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Thème :
Syndrome de Turner
En 1930, Otto Ullrich, pédiatre de Munich, décrit un ensemble caractérisé par un « ptérygium
colli » (c’est-à-dire un cou élargi par des palmures) et par des œdèmes avec dilatation des
vaisseaux lymphatiques des membres (4). Il rapproche ces malformations de celles que
Bonnevie avait décrites (5), d’où la désignation de syndrome de Bonnevie-Ullrich (6).
En 1938, Henry Hubert Turner de l’Université d’Oklahoma (États-Unis) (7) rapporte une
série de sept observations de sujets d’aspect féminin comportant une absence primitive des
règles, un impubérisme, une petite taille associée à des malformations multiples dont les plus
caractéristiques sont le cou palmé (ptérygium colli) et le cubitus valgus.
Devant ces symptômes, Turner avait suspecté une insuffisance hypophysaire, ce qui était
faux, mais l’originalité du syndrome était due, à cette époque, à l’ensemble malformatif et à
l’aspect particulier de ces patientes.
Les caractéristiques de cette description n’ont jamais été remises en cause, si bien qu’il est
classique de parler du syndrome de Turner, encore que dans la littérature allemande, on parle
aussi de syndrome d’Ullrich- 20 Le syndrome de Turner. Il est aussi d’usage de désigner de «
turnériennes » les filles atteintes de cette affection (2).
Quatre ans plus tard, en 1942, Varney et al. (8) et Albright, Smith et Fraser (9) insistent sur la
constance du retard de taille dans ce syndrome et, grâce à la mise au point récente du dosage
des gonadotrophines hypophysaires, ils mettent en évidence des taux élevés de ces
gonadotrophines dans les urines des patientes affectées du syndrome. Cela leur permet
d’affirmer que l’hypophyse n’est pas en cause dans l’origine du syndrome et qu’il s’agit d’un
stigmate biologique d’atteinte ovarienne primitive.
À l’époque, on conclut de façon un peu hâtive que les turnériennes sont génétiquement mâles
(12).
1. Les origines
Le syndrome Turner doit son existence à un accident génétique. Cela veut dire qu’il n’est pas
transmis par les parents.
A) Une absence totale de l’un des gonosomes X (soit 45X) dans 55 % des cas de
syndrome de Turner : la monosomie
L'origine principale du syndrome de Turner réside dans la monosomie du chromosome X, ce
qui signifie qu'une femme atteinte de ce syndrome possède seulement un chromosome X au
lieu des deux chromosomes X normaux.
B) Les deux gonosomes XX sont présents, mais l’un d’entre eux présente une
anomalie dans 25 % des cas : c’est la délétion.
C) L’absence du gonosome X dans une partie des cellules de l’organisme dans 20 %
des cas. Le gonosome est présent dans certaines cellules et absente dans d’autres : il
s’agit du mosaïcisme ou du mosaïsme.
2. Les causes
Les causes exactes du syndrome de Turner ne sont pas connues, mais il est généralement
considéré comme une mutation aléatoire qui se produit pendant la formation des gamètes de
la mère ou du père
Le mécanisme exact à l'origine de cette altération génétique chez l'embryon est inconnu, mais
deux théories possibles sont actuellement à l'étude :
· Théorie méiotique : la cause serait une altération de la gamétogenèse (formation des
ovules et du sperme) des parents. Il en résulterait des gamètes qui ne portent pas le
chromosome X et qui, lorsqu'ils seraient fécondés, donneraient naissance à des
embryons de caryotype 45, XO.
La majorité des recherches misent sur cette seconde théorie, la mitotique, bien qu'elles
n'écartent pas complètement la première.
FiFig.2
Une fille de 13 ans qui a des caractéristiques physiques typiques du syndrome de Turner
telles qu'une petite taille, une constitution trapue, une poitrine large avec des mamelons
très espacés et une absence de développement des seins, et un cubitus valgus
Gènes associés
Jusqu'à présent, un seul gène des chromosomes sexuels, SHOX (codant pour la protéine
homéoboîte de la petite taille), situé dans la région pseudo-autosomale 1 des chromosomes X
et Y, a été associé de manière convaincante au phénotype du syndrome de Turner. SHOX
échappe à l'inactivation du chromosome X et une diminution de son expression explique en
partie le déficit de croissance associé au syndrome de Turner. En outre, l'haploinsuffisance de
SHOX est généralement associée à la présence d'une scoliose, d'une micrognathie, d'un palais
très arqué, d'une déformation de Madelung et d'une longueur de jambe réduite (mais d'une
taille normale en position assise).
D’autres organes peuvent être atteints :
- Le système cardiovasculaire : dans environ 30 % des cas, il y a une malformation
cardiaque, en général mineure, portant en particulier sur l’aorte (coarctation de l’aorte) ou la
valve aortique (valve aortique bicuspide). L’hypertension artérielle précoce est également
fréquente : jusqu’à 40 % des adolescentes et des jeunes femmes en sont atteintes. La
surveillance des vaisseaux sanguins doit se poursuivre toute la vie, du fait du risque de
dilatation de l’aorte qui expose au risque de dissection aortique qui est un accident grave.
Exceptionnellement, la malformation est grave et met en jeu le pronostic vital. Elle est en
général détectée par l’échographie anténatale.
Génétiquement la présence fréquente de valves aortiques bicuspides et de dilatation aortique
Pourrait être expliquée par deux études. Premièrement, l'haploinsuffisance du gène TIMP1 du
chromosome X (codant pour l'inhibiteur tissulaire de la métalloprotéinase matricielle 1 ; ce
gène échappe à l'inactivation par le chromosome X) qui se produit en même temps que la
présence d'allèles à risque spécifiques d'un gène paralogue (TIMP3 situé sur le chromosome
22) semble expliquer le risque >10 fois plus élevé de valve aortique bicuspide et de dilatation
aortique chez les femmes atteintes du syndrome de Turner.
- Les reins : il peut y avoir un rein unique, un rein en fer à cheval (les deux reins sont unis en
U), ou des malformations des voies urinaires dans environ 20 à 30 % des cas. Ces anomalies
peuvent favoriser les infections urinaires et l’hypertension artérielle.
- Les os : la déminéralisation de l’os (ostéoporose) fragilise l’os et favorise les fractures. Elle
est en partie due à la carence en hormones sexuelles féminines (œstrogènes) et peut donc être
prévenue par un traitement approprié
Le système endocrinien : le risque de diabète (maladie qui se caractérise notamment par une
augmentation du taux de sucre dans le sang - glycémie) non insulino-dépendant (qui n’est pas
lié à un problème de production d’insuline) est deux fois plus fréquent que dans la population
générale. Un mauvais fonctionnement de la glande thyroïde (hypothyroïdie) peut apparaître
chez l’adolescente ou l’adulte dans un tiers des cas environ. Une intolérance au gluten, une
protéine que l’on trouve dans beaucoup de céréales, est possible, c’est la maladie cœliaque.
Le risque d’obésité est également plus élevé chez les femmes adultes atteints du syndrome de
Turner.
- Les oreilles : les otites à répétition sont fréquentes dans l’enfance et doivent être prises en
charge de façon énergique. Les problèmes ORL sont souvent latents et doivent être dépistés
régulièrement dans l’enfance et chez l’adulte. Une diminution de l’audition (hy-poacousie)
est fréquente chez l’adulte.
- Les yeux : le risque de strabisme (yeux qui louchent) est augmenté.
- L’apprentissage : la majorité des personnes ayant un syndrome de Turner a une capacité
intellectuelle normale. Moins de 6 % des personnes atteintes présentent une déficience
intellectuelle. Cependant, il existe souvent des difficultés d’apprentissage spécifiques, liées à
des troubles qui portent sur les capacités de perception et de coordination visuo-spatiales (par
exemple, difficulté pour faire tourner mentalement un objet), et l’apprentissage des
mathématiques. Des difficultés dans la coordination motrice, l’attention et la mémoire
peuvent aussi être présentes et s’améliorer avec le traitement par hormones féminines.
- Le développement socio-émotionnel : globalement, le comportement est dans les limites
de la normale et il n’y a pas de comportement typique du syndrome de Turner (stéréotype
comportemental). Des études récentes montrent que les jeunes femmes atteintes du syndrome
qui ont reçu un traitement par hormone de croissance ont une qualité de vie perçue comme
normale en comparaison avec des jeunes femmes du même âge. En revanche, leur estime de
soi peut être modérément diminuée. L’absence de développement de caractéristiques
féminines (seins, règles...) due à l’insuffisance ovarienne est probablement un des facteurs
importants de cette diminution. Le déclenchement précoce de la puberté (induction
pubertaire) par un traitement approprié (à un âge normal par rapport aux autres adolescentes)
favorise une expérience sexuelle plus précoce, ainsi qu’une amélioration de l’estime de soi.
E) Diagnostique
Le syndrome de Turner peut éveiller des soupçons dès la période de gestation. Certains
signes échographiques comme celles révélant une malformation cardiaque ou rénale sont
très évocateurs. Toutefois, ce n’est que pendant l’enfance ou lors de l’adolescence que le mal
est souvent détecté. Les symptômes comme la petite taille, l’absence de signes de puberté et
bien d’autres, poussent au diagnostic. Il est cependant possible qu’une fille de petite taille, ne
présentant pas les autres signes n’attire pas l’attention.
Le caryotype
Une fois que le mal éveille des soupçons, le diagnostic peut être posé. Il consiste en
l’établissement et l’étude du caryotype encore appelé ‘’étude cytogénétique’’. Il s’effectue
sur la base d’un prélèvement du liquide amniotique (dans le cas d’un diagnostic prénatal) ou
du sang. En effet, le caryotype n’est rien d’autre qu’une technique qui permet d’examiner les
chromosomes, après les avoir disposés par pair et classés par taille. Elle permet de
déterminer le nombre de chromosomes et d’en observer les structures. Cette analyse devrait
permettre d’observer le nombre et les structures des gonosomes.
Les cas où un gonosome X entier manque (caryotype 45X) représentent environ 55 % des cas
du syndrome de Turner. Dans les 25 % des cas de cette pathologie, on remarque la présence
des deux gonosomes X, mais l’un d’entre eux est défectueux. Dans Les 20 % des cas restants,
certaines cellules sont 45X et d’autres 46 X ; certaines cellules peuvent aussi avoir d’autres
anomalies.
Les examens complémentaires
Hormis le caryotype, certains examens peuvent s’avérer nécessaires pour confirmer le
diagnostic du syndrome de Turner. Il s’agit principalement de :
L’hormone de croissance est une substance naturellement fabriquée par une glande située à
la base du cerveau (l’hypophyse). Le traitement consiste à administrer l’équivalent de
l’hormone de croissance, fabriqué en laboratoire (hormone de synthèse).
Le traitement est poursuivi jusqu’à ce que le squelette de la fille atteigne un stade qui
correspond à celui d’une enfant de 14 ans. On parle d’âge osseux de 14 ans. Ceci est
déterminé à l’aide de radiographies.
A partir de l’âge normal de la puberté, l’apport des hormones qui sont normalement
fabriquées par l’ovaire, œstrogènes dans un premier temps puis œstrogènes et progestérone,
est indispensable. La jeune fille reçoit un traitement dit substitutif, d’abord pour induire la
puberté (traitement par œstrogènes).
A l’âge adulte, le traitement substitutif, par œstrogènes et progestérone, doit être maintenu
(sauf contre-indications). Il est actuellement conseillé de prolonger le traitement après l’âge
normal de la ménopause car il protègerait de l’ostéoporose.
Cette pathologie survient par le plus grand des hasards. Elle n’est pas transmise par l’un des
parents. Elle ne dépend ni de l’âge de la mère, ni de son hygiène de vie, ni de son
alimentation. Il est donc presque impossible de transmettre cette maladie dans le cercle
familial.
i
David, M., Nicolino, M. (2009). Historique et iconographie du syndrome de Turner. In: Le
syndrome de Turner. Springer, Paris. https://doi.org/10.1007/978-2-287-87855-8_2