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Henry Paul. Constructions relatives et articulations discursives. In: Langages, 9ᵉ année, n°37, 1975. Analyse du discours,
langue et idéologies. pp. 81-98.
http://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1975_num_9_37_2613
Constructions relatives
et articulations discursives
1 . Relatives et détermination.
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LANGAGES N° 37 6
contradictoires du rapport de Tordre du discours avec celui des choses ou de
la pensée. Dans le premier cas ce sont les besoins de l'identification pratique
qui justifient la nécessité d'une détermination — c'est parce que les
déterminés ne sont pas assez déterminés pour les besoins de l'identification
pratique qu'il faut des déterminants pour les spécifier. C'est donc alors Tordre
des choses ou de la pensée qui explique Tordre du discours et le fondement du
rapport déterminant-déterminé. Dans le second cas, Tordre du discours peut
être conçu indépendamment de Tordre des choses et de la pensée parce que
les besoins de l'identification pratique sont assurés par ailleurs. Le
déterminant se rapporte alors au déterminé dans Tordre du discours et non plus
dans celui des choses ou de la pensée. En fait, dans toute la grammaire
classique, il y a un va-et-vient constant entre ces deux conceptions de la
détermination, ce qui explique qu'elles puissent coexister sans apparaître
contradictoires comme on vient de le voir avec la description des deux types
de relatives. Cette oscillation est le reflet d'une démarche que nous allons voir
à l'œuvre dans la Grammaire de Port-Royal, démarche qui consiste à partir de
Tordre de la pensée, à établir Tordre du discours comme n'étant pas un pur
reflet de celui de la pensée mais pour finalement faire retour à Tordre de la
pensée. L'ordre du discours n'étant jamais confronté qu'à celui des choses
ou des pensées tel qu'il peut apparaître à un sujet, la notion de discours dont
il est ici question est antérieure à toute distinction théorique entre langue
et discours. Quant à nous, lorsque nous parlerons, dans la suite, de discours,
c'est en un sens tout différent, qui ne le rapporte pas à un sujet (et en cela
cette notion de discours ne se réduit pas à celle de parole) et qui se fonde
justement sur une analyse des rapports de la langue et du discours. Le
recours à un sujet (universel et rationnel) pour concevoir les rapports de la
pensée, des choses et du discours, fait que la grammaire classique, de même
que les conceptions modernes de la linguistique qui s'en réclament, tendent
nécessairement à résorber entièrement le discours, au sens où nous
l'entendons, dans la langue.
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Dans la Grammaire de Port-Royal 1, l'opposition entre noms substantifs
et noms adjectifs est d'abord fondée sur celle des choses ou substances et des
manières des choses ou accidents : « il y a cette différence entre les choses et
les substances, et les manières des choses ou des accidents, que les substances
subsistent par elles-mêmes, au lieu que les accidents ne sont que par les
substances » (Grammaire, p. 25). Mais Arnauld et Lancelot ne réduisent pas
l'opposition des noms substantifs et des noms adjectifs à celle des choses
et des manières des choses car, écrivent-ils, « parce que la substance est ce
qui subsiste par soi-même, on a appelé noms substantifs tous ceux qui
subsistent par eux-mêmes dans le discours sans avoir besoin d'un autre nom,
encore même qu'ils signifient des accidents ; et au contraire on a appelé
adjectifs ceux mêmes qui signifient des substances, lorsque par leur manière
de signifier ils doivent être joints à d'autres noms dans le discours » (ibid.).
Par là, Arnauld et Lancelot substituent l'ordre du discours à celui des
choses ou de la pensée. Dès lors est un substantif tout nom qui peut
apparaître dans le discours sans devoir y être joint à un autre nom, est au contraire
un adjectif tout nom qui ne peut pas apparaître dans le discours sans devoir
y être joint à un autre nom. Pour bien mesurer la portée du renversement
qui est ainsi opéré, signalons que dans les manuels de mathématiques de nos
lycées, il est question des nombres réels et des réels, des nombres entiers et des
entiers, des nombres naturels et des naturels, des nombres rationnels et des
rationnels, etc., mais dans toute une série de manuels actuellement à l'étude,
le mot nombre sans détermination n'a jamais été rencontré. De la sorte, en
s'en tenant à la caractérisation d' Arnauld et Lancelot et en se limitant à
ce corpus, on pourrait dire que le mot nombre y fonctionne comme un
adjectif alors que les mots entier, rationnel, réel, etc., y fonctionnent eux
comme des substantifs. Evidemment une telle conclusion a quelque chose
de paradoxal dans la mesure où l'on sait très bien que lorsqu'on parle d'un
nombre réel, on entend qu'il s'agit d'une espèce de nombre et non pas d'une
espèce de réel. Le même genre de remarque pourrait être fait à propos
d'expressions telles que : du beurre fermier ou la rose Louise dans la mesure où il
ne peut s'agir que d'une espèce de beurre et non d'une espèce de fermier ainsi
que probablement d'une espèce de rose et non d'une espèce de Louise (car
il peut y avoir une ambiguïté). La question est de savoir sur quoi se fonde
cet effet de sens puisque des critères purement distributionnels ou
statistiques ne peuvent que s'avérer insuffisants. Formulée d'une autre manière,
la^question revient à savoir ce qui « subsiste par soi-même dans le discours ».
A cette question, Arnauld et Lancelot ont tenté de répondre en écrivant
quel* ce qui fait qu'un nom peut subsister par soi-même, est quand, outre sa
signification distincte, il en a encore une confuse qu'on peut appeler
connotation d'une chose à laquelle convient ce qui est marqué par la signification
distincte » (pp. 25-26). On retrouve la même idée développée par Marmon-
tel dans sa Grammaire, lequel écrivait : « L'adjectif est ce qu'on appelle un
nom concret, en terme de logique. Il réunit l'idée d'une qualité distincte,
avec l'idée confuse et vague d'un être auquel appartient cette qualité.
Lorsque vous entendez les mots, bon, juste, beau, solide, rond, vous n'avez
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pas seulement l'idée de bonté, de justice, de solidité, de rondeur, mais celle
encore d'un être dans lequel réside la qualité que ce mot énonce. Cet être,
quel est-il ? L'adjectif ne vous le dit pas, mais le substantif va vous le dire ;
et alors à l'idée vague et confuse d'un être indéfini quelconque, va succéder
l'idée nette et précise de tel être individuel, ou de tel genre, de telle espèce
d'être x ». Telle est la réponse classique à la question de savoir ce qui en
définitive «subsiste par soi-même dans le discours», réponse dont nous avons
déjà signalé le caractère équivoque dans la mesure où elle fait en définitive
retour à l'ordre de la pensée.
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sur l'identification des relatives) ou sur la base de leur comportement dans
le discours. Enfin, la conception de la détermination est elle aussi liée au
double problème de la définition des catégories et de la catégorisation des
unités, la détermination étant soit définie en tant que relation grammaticale
liant dans la chaîne des catégories comme Substantif et Adjectif, soit définie
en substance comme dans la Grammaire de Port-Royal.
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résoudre ce problème (notamment l'utilisation d'indices) mais que ces
solutions se sont révélées insuffisantes tant du point de vue théorique que
pratique. Par ailleurs, la théorie des contraintes de sélection s'est trouvée en
difficulté sur d'autres plans que ceux qui concernent directement la
détermination, notamment pour rendre compte de la grammaticalité d'énoncés
comme : le professeur a épousé Pierre et de l'agrammaticalité de : le curé a
épousé Pierre. De plus en plus, on est amené à faire appel à des traits qu'on
ne peut plus considérer comme syntaxiques et donc à recourir à une
sémantique universelle qui cesse ainsi d'être simplement une hypothèse contenue
dans le modèle génératif, pour devenir un présupposé absolument
indispensable. Que dans cette voie les difficultés s'accumulent, on ne peut s'en
étonner, pour des raisons qui seront exposés plus loin. Mais voyons d'abord
comment la grammaire chomskyenne a tenté, pour trouver une solution au
problème du rapport entre les différentes parties du discours qui se co-déter-
minent syntactico-sémantiquement, d'effectuer une sorte de « retour aux
sources » en recourant aux notions de référence, de co-référence, et
d'autonomie référentielle.
Malgré les réserves que nous avons rappelées, Milner croit pouvoir
caractériser intrinsèquement les substantifs par rapport àd'autres catégories,
notamment les pronoms par leur autonomie référentielle, en ce sens que bien
qu'un substantif « puisse désigner des individus totalement distincts suivant
les énoncés, il reste cependant possible de définir de manière générale la
classe des êtres dont il est la désignation et inversement d'exclure a priori
des êtres qui ne pourront jamais être désignés par lui » 2. Sur ce point il se
réfère à l'équivalence entre référence et extension que l'on trouve, entre
autres, chez Carnap. Selon Milner il serait possible de définir hors contexte
la référence d'un substantif, alors que cela serait impossible pour un pronom.
Il reprend donc à son compte le critère de Frege selon lequel dire qu'un
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nom N est définissable hors contexte, c'est dire qu'il peut apparaître en
position d'attribut dans des énoncés interprétables du type GN est un N. Il
est intéressant ici de voir ce qu'il en est des adjectifs, dans la mesure où leur
statut peut paraître proche de celui des relatives. Si nous revenons alors à
la Grammaire de Port-Royal on pourrait dire que les substantifs y sont
caractérisés comme référentiellement autonomes et les adjectifs comme
non référentiellement autonomes. Pourtant, pour ce qui concerne les
adjectifs, c'est exactement le contraire que pose Milner en arguant du fait que
les énoncés du type GN est rouge sont toujours interprétables. Nous ne
comprenons pas pourquoi il a omis dans ce cas l'article indéfini qui selon
nous joue pourtant un rôle essentiel en l'affaire. Il reste que, en tout état de
cause, les pronoms personnels ne peuvent pas apparaître en position X
dans — est un X. Milner a utilisé la notion d'autonomie référentielle à
propos des substantifs de qualité qui, dans certains de leurs emplois (en
position NI dans un syntagme de type NI de N2 comme imbécile dans
l'imbécile de Jean, ou en « incise qualitative » comme imbécile dans Jean,
l'imbécile, a cassé la tasse) ne seraient pas référentiellement autonomes. Ceci
le conduit à poser qu'il y a deux unités imbécile substantifs, l'un ayant le
statut de substantif ordinaire avec toute son autonomie référentielle (par
exemple en apposition nominale vraie comme dans Jean, un imbécile, a
cassé la tasse) et l'autre qui ne serait pas référentiellement autonome et
devrait nécessairement être couplé à un substantif ordinaire. Ces deux unités
se différencieraient en outre de la manière suivante : l'une posséderait des
substituts synonymiques et serait indépendante des actes d'énonciation,
l'autre ne posséderait pas de substitut synonymique et serait
intrinsèquement liée à la « situation de parole » 1 (Jean serait dit imbécile en ce qu'il a
cassé le vase, mais par ailleurs, il pourrait ne pas être un imbécile, ce qui
expliquerait le caractère apparemment non contradictoire de Jean,
l'imbécile, a cassé le vase et pourtant ce n'est pas un imbécile, où l'on trouverait les
deux unités. Si la notion de référentiel et de non référentiel avait cette
importance, il serait légitime de vouloir caractériser les relatives sur cette base
comme on l'a déjà dit. Toutefois quelque chose fait problème dans le
raisonnement qui conduit Milner à caractériser de la sorte les deux unités qu'il
distingue. En effet, dans les exemples qu'il cite à l'appui de son raisonnement,
le N2 du groupe NI de N2 ou le N des groupes N + incise qualitative est
une unité qui fonctionne contextuellement comme un nom propre, soit que
ce soit effectivement un nom propre, soit que dans le contexte de la phrase
il ne puisse fonctionner autrement, comme c'est le cas avec par exemple :
«n imbécile de gendarme m'a dressé une contravention. En reprenant ces
critères on pourrait, nous semble-t-il, considérer animal comme pouvant
être un substantif de qualité (l'animal de chien m'a mordu : ce chien est dit
animal parce qu'il a mordu et non en soi parce que c'est un animal). Or,
nous semble-t-il, * un chien, l'animal, est un carnivore est pour le moins
bizarre, tandis que le chien, un animal, est un carnivore, est acceptable, de
même que un chien, l'animal, m'a mordu. Or, ce qui distingue * un chien,
l'animal est un carnivore, de ce dernier exemple, c'est que est un carnivore
n'identifie pas un chien comme un certain chien bien déterminé comme le fait
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m'a mordu. En conséquence, on est en droit de se demander si les propriétés
attribuées aux substantifs non ordinaires ne sont pas un effet de sens lié au
fait qu'ils sont, pour être tels, nécessairement couplés à un N qui, pour une
raison ne dépendant pas de leur présence ou de leur absence, fonctionne
comme un nom propre. A cela il faut ajouter que, dans tous les exemples
utilisés par Milner, le contenu de la phrase peut apparaître comme une
justification de la qualification attribuée à ce que désigne ce nom propre.
Ainsi, dans Pierre, l'idiot, est un enfant, on a une appositive vraie (sauf si le
fait d'être un enfant justifie le fait que l'on soit dit idiot). En conclusion, les
propriétés de la classe des substantifs non ordinaires définie par Milner
nous semblent être des propriétés contextuelles et non des propriétés
intrinsèques de ces unités et la question du dédoublement des substantifs difs de
qualité s'en trouve posée. Il resterait à expliquer la différence entre un
imbécile de gendarme et un revolver de gendarme. Il nous semble que cette
différence tient seulement à ce qu'un gendarme peut être un imbécile et
réciproquement alors qu'un revolver ne peut pas être un gendarme ni
l'inverse, sinon dans un sens métaphorique 1. En d'autres termes, dans un
groupe NI de N2, si on peut avoir NI est un N2 et N2 est un NI, alors c'est
NI qui détermine (au premier sens du terme) N2, et si on ne peut pas avoir
NI est un N2 alors c'est N2 qui détermine NI (toujours au premier sens du
terme). Dans ces conditions, la notion d'autonomie référentielle conçue
comme une caractéristique de certaines catégories d'unités lexicales perd
une bonne partie de sa valeur explicative. Si on ajoute à cela que la
formulation pratique d'une définition précise de la classe des êtres dont un substantif
pourrait être la désignation semble pour le moins problématique en même
temps qu'elle pose des problèmes théoriques sérieux, on est conduit à
considérer le caractère référentiel ou non référentiel d'une unité non comme une
caractéristique intrinsèque de cette unité, mais comme un effet de sens où
interviennent conjointement la syntaxe et des facteurs sémantiques.
Abandonner, pour rendre compte de la détermination, la référentialité et faire
appel à des facteurs sémantiques peut sembler une gageure et il nous faut
maintenant préciser de quels facteurs sémantiques nous voulons parler.
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L'effet de sens n'est pas dans les unités mais dans leur rapport et c'est,
en d'autres termes, la substituabilité de l'unité qui constituerait l'objet du
discours en objet extérieur au discours, précisément parce qu'il est
susceptible d'y être figuré par des formes différentes de celle qui l'y représente
sans que le sens du discours en soit modifié. On doit donc considérer que
c'est la substituabilité d'une unité dans un discours donné qui lui confère
dans ce discours un caractère référentiel et non le fait qu'on puisse définir
hors contexte la classe des êtres susceptibles d'être désignés par cette unité.
Précisons que la notion de paraphrase dont il est ici question est une notion
discursive et qu'elle renvoie à celle de formation discursive en tant que
détermination de ce qui peut, dans une conjoncture donnée et à partir d'une
position donnée, être substitué à une unité donnée. On pose donc que les
substituts effectifs possibles d'une unité ne peuvent pas être définis de manière
non contextuelle en un double sens, à la fois hors du discours où elle
apparaît et sans tenir compte de ce que la ou les formations discursives qui
peuvent déterminer les relations de paraphrase effectives, par lesquelles
le sens de ce discours peut être matériellement produit, sont liées à des
formations idéologiques dont elles représentent un des aspects de la
matérialité. Dans ces conditions, on conçoit qu'une unité ne puisse jamais être
remplaçable par n'importe quelle unité mais seulement par des expressions
bien déterminées et que, par conséquent, cette unité ne puisse pas désigner
n'importe quoi. Il ne s'agit cependant pas d'une caractéristique intrinsèque
de l'unité mais de ses possibilités de fonctionnement déterminées par telle
ou telle formation discursive, liée à des conditions précises de production
et d'interprétation du discours.
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questions se posent alors. D'une part, il faut s'interroger sur ce qui permet
de définir ces traits. Leur choix est en fait inséparable de l'idée d'une
sémantique universelle en tant qu'ensemble de traits universels fixés permettant
de caractériser du point de vue de la compétence linguistique toutes les
significations. D'autre part, il n'est pas du tout évident qu'il y ait une
limite théorique assignable au nombre de traits qu'il faudrait faire entrer dans
les symboles complexes pour rendre compte de la grammaticalité ou de la
déviance par rapport à la grammaticalité. Selon nous, les difficultés
soulevées par la théorie des contraintes de sélection sont le symptôme de
l'absence, dans la perspective des grammaires génératives, de toute référence à
une élaboration théorique de la notion de discours, car, là où Chomsky parle
de langage, la Grammaire de Port-Royal parle de discours et de toute manière
langue et discours ne sont pas différenciés. La théorie des contraintes de
sélection est une tentative pour faire rentrer de force le discours dans la
langue en niant l'intervention de processus discursifs dans le domaine des
significations.
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l'appositive sont sensiblement moins nombreux que ceux qui portent sur la
determinative. Par ailleurs la question de savoir s'il y a seulement deux
types de relatives peut être posée, de sorte qu'on peut se demander si
l'on peut traiter valablement des deux premiers types sans parler des autres.
C'est pourtant le point de vue que nous adopterons ici car nous nous
centrerons sur l'opposition déterminative-appositive qui est celle qui touche le
plus directement à la question de la détermination. Ajoutons encore que
l'ambiguïté que nous avons rencontrée avec la phrase ci-dessus se retrouve
avec pratiquement toutes les formes de détermination faisant intervenir le
substantif, en particulier avec l'ambiguïté que présentent les articles définis
et indéfinis (générique et particulier) en français. On pourrait donc tout aussi
bien poser la question de savoir s'il est possible de traiter l'opposition
déterminative-appositive sans aborder celle de ces autres formes d'ambiguïté.
Là encore, nous nous en tiendrons aux relatives qui présentent l'intérêt
de comporter un verbe, donc de contenir des marques d'assertion. Enfin il
faut préciser que nous ne nous intéresserons aux traitements des relatives
que pour ce qui concerne la manière dont est rendue l'opposition des deux
types.
1. Ceci s'explique du fait que dans ces travaux on s'appuie de plus en plus sur des
représentations logiques de la « structure sémantique » considérée comme la plus
profonde, ce qui conduit à prétendre tout réduire à des concaténations (cf. entre autres
Annear-Thompson (1971)).
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structure profonde, respectivement D (pour déterminatif) et A (pour appo-
sitif). Ceci mis à part la dérivation des deux relatives est identique sauf pour
ce qui concerne les contraintes auxquelles elle est soumise. Il est bien clair
que cette solution n'explique en aucune manière la différence entre les deux
relatives puisque l'introduction de marqueur dans le constituant Det reste
ad hoc. Les autres solutions faisant intervenir une transformation
d'imbrication ont été respectivement baptisées NP-S et NOM-S par Stockwell,
Schachter et Partee et sont très proches l'une de l'autre dans leur
principe. La première fait de la relative un modificateur de tout le groupe
nominal antécédent et non plus seulement de son déterminant ; la seconde va
encore plus loin dans ce sens puisqu'elle laisse, en dehors du constituant
du groupe nominal modifié par la relative, son déterminant. Il faut
reconnaître là encore que, lorsqu'on traite par de telles transformations les deux
relatives, les solutions proposées pour les différencier restent aussi ad hoc
que dans le cas précédent. C'est ainsi par exemple que Lees (1964) se contente
d'introduire un symbole de virgule optionnel et d'empêcher dans le cas de
l'appositive la réduction du relatif à that (puisque après that en anglais on ne
peut en principe avoir qu'une determinative) ou son effacement pur et
simple. La solution n'est donc pas dans son principe fondamentalement
différente de celle proposée par Smith.
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dent doit être indéfini et il y aurait une opération de défmisatition. Par
exemple pour aboutir à La fille que le garçon a épousée attend un bébé, on partirait de
structures correspondant à, dans cet ordre, Un garçon a épousé une fille + La
fille attend un bébé. Cette solution ne rend pas compte du cas des relatives
determinatives précédées d'un substantif avec article indéfini telle que :
J'ai vu une maison qui a des volets verts.
Il nous reste encore à examiner une dernière solution qui est celle
proposée par Dubois (1970). Celle-ci présente un intérêt particulier du fait que,
tout en ayant recours à des transformations d'imbrication, elle suggère des
dérivations fondamentalement différentes pour les types de relatives. En
fait l'originalité de cette solution provient d'une particularité du type de
grammaire generative que Dubois a développé. Au lieu de la règle de base
P -*■ SN + SV classique (fondée sur le modèle Sujet + Attribut de la
grammaire classique et de la logique), Dubois pose qu'on peut développer
d'emblée P en SN + SV + (SP), SP étant ce qu'il appelle un syntagme
prépositionnel et étant optionnel. Globalement, la différence entre les deux
types de relatives est attribuée par Dubois au fait que la determinative est
rattachée à un SN de la phrase matrice alors que l'appositive est rattachée
à un SP directement dominé par le P de la matrice. Ce procédé explique en
particulier la formation des relatifs du type lequel, laquelle, lesquels, propres
au français, relatifs après lesquels on ne peut avoir en principe sans
préposition qu'un fonctionnement déterminatif. Pour ce qui concerne les appositives,
on notera que Dubois considère que la relative dans Je cherche une maison
qui ait des volets verts est une apposition, sans que l'on voie très bien sur
quel critère il se fonde, si ce n'est que dans sa grammaire elle devrait être
dérivée d'un syntagme prépositionnel à cause de la présence du subjonctif.
Or on sait que de telles constructions ne sont possibles qu'avec certains
verbes, alors n'est-ce pas accorder trop d'importance au procédé de
dérivation d'autant plus que, comme il le reconnaît lui-même, une telle relative a
en général une interprétation très proche de celle d'une determinative ?
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simplifier considérablement la grammaire dans la mesure où toute une série
de problèmes autrement délicats trouvent une solution relativement simple.
Il faut ajouter en outre que pour ce qui concerne spécialement les relatives,
la solution explique assez bien la valçur circonstancielle de l'appositive,
laquelle n'est guère explicable dans les autres solutions, y compris celle de
Drubig. Le risque que comporte une telle façon de procéder, si elle est
généralisée, est de conduire à des représentations purement ad hoc. Car en
fin de compte ce qui est en jeu dans l'introduction d'un constituant de base
SP c'est aussi un problème de définition des catégories syntaxiques et de
rapport entre ces catégories. On fait place en introduisant SP à cette
catégorie intermédiaire entre les verbes et les substantifs dans laquelle se rangent
les adjectifs, entre autres. De ce fait, le problème de la détermination est
formellement réglé, mais d'une manière qui n'est pas fondamentalement
différente quant à sa nature de celle qu'on a vu utiliser par Smith pour
différencier les deux types de relatives : au niveau de l'écriture. Par ce biais on
évite d'avoir à faire vraiment une théorie de la détermination. Dans le sens
de la conclusion de ce que nous avons dit dans la première partie de ce
travail, il nous semble qu'on peut poser la question de savoir si cette théorie
peut être faite d'un point de vue purement linguistique, en ne faisant pas
intervenir la théorie des paraphrases discursives à laquelle nous avons lié
l'effet de référence.
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détermination, qui relève de la langue, est toujours présente et elle s'exerce,
par exemple, sous la forme de ce que les linguistes appellent des règles
syntaxiques. Mais d'un point de vue théorique, on ne peut pas décider a
priori si, dans la production et l'interprétation de surfaces discursives
données, telle ou telle règle particulière intervient ; la seule chose que l'on
puisse dire c'est que de telles règles interviennent nécessairement x.
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La notion de saturation a trait à la dimension et à la délimitation des
formulations qui, dans des conditions de production et d'interprétation
données, peuvent entrer en rapport de paraphrase discursive. Une
formulation (nous employons à dessein un terme vague pour indiquer que ces
« unités > de paraphrase discursive ne coïncident pas nécessairement avec les
unités que l'on peut définir sur la base de l'autonomie relative de la langue)
sera dite saturée si elle peut être mise globalement en rapport avec une
autre formulation, soit d'une autre séquence discursive où elle est liée aux
mêmes formulations saturées, soit de la même séquence discursive. Or, et
c'est ce qui fait la particularité de la mise en rapport d'une séquence
discursive avec elle-même, deux formulations matériellement distinctes
peuvent à l'intérieur d'une même séquence discursive être liées par une
relation de paraphrase discursive sans que, pour autant, comme lorsqu'il
s'agit de la mise en rapport de séquences discursives distinctes, elles y
apparaissent dans le contexte des mêmes formulations saturées. Cette mise
en rapport spécifique d'une séquence discursive avec elle-même sera désignée
par la suite par les termes de rapport intra-séquence (il représente l'un des
phénomènes que Pêcheux et Fuchs (1973) ont appelé « zone d'oubli n° 2 »).
On rencontre le rapport intra-séquence en particulier avec les pronoms et
la règle qu'énonce Milner (1973, pp. 138-139) selon laquelle « un pronom ne
peut pas précéder l'élément qui lui donne sa référence » est, bien qu'elle ne
soit pas stricte 1, un des aspects de ce qui règle la mise en rapport d'une
séquence avec elle-même. La spécificité de la mise en rapport d'une séquence
discursive avec elle-même dans la production de son sens fait intervenir en
particulier des critères de position du type antériorité-postériorité dans la
chaîne. En dehors de cette mise en rapport de forme spécifique, la mise en
rapport d'une séquence discursive avec elle-même, celle-ci peut être mise
en rapport avec elle-même selon la même modalité qu'avec toute autre
séquence. On appellera rapport inter-séquence la modalité de mise en
rapport de deux séquences discursives distinctes, que celle-ci s'exerce sur la
séquence elle-même ou sur une autre séquence. Les rapports interséquences
peuvent correspondre aussi bien, selon qu'ils s'exercent sur la séquence où
sur une autre séquence, aux « zones d'oubli n° 2 » ou « d'oubli n°l » définies
par Pêcheux et Fuchs (1973).
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que, pour autant, elle soit réalisée matériellement sous la forme d'une mise
en rapport matérielle de séquences effectives. Elle peut opérer en dehors de
la conscience de celui qui parle, écrit, écoute ou lit, et dans cet * oubli »
réside, comme l'ont montré Pêcheux et Fuchs, le fondement de l'illusion
d'être à la source de ses propres paroles ou de son discours. En d'autres
termes, la matérialité des formations discursives ne se réduit pas à la
matérialité des séquences discursives. Dans ces conditions on peut concevoir qu'il
puisse exister une ambiguïté lorsqu'on se penche sur l'interprétation d'une
séquence donnée (comme le font constamment les linguistes) quant à savoir
si l'effet de sens dérive de la mise en rapport de la séquence avec elle-même,
ou bien si les relations de paraphrase qui sont en jeu supposent la possibilité
de produire d'autres surfaces qui matérialiseraient ces relations de
paraphrases et qui constituent le fond de déjà dit ou de dit autrement sur lequel
se déploie la séquence.
Il est donc possible, du fait que sur une séquence donnée les rapports
intra et inter-séquences peuvent simultanément jouer sans qu'ils puissent
être consciemment discriminés, qu'une formulation puisse paraître saturée
comme si sa saturation était liée à un rapport intra-séquence alors qu'en
réalité, sur la base de l'autonomie relative de la langue, un rapport
interséquence doit nécessairement jouer. Cela produit l'effet subjectif
d'antériorité, d'implicitement admis, etc. que nous avons désigné ailleurs sous le
terme de préconstruit. Cet effet est caractéristique du fonctionnement
déterminatif de la relative. Compte tenu de ce qui précède, on ne peut parler
que du fonctionnement déterminatif ou appositif d'une relative et non parler
d'une relative comme étant en soi determinative ou appositive K
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LANGAGES N° 37 7
Sur cette base, on peut expliquer que le fonctionnement appositif de la
relative ne soit possible que dans deux cas :
(a) : Le rapport entre l'antécédent et la relative fait partie de l'ordre
des évidences générales parce que, par exemple, la relative renvoie à des
« propriétés de nature » de ce qui peut être identifié comme sa désignation
(exemple : le chien, qui est un animal, est carnivore) ;
(b) Le rapport entre l'antécédent et la relative est effectivement
explicité dans le contexte antérieur de la séquence. Dans le cas (a) le rapport
interphrase joue sur séquence distincte de la séquence considérée : le discours
où les évidences en question peuvent être énoncées comme telles. Dans le
cas (b) le rapport inter-séquence joue sur la séquence elle-même.
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