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DROIT DE LA

COMMUNICATION
INTRODUCTION
La communication

L’exercice de la liberté de communication suppose l’existence d’un support de communication ainsi qu’une
information, un message. Dans la mesure où il n’y a pas de contact « physique » entre l’émetteur et le
récepteur – ce contact se matérialise par un support -, l’exercice de cette liberté repose sur un émetteur
diffusant une information à destination d’un public potentiel.

Dès l'instant où la communication cesse de se limiter à l'échange entre deux personnes –communication
intersubjective-, et où, par conséquent, elle s'inscrit aussi dans l'espace public ouvert à la discussion, elle
prend des formes qui sont compréhensibles par l'ensemble des acteurs sociaux. A ce titre, l’article 1 er de la
loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication nous montre de quelle façon se
crée l’espace public de discussion qu’appelle la société démocratique (au sens du droit français, mais
également au sens du droit communautaire). L’espace public doit permettre la libre circulation des idées et
des informations autorisant ainsi l’ingérence des pouvoirs publics. Cette « liberté ne peut être limitée que
dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de
la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre
part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins
de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux
moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la
production audiovisuelle ». L’ingérence des pouvoirs publics est nécessaire à l’exercice de cette liberté.
Les médias permettent des formes collectives de communication et crée par conséquent une conscience
collective. Ces formes de communication peuvent faire l'objet d'échanges et de diffusion dans l'ensemble de
l'espace public, et c'est le sens de la communication médiatique d'inventer ainsi une logique et des formes
de communication dont le sens ne relève pas d'un échange entre deux personnes qui s'inscrivent elles-
mêmes dans les structures de la communication, mais relève d'une logique de médiation. Dans cette logique
nos mots et nos informations n'engagent pas que nous-mêmes mais aussi les liens sociaux.
L’évolution des médias se fait au sein même de l'espace public.

Pour Michel Mathien, « c'est dans l'espace public, caractérisé par l'indistinction de tous ceux qui y
circulent, que nous avons besoin de médias pour représenter notre appartenance, notre citoyenneté et les
choix qui structurent nos pratiques sociales en leur donnant le sens d'un engagement. L'espace public, en
ce sens, est le lieu où se déroule l'histoire des médias, puisque c'est dans l'espace public que nous faisons
circuler des représentations: la nécessité de l'information est, d'abord, une nécessité sociale et politique,
celle de donner une consistance aux institutions et aux relations qui construisent notre sociabilité et qui
rendent significatives nos relations avec les autres dans l'espace public. C'est le sens du mot si simple de
média : les médias sont les formes symboliques de la médiation, c'est-à-dire de la relation établie entre les
acteurs singuliers de la sociabilité et les structures collectives de leur appartenance »1[1].

Les médias vont eux-mêmes connaître, au cours de leur histoire, une évolution complexe, qui les fera aller
d'un usage collectif (la presse, la radio et la télévision, qui se lisent et s'écoutent, dans le cercle familial ou
dans des lieux publics comme les cafés) à un usage de plus en plus individualisé - en particulier à partir de
l'apparition du téléphone jusqu’à Internet qui induira une dimension singulière, individualisée, de la
communication. Alors qu’au départ, la radio et la télévision ont contribué, après la presse écrite, à unifier
les territoires nationaux en structurant l'espace public.

L’information : Un bien, un service, une marchandise, un produit… immatériel ?

Outre le support, au terme de l’évolution des médias on en arrive nécessairement au contenu, à savoir
l’information. L’information est un bien –si l’on considère sa rareté – un produit – si l’on considère sa
reproduction massive- une marchandise – si l’on considère sa valeur et sa matérialité – ou un service – si
l’on considère son utilité – immatériel2[2].

Les essais de définition de l'information n'ont jamais été satisfaisants tout en clarifiant des significations
qui, dans bien des cas, se complètent ou se superposent. Dire, par exemple, que l'information caractérise
toute activité humaine, dans ses aspects relationnels ou techniques, n'est pas suffisant si on considère
l'activité d'informer sur le plan de l'économie où l'on cherche à lui donner un statut de produit », de «
marchandise» ou de « service marchand ».

Pour les ingénieurs des télécommunications dans leur mission de transport des signaux, le mot désigne pour
eux un signe, un signal, in fine un binary digit ou bit. Il s'appliquait, déjà avant l'ère de l'informatique, au
fonctionnement de systèmes physiques auto-régulés où le signal intervenait à partir de l'accumulation ou de
l'absence de données.

Le bien « information» n'est donc pas saisissable en tant que tel en toutes circonstances, surtout si l'on
considère l'action par laquelle l'individu acquiert une connaissance qui lui permet d'accroître ses propres
connaissances, que ce soit sous un angle intellectuel ou sous un angle purement pratique et immédiat.
L'information, comme nouvelle connaissance, s'inscrit dès lors dans un apprentissage personnel tout en
pouvant acquérir une dimension collective ou de masse.

1[1] Economie générale des médias, Ellipses, Infocom, 2003.

2[2] v. en ce sens CJCE, 155-73 du 30 avril 1974, Giuseppe Sacchi, Rec., 1974, p.406.
La matérialité de l’information

L'informatique a joué, ici, le rôle déclencheur en faisant apparaître après la Seconde Guerre mondiale, la
possibilité de réduire à des opérations numériques simples toutes les opérations intellectuelles reproduites
par des machines et par des technologies industrielles. À partir de ce moment, toute la logique du
développement de l'informatique et des modes industriels de traitement de l'information a été orientée vers
la recherche de la simplification et de l'unification des procédures, en vue de construire des appareils
pouvant traiter des informations de plus en plus nombreuses et diverses. Or, ce qui distingue entre eux les
types d'information et les supports qu'ils empruntent, c'est précisément leur matérialité, c'est-à-dire le
contenant et le contenu qu'ils offrent aux perceptions de leurs usagers ou de leurs destinataires. Quand elle
est pleinement intégrée dans un processus de production, l'information apparaît comme un produit
dépendant d’un support ou un vecteur de transmission qui le lie au domaine de la marchandise sur le plan
formel tout en lui échappant sur le plan des idées. C'est dire que l'information a sa valeur liée à un coût de
collecte et d'élaboration (le coût de production dans l'industrie) mais aussi et surtout à un mode de
communication ou de transmission à ses destinataires disposant ou pouvant accéder au support adéquat. De
par sa nature, l'information échappe aux fondements de l'économie. Elle n'a jamais pu être conceptualisée
comme bien ou marchandise ; sa valeur n’a jamais été clairement définie. Quand l'information est devenue
l'enjeu d'une activité économique en soi, son prix est supposé connu par les acteurs à chaque instant.

Il en va de même de sa qualification de service, faute de précision de l'objet évoqué. De façon schématique,


l'information peut aussi être considérée comme un service rendu à chacun et à tous. Mais comment
l’évaluer ?

Distinction contenant/contenu

Le droit s’est saisi de cette distinction contenant/contenu en appliquant une réglementation distincte selon
les supports qui dans un premier temps a pu se justifier en raison des spécificités de chacun d’eux mais qui
ne se justifie plus dans le cadre de la convergence des supports. Le président de l’ARCEP, Paul
Champsaur, définit ce phénomène de convergence comme « la capacité de différentes plates-formes à
transporter des services similaires »3[3]

Autrement dit, la réalisation d’une unification du traitement et de la diffusion de l'information, quels qu'en
soient les supports, passe par la neutralisation de l'obstacle de sa matérialité.

Le Conseil d’Etat dans son rapport de 1998 relevait qu’« avec Internet, accessible par tous les réseaux et
offrant l’accès à des contenus transnationaux d’une grande variété, la réglementation des services ne peut
plus dépendre des supports empruntés »4[4].

Dès lors, le contenu informatif sera soumis à un régime juridique plus unifié alors qu’aujourd’hui il
s’apprécie en fonction des supports de diffusion. La dématérialisation de l’information montre à quel point
les questions qu’elle suscite et les caractères qui l’animent sont exclusifs de toute autre considération.

3[3] Legicom, revue thématique de droit de la communication, n°40-2007/4, « convergence numérique, convergence
juridique ? », p.21.

4[4] « Internet et les réseaux numériques », rapport du Conseil d’Etat, 1998, La documentation française.

Consultation en ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/984001519/index.shtml


C’est dans cette perspective que nous étudierons les multiples facettes de la liberté de communication.

Titre 1 : La communication appréhendée sous l’angle des libertés


La liberté de communication, qui repose toute entière sur la liberté d’expression, est la pierre angulaire des
principes de la démocratie et des droits de l’Homme proclamés dans les Convention et Déclaration de
droits. C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve en droit interne dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel
français, qui parle « d'une liberté fondamentale, d'autant plus précieuse que son existence est l'une des
garanties essentielles du respect des droits et libertés et de la souveraineté nationale »5[5], montrent bien
qu'on ne peut dissocier la liberté d'expression des valeurs les plus fondamentales de la démocratie libérale.
Parmi les supports de cette liberté d’expression, la presse, selon les termes souvent employés par la CEDH,
joue un rôle de « chien de garde », en alertant le public sur les menaces pesant sur les libertés, qu'elles
émanent des gouvernants ou d’autres puissances. Cette liberté est donc le support de l’information à
destination des citoyens.

Par conséquent, là où les journalistes sont empêchés d'exercer leur métier, par l'intimidation voire par la
violence physique, on peut être sûr que le sort des libertés en général n'est guère plus enviable.
L’importance de la liberté d'expression ne se résume pas à la question de la liberté de l'information. La
CEDH nous indique bien que « ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une œuvre d'art
contribuent à l'échange d'idées et d'opinions indispensables à une société démocratique »6[6]. Elle intègre
également la liberté de création. Paradoxalement, cela ne crée pas de hiérarchie entre les informations qui
sont protégées de nature à faire sortir du champ de la liberté d’expression des types de discours jugés
insuffisamment nobles. De même que le matériel qui garantit la réception de ces informations bénéficie lui-
même d’une protection, au titre de la liberté de réception7[7].

Cette interprétation large procède du désir de doter une liberté aussi essentielle des avant-postes nécessaires
à sa protection effective ce qui est notamment le cas, outre le matériel de réception, des supports de
communication.

Chapitre 1 : Les supports de communication


Le droit et surtout le discours politique des démocraties libérales s'attachent aux caractères intrinsèques des
supports, et la liberté du récepteur qui y est liée, devrait être, prioritairement, prise en considération ce qui
n’a pas été toujours le cas. Il est loisible de constater que les supports de la liberté d'expression présentent
certains caractères objectifs et subjectifs qui peuvent servir de fondements à des distinctions juridiques.

Si l'on s'attache, comme en 1789, à la notion de communication d'idées, certains supports s'y prêtent plus
que d'autres. Ceci est assez facilement admissible de la parole proprement dite ainsi que de ses

5[5] Cons. const., n°84-181 DC, des 10 et 11 octobre 1984, Rec., p.78.

6[6] CEDH, 24 mai 1988, Müller et autres c/ Suisse, Série A n°133.

7[7] CEDH, 23 mai 1990, Autronic AG c/ Suisse, RUDH, 1990, p.316, note Cohen-Jonathan.
prolongements que sont les réunions et divers écrits (lettres, livres, journaux ...), voire sous une forme un
peu plus sophistiquée, le théâtre.

En revanche, et parce qu’utilisant soit plus de moyens techniques, soit un style, soit une forme collective
osant une simplification, le cinéma, les spectacles de curiosité, la télévision, la radio ou les manifestations
traduisent plus indirectement les idées. C’est d’ailleurs ce que notre droit a déjà consacré depuis quelques
décennies.

D'autres caractères, subjectifs, peuvent également justifier des discriminations. L’expression d’autrui n’est
pas perçue de la même façon selon le support qu’elle utilise. Lorsqu’on écoute une personne, lorsqu’on lit
un livre ou un journal, on doit faire l’effort de suivre et de comprendre. On prend subjectivement en
considération un contexte. Celui qui parle ou qui écrit doit, d'une certaine façon, convaincre par son
raisonnement, même s'il est clair que son art oratoire, son style, peuvent constituer des atouts majeurs ... Il
n'empêche que, globalement, il existe une certaine distance entre le message et le récepteur. Cette distance
qui, elle-même, a pu varier au cours de l’histoire, selon la considération accordée à tel support, en fonction
de son coût.

Moins valorisé qu'au XVIIIe siècle, le livre reste encore un support noble et d'abord plus difficile. A
l’opposé, le spectateur d'un film projeté sur grand écran, ou d'une émission de télévision ne rencontre pas
cet obstacle. Le message fait plus souvent appel à son émotivité qu'à son intelligence. Lorsqu'un film ou la
télévision raconte une histoire, ne paraît-elle pas plus vraie que nature? On pourrait ajouter à ces
constatations qu'il existe une logique propre à chaque média qui le pousse à faire plus ou moins appel à la
subjectivité. Le livre a, théoriquement, un caractère sérieux et durable qui contraint son auteur à être le plus
convaincant possible. Les émissions de télévision étant éphémères par nature, et 1es films l’étant pour des
raisons commerciales, sont beaucoup plus jugées dans l’instant qu’avec le regard critique que peut donner
le recul. D’où une tendance à faire toujours plus, à susciter le plus d’émotivité possible. Peu importe que
l’on choque à partir du moment où l’on attire l’attention. Devant la lassitude que provoque l'abondance,
voire la saturation, il faut absolument capter le regard, quel qu'en soit le prix. Que la publicité ait heurté,
peu importe à la limite, du moment qu'elle a été regardée. Et si elle suscite des réactions de rejet, le
classique discours sur l'intolérance des censeurs saura attirer, à nouveau, et gratuitement, une attention
supplémentaire.

D’autant que l'acte accompli quotidiennement par le téléspectateur en allumant son récepteur est un acte qui
requiert très peu d'effort de la part du récepteur, suscitant également peu de réactions instantanées8[8]. La
sociologue Judith Lazar précise à cet effet que « l'audience de communication de masse diffère
essentiellement d'un public de théâtre ou des spectateurs d'un match de football car elle ne peut pas
communiquer son approbation ou sa désapprobation : applaudissement, toussotement, rire, etc »9[9]. Les
réactions sur le contenu d’un programme sont différées dans le temps10[10]. Même si la consommation de
programmes est en constante augmentation ; de 2 heures 10 dans les années soixante dix11[11], elle atteint

8[8] J. Mitchell, « télévision et téléspectateur : Dix ans de révolution permanente », in L'ouverture des médias en
Europe 1983-1993, Édité par Anthony Pragnell, Média Monographie, n° 17, 1993, p. 109.

9[9] J. Lazar , Sociologie de la communication de masse, Armand Colin, collection Sociologie, 1991, p.75.

10[10] D. Boullier, « Savez-vous parler télé ? », Médiapouvoirs, 1991, n°21, p.73

11[11] M. Souchon, « Petit écran, Grand public », La Documentation française, 1980, p.139.
désormais auprès de la fameuse « ménagère de moins de 50 ans », 3 h 36 par jour12[12], l’activité
télévisuelle est souvent menée en parallèle à d’autres activités13[13], montrant ainsi qu’elle s’inscrit
progressivement dans la vie quotidienne. Paradoxalement, il faudra aller loin pour le distraire et l’émouvoir
car il conviendra de capter son attention et passer outre les autres activités.

L’analyse subjective est encore différente s’agissant d’Internet. A ce titre, Internet se distingue des autres
supports de communication par la pluralité de ses acteurs. Ainsi, l’émission est un acte complexe qui
dépend à la fois du bon vouloir de l’opérateur (celui qui permet à l’utilisateur de se connecter), du
fournisseur d’accès (celui qui permet à l’utilisateur d’accéder aux services en ligne), de l’hébergeur (celui
qui héberge sur son serveur les différents sites, page web), et de l’éditeur (celui qui introduit le contenu).
De surcroît, si chacune de ces fonctions peut être remplie par des personnes différentes, elles peuvent être
également concentrées entre les mains d’une seule personne. Par exemple, une personne peut avoir la triple
casquette de fournisseur d’accès, d’hébergeur et d’éditeur. De même, l’opérateur peut aussi prester des
services à l’utilisateur, lui donnant la qualité de fournisseur d’accès. En cela, Internet se distingue de
l’entreprise de communication classique, centralisée entre les mains d’une seule personne clairement
identifiable. Tel est le cas de la chaîne de télévision, ou de l’entreprise de presse.

Il est également possible d’être à la fois émetteur et récepteur d’informations sur le réseau. De la même
façon, que le support Internet est vecteur de programmes de télévision, de journaux, de correspondances
privées ou de contenus propres à internet.

La présente analyse, qui pourrait être considérablement affinée, donne de multiples arguments justifiant que
tel ou tel support bénéficie d'un régime plus ou moins libéral. Mais il est probablement préférable d'y
ajouter la prise en compte de la liberté des récepteurs, très variable selon les supports.

Chapitre 2 : La prise en considération du récepteur

Cette liberté est déterminante dans un régime libéral. Elle a été mentionnée dans les décisions du Conseil
constitutionnel. On l’oublie trop souvent dans la réalité quotidienne. La liberté de chacun s’arrête là où
commence la liberté d’autrui, autrement dit la liberté de ne pas écouter, de ne pas recevoir….

Or ce double respect de la liberté, tant de l'émetteur que du receveur, est assuré de façon très variable et
différente selon les supports. Il est relativement aisé de ne pas écouter autrui, de ne pas assister à une
réunion et de ne pas lire un livre ou un journal, dont on connaît fréquemment le style ou les tendances. Il est
déjà plus difficile de ne pas être importuné par une manifestation ou de ne pas recevoir une publicité ou un
journal gratuit, lequel, distribué indistinctement, pourra aisément tomber dans les mains d'adolescents ou
d'enfants. On est libre d'assister ou non à, une pièce de théâtre ou à une séance de cinéma. Encore faut-il
être en mesure de prévoir ce que l'on verra et de savoir, le cas échéant, s'il convient d'y laisser aller des
mineurs. Un avertissement donné aux adultes peut également, dans certains cas, éviter que ceux-ci ne
soient induits en erreur par un titre de film, par exemple. Cet avertissement est d’autant plus nécessaire à la

12[12] Rapport annuel 2005, Médiamétrie, www.mediametrie.fr

13[13] H. Glevarec, « Les médias dans les pratiques culturelles », préc., p.43.
télévision, dont le public est indifférencié et effectue une démarche moins volontaire que celle des
spectateurs en salle. Il y est d’ailleurs plus strict puisque les visas d’exploitation pour les films
cinématographiques octroyés par le Ministre de la Culture et de la Communication après avis de la
Commission de classification, ne sont pas toujours équivalents aux pictogrammes prescrits par le CSA
(Conseil supérieur de l’audiovisuel) lors de leur diffusion à la télévision. En effet, à l’égard des films
cinématographiques, la Commission de classification émet un avis sur les sorties en salle. Le ministre de la
Culture et de la Communication délivre au vu de cet avis, un visa pouvant être accompagné d’une
interdiction en salle aux mineurs ou d’un avertissement particulier au public14[14]. Ce visa doit être
communiqué aux spectateurs. Nonobstant, il est attribué en fonction de la seule diffusion en salle et non de
la diffusion à la télévision. Or dans ce cas, le programme est largement accessible au jeune public et ne
requiert pas l’engagement particulier que suppose le fait d’aller dans une salle de cinéma. Dès lors, la
classification des programmes se veut plus stricte à la télévision compte tenu des risques encourus. Les
films cinématographiques accompagnés d’un avertissement sont classés -12 ans selon les critères du CSA.
Autrement dit, ils se trouvent coupés de l'accès au marché télévisuel sur des plages horaires qui leur
garantiraient une audience maximale et par conséquent une seconde vie sur le petit écran. Le seul critère en
vigueur reste donc la protection de l’enfance et de l’adolescence et il convient de l’apprécier dans des
termes différents selon le support concerné au mépris de la libre circulation des œuvres
cinématographiques. Cela suppose toutefois que l’information donnée soit suivie d’effets, le cas échéant, il
conviendrait d’assurer le respect des sensibilités dès lors que les chaînes « grand public» assument une
mission de service public. Une plus grande liberté d'expression pourrait être laissée aux chaînes à péage dès
lors que la volonté de recevoir est mieux marquée et que les systèmes de sécurité permettent d’assurer une
meilleure protection des enfants. Cependant, la protection de l’enfance et de l’adolescence aussi importante
soit-elle, doit se concilier avec la liberté de communication et les droits et libertés consubstantiels qui y
sont rattachés, telle que la liberté de réception des téléspectateurs « adultes » ou le respect des libertés
individuelles.

C’est pourquoi, on ne peut interdire la diffusion de programmes à caractère pornographique ou à tout le


moins recenser les personnes souhaitant accéder à de tels programmes. Telle est la position de la CNIL sur
la création de fichiers d’abonnés à des services audiovisuels souhaitant recevoir des programmes
pornographiques ce qui tendrait à sérier les abonnées amateur de films « X »15[15]. Cette mesure serait
incontestablement excessive pour les abonnés qui n’ont pas d’enfants. Elle serait peu pertinente pour ceux
qui en ont et seraient assez négligents pour ne pas utiliser le décodeur, compte tenu des possibilités d’accès
par les jeunes à la pornographie via Internet ou les supports vidéo. Pour la CNIL, le mécanisme du double
verrouillage est suffisant au regard du but à atteindre. Force est cependant de constater que le double
verrouillage est possible pour la seule diffusion en mode numérique. Même dans ce contexte, le mécanisme
du double verrouillage soumis de surcroît à un examen technique poussé16[16] répondant à des critères
bien précis sous peine de sanction (le verrouillage doit être systématique dès la première utilisation, le il
doit être synchronisé avec la durée du programme, les programmes ne doivent être accessible après saisie
d’un code personnel à quatre chiffres17[17], l’accès doit être verrouillé à chaque changement de contexte,

14[14] Les interdictions concernent les mineurs de moins 12 ans, de 16 ans, de 18 ans.

15[15] http://www.cnil.fr/index.php?id=1556.

16[16] Au cours de l'année 2004, suite à l'avis rendu par la CNIL le 14 avril 2004, le CSA a procédé à nouveau à des
tests techniques sur les systèmes de double verrouillage mis en place sur CanalSatellite, TPS, Canal+ numérique, FTC,
Noos et UPC. Il a également entendu les principaux distributeurs du câble et du satellite afin de prendre en compte
leurs possibilités techniques et leurs difficultés particulières.

17[17]Le code de 4 chiff es doit t e diff e t de 0000. Il s’agit d’u code sp cifi ue e t d di à cet usage do c
différent du code d'accès au paiement à la séance. Dans l'attente de la mise en place de tous les critères et en
le système ne doit pas être débrayable…)18[18], s’accompagne de conditions d’accès particulières définies
par l’instance de régulation dans le cadre d’une recommandation adoptée le 15 décembre 200419[19]. Les
prémices de cette recommandation se trouvaient en germe dans le rapport Kriegel20[20]. En effet, le CSA
considère dans cette recommandation que seule la mise en place d'un arsenal de mesures est susceptible, eu
égard aux configurations techniques en vigueur, d'assurer un niveau satisfaisant de protection des mineurs.
Il définit à ce titre, le type de services autorisés à diffuser des programmes de catégorie V (de grande
violence ou pornographique), le nombre de programmes autorisés ainsi que les horaires de diffusion21[21].
De même qu’il encadre les offres promotionnelles de cette catégorie de programmes afin que des personnes
non averties ne soient pas à même de les recevoir et qu’elles aient toujours le choix d'une offre
commerciale sans la réception des programmes de catégorie V. Il ne peut y avoir d’offre globale ce qui,
pour les services de paiement à la séance, signifie que l'achat des programmes de catégorie V doit
s’effectuer à l’unité.

Compte tenu des restrictions proposées dans le cadre de cette diffusion en mode numérique pour laquelle il
est techniquement possible de verrouiller correctement l’accès aux programmes, il ne pouvait en être
autrement pour la diffusion en mode analogique. Du moins, il fallait éviter l’interdiction pure et simple de
diffusion des programmes de catégorie V de façon à garantir la liberté de réception des programmes sans
pour autant pointer du doigt les amateurs de films « X »22[22]. C’est chose faîte et dans termes respectueux
de la liberté de réception puisque la responsabilité parentale se substitue aux contraintes techniques de
diffusion qui limitent l’accès à de tels programmes. Outre, les horaires de diffusion, qui ne sont pas
toujours suffisants pour éviter la présence des mineurs devant l'écran, le CSA a-t-il tenu à ce que tous les
abonnés23[23] soient tenus de manifester leur choix – par écrit - de recevoir l'offre globale ou celle sans les
programmes de catégorie V à partir du 1er janvier 200624[24]. Certes, l'efficacité du dispositif de
verrouillage repose également sur la prise de conscience par les abonnés des risques que représente pour les
mineurs l'accès à des programmes de catégorie V. Cette prise de conscience se traduit par la configuration
et la confidentialité du code d'accès ainsi que par la bonne compréhension par les parents des manipulations
techniques nécessaires. Cependant ce système doit être en état de fonctionnement même sans le filtre
parental.

particulier du code spécifique qui pose des difficultés techniques sur certains services, le CSA propose aux opérateurs
un système de remplacement jusqu'en 2008.

18[18] V. CE, 17 mai 2006, Association Comités Télévision et libertés, req., n°263081.

19[19] CSA, Protection de l’enfance et de l’adolescence à la télévision et à la radio, Les Brochures du CSA, juin 2006,
p.61.

20[20] V. L. Franceschini, « Pornographie et télévision », Légipresse, 2002, n°197, II, p.163.

21[21] Ils ne peuvent être diffusés seulement par les chaînes « cinéma » comportant des obligations spécifiques
d’investissement, ou ayant souscrit à des engagements élevés de contribution à la production. Chaque convention
précise le nombre de diffusions. La diffusion n’est possible qu’entre minuit et 5 heures du matin.

22[22] V. CE, 9 février 2005, Société Canal Calédonie, Légipresse, 2005, n°223, I, 99.

23[23] On l’aura compris, cela vise Canal Plus.

24[24] Cette offre globale ne doit pas être proposée à des conditions commerciales favorables.
Enfin, lorsqu’on se trouve dans un lieu public où aucun choix n’est possible de la part de la foule, le respect
le plus large possible de toutes les opinions devrait s’imposer. S’il n’est pas question d’interdire l’affichage
publicitaire ou d’opinion, il est légitime de la contrôler. La liberté à prendre en considération n’est pas celle
de l’annonceur, qui dispose d’autres moyens pour s’exprimer, mais celle du spectateur forcé. Même si une
minorité seulement était choquée par une annonce, il y aurait lieu de l'interdire. Théoriquement, la notion
d'outrage aux bonnes mœurs devrait permettre aux juges répressifs de protéger le sentiment moyen de la
population. Mais les poursuites sont rares. Le ministère public, débordé par ail1eurs, est indifférent à ce
type d'infraction, les pressions sont à sens unique et les décisions de justice, lorsqu'el1es interviennent, sont
parfois contradictoires. On invoque souvent, et tout à fait à tort, l'idée d'un seuil de tolérance qui se serait
accru au cours de notre siècle... Même s'il est certain que les mœurs évoluent dans une société, cette
argumentation est un peu facile, car il est presque impossible de connaître le degré exact de leur évolution
... Considérer qu'il y a tolérance dès lors qu'aucune action violente n'est commise serait une incitation à la
délinquance des majorités silencieuses.

Transformer la liberté d'expression en un droit à l'agression serait la dénaturer et donc, à terme, la rendre
plus fragile, puisque même dans les démocraties libérales, les minorités ont le droit de voir leur conscience
protégée.

Chapitre 3 : Le droit de la communication


Vous l’aurez remarqué, tous ces aspects de la communication sont saisis par le droit et plus exactement par
le droit de la communication. Cette branche du droit va s’appliquer à toutes les activités qui, par le moyen
de l’écrit, de l’image ou du son ou de tout autre signe, communiquent au public des informations, des
connaissances, des loisirs. Eduquer, informer, distraire telles sont les fonctions essentielles des
entreprises de communication auxquelles s’applique le droit de la communication.

Le droit de la communication distingue la réglementation applicable aux supports, marquée par ses aspects
techniques, de celle applicable aux services ou plus exactement aux contenus. Cette distinction permet la
modélisation des dispositions relatives au contenu en fonction de chacun des supports. Le contenu relève
directement de la liberté fondamentale d’expression alors que le support est simplement protégé par la loi et
prend les traits d’une liberté publique. Ce mouvement de fragmentation légale maintenu artificiellement par
le législateur ne doit pas occulter le phénomène inverse de convergence qui tend à rassembler sur le même
réseau numérique, l’audiovisuel traditionnel, la communication en ligne, la correspondance privée et plus
largement ce que l’on englobe désormais sous l’appellation « Communication électronique », mais aussi la
presse écrite traditionnelle, ou le cinéma.

Ce système de fragmentation est maintenu au prix de certaines complications (v. par exemple les régimes
juridiques applicables au droit de réponse), voire incohérences (v. par exemple les régimes juridiques
applicables à la protection du jeune public) puisque le réseau a vocation à uniformiser le régime applicable
aux contenus.

Le droit de la communication permet également de souligner les limitations dont la liberté d’expression fait
l’objet. En réalité, le droit français traite de conciliation. C’est une liberté dont la proclamation
s'accompagne immanquablement de limitations ou à tout le moins doit être conciliée avec d’autres libertés
bénéficiant de la même protection. La société libérale est alors celle qui s'emploie à fixer cette conciliation
au strict minimum, afin d'éviter tout à la fois l'autoritarisme et la dilution du lien social. Cet équilibre est
toujours exposé à des critiques contradictoires dans le cadre d’un Etat libéral, et il est par conséquent
précaire du moins sujet à interprétation. Tel est le cas de la conciliation de la liberté d’expression et du
respect de la vie privée.
Titre 2 :
L’affirmation de la liberté de communication

Chapitre 1 : Une liberté appréhendée sous l’angle de la liberté


d’expression

Section 1 : La reconnaissance textuelle de la liberté de


communication

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous limiterons le champ de nos développements aux textes fondamentaux
à savoir l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et l’article 10 de la Convention
européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

I - L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 définit la libre de


communication des pensées et des opinions comme « un des droits les plus précieux de l’homme : tout
citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi ». La Déclaration des droits de l’homme, en qualité de texte fondateur des « droits
inhérents à l’essence de l’homme »25[25], fait partie des textes constitutionnels du droit français26[26].

25[25] J. Rivero, Les libertés publiques, PUF, collection Thémis-Droit public, Tome 1, Les droits de l’homme, 8ème
édition, 1997, p.52.

26[26] La précision de ce texte est remarquable par rapport au caractère plus circonstanciel des textes qui l'ont suivi,
par exemple: La Constitution du 24 juin 1793, article 7 : « Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la
voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes ne
peuvent être interdits. La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme. »

La Constitution du 5 fructidor an III (1795), puis la Constitution du 22 frimaire an VIII (1799), dont le droit à la liberté
d'expression est absent.

La Charte constitutionnelle du 4 juin 1814, article 8 :« Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs
opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté. »

La Charte constitutionnelle du 14 août 1830, article 7 : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs
opinions en se conformant aux lois. La censure ne pourra jamais être rétablie. »
L’article 1er du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 proclame l’attachement du peuple français
« aux Droits de l’homme […] tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée
par le préambule de la Constitution de 1946 ». Dans sa célèbre décision n°71-44 DC du 16 juillet 1971
« liberté d’association », le Conseil constitutionnel, consacre la valeur constitutionnelle du préambule de la
Constitution, et offre ainsi une protection de premier rang au texte de la Déclaration des droits de l’homme
et des citoyens. C’est d’ailleurs dans sa décision n°73-51 DC du 27 décembre 1973, dite « Taxation
d’office », qu’il va pour la première fois utiliser la Déclaration comme texte de référence, au même titre que
la Constitution. Le Conseil constitutionnel, en qualité de gardien des textes constitutionnels, est le garant du
respect des droits proclamés dans la Déclaration. Ce texte, tout comme le préambule de la Constitution de
1946 et la récente Charte constitutionnelle de l’environnement de 2005, est adossé à la Constitution et
forme le bloc de constitutionnalité.

Le libellé de l’article 11, rédigé en des termes très généraux, permet d’étendre la liberté de communication
à tous moyens qui procèdent de l’extériorisation de la pensée. Au delà des modes de communication visés
expressément par l’article, sont aujourd’hui concernés par la protection découlant de l’article 11 de la
DDHC, toutes les formes de communication qui nécessitent l’intervention d’un support et de moyens de
réception appropriés, pour être mises à disposition du public. Au coté de l’imprimé, distribué dans des
points spécialisés ou à domicile à titre onéreux et gratuit, le son et l’image utilisent des supports différents.
Diffusés par câble ou supports hertziens terrestres ou satellitaires, ils requièrent l’acquisition de matériels
de réception et le paiement de redevance ou d’abonnement. Au titre des supports modernes de
communication relevant implicitement de l’article 11, les signaux de toute nature –écrit, son et image-
diffusés sur le réseau Internet sont reçus à l’aide d’un matériel informatique approprié, et la souscription
d’un abonnement permettant l’accès au réseau. Bref, sont concernés la presse, la radio, la télévision, les
télécommunications et la communication au public par voie électronique.

Fort de cette interprétation extensive de la liberté de communication, le Conseil constitutionnel relève


toutes les formes d’expression susceptibles de relever du champ d’application de l’article 11. Et, de préciser
à l’occasion des décisions rendues, les garanties afférentes à l’exercice de ce droit, qui doivent être mises
en œuvre par le législateur. Dans sa globalité, la liberté de communication est une liberté fondamentale
parce qu’elle est la condition des autres libertés.

La Constitution du 4 novembre 1848, article 8 : « Les citoyens ont le droit de s'associer, de s'assembler paisiblement et
sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. L'exercice de ces droits
n'a pour limites que les droits ou la liberté d'autrui et la sécurité publique. La presse ne peut, en aucun cas, être
soumise. à la censure. »

La Constitution du 14 janvier 1852 se contente de reconnaître, confirmer et garantir « les grands principes proclamés
en 1789, et qui sont la base du droit public des Français ».

Les lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875, qui forment la Constitution de la Ille République, ne
contiennent pas de déclaration de droits, même s'il est admis que les principes de 1789 ont souvent inspiré la
législation, et, entre autres, la loi de 1881 sur la presse.

La Constitution du 27 octobre 1946, puis la Constitution du 4 octobre 1958 se sont contentées, sur ce point, de se
référer, dans leurs Préambules, à la Déclaration de 1789.
Le nouvel article 34 de la Constitution, dont la rédaction est issue de la réforme en date du 23 juillet 2008,
précise que la loi fixe les règles concernant « le pluralisme et l’indépendance des médias ». Les
prescriptions du Conseil constitutionnel reçoivent ainsi une assise constitutionnelle traduisant ainsi une
forme d’effet cliquet qui n’existe plus dans sa jurisprudence. Une interprétation téléologique des débats
législatifs relatifs à la révision constitutionnelle permet d’apprécier cet ajout à l’aune de l’article 11 de la
DDHC et ne va pas au-delà, en induisant un refus des concentrations excessives ou une indépendance à
l’égard du pouvoir politique. Elle induit simplement le rejet de la censure.

II - Au coté de cette protection interne de la liberté de communication, il existe des textes à vocation
internationale - l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques- ou régionale –
l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales-, de portée plus ou moins contraignante, qui convergent vers le même objectif.
Régulièrement introduits dans l’ordre juridique interne, ces textes ont une valeur supérieure à la loi, en
application de l’article 55 de la Constitution.

L’article 19 al 1 du Pacte dispose que « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions. Toute personne a droit
à la liberté d’expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des
informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite,
imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ».

Ce texte présente un caractère obligatoire pour tous les Etats signataires, après ratification. Cependant, ce
caractère obligatoire est limité en l’absence de mécanismes sanctionateurs et d’obligations positives mises à
la charge des Etats, propres à garantir l’effectivité des droits et libertés ainsi reconnus. Par ailleurs, le Pacte
ne reconnaît pas les droits, mais s’engage à respecter les droits déclarés. Donc, il s’agit d’un simple
engagement qui n’a pas d’effet direct car le traité s’adresse aux Etats et non aux individus.

Reprenant en grande partie le contenu de ce texte, l’article 10 de la Convention européenne de


sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, s’affirme comme le texte de référence
en la matière. Ce texte, quant à lui, contient des dispositions qui ont un effet direct27[27].

Elaborée sous l’égide du Conseil de l’Europe, cette Convention est dotée, en outre, d’un mécanisme de
contrôle du respect des obligations qui sont prescrites. Dans un premier temps, ont coexisté un contrôle
administratif devant la Commission, ainsi qu’un contrôle juridictionnel devant la Cour européenne des
droits de l’homme. Cependant, depuis l’entrée en vigueur du Protocole n°11, seul le contrôle juridictionnel
demeure devant la Cour.

L’article 10 al 1 de la Convention dispose que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit
comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir et de communiquer des informations ou des idées
sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorité publique et sans considération de frontière ».

La formulation de cet article est assez universelle ; « toute personne » indique que les bénéficiaires de la
liberté sont à la fois les personnes physiques et les personnes morales. Cet article, en l’absence de

27[27] CE, 19 avril 1991, Belgacem.


précisions contraires, s’applique à tout support de communication et à toute activité de communication. La
communication politique et idéologique y est garantie. Il en va de même du discours commercial.

L’article 10 met à la charge des Etats une obligation de protection de la liberté ainsi garantie qui doit les
amener à prendre toute mesure susceptible d’empêcher ou de sanctionner les actes des personnes privées.

Au principe de liberté énoncé au paragraphe 1er (il vise « la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de
communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et
sans considération de frontière») s'opposent les exceptions envisagées au second paragraphe. La liberté
d’expression fait donc partie des libertés conditionnelles qui peuvent faire l’objet d’une dérogation ou
d’une restriction notamment dans le cadre d’une clause d’ordre public. Cela autorise l’Etat à limiter
l’exercice du droit proclamé tout en le laissant subsister.

Ces restrictions doivent être prévues par la loi c’est-à-dire par une norme générale, écrite ou
jurisprudentielle, antérieure aux faits litigieux et satisfaisant à des exigences d'accessibilité et de
prévisibilité). Sur ce point, la CEDH a eu l’occasion de préciser que « l’étendue et les modalités d’un tel
pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir une
protection adéquate contre l’arbitraire »28[28]

Ces restrictions doivent viser l’un des buts reconnus comme légitimes par l'article 10, paragraphe 2 (la
sécurité nationale, l'intégrité territoriale ou la sûreté publique, la défense de l'ordre ou la prévention du
crime, la protection de la santé ou de la morale, la protection de la réputation ou des droits d'autrui, la
sauvegarde d'informations confidentielles, la garantie de l'autorité et de l'impartialité du pouvoir judiciaire)
et être « nécessaires, dans une société démocratique» à la réalisation de ces buts.

L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, s'emploie à réglementer les ingérences
étatiques dans l'exercice de la liberté d'expression. En principe, la référence à l’intérêt général fait obstacle
à toute ingérence des autorités publiques : C’est la liberté d’expression qui prévaut. Cependant, la CEDH a
admis dans la jurisprudence Mamère qui concernait l’information de la population sur les risques auxquels
avaient été exposés les français suite à la catastrophe de Tchernobyl, « que la valeur éminente de la liberté
d’expression, surtout quand il s’agit d’un débet d’intérêt général, ne peut pas en toute circonstance
l’emporter sur la nécessité de protéger l’honneur ou la réputation, qu’il s’agisse de simples citoyens ou de
responsables publics »29[29]. D’où l’idée que le contrôle de la Cour se veut nécessairement très concret.

La Cour européenne des droits de l'homme a précisé que la société démocratique se caractérisait par « le
pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture» et en conséquence, la liberté d'expression « vaut non
seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou
différentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque
de la population ». L'adjectif « nécessaire » implique, quant à lui, qu'il soit justifié d'un « besoin social
impérieux »30[30]. S'il appartient d'abord aux autorités nationales, et au premier chef aux tribunaux,
d’apprécier cette nécessité, cette appréciation est soumise à un « contrôle européen », opéré par la Cour.

28[28] CEDH, 14 juin 2007, Hachette Filipacchi c/ France.

29[29] CEDH, 7 novembre 2006, Légipresse, n°239-III, p.34.

30[30] CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume-Uni .


Cet article est étroitement lié aux valeurs démocratiques sur lesquelles repose le Conseil de l’Europe. Il y
fait d’ailleurs expressément référence. Il doit aussi être lu en tenant compte d’autres articles de la
convention. L’article 17 traite du problème classique de la liberté à laisser aux ennemies de la liberté. Par
conséquent, l’article 10 ne peut permettre à quiconque « de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte
visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente convention ou à des limitations plus
amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite convention ». L’appréciation de cet article 17
autorise parfois que l’on combatte les ennemies de la liberté par des méthodes qui relèvent elles-aussi de
l’insulte. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme a pu le 1er juillet 1997, donner raison sur le
fondement de l’article 17 combiné avec l’article 10 à Monsieur Gerhard Oberschlick qui avait traité
Monsieur Jorg Haider d’imbécile : Le premier, rédacteur en chef de la revue Forum (revue internationale
pour la liberté culturelle, l’égalité politique et la solidarité), avait écrit un article intitulé « PS : imbécile au
lieu de nazi » et débuté par ses mots « Je dirai de Jorg Haider, primo qu’il n’est pas un nazi et secundo
qu’il est un imbécile » ce qu’il s’employait à justifier dans le reste de l’article. Poursuivi pour diffamation
et injure, il a été condamné par le Tribunal correctionnel de Vienne en 1991, et confirmé en appel en 1992.
Il a saisi la CEDH, qui dans une conception plutôt libérale, soulève le redoutable problème ; quelles armes
la démocratie a-t-elle le droit d’employer pour lutter contre les ennemies de la liberté ? La Cour fait valoir
que eu égard aux thèses défendues par Monsieur Haider, la condamnation du requérant représente une
ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression de celui-ci. La limite des critiques
admissibles est plus large à l’égard d’un homme politique agissant en sa qualité de personnage public, que
d’un simple particulier. L’homme politique doit montrer une plus grande tolérance lorsqu’il se livre lui-
même à des déclarations publiques pouvant prêter à critiques.

En matière de liberté d’expression, il arrive que l’article 10 soit invoqué en association avec l’article 14
prohibant les discriminations. En matière de sondages électoraux, le TGI de Paris31[31] avait ainsi
considéré que l’interdiction de publication lors de la semaine précédant le scrutin n’était pas seulement
incompatible avec l’article 10 de la Convention, mais encore avec son article 14. Cette mesure de
restriction représentait, selon les juges, une discrimination entre les internautes, qui pouvaient accéder à des
sondages publiés sur des sites web étrangers, et les électeurs n’ayant pas l’accès à Internet. Cette analyse
peut sembler très contestable. De fait, elle n’avait pas convaincu la Cour d’appel de Paris32[32], pour
laquelle aucun de ces deux articles n’avait été violé. C’est de façon curieuse que s’est produite une
résurgence de l’article 14 de la Convention dans le contentieux de la publication des sondages. Appelée à
se prononcer sur l’application de la loi de 1977 modifiée par la loi du 19 février 2002, la Cour de
Paris33[33] a considéré que la loi du 19 février 2002, étant une loi pénale plus sévère, ne pouvait être
appliquée à des faits commis avant son entrée en vigueur. La Cour d’appel rappelait que la Cour de
cassation avait, par arrêt du 4 septembre 2001, déclaré les articles 11 et 12 de la loi de 1977, dans sa
rédaction antérieure à la loi du 19 février 2002, incompatibles avec les articles 10 et 14 de la
Convention. Or cet arrêt de la Cour de cassation ne faisant aucunement état de l’article 14, il convient alors
de préciser de quelle nature sont les discriminations.

31[31] TGI Paris, 17e ch., 15 décembre 1998, Ministère public c/ Ph. A., Légipresse, janv./févr. 1999, III-15 ; AJDA
1999. 521, note E. Desfougères.

32[32] CA Paris, 11e ch., sect. B, 29 juin 2000, Légipresse, septembre 2000, III-147.

33[33] CA Paris, 11e ch. B, 23 mai 2002 : Légipresse, octobre 2002, I-125.
L’article 7 prescrivant la légalité des peines, est souvent escorté de l’article 10. Ainsi la Cour de
cassation34[34] a-t-elle approuvé une Cour d’appel d’avoir considéré que l’article 38, alinéa 3, de la loi de
1881, était contraire, en raison de l’imprécision de ses termes, aux articles 6, 7 et 10. Mais c’est parfois
sans succès que l’article 7 est invoqué devant les juges. Dans une affaire où plusieurs personnes avaient été
renvoyées devant le tribunal correctionnel pour publicité indirecte en faveur du tabac, le troisième moyen
de cassation invoquait une violation des articles 7 et 10. L’exception fut rejetée par les juges du fond. La
Cour de cassation les en approuva, soulignant que les dispositions en la matière étaient une mesure
nécessaire à la protection de la santé qui constitue un intérêt général légitime35[35].

Sur ce terrain de l’intérêt général, la CEDH tout comme le juge national, est amené à concilier l’article 10 à
d’autres articles de la Convention et notamment l’article 8 (prescrivant le respect de la vie privée) : « si la
liberté d’expression s’étend également à la publication de photographies, il s’agit là néanmoins d’un
domaine où la protection de la réputation ou des droits d’autrui revêt une importance particulière »36[36].
L’élément déterminant lors de la mise en balance de la protection de la vie privée et de la liberté
d’expression doit résider dans la contribution que l’information apporte au débat d’intérêt général.

34[34] Cass. crim. 20 février 2001 : préc.

35[35] Cass. crim. 18 mars 2003 .

36[36] CEDH, 17 octobre 2006, Gourgunitze c/ Georgie, requêt n°71678/01.

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