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DE LA COMMUNICATION
Licence 3
Droit Public
Deuxième semestre
Pr Jean Tobie HOND
INTRODUCTION GENERALE
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de communication permet des échanges et des diffusions d’informations
dans l'espace public. Dans cette logique, les mots et les informations
diffusées n'engagent plus que leurs auteurs, mais aussi les liens sociaux qui
se créent dans le champ social et peuvent entrainer des conséquences
suffisamment troublantes pour le bon ordre social. C’est ce qui justifie
l’intervention de l’Etat dans sa fonction régulatrice.
Pour Michel Mathien, « c'est dans l'espace public, caractérisé par
l'indistinction de tous ceux qui y circulent, que nous avons besoin de médias
pour représenter notre appartenance, notre citoyenneté et les choix qui
structurent nos pratiques sociales ».C'est à ce niveau qu’interviennent les
médias comme support de la médiation, c'est-à-dire de la relation entre les
acteurs singuliers de la sociabilité et les structures collectives de leur
appartenance. (Michel Mathien. Economie générale des médias, Ellipses,
Infocom, 2003).
C- Communication et information
La notion de communication est très souvent rapprochée de celle
d’information. Si la communication suppose une relation entre l’émetteur et le
récepteur d’une information, l’information quant à elle, renvoie à un contenu.
Ainsi perçue, l’information peut, en fonction des situations, être appréhendée
comme un bien (si l’on considère sa rareté), un produit (si l’on considère sa
reproduction massive), une marchandise (si l’on considère sa valeur), ou un
service (si l’on considère son utilité).
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Toutefois, l’on ne peut dissocier la liberté de communication des valeurs les
plus fondamentales de la démocratie libérale. Cette liberté est donc le
support de l’information à destination des citoyens.
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Première partie
l’information et de la communication
Chapitre I
Un droit appréhendé sous l’angle de la liberté d’expression
Section 1
La consécration textuelle de la liberté d’information
et de communication
Sans prétendre à l’exhaustivité, nous limiterons le champ de nos
développements à un certain nombre de textes fondamentaux, en
commençant par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC)
de 1789, la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le pacte
relatif aux droits civils et politiques, la Convention Européenne des Droits de
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l’Homme et des Libertés Fondamentales (CEDHLF) et la charte africaine des
droits de l’homme et des peuples de 1981.
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que «le préambule fait partie intégrante de la constitution ». Ces deux
disposition confirme, s’il en était encore besoin, la valeur constitutionnelle de
la liberté de l’information et de la communication. (ce référent constitutionnel
consacre une valeur constitutionnelle à ce droit).
Il s’agit :
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Cependant, ce caractère obligatoire propre à garantir l’effectivité des droits et
libertés ainsi reconnus est limité en l’absence de mécanismes de sanctions et
d’obligations positives, qui ont été laissés à la charge des Etats.
7
I - Une consécration textuelle
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radicale. L’on peut rappeler à ce sujet que la loi du 21 décembre 1966 sur la
Presse exigeait notamment que les publications des organes de presse
apparaissant à cette époque soient soumises avant leur impression à
l’appréciation des autorités administratives compétentes, qui pouvaient alors
décider de leur parution ou non. De plus, les sanctions prévues à l’encontre
des publications jugées « subversives » ne se limitaient pas seulement à la
censure ou à la suspension des titres incriminés, mais atteignaient parfois les
Directeurs de publication des organes en cause ou les auteurs des susdits
titres (C’est dans ce contexte que Célestin LINGO, Directeur de L’Essor des
jeunes, a été incarcéré de 1970 à 1975 au camp de Mantoum).
Mais de manière générale, l’on peut affirmer que depuis le début des années
90, la Presse au Cameroun est passée à une phase nouvelle de son histoire à
travers la volonté des pouvoirs publics de promouvoir la liberté d’expression
telle que garantie par la Constitution de la République même si certains
observateurs y ont plutôt vu une sorte de résignation des autorités étatiques
face à un mouvement de libéralisation que l’on dit venu des pays de l’Europe
de l’Est au début des années 90 et qui, au renfort d’une forte pression
populaire, aurait contraint les chancelleries africaines à une réorientation de
leurs politiques dans le sens d’une plus grande prise en compte des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.
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En tout état de cause, la Presse camerounaise s’est substantiellement
émancipée, avec l’émergence d’une culture de la liberté qui dans certaines
situations se retrouve aux confins de la permissivité.
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L’on peut dans ce cadre mentionner le conseil national de la communication,
créé par l’article 68 de la loi du 19 décembre 1990 relative à la liberté de la
communication sociale et réorganisé par le décret n 2012/038 du 23 janvier
2012, dont l’article 3(2) dispose qu’il « veille au respecte de la liberté de
communication sociale conformément à la constitution et aux lois et
règlements en vigueur ».
A coté de ces institutions étatiques, l’on peut aussi relever la fonction des
associations, organisations et syndicats professionnels.
Chapitre 2
11
Cette dernière considération a conduit les Professeurs Auby et Ducos-Ader à
définir l'information comme « l'action consistant à porter à la connaissance
d'un public certains faits ou opinions à l'aide de procédés visuels ou auditifs,
comportant des messages intelligibles pour ce public » (Auby et Ducos-Ader.
Droit de l'information, 1982, 2ème édition, p.1.).
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en faveur des représentants de la presse par les pouvoirs publics. Il a
notamment accès, sous réserve du respect des lois et règlements en vigueur
et des nécessités du maintient de l’ordre public, aux sources d’information et,
de manière générale, à tous les lieux où il est appelé à exercer. Il a droit,
dans l’exerce de ses fonctions et à sa demande, à la protection et à
l’assistance des forces chargées du maintien de l’ordre ».
Sur cette base, l’émetteur de l’information est libre d’émettre des idées et des
opinions, en même temps que le destinataire de l’information peut exercer
son libre choix pour l’information qu’il souhaite recevoir, en dépit des
influences des intérêts privés ou des pouvoirs publics (Cons. Const., Décision
n°84-181 des 10 et 11 octobre 1984 ; Cons. Const., Décision n°86-217 du 18
septembre 1986).
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plus de cent stations de radiodiffusion sonore, environ deux cent organes de
presse écrite et cybernétique fonctionnels.
Au plan interne des Etats, la loi n° 96/12 du 05 aout 1996 portant loi-cadre
relative à la gestion de l’environnement au Cameroun dispose à son article 7
(1) que « toute personne a le droit d’être informée sur les effets
préjudiciables pour la santé de l’homme et l’environnement des activités
nocives, ainsi que les mesures prises pour prévenir ou compenser ces
effets ».
Dans le contexte français, le droit à l'information est, depuis 2005 en France
notamment, énoncé dans la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars
2005 relative à la Charte de l'environnement, qui dispose à son Art. 7 que
« toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la
loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les
autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l’environnement». Même si ce texte n’a pas de
portée générale parce qu’il concerne la protection de l’environnement, il reste
qu’il opère une distinction entre l'information et la participation, en érigeant
les deux notions en droit.
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Dans l’esprit de cet article 7 de la Charte française de l'environnement le
Décret n°2002-1187 du 12 septembre 2002 portant publication de la
Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus
décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement en France
affirmait déjà que «les citoyens doivent avoir accès à l'information, être
habilités à participer au processus décisionnel ».
En restant dans le cas français, d’autres textes peuvent être cités tels que :
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- article 11 de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux de
l’Union Européenne.
I- Un droit subjectif
Selon François Terré, le glissement des libertés vers les droits de l'homme se
prolonge vers la reconnaissance de droits subjectifs « d'esprit individualiste »
(F. Terré, « L'information ? Des libertés aux droits subjectifs », Légipresse,
16
1995, n°119, II, p.22.). Dans le même esprit, Jacques Chevallier constate
que « s'efforçant de garantir l'accès de tous à l'information, on se préoccupe
de l'exercice concret de la liberté de communication et on la transforme en
véritable droit subjectif au profit des individus » (J. Chevallier, « Constitution
et communication », D., 1991, chr, p.253. ).
Le premier est substantiel. Il renvoi au but pratique du droit qui est l'utilité.
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satisfaction qu'après la mise en place d'un appareil destiné à répondre aux
exigences des particuliers. Le service public est donc, pour la satisfaction de
tels pouvoirs, le procédé le plus normal » (] J. Rivero, Les libertés publiques,
préc., p.100.). A titre d'illustration, le droit à la santé, tel qu'il est proclamé
par le Préambule de la Constitution du 18 janvier 1996 au Cameroun, ne peut
se réaliser que dans le cadre de la Sécurité sociale ou de la Couverture
maladie universelle.
A- La qualification du titulaire
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dispositif de communication par ces termes : « la libre communication des
pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la déclaration de 1789,
ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de
communication audiovisuelle n’était pas à-même de disposer, aussi bien dans
le cadre du secteur privé que de celui du secteur public, de programmes qui
garantissent l’expression de tendances de pensées différents dans le respect
de l’impératif d’honnêteté de l’information ». l’ »impératif d’honnêteté » de
l’information réuni, ces deux principes : la morale du journaliste par nature
comme loi universelle et les lois positives, qui s’imposent à toute personne.
Les principes reconnus comme des impératifs relèvent, il est vrai, surtout
d’une valeur morale, plutôt que juridique. Mais l’étique et le droit sont
souvent entremêlés. L’on peut donc penser que la notion d’ »impératif » sert
à protéger le citoyen dans une société à la recherche d’un certain degré
d’étique, avec comme objectif la satisfaction de l’intérêt général.
19
Deuxième partie
Chapitre 3
Il faut ici distinguer les situations ordinaires des situations d’exception (état
d’urgence, état d’exception), où la légalité ordinaire cède la place à une
légalité d’exception, affectant de ce fait le régime des libertés publiques.
Mais ces mesures, lorsqu’elles sont mises en œuvre, sont néanmoins placées
sous la surveillance du juge, dans le cadre général de la protection des
libertés fondamentales.
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I- Les limites contextuelles
Deux aspects au moins peuvent être pris en compte ici, si l’on se réfère une
fois de plus au contexte médiatique. Il s’agit de la fébrilité professionnelle de
certains acteurs des médias et du caractère répressif de la législation sur les
délits de presse.
Elle se traduit par les compromissions de natures diverses, justifiés par les
difficultés financières des praticiens mal rémunérés et d’un déficit d’éthique,
qui sacrifient la liberté d’expression à l’autel de quelques subsides, dans le
but de manipuler l’information au bénéfice des corrupteurs.
Il s’agit d’un mode d’intervention parfois liberticide, mais qui dans certains
contextes, peut se justifier par les conséquences sociales susceptibles de
découler d’un usage inapproprié de la liberté d’expression.
A- La censure administrative
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Elle peut prendre la forme de la censure directe, exercée par un organe du
pouvoir. Cette censure peut s’effectuer à priori ou a posteriori, avec un
impact plus ou moins considérable sur la liberté d’expression. A titre
d’illustration, s’agissant des limites à la liberté d’expression dans le champ
médiatique, l’on peut évoquer dans le contexte camerounais l’ordonnance du
12 mars 1962 portant répression de la subversion, sur la base de laquelle des
citoyens pouvaient être interpelés et arrêtés pour leurs opinions ou leurs
positions politiques (Cas de Albert MUKONG, militant de l’UPC, arrêté le 16
juin 1988 après avoir donné une interview à la BBC, dans laquelle il dénonçait
la corruption et les détournements de deniers publics par de hauts
responsables).
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mentionnée dispose qu’« en cas d’atteinte à l’ordre public ou aux bonnes
mœurs », (concepts dont l’interprétation est parfois glissante), ces organes
peuvent faire l’objet d’une saisie ou même d’une interdiction par décision de
l’autorité administrative.
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l’emporter sur la nécessité de protéger l’honneur ou la réputation, qu’il
s’agisse de simples citoyens ou de responsables publics » (CEDH, 7 novembre
2006, Légipresse, n° 239-III).
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Cette bonne foi, tel qu’il ressort d’un arrêt de la Chambre Criminelle de la
Cour de Cassation française du 03 juillet 1996, se fonde sur quatre critères
cumulatifs :
Cette tendance relève de la fonction ordinaire du juge, qui est gardien des
libertés.
Cette compétence est affirmée par une abondante jurisprudence, alignée sur
la position du Conseil d’Etat français dans l’arrêt Société Frampart, rendu le
24 juillet 1960. Dans cette espèce, le Tribunal administratif d’Alger avait
annulé les saisies des numéros du journal dénommé « France soir » sur ordre
du Préfet d’Alger.
L’arrêt du tribunal a été motivé par le fait que ces saisies ne visaient pas à
constater des délits contre la sureté de l’Etat, mais simplement à empêcher la
diffusion dans le département d’Alger d’écrits insérés dans les numéros visés.
Enfin, au niveau des juridictions judiciaires, le juge camerounais emprunte
fort opportunément des techniques du droit anglo-saxon que sont
notamment l’order of prohibition , l’order of mandamus ou le right of habeas
corpus.
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Dans les deux premiers cas, le juge judiciaire peut par exemple prendre une
ordonnance interdisant à un officier de police judiciaire de procéder à une
arrestation sans mandat de justice dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Dans le cas de l’habeas corpus, le juge est compétent pour connaitre des
requêtes en libération immédiate contre des gardes à vue administratives, tel
qu’il ressort des affaires Jean Pierre SA’A ou Jean Pierre KAMGA et Léandre
DJINO, rendues respectivement les 9 septembre 1993 et 26 janvier 1996 par
la chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi.
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l’information et de la communication suggèrent de nouvelles formes de
matérialisation de la liberté d’expression qui échappant parfois à toute
possibilité d’encadrement. Avec l’avènement d’internet et la nébuleuse des
réseaux sociaux, la liberté d’expression prend dans certains contextes un
caractère mutant, des formes insaisissables, une nature virtuelle qui tend à
l’éloigner de toute exigence éthique. Sur ce point, il y a lieu d’en appeler à
une privatisation de l’éthique, afin que l’usage de la liberté d’expression
trouve de plus en plus sa véritable mesure dans le filtre moral de chaque
conscience humaine. Ainsi, en combinant à la fois la morale perçue comme
valeur universelle et les lois positives, la liberté d’expression pourrait
contribuer, selon le souhait de ses précurseurs, à l’édification d’une société
libre, juste, honnête et équitable.
A- Consécration principe
B- Application du principe
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L’article 7 (1) de la loi du 19 décembre 1990 relative à la liberté de la
communication sociale dispose que la déclaration préalable à la publication
d’un organe de presse doit mentionner :
II – Le régime d’autorisation
A- Justification du principe
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La communication audiovisuelle s’est pour partie trouvée soumise au droit
public, la nature même de la radiodiffusion expliquant l’emprise d’un droit
dérogatoire sur cette activité. La destination des émissions à un public
pléthorique et indéterminé a de ce fait placé la communication audiovisuelle
dans l’orbite du droit public, entendu comme le droit du service public. De
plus, la radiodiffusion (sonore ou télévisuelle), de par son caractère
technique, est attractive au droit de la puissance publique, car sa résonance
traverse les frontières de l’Etat d’émission de ses programmes. En
conséquence de cette portée internationale, l’Etat qui sert de siège aux
émissions ne peut se désintéresser de cette activité.
B- Contenu du principe
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Chapitre 4–
Droit de la communication et de l’information et la
Constitution d’un espace public de discussion
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L’honnêteté de la communication et de l’information constitue un élément
fondamental du droit à l’information et à la communication. Dans sa décision
n°94-333 du 21 janvier 1994, le Conseil Constitutionnel, en se référant à
l’impératif d’honnêteté de l’information, place le citoyen au cœur du dispositif
de communication par ces termes : « la libre communication des pensées et
des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, ne serait pas
effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication
audiovisuelle n'était pas à-même de disposer, aussi bien dans le cadre du
secteur privé que de celui du secteur public, de programmes qui garantissent
l'expression de tendances de pensées différentes, dans le respect de
l'impératif d’honnêteté de l'information ».
Selon les pays, les règles déontologiques peuvent aussi bien concorder avec
le droit des médias que s’y opposer. Le principe de la liberté de
communication et d’information impose par exemple dans la plupart des pays
du monde de s’opposer à toute censure, fût-elle appuyée par le droit en
vigueur, et à la révélation des sources, fût-elle commandée par un pouvoir.
Par ailleurs, le respect de la personne peut conduire à s’abstenir de prendre
une photographie ou d’écrire un article, quand bien même le droit le
tolèrerait. Cette considération implique la prise en compte dans l’expression
du droit à la communication et à l’information une clause implicite de
conscience qui devrait interpeller en permanence les acteurs de la
communication et de l’information quant à l’intérêt et à l’utilité sociale des
informations qu’ils diffusent sur l’espace public.
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convention collective des journalistes et des métiers connexes signée le12
novembre 2008 entre les professionnels et les patrons de presse.
B- L’impératif de responsabilité
A- Considérations générales
C’est en 1825 que le terme déontologie apparaît pour la première fois dans la
langue française, dans la traduction de l'ouvrage du philosophe utilitariste
32
anglais Jeremy Bentham, intitulée l'Essai sur la nomenclature et la
classification des principales branches d'Art et Science.
Cette pratique n’est guère très différente de celle qui est appliquée aux États-
Unis d’Amérique depuis le milieu des années 80, où le Gouvernement Fédéral
a édicté des règles générales d'éthique appelées Federal sentencing
guidelines, auxquelles doivent se conformer les différents codes sectoriels de
déontologie.
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La liberté de communication et d’information sans un minimum de mode
d’emploi ou de repères, est inconcevable dans la mesure où elle s’exerce
toujours au sein d’une société où doivent être préservées d’autres libertés
fondamentales de l’individu. La référence à la déontologie professionnelle
apparait de ce fait comme une nécessité dont la prise en compte permet aux
acteurs du secteur de la communication sociale de formuler des règles et
des pratiques qui s’imposent à eux.
- le respect de la vérité ;
- la culture de l’honnêteté ;
- la franchise dans la critique ;
- l’incontournable recours aux sources de l’information ;
- la non discrimination dans le traitement de l’information ;
- le refus de toute gratification en vue de la publication ou de la
suppression d’une information.
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Cette option en faveur d’une codification déontologique a été clairement
exprimée dans le contexte camerounais dans une série de jugements rendus
par le Tribunal de Première Instance de Douala dans des cas :
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Avec l’avènement en Afrique des régimes politiques dits pluralistes et
l’évolution rapide des technologies de l’information, le monopole étatique sur
les moyens de communication est devenu précaire. De fait, la question de la
libéralisation et de la gestion de l’espace médiatique a conduit bon nombre
d’Etats à réfléchir sur la création d’instances de régulation appropriées. Mais,
si les raisons communes qui justifient l’option de la création des organes de
régulation sont indiscutables, il est important d’observer que d’un Etat à un
autre, elles n’entrainent guère une unanimité conceptuelle quant au statut
desdits organes.
La régulation des médias est une pratique d’origine anglo-saxonne qui est
née en 1934 aux Etats Unis avec la création de la Federal Communication
Fondation, exemple suivi quinze ans plus tard par le Royaume Uni, avec la
naissance de la Wireless Telegraphie Act et par la suite par la quasi-totalité
des pays démocratiques tels que la France, avec l’institution par la loi du 17
janvier 1989 du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.
En Afrique, ce phénomène est plus récent, car il date du début des années
1990.
En effet, la vague démocratique qui a déferlé à cette période sur bon nombre
d’Etats africains a entrainé la libéralisation des paysages médiatiques. Pour
gérer ces nouveaux flux d’informations et créer les conditions d’une saine et
libre concurrence, ces Etats ont jugé nécessaire de mettre en place de
36
nouvelles institutions chargées de réguler les médias et la communication
sociale en général.
2- L’expérience camerounaise
37
1- Les exigences de la société démocratique
Un tel postulat peut justifier que ce rôle d’arbitre, dans tout système
démocratique ou qui aspire à cette valeur cardinale, soit notamment reconnu
aux médias à travers leur mission d’intérêt général et d’utilité publique. C’est
à ce niveau que surgit la perplexité de la relation entre les pouvoirs étatiques
et les organes de régulation des médias, originellement voués à la protection
de la liberté de presse et de la diversité médiatique, conformément aux lois
et règlements en vigueur (C’est dans cet esprit que l’article 1 er de la loi
française n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 relative à la liberté de communication mentionne que le
Conseil Supérieur de l’Audiovisuel est une Autorité Publique Indépendante,
dont la mission est de garantir la liberté de communication audiovisuelle en
France).
38
nécessite une volonté politique manifeste pour la construction et la
pérennisation de l’Etat de droit.
39
Pour être sécurisées et crédibles, les actions mises en œuvre dans les
procédures de régulation des médias doivent émaner des institutions légales.
Il s’agit d’entités dont la création et le fonctionnement sont régis par des
textes de droit, qui en fixent les attributions et encadrent les compétences.
Sur ce point, l’on peut observer que la quasi-totalité des organes de
régulation des médias qui fonctionnent dans l’espace francophone ont une
existence juridique par consécration constitutionnelle, législative ou
réglementaire. A titre d’illustration et sans prétention d’exhaustivité, la Haute
Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication du Bénin (HAAC) est
instituée par la constitution. A contrario, le Conseil National de la
Communication du Cameroun (CNC) relève de la loi, alors que la Haute
Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle de Tunisie (HAICA)
a, pour sa part, été créée par un décret-loi. Cette hétérogénéité entraîne au
moins deux considérations. D’une part, le statut d’un organe de régulation
créé par la constitution ne peut être modifié qu’au terme d’un processus
complexe de révision constitutionnelle. De plus, cette consécration ab initio
lui confère une capacité particulière de résistance face à l’influence des
pouvoirs externes. D’autre part, un organe créé par la loi ou le règlement
bénéficie d’une autonomie fragile, son statut pouvant être modifié par un
simple acte législatif ou réglementaire, au gré de la fluctuation des intérêts
du législateur ou du pouvoir exécutif. La conséquence d’une telle disparité est
qu’elle crée trois catégories d’organes de régulation des médias à dignité
normative inégale.
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permet l’édiction et l’application de mesures exemptes de l’influence des
pouvoirs externes. Dans la plupart des textes qui organisent les instances de
régulation des pays de l’espace francophone, ce souci d’autonomie apparaît à
tout le moins dans la nomenclature des structures en question. A titre
d’exemple, la loi française du 17 janvier 1989 modifiant celle du 30
septembre 1986 qui crée le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) en fait
une « Autorité Publique Indépendante », dotée d’une existence juridique
propre. En Belgique, le décret coordonné du 26 mars 2009 sur les services de
médias audiovisuels qui crée le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) de la
Communauté française de Belgique instaure une « Autorité Administrative
Indépendante, jouissant de la personnalité juridique ».
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de crédibilité, eu égard aux personnes appelées à mettre en œuvre les
mécanismes de régulation des médias.
- Garanties basées sur la sécurité organique des membres
Elles ont essentiellement trait à la nature du mandat des membres des
organes de régulation et à leur immunité.
- Garanties liées à la nature du mandat des membres
Les textes qui régissent le fonctionnement de certains organes de régulation
tels que le CSA de France ou la HAAC du Bénin, consacrent le double principe
du mandat unique et de l’irrévocabilité des membres. L’intérêt d’un tel statut
est qu’il détache lesdits membres de toute dépendance vis-à-vis de l’autorité
détentrice du pouvoir de nomination, leur permettant ainsi de prioriser les
critères d’impartialité et d’objectivité dans l’application des mécanismes de
régulation. Cette garantie fondamentale fait toutefois défaut dans d’autres
contextes. A titre d’exemple, l’article 8 du décret du 23 janvier 2012 qui
réorganise le CNC du Cameroun mentionne que ses membres, qui sont
nommés pour un mandat de trois ans renouvelable, sont révocables « en cas
de faute lourde » par décret du président de la république.
- Garanties liées à l’immunité des membres
L’article 4(2) de la loi sénégalaise du 4 janvier 2006 portant création du
Conseil National de la Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) dispose que ses
membres ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés ou jugés à
l’occasion des actes commis ou des opinions émises dans l’exercice de leurs
fonctions. Ce mode de sécurité n’est guère généralisé dans la pratique des
instances de régulation des pays de l’espace francophone. Pourtant, il
constitue une forme de garantie pour les régulateurs, souvent confrontés à
des facteurs exogènes de compromission dans l’application des procédures
de régulation, fondées sur les principes d’impartialité et de sincérité.
3- Garanties basées sur la sécurité des procédures de traitement
des plaintes
42
Elles concernent les différentes étapes de la procédure de traitement des
plaintes par les régulateurs des médias.
4- L’extension du droit de saisine
La plupart des textes qui réglementent le fonctionnement des organes de
régulation des médias dans l’espace francophone consacrent une large
possibilité de saisine desdits organes. Ainsi, outre leur capacité à s’autosaisir,
ces instances reçoivent des plaintes de personnes morales ou physiques de
toutes catégories. C’est dans ce sens que l’article 22 de la loi du 14 juin 2005
portant création, composition et fonctionnement du Conseil Supérieur de la
Communication (CSC) du Burkina Faso mentionne qu’il peut être saisi « par
tout citoyen, toute association, toute personne morale publique ou privée aux
fins d’examiner des questions relatives à son champ de compétence ». Dans
le souci d’accompagner le plaignant dans l’expression de ce droit et de lui
éviter des vices de forme susceptibles de conduire à l’irrecevabilité de sa
requête, certaines pratiques en vigueur tendent à diversifier les modes de
saisine des régulateurs des médias à travers les voies écrite, téléphonique ou
électronique. Plus pratique encore, le Conseil National de l’Audiovisuel de
Roumanie a mis au point sur son site web des formulaires types, avec des
champs obligatoires orientant le requérant dans la formulation complète de
sa requête1. L’ensemble de ces dispositions, favorables à l’extension du droit
de saisine des régulateurs, constituent sans doute des éléments de garanties
procédurales de la régulation des médias.
- La recevabilité des plaintes, la vérification et la qualification
juridique des faits
La recevabilité de la requête du plaignant relève des conditions de forme.
Pour lui être opposables, celles-ci doivent être préétablies et largement
divulguées. La vérification matérielle des griefs correspond à une exigence
d’investigation à laquelle le régulateur doit se soumettre, pour attester de
1 Confère Boite à outils n° 1 du REFRAM. Le traitement des plaintes par les régulateurs des médias.
43
l’authenticité des faits de l’accusation. Cette phase est elle-même préalable à
la qualification juridique des faits, qui établit une corrélation logique entre les
faits incriminés et les dispositions législatives et réglementaires applicables.
Ces trois étapes, lorsqu’elles intègrent les exigences correspondantes,
participent de la transparence et de la sécurité de l’instruction des plaintes.
- Le respect des droits de la défense
Il exige, dans une approche contradictoire, que les éléments de l’accusation
soient transmis à la partie mise en cause pour lui permettre de faire valoir ses
arguments au sujet des faits qui lui sont imputés. Cette garantie procédurale,
qui figure à l’article 19 du règlement intérieur du CSA de France du 9 avril
2014, est également exprimée dans d’autres contextes tel qu’il ressort du
décret-loi du 2 novembre 2011 portant création de la HAICA de Tunisie, qui
précise que cette instance ne peut prononcer de sanction « qu’après avoir
informé l’intéressé et lui avoir permis de prendre connaissance de son dossier
d’accusation et d’assurer sa défense ».
- Le formalisme des modes de délibération
Aux termes des dispositions réglementaires qui régissent son fonctionnement,
le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle de la Haute Autorité
de la Communication Audiovisuelle (HACA) du Maroc ne délibère valablement
que lorsque le président et quatre de ses membres sont présents. Il prend
ses décisions à la majorité des voix des membres présents. Dans le même
sens, la loi organique du 21 août 1992 relative à la HAAC du Bénin mentionne
que ses décisions doivent être motivées et prises « à la majorité des deux
tiers ». Cette triple exigence de quorum2, de majorité au terme d’un vote
libre et de motivation 3 des décisions qui conditionne les délibérations dans la
pratique de la plupart des instances de régulation des médias des pays de
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l’espace francophone, est un gage de sécurité et de crédibilité des procédures
de traitement des plaintes.
- L’ encadrement des sanctions
Les textes qui régissent le fonctionnement des organes de régulation des
médias encadrent les sanctions applicables en cas de faute professionnelle
imputable à un professionnel ou à un organe de presse. Ces sanctions
s’appliquent variablement sous forme de mesures disciplinaires ou
pécuniaires. Ce souci d’encadrement des sanctions, qui participe d’une
volonté de transparence et de prévention de toute forme d’excès de pouvoir
de la part des régulateurs, constitue un élément essentiel des garanties
procédurales de la régulation des médias.
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Au terme de ces premiers développements, il apparaît que les dispositions
juridiques qui régissent l’organisation et le fonctionnement des instances de
régulation des médias dans la quasi-totalité des pays de l’espace francophone
consacrent, de manière hétérogène, une somme de garanties procédurales
dont la mise en œuvre rencontre toutefois des obstacles essentiels qu’il
convient de relever.
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sont considérés comme moyen de pouvoir, il devient difficile que ces
derniers, mieux, que les instances qui les régulent échappent totalement au
contrôle des politiques. Ce contrôle qui intervient notamment au niveau de la
désignation des membres de ces instances ou du renouvellement de leurs
mandats peut compromettre la sécurité des procédures mises en œuvre par
les régulateurs des médias, le devoir de reconnaissance vis-à-vis de l’autorité
de nomination pouvant se substituer à l’exigence de neutralité et d’objectivité
dans les actions de régulation. A titre illustratif, le décret du 23 janvier 2012
qui réorganise le CNC du Cameroun laisse au seul président de la république
le pouvoir de nomination des neuf membres du Conseil, dont le mandat est
renouvelable dans les mêmes conditions.
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Les obstacles à la sécurité procédurale de la régulation des médias sont
également consubstantiels à une tendance observée dans certains cas à la
tutelle administrative des instances de régulation (1) et à leur dépendance
financière (2).
La tutelle administrative
Le fonctionnement des organes de régulation des médias de certains pays de
l’espace francophone laisse apparaître un rattachement organique à
l’administration centrale de l’Etat. A titre d’exemple, en Suisse, l’Office
Fédéral de Communication est placé sous la tutelle du Département Fédéral
de l’Environnement, des Transports, de l’Energie et de la Communication.
Bien conscient de ce qu’un tel statut n’est guère de nature à garantir une
régulation impartiale, les autorités de ce pays ont séparément créé une
Autorité Indépendante d’Examen des Plaintes. Dans un contexte différent, en
Belgique, le décret coordonné du 26 mars 2009 sur les services de médias
audiovisuels dispose à son article 142(4) que « le président et le vice-
président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel prêtent serment entre les
mains du ministre ayant l’audiovisuel dans ses attributions ». De plus, ces
deux autorités sont, aux termes du même décret, révocables par le
Parlement de la communauté française de Belgique, sur proposition du
Gouvernement. Au Maroc, le Dahir n°1-02-212 du 22 joumada II 1423
portant création de la HACA place cette instance sous la « protection
tutélaire » du roi. Cette tutellisation administrative, contraire au principe
d’autonomie qui devrait statutairement caractériser les organes de régulation
des médias, est une limite considérable à l’exigence d’impartialité qui garantie
l’autorité et la sécurité des instances concernées, dans la mise en œuvre des
procédures de régulation des médias.
La dépendance financière
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Le décret-loi du 2 novembre 2011 qui crée la HAICA de Tunisie précise que
ses ressources financières sont constituées « des subventions accordées sur
le budget de l’Etat ». Dans le cas camerounais, le décret du 23 janvier 2012
qui réorganise le CNC énonce que « le budget du Conseil est inscrit au
budget des services du premier ministre ». De ce rapport financier entre les
organes de régulation des médias et l’Etat, il se dégagent deux
conséquences. D’abord, les ressources des instances de régulation des
médias proviennent des finances étatiques, toute chose qui induit une forme
de subordination politique à travers le facteur financier. Ensuite, les
ressources des instances de régulation sont, en considération de ce qui
précède, soumises au contrôle étatique en vertu des règles générales qui
régissent la gestion des finances de l’Etat. Cette double observation, qui
démontre un rapport de dépendance vis-à-vis de l’Etat s’agissant du principal
moyen d’affirmation de l’autonomie nécessaire au fonctionnement des
instances de régulation, n’est guère de nature à garantir la sécurité des
procédures de régulation des médias.
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COURS DE DROIT DE L’INFORMATION ET DE LA
COMMUNICATION
PLAN DU COURS
Résumé :
INTRODUCTION GENERALE
C- Communication et information
D- L’information et la communication appréhendées sous l’angle des libertés
Première partie
l’information et de la communication
Chapitre I
Un droit appréhendé sous l’angle de la liberté d’expression
Section 1
La consécration textuelle de la liberté d’information
et de communication
I - La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
50
II- Les autres instruments internationaux de promotion de la
liberté d’information et de communication
Chapitre 2
51
Section 2 : La nature juridique du droit à l’information
I- Un droit subjectif
A- La qualification du titulaire
Deuxième partie
Chapitre 3
A- La censure administrative
B- Les autres formes de censures
52
Section II- L’encadrement par la loi
A- Consécration principe
B- Application du principe
II – Le régime d’autorisation
A- Justification du principe
B- Contenu du principe
Chapitre 4–
Droit de la communication et de l’information et la
Constitution d’un espace public de discussion
B- L’impératif de responsabilité
53
II- La déontologie au renfort de la médiation du jeu démocratique
A- Considérations générales
54
- Garanties basées sur la probité et la capacité professionnelle des
membres
55
56