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Introduction

Les coups d’État se succèdent à un rythme soutenu en Afrique, et surtout en Afrique de


l’Ouest.

Cette région subit avec une acuité particulière les déstabilisations politiques et
sociales dues à la mondialisation. En effet, déjà fragiles, les jeunes Etats
indépendants ont hérité d’une souveraineté chancelante que la domination des
multinationales et la dislocation des sociétés sous l’effet des politiques
d’ajustement structurel ont achevé de réduire à néant.

Ainsi, la puissance publique devient une fiction dont on cherche à tirer profit et
le coup d’États un mode naturel de conquête du pouvoir.

Mais ce qui est vraiment nouveau dans ces événements, c’est la manière dont ils sont
qualifiés. Les nouveaux hommes forts tentent de camoufler leurs actions en nommant la
réalité différemment.

A ! Les causes

L'effet domino est presque évident, les raisons conjoncturelles et profondes le sont
moins, mais sont bien là, derrière ces remakes qui virent au phénomène .

L’Agence Anadolu (AA) a sondé certains d'entre eux. Ils pointent du doigt entre autres,
l’échec des politiques publiques, la corruption électorale, la montée de l’extrémisme
violent et une posture des populations à se tourner vers de nouveaux partenaires.

- L'échec des politiques publiques

Hien estime que la résurgence, à présent, des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest
s’explique par le fait que "le terrain est fertile à cela". "On se rend compte qu’il y a un
certain nombre de problèmes, notamment la question sécuritaire qui a favorisé le
terreau pour ces coups d’Etat, car la plupart de ces Etats qui se sont rapprochés - à un
moment donné - de l’Occident n’arrivent plus à garantir la sécurité à leurs
populations".

Les différents gouvernements sont en train de faillir avec une montée fulgurante de
l’extrémisme violent. Et la France, le principal Etat qui est intervenu aux côtés des pays
de la sous-région pour essayer de restaurer la sécurité, n’a pas pu réaliser de résultats
concrets depuis plus de dix ans.

Donc aujourd’hui, les peuples sont exaspérés et les militaires profitent de cette situation
pour revenir au pouvoir et se légitimer car actuellement, les coups d’Etats auxquels on
assiste – Mali, Guinée, Burkina Faso- ce sont des coups d’Etats qui ont été légitimés. Les
peuples ont applaudis car, à un moment donné, les anciens régimes avaient montré leurs
limites.

ON note qu’aujourd’hui, la plupart de ces Etats africains qui ont enregistré des coups
d’Etat tendent à se rapprocher de la Russie "qui semble être plus efficace" dans la lutte
contre l’insécurité, soulignant que l’"on peut analyser les coups d’Etat sous l’angle de
l’affrontement des grandes puissances sur le sol africain, et de l’échec des politiques
publiques africaines que ce soit les partis politiques ou les gouvernements".

- Les populations ont besoins d’actes concrets

Dr Poussi Sawadogo, diplomate, enseignant-chercheur estime, pour sa part, que


l’avènement des coups d'État en Afrique de l'Ouest, en l'occurrence au Mali, en Guinée
et au Burkina Faso s'explique par "une gouvernance post-électorale insatisfaisante
caractérisée par la corruption, le népotisme et l'insécurité galopante".

Pour cause, les acteurs politiques, notamment les présidents élus et les membres des
gouvernements peinent à répondre aux attentes des populations en termes de
responsabilité, de transparence, de participation et d'inclusion.

Prenant l’exemple du Burkina Faso, on rappelle que depuis 2016, le programme


politique du Président Kaboré et de ses gouvernements a été "l'accusation pure et
simple du Président Blaise Compaoré tout en amplifiant les tares de l'ancien pouvoir qui
les a d'ailleurs fabriqués".

Les populations ont des besoins concrets qui ne se règlent pas avec la démagogie et la
haine fratricide. L'incapacité du pouvoir Kaboré d'apporter la paix a été l'élément
majeur qui l'a emporté le 24 janvier 2022. Face à plus de 2000 morts et à près de 2
millions de personnes déplacées internes, il était intolérable d'accepter le péril sans
réagir surtout du côté de l'armée qui manquait du minimum pour faire face au
terrorisme.

Avec l'accompagnement de la communauté internationale, les pays d’Afrique de l’Ouest


qui ont connu des coups d'État peuvent se refonder et devenir des démocraties
"respectables" car dans le fond, les démocraties à l'occidentale semblent "incapables"
de relever les défis sécuritaires qui s'imposent.

Les grandes puissances comme les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont fini
par jeter l'éponge en Afghanistan. En Syrie, elles ont aussi céder le terrain à la Russie et
à ses alliés. Le retour en force des régimes militaires doit être une interpellation face à
une démocratie imposée par l'ordre international qui s'accommode mal des réalités
endogènes africaines.

- Faillite d'un modèle démocratique

Pour Danouma Ismaël Traoré, journaliste et doctorant en Études politiques à EHESS


Paris, il y a dans un premier temps la faillite même de la démocratie électorale imposée
en Afrique . La quasi-totalité des pays d’Afrique ont été à la fois poussés par les
pressions internes qui exigeaient plus de libertés et de démocratie dans les années 1990,
mais aussi par la pression internationale à s’ouvrir davantage.

La deuxième raison s’applique surtout avec les cas du Burkina Faso et du Mali. C’est le
contexte sécuritaire avec l’aggravation de la situation et la faillite totale des Etats.
La troisième raison est liée aux tendances putschistes au sein des armées africaines qui
ne se sont jamais estompées. L’armée ne s’est jamais retirée de l’arène politique dans de
nombreux pays si bien que constituer des gouvernements sans mettre de militaires aux
portefeuilles de la Défense ou de la Sécurité c’est un scandale pour certains.

Logiquement lorsqu’un militaire veut s’engager dans la politique, il doit pouvoir


démissionner et aller en compétition avec les autres citoyens à armes égales.

"Bien plus qu’un effet de mode, la multiplication de ces coups de force traduit une crise
profonde des systèmes politiques, déconnectés des attentes populaires et plombés par la
corruption. Ils rappellent la nécessité de repenser les modèles démocratiques, au-delà du
seul moment électoral, mais également l’efficacité des institutions supposées protéger et
servir les citoyens", indique l'Institut d'études de sécurité (ISS), dans un article publié
sur son site le 15 octobre 2021, à la suite d’un séminaire baptisé : " Vers un retour des
coups d'État en Afrique ?".

B ! Les solutions

Il est vrai que l'habitude est une seconde nature et qu'il revient au galop s'il
faut chasser le naturel. Sans aucun doute, le phénomène du coup d'État s'est
bien imposé comme une habitude politique en Afrique. Mais il ne constitue pas
une destinée dont l'Afrique ne peut se défaire. Ce fléau n'est point une maladie
héréditaire dont les États africains ne peuvent se guérir. Pour tout dire, la
neutralisation des coups d'État du continent africain est possible. Il convient
juste de prendre le taureau par les cornes en posant des préalables solides.

Cela revient à s'attaquer à la base des maux qui gangrènent le continent et


sapent la stabilité politique des États. La démocratie doit à cet effet dépasser le
simple stade des bonnes intentions et amorcer l'ultime phase qu'elle peine à
retrouver : celle de la consolidation.

Tout d’abord ,il y a un réel travail d’éducation politique à faire si on veut, à travers
l’Afrique, favoriser l’enracinement durable d’une culture de l’État de droit.

Exercice de lucidité
 
Pour ce faire, il faudra commencer par réévaluer, au niveau national, les perceptions
collectives en lien avec la signification de l’État de droit et ce qu’il implique en matière
de gouvernement de la société. Car la persistance de la violence et de l’autoritarisme
comme modalités de socialisation politique est en contradiction avec les exigences
éthiques, juridiques et constitutionnelles de l’organisation démocratique des pouvoirs
publics. Et il sera très difficile d’opérer des changements à l’échelle sous-régionale et à
l’échelle continentale si à l’intérieur des frontières persistent des modes de gouvernance
qui allient dans une logique contradictoire le respect de l’État de droit, une
représentation autoritaire du pouvoir et des pratiques prétoriennes de la gouvernance.

Peut-être que l’idéal serait de ne plus galvauder les références à la démocratie libérale et
à l’État de droit, mais de savoir fondamentalement comment une société d’hommes et de
femmes peut s’organiser de manière à répondre aux besoins existentiels des êtres
humains, ne serait-ce que minimalement. 

La résorption des inégalités sociales : En effet, la résorption des inégalités


sociales importe d'aller au-delà des intérêts particuliers au profit d'une
redistribution équitable des richesses nationales. Il s'agit de s'élever en
transcendant les intérêts sectaristes au profit du bien général. Ici, l'appel est à
la gestion efficiente des affaires publiques, une gestion orientée vers le
développement de toutes les couches et de tous les groupes de la société.
Seul ce type de gouvernance des États africains permettrait de dompter les
frustrations nées des clivages socio-culturels qui alimentent les troubles post-
électoraux sanglants et les séditions ; le but étant d'atténuer la pauvreté,
source de multiples conflits déstabilisateurs du néo-constitutionnalisme 263(*).

LE RECADRAGE DU POUVOIR PRÉSIDENTIEL : On a considéré, non sans


raison, que les chefs d'État africains sont souvent à la baguette des
manoeuvres qui conduisent aux anormalités constitutionnelles. Et c'est une
réalité qui plane fatalement sur le constitutionnalisme en Afrique. Le succès de
la démocratie suppose donc que ce personnage central de l'État, cheval de
Troie de l'effectivité du processus démocratique, soit enchainé et apprivoisé.
Pour y arriver, le pouvoir juridictionnel doit jouer un rôle crucial et la société
civile doit venir en renfort comme dernier rempart décisif .

 L'ANTICIPATION DES CRISES PROPICES AUX COUPS D'ÉTAT :

« Il n'y a jamais de fumée sans feu ». Partant de cet adage populaire, on a
conclu que chaque coup d'État est le symptôme d'un mal plus profond ayant
miné les sphères essentielles des États qui en sont victimes ; la partie
émergée de l'iceberg de l'instabilité sociale, économique, politique et
institutionnelle qui ronge les États africains. Pour venir définitivement à bout
de ce fléau, il est donc nécessaire que l'UA veille à tuer dans l'oeuf ses crises
annonciatrices à travers un contrôle démocratique des États . Cette approche
préventive suppose des mécanismes pour anticiper la survenance d'une
situation qualifiée d'inconstitutionnelle du fait de la mauvaise gouvernance du
pouvoir d'État. L'UA est donc appelée à veiller étroitement au respect par les
chefs d'États des modalités démocratiques d'accession au pouvoir et surtout
celles de son exercice. Le respect de la sacralité de la constitution, la limitation
des mandats et pouvoirs présidentiels, l'alternance démocratique, le
déroulement des processus électoraux, le respect des droits et libertés
fondamentaux de l'homme, la bonne gouvernance économique sont à notre
sens les composantes démocratiques à surveiller de très près dans les États.
Ce contrôle en amont permettra de déceler les transgressions des normes
démocratiques dont la persistance et la répétition peuvent conduire à des
changements anticonstitutionnels.

L'intransigeance des sanctions : Une proscription est autant efficace qu'elle


est assortie d'un système coercitif approprié et rigoureux pour censurer sa
violation. Afin d'imposer le respect de l'interdiction des changements
anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique, il est impératif que l'UA
mette en oeuvre une politique d'application draconienne des sanctions. Pour
cela, elle doit adopter des stratégies de sanction et des mesures pratiques
nouvelles. Il s'agit de créer les conditions favorables pour pouvoir adopter des
sanctions ciblées, appropriées et strictes et en imposer le respect scrupuleux.
A cet égard, l'UA doit finir autant que possible avec les mesures coercitives
fallacieuses et intégrer une dimension durement punitive des auteurs de coup
d'État. Car d'après des études crédibles, on est parvenu à la conclusion que
les sanctions servent plus à se faire une bonne conscience qu'à vraiment bien
faire.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Peut-être, il serait trop osé de prétendre avoir tout dit sur la problématique du
coup d'État en Afrique. Tellement les causes de ce fléau s'entremêlent,
tellement ses modalités sont de plus en plus variables sur le continent et la
recherche du remède approprié pour le faire taire pour de bon implique la
combinaison de plusieurs solutions. Mais au terme de cette réflexion, un
constat général s'est dégagé. Le coup d'État plane fatalement sur la majorité
des États d'Afrique comme une épée de Damoclès. La stabilité apparente des
États ne doit pas occulter leur vulnérabilité aux coups d'État parce que les
gènes de ce mal sont visibles un peu partout sur le continent.

Mais à l'épreuve des faits, tout est apparu illusoire et le pari de libérer le peuple
africain de la hantise des coups d'État semble relever toujours de la chimère.
Au niveau continental, il se pose alors la question de l'efficacité de la
philosophie de l'UA dans le processus de lutte contre ce phénomène. Aux
niveaux nationaux, l'on s'interroge sur l'effectivité de l'adhésion des États à
l'idéal démocratique.

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