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ÉTUDE DU PREFIXE RE-

EN FRANÇAIS
Gerardo Dieterlen Cuervo
Introduction

Au cours des dernières années dans le domaine de la sémantique, diverses modifications


et évolutions ont eu lieu concernant le traitement et l’analyse de la sémantique. Nous
pouvons commencer en affirmant que dès le XIXe siècle, ce débat linguistique est
présent, et non pas de la même manière qu’il se déroulera au cours du XXe et du XXIe
siècle. Donc, nous nous trouvons face à un champ linguistique qui, depuis ses débuts,
semble être un endroit sombre, nébuleux, voire lugubre. Au XIXe siècle, les deux
tendances dominantes que nous rencontrons prennent comme point de départ la
méthode d’analyse diachronique, qui consiste en l’analyse de la langue et de la
sémantique d’un point de vue historique, c’est-à-dire que l’évolution historique de la
langue est le point central où l’on tire les conclusions concernant des phénomènes tels
que la formation de mots, l’apparition de néologismes, etc. Le problème de ce point de
vue, réside dans le fait que l’analyse historique de la langue peut être un outil utile, par
exemple dans le traitement de la phonologie, mais il est quelque peu obsolète lorsque
nous faisons face aux nombreuses irrégularités et exceptions que la langue porte en elle-
même inscrite. Parmi ces courants historiques consacrés à l’étude de la langue, on
trouve les comparatistes et les néo-gramariens, qui étaient certains que l’étude de la
langue elle-même, et en fin de compte, le domaine de la sémantique, devait être traitée
par l’analyse diachronique.
Car, plus tard, nous nous trouvons à un moment crucial pour l’émergence de toutes les
branches qui composent actuellement une grande partie des études de linguistique
actuelles, ce moment crucial est lorsque le linguiste suisse Ferdinand Saussure publie
son livre : Cours de linguistique générale, qui est composé de deux parties distinctes.
La deuxième partie du livre est que nous sommes intéressés car nous avons trouvé une
idée très intéressante qui a servi de base pour les théories linguistiques ultérieures qui
ont émergé tout au long du XXe siècle et qui servent actuellement de base à l’étude de
la linguistique. Saussure affirme que la linguistique, et en particulier le domaine de la
sémantique, doit être traitée en tenant compte :

- “Des rapports logiques et psycologiques reliant des termes coexistants et formant


système, tells qu’ils sont aperçus par la même conscience collective” de Saussure, F.
(2020). Cours de linguistique Générale (Edition Illustrée - 1916) (French Edition).
Librorium Editions.
Cette affirmation mise sur une vision qui suppose la formation de systèmes entre les
aspects logiques et psychologiques, qui apparaissent dans la conscience collective, en
supposant que le langage forme un tout qui domine les aspects les plus éloignés et
impensables de la sphère consacrée à la communication et à l’humain. Nous devons
donc réfléchir à l’idée de construire des systèmes polyvalents où toutes les observations
que les linguistes découvrent s’adaptent. Si nous allons un peu plus loin, nous
découvrirons que l’intention de Saussure ne réside plus dans l’analyse diachronique,
mais dans l’étude de l’évolution de la langue en dehors des facteurs historiques. Il
semble que nous ayons déjà abandonné la tradition diachronique et commencé à penser
en langue à travers un système ou un point de vue qui préconise l’étude de la langue en
soi, dans son propre contexte. Il s’agit maintenant d’analyser les structures qui
composent la langue à partir d’une vision formelle, en s’en tenant à tous les
phénomènes qui, dans leur ensemble, constituent la totalité du langage. Cette forme de
système ou méthode consiste en une analyse synchronique. Comme le dit le mot lui-
même, l’essentiel réside dans le fait d’analyser les phénomènes dans la perspective
actuelle, c’est-à-dire dans les paramètres culturels et linguistiques propres à notre
contexte. Cette idée de synchronisation est importante, car elle prend comme point de
départ l’analyse des structures internes et des autres phénomènes qui construisent en soi
les bases du système linguistique. Saussure affirme que ce type d’analyse suppose une
coupure temporelle, c’est-à-dire de considérer que le temps est devenu insuffisant, un
élément déjà épuisé, et qu’il limite finalement les possibilités de recherche et donc,
empêche d’aboutir à de nouvelles conclusions qui peuvent être enrichissantes ou
révélatrices. L’approche diachronique de certains phénomènes trouve donc son
épuisement dans le fait qu’elle n’est pas efficace pour signaler ou expliquer l’évolution
constante du langage, et les éléments internes et externes qui composent la structuration
linguistique.

Une fois, après avoir commenté de manière générale le panorama théorique sur lequel la
linguistique actuelle se forme, nous allons analyser le préfixe re- ainsi que les différents
emplois que le préfixe re a sur le champ de la sémantique. Nous tenterons également de
mettre en évidence les différentes irrégularités ou opacités que le préfixe lui-même
suppose lors de son insertion dans les mots. De plus, nous tenterons de signaler diverses
caractéristiques du préfixe en langue espagnole et en langue française.
Developpement

Tout d’abord, nous devons commencer par une brève présentation des caractéristiques
formelles du préfixe. D’une part, pratiquement n’importe quelle classe lexicale admet le
préfixage en ré, c’est-à-dire qu’on le trouve dans des noms, des adjectifs, des adverbes
et des verbes. C’est dans ces derniers que leurs opacités sont les plus évidentes et que le
débat est le plus vif. Il convient de noter qu’au moment de réaliser notre analyse, nous
sommes confrontés au problème de la réalisation d’un point de vue interne ou externe,
mais cette dichotomie peut être surmontée, à partir de la conception qu’elle suppose une
fausse dichotomie. Peut-être la solution serait-elle de considérer cet affrontement entre
deux manières de se rapprocher du phénomène lingusique, comme la relation de deux
éléments contraires qui trouvent une complémentarité, dans le fait que deux
phénomènes qui se trouvent intimement liés, bien qu’ils soient en quelque sorte
autonomes. Ce débat linguistique est résolu par Jalanques en affirmant que cette
dichotomie est nécessaire pour pouvoir élucider les irrégularités que présente le préfixe
re-. (Jalenques, 2002),

Une des façons de rendre ces irrégularités visibles et de les surmonter, pourrait être la
méthode d’analyse proposée par Corbin, qui définit son modèle comme une approche
associative, stratifiée, autonome et interne. Ici, nous devons souligner la notion de
stratification, qui suppose la conséquence du caractère cumulatif que présente le
changement grammatical.

Cette stratification répond au problème du développement de nouvelles constructions


grammaticales par rapport à celles utilisées précédemment, considérant qu’elles ne
devraient pas être remplacées, mais mettre l’accent sur le caractère cumulatif du
langage.

Le TLF regroupe les interprétations des mots construites par le préfixe re en trois
grandes catégories :

- “retour à un état initial”.


- “Mouvement d’inversion” tantôt au plan spatial que temporelle.
- “Repetition ou reprise après un interruption”.

Une fois que nous commentons certaines notions, nous devons souligner comment le
préfixe re se comporte dans les formes orales dérivées et non dérivées. C’est ici que
nous trouvons le plus grand nombre d’irrégularités et d’options. Si nous pensons au
premier sens que le préfixe ré exerce sur les bases verbales, nous trouvons l’idée de
mouvement au niveau spatio-temporel. L’utilisation du préfixe re dans son caractère le
plus ancien se retrouve dans l’idée que ce préfixe renvoie à un état ou à un mouvement
antérieur, c’est-à-dire à l’antériorité en termes tant spatiaux que temporels. Un exemple
de ceci serait 

- Les medecins ont réanimé le futbolista.


- Le president a reafirmé son projet publique.

Comme nous pouvons le voir dans les deux phrases, l’utilisation du préfixe re-, agit sur
les bases verbales en leur donnant un sens qui implique un mouvement de retour.

D’autre part, si nous continuons à utiliser le préfixe re- dans les bases verbales, nous
nous heurtons à la présence d’un autre type d’emploi qui est lié d’une manière à la
notion de retour à un état antérieur, ce mode d’emploi est celui de la "réaction-réponse"
(Gauchola Gamarra, 2012)

- Rebondir
- Rejaillir

Une fois, signalée la notion de retour ou d’antériorité exercée par le préfixe re- sur les
bases verbales, il faut souligner la productivité de ce mode d’emploi, que l’on peut dire
manifester non seulement dans le champ sémantique, mais aussi dans le domaine de la
morphologie. Si nous continuons à analyser les modes d’emploi du préfixe re-, nous
nous apercevrons que celui-ci dénote un caractère "itératif". Celui-ci consiste en la
répétition d’une action plusieurs fois, c’est-à-dire la notion que quelque chose ne revient
plus à son état antérieur, mais un mouvement répétitif, ancré dans une boucle :

- Réannoncer
- Recopier

Comme nous l’avons indiqué précédemment, le préfixe Re- lui-même, en le prenant


d’un mode d’emploi qui attribue un mouvement de retour, peut devenir un mode
d’emploi itératif. C’est alors que nous observons un type d’irrégularité, puisque la
relation d’identité entre deux états successifs qui s’appuient sur la valeur de retour, nous
dirige vers la valeur itérative, et la même chose peut se produire à l’envers, c’est-à-dire
passer d’une valeur itérative à une valeur qui implique un retour. Ceci est dû au fait que
le préfixe RE est d’une manière conditionnée par les caractéristiques synacte-
semantiques (Jalenques, 2002).

- Gerardo a repris le degrée en lettres


- Gerardo a repris son degrée en lettres

En continuant avec les verbes et les irrégularités qu’ils présentent en incluant le préfixe
RE, nous trouvons un phénomène que Jalenques appelle "Emploi idomatique". Cette
idée développée par Jalenques trouve sa base dans l’existence de certaines expressions
qui se trouvent à la main des locuteurs et qui contiennent un sens très précis, à condition
de ne pas se concentrer sur les mots qui la composent. Ici, Jalenques véhicule cette idée
pour l’appliquer aux modes d’emploi du préfixe RE, concrètement dans les formes
verbales. Un exemple de ce que Jalenques affirme, serait le phénomène qui se produit
avec des verbes comme "garder/regarder" ou "envoyer/renvoyer", où la relation entre le
mot/forme base (garder) et le mot dérivé (regarder) devient totalement opaque, puisque
nous ne sommes pas en mesure de retracer la contribution sémantique qu’apporte
l’adjonction du préfixe au mot de base est très peu évident. Jalenques affirme que :
- “les emplois idiomatiques correspondant à des verbes comme (par exemple redouter et
regarder) leur sens est perçu par les locuteurs comme non compositionnel par rapport au
sens du préfixe et au sens du simplex douter/regarder” Jalenques, P. (2002). Étude
sémantique du préfixe RE en français contemporain: à propos de plusieurs débats
actuels en morphologie dérivationnelle. Langue française, 133(1), 74–90.
https://doi.org/10.3406/lfr.2002.1048
Jalenques affirme que l’idiomaticité exige une explication synchrone, c’est-à-dire
actuelle, non fondée sur le temps ou la tradition historique. En outre, il ajoute que ce qui
distinguera les deux verbes sera leur comportement actif.

Ce problème qui se pose au moment de l’adjonction du préfixe re-, n’est pas une
irrégularité propre à la langue française, mais nous observons également la même
problématique en la lange espagnole, où nous sommes confrontés à une série de cas où
il est impossible d’établir une indépendance sémantique avec le processus de
préfixation. Un exemple de cette irrégularité se trouve dans la forme verbale: “repetir”.
Comme c’est visible, si nous séparons le préfixe du mot, la base avec laquelle nous
restons est "petir", et il ne porte aucun type de signification. Le préfixe ré- dans ce cas,
est celui qui vous donne un sens, celui qui permet à la base de former un sens qui
implique, dans ce cas, la répétition d’une action. Alors que dans d’autres cas, nous
trouvons que le préfixe re- est entièrement intégré à la base comme le serait par exemple
le verbe "recorrer”

Dans l’article sur l’étude du préfixe en langue espagnole, écrit par Emiliano A. De Bin,
il est indiqué que le préfixe re- peut être de quatre types différents:

- “RE- diacrítico: se encuentra sujeto a la base verbal, además de estar desemantizado.


Permite distinguir al verbo prefijado del que no tiene prefijo, o que es inherente del
verbo.
- RE- aspectual: repercute sobre el aspecto léxico del verbo. Aporta iteración.
- RE- cuantificativo: cambia el grado de los adjetivos y el argumento interno de los
verbos.
- RE- modalizador: provoca efectos de ponderación en los nombres y puede variar la
modalidad del enunciado.” De Bin. Emiliano (2012)Variaciones en RE-: un prefijo
entre la morfología y la sintaxis. Instituto del Desarrollo Humano, UNGS

Tant dans la langue espagnole que dans la langue française, on trouve l’importance du
préfixe ré- depuis son caractère aspectuel, où l’emploi le plus utilisé ou même le plus
productif serait celui de valeur d’itération. Il convient également de noter que pour que
le préfixe acquière son caractère aspectuel, il faut que les verbes préfixés servent à
désigner une seconde occurrence du processus qui est désigné par le verbe de base.
Quelle que soit l’interprétation des verbes dérivés, ré- semble toujours vouloir
construire le sens d’itération, c’est le cas des verbes comme :

- Remplir, rentrer, ou revenir

Conclusion

Comme nous l’avons observé tout au long de cette étude, l’utilisation du préfixe
implique la remise en question et l’analyse de divers phénomènes linguistiques qui
concernent l’utilisation du préfixe. Il devient un préfixe qui cache sous sa forme, son
emploi et son sens de nombreuses hypothèses qui suscitent des problèmes tels que sa
définition en termes spécifiques, la remise en cause de son indépendance sémantique en
tant qu’unité totale, outre les nombreuses opacités qu’il présente sur les mots auxquels il
est attaché. Chomsky a déjà déclaré que ce qui est en cause dans ces cas n’est pas
d’essayer de couvrir un tout, mais de délimiter les faits pertinents sur lesquels nous
pouvons nous pencher lors de la formulation de nouvelles hypothèses ou de nouvelles
analyses. D’autre part, les irrégularités que le préfixe présente nous sont utiles pour les
utiliser d’une manière ou d’une autre comme accessoire, afin de pouvoir élucider de
manière plus évidente ou définir de manière plus efficace les régularités et les propriétés
formelles des phénomènes linguistiques. En conclusion, nous devons également
examiner la productivité de ce préfixe, c’est-à-dire ses propriétés et son comportement
vis-à-vis d’autres éléments, pour rendre ainsi évidentes les relations ou les réseaux de
connexions qui s’établissent entrent dans deux éléments linguistiques qui peuvent
produire d’une certaine manière des effets différents. Enfin, le linguiste doit effectuer
une analyse approfondie des cas, des emplois et en particulier des irrégularités qui se
trouvent enfouies sous les éléments qui composent la totalité du langage.
Bibliographie
- De Bin. Emiliano (2012)Variaciones en RE-: un prefijo entre la morfología y la
sintaxis. Instituto del Desarrollo Humano, UNGS

- Gauchola Gamarra, R. (2012). Polisemia y derivación: el caso del prefijo “re-”

en francés. Cuadernos de Investigación Filológica, 37(0), 117.

https://doi.org/10.18172/cif.1523

- Jalenques, P. (2002). Étude sémantique du préfixe RE en français


contemporain : à propos de plusieurs débats actuels en morphologie
dérivationnelle. Langue française,133(1), 74–90.
https://doi.org/10.3406/lfr.2002.1048
- Saussure, F. (2020). Cours de linguistique générale (Edition Illustrée - 1916)
(French Edition). Librorium Editions.

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