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Jean-Pierre Paillet
Cahier de linguistique, n° 10, 1980, p. 215-229.
URI: http://id.erudit.org/iderudit/800092ar
DOI: 10.7202/800092ar
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Ce critère est utilisé par tous les auteurs (comme on peut s'y
attendre : c'est le critère le plus répandu dans les systèmes déictiques
européens).
Nous en venons donc à un critère reconnu par tous les auteurs, mais
qu'il est difficile de spécifier. Il s'agit d'une distinction de hauteur
par rapport à une référence, mais il n'est pas clair a) si la référence
est nécessairement la position du locuteur b) si la relation de hauteur
est dynamique, c'est-à-dire "en montant", "en descendant" - ou statique -
c'est-à-dire "plus haut que", "moins haut que". De fait, cette distinc-
tion n'est pas souvent cruciale, et il est difficile de trouver des
contextes discriminants.
Indicateurs et voisinages
Pour nous rapprocher d'une solution, nous nous concentrerons sur les
termes cruciaux, sur lesquels les descriptions de Schneider, Gagné et
Ittuq, rapportées par L.-J. Dorais (1971), diffèrent de manière importante.
Ainsi donc, nous éliminons pour l'instant kanna/unna, pinna/panna et
kinna/qanna, dont le sens est stable dans toutes les descriptions (reste
à déterminer précisément ce qui distingue les membres de chaque paire),
et nous examinons uniquement una, manna, inna, anna. Les trois auteurs
sont d'accord pour décrire una comme "proche", anna comme "lointain".
Ils sont également d'accord pour rapprocher una et manna. Les différences
sont, d'abord, que Schneider oppose trois termes au quatrième (una, manna,
inna, versus anna), alors que les deux autres présentent des systèmes
symétriques (una/manna versus anna/inna). Gagné et Ittuq sont en
désaccord quant aux positions relatives de inna et anna, le premier
présentant inna comme parallèle à una, le second renversant les roles.
En résumé, c'est la position de inna qui est cruciale dans les différences
entre ces trois analyses. Nous y reviendrons.
Déixis et représentation de l'espace en inuktitut 221
una
manna una inna una anna
{« • anna J* •} J< •J
inna manna anna manna inna
Schneider Gagné Ittuq
Pour démêler les relations entre ces quatre termes, il nous faut
considérer deux types de critères. Notons que les traductions données
sans parenthèses sont dangereuses, car elles risquent d'impliquer le
genre de distinctions pertinentes en allemand, mais non nécessairement
en inuktitut. Heureusement, Kleinschmidt a conscience de l'importance
de ce détail, et fournit des spécifications entre parenthèses, qui font
intervenir a) l'opposition (locuteur * •interlocuteur) <—•autre, dans
le cas de (ma <—•tass)^—^ik, iv UV, b) l'opposition déictique 4—• non-
déictique : UV est spécifié par un geste indicateur, les autres apparemment
non, car ils ont un sens spécifique.
inna, pourrait représenter une neutralisation de ik-, IV-, iiïl-, IQ-, etc.,
ce qui expliquerait les divergences d'opinion (soit que la forme neutra-
lisée ait effectivement toutes les valeurs des formes anciennes, auquel
cas elle doit apparaître en plusieurs places dans la structure ... (?),
soit que chaque parler où sTest effectuée la neutralisation ait réinter-
prété la valeur de inna dans un sens différent. On peut comprendre le
système de Gagné,
1—
manna anna
(déictique comme UV)
et anna comme av
|hi/ha}pY ( haut
1w/yuj
|u/sa| bas
Jm
Iw
Ce qui est particulièrement attrayant dans cet inventaire de
l'aléoute, c'est qu'il est possible de trouver des traces de tous les
termes, en fouillant dans les divers dialectes de l'eskimo. L'eskimo
occidental (yuk) est beaucoup plus riche en formes diverses, mais
malheureusement les documents (par exemple Barnum (1901), Hinz (1944)),
ne sont pas toujours précis quant à leur sens exact, et il faut une
réflexion de détective pour conjecturer les valeurs (Voir table II).
TABLE II
pav
(qaani 'dehors1)
(kiani !dehors1)
Déixis et representation de l'espace en inuktitut 227
Par ailleurs, on notera que les formes données par Barnum contiennent
souvent un "suffixe" en -m- qui n'a pas son correspondant dans l'Est.
Par exemple, le thème pak- donne pakmai 'là-haut'.' et pakumina 'celui-là,
là-haut'.
On semble percevoir dans les notes de Barnum des traces d'un système
plus vaste, qui n'est pas malheureusement représenté en entier, soit que
Barnum n'ait pas été en mesure de l'enregistrer, soit qu'il ait déjà
commencé à se désagréger à cette époque.
Jean-Pierre Paillet
Carleton University
BIBLIOGRAPHIE
GAGNE, R.C. (1968), "Spacial Concepts in the Eskimo Language" dans Eskimo
of the Canadian Arctic, e'dit. par V.F. Valentine et F.G. Vallée,
Toronto, Carleton Library.