’essor de cette garantie de libre gestion que les
différentes options constitutionnelles ont régulièrement consacrée.
Dans ces conditions, peut-on légitimement s’attendre, dans l’avenir, à un
renouveau de la libre administration des collectivités territoriales, et donc de
tout le système de la décentralisation ? Dans l’immédiat, il n’est pas prudent
de donner une réponse précise et tranchée à cette question. Il est néanmoins
possible d’affirmer que l’espoir demeure, pour deux raisons. D’abord, sur le
plan juridique, deux évènements récents fondent cet espoir. Le premier est
relatif à l’adoption de la loi n°2019-26 du 17 juin 2019 portant statut autonome
du personnel des Collectivités Territoriales. À travers ce texte, c’est peut être
une future fonction publique territoriale dotée de moyens juridiques et
humains qui est en gestation. Sa concrétisation sera une avancée considérable.
Le second concerne la ratification par l’Etat du Niger de la Charte africaine
des valeurs et des principes de la décentralisation, de la gouvernance locale du
développement local adoptée le 27 juin 2014 à Malabo. Cette Charte
contribuera à donner une dimension communautaire à la décentralisation avec
l’effet juridique qui en découle.
Ensuite avec les élections générales, y compris locales, de 2021, le principe
de la libre administration des collectivités territoriales retrouvera toute sa
signification constitutionnelle. Ainsi, la pratique des délégations spéciales
cessera, les collectivités territoriales pourront à nouveau retrouver leurs
conseils élus avec des membres élus. L’avènement d’un nouveau droit de la
décentralisation au Niger est peut-être proche.