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DROIT PRIVÉ FRANÇAIS

DROIT MUSULMAN
Professeur : Mohamed EL MADANI

01/01/2020
Droit musulman Professeur Mohamed EL MADANI

Cours du Droit musulman


La loi islamique découle du coran, élément de base de l'islam qui énonce qu'il
n'ya d'autres dieu qu'Allah et que Mohamed est son prophète. Il ne s'agit pas
d'un simple acte de foi mais d'une soumission complète aux règles de vie de la
communauté islamique.

Section 1: Les Sources Sacrées du Droit Musulman :

A/ CORAN :
Le mot " Coran " signifie récitation en arabe. Il comprend plusieurs versets qui
posent le principe selon lequel toute action doit être conforme aux prescriptions
de l'islam. Ainsi, il est dit dans le Coran : " nous t avons envoyé le livre
contenant la vérité afin que tu juges entre les hommes d'après ce qu'Allah t'a fait
connaître " " juge entre eux tous selon les commandements de dieu "" nous
avons assignés à chacun de vous, un code et une règle de conduite".Parmi les
caractéristiques du Coran on peut résumer :

1- le Coran est une révélation de la parole de Dieu:

Les récitations du prophète Mohamed que la paix soit sur lui, étaient verbales.
La mémoire en était confiée aux amis et compagnons du prophète. Aucun texte
écrit n'était dressé. Le Coran a été écrit et codifié à l'époque d’Otman Ibn Afan,
3eme khalife du P.M. Il ne s’agit pas d'un code ni d'un texte juridique car le
Coran revêt un caractère global. Il concerne. Il concerne tous les comportements
des hommes qui constituent des éléments indissociables et indivisibles de
l'islam. Le Coran présente de par son origine des caractères qu'il faut considérer
comme le fondement de l'islam à savoir:

* il est définitif et immuable:


Le croyant ne pouvait mettre en doute la parole de Dieu. Les commentateurs ne
pourront en conséquence que préciser certains points obscures s'il y a lieu. Ils
doivent s'abstenir de modifier le texte coranique étant donné qu'en principe,
toutes les solutions des problèmes présents et d'avenir se trouvent dans le Coran.

* le Coran n'est pas un code, ni un monument doctrinal acaractère juridique: sur


6219 versets, 600 seulement contiennent des règles de droit. Il contient en plus
un ensemble de percepts concernant tous les aspects de la vie d'un musulman.

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* c'est un texte écrit:


N’ayant pas été écrit du vivant, il est l'œuvre de disciples du prophète qui
avaient appris par cœur les paroles divines ensuite les avaient écrites,
enregistrées, codifiées a l'époque du 3eme khalife Otman Ibn Afan. Pour les
musulmans, aucun doute n'existe concernant l'authenticité et la véracité du
Coran.

Il s'agit d'un acte de foi :

* du point de vue de degré de généralité des dispositions légales divines, le


Coran contient des "ahkams" qui sont des décisions semblables a des jugements.
Ce sont des règles qui interviennent a un point nommé pour résoudre un
problème particulier.

* du point de vue du sens des dispositions elles sont de 2 sortes: certaines, c a d


dont le sens est clair.

Il ne peut donner lieu qu'a une seule interprétation ; ex: " ALLAH, Dieu vous
commande dans le partage de vos bien de donner au fils mal la portion de
deux filles". Cette catégorie de règle ne peut faire l'objet d'aucun Ijtihad ni
d'interprétation de la part des jurisconsultes.

Elles peuvent aussi être présomptives c'est à dire qui peuvent être interprétées
de deux ou plusieurs manières.

Ce qui ouvre la voie aux jurisconsultes pour faire intervenir leur propre effort
de réflexion et d'interprétation (ex: « les divorcés peuvent attendre trois
étapes avant de se remarier" 9oro2 est susceptible de deux sens à savoir
purification et fin des règles »

2-caractères obligatoires :

Quant à leurs caractères obligatoires, les règles coraniques se divisent en cinq


types correspondant à cinq qualifications différentes des actes humains:

* les actes obligatoires:


Sont ceux pour lesquels le législateur (Dieu) a posé des règles impératives dont
l'oubli ou la violation est sanctionné par une peine
(Exemple: jeune, prière, zakat)

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* les actes recommandés:


Sont ceux que le législateur recommande de faire sans que leur omission soit
sanctionnée par une peine.
Les règles les concernant ont un caractère de règles supplétives, qu'on peut
choisir d'appliquer ou non en toute liberté.

* les actes prohibés:


Sont ceux formellement interdits par ALLAH, (Exemple: alcool, meurtre)

* les actes déconseillés:


Sont ceux que le texte coranique n'interdit pas formellement mais qu'il est
souhaitable de ne pas les faire sans qu'une sanction ne soit prévu dans le cas
contraire.

* les actes tolérés:


Sont ceux qui ne sont ni interdits ni recommandés donc licites. Mais pour leur
accomplissement, la loi coranique laisse une entière liberté d'appréciation (ex:
pèlerinage).

B/SUNNA

Elle signifie la conduite et le comportement du prophète que la paix soit sur lui,
constituée par ses dires et pratiques ou ses approbations tacites ou express. C'est
un recueil de traditions valant un code pour les musulmans qui désirent suivre
l'exemple du prophète.

En d'autres termes la Sunna est le comportement de l'envoyé de Dieu par


la parole, l'action, le silence pour tracer pour le croyant la voie a suivre.
En effet le prophète fut obligé d'intervenir et on va considérer son œuvre comme
inspirée de Dieu et a été accomplie sous le privilège de l'infaillibilité.

Des lors, puisque la sunna est issue de la révélation, a la même valeur


légale que le Coran: obligatoire pour les fidèles, c'est pourquoi les musulmans
s'intitulent "gens de la sunna et de l’accord".

Lorsque le prophète est décédé ; et à fin de régler les litiges de la vie


quotidienne il a fallu poursuivre l'organisation posée par lui de " l'Etat islamique
arabe " et l'adapter au développement de la vie interne de l'islam et aux
législations des pays conquis.

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En effet, on va rechercher les solutions nécessaires dans l'exemple du


maitre et en poussant aussi loin que possible l'interprétation de sa pensée,
témoins de sa vie, les compagnons étaient les plus qualifiés pour rapporter ses
paroles et ses gestes.

La Sunna devient donc un moyen de combler les lacunes laissées par la


parole confuse du Coran. C'est une source fondamentale du Droit Musulman.
En résumé, la nécessité d'authentifier les dires, les gestes du prophète a fait
l'objet de la science du hadith qui vérifie, hiérarchise et classe les hadiths.

1- Véracité de l'Isnad et du Matn :

La partie essentielle de la science nouvelle est la critique de la chaine de


transmission.
L'isnad va faire l'objet d'examen de plus minutieux.
Le matn va subir le même processus de vérification.

* critique de l'Isnad: l'examen qui conclut a la prise en considération porte


d’abord sur le mérite de la personne qui compose la filière.
L'information du transmetteur est considérée comme un témoignage tant en ce
qui concerne la capacité du témoin que la réception du texte et sa fixation par
l'audition ou l'écriture.
La qualité de l'isnad dépend donc de l'honorabilité des compagnons.

* critique du Matn: le vice peut aussi provenir du texte (ex: le hadith est
anormal car son 1er transmetteur est en contradiction avec la généralité des
autres). La pire des tares est la fabrication de toutes pièces de récit que l'on fait
précéder d'un isnad correcte.

2- hiérarchie des hadiths:

Suivant que le hadith est atteint de ces vices, il est donc parfait, bon ou faible.
* les hadiths parfaits: sont ceux qu'on réunit 2 auteurs ou plus appréciés par
tous (ex: al Bokhari et muslim)

* les hadiths bons: sont ceux de provenance connue, rapportées par des
transmetteurs notoires. Théoriquement il est difficile de les distinguer des
hadiths parfaits. La question est tranchée par le fait que les textes ont été
regroupés dans des recueils et sont mis en œuvre par des jurisconsultes (ex: les
sunnans de tirmidi)

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* tous les autres sont faibles (ex: hadiths destinés a expliquer, interpréter,
compléter les versets coraniques)

On trouve dans la sunna du prophète plusieurs paroles et actes :

Le prophète a dit : « tout acte qui n'a pas notre approbation est nul". Il a
aussi dit " les hommes sont égaux comme les dents d'un peigne ».

L'un des aspects de cette égalité est l'égalité de tous devant la loi islamique.
(LE PROPHETE mohamed que la paix soit sur lui a dit : "Ceux les générations
qui vous ont précédé n'ont péri que parce que le noble parmi eux commet un
vol et le laisse libre et lorsque c'est le faible qui le fait, il lui applique la
sanction, Par Allah s'il venait à Fatima fille de Mohamed, je lui couperai la
main").

Cela prouve la nécessité pour tous d'obéir à la loi islamique et établir la légalité
pour tous, sans distinction entre riche et pauvre et entre gouvernant et gouverné.

Section 2: Les Sources Dérivées du Droit Musulman:

Lorsque la loi islamique (Coran et Sunna) ne suffit pas à résoudre une question
posée, on fait appel à deux sources complémentaires de règles normatives:
Ijmaa et Quiass.

A/ IJMAA :
C'est un travail collectif venu du verbe ajmaa (être d'accord).
Ce terme désigne un usage, une règle de droit, un fait juridique acquis au débat
car il réunit l'unanimité.
En droit, ijmaa signifie l'accord des savants de même époque sur des questions
de la religion ou sur une question donnée.

L'ijmaa doit intervenir après la mort du prophète et non de son vivant, car dans
ce cas si le prophète l'approuve, il devient sunna.

Le fondement théorique de l'ijmaa comme source de la loi islamique


réside dans les hadiths du prophète: «ce qui apparut aux musulmans bon, est
bon au regard d’Allah », « ma communauté ne tombera jamais d'accord sur
une erreur ».

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L'ijmaa est en effet une source de la loi islamique au même titre que le
coran et la sunna. Comme le coran et la sunna ne résolvent pas tous les
problèmes quotidiens et devant cette nécessité, on va faire appel aux savants qui
sont qualifiés et qui ont la compétence pour créer des textes et des règles
nouvelles, Leur accord doit être établit aux exigences de la religion.
Le pouvoir de moujtahid est largement justifié: « si vous même ne savez pas,
interrogez ceux qui savent ».

Les hadiths sont explicites sur ce point : « vous êtes les meilleurs des hommes,
il est de notre devoir d'ordonner que les hommes fassent ce qui est juste et
d'interdire ce qui est injuste ».

B/ QUIASS :

Le terme Quias dérive du terme 9assa (comparer) qui désigne le raisonnement


par analogie appliqué a partir du coran et de la sunna pour résoudre un problème
nouveau auquel est étendue la règle de la chariaa relative a une situation
semblable ou voisine. Il consiste dans un raisonnement doctrinal adapté au cas
proposé par un théologien.
Il est le résultat d'une interprétation individuelle.
1- les éléments constitutifs du Quias:
Ils sont au nombre de quatre :
>AL ASL : (origine) c'est le 1er élément constitutif.
C'est le cas prévu par un texte qui sert de base pour la comparaison et auquel le
procédé est appliqué.
> AL FARAA : c'est la question à résoudre, non prévue par un texte coranique
et dont on cherche a connaître la solution ou la règle applicable.
> AL ILLA : la raison du texte édicté et qui se trouve identiquement dans la
question à résoudre créant ainsi l'analogie entre les deux cas.
> AL HOKM : c'est la décision légale existante dans le cas tranché et qu'il s'agit
d'étendre par analogie au cas soumis.
Exemple :
Asl: vin interdit par le coran
Faraa: drogue, bière
Illa: procure l'ivresse
Hokm: interdiction De la drogue et de la bière

D'après l'illustration précédente nous constatons que le coran et la sunna


interdisent la consommation de boissons alcoolique.
Les termes du Coran " évitez-le " c'est à dire le vin, ont pu faire l'objet
d'interprétations.

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Cependant les termes de la sunna ne laissent pas subsister de doutes sur la


prohibition des boissons alcooliques (ex: « tout enivrant disait le prophète est
interdit ».
En revanche pour ce qui est d'autres drogues, on ne trouve pas de textes
explicites du coran ou sunna qui les concernent.
Néanmoins si l'on considère les inconvénients et les effets néfastes de la drogue,
on comprend bien que l'interdiction de leur usage peut être prononcée par les
percepts de la chariaa.
Ceci n'a pas manqué d'être fait par des jurisconsultes musulmans (ex:
ibnoukarim) à propos du hashish.

D'une manière générale on peut fonder cette interdiction sur certaines


finalités sacrées de la religion musulmane à savoir la préservation de la santé, les
biens et la descendance des croyants. Or l'usage des drogues va à l'encontre de
ces objectifs.

Il s’agit d'une interprétation extensive justifiée du hadith "est prohibé tout


enivrant". La déduction analogique qui est une initiative individuelle de chaque
savant, peut aboutir a l'établissement de principes généraux de droit (ex: "celui
qui est contraint par la nécessité peut manger la chair du porc s'il est menacé de
mort").
L'état de nécessité est bien le seul pris en considération par le législateur.
D'où le principe selon lequel " la nécessité rend licite les choses défendues ".
En effet le facteur de nécessité est l'élément déterminant influant pour le
législateur musulman. Toutefois la règle déduite par analogie ne prend la valeur
d'une loi à caractère général que lorsqu'elle est acceptée par le corps des savants.

2- la mise en œuvre du Quias:

Etablir quelles sont les raisons d'une règle posée par une loi est une travail
laissé aux jugements des moujtahids.

Le respect des règles suivantes doit en principe guider son choix.


Certaines sont relatives a la illa, d'autres concernent le texte.

*choix de la illa: ce choix est subordonné au respect de deux règles.


La première est la déduction fondée sur la illa qui a la plus grande autorité
légale (Coran,Sunna,Ijmaâ) prévaut sur tout autre texte.
La seconde est la raison dont l'effet juridique est le plus étendue vient ensuite.
*choix du texte: pour que la déduction analogique soit valable, il faut que le
texte qui sert de comparaison et auquel il est fait application du raisonnement
réponde à certaines conditions.

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3- l'intérêt du Quias dans les circonstances exceptionnelles:

La théorie de la nécessité est une construction doctrinale élaborée par les


jurisconsultes selon laquelle des actes qui seraient illégaux en temps normal
peuvent devenir légaux dans certaines circonstances car ils apparaissent
nécessaires pour assurer la survie humaine et le fonctionnement normal des
institutions.
Cette théorie trouve son origine dans des versets coraniques venus pour
résoudre des cas particuliers.
(Exemple: « il vous est interdit de manger les animaux morte, sang,
chair du porc. Celui qui le ferai par nécessité et non comme Rebel et
transgresseur, ne sera pas coupable »,
« Quiconque après avoir cru, redeviens infidèle a moins qu'il soit
contraint et que son cœur reste ferme dans la foi ne sera pas coupable».
La possibilité d'aller à l'encontre de la loi coranique dans les circonstances
exceptionnelles est justifiée par le Coran même ex: « Dieu ne veut vous
imposer aucune charge » (Exemple: « il ne vous a rien recommandé de
difficile dans votre religion ».

La pratique du prophète et celle du khalife nous renseigne sur des cas


précis de circonstances exceptionnelles ou la notion de nécessité a été appliquée:
c'est ainsi qu'en période de famine ou des conquêtes islamiques, le prophète a
suspendu la peine applicable au voleur, bien qu'une telle peine soit prescrite par
verset coranique. Le khalife Omar a agi de même et a suspendu l'application de
cette loi pénale en période de famine.

C'est à partir de ces cas précis de circonstances exceptionnelles (guerre,


famine, contrainte) que la théorie de nécessité a été élaborée par la doctrine en
faisant intervenir la méthode de la déduction analogique.
Elle s'exprime sous la forme de principes généraux ex: « la nécessité rend licite
les choses défendues »
Exemple: « la difficulté attire la facilité ».

En effet la dérogation est une loi de facilité et exception à la règle.


Il faut noter que l'application de l'idée de nécessité est limitée par un principe
général de droit qui fait partie de la théorie selon laquelle « la nécessité doit être
appréciée à sa juste valeur ».
Ce qui signifie que l'importance de la dérogation doit être proportionnelle a
l'état de nécessité auquel elle s'applique d'une part et doit être limitée dans le
temps d'autre part. Enfin la dérogation disparait avec la disparition des
circonstances exceptionnelles qui l'ont engendré.

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Chapitre II :Les objectifs et les caractéristiques principales


du droit musulman
La science des objectifs de la religion (maqassid Chari’a) est l’une des
branches les plus importantes de l’enseignement traditionnel musulman.
S’intéressant à la philosophie et aux finalités des prescriptions islamiques, elle
ne comporte pas de technicité méthodologique, ni de lecture littérale des textes,
mais intègre surtout un haut degré de malléabilité et de souplesse. Nous allons
voir dans un premier lieu que les ulémas ont abordé ce chapitre de par le passé et
ont en général dénombré cinq ou six objectifs supérieurs (maqsad,
plur. maqâssid) des enseignements de l'islam(Section I) ; ensuite, nous allons
voir dans un second lieu que le droit musulman se caractérise par plusieurs
caractéristiques spécifiques qui les distinguent du droit positif (Section II).

Section I : Les Objectifs et finalités supérieurs de la Sharî'a ( ‫مقاصد‬


‫)الشريعة‬

Nous avons vu que les normes communiquées par la Révélation


d’ALLAH ont comme objectif de faire naître et de préserver un certain nombre
d’objectifs chez l'homme.

- Quelles sont ces finalités ?

A)- Al-Maqâssid (sing. maqsad) : les finalités et objectifs supérieurs :

Les ulémas qui ont abordé ce chapitre de par le passé ont en général
dénombré cinq ou six objectifs supérieurs (maqsad, plur. maqâssid) des
enseignements de l'islam :

– la protection du "‫" ِديْن‬, "dîn" : ici ce terme désigne "la religion agréée par
Dieu", c'est-à-dire, par rapport aux humains d'un lieu ou d'une époque, le
message d’ALLAH le plus récent qui les concerne ;
– la protection du "‫"نَ ْفس‬, "nafs" : la vie, la personne physique ;
– la protection du "‫ع ْقل‬
َ ", "'aql" : la raison ;
– la protection du "‫"مال‬, "mâl" : les biens matériels ;
– la protection du "‫سل‬ْ َ‫"ن‬, "nasl" : la filiation ;
– la protection du "‫" ِع ْرض‬, "'irdh" : la dignité de l'individu au milieu de ses
semblables.

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Par ailleurs, on voit clairement, que les enseignements de l'islam n'ont pas
uniquement pour finalité le développement et la protection de laspiritualité et de
la religion, mais également des objectifs aussi temporelles ; par exemple : la
santé physique, la santé mentale, les biens matériels, et peut-être
même d'autres objectifs, que nous évoquerons plus bas.

B)- Al-Wassâ'ïl (sing. wassîla) : les moyens permettant la réalisation


de ces objectifs :

La maqsad (le sens de ce terme a été explicité ci-dessus) a besoin d'un


certain nombre d'éléments pour venir à l'existence, être préservée et se
développer : ce sont les moyens : wassîla (plur.wassâ'ïl).

Ces moyens sont eux-mêmes de plusieurs niveaux. Ainsi, la protection de la


vie humaine est une des maqâssid (sing. maqsad) (objectifs) de l'islam. Pour
que cette maqsad soit atteinte, il faut en premier lieu qu'une vie humaine vienne
à l'existence, et le moyen permettant de concrétiser cela est la relation intime
entre un homme et une femme ; pour que cette vie puisse être préservée et
perdurer, il faut que l'assassinat soit interdit et que les moyens nécessaires soient
mis en place pour empêcher l'assassinat et punir les éventuels assassins, il faut
aussi qu'il y ait de quoi se nourrir, étancher sa soif, se soigner des maladies, etc.
Ce sont là les moyens, cités tels quels, devant permettre de réaliser l'objectif
(maqsad) suscité. Différents niveaux entrent ensuite en jeu quant à ces
moyens…

Les moyens ("massâlih" : permettant de réaliser chacun des objectifs


supérieurs ("maqsad") sont donc de trois niveaux quant à leur
importance :En outre, les oulémas ou les savants musulman ont proposé de
classer les objectifs par ordre d’importance en déterminant trois niveaux
différents (selon l’intensité du bien commun, maslaha) :

1- Ad-Daruriyyates : les besoins obligatoires et essentiels pour le bon


déroulement des affaires spirituelles et temporelles. Les
"dharûriyyât" (sing. "ce qui est dharûrî") : les moyens qui relève de
la dharûraou nécessité absolue : ce sont, par rapport à l'un des objectifs
supérieurs, les éléments sans lesquels cet objectif ne peut voir le jour.

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Exemple : rester en vie est un objectif supérieur (maqsad) ; or rester en vie


est totalement impossible sans un minimum de nourriture ; ce minimum
de nourriture est donc de nécessité absolue (dharûrî).

2- Al Hajiyyates : les besoins complémentaires pour alléger les contraintes


de telle façon que les prescriptions islamiques puissent être suivies sans
trop de difficultées.*Les "hâjiyyât" (sing. "ce qui est hâjîyat") : les
moyens qui relèvent de la hâja ou nécessité secondaire : ce sont, par
rapport à l'un des objectifs supérieurs, les éléments sans lesquels cet
objectif est gravement diminué.

3- At-Tahssiniyyates : les besoins liés à l’embellissement ou au


perfectionnement. ** Les "tahsîniyyât" (sing. "ce qui est tahsînî") ou
"kamâliyyât" (sing. "ce qui est kamâlî") : les moyens qui relèvent de
la kamâl ou complémentarité, de la tahsîn ou embellissement.

* Exemple des "Al-Hajiyyates" : Les allégements dans les actes cultuels tels
que le rassemblement entre les prières en cas de besoin, le raccourcissement de
la prière pendant le voyage, la permission de rompre le jeûne à cause d’une
maladie…

** Exemple des "At-Tahsiniyyattes" : les règles de bienséance "Adab", le


nettoyage du corps, la beauté, le parfum etc. [Autre définition : les
« commodités ».

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– Qu'est-ce qu'une maslaha et qu'est-ce qu'une mafsada ?

Toute wassîla qui contribue à faire naître ou à préserver la maqsad


est une "maslaha". Et toute wassîla qui contribue à empêcher la naissance
ou à entraîner la perte de la maqsad est une "mafsada".

La "maslaha" est donc le moyen par lequel on fait naître ou on


protège la maqsad.Il s'agit à la fois de donner existence. En d'autres termes, la
maslaha est ce qui rend possible ou facilite la naissance (îjâd) ou la perpétuation
(muhâfaza) de la maqsad, ou bien qui rend impossible ou difficile l'absence ou la
perte de la maqsad. En revanche, la mafsada, c’est ce qui rend impossible ou
difficile la naissance ou la perpétuation de la maqsad, ou bien qui rend possible
ou facile l'absence de naissance de la maqsad ou sa perte. En d’autres termes,
C'est le fait d'accomplir laMaslaha qui constitue la finalité ; quant à se
préserver de laMafsada, cela est également nécessaire, mais cette
préservation a été instituée pour ne pas nuire à la réalisation de la finalité :

Il ne s'agit donc pas uniquement de se préserver des choses interdites ; il


faut également agir pour accomplir les choses obligatoires et fortement
conseillées.Ibnul-Qayyim a ainsi cité et approuvé le propos de Sahl ibn
Abdillâhat-Tustarî qui dit : "Ne pas pratiquer l'ordre est plus grave auprès de
Dieu que de commettre l'interdit». Il ne s'agit donc pas de se contenter de
pratiquer les actions qui ont été rendues obligatoires ou fortement conseillées
tout en se laissant aller à faire des choses interdites ou fortement déconseillées.
Mais il ne s'agit pas non plus de focaliser toute son attention sur l'évitement de
choses interdites et fortement déconseillées, en considérant secondaire
l'accomplissement des actions obligatoires ou fortement conseillées. La raison
en est que c'est le fait d'accomplir ces actions qui fera naître ou qui développera
les maqâssid, tandis que s'abstenir des actions interdites et de celles fortement
déconseillées ne mènera qu'à ne pas entraver la naissance ou la perfection de
ces maqâssid. On ne peut pas se contenter de se préserver de toute chose qui est
de nature à entraver la naissance ou la perfection des maqâssid, tout en ne
faisant rien ou pas assez pour donner naissance ou compléter les maqâssid. Les
objectifs principaux – et les moyens permettant de les atteindre : ceux-ci sont les
massâlih (sing. maslaha).

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C)- Les objectifs supérieurs des enseignements de l'islam sont-ils au


nombre de cinq ? Six ?Ou davantage ?

L’objet du droit musulman vise à préserver la vie humaine, faire régner la


justice et la paix, assurer aux hommes le salut et le bonheur dans ce monde et
dans la vie future. D’une manière générale on peut fonder et justifier ces buts et
ses objectifs fixés par Allah (Dieu) dans le Coran, sur l’esprit et certaines
finalités sacrées de la religion musulmane. Celle-ci a toujours aspiré à préserver
la santé, les biens matériels et la descendance des croyants. Or, la mafsada va à
l’encontre de ces objectifs supérieurs ; à titre d’exemple : L’abus des drogues, le
vol, la tricherie, l’adultère etc… Nous verrons plus bas, que des ulémas –
anciens et contemporains – proposent que l'on rajoute d'autres éléments à la liste
des six objectifs susmentionnés :

– 1) "‫"ال ِدْْين‬, "ad-dîn" ( la religion) : l'effort pour la diffusion et l'établissement


du dîn ; ceci se fait par le moyen des actions de revivification des sciences
religieuses, et de l'action d'exhorter au bien et d'empêcher le mal, avec toutes les
branches de cette dernière action, selon les besoins du moment ;
– 2) "‫"التَكافُل‬, "at-takâful" : la solidarité dans la société ( par le bais et le moyen
de la zakat ( l’aumône légale);
– 3) "‫"العَدْل‬, "al-'adl", la justice ; l'établissement de la justice dans la société se
manifeste par le fait que chacun dans la société jouisse réellement des droits
("‫"ال ُحقُ ْوق‬, "al-huqûq") qui lui sont accordés dans les textes coraniques ;
– 4) "‫"األ ُ ُخ َّوة‬, "al-ukhuwwa" : la fraternité dans la société, avec l'affection,
l’amour et la chaleur humaine ;
– 5) "‫"النَ ْفس‬, "an-nafs" : la vie, l'intégrité physique, la santé physique de
l'individu ;
– 6) "‫ع ْقل‬ َ ", "al-'aql" : la raison, l'intelligence, la santé mentale de l'individu ;
– 7) "‫"المال‬, "al-mâl" : la protection des biens matériels, la propriété individuelle
;
– 8) "‫سل‬ ْ َ‫"الن‬, "an-nasl" : la protection de la filiation, la famille contre la débauche
;
– 9) "‫"ال ِع ْرض‬, "al-'irdh" : la dignité de l'individu au milieu de ses semblables ;
– 10) "‫"األَ ْمن‬, "al-amn" : la sécurité de chaque individu.

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Dans le passé, un savant comme Ibn Taymiyya a objecté – de façon très


pertinente – à la limitation des objectifs supérieurs à ces cinq éléments. Al-
Qaradhâwî a écrit chose très voisine, mais, il est parti plus loin : en formulant
des propositions concrètes, proposant de rajouter aux cinq éléments suscités les
éléments suivants:

- le "ْ‫" ِع ْرض‬, "'irdh" : la dignité [déjà rajoutée par certains ulémas précédents],
- la "‫"أَ ْمن‬, "amn" : l'établissement de la sécurité pour chaque individu ;
- la "‫"تَكافُل‬, "takâful" : l'établissement de la solidarité dans la société ;
- les "ْ‫" ُحقُ ْوق‬, "huqûq" : le respect des droits de chaque individu ;
- la "‫عدْل‬ َ ", "'adl" : l'établissement de la justice dans la société ;
- la "‫" ُح ّريّة‬, "hurriya" : la liberté ;
ُ
- la "‫"أ ُخ َّوة‬, "ukhuwwa" : la fraternité .

Dans cette perspective, le Cheikh At-Tahir Ibn ’Achour a rajouté plusieurs


objectifs supplémentaires : la liberté, l’égalité ainsi que l’union (al wahda), la
sécurité (al amn) et le bien-être de la société (al jamaa). Il insiste, à l’instar de
l’imam Chatibi, sur la finalité de la souplesse et de la modération. Le prophète
Mohamed paix et salut sur lui a dit : « Je suis envoyé pour parfaire le bon
comportement » dit le hadith Prophétique. ***

Nous allons ensuite, donner un bref aperçu de l’histoire de cette école et


de sa pensée, laquelle, par l’approche systémique qu’elle offre, est capable de
rénover la manière d’appréhender les questions du droit et de la jurisprudence
islamique.

D) - La genèse de l’école des finalités et les objectifs supérieurs :

On peut affirmer que les prémices de cette science ont vu le jour dès
l’avènement de l’islam. Le Prophète a éduqué ses compagnons en matière
d’Ijtihad (effort d’interprétation) afin de les rendre indépendants. Il n’a eu de
cesse de les consulter et de les valoriser. Le hadith du compagnon
Mu’adhIbnJabal* est très instructif à ce sujet. En effet, son profond respect à la
fois pour le livre d’Allah et pour la Sunna du Prophète, n’excluait en rien
l’usage de sa raison. Les opinions et les jugements de ce compagnon sont une
preuve de sa conception finaliste de l’islam.

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* Mu’adh ibn Jabal avait été nommé juge au Yémen par le Prophète Mohamed.
Avant son départ, le Prophète lui demanda : Selon quel critère tu jugeras ? Il
répondit : Selon le livre de Dieu. Mohamed demanda : Et si tu n’y trouves rien ?
Il répondit : Selon la tradition du Prophète de Dieu. Mohamed demanda
finalement : Et si tu n’y trouves rien ? Il dit : Alors je m’efforcerai de former
mon propre jugement… (Hadith rapporté par Abou Daoud).

Ainsi, observer les objectifs supérieurs de l’islam était une pratique


quotidienne imputable à la présence du prophète et à l’assimilation profonde des
dispositions générales du message et de l’esprit qui sous-tend la législation
islamique dans son ensemble. C’est cette clairvoyance qui incita lors d’un
voyage, ’Amr Ibn Al-’Ass de présider la prière en état d’impureté majeure en se
contentant du Tayammum (ablution sèche), estimant qu’il y avait un risque
sérieux d’atteinte à sa santé en se lavant*. L’un des objectifs supérieurs de
l’islam étant de préserver sa vie. **

* ’Amr Ibn Al-’Ass (que Dieu l’agrée) rapporte : « Lorsque je fus envoyé à la
bataille "des bandages", j’ai fait un rêve dans une nuit de très grand froid, j’ai eu
peur qu’en me lavant je périsse, j’ai donc fait le Tayammoum puis j’ai présidé la
prière du matin [As-Soubh]. Quand nous sommes retournés, ils ont rapporté cela
au Prophète qui a dit : "’Amr, tu as présidé la prière en état d’impureté majeure
?". J’ai fait cela par rapport au propos du Très-haut : « Et ne vous tuez pas vous-
mêmes. Dieu, en vérité, est Miséricordieux envers vous »,j’ai donc fais le
tayammoum et prié. Le Prophète a rigolé sans rien me reprocher. » (rapporté
par Ahmad, Abou Dawoud).

** Par ailleurs, c’est en observant les objectifs de la religion (principe de la


justice par exemple) que Aîcha – que Dieu l’agrée – a rejeté l’idée selon
laquelle le mort serait châtié à cause des pleurs que sa mort suscite au sein de sa
famille. Dieu a affirmé en effet, dit-elle : « Personne ne portera le fardeau
(responsabilité) d’autrui » (Coran, 6/164).

La manière dont Omar – que Dieu l’agrée – a changé certaines lois qui
paraissaient immuables aux yeux des musulmans est une autre preuve de cette
dynamique initiée par le Prophète. En effet, le calife ’Umar ibn al-Khattab – que
Dieu l’agrée – a décidé de suspendre, au nom donc de la finalité de la Chari’a
l’application de la peine sanctionnant les voleurs au cours d’une année marquée
par la famine. Il a ainsi évité une grande injustice à l’égard des pauvres qui
volaient par nécessité en vue de survivre à une situation de pauvreté généralisée.
Le texte Coranique est des plus explicites en la matière.

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Une nouvelle forme d’intelligence du droit musulman est donc


apparue en raison de l’émigration des compagnons du Prophète, de la
dispersion de la science islamique, et de l’arrivée de questions nouvelles
dans des contrées où les coutumes et les pratiques différaient.

En étudiant le développement de la pratique du droit islamique au cours


de l’Histoire, on peut remarquer que les savants musulmans sous l’égide de leurs
écoles respectives, ont toujours cherché la finalité et la sagesse d’une règle avant
d’établir un avis religieux. Le questionnement sur le pourquoi d’une règle et la
référence à la « raison d’être » d’une obligation ou d’une interdiction était en
effet une constante.

A titre d’exemple, l’imam Malik (93-179 H) est connu pour son attachement au
bien commun, « Al Maslaha Al mursala », considéré comme une source de la
législation. L’imam Abou Hanifa (80-150 H), utilisait également la préférence
juridique/l’appréciation personnelle, « Al Istihssan », comme une cinquième
référence du droit musulman.La finalité première étant la préservation du
bien, et de l’utile pour le genre humain et la protection contre le mal et ce
qui est nuisible en général.

Le savant mecquois Al Juwayni (419-478H) va initier une démarche


originelle, dans son œuvre magistrale « Al Burhan fi ousouli al fiqh », en
élaborant une méthodologie juridique fondée sur l’appréciation du degré
d’utilité d’un bien (maslaha) – idée maîtresse de l’école mâlikite. L’imam Abu
Hamid Al Ghazali, son disciple, va s’employer quant à lui, à raffiner le travail
de catégorisation de son maitre, qui deviendra ultérieurement une référence.

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Dans son livre « al-moustassfâ min ’ilm al-ussul », l’imam Abu Hamid Al
Ghazali (450-505H) déclare :

« La finalité supérieure de la religion pour les êtres humains est au


nombre de cinq : il s’agit de leur préserver leur religion, leur vie, leur
raison, leur filiation « nassl », et leur propriété.* Tout ce qui est de nature à
préserver ces cinq finalités est un intérêt/bien (maslaha) ; et tout ce qui
concourt à faire manquer ces finalités est un préjudice. (mafsada) En effet,
la préservation de ces cinq finalités entre dans la catégorie des
indispensables. Ces dernières constituent le plus haut degré des intérêts. »
**

En premier lieu, il faut préserver la religion, qui est le garant même des
autres finalités.*

Ensuite, c’est l’intégrité de la personne (an-nafs) qu’il faut conserver,


quelle que soit son origine ou sa religion, en interdisant de se donner la mort ou
de tuer quiconque. Le Coran stipule ainsi : « Et quiconque sauve une vie c’est
comme s’il sauvait la vie de toute l’humanité. » (Sourate 5v32)

* On pourrait, dans ce cas, reconnaître qu’il s’agit justement là des fondements


mêmes des Droits de l’Homme, de ceux de la personne et de la famille, de ceux
de la culture et de la vie économique, tous enracinés dans les droits mêmes de la
dimension religieuse de l’être humain – Allah(Dieu) étant le premier et le
dernier garant.

Puis, c’est au tour de la raison. L’islam prohibe tout produit capable


d’altérer le discernement chez l’homme, comme l’alcool, les drogues, etc.
L’usage de ces substances peut provoquer des perturbations physiques ou
mentales graves.

Ensuite, il est nécessaire de préserver la progéniture/filiation. Dans cette


optique, l’islam encourage le mariage et interdit les relations sexuelles
extraconjugales, les viols, les violences conjugales, et la transmission de
maladies.

Enfin, préserver le bien, constitué de l’ensemble du patrimoine humain :


que ce soit un actif matériel de valeur pécuniaire (l’argent, la maison..), mais
aussi le capital immatériel : la santé, le temps, le savoir, etc.

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Par ailleurs, Al Ghazali affirme que ces finalités sont classées par ordre de
priorité, de façon à ce que l’on puisse choisir laquelle appliquer en cas de conflit
d’intérêts. A titre d’exemple, la préservation de la vie passe avant celle de la
raison, il est donc – par exemple – permis de consommer de l’alcool en vue de
sauvegarder sa vie.

L’imam Al Ghazali remarque à juste titre :

« Il est inconcevable pour toute religion ou philosophie qui veut le bien des
hommes de ne pas chercher à préserver ces cinq éléments ».*

L’imâm Chatibi en fait une brillante démonstration au début du deuxième


volume de son livre « al-mouwafaqat ». Après avoir donné de nombreux
exemples de prescriptions de l’islam et de leurs raisons d’être, il démontre que
toute prescription répond à l’un des trois objectifs : obligatoire, nécessaire ou
accessoire. Ces trois catégories constituent ensemble les intérêts des êtres
humains.

Dans la première catégorie (les objectifs obligatoires/Ad-Daruriyyates), il


a rappelé les cinq finalités supérieures et universelles que la Chari’a vise à
protéger* : la religion, la vie humaine, la progéniture, les biens et la raison. Si
donc l’utilisation d’une règle ponctuelle de jurisprudence aboutissait à
enfreindre l’une de ces finalités supérieures, celle-ci devrait être revue. La
finalité, ne pouvant être sujette à caution, prévaut toujours puisqu’elle est
déterminée moyennant « al-Istiqra » (le raisonnement par induction), c’est-à-dire
directement sur la base et l’esprit de plusieurs versets et/ou des hadiths
éminemment authentiques (en arabe, mutawattirs).

Nous avons donc développé les concepts principaux concernant les


finalités de l’islam telles qu’elles ont été étudiées par les premiers théoriciens du
droit musulman, et revues par quelques savants contemporains.

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En définitive, il convient de dire que l’ijtihad moderne ne peut être


efficace que s’il est pratiqué dans le respect des visées générales de la législation
islamique. Ainsi la fidélité aux objectifs de la religion est une condition
première qui doit naturellement orienter les modalités d’extraction des règles à
partir des sources Sacrées ( Coran et sunna).

*** ALLAH dit : « Allah n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa
capacité. Elle sera récompensée du bien qu’elle aura fait, punie du mal qu’elle
aura fait » (Coran 2/286). Et selon Abu-Horaïra, le Prophète a précisé :

« La religion, en principe, est de pratique facile. Que personne ne cherche à


être trop rigoureux dans l’observation de la religion, sinon il succombera à la
tâche. En conséquence restez dans un juste milieu en cherchant à vous
rapprocher de la perfection. Ayez bon espoir et appelez à votre aide la prière le
matin, le soir et un peu aussi pendant la nuit ».

- Hadith rapporté par Al Boukhari -

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Section II : Les caractéristiques principales du droit Musulman

Le Droit musulman se caractérise par plusieurs caractéristiques spécifiques


qui les distinguent du droit positif. Parmi ces caractéristiques, on va citer les
plus importantes :

A- Le Droit musulman est un droit divin révélé par Allah;


B- Le Droit musulman est parfait est céleste ;
C- Le Droit musulman est un droit infaillible ;
D- Le Droit musulman est un droit universel ;
E- Le Droit musulman protège l’intérêt général ;
F- Le Droit musulman a prévu deux types de sanctions.

A- Le Droit musulman est un droit divin révélé par Allah

Le droit musulman est d’origine divine et ne pouvait faire l’objet de


modifications. A ce titre, le Droit musulman renferme des droits qui se
présentent comme des droits éternels qui ne pourraient supporter aucune
suppression, modification, rectification ou abrogation à l’instar du droit positif.
Ce sont en effet, des droits qui ont été définit par le créateur Allah, et par
conséquent aucune créature humaine quelle que soit son niveau intellectuel n’a
le droit de les modifier, les rectifier ou de s’y attaquer.

A la différence du droit musulman révélé, auquel on adhère entièrement ou


que l’on rejette en bloc, le droit positif est une création humaine susceptible de
comporter des imperfections, des lacunes, des incohérences ou des
contradictions. Ainsi, il est donc permis de remettre en question la règle de droit
et de se demander si elle est ou non justifiée. En effet, le problème de la
justification de la règle de droit a donné lieu à de nombreuses suppressions,
rectifications, modification ou abrogation du droit positif. On constate donc que
le droit positif est créé et modifiée par le pouvoir législatif, ce qui nous conduit
à déduire les constatations suivantes :

- Le droit positif est limité car crée et posé par les hommes qui sont par
définition imparfait et limité. En effet, ces hommes ne peuvent pas tout
prévoir parce que la société évolue (à cause des transformations et des
mutations économiques et sociales) ; et par conséquent, les dispositions
juridiques crées et posées par les hommes évoluent aussi.

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- Le droit positif est posé par des hommes qui ont des aspirations et des
ambitions qui tendent rarement vers un seul et même but de fait que ces
hommes ( les représentants du peuple) sont assujettis à des faiblesses, à
des penchants et ont leurs propre priorités voir leurs propre intérêts. Par
voie de conséquence, ces hommes élaborent un droit qui reflète toutes ces
lacunes et toutes ces imperfections. De ce fait, ce droit positif, crée par ces
hommes dans ces conditions est imparfait. L’explication de ce fait, réside
dans la constat que la raison humaine diffère d’une personne à une autre.
Parfois, même la raison est inconstante chez la mêmes personne, ce qui lui
semble bon et juste à un moment donné peut lui sembler mauvais à un
autre. Cette inconstance à laquelle s’ajoute l’influence de la passion et des
sentiments, nous interdit de dire que la raison humaine juge bon et
d’une manière équitable d’où l’inconstance et la variabilité de l’être
humain dans ses jugements.

Ainsi, la raison humaine et la science humaine ne peuvent en aucune


manière remplacer la guidance des messages d’Allah de (Dieu) ( la révélation) ;
car, leurs sagesses humaines, leurs connaissances et leurs sciences, ne sont que
des opinions humaines lacunaires. L’homme a la possibilité de contribuer d’une
façon ou une autre à l’élaboration de droit. Et cette interprétation, quelle que soit
sa pertinence, n’est jamais définitive et par conséquent imparfaite. Elle est
sujette à des changements fréquents en fonction de l’évolution et des besoins des
sociétés humaines.

Ces opinions ne sont que des suppositions, elles sont dans tous les cas,
sujette à des erreurs et des divergences et leurs jugement sont relatifs, d’où la
nécessité de la révélation d’Allah pour trancher les divergences et les conflits.

En effet, l’influence de la loi religieuse (Coran et sunna) est indispensable


en se basant sur les buts fixés par Allah lui-même dans le Coran :

« Et Nous avons fait descendre sur toi (le prophète Mohamed que la paix et les
bénédictions soient sur lui), le Livre, comme un exposé explicite de toute
chose, ainsi qu’un guide, une grâce et une bonne annonce aux musulmans »
S16 V89.

« Nous avons fait descendre sur toi (le prophète Mohamed que la paix et les
bénédictions soient sur lui), le Livre afin que tu leur montre clairement le
motif de leur dissension ; de même qu’un guide et une miséricorde pour les
gens croyants ».

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« Je vous enverrai certainement un guide, ceux qui le suivront n’auront rien à


craindre et ne seront point affligés ». S2 V38.

« C’est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ô vous doués
d’intelligence ». S2 V179.

« Quiconque suit Mon guide ne s’égarera pas et il ne sera pas


malheureux. »S20 V123.

« Nous avons effectivement envoyé Nos messagers avec des preuves évidentes,
et fait descendre avec eux le Livre et la balance, afin que les gens établissent
la justice ». S57 V25.

B- Le Droit musulman est parfait et céleste

Dans la mesure qu’Allah est parfait, par conséquent la charîâ est parfaite
parce qu’elle est révélé par Allah. Le droit musulman est, par conséquent,
valable en tous lieu et à toute époque. Les règles de la chariâ sont constantes ;
c’est-à-dire qu’elles ne changent pas car elles se caractérisent par la pérennité.
En effet, ce Droit musulman a répondu et répondra toujours au besoin de la
communauté musulmane en essayant d’élever son niveau.

A la différence de droit musulman qui a duré 15 siècles et qui n’a pas


changé et qui est resté constant ; le droit positif a beaucoup changé, en fonction
de l’évolution et des besoins des sociétés humaines. Et, en fonction des
changements des situations sociales et économiques des communautés. Par
conséquent, les principes de milliers de lois et des divers systèmes juridiques ont
été modifiés, rectifiés et enfin abrogés.

Ainsi, le Droit positif devient désuet (dépassé) avec l’évolution des


sociétés ; par conséquent, il a fallu que ce Droit positif, soit tout le temps,
changé et modifié par le biais des réformes législatives. En revanche, le Droit
musulman reste valable en tout lieu et à toute époque, malgré les variations et
les changements du temps ; le Droit musulman est toujours d’actualité.

Par ailleurs, le Droit positif, reste limité dans le temps et dans l’espace.
Ainsi, ce qui peut être illicite aujourd’hui sera licite et sera permis demain et
vice versa. La meilleure illustration se trouve dans l’exemple de la femme
mariée qui dans le passé n’avait pas le droit d’exercer le commerce sans
l’autorisation de son mari. Désormais, la femme mariée peut exercer le
commerce sans l’autorisation de son mari et toute convention contraire est
réputée nulle. (Art 17 du Code du commerce).

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C- Le Droit musulman est un droit infaillible

Le Droit musulman a été révélé dans l’intérêt des hommes et dans


l’immédiat comme dans l’avenir ; c’est la raison pour laquelle, ses règles
sont bien fondées et bien justifiées. C’est-à-dire que leurs raison d’être trouve
sa justification dans la protection des intérêts des hommes. En effet, pour que
le Droit musulman s’applique et réalise les intérêts des individus d’une
manière continue et permanente. Il faut que les principes de ce droit et ses
propres fondements soient protégés contre tout changement, modification et
toute altération.

De ce fait, le Droit musulman est par conséquent immuable et infaillible.


L’infaillibilité du Droit musulman ne signifie pas l’immobilité de ses règles ; au
contraire, ces règles sont adaptables, elles ne sont pas en contradiction avec
l’évolution des sociétés.

A la différence du Droit musulman, le Droit positif est une création


humaine ; c’est-à-dire crée et posé par des hommes qui sont par définition faible
et imparfait. En effet, ils peuvent se tromper, leur appréciation change et leur
jugement reste lacunaire et limité ; car, ces individus, quel que soit leur niveau
intellectuel restent et demeurent sujet à des imperfections et des lacunes.

En revanche, le Droit musulman reste parfait et infaillible, car, il


représente la loi divine qui est inspiré de la révélation d’Allah (Dieu).

D- Le Droit musulman est un droit universel

Si le Droit musulman est un droit universel, cela revient à affirmer


l’existence des règles qui seraient valable pour tous les pays et à toutes les
époques. Et, si le droit musulman est valable par définition à toutes les époques ;
c’est parce qu’il est éternel et se caractérise par la pérennité. La preuve en est,
L’islam a connu une grande expansion dans une grande partie de l’univers. En
effet, les peuples qui ont été conquis par les conquêtes islamiques ont trouvé que
le Droit musulman est la meilleure garantie et présente une meilleure sécurité
pour leurs intérêts.

Et, dans la mesure où le Droit musulman est universel, il a su s’adapter aux


intérêts et aux besoins ponctuels des individus. Car, ses règles se distinguent par
une certaine souplesse et par conséquent, s’adaptent à l’évolution de tous les
pays et à toutes les époques.

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Le caractère de souplesse qui caractérise les règles du Droit musulman trouve


son origine dans les sources principales constantes (le Coran et la Sunna) ; et les
sources secondaires qui sont souples et évolutives (Jurisprudence : Consensus,
Raisonnement par analogie). C’est la raison pour laquelle, le Droit musulman est
basé sur la réflexion et le bon raisonnement. En effet, ses sources prennent en
considération l’évolution des coutumes, des usages, qui reflètent l’évolution de
la société.

Cependant, le Droit positif est limité dans l’espace où il est appliqué ; il n’a
d’effets que sur le territoire où il est appliqué. De ce fait, il reflète uniquement
l’évolution du pays où il se trouve et traduit seulement, les besoins et les
aspirations de chaque peuple.

Ainsi, dans la mesure où l’évolution des pays change, par conséquent, les lois
changent en fonction des besoins de chaque pays. Le Droit positif, est un droit
territorial qui s’applique dans un territoire limité et un peuple déterminé. En
revanche, le Droit musulman, s’applique à tous les musulmans en tout lieu et à
toute époque.

E- Le Droit musulman protège l’intérêt général

L’intérêt général est le fondement de toute législation, c’est la raison pour


laquelle, le Droit musulman prend en considération l’intérêt général, le protège
et le garantie contre tout abus.

La meilleure illustration de cette idée réside dans le fait que si une action
humaine ou un comportement humain est de nature à réaliser un intérêt
particulier au détriment de l’intérêt général ; c’est-à-dire, en portant préjudice à
autrui, cette action sera immédiatement écartée. Ainsi, L’Islam fait prévaloir
l’intérêt général sur l’intérêt particulier.

En effet, le Droit musulman considère que les intérêts particuliers doivent


céder devant l’intérêt général. L’explication de cette règle islamique réside
dans l’idée de la solidarité entre les musulmans et aussi, dans l’intérêt
commun du groupe ; c’est-à-dire, la communauté musulmane.

Le Droit musulman adonné et donne toujours satisfaction en priorité aux


intérêts des groupes. C’est ce qu’on appelle actuellement, la notion d’utilité
publique. Cela ne signifie pas que le Droit musulman ne protège pas les intérêts
particuliers, au contraire, il les protège, mais à la seule condition, qu’il ne doit
pas y avoir contradiction ou incompatibilité avec les intérêts commun de la
communauté musulmane.

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Ainsi, le Droit musulman ne permet pas à l’individu d’abuser de son droit,


c’est-à-dire, d’exercer son droit à des fins autres que celles pour lesquelles ce
droit a été prévu et reconnu. La meilleure illustration se trouve au niveau des
règles de Fiqh islamique (la doctrine islamique) : ses règles recommandent
le fait de supporter un préjudice personnel pour empêcher ou éviter un
préjudice général qui touche la communauté musulmane.

Il s’agit en effet, de la survenance et de l’apparition de deux préjudices


en même temps. Dans ce cas, le Droit musulman prescrit et ordonne de
repousser le préjudice le plus grave, en supportant un préjudice moins
grave afin d’éviter d’avoir des conséquences néfastes sur la santé, la
stabilité et la sécurité du pays musulman.

F- Le Droit musulman a prévu deux types de sanctions

Les deux types de sanction qui caractérisent le Droit musulman sont :


Les sanctions religieuses et les sanctions temporelles :

Les sanctions religieuses sont édictées par le Droit musulman ; le Livre


Sacré(Coran) ; à titre d’exemple : le fait de ne pas faire la prière et le fait de ne
pas donner la Zakat ( l’aumône légale). Ce sont des sanctions qui seront
appliquées dans l’au-delà.
En revanche, le Droit musulman a prévu aussi, des sanctions temporelles
qui visent à assurer la paix et la sécurité de la communauté musulmane ; à titre
d’exemple : en cas de meurtre, L’Islam a prévu la loi du talion ; en cas de vol,
L’Islam a prévu la coupure de la main. Ce sont des sanctions qui ont un effet de
dissuasion générale qui est une conséquence de la dissuasion personnelle.

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