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Marcus-Steiff Joachim. A propos des effets de la publicité sur les ventes. In: Communications, 17, 1971. pp. 3-28.
doi : 10.3406/comm.1971.1242
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1971_num_17_1_1242
Joachim Marcus-Steiff
en ce qui concerne la publicité est que l'on ne sait que peu de chose de ses effets ».
Britt (1969) a analysé les « preuves du succès » de 135 « campagnes publici
tairesefficaces » effectuées par 40 agences de publicité américaines. Ces « preuves »
de la réussite des campagnes publicitaires avaient été publiées, sous forme de
brochure, avec leur description, à l'occasion d'une exposition organisée à
Stockholm en mai 1967 par le Centre commercial américain. Les agences de
publicité avaient fourni elles-mêmes les documents et renseignements publiés.
Or, pour la majorité de ces campagnes, les agences de publicité n'avaient en fait
pas démontré leur réussite selon les critères qu'elles-mêmes avaient indiqués.
« La plupart des agences de publicité ne savent pas si leurs campagnes publici
tairessont efficaces ou ne le sont pas » conclut Britt.
En France, la plupart des auteurs * ne posent pas la question de savoir dans
quelle mesure et à quelles conditions la publicité est efficace. Les recherches empi
riques qui existent en ce domaine sont, le plus souvent, ignorées. Le mythe d'une
publicité dont l'efficacité serait en quelque sorte automatique et générale est
ainsi entretenu.
Pour certains, l'efficacité de la publicité semble même constituer un dogme.
Ainsi, Piatier accuse deux articles récents — qui mettent en doute quelques-
uns des pouvoirs habituellement attribués à la publicité — de n'avoir d'autre
but « que d'apporter de l'eau au moulin du credo antipublicitaire » (préface à
l'ouvrage de Geffroy, 1970, p. 9). Et il oppose la qualité de ces articles à celle du
livre de Geffroy, « bilan, à jour, des connaissances sur le sujet » (p. 7) dont les
« moyens sont ceux de la science économique la plus récente » (p. 9). Or, la seule
« preuve » de l'efficacité de la publicité que fournit Geffroy est que, si la publicité
n'était pas efficace, les chefs d'entreprise ne dépenseraient pas tant d'argent en
publicité : l'effet de la dépense publicitaire sur « la demande à la firme [...] ne
saurait [...], d'une manière générale, être contesté, sinon on ne s'expliquerait
évidemment ni la persistance, ni l'extension de l'activité publicitaire » (p. 147;
cf. aussi p. 3). Très honnêtement, Geffroy reconnaît d'ailleurs que de nombreuses
recherches et expérimentations concernant les effets de la publicité ont été
effectuées, « mais, dit-il, leur degré de complexité est tel que nous ne pouvons
nous aventurer sur ce terrain, d'autant qu'il dépasse largement nos compét
ences » (p. 17). Et ce n'est pas une simple clause de style car la plupart des tr
avaux importants en ce domaine — notamment, ceux de V Advertising Research
Foundation, de la du Pont de Nemours et du ministère de l'Agriculture améri
cain— ne sont mentionnés ni dans le texte, ni dans la bibliographie de l'ouvrage
de Geffroy.
Cadet et Cathelat (1968) vont jusqu'à affirmer que le rôle de la réclame en
tant qu'instrument de régulation économique, « s'il est encore largement méconnu
et mésestimé du grand public, n'est plus à démontrer, illustré par de nombreuses
recherches ». Mais ils ne citent aucune de ces recherches.
Sur ce fond général d'ignorance, quelques résultats se détachent cependant.
Nous utiliserons surtout ceux qui ont été obtenus au moyen de véritables expé
riences en milieu naturel car ce sont les plus solides du point de vue méthodolog
ique.
Nous nous limiterons en outre à l'étude des effets de la publicité sur les ventes
car, d'une part, c'est essentiellement sur eux que les expériences en milieu natu-
Définitions.
Le mot publicité possède,- en français, plusieurs acceptions différentes. Il
s'oppose d'abord à ce qui est secret, inconnu : publicité des débats, publicité
donnée à une affaire privée. Il désigne, ensuite, tout ce qui tend à favoriser la
vente : on parle, en ce sens, de prix publicitaire. La définition technique la plus
étroite concerne exclusivement l'utilisation ouvertement rémunérée des cinq
supports ou moyens de communication de masse principaux (presse, radio,
cinéma, télévision, affichage) en vue de la diffusion d'un produit ou d'un service.
Cette définition exclut donc, outre les « pots de vin », le démarchage, les étalages
et les expositions, les méthodes commerciales souvent appelées « promotion des
ventes », la distribution, aux intermédiaires ou aux consommateurs, de cadeaux,
primes et échantillons, les concours et les prix publicitaires non accompagnés
de l'emploi de moyens de communication de masse.
L'intérêt de la distinction est loin d'être uniquement théorique car il se pourr
aitque, du moins en ce qui concerne les ventes, l'efficacité de la publicité au
sens large du terme soit beaucoup plus grande que l'efficacité de la publicité
stricto sensu. Bien plus, à l'intérieur même de cette dernière, différentes études
montrent que, pour un même produit, à budget égal et avec un même contenu
publicitaire, l'efficacité des différents moyens de communication de masse varie
dans des proportions considérables (voir, par exemple, Niefeld, 1960; Eckert,
1965; Campbell, 1969, p. 112-113 et p. 122-123). Il paraît donc souhaitable, pour
des raisons à la fois théoriques et pratiques, d'appeler publicité une réalité aussi
homogène que possible. Nous n'irons pas cependant jusqu'à dire que, de même
qu'il n'y aurait pas de maladie mais seulement des malades, il n'y aurait pas de
publicité, mais seulement des publicités. A notre sens, si la connaissance ne peut
être fondée que sur des cas particuliers, ce sont les généralisations qui sont inté
ressantes : à quoi serviraient des résultats que l'on ne pourrait étendre au-delà
du produit, de la population et de la période concernés?
L'intérêt des publicitaires les incite souvent à définir la publicité de façon
large, de manière notamment à étendre leurs attributions et leur pouvoir. L'Inter
national Advertising Association (I.A.A., 1970, p. 31) et l'Institut de Recherches
et d'Études Publicitaires (IREP, 1970, p. 34) utilisent une définition relativ
ement large qui comporte, notamment, un poste « promotion des ventes1 ».
En pratique, nous sommes tributaires des définitions utilisées par les auteurs
des différentes études que nous analyserons. Il n'en résulterait pas trop d'i
nconvénients si les auteurs précisaient ce qu'ils entendent par publicité. Malheu
reusement, ce n'est pas toujours le cas et l'on ne sait donc 'pas très bien quelles
conclusions on peut tirer de leurs recherches.
1. Selon le questionnaire utilisé par l'IREP pour interroger les annonceurs, ce poste
comprend les frais techniques entraînés par les offres spéciales, les cadeaux publicitaires,
les bons et concours, les échantillons gratuits et les primes.
Joachim Marcus-Steiff
i. l'efficacité de la publicité
2°
1° celles qui
— très
sontrares
rentables,
— dont c'est-à-dire
l'efficacitéqui
est rapportent
spectaculaire;
à l'annonceur plus
qu'elles ne lui coûtent;
3° celles dont l'efficacité est très faible ou nulle et qui, par conséquent, ne
sont pas rentables;
4° enfin, les publicités dont les effets sont négatifs; leur fréquence, à en juger
par les cas publiés, est au moins égale à celle des publicités du premier type *.
1. Selon une étude — citée par Bogart (1967, p. 299) et effectuée par Yankelovich —
concernant 75 publicités radiophoniques « approximativement représentatives », trois
sûr dix des publicités étudiées étaient efficaces, trois sur dix étaient peut-être « plus
nocives que bénéfiques » et le restant « présentait quelque défaut important ». Mais
Bogart ne dit pas comment l'efficacité des publicités a été mesurée. Si cette étude est la
même que celle qu'il cite p. 105 de son livre, il ne s'agirait que de jugements, portés
par des consommateurs, sur la qualité des annonces.
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A propos des effets de la publicité sur les ventes
montant « normal » ont procuré» plus _i de
_i_ ventes
i . _ additionnelles
_ j .!?»? « . _ que le
i montant
triple. Buzzel ajoute que beaucoup d'autres expériences ont fourni des résul
tats semblables.
Faute de renseignements suffisants, ces résultats sont difficiles à interpréter.
Ils ont été obtenus, en effet, au moyen d'expériences du type « boîte noire » :
nous ne connaissons que le stimulus et la réaction, c'est-à-dire Yinput et Voutput
qui sont tous deux visibles, non les processus qui les relient et qui se situent « à
l'intérieur » des consommateurs.
Sans chercher à traiter ici le problème des modèles psychologiques de l'effica
cité publicitaire, nous distinguerons d'abord le cas - correspondant aux expé
riences citées par Buzzel — où les effets de la publicité additionnelle ne
deviennent négatifs qu'aux intensités publicitaires fortes. On pourrait parler, à
leur sujet, d'agacement ou d'irritation, voire d'exaspération des consommateurs
devant la répétition trop fréquente du même stimulus. Il s'agirait, somme toute,
d'une réaction très banale, bien que son application à la publicité soit rare
dans les recherches empiriques.
Lorsque les effets de la publicité sur les ventes, au lieu d'être d'abord positifs,
puis négatifs, sont négatifs dès les intensités publicitaires faibles, deux modèles
psychologiques très différents sont à notre disposition pour expliquer ce phéno
mène. Le premier implique la diffusion, par la publicité, d'une image de marque
ou de produit défavorable. Les études de motivation ont, à diverses reprises,
étayé cette hypothèse. Ainsi, la publicité pour les cigarettes Philip Morris
insista sur le fait que cette marque était moins irritante que d'autres. Les per
sonnes sondées par Weiss et Geller pour expliquer la mévente qui s'ensuivit
dirent : « Quand je pense à Philip Morris, je pense à l'irritation. » (Packard,
1958, p. 143.) De même, « le fabricant des bagages Fiberglas constata par des
tests qu'ils étaient virtuellement indestructibles. Son agence de publicité le
persuada de déclarer qu'ils étaient solides au point de survivre même s'ils tom
baient d'un avion. Quand les affiches montrèrent des gens faisant tomber leurs
bagages, les ventes tombèrent aussi. Les analystes appelés au secours décou
vrirent que les gens, à la vue de cette réclame, pensaient à des accidents aériens
et que la perspective de la survie de leurs bagages ne les consolait pas de celle de
périr eux-mêmes. » (Packard, 1950, p. 140-1).
Le second de ces modèles implique la distinction entre deux types de réactions
du public au contenu des communications de masse (cf. Glucksmann, 1966).
Tantôt, les lecteurs, auditeurs ou spectateurs sont tentés d'imiter dans la vie
réelle les comportements décrits dans les moyens de communication de masse
(mimesis). Appliqué au domaine qui nous occupe ici, ce comportement corre
spond à l'achat induit par la publicité donnant au produit une image favorable.
Tantôt, au contraire, la lecture et le spectacle permettraient, par eux-mêmes, la
satisfaction et la décharge des émotions (catharsis). Loin d'inciter à l'action,
ils la remplaceraient. C'est ainsi que, à force de rêver et de lire les publicités, on
finirait par ne plus avoir envie d'un objet ou d'un voyage. Mais il ne s'agit là
que d'hypothèses et, en publicité comme dans le domaine étudié par Glucksmann
(les effets sur la jeunesse des scènes de violence au cinéma et à la télévision),
on est loin de connaître les combinaisons stimuli-publics qui favoriseraient l'appa
rition d'effets mimétiques ou cathartiques.
Joachim Marcus-Steiff
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A propos des effets de la publicité sur les ventes
d'assez près pour justifier les conclusions en faveur des rendements croissants
présentées par les auteurs.
En d'autres termes, les expériences citées par Buzzel semblent constituer un
cas extrême : on y observait, aux niveaux élevés d'intensité publicitaire, des effets
négatifs de la publicité sur les ventes; de façon plus générale, selon Simon, les
niveaux élevés entraîneraient seulement une diminution de l'efficacité publicitaire.
Par exemple, dans une étude expérimentale effectuée par le ministère de l'Agri
culture américain et qui a duré 2 ans, on a constaté qu'un accroissement des
dépenses publicitaires * de 15 cents par habitant et par an se traduisait par un
revenu additionnel, pour les annonceurs, de 399 000 dollars (2 millions de francs)
environ, alors qu'un accroissement des dépenses publicitaires de 30 cents par
habitant et par an « produisait » un revenu additionnel de 521 000 dollars environ.
La décroissance du rendement est encore plus marquée si l'on considère, non
les ventes ou le revenu brut, mais le revenu net dû à la campagne commerciale
Bilan financier en
de dollars
l'action commerciale,
Niveau 1 :
+ 15 cents l 398 580 237 530 161 050
(soit 17 cents au total)
ou + 750 % :+ 4,5 % (soit 68 % du
coût de l'ac
tion commerci
ale).
Niveau 2 :
+ 30 cents x 521 220 436 313 84 907
(soit 32 cents au total)
ou + 1500 % + 5,9 % (soit 19 % du
coût de l'ac
tion commerci
ale).
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Joachim Marcus-Steiff
A notre connaissance, cette étude est la seule recherche expérimentale dont les
résultats publiés comportent l'indication à la fois du coût et du revenu additionnel.
Il faut remarquer d'ailleurs que celui-ci a été calculé d'une façon assez particulière.
Le lait, dont les ventes font l'objet de l'expérience, est en effet vendu à deux prix
différents. Le plus élevé correspond au lait vendu pour la consommation liquide,
le second à celui du lait utilisé pour la fabrication de diverses denrées. Le revenu
additionnel obtenu grâce à l'action commerciale a été calculé en multipliant la
différence entre ces deux prix par les quantités supplémentaires vendues. Il ne
tient donc pas compte du prix de revient du lait. Abstraction faite de ce facteur,
on peut donc dire que les deux niveaux d'action commerciale ont été rentables,
mais le niveau élevé moins que le niveau moyen. On ne sait pas si le niveau lai
ssant le revenu net le plus grand se situe entre le niveau « normal » (2 cents) et
le niveau moyen (15 cents) ou entre le niveau moyen et le niveau élevé (30 cents).
Il se peut aussi que les rendements de la publicité soient variables : d'abord
croissants, puis constants et, finalement, décroissants, la courbe cumulée ayant
la forme dite en S. Cette forme est d'ailleurs couramment retenue pour des rai
sons théoriques. En outre, dans une expérience concernant les ventes d'ustens
iles de cuisine recouverts de Teflon et comportant plusieurs niveaux d'intensité
publicitaire, McNiven (1969, p. 93) a obtenu une courbe de profit assez complexe
dont on peut probablement inférer l'existence de rendements variables, les ren
dements n'étant décroissants qu'aux niveaux élevés d'intensité publicitaire.
Les partisans des rendements croissants auraient donc raison, tout comme ceux
des rendements décroissants, mais tous deux en partie seulement.
D. L'efficacité spectaculaire.
L'un des exemples d'efficacité spectaculaire les plus souvent cités est sans
doute la publicité des chemises Hathaway représentant un homme avec un ban
deau sur l'œil (c'était avant la notoriété de Moshe Dayan). Selon Martineau
(1959, p. 203), les ventes triplèrent à la suite de l'apparition de cette publicité.
On ne possède pas d'informations précises ni sur le montant — qui semble avoir
été important — des dépenses publicitaires engagées, ni sur leur rentabilité,
mais, selon toute vraisemblance, le succès de cette annonce est dû essentiell
ement à son contenu. Différentes études expérimentales ont d'ailleurs montré
que l'efficacité d'une annonce ou d'une campagne variait facilement du simple
au double selon le contenu publicitaire utilisé (Henderson, Hind et Brown, 1961;
Jennsen, 1966). Ces expériences n'ont, apparemment, comporté ni des publicités
dont l'efficacité était exceptionnelle, ni des publicités dont les effets sur les ventes
étaient négatifs : s'il en avait été ainsi, les différences eussent été beaucoup plus
importantes. Utilisant notamment des données obtenues en laboratoire comme
mesures de la qualité de la publicité d'un grand nombre de produits, Buzzel
(1964, b) a montré que la qualité du message publicitaire était plus importante
que le niveau des dépenses publicitaires, c'est-à-dire plus importante que la
quantité de publicité. Cette conclusion peut sembler évidente : il ne faut pourtant
pas oublier qu'il s'agit là non de l'énoncé d'un principe, mais du résultat de mesur
es effectuées sur l'efficacité de publicités qui, sans être nécessairement représen
tativesde l'ensemble de la publicité, sont couramment utilisées. Il semble donc
que les annonceurs soient plus soucieux — ou plus capables — d'accroître la
quantité de publicité que sa qualité. L'existence d'effets négatifs de la publicité
dus à la diffusion d'une image de marque défavorable indique d'ailleurs, elle aussi,
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A propos des effets de la publicité sur les ventes
que le contrôle exercé par les annonceurs sur le contenu de la publicité est faible.
Ainsi que le remarque Bogart (1967, p. 320) : « En publicité, comme dans la convers
ation, il vaut quelquefois mieux ne rien dire que dire quelque chose qui ne vaut
pas la peine d'être dit, soit parce que cela a déjà été dit auparavant, soit parce
que cela n'a aucun sens1. »
Quelle que soit l'importance des variations de l'efficacité publicitaire dues à
l'inégale qualité des contenus, il n'en reste pas moins que les cas solidement
établis d'efficacité spectaculaire de la publicité sur les ventes sont extrêmement
rares, voire inexistants. Cette pénurie exprime-t-elle l'inefficacité de la publicité
elle-même ou traduit-elle simplement l'insuffisance qualitative et quantitative
des études de l'efficacité publicitaire qui ont été effectuées à ce jour? En d'autres
termes, est-ce la publicité qui est en cause ou notre savoir?
L'ignorance générale en matière d'efficacité publicitaire, signalée au début de
cet article, inciterait à incriminer nos connaissances. Sauf si cette ignorance
n'était pas fortuite et avait précisément pour but de masquer l'inefficacité rela
tive de la publicité. Nous reviendrons sur cette hypothèse à la fin de cet article.
Pour le moment, nous nous bornerons à constater que la plupart des exemples
d'efficacité spectaculaire de la publicité sur les ventes ne résistent pas à un
examen sérieux.
Dans le cas le plus simple, le succès obtenu se révèle, quand on examine les
chiffres, beaucoup moins important qu'on ne le croyait. Ainsi, la part d'Esso sur
le marché français du « super » était de 20,5 % à la veille de la campagne « Tigre »
lancée au printemps de 1965. A la fin de 1965, ce pourcentage était monté à
21,2 %, ce qui, précise Paul Fabra (le Monde, 27 avril 1967), sur un tel marché
représente une progression sensible. Mais, à la fin de 1966, la part d'Esso était
retombée à 20,3 %, légèrement en dessous de celle d'avant la campagne. « II
serait erroné, poursuit P. Fabra, d'en conclure qu'en fin de compte cette dernière
n'a pas « payé ». En premier lieu, la compagnie a fait d'importants bénéfices
pendant la durée active de la campagne et en second lieu on peut soutenir qu'en
l'absence d'une action publicitaire de grande envergure, la société aurait subi
plus fortement encore l'effet de la concurrence des autres marques et sa part du
marché, au lieu de se retrouver à 20,3 % dix-huit mois après, se serait davantage
rétrécie. » En tout cas, il paraît difficile, à propos de cette campagne, de parler
de succès spectaculaire.
Il existe par ailleurs un assez grand nombre de cas pour lesquels la progression
des ventes est considérable mais, le plus souvent, il est alors impossible de déter
miner la contribution de la publicité à cet accroissement. Les obstacles que l'on
rencontre sont d'ordre méthodologique et peuvent être rattachés à la façon dont
les données ont été obtenues.
1. Bien qu'il ne s'agisse pas de ventes, on peut mentionner aussi, à titre de compar
aison, une série de résultats indiqués également par Bogart (1967, p. 316) : avec la
méthode Starch, dans laquelle on demande aux interviewés s'ils ont remarqué telle
annonce déterminée dans tel numéro précis d'un magazine qu'on leur présente, les
scores obtenus par des annonces de même taille varient de 15 à 61 % lorsqu'il s'agit de
publicités pour des produits alimentaires et de quelques % à plus de 50 en ce qui concerne
des annonces (plus petites) pour des alcools; avec la méthode Gallup et Robinson, qui
fait plus fortement appel à la mémoire des interviewés que la méthode Starch, les écarts
sont encore plus importants : dans le domaine des produits alimentaires, le score
obtenu par les 15 publicités télévisées qui ont été les mieux mémorisées était 39 fois plus
élevé que le score obtenu par les 15 annonces qui ont laissé le moins de traces.
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Joachim Marcus-Steiff
14
A propos des effets de la publicité sur les ventes
II. LA CONCURRENCE
1. Une fois de plus, nous nous limitons ici aux effets de la publicité sur les ventes.
En ce qui concerne l'influence sur le langage ou les mœurs, il est probable que, loin de
s'annuler mutuellement, les effets des publicités pour des produits différents s'ajoutent
au contraire les uns aux autres.
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Joachim Marcus-Stelff
la plus simple (fonction logarithmique) peut être exprimée de la façon suivante :
les ventes supplémentaires procurées par chaque franc additionnel dépensé en
publicité sont inversement proportionnelles au nombre de francs « déjà » dépensés
en publicité 1. Cette expression est cependant inexacte car, en principe, il ne
s'agit pas d'un accroissement dans le temps mais d'une comparaison de ventes
produites simultanément, par exemple dans diverses régions, par des dépenses
publicitaires de niveaux différents.
1. Si l'on prend :
y — montant des ventes et
x — montant des dépenses publicitaires, la fonction logarithmique s'écrit :
y = a + b log x, a et b étant des constantes. On a alors :
■—■ = - (dérivée de la fonction logarithmique).
L'accroissement dyjdx des ventes par franc supplémentaire dépensé en publicité est
donc bien inversement proportionnel à x.
16
A propos des effets de la publicité sur les ventes
Ces différents exemples tendent à montrer que, dans une proportion et selon
les mécanismes variables, les publicités s'annulent les unes les autres. Le problème
qui se pose ici est, en partie, un problème d'agrégation : dans chaque cas particul
ier, quelle est la part de la publicité qui opère simplement un transfert de vente
d'un fabricant à un autre et quelle est la part qui accroît le marché global de la
catégorie de produits concernés, voire la masse totale des achats?
A priori, on peut supposer que la publicité est d'autant plus efficace que les
différences matérielles entre les produits sont faibles, c'est-à-dire que les produits
sont, pour le consommateur, interchangeables. A l'un des extrêmes, on trouve des
produits physiquement identiques mais vendus sous des noms de marque diffé
rents (marques d'essence, de lessives, de cigarettes américaines, etc.). On conçoit
bien, ici, qu'en l'absence de différences matérielles ne subsistent que les diffé
rences psychologiques sur lesquelles la publicité peut agir plus aisément (image
de marque). A l'autre extrême — les effets de la publicité sur l'ensemble des
achats — on peut s'attendre à ce que les contraintes imposées, sur la courte
période, par le montant des revenus et, sur la longue période, par la situation
du marché du travail freinent vigoureusement l'éventuelle efficacité de la publi
citéà ce niveau.
Les résultats d'un examen de quelques données « naturelles » concernant les
variations de l'efficacité publicitaire, selon qu'on se situe au niveau d'une marque
déterminée, de l'ensemble d'une industrie ou de l'ensemble de l'activité écono
mique d'un pays semblent étayer cette hypothèse (Kende, 1969, a et b; Marcus-
Steiff, 1969). Une implication particulière de cette hypothèse est claire : dans la
mesure où la publicité a uniquement pour effet de modifier la répartition d'un
marché particulier entre des concurrents offrant tous des produits matériellement
identiques, sans avoir d'influence sur le volume total des ventes, toutes marques
confondues, son intérêt est sans doute considérable pour chacun des fabricants
considéré isolément, mais il est nul pour l'ensemble des fabricants de cette indust
rieet, a fortiori, pour la société globale.
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Joachim Marcus-Steiff
1. Selon Ramond, les effets de l'utilisation du produit sur les attitudes sont de 10 à
1 000 fois plus importants que ceux de l'exposition à la publicité (1965, p. 152). Mais il
semble s'agir ici d'une estimation subjective, non d'une mesure véritable.
18
A propos des effets de la publicité sur les ventes
Une étape de plus peut être franchie dans la construction théorique. L'efficacité
de la publicité, avons-nous écrit plus haut, est fonction de l'importance de l'info
rmation nouvelle apportée par rapport à la quantité totale d'information déjà
possédée par le public sur la question. Comment cette hypothèse s'articule -t-elle
avec celles que nous venons de voir?
On peut remarquer, tout d'abord, que dans le cas de produits anciens présen
tant entre eux des différences matérielles importantes, le rôle de la publicité
semble, à première vue, réduit. En d'autres termes, les différences entre les salades
et les chaussures étant connues, la publicité ne pourrait 'guère accroître les
ventes des unes aux dépens de celles des autres. On sait cependant — surtout
depuis les études de motivation — que les consommateurs achètent, non de
simples objets matériels, mais aussi les rêves auxquels ceux-ci servent de support :
non seulement des oranges mais aussi de la santé, non un produit de beauté,
mais de l'espoir, non une automobile ou un billet d'avion, mais du prestige.
Or la publicité peut modifier les images des produits, c'est-à-dire les idées que les
consommateurs entretiennent à leur sujet. Ou plutôt, elle peut charger les pro
duits de significations imaginaires, conscientes ou inconscientes. Nous parlerions
volontiers ici d'information psychologique ou affective, cette information étant,
bien sûr, apportée non seulement par le texte, mais aussi — et même surtout —
19
Joachim Marcus-Steiff
par l'image, les couleurs, les espaces blancs ou le ton de la voix, etc. À condition
de donner au concept d'information un sens très large, une certaine efficacité de
la publicité au niveau d'une catégorie de produits est donc non seulement conce
vable, mais compatible avec l'hypothèse qui lie l'efficacité de la publicité à la
quantité d'information nouvelle qu'elle apporte. Reste à mesurer cette efficacité.
Comme il est presque de règle en cette matière, nous manquons encore une fois
de données. Un exemple célèbre vient cependant à l'esprit : celui des pruneaux
dont les ventes, paraît-il montèrent en flèche aux États-Unis quand, à la suite
d'une étude de motivation, on modifia l'image du produit : apparemment,
Dichter avait trouvé quelque chose de nouveau et d'intéressant à dire à propos
d'un produit ancien mais relativement peu connu. Une telle réussite paraît
cependant assez exceptionnelle et nous renvoie au problème du contenu publici
taire(cf. supra, l'efficacité spectaculaire).
Dans le cas de produits matériellement identiques mais vendus sous des noms
de marque différents, la distinction entre la réalité matérielle et la perception que
les consommateurs en ont est encore plus nette. Les publicitaires utilisent diff
érents procédés pour singulariser une marque sur le plan psychologique. Le premier
consiste à s'efforcer d'associer plus particulièrement la marque X à telle ou telle
caractéristique que les autres marques possèdent en réalité au même degré. Par
exemple, une banque affichera un taux d'intérêt qui est, en fait, exactement le
même que celui pratiqué par les autres banques, les consommateurs non informés
par d'autres sources ignorant cette identité. La publicité apporte alors une info
rmation exacte, mais partielle (et partiale). L'avantage présenté peut aussi être
purement imaginaire : « les sous-vêtements qui donnent envie de revoir Venise »,
pour citer une publicité récente. Enfin, on ajoutera éventuellement au produit
quelque ingrédient destiné essentiellement, sinon exclusivement, à servir de sup
port à la publicité : « crème embellissante aux extraits d'huître portugaise sau
vage, 100 % naturels ».
Dans cette optique, c'est-à-dire, en prenant le mot information dans un sens
large qui inclut notamment l'information de nature « psychologique » ou « affec
tive », la publicité mensongère peut, elle aussi, apporter de l'information et être
efficace. D'abord parce que dans la mesure où les consommateurs ne disposent pas
d'autres sources d'information aussi accessibles qui leur permettent de mieux
comparer les produits et les prix, la publicité mensongère ne se distingue pas
opérationnellement de celle qui ne l'est pas. Ensuite parce que, même lorsqu'elle
est perçue comme plus ou moins inexacte et tendancieuse, les consommateurs
peuvent choisir d'y croire, ou faire semblant d'y croire, parce qu'ils y trouvent un
prétexte ou une justification particulièrement commode pour acheter ce dont ils
ont envie de façon tout à fait indépendante de la publicité.
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A propos des effets de la publicité sur les ventes
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Joachim Marcus-Steiff
campagne financée uniquement par l'association américaine des éleveurs de
moutons à une campagne de publicité coopérative. Dans la première, la publicité
était signée par l'association des éleveurs de moutons tandis que dans la seconde
elle paraissait sous le nom du détaillant qui, dans les mêmes annonces, faisait
de la publicité pour d'autres denrées, l'association lui remboursant 50 % du coût
de l'espace consacré à la viande de mouton. Mais les deux campagnes étaient
également des campagnes de « merchandising » et d'information des consommat
eurs : elles comportaient, outre la publicité dans la presse, de la publicité sur
les lieux de vente (affiches, banderoles, distribution de brochures contenant des
recettes de cuisine), des visites de spécialistes chargés de montrer aux détaillants
différentes façons de préparer et de présenter la viande de mouton, ainsi que des
conférences et des démonstrations faites par des conseillers ménagers à la télé
vision, dans des écoles et des clubs de femmes. Ces activités « de soutien » furent
complètement supprimées, en même temps que la publicité presse, dans les villes
et les périodes servant de base de comparaison pour mesurer l'efficacité des deux
campagnes. Résultats : accroissement des ventes de 10 % pour la campagne de
type habituel et de 26 % pour la campagne coopérative qui avait pourtant coûté
trois fois moins cher à l'association des éleveurs de moutons. Selon les auteurs du
rapport, la différence d'efficacité entre les deux types de campagne provient de
la préférence des détaillants pour celle qui permettait le remboursement d'une
partie de leurs propres dépenses publicitaires.
La seconde expérience (Hind, Eley et Twining, 1963) compare l'efficacité de
5 actions commerciales différentes sur les ventes de poires d'hiver aux États-
Unis. Les ventes ont été mesurées pendant 5 mois dans 75 supermarchés répartis
dans 5 villes différentes. Les changements dans les quantités vendues, mesurés
en pourcentage par rapport â l'absence d'action commerciale, ont été les suivants :
Publicité spéciale au point de vente (PLV) — 12,7 %
Démonstrations dans les magasins + 24,2 %
Concours de détaillants + 21,9 %
Publicité dans les moyens de communication de masse — 13,5 %
On voit que les effets de la publicité, sous deux formes, ont cette fois été nett
ement négatifs alors que ceux de deux autres méthodes de vente ont été très nett
ement positifs. Sans aller jusqu'à tirer une conclusion générale de ces deux expé
riences (dont les résultats sont, comme toujours, fonction du contenu spécifique
donné à la publicité, du produit étudié et de la qualité de l'action commerciale
concurrente), il semble cependant qu'il faille au moins examiner davantage le
problème de l'efficacité de la publicité auprès des consommateurs par rapport à
celle des actions auprès des détaillants. D'autant plus que — sans qu'il y ait
nécessairement un lien de cause à effet entre ces deux phénomènes — on constate
que l'importance relative de la publicité dans le processus de commercialisation
diminue aux États-Unis.
22
A propos des effets de la publicité sur les ventes
4° le scepticisme des consommateurs à l'égard des affirmations de la publicité
augmente ;
5° on inculque à la jeune génération des doutes concernant l'intégrité du monde
des affaires;
6° un jour ou l'autre, l'opinion publique pourrait gêner la croissance de la
publicité.
Nous .ne nous occuperons ici que des quatre premières de ces remarques.
1° Bien que les dépenses publicitaires, aux États-Unis, continuent à croître
en valeur absolue, elles diminuent en valeur relative par rapport à l'ensemble des
sommes consacrées à la commercialisation des produits (« marketing »). Les dépens
es commerciales qui augmentent sont les « promotions » (ventes et offres spéciales),
les remises accordées au réseau de distribution et les frais de publicité coopérat
ive, laquelle, en ce qui concerne l'annonceur, n'est nullement de la publicité
selon Eldridge.
La seule explication possible de cette diminution, ajoute Eldridge, est que la
publicité utilisée seule n'est plus capable de vendre. Autrement dit, Eldridge
utilise le même argument que Geffroy (cf. supra, p. 4) : puisque les dépenses publi
citaires augmentent, disait celui-ci, et que les hommes d'affaires savent (en quel
que sorte par définition) ce qu'ils font, c'est que la publicité est efficace; puisque
les dépenses publicitaires diminuent (du moins en valeur relative) et que les
hommes d'affaires savent ce qu'ils font (postulat qui demeure inchangé), dit
celui-là, c'est que la publicité est devenue moins efficace. Il se pourrait cependant,
que le raisonnement de Eldridge soit exact alors que celui de Geffroy ne l'est pas
car, d'une part, la mesure en valeur relative est plus juste que la mesure en valeur
absolue et, d'autre part, ce que Eldridge appelle diminution de l'efficacité publi
citaire pourrait être, en partie, une meilleure connaissance 'de cette efficacité.
Car, grâce essentiellement aux expériences du type de celles que nous avons
citées ici, certains annonceurs commencent à savoir ce qu'ils font, alors qu'ils
ne le savaient pas. Eldridge propose d'ailleurs de mesurer la contribution de la
publicité aux ventes à l'aide d'expériences au cours desquelles des zones géogra
phiques distinctes recevraient trois « traitements » différents :
1. publicité seule;
2. la même campagne publicitaire qu'en 1 et, simultanément, une campagne
commerciale (concours, primes, etc.);
3. la même campagne commerciale qu'en 2 et, simultanément, une campagne
publicitaire faisant état de cette campagne commerciale h
2° La raison principale de la tendance des consommateurs à changer de plus
en plus souvent de marque est, selon Eldridge, l'emploi croissant des « promot
ions», notamment sous forme de concours et d' « offres spéciales ». Kuehn (1966,
p. 199) remarque, pour sa part, que l'effet immédiat d'une remise sur le prix d'un
produit est plusieurs fois celui de la publicité.
3° La part des ventes faites par les distributeurs géants (magasins à succurs
alesmultiples, chaînes de détaillants) a augmenté fortement ces dernières
années. Or, ces distributeurs géants favorisent souvent leur propre marque,
font davantage de publicité pour cette dernière et « vont jusqu'à placer la marque
23
Joachim Marcus-Steiff
traditionnelle
4° Alors qu'autrefois,
qui fait delelaprix
publicité
plus élevé
dans des
un marques
recoin caché
de producteur
» de leurs faisant
magasins.
de
la publicité correspondait, dans un très grand nombre de cas, à une supériorité
réelle en termes de qualité, aujourd'hui, il n'en est plus toujours ainsi : le même
fabricant place quelquefois le même produit d'une part dans un emballage por
tant la marque du distributeur et, d'autre part, dans un autre emballage portant
le nom de sa propre marque, pour laquelle il fait de la publicité et qu'il vend
plus cher. Or, dit Eldridge, bien que les rapports des associations de consommat
eurs n'atteignent qu'une minorité du public *, celui-ci commence à être informé
de cette situation. La crédibilité, déjà faible, de la publicité qui cherche à établir
l'existence de différences entre les marques, risque d'en être encore diminuée.
Pourtant, ajoute Eldridge, les marques de distributeur n'existeraient pas si
les fabricants ne faisaient pas supporter leurs frais généraux essentiellement par
les marques pour lesquelles ils font de la publicité, marques qui ont, en outre,
créé la demande pour ce type de produit. « Fabriquer des produits différents,
même s'ils ne sont que légèrement différents, afin de ne pas procurer aux ennemis
de la publicité une arme efficace dans leur campagne contre la publicité ne devrait
pas constituer une difficulté insurmontable » conclut Eldridge.
Bien que son point de vue soit différent, Levitt (1969, p. 78) constate, lui aussi,
que nous assistons (aux Etats-Unis) « au déclin des marques, du moins au sens
où l'on concevait naguère leur existence et leur action ». Levitt se fonde non seu
lement sur les rapides progrès, cités par Eldridge, des produits de marques de
distributeurs, mais également sur l'expansion des magasins à prix réduits et sur
« la surprenante percée de marques importées, complètement inconnues », ayant
fait peu de publicité et appartenant à des branches comme l'automobile, les
machines à écrire, les plats inoxydables et les postes à transistors, branches qui
étaient auparavant caractérisées précisément par une débauche de publicité
fondée sur le prestige de la marque.
Bref, rapprochant les analyses d'Eldrige et de Levitt de ce que nous avons dit
plus haut concernant l'information des consommateurs, il semble que l'on puisse,
au moins à titre d'hypothèse, considérer qu'une forte importance relative des
dépenses publicitaires a correspondu et, dans une large mesure, correspond tou
jours à une certaine structure commerciale — intermédiaire entre la vente en
vrac sans nom de marque et la vente sous le nom de la marque du distributeur —
et à un certain état de l'information des consommateurs qui, pour la plupart,
croient encore que « prix élevé + publicité = qualité ». En d'autres termes,
l'efficacité de la publicité sur les ventes serait due, en partie, non à quelque condi
tionnement inconscient, mais à la croyance, souvent non fondée, soit des détail
lants en l'influence de la publicité sur les consommateurs, soit des consommateurs
en la qualité supérieure des marques plus chères faisant davantage de publicité,
c'est-à-dire, en fin de compte, à la mauvaise information des uns ou des autres.
D. Publicité et recherche.
De même que les méthodes de vente, les différentes formes de recherche figu
rent parmi les dépenses que les industriels peuvent effectuer en vue d'accroître
24
A propos des effets de la publicité sur les ventes
1. Pour autant que nous ayons pu le savoir, l'IREP n'ayant pas répondu à notre
question sur ce point, ce pourcentage correspond à une estimation obtenue notamment
en multipliant par 6,67 le montant des études et recherches publicitaires facturées par
les agences de publicité à leurs clients, c'est-à-dire aux annonceurs.
25
Joachim Marcus-Steift
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