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Jacques Richardson
Collaboration rédactionnelle de
Charles Marine
Correspondants
Adriano Buzzati-Traverso, Milan
Nobuyuki Fukuda, Sakura (Japon)
Ignacy Malecki, Varsovie
Mircea Malita, Bucarest
Jean-Claude Pecker, Paris
Illustrations
Christophe Ibach
Préparation de copie
Jacques Lagrue
Secrétaire de rédaction
Ariette Pignolo
wiess-
Organisation
des Nations Unies pour
l'éducation, la science
et la culture,
7 , place de Fontenoy
7 5 7 0 0 Paris (France)
Le cerveau, la mémoire
et l'apprentissage
Présentation 3
Junji Matsumoto
L'éveil, le sommeil et le cerveau : structure cyclique
des relations avec la société 2 7
Janice R. Stevens
Recherches sur la schizophrénie : régulation de la dopamine
dans le système mésolimbique 39
Yorick Wilks
Structures de la connaissance pour la compréhension d u langage naturel
par l'ordinateur 6 9
Lettres 91
ISSN 0304-2944
Avis aux lecteurs
impact : science et société est publié régulièrement
en anglais par l'Unesco.
L a revue est aussi publiée en espagnol par la Oficina
de Educación Iberoamericana, Ciudad Universitaria,
Madrid 3 (Espagne).
Elle est également publiée en arabe par le Centre
de publications de l'Unesco, L e Caire (Unesco
Publications Centre, Cairo), 1 Talaat Harb Street,
Tahrir Square, L e Caire (Egypte).
Notre périodique est maintenant publié en portugais
sous le titre impacto da ciência na sociedade. Cette
édition peut être obtenue auprès de Impacto-Editorial
e Serviços Ltda., A v . Presidente Vargas, 534 — Grupo 1901,
20000 Rio de Janeiro — R J (Brésil).
Les lecteurs désireux de s'abonner à impact dans
l'une de ces langues peuvent entrer en contact
directement avec ces bureaux.
Présentation
15 10 5 1 0,5 Présent
10 5 1 0,5 Présent
4 Présentation
F I G . 2. Circuit de communication au voisinage d'une cellule nerveuse
(le neurone). L'axone est le tronçon principal du circuit, tandis que
les dendrites communiquent des informations de caractère strictement
local à leurs synapses (ï, 2, 3, 4). Des produits chimiques sont
sécrétés, qui franchissent la fente synaptique, établissant la liaison
avec les sites récepteurs situés le long des neurones voisins.
L'information est ainsi transmise de neurone en neurone jusqu'à l'encé-
phale (perception sensorielle) ou depuis l'encéphale (réaction motrice).
Présentation 5
établi que si l'on injecte d u chlorure de lithium dans le
cerveau de poulets cinq minutes avant une expérience
d'aversion, la faculté de ces volatiles de retenir (mémoriser)
l'expérience diminue considérablement.
L a synthèse de substances présentes dans le cerveau, appe-
lées neurotransmetteurs, nous a permis de comprendre assez
bien c o m m e n t trois d'entre elles se forment. L a plus connue,
la 5-hydroxytryptamine o u Serotonine provient d'une pro-
téine qui, une fois digérée, devient l'acide aminé connu sous
le n o m de tryptophane; celle-ci est acheminée par le sang
jusqu'au cerveau, où elle se transforme partiellement en Sero-
tonine. Par conséquent, le régime alimentaire de l'individu a
une influence directe sur la production de Serotonine.
Inversement, le maïs (dont les protéines contiennent peu de
tryptophane) entraîne des réactions anormales aux chocs
électriques après deux semaines d'ingestion.
U n autre neurotransmetteur, l'acétylcholine, est extrait
des protéines et de la lécithine (œufs, viande et conserves au
vinaigre). (Dans le cerveau, l'acétylcholine est fabriquée à
partir de la choline, elle-même produite dans le foie par
synthèse d'acides aminés.) L e métabolisme de la synthèse de
l'acétylcholine dans le cerveau paraît être réglé lui aussi par
la consommation alimentaire. U n troisième type de trans-
metteur connu sous le n o m de catécholine — essentiellement
la dopamine et la norepinephrine — provient d'un acide
aminé, la tyrosine, acheminé lui aussi au cerveau par le cou-
rant sanguin. D e s expériences consistant à donner soudain à
des rats, après une période de jeûne, une nourriture riche en
protéines, montrent que leur cerveau contient beaucoup plus
de tyrosine et de dopamine que celui de rats qui n'ont pas
reçu les m ê m e s aliments.
L a taille de la portée est directement liée à la nutrition
c o m m e facteur de rapidité de l'apprentissage. E n Italie,
Alberto Oliverio et ses collaborateurs ont constaté sur des
animaux élevés en laboratoire que les sujets apprennent
plus vite s'ils sont issus d'une portée peu nombreuse.
L a lenteur d'apprentissage se retrouve chez les sujets m a l
nourris, la malnutrition consistant à donner u n régime sans
acides gras. Oliverio croit que des électrocorticogrammes
d'enfants pourraient faire apparaître le m ê m e rapport
nutrition
rapidité d'apprentissage"
6 Présentation
Sommeil, accoutumance et apprentissage
Présentation 7
malades qui ont perdu leur hippocampe par accident,
maladie ou ablation sont incapables de retenir des éléments
d'information récents. L'hippocampe joue, semble-t-il, le
rôle d u « mémoire » d'un tableau d'ordinateur.
L a mémoire et l'accoutumance procèdent donc d'une pre-
mière accoutumance fondamentale, au niveau des synapses,
déclenchée probablement par u n processus binaire rudimen-
taire du type option oui/non. Si les conditions sont propices
— c'est-à-dire si aucune anomalie physique, chimique o u
pathologique ne vient déséquilibrer le processus engagé —
l'option primitive peut devenir une simple habitude1. Si l'on
renouvelle l'expérience plusieurs fois dans les m ê m e s condi-
tions, l'habitude est retenue par la mémoire et l'expérience
accumulée est « acquise ». E n d'autres termes, c o m m e le dit
Kandel, « l'élaboration de systèmes de comportement est une
condition préalable à l'apprentissage ».
8 Présentation
Parkinson peuvent apparaître. L a maladie de Parkinson,
conséquence d'une insuffisance en dopamine, est u n trouble
caractérisé par une mauvaise coordination et des tremble-
ments extrêmes, en particulier dans les mains.
O n sait depuis longtemps que l'odorat, autre forme de
mémoire et d'apprentissage — c o m m e n t pourrions-nous
sans cela reconnaître l'odeur des roses et d u jasmin, de
l'ammoniaque et d u poisson pourri sans les voir ? — régit le
fonctionnement sensoriel de ce qu'on appelle les papilles
gustatives. Esmaïl Meisami, de l'Université de Téhéran, a
montré que si l'on ferme au m o y e n d'un cautère les narines
de rats âgés de deux jours, il en résulte une destruction totale
des bulbes olfactifs (situés dans l'encéphale) de ces animaux.
Ceux-ci sont privés d'odorat et le phénomène est irréversible.
O ù se trouve donc en réalité le siège de la mémoire, le point
précis où se situe ce processus vital qui fait que l'être humain
est ce qu'il est, et qui détermine ce qu'il peut faire ? Il est en
effet singulier que nous soyons encore incapables de le situer
sur une carte d u cerveau. Les recherches menées par Robert
Doty et ses collègues, en Californie, donnent à penser que,
dans le cas des singes, certains neurones pyramidaux
contenus dans la troisième des six couches que comporte le
cortex cérébral d u singe sont le siège des fonctions m n é m o -
niques de base. L'équipe de Doty a coloré ces neurones au
m o y e n d'une enzyme à base de raifort (technique également
employée en Suède) pour détecter le trajet de la protéine
porteuse d'informations. A Canberra, Geoffrey Henry et son
équipe de l'Université nationale d'Australie utilisent actuel-
lement le péroxydase de raifort, extrait de l'enzyme, pour
déterminer les trajets suivis par les stimuli optiques qui se
déplacent de la rétine vers le cortex cérébral. Il convient de
noter que les phénomènes visuels et leur interprétation dans
les centres pertinents d u cerveau demeurent aussi mystérieux
que les processus de la mémoire et de l'apprentissage.
Présentation 9
Schmitt (fondateur d u projet de recherche sur les neuro-
sciences au Massachusetts Institute of Technology), est la
suivante : « Je crois que l'on peut arriver à connaître le
cerveau. » L a deuxième, exprimée par Kandel, est que « l'un
des principaux apports que notre génération (de chercheurs
sur le cerveau) peut fournir à la recherche sur le cerveau est
de démystifier le processus d'apprentissage ». U n e troisième,
pour reprendre l'idée de l'Australien M a r k , est que dans la
recherche menée en laboratoire, « ce qui est nécessaire, c'est
u n instrument de mesure de la mémoire meilleur que les
quanta d'apprentissage utilisés jusqu'à présent ». N o u s dirons
en guise de conclusion, pour le cas où le lecteur n'en serait
pas encore tout à fait convaincu, que ce passionnant domaine
d'étude est vaste — pour ne pas dire illimité — et riche de
promesses infinies pour les futures générations de chercheurs.
impact
10 Présentation
Le rôle de l'hérédité et du milieu
dans le développement du cerveau
Dietmar Biesold et Volker Bigl
Se basant sur l'analyse expérimentale, l'article qui suit traite de l'influence de l'hérédité
et du milieu sur le processus d'évolution du cerveau.
L'une des caractéristiques les plus frappantes l'agencement de ses composantes et de leurs
d u système nerveux est la grande précision relations. D a n s u n organisme adulte, l'étude
avec laquelle tous les neurones sont liés à la de l'articulation structurelle de la base maté-
fois entre eux et avec certaines structures rielle des fonctions cérébrales complexes est
d'organes et de tissus périphériques — fais- nécessairement limitée, car à la complexité
ceaux de muscles ou partie de la peau, par des mécanismes s'ajoute le fait qu'il est dif-
exemple. Alais les principes de relation sur ficile d'accéder expérimentalement aux diffé-
lesquels est fondé le fonctionnement d u cer- rents éléments de l'ensemble.
veau ne se trouvent pas seulement dans les L'interaction entre la structure et la fonc-
liaisons précises existant entre les organes tion et la raison pour laquelle la haute préci-
sensoriels et des zones bien définies d u cer- sion des mécanismes de relation est nécessaire
veau ou entre différentes parties du cerveau ; au fonctionnement d u cerveau deviennent
ils se manifestent aussi dans la disposition plus claires si l'on étudie le développement du
géométrique des faisceaux defibresqui pé- système nerveux. E n effet, si l'on suit la
nètrent dans toutes les parties d u cerveau. maturation d u cerveau, au cours de laquelle
Il est évident que la haute précision des le répertoire fonctionnel s'étend progressi-
mécanismes de relation tient à l'action de vement avec la complexité de la structure,
chaque groupe de neurones. O n ne peut on repère plus facilement les différentes
s'empêcher d'être émerveillé quand on pense, composantes qui sont ultérieurement inté-
par exemple, que le cerveau humain contient grées dans l'ensemble.
io milliards de neurones et que chacun de
ces neurones peut entrer en contact avec
Quelques principes d'organisation
io ooo autres.
C o m m e le fonctionnement d u système N o u s pouvons prendre pour point de départ
nerveux ne s'explique pas seulement par le qu'aux fonctions les plus diverses d u cerveau
nombre de ses composantes mais aussi par correspondent des principes d'organisation
d'autres paramètres quantitatifs et quali- de la.structure cérébrale bien déterminés.
tatifs, qui se reflètent dans les caractéristiques N o u s ne pouvons comprendre ces fonctions
morphologiques, bioélectriques et biochimi- qu'en examinant de plus près ces principes.
ques d u neurone, il faut déterminer dans L e développement d u système nerveux sup-
quelle mesure la capacité fonctionnelle d u pose, à tous les stades, l'exécution d'un
cerveau d'un organisme adulte dépend de programme grâce auquel les rudiments
N o u s savons aujourd'hui que dans les feuil- ï. Les chiffres entre crochets renvoient à la
lets embryonnaires les différentes popula- bibliographie à la fin de l'article.
F i e 4 . Structure du système visuel. L e schéma A représente le trajet du message visuel chez les
primates, vu de sous l'encéphale. A partir de la rétine (R), le nerf optique (N) passe par le
chiasmaoptique (Ch) et arrive dans le noyau genouillé externe (Ne). D e là la voie d'acheminement (VA)
rayonne dans le cortex visuel ( V K ) . O n peut voir que le côté droit de chaque rétine correspond au
côté droit de l'encéphale.
Dans le schéma B , les numéros correspondent aux différentes couches d u corps genouillé externe,
i indiquant les couches ipsilatérales et c les couches contralatérales (par rapport aux accès à partir
de la rétine). Les liaisons entre ces couches et le cortex visuel sont représentées à lafigure7 .
L e schéma C montre les principaux éléments structurels du cortex visuel tels qu'ils apparaissent
après imprégnation argentique. Les dendrites apicales des cellules pyramidales (Py) s'épanouissent
de façon radiale et établissent leurs réseaux aussi dans cette région. L e système dendrite des cellules
en étoile (Stz) s'étend de tous côtés. Les axones (A) des cellules représentées partent dans
différentes directions.
At
Ce n'est que depuis une époque relativement récente que V « homo sapiens », conscient depuis
longtemps de son rôle à Vétat de veille, montre une curiosité systématique à l'égard du
rôle et de la signification du sommeil et des rêves. Des découvertes récentes sont décrites
dans cet article et quelques questions philosophiques y sont soulevées sur le « moi* profond
— comment et pourquoi il fonctionne.
Les études scientifiques sur le sommeil et, en chercheurs du m o n d e entier se sont penchés
particulier, ses relations avec le rêve ont fait sur le sommeil R S et leurs études ont surtout
u n grand pas en avant ces vingt dernières porté sur le mécanisme de son apparition. O n
années. L'intérêt des chercheurs d u m o n d e accepte généralement que les régions cen-
entier a en effet été éveillé par la découverte, trales impliquées sont le cortex cérébral pour
en 1957, que si l'on réveillait des sujets en- le sommeil N R S , le pont pour le som-
dormis présentant certains symptômes par- meil R S [2], et que les facteurs humoraux
ticuliers, 80 % d'entre eux étaient en train sont la Serotonine pour le premier et la nora-
de rêver [ï]1. Actuellement, ce sommeil par- drenaline pour le second ; c'est ce qui ressort
ticulier est connu sous le n o m de sommeil de la théorie de la monoamine [3,4].
R E M {rapid eye movement sleep, abrégé R S Ainsi, au cours de la progression des re-
dans la suite du texte), le sommeil ordinaire cherches sur le sommeil, basées sur le som-
étant appelé sommeil N R E M (abrégé N R S ) . meil R S , est apparu, petit à petit, le problème
E n conséquence, dans les débuts de la important de savoir ce qu'était l'autre caté-
découverte du sommeil R S , on l'assimilait au gorie de sommeil que l'on n o m m e sommeil
rêve mais, plus tard, les résultats répétés N R S et, par ailleurs, l'éveil par rapport au
d'études de plus en plus systématiques ont sommeil. Voici par exemple ce qu'en pense
permis de comprendre que le rêve était u n l'auteur. L e sommeil R S est u n phénomène
phénomène accompagnant le sommeil et que, découvert récemment et, pour u n sujet nor-
tout c o m m e le sommeil, le rêve pouvait être mal, le passage du sommeil N R S au som-
divisé en deux catégories : le rêve de la meil R S s'effectue inconsciemment. Par
période d u sommeil R S qui est le « rêve- contre, le passage de l'état d'éveil à celui de
rêvé » (dreaming-like dream) dont le contenu sommeil N R S commence par u n état de
s'appuie sur la mémoire à long terme (long conscience ; le degré de difficulté de passage
term memory) et le rêve de la période N R S dit à l'état de sommeil N R S est suffisamment
« rêve-pensé » (thinking-like dream) dont le conscient et si ce passage est difficile, ce sont
fond est en rapport avec la mémoire à court
terme (short term memory). 1. Les chiffres entre crochets renvoient à la biblio-
Tout naturellement, dans les débuts, les graphie à lafinde l'article.
28 Junji Matsumoto
états de sommeil en fonction de leur signifi- Relations entre les deux sommeils
cation : le sommeil N R S devient plus impor- et les fonctions animale et végétative.
Existence, augmentation, ou renforcement = + ;
tant après u n effort physique, le sommeil absence, diminution ou affaiblissement — —.
N R S est indispensable pour la croissance et
le rétablissement physique. Par contre les Fonction NRS RS
observations chez le nouveau-né ont montré
que le sommeil R S était le plus important et Activité musculaire +
après l'absorption d'héroïne, par exemple, Ronflement + • —
on observe des rebondissements (rebound) Somnambulisme + —
Sensibilité aux stimuli sensoriels + —
pendant une longue période ; on a donc émis —
l'hypothèse que le sommeil R S était utile
Terreur nocturne +
Sécrétion de l'hormone
pour le rétablissement et la croissance d u de la croissance + —
cerveau [7]. Température de la peau de la main •+ .—
Grincement des dents '+ ±
Parler durant le sommeil + ±
Relations entre fonction Enurésie nocturne (lit mouillé) + 4-
et type de sommeil Érection d u pénis ± +
Cauchemars — +
L'auteur, en accord avec Pavlov, considère M o u v e m e n t rapide de l'œil — - +
Crise d'asthme bronchitique — +
que l'homme est une entité et que c'est le Angine de poitrine (crise nocturne) —
cerveau qui dirige le corps.-D'après cette
+'
Sécrétion gastrique nocturne
théorie, les deux états du sommeil sont des (parmi les sujets atteints
fonctions d u cerveau. L'auteur pense donc d'ulcères duodénaux) — . +
Autres activités respiratoires
que les contrôles exercés par le cerveau sur
et circulatoires — +
les fonctions du corps et des organes internes
sont différents au cours des deux phases d u
sommeil..
Fonction animale +
Fonction végétative — +
L'auteur a rassemblé les modifications,
bien connues à ce jour, des différentes fonc-
tions humaines au cours des sommeils R S
et N R S . (Voir tableau.) Dans les deux der- contrôlée. Dans le cas d u sommeil R S , la
nières lignes du tableau, l'auteur a rassemblé rubrique « fonction végétative » qui repré-
les différents phénomènes ci-dessus en deux sente la fonction autonome des organes in-
grandes catégories de fonctionnements phy- ternes n'est pas contrôlée et l'activité de la
siologiques qui sont les fonctions végétatives vie se poursuit. Fonction autonome est syno-
et animales. Toutefois, il faut bien remarquer n y m e de fonction végétative, et si l'on s'ap-
que dans la rubrique « température de la puie sur la définition de l'appellation de
peau de la main », les signes + ou — ont été la fonction contrôlée pendant le sommeil,
déterminés en fonction des variations de la c o m m e le faisait V o n Ecónomo, et en consi-
température de la peau de la main, mais que dérant la fonction active c o m m e une fonction
ces signes doivent être inversés pour se rap- animale, alors le sommeil N R S est u n
porter à la fonction végétative car l'augmen- « sommeil végétatif» et le sommeil R S est un
tation de température de la peau de la main « sommeil animal ». Mais si l'on tient compte
est due à une réduction de l'activité du grand du fait que l'on appelle « sujet végétatif »
sympathique. l'état dans lequel se trouve un sujet chez qui
Ainsi, si l'on résume, dans le cas du som- il ne reste que la fonction végétative, pour
meil N R S , la rubrique « somnambulisme » faciliter la compréhension, il vaudrait mieux
qui représente la fonction relative à l'activité appeler le sommeil N R S « sommeil animal »
musculaire montre que celle-ci n'est pas et le sommeil R S « sommeil végétatif ».
30 Junji Matsumoto
activité consciente, une partie d u langage Relations entre la superstructure
et l'infrastructure
externe qu'il réceptionne de son entourage
social, pour en faire son langage interne qu'il
conserve c o m m e mémoire dans son « centre Tout c o m m e la superstructure — que ce soit
de conscience ». (Le centre de conscience du point de vue idéologique ou organisa-
n'est pas bien défini, mais ce n'est pas le tionnel d'une société quelle qu'elle soit — est
« centre d'éveil ».) influencée et contrôlée par la totalité des
relations de production qui forment son in-
Considérer la conscience frastructure, la superstructure du cerveau, y
comme une unité compris la conscience, est commandée et in-
fluencée par les conditions de sommeil et
E y affirme que la conscience peut être consi- d'éveil qui constituent son infrastructure.
dérée c o m m e u n phénomène de « structure Par exemple, lorsque l'infrastructure est
complexe », mais l'auteur a poussé plus avant dans un état d'éveil et que la conscience, dans
ce raisonnement en proposant de considérer la superstructure, est en relation avec cet
la conscience c o m m e une unité dans la état, le cerveau peut procéder à des activités
structure fonctionnelle d u cerveau et en conscientes ; lorsque Pinfrastructure associée
prenant pour activité consciente le produit passe à l'état de sommeil, l'activité cons-
de l'état dans lequel l'éveil est associé à la ciente du cerveau s'arrête et disparaît. Lors-
conscience. que le sommeil et la conscience sont combi-
Cette manière de penser peut amener à nés, le phénomène qui se produit lors d u
concevoir une nouvelle méthode pour ap- rappel des souvenirs d'une partie de la
préhender les fonctions d u cerveau. Cepen- conscience est appelé « rêver » ; lorsque l'in-
dant, tout c o m m e on a considéré l ' h o m m e en frastructure a repris l'état d'éveil, et que le
tant qu'entité, a) si l'on considère c o m m e sujet peut rapporter le contenu de son rêve en
une entité le cerveau dans lequel se produit utilisant u n langage, qui constitue une unité
l'activité de réflexion qui est la fonction re- pratique de la conscience, c'est ce que l'on
présentative de l ' h o m m e , on peut alors b) le appelle le « rêve ». C'est-à-dire que rêver est
considérer, en adoptant le vocabulaire d u dans l'infrastructure et le rêve dans la super-
matérialisme historique utilisé pour la clas- structure. Dans le cas où le sujet se rappelle
sification des structures sociales, c o m m e di- son « rêver » mais ne désire pas en raconter
visé en superstructure et infrastructure. L a le contenu à une tierce personne, le gardant
conscience, qui est l'activité d u cortex céré- dans son cerveau en tant que langage interne,
bral, partie supérieure d u cerveau, est assi- cela doit être considéré aussi c o m m e rêve.
milée à la superstructure d u cerveau alors L'amélioration de la connaissance des re-
que les facteurs variables tels que l'éveil et lations entre la superstructure et l'infra-
le sommeil — dans lesquels l'activité d u structure d u cerveau a p u être menée plus
tronc cérébral est importante — considérés avant grâce aux résultats du nombre, de plus
jusqu'à présent c o m m e normes de la cons- en plus important, des études consacrées au
cience sont assimilés à l'infrastructure. sommeil, récemment effectuées dans le d o -
Il va sans dire que cette classification est maine de la médecine clinique. O n a, par
purement en termes de fonction cérébrale exemple, découvert que l'une des conditions
et qu'il n'est aucunement question de vou- fondamentales des maladies dépressives était
loir établir une correspondance morpho- la réduction du sommeil N R S , alors que les
logique. phases aiguës de schizophrénie étaient ac-
compagnées d'une diminution similaire d u
sommeil N R S et que parfois, cette dimi-
nution allait jusqu'à exercer u n contrôle sur
32 Junji Matsumoto
(sec)
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F I G . ï. Graphique des périodes d'activité du muscle lisse de l'estomac chez le chat pendant la
dix-septième heure après l'absorption de nourriture. L'axe vertical indique l'intervalle de temps
séparant chaque potentiel de pointe et les chiffres portés en abscisse indiquent le nombre de
potentiels de pointe. L a ligne inférieure représente l'éveil, le trait gras correspond au sommeil N R S
et la configuration supérieure au sommeil R S . Les barres hachurées représentent les perturbations
de l ' E M G (électromyogramme) au cou. C'est pendant la seconde moitié de l'expérience que le chat -
commencerait à avoir faim.
34 Junji Matsumoto
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FiG. 2. Relations entre le cerveau et la société, un processus cyclique.
L'éveil, le sommeil et le cerveau 35
d'une part et des facteurs de l'environnement L e cerveau lui-même se meut, tout au
naturel par l'intermédiaire de la force vitale long de la vie, suivant une courbe hélicoï-
fondamentale et de la superstructure d'autre dale, c o m m e u n tout unifié dans lequel l'acti-
part, exercent une grande influence sur le vité consciente résultant de la combinaison
rythme de l'infrastructure, en m ê m e temps des états de conscience et d'éveil serait domi-
que se produisent des modifications fonc- nante suivant u n rythme journalier dans le
tionnelles fondamentales d u cerveau lui- rapport 2:1 (16 heures pour 8 heures). L a
m ê m e . (Cela dépend peut-être des modifi- combinaison conscience-sommeil ne pro-
cations de la force vitale, y compris de la voque pas une activité consciente mais,
totalité des cellules de l'homme lui-même.) lorsque la mémoire à court terme — qui est
L afigure2 est une tentative s'appuyant sur- une partie de la conscience — se combine
tout sur l'infrastructure d u cerveau, de re- avec le sommeil N R S , ou lorsque la mémoire
présenter les relations entre le cerveau et la à long terme se combine avec le sommeil R S ,
société sous une forme phasique. il se produit u n rêve, et lorsque chacun d'eux,
L'observation des deux phases qui consti- au cours de leur révolution, se combine avec
tuent l'infrastructure, intermédiaire entre la l'état d'éveil, il se constitue alors une m é -
superstructure et la force vitale, montre que moire de rêve en tant qu'activité consciente
dans l'état comateux que l'on désigne par et on les considère c o m m e <c rêve-pensé » et
« h o m m e végétatif », quand l'activité cons- « rêve-rêvé ».
ciente est absente, le sommeil R S se produit,
mais pas le sommeil N R S . C'est-à-dire que Relations entre le cerveau
c'est l'état d'éveil qui est directement lié à d'un individu et la société
l'activité de la superstructure et que c'est le
sommeil N R S qui est le plus facilement Le cerveau, considéré c o m m e u n cylindre
influencé par l'état d'éveil; ou, autrement comportant trois points de contact mobiles,
dit, le sommeil N R S et l'éveil sont des états déclenche les préparatifs en vue d'une action
facilement réversibles alors que le sommeil à l'égard d'un autre cerveau ou à l'égard de
R S et l'éveil, chez des sujets normaux, ne le la société — qui est u n ensemble de cer-
sont pas. O n peut donc dire que le sommeil veaux — par la mise en contact entre la
R S , contrairement au sommeil N R S , n'est conscience au niveau de la superstructure et
pas fortement hé à la superstructure mais l'éveil au niveau de l'infrastructure et par
qu'il est plutôt directement lié à la force une activité consciente (ou, en termes phy-
vitale de l'individu lui-même. siologiques, par u n mouvement volontaire)
Ainsi, l'infrastructure est-elle constituée qui se manifeste c o m m e son expression pra-
d'une sorte de circuit. C o m m e nous l'avons tique. Ici, le mouvement volontaire n'im-
décrit ci-dessus, il n'y a donc pas de passage plique pas forcément le désir individuel
direct de l'état d'éveil au sommeil R S , le c o m m e dans le matérialisme historique, mais
mouvement principal dans ce circuit ne fonc- signifie plutôt u n mouvement dans lequel le
tionne que dans u n seul sens, vers la droite principal système de mobilité impliqué est
(dans le sens des aiguilles d'une montre) un système de chemins pyramidaux — pyr-
c o m m e le montre la figure 2. Si le cerveau amidal tract system1.
est comparé à u n modèle animé, on peut ima- C e mouvement volontaire peut être sub-
giner la conscience dans la superstructure divisé, d'une part, en activité musculaire d u
c o m m e u n point de contactfixeet, les trois
états d'éveil, de sommeil R S et de sommeil
N R S dans rinfrastructure, c o m m e trois 1. Les faisceaux pyramidaux sont des faisceaux de
fibres qui relient le cortex cérébral aux cellules
points de contact sur u n cylindre mobile, motrices de la moelle épinière; ce système est
venant en contact l'un après l'autre. lié au contrôle moteur volontaire.
36 Junji M a t s u m o t o
langage externe — impliquant les muscles cet égard, doit être considéré au m ê m e ni-
utilisés pour la parole et pour l'écriture — et, veau que l'éveil.
d'autre part, en activité de travail, impliquant O n peut considérer que la recherche de la
les muscles rattachés au squelette. L e pre- signification d u sommeil y compris le rêve,
mier a une influence sur les autres cerveaux et sa place dans la fonction cérébrale, de-
et sur la société, alors que le second assure la vraient contribuer à évaluer les raisons de
capacité de production qui est le fondement l'existence de l'être humain en tant qu'indi-
de la société, si les moyens de production vidu. C o m m e nous l'avons expliqué ci-
sont à notre disposition. Ces dernières an- dessus, les facteurs de l'environnement social
nées, une trop grande recherche de la pro- exercent une grande influence sur la dyna-
duction a perturbé le cycle biologique de la mique d u sommeil à travers la conscience.
nature et déclenché u n phénomène de nui- Q u a n d on regarde la société dans son en-
sances; ce qui, à son tour, a perturbé le semble, le m o n d e a tendance, ces dernières
processus d u métabolisme entre la nature années, à porter de plus en plus les yeux vers
et l ' h o m m e , provoquant u n effet néfaste l'extérieur ; les gens s'intéressent plus à
pour la force vitale de l'individu. l'étranger qu'à leur pays, l ' h o m m e s'intéresse
A l'inverse, le cerveau d'un individu cons- aux mondes extra-terrestres ; c'est ce que
titue une conscience qui reçoit le langage l'on considère c o m m e u n développement
externe, m o y e n d'information, acquis dans fécond pour l ' h o m m e et les peuples, et l'on
la superstructure de la société, par l'inter- a fait des efforts de production indispensables
médiaire de l'activité des sens qui est une des pour leur réalisation. Mais finalement, on
activités conscientes. C e phénomène de for- commence à se rendre compte de cette ano-
mation de la conscience est aussi largement malie parce que cette productivité concur-
influencé par des stimuli sensitifs émis par rentielle a provoqué des nuisances en chaque
la nature et retransmis par l'activité des sens. point de la terre. A certaines périodes, les
Tout se passe c o m m e si cette relation entre jeunes générations de tous les pays cher-
la nature et le cerveau de l'individu était à chent une modification de conscience dans
la fois indirecte, par l'intermédiaire de la la destruction pour sortir de l'inutilité de
société, et directe, le métabolisme exerçant la production et beaucoup se précipitent
une influence sur la force de vie. — dans des désordres mentaux causés par
l'utilisation d'hallucinogènes — vers la perte
U n peu de philosophie pour conclure de conscience.
Ces derniers temps, on entend souvent
Ainsi, les relations entre le cerveau et la revendiquer le « respect humain » ; ne serait-il
société créent u n e structure phasique par pas temps de bien réfléchir ? Et dans les
l'intermédiaire de la nature. Dans cette milieux scientifiques aussi on se rend compte
structure cyclique, chaque cerveau, c'est-à- de la futilité de l'évaluation excessive qu'on
dire chaque être humain indépendant, cesse avait faite jusqu'à présent de la capacité
d'exister et l'accumulation d'activité laissée humaine pour l'activité extérieure dans le
par chaque cerveau constitue la masse de la m o n d e de l'éveil, et on réalise l'importance
société provoquant des modifications quali- scientifique de la recherche de l'intériorité de
tatives et créant ainsi l'histoire de la race l'être humain qui jusqu'à maintenant était
humaine. Mais, c o m m e l'affirme le dicton déconsidérée parce que jugée improductive.
« l'histoire se fait la nuit », le sommeil, qui N e serait-il pas temps de procéder, de m a -
intervient dans le cycle c o m m e une fonction nière purement scientifique, à des études qui
de rinfrastructure d u cerveau, est u n point permettraient de faire avancer cette quête ?
de contact permettant la mise en relation D
avec la conscience de la superstructure et, à
38 Junji M a t s u m o t o
Recherches sur la schizophrénie :
régulation de la dopamine
dans le système mésolimbique
Janice R . Stevens
Tandis que les maladies infectieuses cessent Malgré ces troubles profonds de la vie
d'être des causes majeures de décès ou d'in- mentale, nous ne possédons guère d'indi-
validité dans les pays économiquement avan- cations sur la pathophysiologie de la schi-
cés, les troubles mentaux sont en train de zophrénie. Les malades n'ont pas de tem-
devenir la première cause de morbidité et pérature et demeurent physiquement bien
m ê m e de mortalité chez les jeunes adultes. portants bien qu'il arrive couramment qu'ils
L e moins bien compris et le plus pernicieux se plaignent de m a u x de tête ou de s y m p -
de ces troubles est la schizophrénie. Cette tômes somatiques inhabituels. Les troubles
maladie, qui se manifeste par des modifica- de la perception et de l'attention rappellent
tions insidieuses ou soudaines de l'expérience souvent ceux qu'on observe dans le petit mal
personnelle de la conscience, par u n senti- ou l'épilepsie temporale, mais l'électro-
ment effrayant d'irréalité, des craintes irrai- encéphalogramme est généralement normal.
sonnées, des troubles de la perception et des Les difficultés de concentration et de pensée,
interruptions de l'attention et de la pensée les hallucinations, la dépression et la confu-
qui s'accompagnent fréquemment de délires, sion mentale font penser à une encéphalite,
d'hallucinations et d'une perte progressive mais l'examen d u liquide céphalo-rachidien
d u sens social, des réponses affectives et de et du sang ne donne aucune indication d'in-
l'efficacité intellectuelle,. est presque aussi fection. Bien que diverses anomalies structu-
courante que le diabète et se traduit pour relles aient été mentionnées sporadiquement,
plus de la moitié de ceux qui en sont atteints l'examen macroscopique et microscopique
par une invalidité permanente. du cerveau de milliers de malades chez qui
40 Janice R . Stevens
Glossaire
42 Janice R . Stevens
F I G . I. Parallèlement aux systèmes sensorimoteurs néocorticaux qui convergent vers le putamen
caudé, des projections de l'hippocampe (Hippo), des amygdales ( A m ) et du cortex piriforme (CP)
convergent sur le striatum limbique (nucleus accumbens, Ace), tubercule olfactif ( T O ) et noyau
de la bandelette semi-circulaire ( N B S C ) . O n aurait donc une voie reliant le striatum limbique au
lobe frontal (LF) et à l'hypothalamus par le globus pallidus (GP), qui serait analogue à la projection
néostriatale jusqu'au G P et au système moteur. Les zones hachurées représentent la rétroaction
présumée au moyen d'un code Gaba du corps strié aux cellules d'origine de la dopamine. (Adapté
de'Klinger et Gloor, et de Stevens [32, 6, 38].)
44 Janice R . Stevens
cerveau recourant à la dopamine c o m m e (absence de clignement, clignement paroxys-
transmetteur ? tique ou rapide, clignement régulier et sou-
2. C o m m e n t la libération et la fixation de la tenu au rythme de 2,5 à 3 par seconde, perte
dopamine se règlent-elles dans le cerveau ou facilitation du réflexe de clignement).
et, en particulier, dans le système m é - Quant aux anomalies des mouvements laté-
solimbique ? raux de l'œil, ce sont notamment les sui-
Pour répondre à la première de ces questions, vantes : lentes secousses oscillatoires sponta-
nous s o m m e s retournés dans les chambres et nées (brefs et rapides mouvements de l'œil),
les foyers d'hôpitaux psychiatriques afin de coups d'œil inquisiteurs très rapides, coups
réexaminer les aspects neurologiques des d'oeil latéraux uniques et inexpliqués, inter-
troubles schizophréniques. C e faisant, nous ruptions brusques d u fonctionnement har-
avons redécouvert u n certain nombre de monieux d u regard. Les modifications d u
signes neurologiques qui ont été décrits rythme de clignement et les secousses h o -
c o m m e caractéristiques de la démence pré- rizontales allaient fréquemment de pair avec
coce et de la schizophrénie vers le début de des états subjectifs anormaux (rêverie au-
ce siècle, lorsque la neurologie et la psy- tistique, hallucinations visuelles ou auditives,
chiatrie constituaient une seule spécialisation excitation sexuelle, sentiment de danger)
médicale. [voirfig.2].
^^^A^f-A^—\/—^if^i—
6/3 9 : 34 p m Calme, regard fixe Marmonnant pour lui-même
50 ¡iV
^Vv^élv/*"v~J\/~,"->V*Y*A/^^^/~l,A^
100 nv
tA^p^^r^yV^-^VVMA^WlAAA^Y^1
Mouvement
/
vertical
de l'œil
Mouvement
latéral
de l'œil
•r-^^r^^K^-yJ^rJ\fj^^^
I 1
5 cm
46 Janice R . Stevens
se suicider et affirmé qu'il ne savait pas qui intermittence. Ces épisodes ont été inter-
il était. Il a été hospitalisé presque conti- rompus par des stimuli distrayants qui ont
nuellement à partir de l'âge de dix-neuf ans attiré son attention (fig. 2).
et a été traité par administration de divers U n e f e m m e de quarante-six ans chez la-
neuroleptiques sans que son état s'améliore quelle une schizophrénie chronique avait été
beaucoup. U n e série d'électrochocs a amené diagnostiquée vingt ans auparavant était
une brève période de rémission. L'année tranquillement assise dans le foyer de l'hô-
suivante, il s'est plaint qu'il était en train de pital. Elle fumait, l'air préoccupé, en m a r -
« devenir quelqu'un d'autre » et a voulu se monnant. Elle ne cessait de jeter de rapides
suicider pour « se débarrasser de l'autre ». Il coups d'oeil sur cette pièce qui lui était fa-
a aussi exprimé la crainte d'avoir commis des milière, mais ne voulait pas ou ne pouvait
viols. pas expliquer ce comportement et niait fer-
Lorsque nous l'avons examiné, six ans m e m e n t qu'il soit hé à des hallucinations
après que sa maladie se fut déclarée, nous quelconques. Pendant u n entretien struc-
l'avons trouvé débraillé, désorienté, sans m o - turé, elle s'est interrompue de la m ê m e
tivation. Il se plaignait par intermittence manière pour lancer sur le côté de la pièce
d'être distrait par des voix. Il était incapable des coups d'oeil qu'elle ne pouvait expliquer
d'effectuer sur ordre u n mouvement se dé- (fig- 3).
composant en trois phases ou d'imiter des U n travailleur migrant de trente-trois ans
mouvements des mains. Il marchait les jam- souffrant de schizophrénie chronique sem-
bes légèrement écartées, tenait ses bras très blait avoir deux états de conscience. Lors-
raides et éloignés de son corps et ne cessait qu'il parlait aux membres du personnel ou à
de plier et de déplier les quatrième et cin- d'autres malades, il les regardait normale-
quième doigts de chaque main. Ses fonctions ment dans les yeux et formulait des observa-
intellectuelles étaient nettement diminuées. tions pertinentes, bien qu'entièrement limi-
Les nerfs crâniens étaient intacts, exception tées à des banalités conventionnelles. Sinon,
faite des troubles d u mouvement oculaire. Il il revenait immédiatement à une conversa-
avait u n regard fuyant et était incapable de tion animée avec des voix imaginaires. U n
cligner rapidement des yeux sur ordre ou de accroissement remarquable d u rythme de
les tourner sur le côté sans tourner aussi la clignement et des mouvements saccadés des
tête. Il s'interrompait fréquemment lorsqu'il yeux se produisait alors (fig. 4).
essayait de suivre une lumière se déplaçant Presque tous les malades que nous avons
lentement de côté ; ses yeux revenaient alors examinés avaient été traités auparavant au
brusquement en position médiane. Les ré- m o y e n d'agents antipsychotiques. Bien qu'on
flexes et les sensations au niveau des tendons sache que ces médicaments causent divers
profonds étaient intacts. Les réflexes de suc- troubles du mouvement, particulièrement de
cion, de préhension, de constriction des m â - la bouche, de la langue et des extrémités, les
choires et de tremblement d u menton étaient mouvements buccaux anormaux étaient rares
absents. A u c u n mouvement spontané inha- chez ces malades. D e plus, des troubles ana-
bituel des yeux n'a été constaté pendant logues d u mouvement oculaire ont été cons-
l'examen neurologique proprement dit. tatés chez des malades examinés avant tout
A u cours de la troisième heure d'électro- traitement et ont été signalés dès le début de
encéphalographie et d'électro-oculographie ce siècle, bien avant l'apparition des neuro-
par télémétrie, de longues périodes d'oscil- leptiques, par Kraepelin et d'autres clini-
lation latérale des yeux sont intervenues pen- ciens [8]. Immortalisés par Donazetti, qui,
dant que le malade était étendu tranquille- dans ses instructions pour la scène de la
ment sur son ht, manipulant ses organes folie, a décrit de façon expressive les rapides
génitaux et marmonnant pour lui-même par coups d'œil lancés, c o m m e si elle cherchait
50 Janice R . Stevens
par les fibres efférentes des structures néo- E . Costa, observations non publiées). La sti-
corticales et limbiques jusqu'aux voies finales mulation répétée par de faibles courants
menant à la perception et au comportement. électriques {kindling) de la Z T V provoque
L a régulation de la libération de dopamine des modifications chroniques d u comporte-
dans le corps strié est donc u n déterminant ment similaires à celles que suscite la
crucial d u seuil de conscience des stimuli et bicuculline sur u n m o d e aigu [16].
de réponse motrice. Notre attention a été attirée sur la Z T V
parce que c'est l'origine de la voie dopami-
nergique menant au système de « c o m m u -
La libération de dopamine
est-elle modulée
tation » limbique strié intervenant, d'après
par le photopériodisme? les observations cliniques, dans la patho-
physiologie de la schizophrénie. L a déter-
O n considérait initialement que la régulation mination des systèmes de régulation qui
de la libération de dopamine dans le neo- influent sur la libération de dopamine ou
striatum dépendait d'une voie inhibitrice sur la sensibilité à la dopamine dans la voie
rétroactive d'acide gamma-amino-butyrique et les terminaisons mésolimbiques est donc
(Gaba), qui reliait les éléments cellulaires fondamentale pour la recherche des causes
postsynaptiques d u putamen caudé à la et du traitement de la psychose. D e s études
substance noire. Dans une série d'expé- récentes de di Chiari et al. [17] amènent à
riences destinées à élaborer u n modèle douter que la régulation de la dopamine
d'hyperactivité de la dopamine mésolim- dans le neostriatum s'opère par des voies
bique chez l'animal, nous avons introduit de inhibitrices rétroactives ayant leur origine
la bicuculline, agent bloquant le Gaba, dans dans les récepteurs striés postsynaptiques et
la zone tegmentale ventrale du mésencéphale à rechercher, par conséquent, des méca-
(origine d u système dopaminergique méso- nismes de contrôle additionnel ou de rem-
limbique) chez des chats éveillés et laissés placement. Parmi les systèmes possibles de
libres qui portaient des électrodes et des régulation de la dopamine traversant la
canules implantées en permanence. U n e Z T Vfigurentdes voies efférentes des noyaux
injection locale de l'antagoniste d u Gaba noradrénolinergiques et sérotoninergiques
dans le Z T V a causé des modifications frap- qui passent par le faisceau prosencéphalique
pantes d u comportement et de l ' E E G : médian, des fibres descendant d u nucleus
regard fixe, peur, regards fureteurs, dissi- accumbens, de l'hypothalamus, de l'habénula
mulation, fuite et mouvements oculaires (noyau de la tige pinéale) et lesfibrestermi-
latéraux o u clignement d'yeux paroxys- nales de la bandelette optique accessoire
tique [14]. Ces activités s'accompagnaient inférieure. Notre attention a été attirée sur
souvent de pointes de haut voltage dans le cette dernière par les troubles marquants d u
nucleus accumbens ipsilatéral, qui constitue mouvement oculaire que présentent les
une des principales terminaisons du système malades chez qui a été diagnostiquée une
dopaminergique mésolimbique. O r c'est jus- schizophrénie.
tement dans cette région que Heath et L a terminaison médiane d u système op-
d'autres chercheurs ont signalé des pointes tique accessoire fait partie d'un système
d'activité chez l ' h o m m e schizophrène [15] opto-mésencéphalique et opto-vestibulaire
(fig- 5). archaïque que l'on rencontre chez tous les
Les premières indications obtenues m o n - mammifères et qui prend naissance dans les
trent que la dopamine se renouvelle plus cellules ganglionnaires de la périphérie de
vite dans le nucleus accumbens lorsque le la rétine dont les axones se séparent de la
G a b a est bloqué dans la substance noire m é - bandelette optique juste au-delà d u chiasma
diane (L. Northup, J. Stevens, A . Guidotti, pour aboutir dans la calotte mésencéphalique
54 Janice R . Stevens
Rythme de clignement d'yeux et durée du sommeil paradoxal de toutes les espèces
pour lesquelles des données sont disponibles et une nette prédominance d'activité diurne
ou nocturne est attestée [33-37]
mènes oculaires périodiques devraient être plus, contrairement à ce qui se passe pour le
surtout marqués lorsqu'il fait jour. Si l'on sommeil paradoxal, dont la durée est plus
répartit d'après leur période d'activité la plus longue à la naissance et diminue avec la
intense toutes les espèces pour lesquelles on maturité, le clignement d'yeux est peu déve-
dispose de données sur le rythme d u cligne- loppé pendant la première enfance, s'ac-
ment d'yeux et sur le sommeil paradoxal, on croît rapidement pendant le second semestre
constate que la durée de celui-ci est sensible- de la première année de vie et atteint le ni-
ment plus longue et le rythme d u clignement veau adulte aux alentours de la puberté
d'yeux nettement plus faible dans les espèces (A. Zametkin et J. Stevens, observations non
qui sont actives la nuit (voir tableau). D e publiées).
56 Janice R . Stevens
décharge neuronique excessive d u cortex ou en inhibant la transmission ou le déclen-
épileptique, mais au contraire à une libé- chement d'automatismes primitifs en rela-
ration, au sens o ù l'entendait Hughlings tion avec la lumière. Les troubles d u m o u -
Jackson, d'engrammes fondamentaux pré- vement externe et du clignement des yeux et
existant dans le système limbique des pri- du sommeil paradoxal constatés chez les
mates aux fins des activités de perception, schizophrènes (et provoqués par les ago-
de reconnaissance et d'expression du danger, nistes et les antagonistes de la dopamine)
de menace et de communication sociale par sont toutefois compatibles avec une interac-
signes. tion importante entre le contrôle oculomo-
Bien que des anomalies frappantes d u teur, la lumière et la régulation de la dopa-
comportement, d u sommeil, de l'activité mine dans le cerveau.
externe de l'œil et d u clignement d'yeux as- Toutes ces observations donnent à penser
sociées au photopériodisme aient été consta- que les anomalies d u mouvement et d u cli-
tées chez des malades atteints d'encéphalite gnement des yeux chez les schizophrènes
épidémique (ou maladie de V o n Ecónomo), traduisent une altération de la fonction des
qui affecte principalement les voies dopami- éléments axiaux anciens d u striatum lim-
nergiques et noradrénolinergiques, on c o m - bique, éléments qui modulent l'activité endo-
mence tout juste à explorer le rôle que l'inter- crinienne et le comportement en relation avec
face dopaminergique peut jouer en facilitant la lumière et les changements de saison. D
58 Janice R . Stevens
La fonction thérapeutique
des placebos
Helena Rasková et Jiïi Elis
Les auteurs de cet article soulignent la nécessité d'appliquer une méthodologie rigoureuse
lorsqu'il s'agit de séparer les réactions subjectives et objectives à la médication., mettent
Vaccent sur l'utilité des placebos et indiquent les voies à suivre à l'avenir dans ce domaine.
Seconde expérience
F I G . I. Réactions subjectives
aux placebos, chaque cas ayant
•été évalué séparément. L e
nombre de sujets « réagissant »
est indiqué en abscisse et le
nombre d'effets observés en
ordonnée. A gauche, les
résultats de la première
expérience, constituée par
une première ingestion de
comprimés le premier jour, et Sujets
-une seconde le deuxième jour. réagissant
^ 2 au placebo
A droite m ê m e présentation
Ingestion
pour la seconde expérience.
Première expérience
Seconde expérience
Pas de
changements
5 Sujets réagissant
au placebo
F I G . 2. M ê m e présentation que
sur la figure I : le nombre de Ingestion
sujets à réaction positive lors
d u test de calcul est indiqué
en abscisse.
Première expérience
Seconde expérience
Sujets
réagissant
F I G . 3. M ê m e présentation que au placebo
—Ingestion
sur les figures ï et 2 pour ï
indiquer la dilatation pupillaire.
Médicament
: Cycloserine
Effet racémique ¿ï dz ¿3 Placebo Total
Somnolence 20 5 12 7' 3 47
Vertige • 15 3 4 3 3 28
Euphorie .. : 5 2 2 5 I 15
Logorrhée" 3 0 4 3 0 lo
Sensation d'ivresse 3 2 2 2 o 9
Allergie 3 3 0 0 i 7
M a u x de tête 3 I O 2 r 7
Insomnie 2 o -I I 0 4
Dépression I ï O 0 2 4
Symptômes cardiaques I o o 2 O 3
Désorientation
au réveil 0 0 0 2 O 2
TOTAL 56 . 17 25 27 II 136
a. La logorrhée est une forme de loquacité aberrante ouincontrôlable.
O n compara, chez des patients pris au reçu des placebos fut sensiblement moins
hasard, les effets de trois ¿-cycloserines dif- élevé que parmi ceux traités à la cycloserine.
férentes, de la cycloserine racémique et d'un Cependant près de 25 % des sujets n'ayant
placebo. C'est en analysant l'urine des pa- absorbé que des placebos firent état d'effets
tients qu'on identifiait le produit qui leur secondaires. Pendant qu'avait lieu l'expé-
avait été administré également au hasard. rience, ils ignoraient pourtant tout des effets
Pour ne pas influencer les patients, on leur de la cycloserine, leur médecin se bornant à
posa à tous la m ê m e question : « C o m m e n t leur demander c o m m e n t ils se sentaient. Ils
vous sentez-vous aujourd'hui ? » Quant aux avaient été placés dans les m ê m e s salles que
expérimentateurs, pour être certain qu'ils les patients ayant absorbé des produits actifs,
seraient tout à fait objectifs, o n ne leur fit de sorte qu'ils tendaient à imiter les s y m p -
connaître les patients qu'au m o y e n de chif- tômes décrits par ces derniers. L ' u n d'eux
fres pris au hasard. D e s comprimés furent présentait aussi une éruption cutanée, et il
distribués, en se servant de flacons portant fallut cesser de lui administrer le placebo.
le n o m des patients. D e s contrôleurs exté-
rieurs, qui ignoraient complètement l'iden-
Distinguer le subjectif de Vobjectif
tité des patients, évaluèrent les résultats. L e
tableau ci-dessus présente le bilan des effets Des signes de haute toxicité apparurent chez
secondaires observés. u n nombre relativement élevé de sujets qui
Cette étude atteignit son objectif fonda- avaient absorbé de la cycloserine racémique.
mental ; elle avait prouvé que la cycloserine Mais, chez les sujets qui avaient absorbé de
racémique était plus toxique que la forme d. la ¿-cycloserine et u n placebo, le nombre des
Pour notre étude à nous, il nous avait fallu sujets présentant de graves effets secondaires
u n grand nombre de sujets à qui administrer et pour lesquels il fallut arrêter l'expérience
des placebos. L e nombre absolu des effets ne fut guère différent. Après l'admimstration
secondaires observés parmi ceux qui avaient de cycloserine racémique, le nombre des
Quelle est la valeur des placebos? 1. Le Laetrile, composé chimique tiré des noyaux
de l'abricot et de la pêche, ainsi que de
Les médecins et les malades, parce qu'ils l'amande amère, fait l'objet de vives contro-
vivent les uns et les autres dans u n m o n d e verses. Le gouvernement américain en a inter-
dominé par les mass media, dans lequel dit le commerce entre États, bien que douze
abondent les réclames pour telle o u telle d'entre eux, sur cinquante, en aient autorisé la
fabrication et la vente. Le gouvernement a m é -
spécialité pharmaceutique, et où le nombre ricain a fait connaître que le Laetrile, outre
des affections circulatoires et malignes ne qu'il ne possède aucune valeur thérapeutique,
cesse de progresser, sont victimes les uns et peut être dangereux. Administré sous forme
les autres d'une sorte de conditionnement liquide, il peut, sous l'action chimique des
processus digestifs normaux, « libérer du cya-
[17-21, il]. Dans u n seul numéro d'une pu- nure ». E n août dernier, on comptait trente-sept
blication professionnelle, W a d e [ n ] a noté cas signalés d'empoisonnement par le Laetrile,
que, sur quarante-quatre réclames, vingt-six dont dix-sept mortels. [ N D L R . ]
Les spécialistes de l'intelligence artificielle tures qui expriment le sens et notre connais-
(IA) s'intéressent, depuis maintenant bientôt sance courante d u m o n d e . L a plupart des
vingt-cinq ans, à certains problèmes de l'in- chercheurs sont partis de l'hypothèse qu'il
telligence humaine considérés d'un point de est indispensable d'avoir accès à ces struc-
vue particulier : comment programmer u n tures pour comprendre, qu'il s'agisse de
ordinateur afin qu'il effectue certaines tâches l ' h o m m e ou de la machine. M ê m e dans une
intelligentes que nous exécutons sans m ê m e phrase aussi simple que : « Les soldats tirè-
y penser ? rent sur les femmes et j'en vis plusieurs
Appliquée au langage naturel, cette dé- tomber », la quasi-totalité des locuteurs
marche s'est traduite par la mise au point de natifs comprendra qu' « en » se rapporte aux
programmes élémentaires permettant de tra- femmes et non aux soldats. O r cela est
duire d'une langue dans une autre, d'obéir à impossible à distinguer simplement d'après
des ordres, de faire des déductions, de pro- la syntaxe ou la sémantique — « soldats » et
poser des paraphrases ou de réaliser un dialo- « femmes » peuvent tous deux être sujet d u
gue simple avec un être humain par l'intermé- verbe « tomber ». Il est à peu près sûr que
diaire d'un téléscripteur ou d'un écran vidéo. pour comprendre cette phrase il faut savoir
Les chercheurs ont employé des méthodes empiriquement que les choses sur lesquelles
multiples mais considérablement différentes ontireont tendance à tomber après avoir été
de celles qu'appliquaient les pionniers de la touchées. Cela peut paraître exagérément
traduction automatique des années 1950 ou simple, mais le lecteur devrait cependant se
qu'impliquaient les hypothèses formulées demander par quel autre moyen il pourrait
par N o a m Chomsky dans sa grammaire saisir le sens normal de la phrase.
generative transformationnelle [ï]1.
La principale différence a été l'importance 1. L e s chiffres entre crochets renvoient à : la
donnée, dans les systèmes d'IA, aux struc- bibliographie à la fin de l'article.
70 Yorick Wilks
Schank définit u n script c o m m e « une h) ACHETEUR devant OBJET
chaîne causale prédéterminée de conceptua- 0 situation fortuite TERMINE
lisations qui décrivent une suite normale de devant OBJET
aussi
choses dans une situation familière » [9], et i) méthode suggérée
il entend par là un exposé, facilement forma- —> caddy (ACHETEUR.PANIER,
lisable, de l'ordre normal des événements qui TERMINE, OBJET)
se succèdent lorsqu'on va, par exemple, au /) ACHETEUR tient OBJET
restaurant. Voici la manière dont il ébauche m) OBJET dans PANIER* caddy
un script de restaurant, en se mettant à la
Et ainsi de suite jusqu'à ce que l'acheteur
place du client :
quitte le supermarché à la ligne u. Encore
Script : restaurant une fois l'idée générale devrait être claire,
Rôles : client ; serveuse ; chef; caissière m ê m e si l'on n'explicite pas ce que signifient
Motif : se nourrir de manière à apaiser sa faim et
pour Charniak des termes c o m m e I C (image
à en tirer plaisir
Scène 1 : entrer du cadre d'un caddy), qui apparaissent à la
P T R A N S E E R T — entrer dans le restaurant ligne b, ou l'astérisque.
M C O N S T R U C T I O N — trouver une table
P T R A N S F E R T — aller à la table
A C T I O N — s'asseoir Résolution de problèmes concrets
Scène 2 : passer la commande
A T R A N S F E R T — recevoir le menu Il apparaît clairement qu'on peut concevoir
A T T E N T I O N — le regarder un cadre de type dynamique pour toute
M C O N S T R U C T I O N — choisir la commande représentation qui a une structure, m ê m e
M T R A N S F E R T — passer la commande à la rudimentaire, decomposable en propositions
serveuse distinctes : il surfit de les empiler en une
Et ainsi de suite pour les scènes 3 : manger, suite prédéterminée pour une activité don-
et 4 : sortir. Je n'expliquerai pas les actions née. J'en suggérerai u n pour une situation
primitives associées [4]1 indiquées à gauche moins banale que faire des achats, manger o u
telles que P T R A N S F E R T ; le lecteur verra, conduire : u nritede puberté. L a notation
en gros, je pense, de quoi il s'agit. Schank a que j'ai utilisée dans u n autre article [5]
aussi élaboré u n programme qui, à partir conviendrait tout à fait, mais je prendrai,
d'une histoire de restaurant de la longueur pour plus de simplicité, celles qui ont déjà
d'un paragraphe, produit une histoire plus été illustrées ici.
longue dans laquelle s'incorporent les parties
manquantes qu'on peut rajouter au script Script : rite de puberté pour u n enfant mâle
ci-dessus. Rôles : enfant mâle, anciens d u village, aides,
foule
Charniak a conçu [8] un cadre concernant Motif : faire les incisions rituelles sur le dos d e
la manière normale de faire ses achats dans l'enfant
un supermarché, qui commence ainsi : a) But : E N F A N T est tatoué
b) A I D E S maintiennent E N F A N T (par les deux
à) But : ACHETEUR possède OBJETS E N bras)
VENTE c) A N C I E N se procure O U T I L S
b) A C H E T E U R choisit d'utiliser o u n o n u n p a - d) A N C I E N exhorte F O U L E (au comportement
nier, d'établir s'il y a lieu les I C qui convient)
c) A C H E T E U R se procure P A N I E R * caddy e) (situation générale)
d) A C H E T E U R se procure O B J E T S E N
VENTE
e) méthode suggérée 1. Les entités telles que P T R A N S F E R T sont des
D ' »-faire pour tous OBJETS E N actions primitives — celles-ci indiquant u n
VENTE m o u v e m e n t physique — que Schank utilise
g) ACHETEUR choisit OBJET dans ses conceptualisations sémantiques des
OBJETS EN VENTE — TERMINE phrases introduites dans l'ordinateur.
72 Yorick Wilks
ment impossible d'examiner la seconde Il est donc clair que le problème est de
hypothèse — celle qui concerne l'ordina- décrire non seulement le comportement nor-
teur — sans introduire des détails intéressant mal, mais de retenir aussi toutes les formes
la compréhension humaine. Dans une I A significatives de comportement non habi-
très évoluée, le débat sur l'hypothèse relative tuel : par exemple, quand on fait des courses
à l'ordinateur ne concernerait que a) des dans u n supermarché, mettre dans sa poche
considérations de traitement des symboles et u n objet qui ne vous appartient pas est
b) la concordance entre les résultats obtenus significatif, alors que s'arrêter pour renouer
par la machine et les protocoles humains u n lacet ne l'est pas.
pertinents — le comportement linguistique
en l'occurrence. L a question de savoir si les Importance d'une connaissance organisée
expériences psychologiques confirment l'hy-
pothèse relative à l'homme intéresse au pre- Nous atteignons probablement ici le cœur du
mier chef le psychologue. Elle peut n'être problème concernant l'hypothèse d u scé-
qu'une question de pure curiosité person- nario. Les cadres de scénario ont-ils un pou-
nelle dans le contexte de l'IA : « l'intelligence voir interprétatif au m ê m e sens que la gram-
artificielle est l'étude des mécanismes intel- maire ou la sémantique conventionnelle ?
lectuels indépendamment des applications et Autrement dit, l'hypothèse de scénario per-
de la façon dont ces mécanismes sont réalisés met-elle d'interpréter u n élément, de la
chez l ' h o m m e ou chez les animaux » [10]. Il m ê m e manière que, si l'on donne une suite
ne fait aucun doute que Charniak, entre de parties du discours telle que A D J A D J ? X
autres, défend une certaine forme d'hypo- V E R B E P R E P D E T V E R B E , on est qua-
thèse de scénario : « L e mécanisme premier siment certain que l'élément ? X doit être un
de la compréhension de la trame d'une his- N O M . ? L'histoire du savon et du chocolat
toire, c'est de la voir c o m m e la concrétisation au supermarché semble exiger un élément de
d'un ou plusieurs Efnoncés] du C[adre] » [8]. connaissance particulier pour pouvoir être
Il est important de préciser que les défen- interprétée. Mais il n'est pas du tout évident
seurs de l'hypothèse d u scénario ne préten- que le cadre d u supermarché, décrit par
dent pas que toutes les histoires, sont Charniak, fournirait cette connaissance sous
conformes à un cadre, ce qui serait absurde. une forme disponible. E n d'autres termes,
C e qu'ils affirment c'est que la manière dont l'exemple (3) a établi la nécessité d'un élé-
une histoire s'écarte d'un cadre est importante ment de connaissance mais il ne fait pas
pour sa compréhension et son interprétation. apparaître le besoin d'une quelconque struc-
Voici u n exemple qui va dans leur sens : ture particulière de connaissance. Pour ce
(3) Jean entra dans le supermarché et mit d u qui est d u cadre d u rite de puberté, la
savon dans le panier. Poussé par une soudaine connaissance nécessaire pour comprendre
impulsion, il mit u n bâton de chocolat dans sa l'histoire de l'exemple (1) est fournie par une
poche mais, en arrivant à la caisse il rougit et dit : connaissance générale sous la forme d'une
« Je n'avais pas l'intention de le prendre. »
règle d'inférence — que j'appelle la « règle
U n défenseur de l'hypothèse du scénario du Martien » [exemple (2)].
soutiendrait que l'interprétation correcte d u Il est important de se rendre compte que la
dernier pronom de l'exemple, qui représente question qui caractérise les cadres — et que
le chocolat et non le savon, exige l'utilisation j'ai isolée en tant qu' « hypothèse d u scé-
d'une certaine forme de cadre de super- nario » — concerne la forme de l'organisation
marché. Et ce cadre doit contenir assez de de la connaissance. Elle ne porte donc ni
renseignements pour indiquer que mettre a) sur l'utilisation de la connaissance en tant
quelque chose dans sa poche est un compor- que telle pour comprendre le langage, ni
tement étrange dans u n supermarché. b) sur la généralité des inferences employées.
74 YorickWilks
que I' « autre hypothèse » (puisque c'est Examinons la phrase suivante, qui n'est pas
ainsi que je l'ai appelée) relative aux règles du tout compliquée : « E n sortant du restau-
d'inférence est superflue. rant, je m e suis arrêté au supermarché avant
de rentrer chez moi pour regarder lefilmsur
Autres hypothèses de cadre les rites de puberté africains. » U n e analyse
de la phrase fait apparaître aisément au moins
Il reste, au-delà de l'hypothèse du scénario, quatre grandes structures de cadre à intro-
d'autres interprétations possibles des cadres. duire dans la zone de travail du programme.
La première consiste à dire que les cadres ne H n'est pas du tout assuré que les arguments
font que proposer u n langage de program- invoquant la facilité d'accès soient tous en
mation, d'un niveau encore plus élevé, pour faveur des cadres, si l'on veut aussi pouvoir
un certain type de représentation. L e pro- contrôler les éléments auxquels on a accès.
jet en cours à la société Xerox, désigné U n troisième et dernier point, c'est que les
par le sigle K R L (connaissance-représenta- cadres pourraient être u n m o y e n de struc-
tion-langage) est dans cette lignée [12]. Il turer les bases de données d'un certain type
n'est fait dans ce cas-là aucune hypothèse au pour les systèmes questions-réponses. Cette
sujet du langage naturel—puisqu'un langage position est solide, car il n'est pas douteux
de programmation n'a pas besoin de telles que pour répondre à des questions concer-
hypothèses — et il n'y a pas de problème. nant x il faut bien connaître quelque chose
U n e autre possibilité c'est que les défen- de x. Mais on pourrait quand m ê m e encore
seurs de la notion de cadre ne prônent pas se demander quel est le rapport entre cette
l'hypothèse d u scénario en disant •: « L a vérité et la compréhension du langage natu-
structure x est nécessaire pour comprendre. » rel. L a question se pose en effet, car o n
Ils soulignent plutôt qu'il y a intérêt, pour pourrait utiliser la m ê m e représentation de la
comprendre u n texte, à partir d u niveau le connaissance pour répondre à des questions
plus haut et à descendre. Il est cependant en n'utilisant que des phrases toutes faites,
impossible de traiter une hypothèse de scé- préfabriquées — c o m m e dans u n question-
nario efficace en l'absence de procédures naire à choix multiple, qui n'exige pas néces-
d'application d u cadre. D e plus, et c'est u n sairement de compréhension d u langage
point important, l'efficacité d'une telle hypo- naturel.
thèse repose presque certainement sur quel-
que hypothèse statistique concernant le degré Un point douteux . "
de conformité des textes par rapport aux
normes d u cadre. L'hypothèse d u scénario E n définitive, on pourrait croire qu'il y a u n
serait sans aucun doute plus plausible si, par raisonnement faux dans certains travaux que
exemple, 90 % des textes sur x contenaient j'ai décrits ici. L e raisonnement pourrait se
explicitement toute (et rien que) la connais- mettre sous la forme suivante :
sance qui est dans le cadre relatif à x, que si 1. O n a besoin de représentations de la
c'était le cas pour 5 % des textes seulement. connaissance pour comprendre le langage
C'est une variante de cette « hypothèse naturel.
d'efficacité » qu'avancent ceux qui soutien- 2. Il y a deux choses que nous connaissons
nent que l'accès aux cadres est possible, certainement : a) comment se déroulent
éventuellement, alors que ce n'est pas le cas des histoires normales ; b) comment effec-
pour les règles d'inférence. L e bien-fondé de tuer les actes simples de la vie quoti-
cette affirmation n'est pas évident, en parti- dienne.
culier si l'on considère les énormes problèmes 3. D o n c nous avons besoin de représenta-
de manipulation, d'accès et de contrôle que tions de ces deux formes de connaissance
posent les cadres de grandes dimensions. pour comprendre le langage naturel.
76 Yorick Wilks
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80 Nikolaï M . Amossov
F I G . L e mécanisme de l'intellect : M E , milieu extérieur ; R j et R^, récepteurs ; M O ! , M O ¡ ,
M 0 3 , modèles-images élémentaires d'objets du m o n d e extérieur ; A ' A " A ' " , modèles d'actions ;
M s , muscles ; Sn, sensations engendrées par les besoins ; S m , sensations de fatigue musculaire ;
S A F , système « amplification-freinage » ; A m p i . , élément amplificateur de ce système ; Fr., élément
frein ; C , « corps ».
Fonctionnement. Les excitateurs extérieurs est indiqué dans le cercle) est freiné
agissent sur les récepteurs R et excitent par la sensation de fatigue venue
les modèles-images élémentaires M O . du muscle M s . Les signes ( + ) et (—)
L'exemple M O x montre que le modèle au voisinage des flèches indiquent
se compose d'un ensemble de neurones respectivement l'amplification
reliés entre eux. Les liaisons entre et le freinage transmis sur la
les modèles M O permettent d'obtenir liaison.
des ensembles qui reflètent u n tableau L e système amplification-freinage ( S A F )
ou une situation complexe composé reçoit les signaux émis par chaque
d'objets. Les modèles M O sont reliés modèle ; ceux-ci sont transmis par
au modèle d'action A , une seule image M O les liaisons, lesquelles sont représentées
étant reliée à plusieurs actions A . par des tirets. A chaque m o m e n t donné,
L a connexion d'une action utile est le S A F amplifie le modèle élémentaire le
sélectionnée par la sensation S„ qui traduit plus actif en le faisant émerger dans
le besoin d u « corps » C . L e modèle la conscience. C e modèle est la pensée.
d'actions A " (l'ensemble de neurones Tous les autres modèles subissent
Modélisation d e l'intellect h u m a i n 81
un certain freinage et demeurent dans A partir de l'image M O et de la
le subconscient. O n voit, sur le schéma, sensation S , l'énergie d'activation est
qu'à un m o m e n t donné c'est le transmise vers le modèle d'action A " qui,
modèle-image M O qui est la pensée. m ê m e s'il se trouve encore dans
L'irruption de ce modèle dans le subconscient, a déjà été
la conscience est provoquée non seulement sensiblement amplifié. O n peut supposer
par une excitation externe venant que, dans l'instant qui suivra, le modèle
du récepteur R x mais également par d'action A " , amplifié par le S F , pénétrera
une amplification venant de la sensation, dans le conscient et deviendra
sous l'effet d'un besoin du corps C . la « pensée » suivante.
82 Nikolaï M . Amossov
élaboration assez loin. Je m e bornerai donc Premier groupe. Les principaux critères
aux notions essentielles. spécifiques découlant de la nature biologique
et sociale de l'homme. Il s'agit de l'instinct
Les sensations de conservation, de l'instinct de la perpétua-
tion de l'espèce, de l'instinct grégaire (socia-
C e sont les sensations qui servent de critères bilité, aspiration au rôle de chef, sympathie)
pour mesurer l'efficacité avec laquelle le cer- et des sentiments sociaux (convictions, foi,
veau contrôle le milieu extérieur. L e niveau autorité).
d'activité d u modèle des sensations ou de Deuxième groupe. Sensations « auxiliaires »,
l'excitation de son centre est déterminé di- génératrices de plaisir d u seul fait de la
rectement par le degré de satisfaction d u perception d u milieu d'une activité, de la
besoin, autrement dit par la « récompense » réalisation d'un objectif, du repos.
que le milieu offre en réponse aux actes de Troisième groupe. Critères « opératoires »,
l ' h o m m e . N o u s introduirons encore un signe qui suscitent des actes avec modèles, tels que
d'activité dans le modèle : depuis (—) « dé- la comparaison, la généralisation, la prévision.
sagréable » , indiquant l'insatisfaction, jus- Quatrième groupe. L e critère intégral
qu'à ( + ) , « agréable », marquant la pleine « agréable-désagréable », résultat de la s o m m e
satisfaction. L'intellect doit assurer une acti- des composantes agréables ( + ) et désagréa-
vité telle que la « récompense » accordée bles (—) de toutes les sensations. Son niveau
en retour par le milieu lui fasse atteindre détermine le « confort moral » ou le bonheur
le m a Y i m n m d'une sensation agréable, o u de l ' h o m m e . L e comportement de l ' h o m m e
d u moins atténue une sensation désagréable. est orienté vers l'accumulation, par la satis-
L a différence entre u n degré donné de ré- faction de sensations partielles, d u nombre
compense et le point de saturation maximale maximal de signes « plus ».
de la sensation représente la grandeur d u A chaque besoin-sensation correspond u n
besoin qui s'exprime par l'ampleur de la acte « primaire » : « saisir », « courir »,
« récompense » (par exemple, la nourriture). « prendre possession », « commander », « se
L e stimulus de l'activité s'exprime par une soumettre », etc. L'acte émane du stimulus-
intensification correspondante de la sensa- désir. L'accomplissement de cet acte dépend
tion S . N o u s l'appellerons « intensité d u de la « résistance » de l'objet et de la condi-
désir ». tion des organes moteurs. Pris dans leur
L a récompense comprend non seulement ensemble, ils déterminent le caractère « pé-
ce qui a déjà été reçu mais ce qui le sera à nible », « difficile » ou « fatigant » de l'acte
l'avenir, c'est-à-dire la réponse attendue, prévu. Il s'agit d'une sensation qui porte le
affecté d'un facteur de correction dit « de signe opposé à celui du « désir ». L e stimulus
réalité » quitientcompte de la probabilité de total équivaut à la différence entre le « désir »
la récompense et d u délai d'attente. et la « difficulté ».
Les diverses sensations-stimuli, activant
de manière sélective les modèles d'objets et Système <t amplification-freinage » (SAF)
d'actes propres qui leur sont associés, c o m -
mandent l'intellect, dont le rôle consiste uni- C'est par le mécanisme de la conscience que
quement à leur offrir le choix entre plusieurs l ' h o m m e , face à plusieurs besoins dans u n
voies pour atteindre le but recherché, satis- milieu qui se modifie, choisit ses actes. N o u s
faire aux besoins ou saturer les sensations, ce définissons ce choix c o m m e l'action de pri-
qui revient au m ê m e . vilégier u n modèle par rapport à tous les
N o u s avons divisé les besoins-sensations autres. Pour cela, nous postulons u n système
en quatre groupes selon le principe qui est à d' « amplification-freinage » (SAF) dont le
la base de l'acte. schéma est représenté sur la figure p . 81.1
84 Nikolaï M . Amossov
de la succession des actes, c'est-à-dire de des objectifs particuliers, qui peuvent eux-
la contraction des différents muscles d u m ê m e s être fractionnés en A F encore plus
modèle de changement réflexe de l'objet, petits, etc. Tout en bas de l'échelle, on trouve
ou modèle des efforts nécessaires. des mouvements dits inconscients qui s'ef-
Décision : intégration d u plan dans l'acte fectuent sans connexion au S A F . Les stimuli
si le stimulus-désir est plus fort que la des A F subalternes sont empruntés aux A F
s o m m e des « freins » qui retardent la réali- d'ordre supérieur.
sation de l'objectif. U n autre exemple : les systèmes parallèles
Actes : c'est la réalisation d u plan, c'est-à- d ' A F orientés vers la satisfaction de besoins
dire de la succession d'actes contrôlés par divers. Dans ce cas, les différentes étapes
la rétroaction, à savoir les changements de d'un A F sont séparées par des intervalles qui
l'objet et les efforts déployés. Si les stimuli servent à l'accomplissement d'un autre A F .
sont incohérents ou insuffisants, l'acte L a possibilité d'alterner les différents A F
prend fin et u n nouveau plan est mis au dépend de la nature des besoins ; les uns
point. « se fatiguent » ou se « saturent », laissant d u
Les trois premières étapes se font par « cer- temps à d'autres A F orientés vers la satis-
cles » concentriques : d'abord une perception faction d'autres besoins. Les plans des A F
superficielle donne une image floue dont sont constamment réexaminés durant les
l'identification et revaluation se font de périodes où le sujet « pense » entre les actes,
manière approximative. Si le bilan est positif lorsque le S A F est déconnecté des récep-
c'est-à-dire si le « désir » l'emporte sur teurs et connecté aux modèles emmagasinés
Ï' « effort », le stimulus augmente et, dans dans la mémoire pour appeler les souvenirs
u n deuxième « cercle », s'effectuent l'étude et procéder à une nouvelle planification.
de l'objet — orientée vers u n butfixé— une
analyse détaillée et une planification précise. Pensée imagée. L'activité de l'intellect est
Ainsi, l'acte fonctionnel tout entier est c o m - fondée sur l'interaction de modèles-images.
m a n d é par les stimuli-besoins-sensations. O n L'image visuelle d u milieu représente une
se trouve ici en présence de critères non seu- succession de modèles-sons, de modèles-
lement spécifiques mais « auxiliaires » qui sensations. Les mouvements sont une suc-
reflètent l'intérêt des actes m ê m e s . Ils orien- cession des activations des modèles qui
tent dans une grande mesure l'activité lors commandent les muscles. Dans la repré-
d u passage d'une étape de l'acte fonctionnel sentation d u m o n d e extérieur ou dans u n
à la suivante. plan d'actes, on distingue toujours des o b -
jets « centraux », perçus dans tous leurs
Signification détails par une vision focalisée, et des objets
périphériques dont la perception est floue.
Toute l'activité de l'intellect se ramène à la L'identification de l'objet central fait appel
planification et à la réalisation d'actes fonc- à la conscience, tandis que les objets péri-
tionnels. U n intellect complexe est généra- phériques sont peut-être identifiés dans le
lement occupé par plusieurs A F ayant des subconscient mais de manière approxima-
objectifs différents, bien qu'à chaque m o - tive ; autrement dit ou bien on reconnaît une
ment l'actualisation se limite à u n seul A F , image très familière ou bien o n ne discerne
les autres n'étant connectés qu'aux fins de qu'une catégorie générale de concepts, par
planification. Les rapports entre les A F peu- exemple : animal ou être humain, adulte ou
vent être différents. L e cas le plus simple est enfant.
celui de la hiérarchie. U n A F de longue Il s'ensuit que le modèle-image-phrase
durée visant u n objectif lointain se compose complexe d u premier ordre se trouve pour
de nombreux A F de plus courte durée, ayant ainsi dire transcrit dans sa « propre langue »
86 Nikolaï M . Amossov
de savoir qu'à u n m o m e n t donné le « moi » Cela crée le « sentiment » d'être. L a cons-
perçoit, discerne, évalue, planifie, agit. cience ne peut contenir qu'un assemblage
N o u s définissons le troisième niveau restreint de modèles élémentaires, deux ou
c o m m e la faculté de suivre les pensées et, trois au plus. Malgré cela, et aussi étrange
par conséquent, l'aptitude à se connaître que cela puisse paraître, lors d'une pensée
soi-même et à entrer dans le m o n d e d'autrui. brève, l ' h o m m e connaît le contenu de la
Cela élargit sensiblement le cercle des m o - pensée suivante. L e phénomène est analogue
dèles dans la mémoire permanente et active, à ce qui se passe dans la perception visuelle
augmente la faculté de prévision et prolonge d u fait de la vision périphérique, lorsque le
la durée de la planification. C'est ainsi que regard se focalise sur u n objet unique pensée-
se trouvent réunies les conditions néces- figure mais perçoit en m ê m e temps, de
saires aux manifestations de la volonté et à manière floue, d'autres objets (le fond de
l'autoéducation. l'image). L a frontière entre conscient et sub-
L e rôle d u subconscient diminue à mesure conscient n'est pas très nette. L ' u n des m o -
que s'élève le niveau de la conscience dans la dèles est actif mais les modèles voisins sont,
mesure où de nombreuses pulsions subcons- eux aussi, activés dans une certaine mesure,
cientes et obscures se dévoilent et font l'objet m ê m e s'ils se présentent sous une forme
d'une évaluation et d'une critique. généralisée et incomplète. Pour la c o m m u -
tation suivante, le S A F choisit le plus actif
Un choix de modèles parmi les modèles les plus proches. Les sen-
sations y jouent u n rôle important en four-
L'intellect humain est u n réseau gigantesque nissant une large part de l'énergie nécessaire
de modèles. N o u s avons tenté de le systé- à l'activation d u modèle suivant et suffisante
matiser quelque peu en situant les modèles pour faire intervenir le S A F .
sur plusieurs coordonnées. N o u s avons isolé
les objets, les h o m m e s , rinformation et le Travail et création. L e travail peut être assi-
sujet (« moi ») en les plaçant sur deux plans milé à u n acte fonctionnel quelconque. Il se
parallèles : modèles imagés et modèles parlés, fonde essentiellement sur une « lecture », par
avec différents degrés de généralisation. Tous des mouvements ou des contractions m u s -
les éléments se rattachent à des coordonnées culaires, d'un modèle d'image visuelle ou
temporelles — passé, présent, futur et in- sonore.
temporel — et à des coordonnées polaires L a création est la production de modèles
spatiales. Il s'y ajoute ensuite la coordonnée nouveaux et leur matérialisation par des
d u réel. Cependant, la coordonnée principale moyens physiques, c'est-à-dire par le travail.
de tout modèle est son activité. Les liaisons L e point de départ est le modèle d'images.
représentent la relation entre u n modèle L a création est constamment présente dans
donné et le modèle d'une autre classe, de la planification de tout acte fonctionnel au
sorte que, pris ensemble, ils peuvent se m o m e n t où se forme le modèle des actes
comparer à une sorte de construction spatiale. futurs. Dans la plupart des cas, l ' h o m m e
Tous les modèles sont reliés aux points planifie en triant : sur la base d'un modèle
de l'acte fonctionnel à partir desquels se font généralisé, il réunit la succession des modèles
les opérations. L e mécanisme de la cons- d'actes concrets. Pour chaque variante, il
cience s'exprime par une activité constam- détermine la difficulté et le coefficient de
ment élevée des modèles d u « moi », des réalité. O n sait cependant que les problèmes
sensations et du réglage des récepteurs, ainsi les plus difficiles ne peuvent être résolus par
que par l'amplification périodique d'un m o - u n simple tri. Les personnes douées trouvent
dèle qui définit l ' h o m m e dans l'espace, dans des solutions originales en les empruntant à
le temps et dans ses rapports avec autrui. d'autres branches d u savoir et, parfois, les
88 Nikolaï M . Amossov
satíon de l'action selon de nombreux critères- Cela n'est malheureusement pas encore
sensations avec prévision et planification. O n possible. N o u s travaillons sur l'apprentissage
avait prévu des généralisations diverses des des liaisons et des ensembles mais nous ne
modèles : apprentissage, oubli, voire l'in- pouvons espérer disposer de grands réseaux.
fluence du « caractère » sur le comportement. Les modèles typiques de réseau, construits
L'essentiel d u travail consistait à calculer sur ordinateur numérique, n'ont, eux non
les variations, par unité de temps, de l'ac- plus, aucune perspective d'avenir.
tivité des modèles élémentaires en fonction Il faut chercher la solution ailleurs. Elle
des sensations et d u S A F . L'expérience a nous est suggérée par l'hypothèse fonda-
montré les limites de cette méthode car il est mentale. C o m m e on l'a déjà indiqué, la
difficile de calculer les variations de l'acti- pensée au niveau d u conscient consiste en
vité des modèles lorsque leur nombre dépasse une succession de commutations de modèles
la centaine et la capacité de transmission des selon le schéma de l'acte fonctionnel sous
liaisons lorsque leur nombre dépasse le mil- l'effet d u S A F . Cela correspond au prin-
lier, tout c o m m e il est difficile d'ajuster les cipe de l'algorithme, en tant que séquence
programmes. L a méthode ne vaut que pour d'actions. L a connexion d u modèle suivant
de petits réseaux. L e cerveau humain fonc- dépend d u degré d'activité du modèle précé-
tionne selon le principe d'une calculatrice dent, présent dans la conscience, et d u m o -
analogique et n o n d'une calculatrice n u m é - dèle de la sensation et de l'action primaire.
rique. C'est pourquoi nous avons décidé, il Mais elle ne dépend pas uniquement de ces
y a cinq ans, de travailler sur des réseaux de modèles. Elle estfiéeaussi au niveau de sortie
modèles fondés sur des éléments physiques. de l'activité des modèles et à l'efficacité des
Malgré la modicité de nos moyens techni- liaisons qui les unissent. Ces grandeurs sont
ques, nous avons réussi à créer une petite formulées dans le subconscient. Il s'ensuit
voiture robot commandée par u n intellect que les divers actes de commutation de la
primitif. Elle évolue toute seule dans une pensée, obéissant à u n algorithme, doivent
cour, contournant les obstacles et choisissant être complétés par un inventaire de l'activité
le meilleur trajet pour atteindre le but fixé. de tous les modèles emmagasinés dans la
mémoire, selon le principe appliqué dans les
Peut-on reproduire l'intellect humain ? modèles de réseau, avec cependant cette dif-
férence importante que l'inventaire peut
Peut-on espérer reproduire l'intellect humain s'effectuer toutes les cinq à dix périodes de
et par quels moyens ? Notre expérience de conscience et non pas à chacune d'entre elles.
la modélisation et notre hypothèse sur la Cela permet de réaliser une économie ap-
pensée nous mettent à m ê m e de comprendre préciable de temps d'ordinateur.
la difficulté d u problème. A l'heure actuelle, nous élaborons des
L a solution idéale serait de construire u n modèles de l'intellect où nous nous efforçons
très grand réseau physique composé d'élé- de concilier l'approche algorithmique avec
ments électroniques représentant des m o - l'approche par réseau. N o u s espérons ainsi
dèles d'objets, de qualités, d'actes et de sen- reproduire une pensée spécifiquement h u -
sations. L e réseau devrait comprendre u n maine ayant une conscience du second degré
S A F capable de former de nouvelles liaisons et possédant le langage, ne fût-ce que dans
et des ensembles de modèles élémentaires u n domaine d'activité très limité. Si difficile
(« phrases ») qui refléteraient les images et qu'il soit, ce problème ne nous paraît pas
les situations du m o n d e extérieur, autrement insoluble.
dit les actes fonctionnels de l'activité propre
et, dans l'ensemble, toutes les particularités
du psychisme, y compris le langage.
90 Nikolai M . Amossov
Lettres
Répondant à notre dernier numéro, consacré à impossible que cela crée une véritable révo-
« L'enseignement des sciences de l'ingénieur » lution dans l'enseignement de la physique.
(« Engineering Education Today »), un emi- L a méthode généralement employée pour
nent professeur de physique propose une méthode résoudre les équations différentielles par les
nouvelle pour remplacer l'analyse numérique procédés numériques est itérative, procédant
lorsque l'étudiant ne dispose pas de calculatrice par différences finies. Je vais vous l'expliquer
programmable de poche. C'est le professeur à l'aide de l'exemple suivant : u n e m ê m e
Eric Mendoza, Amos De- Shalit Science Teach- série de calculs doit être répétée à plusieurs
ing Centre, 18 Rehov Neve Sha'anan, Jéru- reprises et des tables représentant les va-
salem (Israël), qui est notre correspondant. riables doivent être établies. Ces nombres
(ou leur graphique) sont les produits finals
des calculs. L'étudiant ou le professeur doit
L e prix des calculatrices de poche a suffi- alors les interpréter tout c o m m e o n doit le
samment diminué pour permettre à b o n faire lorsque la solution symbolique d'une
nombre d'étudiants, au lycée o u à l'univer- équation différentielle fait l'objet d'une dis-
sité, d'avoir la leur. Toutefois le rôle joué par cussion ou d'une interprétation.
ces calculatrices dans l'enseignement n'est Les méthodes itératives sont celles qu'uti-
encore que minime. L'objection la plus fré- lisent les grands ordinateurs qui effectuent
q u e m m e n t soulevée porte sur le point de très rapidement les opérations. E n principe,
savoir s'il est équitable q u ' u n étudiant a p - on peut effectuer les m ê m e s opérations en
porte u n e calculatrice lorsqu'il se présente appuyant sur les touches d'une calculatrice
à u n examen, dans la mesure o ù cela peut de poche mais, évidemment, à une vitesse
l'avantager par rapport à celui qui n'en a pas. considérablement moindre. Les calculatrices
Cet argument porte en réalité sur la substi- de poche programmables, relativement nou-
tution de nombres aux symboles dans les velles sur le marché, sont déjà à peu près dix
formules obtenues selon les méthodes d'ana- fois plus rapides que les calculatrices m a -
lyse traditionnelles, employant, par exemple, nuelles ; leur emploi avec des méthodes
des équations différentielles résolues par les itératives a retenu quelque attention [ï]1.
méthodes normales d'intégration. Dans les pays riches, ces calculatrices sont
M o n propos est de montrer que les cal- vendues dans le c o m m e r c e ; leur prix dé-
culatrices de poche peuvent avoir u n tout gringole rapidement, c o m m e cela avait été
autre emploi — elles peuvent permettre de
résoudre des équations directement, en sui- ï. Les chiffres entre crochets correspondent aux
vant les méthodes numériques. Il n'est pas notesfigurantà lafinde cette lettre.
92 Lettres
E n se servant de (Cj, — C r ) = R , on peut O n procède c o m m e suit :
intégrer cette équation pour obtenir : Imaginons qu'on réduise u n peu le
V * = constante. (4) volume, disons de 50 c m 3 (c'est-à-dire
que de 1 000 x io - 6 m 3 , on le ramène à
Bien qu'elle soit claire, cette analyse apparaît 950 x i o - 6 m 3 ) . Pour arriver à cela, il
souvent c o m m e une mystérieuse jonglerie nous faut une pression légèrement supé-
de mathématicien (comme c'est si souvent le rieure à io6 N m - 2 (pression d u gaz).
cas en thermodynamique), bien éloignée du L'aspect physique de cette compression est
domaine de la physique. C'est ce que nous que le travail effectué sur le gaz est de :
voulions éviter. io5 X 50 X io - 6 = 5J (ou en symboles :
— p - A V , A V indiquant l'augmentation de
Méthode de calcul spécifique volume, et p la pression). Donc la tempéra-
ture s'élève de 5/I = 10 K (en symboles,
L'analyse par méthode numérique (on prête A T = —p - A V / C , , ) , atteignant ainsi la tem-
une calculatrice de poche à chacun des étu- pérature de 3 io° Kelvin. A lafinde cette fai-
diants de la classe) a été développée afin de ble compression, le volume est de 950 c m 3 ;
bien montrer qu'un seul principe de phy- donc la pression est : p = r T / V = i X 310
sique est en jeu — réchauffement résultant X 950 x io - 8 = 1,0877 x I o 5 N m - 2 .
du travail fourni pendant la compression Pour la petite compression qui suit, il
exprimé ci-dessus dans l'équation (2). Pre- faut prendre une pression supérieure à :
nons 1 litre d'un gaz parfait à une tempéra- 1,0877 x IQ5 N m - 2 , à la température de
o
ture de 300 Kelvin (voisine de la tempéra- départ de 310 0 Kelvin. Mais le calcul se fait
5 - 8
ture ambiante) à une pression de io N m de la m ê m e manière. O n peut généraliser le
(voisine de 1 atmosphère). L e gaz suit le procédé (en se servant de l'indice «, qui
rapport pV = rT, où r = i J K _ l et la quan- indique le stade de l'opération) dans le pro-
tité de chaleur latente C„ de toute la masse gramme 1, calcul qui doit être répété un cer-
de gaz est de : \ J K - 1 (en fait, cela veut dire tain nombre de fois jusqu'à obtention du
qu'on doit prendre à peu près 0,04 g/mol de résultat recherché.
gaz monoatomique). L e gaz est comprimé Ce schéma des calculs à faire est l'algo-
à 500 cm 3 , soit la moitié du volume initial, rithme, et le déterminer est l'une des phases
sans déperdition de chaleur. Quelle tempé- créatives de cette analyse. L'algorithme doit
rature atteindra-t-il alors ? Et quels seront alors être reproduit dans une série d'opéra-
les rapports p-W-T pendant la compression ? tions « presse-bouton ». A la différence de
Je vous prie de remarquer que nous nous l'algorithme, ce programme dépend du type
bornons ici à essayer d'analyser un exemple de machine utilisée.
numérique spécifique. Les lois générales ne Deux remarques concernant l'algorithme
pourront être établies que plus tard. ci-dessus : a) le calcul de V „ est si simple que
Programme 1
calculer ATn = - p „ _ 1 . A V J C
calculer T„ = T » . ! + A T n et l'inscrire
calculer Pn = r • T„/V„ et l'inscrire
Lettres 93
les valeurs sont évidentes à la lecture et peu- » = 10, c'est-à-dire V „ allant de 1 000 à 500)
vent être inscrites immédiatement ; les deux peuvent être inscrites immédiatement.
premières lignes du tableau n'offrent donc L'ordre dans lequel on doit appuyer sur
plus aucun intérêt ; b) la quantité—AVJC,, les touches à la B"*™* fois de l'algorithme est
reste constante pendant chacune des étapes indiqué dans la première colonne du pro-
du calcul, de sorte qu'on a intérêt à la rete- gramme 2 . Les trois premières opérations
nir ; elle est de io~* dans nos unités. indiquées au-dessus de la ligne pointillée ne
doivent servir que pour la première des
Séquence à touches « presse-bouton » phases du cycle (où n = 1) ; on lit donc
E N T E R T 0 * M * E N T E R / » 0 * . Si toutefois on
La calculatrice dont on se sert à Everyman's a commis une erreur et qu'il faille recommen-
University comporte une référence de l'ex- cer la séquence, on peut avoir à se resservir
posant ; c'est-à-dire que 4 x io _ ï est entré de ces opérations. Dans la deuxième colonne
dans la séquence « presse-bouton » sous la du programme 2 figurent les commentaires
forme : 4 * E X P * 3 * C H A N G E S I G N * , dans et dans la troisième les nombres où n = 1.
laquelle l'astérisque (*) indique qu'il faut Dans les reprises suivantes de la séquence,
appuyer sur une touche. L a calculatrice a la valeur de Tn_t se trouve déjà dans la
également une mémoire ; il faut appuyer sur mémoire etp B _ 1 apparaît sur le cadran lumi-
la touche M pour introduire le nombre figu- neux, de manière qu'on commence au point
rant sur l'écran de visualisation. L a touche indiqué par laflèche.L a liste des valeurs de
AIR rappelle les valeurs mises en mémoire p et T s'établit progressivement (les valeurs
sur l'écran lumineux. Il faut alors préparer de V ayant déjà été inscrites).
des colonnes pour dresser une liste des va- Le temps nécessaire au calcul de chaque
leurs correspondant à V „ , T „ et pn. Les élément est d'une demi-minute environ. A
valeurs de V „ (à partir de n = 0 jusqu'à force de répéter la séquence, onfinitpar la
Programme 2
->• x -> x
-AV„/C, AT„ = - Î W _ 1 . A V / C , r E X P 4 chgt. S I G N
+ T B _ ! sur l'écran de
+
MR 300
visualisation
= T n sur l'écran 310
M T n dans la mémoire 310 dans le mémoire
Recopier sur la liste Recopier 310 pour T t
T
X -7-
r 3
~7"
V„ (sélectionner sur ~950 E X P 6 chgt. S I G N
la liste)
= Pn = rTJVn 1,0877 E X P 5
— Recopier dans la liste — Recopier 1,088 X 10 s
Pn pour f>!
94 Lettres
Programme 3 .
V„ T„ pn
connaître par cœur, en partie ou en totalité, L'étudiant peut calculer y pour le gaz
et le calcul s'opère encore plus vite. Pour les (connaissant les valeurs de C v et de r, il sait
étudiants, la meilleure formule semble être que C p - =Cv + r, et, partant, que y = 1567)
de travailler à deux si possible, l'un énonçant et il peut admettre que, si l'on faisait le calcul
tout haut- les:- nombres et les inscrivant, par étapes infinitésimales au lieu de procéder
l'autre appuyant sur les touches adéquates par diminution discrète d u volume, l'expo-
(ce dernier doit avoir le programme sous les sant serait y lui-même et non pas 1,64.
yeux). Ensuite on peut prendre, en les groupant
Pour tout calcul," il est indispensable de par deux, n'importe quelles lignes consé-
vérifier si les nombres obtenus ont une signi- cutives d u - p r o g r a m m e pour déterminer
fication réelle ou s'ils correspondent seule- l'élasticité adiabatique d u gaz nécessaire, par
ment aux détails de la méthode utilisée. O n exemple, dans le calcul de la vitesse d u son.
peut le faire en changeant sensiblement l'ac- Avec les deux premières lignes on trouve
croissement de la variable indépendante; — V-A/>/AVégalài,7i x io5Nm-2.Ilest
dans le cas d'espèce, cela équivaut à refaire facile de calculer que, si la compression était
dans l'ordre une série de calculs, en adop- isotherme et si p0 V 0 = Pi V „ l'élasticité se-
tant, disons, une diminution de volume de rait de 1,053 X I o 5 N m - 2 . L e rapport entre
25 c m 8 . O n s'aperçoit rapidement que cela ne les deux élasticités est de 1,62 ; là encore, on
modifie guère les résultats, de sorte que peut admettre que le rapport est égal à y dans
ceux-ci sont acceptables. O n peut également le seul cas de faibles augmentations. O n peut
améliorer l'algorithme (une fois qu'on a bien étendre ces résultats aux gaz diatomiques si
compris l'algorithme simple) en choisissant l'on prend C„ = | r , à condition de faire
une pression moyenne de i (Pn-i ~r />»)» passer — à W J C , de i o - 1 à 6 x i o - s . L'ex-
c o m m e pression à employer pendant la c o m - posant d u graphique logarithmique m e n -
pression. Mais l'algorithme apparaît alors tionné est 1,39, qui se compare avec
nettement plus complexe et la précision sup- y = MO.
plémentaire n'en vaut pas la peine. Cet exemple semble bien prosaïque aux
physiciens qui ont des calculatrices program-
mables. Néanmoins, il illustre bien u n cer-
Analyse des résultats tain nombre de points. Premièrement, la
Q u a n d on fait u n graphique de/>„ et V „ sur phase de l'opération « presse-bouton » n'est
papier logarithmique, o n voit que le gaz qu'une partie limitée de l'opération qui
obéit à la loi: comprend l'établissement des : courbes et
leur interprétation, et - devrait également
_yi-«* __ constante. (5) comprendre (de préférence) la traduction par
Lettres 95
l'étudiant de l'algorithme en u n programme moniques d'un corps dans une fonction po-
et sa vérification. tentielle voisine de la parabole peuvent se
Deuxièmement, nous avons suivi une m é - traiter aussi facilement que les vibrations
thode numérique pour nous attaquer à u n harmoniques. A u niveau atomique, les vibra-
problème de thermodynamique — science tions anharmoniques sont à la base de l'ex-
généralement considérée c o m m e exigeant pansion thermique ; elles sont traitées dans
une certaine pureté d'approche et, de ce fait, le programme « Atomes, molécules et pro-
passant, aux yeux de la plupart des étudiants, priétés de la matière » déjà cité.
pour la partie la plus terne de la physique. E n général, on réserve le sujet en question
A u contraire, dans la situation exposée ci- pour u n stade plus avancé du programme, à
dessus, l'étudiant se trouve confronté à des cause de l'aspect si embrouillé des mathé-
quantités réelles. L e fait que la compression matiques. Mais, parce qu'il est très facile de
d'un gaz soit suivie étape par étape lui fait traiter numériquement des oscillations an-
bien mesurer que la pression utilisée pour harmoniques, on a jugé possible de présenter
comprimer le gaz doit toujours être légère- ce sujet dans la première partie d u cours
ment supérieure à celle exercée par le gaz — où elle a sa place logique.
lui-même ; l'établissement progressif du pro- Il y a cependant encore un autre exemple,
g r a m m e démontre clairement cette nécessité. plus connu celui-là, dans lequel les m é -
Cela permet au professeur de partir de cette thodes numériques peuvent aider à démythi-
base pour développer sa leçon, pour faire fier un sujet compliqué : celui du pendule
ressortir que c'est là u n moyen idéal -- simple soumis à de fortes oscillations. N u -
d'élaborer u n processus adiabatique et qu'il mériquement, on se sert seulement du sinus
doit se dérouler avec une lenteur infinie, de l'angle (au lieu de l'angle lui-même) en
affirmation qui déconcerte généralement les calculant les accélérations, ou d'un terme de
étudiants. l'espèce M G L (I — cos. 6) pour l'énergie
Enfin, il convient de remarquer que notre potentielle (au lieu d'un terme , c o m m e
cours n'a pas pour objet de s'en tenir à 1/2 M G I0a). Par voie d'analyse, on est obligé
l'étude de la thermodynamique, mais de pré- de se servir de fonctions elliptiques et le
lever certains résultats techniques (mesures sujet ne figure généralement pas dans les
de chaleur spécifique) qui, à u n stade ulté- programmes de physique, malgré son impor-
rieur du programme, permettront de fournir tance. Avec une calculatrice de poche, c'est
des informations sur l'atomicité des molé- aussi facile à résoudre et à interpréter qu'un
cules. Dans ces conditions, la méthode n u m é - mouvement harmonique pur et simple.
rique est probablement suffisante. N o u s espérons que l'exemple donné ici
encouragera les professeurs de lycée et d'uni-
Applications de la méthode versité à faire l'expérience de cette méthode
pédagogique solide. Il n'y a pas besoin d'at-
J'ai sélectionné u n programme donné et la tendre l'avènement des calculatrices . pro-
place qu'il occupe dans une série de cours grammables pour commencer à l'appliquer.
donnée, mais les méthodes numériques peu-
vent être employées dans toute la physique. ERIC MENDOZA
L'analyse numérique des problèmes de dy-
namique traitant d'accélération variable est
probablement familière à de nombreux lec-
teurs; cependant l'avantage qu'offrent les Notes .
méthodes numériques apparaît vraiment
1. E I S B E R G , R . Applied mathematical physics
lorsqu'on s'attaque à des problèmes non with programmable pocket calculators.
linéaires. Par exemple, les vibrations anhar- New York, N . Y . , McGraw-Hill, 1977.
96 Lettres
2. M E N D O Z A , Ë . Pocket calculators and 4. Pour certains problèmes de dynamique,
numerical methods in physics teaching. les calculs aléatoires, y compris l'entropie
School sei. rev., vol. 56, juin 1975, p. 718. . et l'équation de Schrödinger, voir la note 1.
3. S C H M I D T , S. Fourier analysis and synthesis Certains problèmes de dynamique figurent
with a pocket calculator. A m . j. phys., également dans l'article cité dans la
vol. 45, janvier 1977, p. 79. note 2.
Lettres 9 7
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La Fondation
Fredrik R . Bull
s'adresse à vous
Après quelques mois de travail silencieux, la Fondation Fredrik R . Bull vient
d'annoncer pour juin 1978 son premier symposium, sur le thème :
« L'Informatique, l'homme et le travail ».
Réunissant tous ceux que le sujet préoccupe, des commissions spécialisées
. accueilleront quiconque souhaiterait encore se joindre à leur réflexion pour
sa préparation.
" Vous qui allez entrer demain dans la vie active, vous devriez y tenir une
grande place. L a Fondation Fredrik R . Bull mise particulièrement sur vous
pour exprimer au symposium vos craintes et vos espoirs puisque, sans l'avoir
toujours cherché, vous rencontrerez l'informatique à chaque instant et vous
cohabiterez avec elle.
L a fondation vous propose de rédiger u n mémoire d'une quinzaine de
pages exposant librement votre point de vue à cet égard. Elle s'adresse aussi à
ceux d'entre vous qui, à l'occasion d'un stage, d'une thèse, etc., souhaitent
mener une enquête sur la réalité de l'informatisation dans certains secteurs,
sur ses conséquences psychologiques et sociales, c o m m e sur ses retombées
possibles.
Les trois travaux les plus originaux vaudront à leurs auteurs des
encouragements en espèces (10 000, 7 500 et 5 000 francs).
E n choisissant ainsi d'aborder de front u n sujet qui se trouve au centre des
préoccupations des h o m m e s d'aujourd'hui, la Fondation Fredrik R . Bull reste
fidèle à sa vocation d'être u n point de rencontre d ' h o m m e s libres, u n forum
ouvert sans restriction ni contrainte à tous ceux qui ont quelque chose à dire.
Vol. 27 (1977), n° 3