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Jean-Pierre Changeux

Le cerveau et l'événement
In: Communications, 18, 1972. pp. 37-47.

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Changeux Jean-Pierre. Le cerveau et l'événement. In: Communications, 18, 1972. pp. 37-47.

doi : 10.3406/comm.1972.1257

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1972_num_18_1_1257
Jean-Pierre Changeux

Le cerveau et l'événement

La physique macroscopique distingue classiquement les structures en équi


libre thermodynamique qui se conservent identiques à elles-mêmes sans échange
d'énergie et de matière — un cristal est le type même de structure en équi
libre — et les structures hors d'équilibre qui ne se maintiennent que par l'inte
rmédiaire d'un échange obligatoire d'énergie ou de matière avec le milieu extérieur.
Comme l'analyse avec beaucoup de justesse Prigogine dans Structure, Dissipation
and Life (1), les êtres vivants se rangent dans la deuxième de ces catégories :
celle des structures dissipatives. Les échanges obligatoires qu'ils effectuent avec
l'environnement sont de deux ordres. D'abord, les matériaux et l'énergie servant
à construire l'édifice vivant et à le conserver. Ensuite, plus discrets mais non
moins essentiels, des échanges de signaux régulateurs. L'énergie totale échangée
dans ce dernier cas est plusieurs ordres de grandeur inférieure à celle mise en
œuvre par la première; de plus ces signaux ne sont en général pas directement
incorporés dans la structure biologique. La pauvreté de leur contenu énergétique
est balancée par la richesse de leur spécificité, de l'information qu'ils véhiculent.
Ils règlent le fonctionnement de l'organisme vivant et en règlent souvent la
construction. L'ensemble de ces échanges, métaboliques ou régulateurs, s'effec
tue de manière telle que l'organisme vivant maintient une organisation stable,
en état de régime stationnaire, en d'autres termes se comporte comme un
« homéostat » (2).
Je considérerai ici comme « événement » pour un organisme vivant toute modif
ication de l'environnement, ou de l'organisme lui-même, susceptible de perturber
cet état d'homéostasie. L'événement le plus simple sera la suppression ou la
réduction des sources de matière et d'énergie nécessaires au métabolisme, ce qui
entraîne l'arrêt de la croissance et la mort. Événement important certes mais
dont l'analyse n'est pas du ressort de cet article. Autre classe d'événements :
la modification des échanges de signaux régulateurs.
Chez les animaux un organe particulier : le système nerveux et, plus parti
culièrement, son prolongement antérieur, le cerveau, se spécialise dans l'échange
de ces signaux. Par l'intermédiaire des organes des sens le cerveau reçoit les
signaux, les intègre, donne des ordres, qui finalement se traduisent en action
dont le résultat est le maintien ou l'établissement d'une certaine forme d'homéost
asie. Il apparaît donc essentiel d'analyser quelles formes peuvent prendre
les rencontres du cerveau avec son environnement et surtout quelles conséquences
ces rencontres auront dans la réalisation de sa structure fonctionnelle. La comp
lexité extrême du cerveau des mammifères supérieurs, de celui de l'homme en

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Jean-Pierre Changeux

particulier, rend une entreprise de ce genre périlleuse, voire impossible. Il existe


à la fois trop de faits et trop d'inconnues. Je n'essayerai donc pas de faire une
mise au point objective de l'état actuel de nos connaissances dans ce domaine
mais de présenter un point de vue à la fois partiel et partial. Dans le domaine en
pleine expansion de la neurobiologie moléculaire, nombre d'inconnues subsistent
certes, mais des lignes directrices se dessinent et des principes s'élaborent (3).
J'essayerai de les saisir dans leur forme bourgeonnante.
Pour commencer, je ne classerai pas les rencontres possibles du cerveau et de
son environnement en fonction de la nature physique de ces rencontres, ni en
fonction de la finalité de la réponse commandée par. le cerveau, mais en fonction
de la durée des traces que ces rencontres laissent dans la structure et le fonctio
nnement cérébral. Dans une première partie je considérerai les réponses rapides
du système nerveux à l'événement, réponses de l'ordre de la fraction de seconde
ou de la minute, qui ne laissent peu ou pas de trace. La perturbation est passa
gère, la réaction des centres nerveux est telle que l'organisme revient à son état
d'homéostasie initial. La mécanique de cette réponse et la morphogenèse de
cette mécanique sera alors rapidement évoquée. Puis, j'essayerai de montrer
comment en fonction de l'événement cette mécanique très rigide peut se modifier
et entraîner une évolution vers un nouvel état d'homéostasie. Ce nouvel état
sera soit génétiquement stable, soit stable seulement au sein d'une générat
ion.

1. La réaction immédiate à V événement et la prédétermination des structures


nerveuses de Vadulte
Examinons une propriété motrice, simple en apparence, comme la marche
d'un insecte ou d'un vertébré supérieur : un enchevêtrement complexe d'actions
de l'environnement, du sol, et de réactions de l'individu, de détentes et de contrac
tions musculaires. Survienne un obstacle quelconque, la marche de l'animal se
modifie, il surmonte ou contourne l'obstacle, et finalement poursuit son chemin.
Cette suite d'opérations, qualifiées habituellement d'instinctives, met en œuvre
un certain nombre de circuits nerveux relativement bien connus. Ces circuits
relient les récepteurs sensoriels des membres à des cellules nerveuses ou neurones
sensitifs, eux-mêmes connectés aux neurones moteurs qui commandent les
muscles de la marche.
Au départ l'événement : rencontre de l'obstacle, est reçu par une cellule sen
sorielle spécialisée, transformé en un signal électrique qui se propage le long
du nerf jusqu'au centre nerveux, y est analysé pouf donner lieu finalement à un
autre signal électrique qui se propage en sens inverse et vient stimuler une cellule
effectrice, musculaire par exemple.
L'étape critique de la rencontre, celle qui est à l'origine de la réponse des centres
nerveux, se situe donc au niveau de la cellule sensorielle. C'est elle qui reçoit le
signal physique et le transforme en signal nerveux. Analysons de plus près les
éléments en présence lors de cette rencontre. Il va de soi que le récepteur sensor
iel préexiste à la rencontre, le signal physique aussi. Mais, le récepteur n'est pas
sensible à n'importe quel signal physique, de plus il n'est sensible à un signal
physique donné que dans une zone d'intensité très restreinte. L'adéquation du
signal physique au récepteur sensoriel conditionne l'efficacité de la rencontre. Du
fait des performances limitées des organes sensoriels, l'événement, ne sera pas
saisi dans sa totalité. Suivant le groupe zoologique ou l'espèce, l'animal le percevra

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Le cerveau et Vêvénement

d'une manière différente et l'on peut dire que le donné de l'événement dépasse
très largement le reçu. Il y a filtrage, sélection, au niveau des récepteurs. Corol
laire: un changement des propriétés de l'environnement n'accède au rang d'év
énement pour l'organisme considéré que dans la mesure où ses caractéristiques
physiques entrent dans le domaine de sensibilité de ses récepteurs. Ce qui sera
événement pour un insecte ne le sera peut-être pas pour un vertébré et récipr
oquement. Toutefois, la diversification des types de récepteurs observée chez les
animaux supérieurs permet à ceux-ci de recevoir l'événement d'une manière
plus complète mais toujours limitée et partielle.
Suivons maintenant à la trace au sein de l'organisme le signal électrique
ou potentiel d'action qui apparaît au niveau du récepteur sensoriel. Il est
remarquable que ce signal possède, à peu de chose près, les mêmes caractéris
tiques, quel que soit le nerf considéré ou l'organe sensoriel qui l'a produit.
Seuls la fréquence ou le nombre de ces potentiels d'action est susceptible
de varier avec la nature ou l'intensité du stimulus, et encore dans des limites
assez étroites (4). S'il était possible de brancher l'œil sur le bout central du nerf
auditif ou l'oreille sur le bout central du nerf optique, on « entendrait », c'est-à-
dire on aurait une sensation sonore avec l'œil, stimulé par un signal lumineux, et
on « verrait » avec l'oreille stimulée par un signal sonore. Les organes des sens
transforment donc les signaux spécifiques et variés venus du monde extérieur en
signaux conventionnels. En franchissant les limites de l'organisme, le signal perd,
en apparence, sa spécificité, son contenu informationnel. En fait, la spécificité du
signal reçu et transmis n'est pas perdue : elle est reprise par la spécificité des
connexions, des câbles qui relient les récepteurs sensoriels à des relais neuro-
niques particuliers du centre nerveux; par le « hardware » de l'ordinateur céré
bral, qui, au même titre que les organes des sens, préexiste lui aussi à l'événement.
Au niveau central : moelle épinière, encéphale, s'effectue l'analyse des signaux
reçus, et des ordres seront finalement donnés sous forme de potentiels d'actions
eux-mêmes très semblables à ceux propagés par les nerfs sensitifs. Dans le cas
simple de la marche, un nombre relativement petit de neurones intervient et le
câblage du réseau nerveux est tel que, en première approximation, seuls recevront
le signal nerveux les neurones moteurs dont les prolongements atteignent les
muscles des membres. Une seule réponse est alors possible, préprogrammée par
l'ordinateur cérébral. Il en est de même pour certains comportements très évolués
comme sommeil, agressivité, instinct sexuel, plaisir ou langage qui se trouvent
sous la commande automatique de centres particuliers du cerveau.
Un très grand nombre d'opérations effectuées par le système nerveux central
de l'homme suivent donc un modèle de ce genre et bien des animaux au système
nerveux peu évolué comme les insectes ne sont capables que de ce type d'opérat
ion.L'animal n'est sensible qu'à une classe très limitée d'événements et
la réponse rapide à l'événement se trouve, elle aussi, restreinte par le nombre
et la nature des connexions de son système nerveux; c'est un automate aux per
formances limitées et prédéterminées.

2. La résistance du programme génétique à Vêvénement


Les principaux relais de l'ordinateur cérébral commencent à être assez bien
connus au niveau moléculaire. Le mécanisme ionique de la propagation du potent
iel d'action paraît élucidé. De même, on sait que la transmission du signal nerveux
d'une cellule à une autre au niveau des zones de contact intercellulaire, ou synap-

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ses, fait intervenir un signal chimique, molécule de petite taille, qui, libérée par
les terminaisons de la première cellule, provoque un changement de potentiel
au niveau de la cellule suivante. Le récepteur macromoléculaire de l'un de ces
médiateurs chimiques, l'acétylcholine, a même pu être isolé in vitro (5). De
plus, les propriétés élémentaires les plus caractéristiques des cellules excitables :
potentiel d'action, sensibilité à un médiateur chimique, se conservent in vitro,
après désintégration de la cellule (6) et se retrouvent même avec des préparations
purifiées des macromolécules mises en jeu (5). Il est évidemment tentant de
généraliser ces résultats préliminaires et d'affirmer sans trop risquer que les pro
priétés du système nerveux et du cerveau en particulier, quel que soit le groupe
zoologique, l'homme inclus, se réduisent, ou seront réduites dans un avenir assez
proche, à des propriétés moléculaires simples. Il n'y a pas lieu de dissocier, de ce
point de vue, les opérations considérées comme les plus nobles, comme celles de
l'esprit, de celles de la respiration ou de la multiplication cellulaire, de la diges
tion ou de la reproduction, sinon qu'elles sont plus complexes et moins bien
identifiées.
Les espèces moléculaires intervenant d'une manière critique dans les opérations
élémentaires du système nerveux ne sont encore connues que de manière frag
mentaire : médiateurs chimiques, enzymes synthétisant ou dégradant ces médiat
eurs, récepteurs de ces médiateurs... Les protéines jouent, là encore, un rôle
capital, au même titre qu'elles le jouent dans le cas du métabolisme cellulaire
en général et de sa régulation (7). Les données de la biologie moléculaire classique
sont évidemment valables. En particulier, il est clair que la structure et la régu
lation des protéines spécifiques du système nerveux sont déterminées génétique
ment. A ce propos il apparaît légitime de comparer un tel déterminisme génétique
à celui de nombre de comportements depuis les plus simples comme la marche,
jusqu'aux plus évolués comme la dégustation du mâle par la Veuve noire après
l'accouplement, comportements qui ne sont jamais appris et apparaissent
intégralement innés ou déterminés génétiquement. Le poussin de goéland par
exemple, voyant l'eau pour la première fois trempe son bec et boit; élevé à
l'obscurité, il ira frapper des becs naturels ou artificiels décorés d'une tache rouge,
semblable à celle du bec de l'adulte, effectuant spontanément un geste qui pro
voque, chez ses parents, la régurgitation d'aliments (8). De même chez l'homme
la succion du sein maternel et bien d'autres aspects du comportement (9). Tous
ces traits se perpétuent identiques à eux-mêmes au cours des générations, au
même titre que le nombre des pattes, la couleur des plumes ou celle des yeux.
Une des meilleures preuves d'un tel déterminisme génétique est offerte par
l'isolement et l'identification de variants héréditaires ou mutants tant sur le
comportement que sur l'anatomie du système nerveux central. Chez la souris
Sidman a répertorié 90 mutants portant des anomalies héréditaires de l'anatomie
macroscopique de l'encéphale (10). Chez l'homme des mutations chromoso
miquessimples entraînent l'absence ou l'excès de circonvolutions cérébrales,
la réduction du cerveau, l'inaptitude congénitale au langage (11). De même
plusieurs maladies mentales, mongolisme, schizophrénie etc.. résultent de mutat
ions ou aberrations chromosomiques, pour certaines, bien identifiées. Il est clair
que des insectes à l'homme l'essentiel de l'anatomie macroscopique et microsco
pique du cerveau, le nombre des cellules, les principales connexions, les prin
cipaux comportements de l'adulte sont, à quelques notables exceptions près
qu'il nous appartiendra d'analyser, sous contrôle génétique. Le « hardware »
de l'ordinateur cérébral s'édifie spontanément au cours du développement

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Le cerveau et V événement

embryonnaire postnatal suivant un programme d'une extrême rigidité sur lequel


l'événement n'aura que peu ou pas de prise; il y a résistance du programme
génétique à l'événement.
Dans les exemples évoqués jusqu'à ce point, l'événement en quelque sorte
« glisse » sur la structure cérébrale, la fait fonctionner sans la modifier. Par la
réponse nerveuse, la perturbation s'annule, il y a retour à l'état d'homéostasie
qui précédait l'événement. Il faut maintenant considérer l'éventualité d'une per
turbation telle que le retour à l'état d'homéostasie initiale, soit n'est plus pos
sible, soit s'effectue dans des conditions telles que l'organisme fournit pour la
maintenir une dépense énergétique supplémentaire. Une circonstance de ce
genre pourrait survenir par exemple lors de l'exploration de nouvelles niches
écologiques, lors d'un changement des conditions climatiques, etc.. L'état de
régime initial organisme-milieu ne se rétablit plus. Devant une évolution irré
versible de l'environnement l'automate vivant soit disparaît, soit s'adapte.
La solution utilisée pour réaliser une adaptation de ce type sera la même, qu'il
s'agisse du système nerveux central ou de tout autre organe. J'ai cité plusieurs
exemples de mutations entraînant des modifications importantes du fonctio
nnement nerveux. La seule chance de survie de l'organisme revient à répondre
à l'événement extérieur par un événement intérieur : une mutation chromo
somique faisant apparaître une nouvelle organisation de l'ordinateur cérébral.
Événement rare, encore plus rare l'éventualité que cette mutation permette
un meilleur ajustement de l'automate aux conditions d'environnement. Mais
cette éventualité reste probable. Elle se réalisera dans quelques cas permettant,
de ce fait, à l'organisme de survivre en réalisant un nouvel état d'homéostasie,
d'évoluer d'une organisation initiale vers une nouvelle organisation mieux adaptée
aux conditions écologiques. La réponse à l'événement correspond alors à un
changement de structure irréversible de l'organisme, et plus particulièrement de
l'ordinateur cérébral, dont la trace se perpétuera identique à elle-même de géné
ration en génération. Il va de soi qu'un tel phénomène évolutif explique l'appa
rition du système nerveux lui-même, sa diversification, sa complexification au
cours de l'histoire des espèces. La rareté des mutations en fait néanmoins un pro
cessus d'une extrême lenteur. Une nouvelle solution devait cependant apparaître
permettant à l'ordinateur cérébral de s'adapter beaucoup plus rapidement
aux conditions écologiques. Une nouvelle faille apparaît dans la résistance du
programme génétique à l'événement.

3. L'« empreinte » de V événement dans la structure cérébrale


Chez les vertébrés, mais aussi chez quelques invertébrés très évolués comme
les mollusques céphalopodes et divers insectes sociaux, apparaît une aptitude
exceptionnelle : au niveau individuel, l'événement peut laisser une trace durable
qui persiste des mois, des années, toute la vie de l'individu, mais n'est pas trans
missible d'une génération à l'autre par l'intermédiaire de la reproduction sexuée.
Mise en face d'une situation entièrement nouvelle pour l'espèce comme une lampe
électrique, un labyrinthe, une mangeoire à pédale, la souris va apprendre à trou
versa nourriture, à fuir un choc électrique. La résistance à l'événement du pr
ogramme génétique se dénoue pour laisser place à une marge de non-déterminat
ion (3) ou de plasticité qui le rend apte à recevoir l'empreinte de l'environne
ment et à la conserver. Ou, pour employer le mot de François Jacob, le pr
ogramme génétique « s'assouplit » (12).

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Jean-Pierre Changeux

Dans ce cas comme dans celui du fonctionnement rapide n'importe quel


signal extérieur ne donne pas lieu nécessairement au déclenchement du phéno
mène. La mise en place d'une trace durable est en fait soumise à des règles qui la
limitent d'une manière très stricte. Ces limites couvrent la nature et le nombre
de signaux enregistrés, la vitesse à enregistrer ces signaux, le moment où, dans
la vie d'un organisme, la trace s'installe.
J'ai déjà évoqué le filtrage de l'événement au niveau des organes des sens, il
va de soi que la trace cérébrale, si elle s'établit, aura pour origine elle aussi des
signaux filtrés et transformés en potentiels d'action. La nature et le contenu
du signal enregistré dépendront donc très directement des performances de l'organe
sensoriel. Un autre filtrage, évident lui aussi, a lieu au niveau central et chacun
a fait l'expérience de ses propres limites dans l'aptitude à mémoriser les détails
d'un dessin ou d'un graphisme complexe. De même la capacité de notre mémoire,
la vitesse à enregistrer, possèdent des limites finies parfois très inférieures à celles
des ordinateurs les plus modernes.
Une preuve génétique de ces limites a été donnée par Bovet avec la souris
de laboratoire (13). Partant d'unejpopulation hétérogène, il étudie les aptitudes
de chaque individu de la population à éviter un choc électrique lorsqu'une lampe
s'allume. Certaines souris apprennent plus vite que d'autres, ce sont celles aussi
qui se retrouvent le plus rapidement dans un labyrinthe : elle paraissent les
plus douées. Croisées entre elles, les souris mâles et les femelles d'aptitudes
équivalentes, donnent des lignées « douées » et des lignées moins douées. Ces
lignées sont stables génétiquement et quel que soit l'enrichissement de l'env
ironnement dont on entourera lesTmoins « douées » elles n'apprendront jamais
aussi vite que les plus « douées ».|De même les plus'douées resteront de capacité
inférieure à d'autres espèces au cerveau plus évolué. Aussi bien la vitesse à apprend
re, que ce qui est appris qualitativement et quantitativement, se trouvent donc
circonscrits par une barrière structurale infranchissable, une enveloppe génétique.
Il existe une frange d'indétermination qui permet la mise en place d'une empreinte
et l'éventail de cette frange est plus ou moins ouvert suivant les espèces. Il
l'est plus chez l'homme que chez de nombreuses espèces animales mais il reste
limité.
Une deuxième classe de limites est temporelle : la présence de moments critiques
dans la vie de l'organisme, où l'événement donnera lieu à une trace. L'oison de
Konrad Lorenz a, dans son programme génétique, dès l'éclosion, le réflexe de
suivre. Il suivra ce qui bouge près de lui, ses parents dans le cas général. Si c'est
Konrad Lorenz qui se substitue aux parents, l'oison recevra son « empreinte »
et devenu adulte 1' « aimera » de préférence à ses congénères. Effectué chez
l'adulte ou chez le jeune, passée la phase critique, l'événement « remplacement
des parents par l'expérimentateur » ne laissera aucune trace. On, sait chez
l'homme l'importance de l'environnement maternel et .familial dans la mise en
place du comportement émotionnel de l'adulte. De même il est notoire qu'appren
dre une langue, passé douze ans, demande un effort considérable et donne un
résultat médiocre comparé à ceux obtenus entre deux et douze ans. Cette obser
vation jointe à d'autres montre que là encore existe une phase critique dans le
développement de l'organisme pendant laquelle l'empreinte est reçue. Passée
cette phase, l'apprentissage devient beaucoup plus difficile, voire impossible.
L'empreinte reçue par le jeune marquera donc d'une manière particulièrement
profonde le comportement de l'adulte mais restera intransmissible directement
d'une génération à l'autre. Elle conditionnera la réponse de l'adulte et parfois

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Le cerveau et V événement

dans une mesure aussi large, sinon plus, que celle que lui dictent ses chromo
somes. Ce qui sera « événement » pour l'adulte dépendra donc très direct
ementde 1' « événement empreinte » reçu par le jeune, que ce soit l'image de
l'être aimé, une religion, une éthique, ou tout simplement un langage.

4. Théorie synaptique de V empreinte


Les bases structurales de l'empreinte restent fort mal connues et je n'avanc
erai ici aucune conclusion définitive à leur sujet. Je ne ferai que spéculer sur un
certain nombre de données expérimentales qui permettent d'imaginer un modèle
plausible de la mise en place de l'empreinte, étant bien entendu que ce modèle
n'a reçu, pour l'instant, aucune démonstration. Les données expérimentales
les plus suggestives à cet égard sont celles obtenues par Hubel et Wiesel (14)
avec le chat. Ces auteurs se sont attachés à analyser en détail, au niveau cellu
laire, l'effet de la privation de lumière sur le fonctionnement des voies visuelles.
A l'aide de microélectrodes ils enregistrent l'activité de neurones individuels
du cortex cérébral visuel où se projettent, après plusieurs relais, les cellules sen
sorielles de la rétine. Première observation : à la naissance la stimulation de la
rétine donne lieu à des potentiels évoqués au niveau des neurones du cortex
visuel. Les voies visuelles sont donc préétablies. L'aptitude à voir est innée.
Si, maintenant, de la 4e semaine au 3e mois, on suture les paupières du chaton de
sorte que sa rétine ne reçoit plus de lumière, l'adulte aura un déficit visuel, il
sera pratiquement aveugle. La même expérience effectuée chez l'adulte n'entraî
nera aucune cécité. Entre le 1er et le 3e mois, l'interaction avec l'environnement
est nécessaire au maintien des structures programmées génétiquement. Des
études anatomiques effectuées chez la souris apportent une base structurale
à ce phénomène. On identifie aisément sur coupe histologique, après coloration,
les contacts synaptiques qui s'établissent entre les terminaisons nerveuses des
voies visuelles afférentes et certains neurones pyramidaux du cortex. On peut
même les compter et voir si leur nombre change lorsque les souris sont élevées
en présence ou en l'absence de lumière. Valverde constate que chez les souris
élevées dans l'obscurité ce nombre est significativement inférieur à celui mesuré
chez les souris contrôles (15). Bien que les principales connexions des voies
visuelles soient innées, leur maintien jusqu'au stade adulte se trouve associé
obligatoirement à leur fonctionnement. En l'absence d'interaction avec l'env
ironnement ils dégénèrent. A un stade critique du développement nerveux l'év
énement stabilise une connexion préprogrammée génétiquement sans « instruire »
une fonction nouvelle. Je considère que cette stabilisation par le fonctionnement
est la propriété synaptique fondamentale qui explique la mise en place de l'em
preinte et même l'apprentissage chez l'adulte.
Dans les cas fort complexes de l'acquisition du langage ou d'un compor
tement émotionnel comme dans celui de l'apprentissage, l'environnement semble
apporter une information qui s'ajoute à celle du programme génétique et exerce,
en apparence, un effet « instructif ». Mais l'acquisition de ces fonctions très
élaborées s'effectue progressivement au cours d'une longue phase de maturat
ion durant laquelle la masse du cerveau et le nombre de ses connexions s'accrois
sent de façon considérable. La mise en place de ces empreintes se trouve donc
couplée avec la croissance d'arborisations nerveuses et la prolifération de contacts
synaptiques. Or il est clair sur la base d'études anatomiques ou physiologiques
que cette maturation postnatale du cerveau qui s'observe chez les vertébrés

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Jean-Pierre Changeux

les plus évolués, les mammifères en particulier, ne s'effectue pas en une seule
fois mais par étapes. D'abord, des migrations cellulaires qui aboutissent à la
mise en place de couches de neurones emboîtées les unes sur les autres, puis des
connexions s'établissent par vagues successives entre neurones d'une même
catégorie ou de catégories différentes. De même les fonctions cérébrales appa
raissent séquentiellement et progressivement en suivant un calendrier très
rigide, comme le développement embryonnaire dans son ensemble. On imagine
alors aisément que l'environnement puisse intervenir plusieurs fois de suite à
des moments critiques, mais à chaque fois d'une manière différente. Simplifions
à l'extrême : à un moment donné, un nombre critique de synapses se mettent
en place, la machine cérébrale est prête pour effectuer des opérations de type A.
L'environnement doit fournir à ce moment-là le stimulus permettant aux opé
rations de type A d'avoir lieu. Une opération A s'étant effectuée et se poursui
vant, la structure qui a permis cette opération est stabilisée. La poussée synap-
tique se poursuit, le nombre de contacts passe de n à n + p. Des opérations B,
qui font intervenir des opérations de type A, peuvent maintenant avoir lieu;
une nouvelle interaction sélective avec l'environnement prend place, les opé
rations B ont lieu, les connexions synaptiques employées se trouvent stabilisées.
Ainsi de suite. Ce qui, au départ, apparaît comme un effet instructif global de
l'événement se trouve réduit, en définitive, à une séquence d'interactions stabi
lisatrices discrètes au cours du développement cortical. Suivant un tel mécanisme
la mise en place de certaines empreintes prendra un aspect nécessaire. Si, par
exemple, dans notre schéma l'opération A n'a pas lieu, des opérations de type B
ne prendront jamais place. Ou bien le système sera complètement bloqué, comme
dans le cas du chaton devenant aveugle en l'absence de lumière, ou bien il sera
altéré, dévié, transformé.
Arrivé à ce point, le lecteur objectera de nouveau qu'un mécanisme de ce
genre explique à la rigueur la mise en place d'universaux du comportement, du
langage qui, de toute manière sont innés, mais ne rend pas compte de propriétés
strictement adaptatives comme la diversité des langages, l'acquisition de l'écri
ture... Il faut certes à un certain niveau du raisonnement introduire une nouvelle
hypothèse. Je la restreindrai au fait que le programme génétique offre au cours
du développement synaptique séquentiel une possibilité de choix entre plusieurs
voies nerveuses, pas nécessairement toutefois très nombreuses. Pour simplifier
supposons simplement qu'au temps t de développement le neurone a avance un
prolongement, une tête chercheuse, qui établit des contacts labiles avec plu
sieurs neurones de type P se trouvant à proximité : 3j, (32, 03* Survienne une
interaction avec l'environnement qui fasse, à cet instant critique, fonctionner
la voie a — p2 de préférence aux voies a — px et a — (33. Le chemin a — (32
sera stabilisé. Les voies a — (3X et a — |33 dégénéreront. Dans cette hypothèse
le programme génétique offre plusieurs combinaisons possibles, l'interaction
avec l'environnement en sélectionne quelques-unes. L'effet « instructif » de l'év
énement se réduit en fait à la sélection de circuits préprogrammés. Cette sélection
s'effectue évidemment dans les limites du choix offert par le programme géné
tique. Ce choix risque d'être restreint, voire une simple alternative entre deux
voies. Toutefois le fait que de tels choix élémentaires puissent s'effectuer un grand
nombre de fois successives, enrichit considérablement le nombre de combinaisons
finales possibles. Enfin, une autre source d'enrichissement peut provenir du fait que
le « switch » synaptique intervenant lors du choix n'interconnecte pas seulement
deux neurones mais des groupes importants de neurones, des circuits de neurones.

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Le cerveau et V événement

La manière dont s'effectue le choix, ce qui dans les signaux reçus détermine
un choix plutôt qu'un autre, est encore difficile à imaginer. L'établissement de
l'empreinte s'effectue vraisemblablement en plusieurs étapes : une rapide mais
labile, une autre lente mais stable. Il y a passage de l'une à l'autre, mais com
ment? En tout cas, ce qui vient d'être dit concerne avant tout l'empreinte conso
lidée et stable. Il reste beaucoup à découvrir dans ce domaine!
Il va de soi qu'un mécanisme de ce genre sera surtout efficace chez le jeune
et l'adolescent où, effectivement, se mettent en place les empreintes les plus
profondes et les plus durables. L'adulte toutefois conserve une aptitude non
négligeable à recevoir de nouvelles empreintes bien que son cerveau dans son
ensemble ne se développe plus. La théorie peut être étendue au cas de l'appren
tissagede l'adulte en faisant l'hypothèse que dans certaines régions du cerveau,
.plus particulièrement celles mises en jeu dans les phénomènes de mémorisation,
des terminaisons nerveuses conservent l'aptitude embryonnaire de proliférer.
Ou bien encore si le nombre total de connexions ne s'accroît pas on peut
imaginer qu'un certain renouvellement existe à leur niveau, que certaines devien
nent labiles et permettent ainsi à de nouvelles combinaisons d'être enregistrées.
Ce genre de théorie doit pouvoir rendre compte du phénomène d'apprentissage
de l'adulte, mais là encore, dans les limites des combinaisons offertes par le
programme génétique.
Bien qu'un tel mécanisme, n'ait, encore une fois, jamais été démontré, il
apparaît plausible; en tout cas il permet d'imaginer un schéma de l'empreinte
qui ne soit pas en contradiction avec les données génétiques. Dans le
cas de l'évolution des espèces comme dans celui de l'adaptation enzymatique
ou de la synthèse des anticorps, des théories instructives ont toujours précédé
les théories sélectives. Il est intéressant de noter pour l'histoire les idées que
ces dernières se sont toujours trouvées exactes. Pourquoi pas, encore une fois,
pour la mise en place de l'empreinte événementielle?

Conclusion
Reprenant la définition de l'événement proposée au début de cet article
comme tout ce qui est susceptible de perturber l'homéostasie de l'être vivant,
il est clair, après ce qui vient d'être dit, que les réactions du cerveau à l'événement
sont de deux ordres : réactions rapides de la machine cérébrale qui fonctionne
comme un automate; ces réactions laissent peu de trace, l'événement a un rôle
essentiellement fonctionnel. — Réactions lentes qui laissent des traces stables
d'une génération à l'autre ou stables seulement au niveau de la génération;
l'événement devient différenciateur. A la capacité de l'évolution génétique
s'adjoint chez les animaux supérieurs la capacité de recevoir l'empreinte, de
posséder une mémoire extra-génétique. Le programme génétique s'ouvre à
l'événement.
L'évolution de la structure cérébrale s'effectue en interaction directe et pe
rmanente avec l'environnement et corrélativement le contenu de ce qui peut
prendre rang d'événement évolue lui aussi. Chez les espèces les plus simples,
les signaux reçus sont des signaux physiques élémentaires : lumière, températ
ure, pression, puis des signaux chimiques parfois d'une extraordinaire spécif
icité. Chez les espèces plus évoluées des signaux de reconnaissance entre indi
vidus de la même espèce apparaissent : d'abord la reconnaissance du sexe
opposé, puis la reconnaissance entre individus qui se regroupent, l'outil, le lan-

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Jean-Pierre Changeux
gage se différencient. Le contenu de l'événement s'enrichit au fur et à mesure
que la structure cérébrale devient plus complexe. Et les événements portant sur
l'utilisation de l'outil, du langage créeront eux-mêmes une nouvelle pression de
sélection. Mais l'existence d'une frange de non-détermination des synapses
corticales permet de renouveler à chaque génération l'empreinte cérébrale et,
par là, à l'environnement socio-culturel d'évoluer pour son propre compte.
Une évolution socio-culturelle, avec ses événements propres, s'ajoute à l'évo
lution génétique, mais elle reste aussi limitée par les performances qu'autorise
le programme génétique. La stabilité de l'empreinte au niveau de la génération
reste toujours une limite évidente et il est difficile à tout événement socioculturel,
à toute révolution, aussi nécessaire soit-elle, de briser cette contrainte biologique.
Chez les êtres vivants les plus simples la dépendance de l'organisme vis-à-vis
de son environnement est presque exclusivement énergétique; au cours de
l'évolution la place prise par l'échange des signaux régulateurs devient de plus
en plus importante. Elle atteint un niveau extrême chez l'homme qui ne survit
pas à l'isolement sensoriel. Le contenu de l'événement s'enrichit et du même coup
l'événement devient plus nécessaire; l'ouverture du programme génétique
s'accompagne d'une dépendance plus grande de l'environnement. L'aspect
« structure dissipative » du cerveau prend un caractère de plus en plus prononcé.
Finalement, j'aimerais revenir sur le problème tant débattu de l'inné et de
l'acquis dans les opérations les plus nobles du cerveau humain, du langage, des
idées, problème qui vient d'être réexposé récemment par Chomsky (16).
Certes j'ai été amené à postuler en dernière analyse qu'il existe vraisem
blablement une fraction de synapses cérébrales que l'environnement spécifie
sélectivement mais j'ai insisté sur le fait que cette fraction, même chez
l'homme, doit être modeste. En tout cas, même non spécifiée, elle est
« préparée » par le programme génétique. Tout le reste, l'essentiel, est inné. Inné
mais acquis au cours d'une longue évolution au cours de laquelle les événements
intérieurs, les mutations, se sont inscrits dans le stock génétique dans la mesure
où ils coïncidaient avec un événement extérieur en une conjoncture favorable
à la survie de l'espèce. Une suite de coïncidences de ce type a abouti à une mult
iplication des possibilités d'interactions avec l'environnement, à une appréhens
ion de plus en plus totale de l'événement extérieur, de sorte que le cerveau est
devenu, comme l'exprime J. Z. Young avec beaucoup de justesse, un « modèle »
de son environnement. Ses structures innées reflètent donc l'organisation de
l'environnement particulier au sein duquel il a été sélectionné. Bien qu'innées
elles n'en constituent pas moins une image du monde extérieur.

Jean-Pierre Changeux

Département de Biologie Moléculaire, Institut Pasteur, Paris

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Le cerveau et V événement

RÉFÉRENCES

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Biology, p. 230, M. Marois Ed. North Holland Publishing Company, Amsterdam,
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Acad. Se. 270, série D, 2864-2867.
6. M. Kasai et J.-P. Changeux (1970). « Démonstration de l'excitation par des ago-
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