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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr.

Eloie SOUPGUI, Agrégé des


Facultés de Droit

UNIVERSITE DE YAOUNDE II-SOA


Faculté des Sciences Juridiques et Politiques
Année Académique 2020/2021
Filières : droit public (L3 DPU), droit privé (L3 DPR)

DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE


Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des Facultés de Droit

Bibliographie indicative

1. Tchokomakoua V., Kenfack P.-E., Droit du Travail camerounais, PUA, 2000,


265 p.
2. Code du Travail annoté, Sous dir. POUGOUE P.-G., 1997, 541 p.
3. Les grandes décisions de droit du travail et de la sécurité sociale, sous dir ;
Tchakoua J.-M., éd. JustPrint, juin 2016, 858 p.
4. Favennec-Héry F., Verkindt P.-Y., Droit du travail, L.G.D.J 7e édition, 2020,
5. Auzero G., Baugard D., Dockès E., Droit du travail, Dalloz – 34e édition, 2020
6. Kessler F., Droit de la protection sociale, Dalloz, 7e édition, 2020
7. Borgetto M., Lafore R., Droit de la sécurité sociale, Dalloz, 19e édition, 2019

PLAN DU COURS
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : DROIT DU TRAVAIL, LES RELATIONS
INDIVIDUELLES DE TRAVAIL
CHAPITRE 1ER : LE RECRUTEMENT DANS L’ENTREPRISE
SECTION I : PREPARATION ET ELABORATION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Paragraphe 1 : La phase de préparation du contrat de travail
Paragraphe 2 : La phase d’élaboration du contrat de travail
Section II : Les caractéristiques du contrat de travail
Paragraphe 1er : les caractéristiques secondaires du contrat de travail
Paragraphe 2 : la caractéristique principale du contrat de travail : le lien de
subordination
Section III : les formes de contrat de travail
Paragraphe 1 : Les formes classiques du contrat de travail
Paragraphe 2 : Les nouveaux types de contrat de travail

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CHAPITRE II : L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL


SECTION I : L’EXECUTION DU CONTRAT PAR L’EMPLOYEUR
PARAGRAPHE 1 : Les pouvoirs du chef d’entreprise
Paragraphe 2 : Les obligations de l’employeur
SECTION II : L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL PAR LE
TRAVAILLEUR
Paragraphe I : Les droits du travailleur
Paragraphe II : Les obligations du travailleur

CHAPITRE III : LES INCIDENTS A L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL


SECTION I : La suspension du contrat de travail
Paragraphe I : Les causes de la suspension du contrat de travail
Paragraphe 2 : La modification du contrat de travail
SECTION II: La modification du contrat de travail
Paragraphe I : La modification par changement d’employeur
Paragraphe II : La modification par révision du contrat de travail

CHAPITRE IV : LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL


SECTION 1 : LA DEMISSION DU TRAVAILLEUR
Paragraphe 1 : Les conditions de la démission
Paragraphe 2 : Les effets de la démission
SECTION II : LE LICENCIEMENT DU TRAVAILLEUR PAR SON EMPLOYEUR
Paragraphe 1 : Les catégories de licenciement
Paragraphe 2 : Les droits des travailleurs licenciés

CHAPITRE V : LE CONFLIT INDIVIDUEL DE TRAVAIL


SECTION 1 : LES HYPOTHESES DE DIFFERENDS INDIVIDUEL
Paragraphe 1 : Différend entre employeur et travailleur
Paragraphe 2 : Différends entre employeurs ou entre travailleurs
SECTION II : PROCEDURE DE REGLEMENT DES CONFLITS INDIVIDUELS
DE TRAVAIL
Paragraphe 1 : La phase amiable

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Paragraphe 2 : La phase contentieuse ou judiciaire

DEUXIEME PARTIE : DROIT DE LA SECURITE SCIALE

TITRE I : LE CHAMP D’APPLICATION DU SYSTEME DE SECURITE SCIALE

CHAPITRE I – LES PERSONNES BENEFICIANT DU SYSTEME DE SECURITE


SCIALE

SECTION I - L’AFFILIATION OBLIGATOIRE


Paragraphe 1 - Les travailleurs
Paragraphe 2 - Les assimilés aux travailleurs
Paragraphe 3 - Les membres des familles des travailleurs
SECTION II – L’AFFILIATION VOLONTAIRE

CHAPITRE II – LES RISQUES COUVERTS PAR LA SECURITE SCIALE

SECTION I – LES RISQUES PROFESSIONNELS


Paragraphe 1 – L’accident de travail
Paragraphe 2 - Les maladies professionnelles

SECTION II - LES PENSIONS


Paragraphe 1 - L’assurance vieillesse
Paragraphe 2 - La pension anticipée
Paragraphe 3 - L’assurance décès

TITRE II : L’OPERABILITE DE LA SECURITE SCIALE AU CAMEROUN

CHAPITRE I - LE FINANCEMENT DE LA SECURITE SCIALE

SECTION I – L’ASSIETTE ET LES TAUX DE COTISATION


Paragraphe 1 – L’assiette des cotisations
Paragraphe 2 – Le taux des cotisations

SECTION II - LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS

CHAPITRE II - L’INDEMNISATION DES RISQUES COUVERTS PAR LA


SECURITE SCIALE
SECTION I - LES PRESTATIONS VERSEES PAR LA CNPS
Paragraphe 1 – Les prestations en cas de risques professionnels
Paragraphe 2 - Les prestations servies dans la branche des pensions
Paragraphe 3 - Les allocations familiales

SECTION II - LES PRESTATIONS DUES PAR UN TIERS RESPONSABLE DU


DOMMAGE
Paragraphe 1 - Les recours de la victime ou de ses ayants droit
Paragraphe 2 - Le principe du non-cumul des prestations
Paragraphe 3 - L’action subrogatoire de LA CNPS
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INTRODUCTION GENERALE
Le droit du travail peut être défini comme l’ensemble des règles juridiques qui
régissent dans le secteur privé, les relations individuelles et collectives de travail existant
entre un employeur et un ou plusieurs travailleurs. Le droit de travail qui apparaît comme le
corollaire de l’économie de marché a été introduit en Afrique par les colonisateurs. En effet,
les grands travaux engagés dans les pays africains pendant la colonisation nécessitaient une
main-d’œuvre indigène importante. Ainsi naquit le salariat en Afrique sous l’appellation de
« régime de l’indigénat » et les services des travailleurs étaient volontaires ou forcés avec ou
sans rémunération. L’application d’un véritable droit du travail libre de toutes les pesanteurs
au Cameroun est l’aboutissement d’un long processus qui passe par la suppression du travail
forcé, l’institution du contrôle de la main-d’œuvre indigène et l’amélioration des conditions
de travail.
A son accession à l’indépendance, le Cameroun comme les autres pays africains
dominés par la France hérite du code du travail d’outremer promulgué le 15 Décembre 1952.
Ce texte restera en vigueur au Cameroun jusqu’au 12 juillet 1967 date de promulgation d’un
nouveau code de travail.
L’évolution législative aboutit à l’adoption de la loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant
code du travail qui constitue jusqu’aujourd’hui le socle juridique du droit du travail
camerounais. Quelles sont les personnes assujetties au code du travail ?
Le domaine d’application du code de travail est déterminé par l’article 1 er de la loi de
1992. Le code ne vise que les employeurs et les travailleurs du secteur privé et dans le secteur
public les contractuels et assimilés. Sont exclus du champ d'application du code de travail les
personnels régis par:
 - le statut général de la fonction publique;
 - le statut de la magistrature;
 - le statut général des militaires;
 - le statut spécial de la sûreté nationale;
 - le statut spécial de l'administration pénitentiaire;
 - les dispositions particulières applicables aux auxiliaires d'administration.

A- Les objectifs du droit du travail


Le droit du travail camerounais poursuit quatre objectifs : la protection du travailleur,
la garantie de la paix sociale, la stabilité politique et la recherche de l’équilibre entre la
protection du travailleur et la sauvegarde de l’entreprise.
- La protection du travailleur. Le droit du travail est né de la nécessité de protéger les
salariés moins nantis face aux employeurs économiquement puissants. L’application des
règles du droit commun des contrats en matière de travail a conduit à la surexploitation de la
main-d’œuvre : journée de travail longue, absence de repos et de congés et surtout les salaires

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dérisoires. C’est pour limiter l’exploitation de l’homme par l’homme que l’Etat impose des
règles particulières en matière sociale. Ce droit protecteur impose aux employeurs des règles
impératives à respecter sous peine de sanction ; ces règles sont relatives notamment aux
conditions de travail, à la maternité, au salaire, à l’hygiène à la sécurité et à la retraite.
-La garantie de la paix sociale. La réglementation du travail est liée au développement des
peuples et des nations raison pour laquelle la production des entreprises est recherchée. Le
droit du travail encourage le dialogue et la négociation comme mode d’aménagement des
relations professionnelles et de règlement des conflits de travail. Deux institutions sont
chargées d’entretenir le dialogue social au Cameroun : la Commission Nationale Consultative
de Travail réglementée par les articles 117 à 119 du Code de Travail et la Commission
Nationale de Santé et de Sécurité au Travail régie par les articles 120 et 121 du même code.
La paix est également recherchée à travers la stabilité de l’emploi. Dans cette perspective, le
Code du Travail réglemente rigoureusement le licenciement pour empêcher les employeurs de
procéder aux licenciements abusifs.
-La recherche de la stabilité politique. La stabilité politique est une préoccupation constante
dans tous les pays. A cet égard on note une double intervention de l’Etat en matière de
travail :
- L’intervention directe à travers l’élaboration des règles impératives qui s’imposent à tous les
partenaires sociaux. Les textes d’application du code de travail relèvent de la compétence des
autorités étatiques.
- L’intervention indirecte par le biais des syndicats et des négociations collectives. L’Etat
contrôle la constitution et le fonctionnement des syndicats ; en effet, l’exigence de la
déclaration et du dépôt des statuts auprès des greffiers des syndicats nommés par décret du
Président de la République témoignent de la volonté de contrôle des autorités étatiques. L’Etat
exerce une forte influence sur les négociations collectives ; les commissions paritaires (la
Commission Nationale Consultative de Travail et la Commission Nationale de Santé et de
Sécurité au Travail) sont présidées par le Ministre en charge du travail ou par son
représentant.
La recherche de l’équilibre entre la protection du travailleur et la sauvegarde de
l’entreprise. Il s’agit d’un objectif nouveau, né de l’observation de la réalité économique qui
montre que la protection du travailleur est inutile si l’entreprise doit fermer en raison des
difficultés économiques et financières insurmontables. La protection du travailleur passe par
la sauvegarde de l’entreprise. Cette préoccupation se manifeste à travers des dispositions du
Code de Travail notamment :
- l’article 32 alinéa K qui instaure le chômage technique ;
- l’article 40 permet au chef d’entreprise de réduire les effectifs chaque fois que
l’entreprise rencontre des difficultés.
- Les articles 157 et s. règlementent rigoureusement la grève en imposant une
procédure rigoureuse.

B- Les sources du droit du travail

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Les règles de Droit du Travail proviennent de plusieurs origines dont les unes sont
internationales et les autres nationales.

1- Les sources internationales


Les sources internationales proviennent de l’organisation Internationale de Travail (O.I.T.)
créée en 1919 par le Traité de Versailles avec pour principal objectif d’étudier les problèmes
et de proposer les solutions. L’O.IT. s’efforce d’assurer l’harmonisation des législations
internes grâce à deux principaux instruments : les conventions internationales et les
recommandations.
a- Les conventions internationales
Les conventions internationales sont des textes votés par la Conférence Internationale de
Travail regroupant les délégations nationales des Etats membres. Chaque délégation est
composée de deux représentants gouvernementaux, d’un représentant des employeurs et d’un
représentant des travailleurs. Le secrétariat de la conférence est assuré par le Bureau
International du Travail qui est l’organe exécutif de l’O.I.T. Le siège est à Genève en Suisse.
Le Cameroun a ratifié plusieurs conventions internationales.

b- Les recommandations
Les recommandations sont des suggestions formulées par l’O.I.T. à l’endroit des Etats
membres en vue de les orienter vers l’adoption des solutions d’ordre social. Bien qu’elles ne
soient pas obligatoires, elles exercent une grande influence sur le système juridique des Etats
membres.
L’O.I.T. joue un rôle déterminant dans la réglementation du travail dans les pays
membres. Cependant, en raison du principe de souveraineté des Etats, les sources nationales
conservent une place prépondérante dans la production des normes régissant le travail.

2- Les sources nationales


Les sources nationales sont classées en deux catégories : les sources étatiques et les sources
professionnelles

a- Les sources étatiques


La constitution, la loi, les règlements et la jurisprudence sont les principales sources étatiques
du droit du travail.

o La constitution
De manière générale, les préambules des constitutions africaines énoncent que tout homme a
le droit et le devoir de travailler. Ce principe général est renforcé par la protection de l’emploi
qui est considéré comme un droit fondamental du citoyen. La constitution précise que la
réglementation du travail relève du domaine de la loi.

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o La loi
Dans la plupart des pays africains le travail est réglementé par une loi. En droit
camerounais plusieurs lois se sont succédées et celle est vigueur actuellement est la loi n°
92/007 du 14 août 1992 portant Code du Travail. Elle est complétée par d’autres lois
réglementant notamment les prestations familiales, la prévoyance sociale, la prévention et la
réparation des accidents de travail et des maladies professionnelles, la pension de vieillesse
d’invalidité et de décès. L’application du code de travail et des autres lois nécessite des
précisions apportées par les règlements.

o Les règlements
Les règlements sont pris par l’autorité exécutive en vue de faciliter l’application ou
l’interprétation d’une loi. En matière de travail, le pouvoir réglementaire est exercé par le
président de la République et le premier ministre qui interviennent par voie de décret et
d’arrêtés et par le Ministre en charge du travail qui prend des arrêtés et des circulaires. Les
contestations relatives à l’application de différents textes sont soumises aux tribunaux.

o La jurisprudence
La jurisprudence est l’ensemble des solutions suggérées par une suite de décisions
concordantes rendues par les tribunaux sur une question spécifique du droit. Elle éclaire les
juges en donnant un contenu concret aux termes généraux non définis par les lois et
règlements. Il en est ainsi des notions de licenciement abusif de faute lourde et de faute grave.

b- Les sources d’origine professionnelle


Les sources professionnelles du droit du travail sont : les conventions collectives, les accords
collectifs, le règlement intérieur de l’entreprise, le contrat individuel de travail et les usages de
travail.
o La convention collective et l’accord collectif
La convention collective est un accord entre les représentants des travailleurs et des
employeurs en vue de régler les relations professionnelles. Elle a vocation à régir l’ensemble
des matières relatives aux conditions de travail et d’emploi ainsi qu’aux garanties sociales des
travailleurs. Il en existe plusieurs au Cameroun par exemple la convention instituant une
classification professionnelle nationale type a été rendu exécutoire au Cameroun par un arrêté
du 29 octobre 1970.
L’accord collectif est une négociation entre les représentants des travailleurs et des
employeurs qui traite seulement d’un ou de quelques points liés aux conditions de travail ou
d’emploi comme le chômage technique et la retraite. On distingue 3 types d’accords :
- L’accord d’établissement couvre une ou plusieurs entreprises déterminées ;
- L’accord professionnel pour une branche d’activité ;
- L’accord interprofessionnel touche l’ensemble des branches d’activité on parle.

o Le règlement intérieur de l’entreprise

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Le règlement intérieur est régi par l’article 29 du Code de Travail. Il est défini comme
l’ensemble des dispositions établies par le chef d’entreprise en vue de préciser les règles
relatives à l’organisation technique du travail, aux normes et à la procédure disciplinaire, ainsi
qu’aux prescriptions concernant l’hygiène et la sécurité au travail. Il vise à assurer la bonne
marche de l’entreprise. Le règlement intérieur est la charte de l’entreprise et ses prescriptions
s’imposent aux travailleurs.

o Le contrat individuel de travail


Le contrat individuel de travail est une convention par laquelle un travailleur s’engage à
mettre son activité professionnelle sous l’autorité et la direction d’un employeur en
contrepartie d’une rémunération. Il est l’acte de naissance des rapports professionnels entre
l’employeur et le travailleur. Le contrat de travail permet d’adapter la législation du travail et
les conventions collectives à la situation individuelle de chaque travailleur ; c’est pourquoi il
est considéré comme la source la plus importante du droit du travail.

o Les usages de travail


Les usages sont des normes non écrites nées de la pratique des relations professionnelles
entre les employeurs et les travailleurs. Ils sont souvent considérés comme des normes
supplétives parce qu’ils ne s’appliquent qu’en cas de silence de la législation du travail.
Lorsque les usages présentent les caractères de régularité, de généralité et de stabilité, on les
considère comme des normes impératives. Certains usages ont été consacrés par le droit du
travail notamment les pourboires dans les hôtels et les restaurants.
Les relations individuelles de travail naissent avec le recrutement du travailleur matérialisé
par la conclusion du contrat de travail (chapitre 1 er). Elles vivent par l’exécution des
obligations réciproques par les parties contractantes (chapitre 2). Comme toute relation
humaine, les relations professionnelles peuvent traverser des périodes de « turbulence ». Le
code du travail a règlementé les incidents à l’exécution normale du contrat de travail (chapitre
3) et la rupture du contrat de travail (chapitre 4). Le règlement des conflits de travail fait
également l’objet d’une procédure particulière (chapitre 5).

CHAPITRE 1ER : LE RECRUTEMENT DANS L’ENTREPRISE


Le recrutement dans l’entreprise est matérialisé par la conclusion du contrat de travail. L’art.
23 al1 du code de travail le définit comme « une convention par laquelle un travailleur
s’engage à mettre son activité professionnelle sous l’autorité et la direction d’un employeur,
en contrepartie d’une rémunération ». Sa conclusion est souvent l’aboutissement d’un
processus qui comporte une phase préparatoire avant son élaboration proprement dite (section
I). Le contrat de travail ainsi défini doit présenter certaines caractéristiques qui permettent de
l’identifier et de le distinguer des autres contrats (section II). Il peut se présenter sous
plusieurs formes (section III).

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SECTION I : PREPARATION ET ELABORATION DU CONTRAT DE TRAVAIL


La conclusion du contrat de travail est souvent l’aboutissement d’un processus qui comporte
une phase préparatoire et une phase d’élaboration. Mais il convient de relever que cette phase
préparatoire n’est pas obligatoire pour la conclusion du contrat de travail.
Paragraphe 1 : La phase de préparation du contrat de travail
La préparation du contrat de travail est assurée par des contrats intermédiaires : contrat
d’apprentissage, contrat de formation et contrat d’engagement à l’essai.
A- Le contrat d’apprentissage

Le contrat d’apprentissage est une convention par laquelle, un chef d’entreprise industrielle,
commerciale ou agricole ou un artisan s’oblige à donner ou à faire donner une formation
professionnelle méthodique et complète à une personne qui s’oblige en retour, à se conformer
aux instructions qu’elle recevra et à exécuter les ouvrages qui lui seront confiés en vue de son
apprentissage. Art. 45 Code du travail.
Il ne peut être conclu que si l’apprenti a atteint 14 ans et le maître l’âge de 21 ans. Le contrat
d’apprentissage doit être conclu par écrit à peine de nullité absolue et sa durée ne peut être
supérieure à 4 ans. Il prend fin à l’arrivée du terme convenu par la délivrance d’un certificat
d’apprentissage précédé ou non d’un examen professionnel.
B- Le contrat de formation

Le contrat de formation permet de donner au candidat à l’emploi titulaire d’un diplôme


professionnel ou universitaire une formation professionnelle appropriée à l’entreprise. Cette
formation permet d’adapter l’enseignement reçu à la pratique de l’entreprise. Le contrat de
formation est utilisé dans certaines structures comme la BEAC, la SONEL ainsi que dans les
professions d’auxiliaire de justice où il prend le nom de stage qui peut durer 2 ou 3 ans.
C- Le contrat d’engagement à l’essai

L’essai est défini par l’art 28 du code de travail comme une période pendant laquelle
l’employeur se réserve le droit d’apprécier les aptitudes professionnelles et le rendement du
travailleur et le candidat à l’emploi, le droit d’apprécier les conditions de vie de rémunération,
d’hygiène de sécurité et la nature des relations dans l’entreprise. Il doit faire l’objet d’un écrit.
La durée de l’engagement à l’essai est fixée par l’art 2 de l’arrêté n° 17/MTPS du 26 mai
1993.

Catégories I et II III et IV V et VI VII et IX X à XII

Durée 15 jours 1 mois 2 mois 3 mois 4 mois

L’engagement à l’essai ne peut porter que sur une période maximale de 6 mois
renouvellement compris, sauf en ce qui concerne les cadres pour lesquels cette période peut

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être prolongée jusqu’à 8 mois. La prorogation des services après l’expiration du contrat sans
renouvellement exprès vaut engagement définitif prenant effet à compter du début de l’essai.
C.S Arr. n° 13/S du 16 Juillet 1987 aff. EKONO c/ CHE Cie.
Il y a également confusion entre le contrat d’engagement à l’essai (CEE) et le contrat définitif
de travail en cas de confirmation avant la fin de la période d’essai, du travailleur dans son
emploi. L’employeur ne peut plus ultérieurement le congédier pour essai non concluant. C.S
Arr. n° 53/S du 14 Mai 1985 aff. UCB c/ Giovanni.

Paragraphe 2 : La phase d’élaboration du contrat de travail


L’élaboration du contrat de travail obéit aux conditions de fond et de forme.
A- Les conditions de fond

La conclusion du contrat de travail obéit aux conditions générales de formation de tous les
contrats prévues par l’article 1108 du Code Civil : d’une part le consentement et la capacité
des parties, d’autre part l’objet et la cause du contrat. En plus de ces conditions générales, le
code du travail a prévu des conditions spécifiques au contrat de travail qui dérogent parfois
aux exigences du droit commun.
Les parties doivent exprimer librement leur consentement. Si l’employeur profite de la
condition misérable du travailleur pour lui imposer des conditions de travail défavorables le
contrat peut être annulé sur le fondement de la violence (morale). En effet, bien que
l’employeur n’ait exercé aucune violence sur le travailleur, l’état de nécessité dans lequel se
dernier se trouvait au moment de la conclusion explique qu’il ait accepté des conditions de
travail défavorables pour assurer sa survie. On comprend dès lors que le consentement donné
n’ait pas été libre. Cependant, l’annulation du contrat de travail n’a pas d’effet rétroactif.
Quant à la capacité des parties, le code du travail déroge au droit commun dans la mesure où
les enfants de 14 ans peuvent conclure un contrat de travail avec le consentement même
implicite de leur parent ou tuteur.

B- Les conditions de forme


Selon l’art. 23 al. 2 du code de travail, les contrats de travail sont librement passés. Ce qui qui
signifie qu’en principe, aucune forme n’est requise pour la validité du contrat. Il peut être
verbal ou écrit ; C’est le principe du consensualisme en vertu duquel l’échange des volontés
suffit pour créer des droits et des obligations à l’égard des parties.
Cependant, il existe quelques exceptions en matière sociale. La 1 ère concerne les contrats à
durée déterminée supérieure à 3 mois et la 2nde les contrats nécessitant l’installation du
travailleur hors de sa résidence habituelle. Dans les deux cas, le contrat doit être constaté par
écrit avec ampliation à l’inspection du travail du ressort de l’entreprise.

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Les contrats écrits doivent impérativement comporter des informations sur l’identité des
parties, la raison sociale de l’entreprise, la référence de la convention collective applicable s’il
y en a, la nature du contrat et de l’emploi, le lieu d’exécution.
De même le contrat d’un travailleur de nationalité étrangère doit avant tout commencement
d’exécution être visé par Le ministre du travail art 27 al2 du code du travail.
La formalité de visa est destinée à contrôler le recours à la main d’œuvre étrangère. L’art 27
al. 4 du code fixe à deux mois le délai de réponse accordé au ministre au-delà duquel le visa
est réputé avoir été accordé.

Section II : Les caractéristiques du contrat de travail


Le contrat de travail présente une caractéristique principale et des caractéristiques
secondaires.
Paragraphe 1er : les caractéristiques secondaires du contrat de travail
Les caractéristiques secondaires du contrat de travail sont les suivantes :
- Le contrat de travail est intuitu personae : il est conclu à titre personnel en
considération des aptitudes de la personne. Par conséquent, le travailleur ne peut se
faire remplacer par un ami ou un membre de sa famille sans l’accord de l’employeur ;
- Le contrat de travail est un contrat à titre onéreux : la prestation du travailleur est
nécessairement rémunérée par celui qui en profite en l’occurrence l’employeur ;
- Le contrat de travail est un contrat synallagmatique : il fait naître des obligations
réciproques à la charge des deux parties ;
- Le contrat de travail est un contrat à exécution successive : l’exécution s’étale dans le
temps, elle n’est pas instantanée, par conséquent l’annulation ne produit pas d’effet
rétroactif, elle n’a d’effet que pour l’avenir. Les salaires échus restent dus au
travailleur ;
- Le contrat de travail est un contrat d’adhésion : la plupart des stipulations sont
prévues par la loi.

Paragraphe 2 : la caractéristique principale du contrat de travail : le lien de


subordination
L’article 23 al. 1 du code de travail qui définit le contrat de travail met en évidence trois
éléments essentiels : le travail, le salaire et le lien de subordination.
Le salarié doit accomplir sa tâche sous l’autorité et la direction de l’employeur. Il doit ainsi
travailler sous ses ordres. Le principe a été affirmé par la Cour Suprême du Cameroun dans
son arrêt du 2 février 1965.
La subordination comporte deux aspects juridique et économique. La subordination juridique
se traduit par le pouvoir reconnu à l’employeur de donner des ordres à son employé et de lui

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infliger des sanctions disciplinaires conformément au règlement intérieur. La subordination


économique découle du fait que le travailleur tire de son activité professionnelle, ses
principaux moyens de subsistance.
En principe, le contrat de travail s’exécute dans l’entreprise ou l’établissement où l’employeur
affecte un poste de travail au salarié. Mais dans l’arrêt du 02 octobre 1987 affaire EPC/AKOA
François, la Cour suprême du Cameroun précise que la subordination ne concerne pas
uniquement le travail effectué dans un lieu précis comme l’atelier, l’usine ou le bureau. Elle
s’étend à tout travail accompli sous l’autorité de l’employeur quel que soit le lieu de son
exécution. La désobéissance, preuve d’insubordination à l’employeur est constitutive de faute
lourde (Cour Suprême Arr. n° 69/S du 19 mars 1968). La faute lourde est définie comme une
faute extrêmement grave qui rend intolérable le maintien des relations de travail et justifie le
départ immédiat du travailleur sans préavis ni indemnité.

Section III : les formes de contrat de travail


Une distinction est établie entre les contrats classiques et les contrats atypiques.
Paragraphe 1 : Les formes classiques du contrat de travail
Les formes classiques du contrat de travail sont au nombre de deux : le contrat à durée
déterminée (CDD) et le contrat à durée indéterminée (CDI).

A- Le contrat à durée déterminée


Le contrat à durée déterminée comporte plusieurs variantes. D’une part, il s’agit d’un contrat
dont le terme est fixé librement par les deux parties au moment de la conclusion ; à l’arrivée
du terme le contrat cesse de produire ses effets. D’autre part, il s’agit d’un contrat dont le
terme est déterminé par la survenance d’un événement futur et certain dont la réalisation ne
dépend pas uniquement de la volonté de l’une des parties mais qui est indiqué avec précision.
Exemple : contrat conclu pour un chantier. Art. 25 al. 1 code du travail.
Le contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour une durée maximale de 2 ans
renouvelable une fois. Le renouvellement du contrat à durée déterminée ne saurait être tacite.
Il doit être notifié par l’employeur au travailleur. La poursuite des relations professionnelles
au-delà du terme transforme le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

B- Le contrat à durée indéterminée

Le terme du contrat à durée indéterminée n’est pas fixé à l’avance par les parties. Par
conséquent, il peut cesser à tout instant par la volonté de l’une ou l’autre partie à condition de
respecter le préavis et de notifier à l’autre partie le motif de la rupture. La durée du préavis
varie de 15 jours à 4 mois en fonction de la catégorie et de l’ancienneté du travailleur. Arrêté
n° 15/MTPS du 26 mai 1993.

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Catégories Ancienneté

Moins d’un an Entre 1 et 5 ans Plus de 5 ans

I à VI 15 jours 1 mois 2 mois

VII à IX 1 mois 2 mois 3 mois

X à XII 1 mois 3 mois 4 mois

Dans le contrat à durée indéterminée, l’employeur peut licencier le travailleur à tout moment
tout comme le travailleur peut démissionner, sous réserve du respect des conditions ci-dessus
évoquées. Mais la liberté de rupture reconnue à l’employeur est entravée par le système de
protection des salariés contre les licenciements abusifs.

Paragraphe 2 : Les nouveaux types de contrat de travail


L’art. 25 al. 4 du code du travail consacre des pratiques longtemps suivies par les opérateurs
économiques : contrat saisonnier, contrat occasionnel et contrat temporaire.

Le contrat temporaire est un contrat ayant pour objet soit le remplacement d’un travailleur
absent ou dont le contrat est suspendu (pour cause de maternité, de garde à vue, de maladie du
travailleur…), soit l’achèvement d’un ouvrage nécessitant l’emploi d’une main-d’œuvre
supplémentaire dans un délai déterminé. Sa durée maximale est de 3 mois renouvelable une
fois (Art 2 et 6, décret n° 93/577/PM du 15 juillet 1993).

Le contrat de travail occasionnel permet de résorber un accroissement conjoncturel et


imprévu des activités de l’entreprise ou d’exécuter des travaux urgents pour prévenir des
accidents imminents, organiser des mesures de sauvetage ou procéder à des réparations de
matériels, d’installation ou de bâtiments. La durée ne peut excéder 15 jours et le contrat est
renouvelable une seule fois par an dans la même entreprise. Art 3 et 6.
Le contrat saisonnier est défini comme un contrat lié à la nature climatique ou cyclique des
activités de l’entreprise. Il ne peut excéder 6 mois et peut être renouvelable chaque année avec
le même employeur suivant les besoins de l’entreprise. Ce contrat s’adapte aux activités
agricoles. Dans ce secteur, les entreprises utilisent une grande main d’œuvre pendant les
périodes d’activités appelées “campagne’’ qui peuvent être plus ou moins longues selon les
années.
Les trois nouveaux types de contrat sont destinés à faciliter la gestion des entreprises car ils
apportent une grande souplesse dans l’utilisation des ressources humaines par le chef
d’entreprise.

CHAPITRE II : L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
Facultés de Droit

Le contrat de travail crée des droits et des obligations à l’égard de toutes les parties. Il
convient de distinguer l’exécution par l’employeur de l’exécution par le travailleur.

SECTION I : L’EXECUTION DU CONTRAT PAR L’EMPLOYEUR


L’employeur est une personne physique ou morale qui conclut le contrat de travail avec le
salarié. Il s’agit de l’entreprise ou de l’établissement. Dans son sens usuel, l’employeur est
souvent confondu au chef d’entreprise qui est défini comme celui qui possède les moyens de
production et qui à ce titre est investi des prérogatives et des responsabilités patronales.
Le chef d’entreprise est le représentant légal de l’entreprise c'est-à-dire celui qui agit en ses
lieu et place. Il est nécessairement une personne physique. Il s’agit selon les cas du PDG ou
du DG des SA ou du gérant dans les SARL ou les SNC. Nous étudierons les droits et des
devoirs du chef d’entreprise.

PARAGRAPHE 1 : Les pouvoirs du chef d’entreprise


Le chef d’entreprise est titulaire de trois importantes prérogatives : le pouvoir de direction, le
pouvoir réglementaire et le pouvoir disciplinaire.
A- Le pouvoir de direction ou de gestion de l’entreprise
Le pouvoir de direction permet d’assurer la bonne marche de l’entreprise. Le chef d’entreprise
assure la direction économique et la direction des hommes.
La direction économique de l’entreprise est assurée à travers les décisions prises par le chef
d’entreprise en vue de mettre en œuvre la fonction productive du capital. L’employeur peut
ainsi prendre des mesures d’organisation et de réorganisation des services dans l’entreprise.
L’art. 42 al. 2 du code du travail reconnait à ce dernier le pouvoir de modifier les conditions
de travail. Seul juge de son entreprise, il peut prendre à l’égard du personnel les mesures
dictées par l’intérêt de son entreprise.
La jurisprudence décide également que l’employeur est seul juge des circonstances qui
l’amènent à cesser son exploitation et aucune disposition légale ne lui fait obligation de
maintenir son entreprise dans le seul but d’assurer à son personnel la stabilité de l’emploi
(arrêt du 31 mars 1956 affaire BRINON).
La direction des hommes se manifeste d’abord par la prise des mesures d’ordre individuel. Le
chef d’entreprise décide du recrutement du travailleur, de sa promotion, de sa mutation, de sa
rétrogradation et de son licenciement pour inaptitude professionnelle. Elle se manifeste
ensuite par des mesures d’ordre collectif, notamment le chômage technique et le licenciement
pour motif économique encore appelé compression du personnel.

B- Le pouvoir réglementaire
En vertu du pouvoir règlementaire, le chef d’entreprise élabore le règlement intérieur, les
circulaires et les notes de service applicables à l’ensemble du personnel. Le plus important de
ces textes est le règlement intérieur. Son élaboration relève de la compétence exclusive du
chef d’entreprise. Il est tenu de communiquer le projet au délégué du personnel pour avis et à

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
Facultés de Droit

l’inspecteur du travail pour son visa. Ce dernier peut exiger le retrait ou la modification de
certaines dispositions.
Le contenu du RI est limité aux règles relatives à l’organisation technique du travail, à la
procédure disciplinaire et aux prescriptions concernant l’hygiène et la sécurité du travailleur.
Pour les salariés, le RI constitue un véritable code de conduite qui définit à la fois les fautes et
les sanctions disciplinaires.
Lorsque l’inspecteur du travail donne son visa, le chef d’entreprise est tenu de faire la
publicité du RI par voie d’affichage sur les lieux de travail accessibles aux travailleurs et par
le dépôt d’une copie visée au greffe du TPI. Cette double publicité détermine sa date d’entrée
en vigueur.

C- Le pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise


Le chef d’entreprise a le pouvoir d’infliger des sanctions aux travailleurs qui commettent des
fautes disciplinaires. A cet égard plusieurs types de sanctions s’offrent au chef d’entreprise :
- les sanctions morales : il s’agit de l’avertissement écrit ou verbal, du blâme avec ou sans
inscription au dossier, de la réprimande ;
-Les sanctions pécuniaires : l’art 30 al1 CT interdit à l’employeur d’infliger des amendes au
travailleur. La seule sanction disciplinaire qui peut avoir pour conséquence la réduction du
salaire est la mise à pied prévue par l’art 30 al2 CT. Sa validité est soumise aux conditions
suivantes : elle doit être d’une durée maximale de 8 jours ouvrables ; être notifiée au
travailleur par écrit avec indication des motifs ; être communiquée dans les 48 heures à
l’inspecteur du travail du ressort. En dépit du respect de ces conditions, si le juge trouve
insuffisant le grief allégué pour justifier la mise à pied disciplinaire le travailleur a droit à son
salaire supprimé et éventuellement aux dommages et intérêts s’il a subi un préjudice distinct
et résultant la perte de salaire ;
- Les sanctions professionnelles : elles frappent le travailleur dans sa carrière ; Il s’agit du
retard à l’avancement, du détachement ou de la mutation du travailleur, de la rétrogradation et
du licenciement.
En principe, le code du travail n’attribue pas au juge le droit d’exercer un contrôle de
proportionnalité entre la faute disciplinaire et la sanction infligée par l’employeur en dehors
de l’hypothèse de la mise à pied prévue par l’art 30 al. 4 CT. Mais la jurisprudence s’est
arrogée ce droit depuis l’arrêt de la Cour Suprême n°85/S du 14 mai 1987 aff. Brasseries du
Cameroun/Gaspard Messe Ndzesse. En l’espèce, le travailleur avait pris deux bouteilles de
bière qu’il a consommées sur les lieux de travail pendant les heures de service avec son hôte.
L’employeur qualifia ce comportement de faute lourde et licencia le travailleur. La cour
suprême décida que le licenciement était abusif parce qu’une telle faute méritait une sanction
moins grave que le licenciement.
Dans la mise en œuvre de son pouvoir disciplinaire l’employeur doit respecter la règle du non
cumul de sanction suivant laquelle, il est interdit d’infliger deux sanctions pour la même
faute. Cependant l’art. 130 al4 CT permet à l’employeur de prononcer la suspension

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
Facultés de Droit

provisoire (mise à pied conservatoire) du délégué du personnel en cas de faute lourde en


attendant l’autorisation de licenciement de l’inspecteur.

Paragraphe 2 : Les obligations de l’employeur


L’employeur a des obligations dans le domaine du travail et de la prévoyance sociale.

A- Les obligations de l’employeur dans le domaine du travail


1- L’obligation de fournir le travail convenu
Le travail fourni par l’employeur doit correspondre à la qualification professionnelle
convenue entre les parties ; Il doit être fourni au lieu convenu. L’employeur est tenu de
donner au salarié les instructions et les moyens nécessaires à l’exécution du travail et il est
tenu de le traiter avec dignité.
Que se passe-t-il en cas de changement dans la situation juridique de l’entreprise ? L’art 42
al. 1 CT prévoit le maintien des contrats de travail en cours ; En cas de vente, fusion,
transformation de fonds ou mise en société les contrats de travail en cours subsistent entre le
nouvel acquéreur et le personnel de l’entreprise. La poursuite d’une activité identique ou
similaire par le nouvel employeur est une condition nécessaire et suffisante pour le maintien
des contrats de travail. Ils pourront être résiliés en cas de changement d’activité de
l’entreprise ou lorsque les travailleurs expriment devant l’inspecteur de travail, leur volonté de
quitter l’entreprise. Dans ce cas, ils seront licenciés avec paiement de leurs droits avant le
transfert de l’entreprise. Le principe du maintien des contrats en cours est une dérogation à
l’effet relatif des contrats dans le but de protéger le travailleur.

2- Le paiement de la rémunération du travail


Le salaire est la contrepartie de la prestation du travailleur. Il comporte deux éléments :
- Le salaire de base qui ne peut être inférieur au SMIG fixé à 36 270 F CFA/mois par
le décret 2014/2217/PM du 24 juillet 2014 portant revalorisation du SMIG. Le salaire
peut être calculé sur la base de la durée légale de travail (salaire au temps) ou sur des
critères d’aptitude et de productivité (salaire au rendement). La rémunération peut
également être constituée en tout ou partie par des commissions (primes et prestations
diverses).
- Les accessoires du salaire sont librement négociés dans le cadre des conventions
collectives ou des contrats individuels de travail. Ils peuvent être en espèce (primes
diverses) ou en nature (logement, nourriture, habillement, soins..).

En principe, la détermination du salaire tient compte du secteur d’activité et de la catégorie


professionnelle du travailleur. Mais dans la pratique il est librement négocié par les parties.
Depuis la promulgation du code du travail du 14 août 1992 on s’achemine vers la suppression
des zones de salaire. La discrimination des salaires selon les zones traduisait une fausse réalité
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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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selon laquelle la vie couterait plus chère dans les villes que dans les villages. L’art 62 al. 2 du
code de travail précise que les catégories professionnelles et les salaires y afférents peuvent se
négocier dans le cadre des conventions collectives ou des accords d’établissement.
Les modalités de paiement du salaire sont fixées par la loi. Selon l’art. 68 al. 1 CT, le
salaire doit être payé à intervalle régulier ne pouvant excéder un mois et tout travailleur peut
sur sa demande, recevoir au bout de 15 jours un acompte portant sur la moitié de la quotité
mensuelle de son salaire de base. Le salaire est payé en espèce ou par virement bancaire.
Il est interdit à l’employeur d’effectuer le paiement dans un débit de boisson, un magasin de
vente sauf pour les travailleurs qui y sont employés. Le paiement doit être constaté par un
bulletin de paie et par le registre de paiement constitué des duplicatas des bulletins de paie.
Au moment du paiement l’employeur doit prélever toutes les retenues obligatoires à charge de
les reverser aux organismes destinataires.
L’action en revendication du salaire et des indemnités liées à la rupture du contrat de travail
se prescrit en 3 ans. Au-delà de cette période, le travailleur est en principe forclos. Mais la
prescription peut être écartée par un simple aveu de non-paiement de l’employeur : CS Arr. n°
123/S du 16 septembre 1982 affaire EBOMBOU c/ TSIMI Paul. Dans cette affaire,
l’employeur reconnaissait le non-paiement du salaire mais opposait la prescription triennale
au travailleur ; Il n’a pas été suivi par la haute juridiction. Ainsi, le salaire reste dû aussi
longtemps que l’employeur reconnait sa dette et l’action du travailleur reste recevable dès lors
qu’il prouve qu’il n’a pas encore été payé. Il ne pourra dans ce cas compter que sur la bonne
foi de son employeur.
La prescription triennale peut être interrompue par une réclamation écrite ou verbale du
travailleur, ou par une assignation en paiement. L’interruption de la prescription est une
mesure de protection du salaire.
Le salaire est doublement protégé contre les créanciers du salarié et contre ceux de
l’employeur. Pour tenir compte du caractère alimentaire du salaire le Décret n° 69/DF/289 du
30 juillet 1969 fixe la quotité saisissable et cessible à un tiers du salaire. Le travailleur
bénéficie d’un super privilège du salaire qui le protège contre les créanciers de l’employeur
dans les procédures collectives.

3- Le respect de la durée de travail


L’art 80 CT fixe la durée de travail à 40 heures par semaine. Au-delà de cette durée, tout
travail effectué est considéré comme supplémentaire et rémunéré à un taux distinct des heures
réglementaires (Décret n° 68/DF/249 du 10 juillet 1968.)
Le travailleur a droit à un repos hebdomadaire en principe les dimanches et les jours fériés
ainsi que des congés payés en raison 1 jour ½ ouvrable par mois de service effectif. Le congé
annuel étant destiné à permettre au travailleur de se reposer, l’octroi d’une indemnité
compensatrice est formellement interdit. Art. 92 al. 5 CT.

4- L’hygiène et la sécurité au travail


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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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L’employeur est tenu de fournir le travail convenu dans un cadre sain qui préserve la santé
des travailleurs. Le contrôle des mesures d’hygiène et de sécurité est effectué par le médecin
et l’inspecteur de travail qui sont tenus de faire des visites périodiques dans les entreprises.

B- Les obligations de l’employeur dans le domaine de la prévoyance sociale


L’employeur a l’obligation d’immatriculer et d’affilier ses travailleurs à la CNPS. Le
travailleur immatriculé reçoit un livret d’assurance et la CNPS ouvre pour chaque travailleur
un dossier qui enregistre les périodes de cessation d’activité du travailleur. L’employeur doit
également payer les cotisations patronales et salariales. Les cotisations salariales sont
supportées personnellement par les travailleurs sur leur salaire.
L’employeur est tenu de déclarer à la CNPS tous les risques encourus par ses employés et
dont il a connaissance. Cette déclaration doit être suivie par la constitution du dossier pour
permettre au travailleur assuré de bénéficier des prestations. La CNPS couvre les charges
familiales, les accidents de travail, les maladies professionnelles, la vieillesse, l’invalidité et le
décès.

SECTION II : L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL PAR LE


TRAVAILLEUR
Comme l’employeur, le travailleur est titulaire des droits et assume des obligations.

Paragraphe I : Les droits du travailleur


Dans l’ensemble, les obligations de l’employeur constituent les droits du travailleur :
- le droit à la rémunération : il est la contrepartie de la prestation accomplie par le
travailleur. Le paiement du salaire est la conséquence du double caractère onéreux et
synallagmatique du contrat de travail ;
- le droit à un cadre de travail décent : le cadre de travail doit être propice à la santé
des travailleurs. En dehors des bureaux et des ateliers, l’employeur doit aménager et
entretenir les lieux de repos et d’aisance.
- le droit au respect de sa dignité : le travailleur ne doit pas faire l’objet d’injures et de
mépris sur les lieux de travail ou en dehors de l’entreprise. Cette obligation emporte
également le respect de sa vie privée.

Les droits du travailleur sont renforcés par le droit de grève qui peut être mis en œuvre par
une collectivité de travailleurs, le droit d’enquête dans les entreprises reconnu à l’inspecteur
de travail en vue de s’assurer de l’application de la réglementation de travail.

Paragraphe II : Les obligations du travailleur


Le travailleur est tenu d’une obligation matérielle et des obligations morales.
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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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A- L’obligation matérielle
L’employé est tenu d’exécuter le travail convenu. L’obligation du travailleur ayant un
caractère personnel, il ne peut se faire remplacer dans l’exécution de sa prestation sans
l’accord de son employeur. Il doit exécuter sa tâche avec diligence en évitant toute perte de
temps et tout gaspillage. Il peut donc être tenu de réparer le dommage causé par sa faute.
Partant de la notion de risque, la jurisprudence présume la bonne foi du travailleur dans
l’exécution de sa prestation. Ainsi la responsabilité des travailleurs n’est généralement mise
en œuvre qu’en cas de faute lourde.
B- Les obligations morales du travailleur

Le travailleur est soumis à plusieurs obligations morales :


- Le devoir d’intégrité : le travailleur doit exécuter sa prestation avec probité. la
violation du devoir d’intégrité est punie sur le double plan pénal et professionnel. Sur
le plan professionnel, il s’agit d’une faute lourde légitimant le licenciement sans
préavis ni indemnité. Sur le plan pénal, la violation de ce devoir constitue le délit de
corruption prévu et réprimé par l’art 312 du Code Pénal en ces termes : « est puni d’un
emprisonnement de 1 à 3 ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 frs ou de l’une de
ces 2 peines seulement tout employé rémunéré sous quelle que forme que ce soit, qui
sans autorisation de son patron reçoit des dons ou agrée des commerces pour faire ou
s’abstenir de faire un acte de service ».
- Le devoir d’obéissance : c’est une conséquence logique du lien de subordination qui
caractérise le contrat de travail. Tout comportement insolent (injures, mépris,
insubordination) à l’égard de l’employeur peut entrainer une perte de confiance de
l’employeur, motif légitime de licenciement.
- Le devoir d’observer la discipline de l’entreprise : le travailleur doit respecter les
dispositions du règlement intérieur. Il doit notamment se soumettre aux prescriptions
relatives à l’hygiène et à la sécurité au travail. Ainsi, le refus de porter un dispositif
obligatoire de sécurité peut être constitutive de faute lourde.
- Le devoir de garder le secret professionnel : le travailleur doit s’abstenir de
divulguer les secrets de fabrication et les procédés d’exploitation propres à
l’entreprise. La violation de cette obligation est réprimée par les art. 310 et 311 du
Code Pénal. Le travailleur est tenu de garder le secret professionnel lorsqu’il est en
activité et même après la cessation de son contrat de travail. Cette interdiction
perpétuelle met à la charge du travailleur une obligation sans contrepartie et constitue
un frein à la libre concurrence des entreprises.

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
Facultés de Droit

- Le devoir de non-concurrence : le travailleur doit consacrer toute son activité


professionnelle à l’entreprise, sauf dérogation prévue au contrat de travail. Le
travailleur est libre d’exercer en dehors de son temps de travail, toute activité à
caractère professionnel non susceptible de faire concurrence à l’entreprise ou de nuire
à la bonne exécution des services convenus. Le travailleur est ainsi soumis à une
obligation de non concurrence pendant l’exécution du contrat de travail.

Le code de travail permet également aux parties, d’insérer dans leur contrat une clause de non
concurrence qui entre en jeu après la rupture du contrat si elle est imputable au travailleur (art
31 al. 2 CT). Cette interdiction qui constitue une sanction à l’égard du travailleur fautif
(indélicat) est limitée dans le temps et dans l’espace : sa durée ne peut excéder 1 an et elle ne
s’applique que dans un rayon de 50 km autour du lieu de travail (Art 31 al. 3 CT).

CHAPITRE III : LES INCIDENTS A L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL


Les parties à un contrat de travail doivent exécuter de bonne foi leurs obligations
contractuelles. Cependant certains incidents peuvent entraîner la suspension ou la
modification du contrat.

SECTION I : La suspension du contrat de travail


La suspension est l’arrêt momentané des prestations contractuelles entre les parties dû à
une cause volontaire ou involontaire. Ses causes et ses effets de la suspension sont prévus par
l’art. 32 du code de travail.
Paragraphe I : Les causes de la suspension du contrat de travail
Le code de travail énumère les causes de suspension du contrat de travail. Elles correspondent
à des hypothèses où il y a un juste motif d’inexécution provisoire de l’obligation de procurer
l’emploi ou de fournir du travail.
1. Le départ du travailleur sous les drapeaux
2. Le départ de l’employeur sous les drapeaux à condition que ce départ entraine la
fermeture de l’entreprise. Le départ sous les drapeaux regroupe le service militaire, la
préparation militaire et le service national.
3. La maladie du travailleur. L’art. 32 al. 1 fixe la durée de la suspension pour cause de
maladie à 6 mois renouvelable jusqu’au remplacement effectif du travailleur. La
maladie doit être constatée par un médecin agréé par l’employeur ou relevant d’un
établissement hospitalier reconnu par l’Etat. Cette condition pose le problème de la
validité des constatations faites par les guérisseurs traditionnels. La jurisprudence
camerounaise est réticente à reconnaître une valeur à ces actes (CA Douala Arr. n°

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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110/S du 06 mars 1987). Le travailleur doit notifier par écrit sa maladie à l’employeur.
Cependant, la jurisprudence décide que cette notification peut se faire par tout moyen,
même par une information directe de l’employeur par les proches du travailleur
malade. Généralement les règlements intérieurs et les conventions collectives fixent le
délai de prévenance à 48 heures. L’absence pour maladie non justifiée lorsqu’elle est
prolongée constitue une faute lourde (TGI de 6 février 1982). Toutefois, s’il est établi
que l’employeur a eu connaissance de la maladie, compte tenu des éléments de la
cause, les juridictions peuvent estimer que la production tardive du certificat médical
ne fait pas disparaître la protection légale. En principe, le travailleur malade ne doit
pas quitter l’hôpital ou son domicile et il doit s’abstenir de travailler.
Le non-respect par le travailleur de ces formalités et obligations est considéré comme un
motif légitime de licenciement (CS arr. n° 40/S du 8 janvier 1987 Koul Jean Pierre c/
SOCADA.
4. Le congé de maternité : la durée de suspension est de 14 semaines. Elle est
susceptible de prorogation de 6 semaines si la femme est malade de suite des couches
(le congé commence 4 semaines avant la date présumée de l’accouchement). La
protection de la femme enceinte qu’elle soit mariée ou célibataire vise 3 objectifs :
éviter qu’elle ne perde son emploi par licenciement du fait de la grossesse ou de
l’accouchement (interdiction de licencier une femme enceinte Art 84 C.T.), permettre
à la femme enceinte ou à la mère de se consacrer à sa maternité si elle le désire (elle a
le droit de résiliation art. 84), protéger pendant une certaine période la santé de la
femme enceinte et de la mère (congé + 15 mois à compter de l’accouchement, la mère
a droit à un repos pour allaitement 1h/journée).
5. La mise à pied disciplinaire ; Pour être valable, elle doit remplir les conditions
suivantes : durée maximale de 8 jours, notification par écrit au travailleur avec
indication des motifs pour lesquels elle est infligée. En plus une ampliation de la
notification doit être adressée dans les 48 heures à l’inspecteur du travail du ressort.
C’est la seule sanction qui entraine la réduction du salaire.
La mise à pied est qualifiée de conservatoire lorsqu’elle est infligée au délégué du personnel
coupable de faute lourde en attendant l’autorisation de l’inspecteur de travail pour le licencier.
6. L’accident de travail et la maladie professionnelle
- Est considéré comme accident de travail quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu
par le fait ou à l’occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant à quelque

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
Facultés de Droit

titre ou à quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chef


d’entreprise.
- Est considéré comme accident de trajet l’accident survenu sur le trajet aller et retour
entre sa résidence principale, une résidence secondaire présentant certains caractères
ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre
familial et le lieu de travail.
- Est considéré comme accident de trajet l’accident survenu entre le lieu de travail et le
restaurant ou d’une façon globale entre le lieu où le travailleur prend habituellement
ses repas. Le trajet protégé est celui qui est normalement le plus court. La réparation
d’un accident de trajet suit la même procédure que celle de l’accident de travail.
A la différence des maladies ordinaires les travailleurs victimes des maladies professionnelles
et des accidents de travail ne sont pas concernés par la limite de six mois. Ils bénéficient d’un
régime spécial prévu par la loi n° 77 du 13 juillet 1987 portant réparation des accidents de
travail et des maladies professionnelles. Leur contrat est suspendu pour toute la durée de leur
maladie ou de leur indisponibilité et l’employeur ne peut le rompre. S’il le fait le licenciement
est abusif (CA Douala Arr. N° 259/S du 5 sept 1986). Après la consolidation de leur situation,
ils reprennent leur poste de travail dans l’entreprise. Si la maladie ou l’accident a entrainé une
baisse de leur capacité de travail, l’employeur peut les reclasser dans l’entreprise à un poste
correspondant à leurs nouvelles aptitudes. Leur licenciement ne peut être prononcé qu’en cas
d’inaptitude totale ou d’impossibilité de leur trouver des postes tenant compte de leur
déficience. Dans ce cas, l’employeur est tenu de payer tous les droits attachés au licenciement
par la loi.
7. L’exercice des fonctions politiques ou administratives : c’est une cause suspensive
du contrat de travail. Dans ce cas les parties doivent s’entendre et si l’employeur
exprime un refus le contrat de travail sera rompu. L’accord de l’employeur lorsqu’il
est donné n’est valable que pour un mandat par conséquent, si le salarié sollicite un
nouveau mandat, un autre accord est requis.
8. La garde à vue ou la détention préventive du travailleur : on parle de la garde à
vue lorsqu’un individu est provisoirement retenu dans les locaux de la police ou de la
gendarmerie pour des besoins d’une enquête préliminaire à l’occasion d’un fait
susceptible de constituer une infraction pénale qualifiée de crime ou délit. La détention
préventive est l’incarcération d’un individu dans une maison d’arrêt en vertu d’un
mandat de dépôt délivré par les magistrats instructeurs à titre de mesure préventive
pour les seuls besoins d’information pour crime ou délit. Dans ces hypothèses, le
contrat de travail est suspendu à condition que l’instruction aboutisse à une

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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ordonnance de non-lieu ou le procès à un jugement de relaxe. Le contrat de travail est


rompu par la condamnation qu’elle qu’en soit la cause ou l’importance.
9. le congé d’éducation ouvrière : il s’agit des congés non rémunérés que les
travailleurs pourront par leur demande obtenir afin de participer aux stages consacrés
à l’éducation ouvrière ou à la formation syndicale. La durée maximale du congé est
fixée à 18 jours et à la fin du stage le travailleur réintègre son emploi dans la société.
10. L’absence du travailleur appelé à suivre son conjoint. C’est l’hypothèse où l’un
des conjoints en stage de longue durée à l’étranger emmène l’autre. Il s’agit également
du cas où l’un des conjoints exerçant dans une entreprise distincte est affecté dans une
ville où l’entreprise de son conjoint n’a pas de représentation. Le législateur permet
au travailleur obligé de suivre son conjoint de demander à son employeur la
suspension de son contrat pour une durée maximale de 2 ans renouvelables d’accord
parties.
11. Le chômage technique. C’est l’interruption collective de travail, totale ou partielle,
du personnel d’une entreprise ou d’un établissement résultant soit des causes
accidentelle ou de force majeure, soit d’une conjoncture économique défavorable.
L’arrêt du travail trouve sa source dans un trouble de la vie économique. Parmi les
causes accidentelles ou de force majeure on peut citer les pannes de matériels, la
pénurie des matières premières, l’absence d’outillage ou de moyen de transport, les
sinistres ou intempéries. La conjoncture économique défavorable peut résulter de
l’inactivité liée à la nature cyclique ou périodique des activités notamment dans le
secteur agricole.
En somme, le chômage technique est motivé par une circonstance extérieure aux travailleurs
qui en sont victimes. Il est également indépendant d’une attitude fautive de l’employeur. Il ne
doit pas dépasser six mois ; à l’expiration de cette durée, le travailleur doit reprendre ou
l’employeur doit licencier pour motif économique.

B- LES EFFETS DE LA SUSPENSION DU CONTRAT DE TRAVAIL


1- Le maintien du contrat de travail

La suspension s’analyse en une dispense provisoire pour les parties d’exécuter leur
obligations professionnelles. Malgré la suspension, le contrat de travail continue à produire
certains effets et le travailleur fait toujours partie de l’entreprise. Par conséquent, il conserve
son ancienneté et peut participer aux élections professionnelles qui se déroulent dans
l’entreprise.

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
Facultés de Droit

Cependant, on peut relever pendant la suspension du contrat de travail la disparition de


l’autorité exercée par l’employeur sur le travailleur. Cette autorité ne s’exerce que pendant
l’exécution du contrat de travail. Pendant la période de suspension, les actes accomplis par le
travailleur ne peuvent en principe être sanctionnés disciplinairement, sous réserve des cas
exceptionnels où la compétence disciplinaire de l’employeur s’étend à la vie privée du salarié.
2- Le problème du salaire
Le salaire est la contrepartie du travail fourni, par conséquent, toute interruption du travail
devrait se traduire par une diminution proportionnelle du salaire. Lorsque l’interruption est
imputable au travailleur (grève ou mise à pied disciplinaire) elle entraîne pendant sa durée
privation du salaire. Mais lorsque la suspension correspond à la réalisation d’un risque
(maladie du travailleur ou chômage technique), la tendance contemporaine est de le faire
supporter par l’employeur. La tendance à considérer le salaire comme revenu alimentaire
conduit à attribuer fréquemment aux travailleurs des salaires d’inactivité lorsqu’elle est
indépendante. Ainsi le sort du salaire dépend de la cause de suspension du contrat de travail:
- Lorsque le contrat est suspendu pour cause de maladie du travailleur, de départ de
l’employeur ou du travailleur sous les drapeaux, l’article 33 alinéas 1 et 2 accorde une
indemnité au travailleur payée par l’employeur ;
- Lorsque le contrat de travail est suspendu par suite de maladie professionnelle,
d’accident de travail ou congé de maternité, l’indemnité est servie au travailleur par la
CNPS ;
- Quant au chômage technique, l’indemnité est servie par l’employeur au travailleur.
L’indemnité de chômage technique correspond ainsi à un pourcentage du salaire mensuel
moyen perçu par le travailleur au moment de la suspension.
L’article 2 de l’arrêté n°14/CAB/CNPS/MTPS du 14 février 1995 fixe le montant de
l’indemnité ainsi qu’il suit :
- 50% du salaire le 1er mois - 40% du salaire le 2nd mois
- 35% du salaire le 3er mois - 30% du salaire le 4ème mois
- 25% du salaire le 5ème mois - 20% du salaire le 6ème mois

La prolongation du chômage technique au-delà de six mois entraîne la rupture du contrat de


travail à l’entière responsabilité de l’employeur. Ce dernier devra par conséquent payer au
travailleur l’indemnité de licenciement et de préavis.

SECTION II: La modification du contrat de travail


L’article 42 du code du travail prévoit la modification par changement d’employeur et la
modification par révision du contrat de travail.
Paragraphe I : La modification par changement d’employeur

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Le code du travail pose en son article 42 al. 1, le principe du maintien des contrats en ces
termes : en cas de changement d’employeur à la suite d’une succession, d’une vente, d’une
fusion, d’une transformation des fonds ou d’une mise en société, les contrats des travailleurs
en service dans l’entreprise doivent être conservés.
Cependant, ce principe admet des exceptions :
- lorsqu’il y a changement d’activité de l’entreprise, le nouvel employeur a le droit de
licencier les travailleurs dont les qualifications ne répondent plus à la nouvelle
activité ;
- Le maintien du contrat ne s’impose pas aux travailleurs qui peuvent manifester devant
l’inspecteur de travail leur volonté d’être licenciés avec paiement de leurs droits avant
le changement d’employeur.

Paragraphe II : La modification par révision du contrat de travail


Le code du travail permet désormais aux partenaires sociaux de réviser les conditions de
travail dans l’intérêt de l’entreprise ou du travailleur.
Dans l’intérêt de l’entreprise, la modification peut être proposée par l’employeur. Ce dernier
peut solliciter notamment, la réduction des avantages servis au travailleur pour réduire les
charges de l’entreprise en difficulté. Lorsque le travailleur refuse une modification
substantielle de son contrat de travail, l’employeur peut prononcer son licenciement. Dans ce
cas la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur. Il devra payer au travailleur
les droits attachés au licenciement (indemnité de préavis, de congé payé, indemnité de
licenciement….). Un tel licenciement n’est abusif que s’il n’est pas justifié par l’intérêt de
l’entreprise.
Le travailleur peut également proposer à l’employeur la modification des conditions de travail
notamment son salaire. Si l’employeur refuse la proposition, le contrat de travail est maintenu
aux conditions anciennes. Mais le travailleur a le droit d’offrir sa démission à l’employeur.
Tant qu’il ne l’a pas fait, l’employeur ne peut le licencier parce qu’il a sollicité l’amélioration
des conditions de travail. Un tel licenciement serait abusif.

CHAPITRE IV : LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL


La perte de l’emploi est le plus grave des risques qui pèsent sur le travailleur salarié. Selon la
nature du contrat de travail (CDD ou CDI) la fin des obligations professionnelles est plus ou
moins prévisible. En effet, le CDD prend fin à l’échéance préalablement fixée par les parties
sans que le travailleur puisse prétendre aux indemnités. L’article 38 du code de travail prévoit
également 3 hypothèses de rupture des CDD : la faute lourde, l’accord des parties et la force
majeure.
Le CDI est gouverné par le principe de la résiliation unilatérale, ce qui constitue un facteur
d’insécurité pour les parties car le travailleur peut démissionner tout comme l’employeur peut

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
Facultés de Droit

décider de le licencier à tout moment. La rupture unilatérale du contrat de travail sera


examinée principalement sous l’angle du CDI.
A côté de la démission et du licenciement, il existe d’autres hypothèses de rupture qui ne
posent pas de difficultés particulières : il s’agit de la retraite normale (60 ans) ou anticipée (50
ans avec 15 ans de cotisation à la CNPS), la force majeure (mort de l’employeur ou du
travailleur) et du départ négocié du travailleur. Le départ négocié qui ne figure pas dans le
code du travail est fréquemment utilisé par les entreprises et les travailleurs qui acceptent de
partir reçoivent une prime de bonne séparation en plus des indemnités de préavis et de
licenciement.

SECTION 1 : LA DEMISSION DU TRAVAILLEUR


L’article 34 du code de travail dispose que le CDI peut prendre fin à tout moment à la volonté
de l’une des parties. Cette disposition constitue le fondement de la rupture unilatérale du
contrat de travail. La démission doit remplir certaines conditions pour produire des effets.

Paragraphe 1 : Les conditions de la démission


La démission est la rupture du contrat à l’initiative du travailleur. Bien qu’elle soit libre pour
le travailleur engagé par un contrat à durée indéterminée, sa validité est subordonnée à
l’accomplissement de certaines formalités. Le travailleur qui envisage de démissionner doit
notifier son projet par écrit à l’employeur avec indication de motifs de la démission et
respecter le délai de préavis.
L’institution du préavis est justifiée par la nécessité d’atténuer l’exercice brusque du droit de
résiliation unilatérale. Il s’agit d’éviter à l’une des parties les inconvénients d’une résiliation
soudaine du contrat de travail et notamment pour l’employeur la difficulté de remplacer le
travailleur démissionnaire. Le préavis est d’ordre public, par conséquent les parties ne
peuvent conventionnellement y déroger.
L’arrêté n°15/MTPS/SG/CJ du 26 mai 1993 détermine la durée du préavis en fonction de la
catégorie professionnelle du travailleur et de son ancienneté dans l’entreprise. Le délai du
préavis est valable tant pour la démission que pour le licenciement.

catégorie ancienneté

< 1 an ( ) et 5 ans  5 ans

I a VI 15 jours 1 mois 02 mois

VII à IX 1 mois 02 mois 03 mois

X à XII 1 mois 03 mois 04 mois

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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Pendant la durée du préavis l’employeur et le travailleur sont tenus au respect de leurs


obligations réciproques : la prestation de travail pour le salarié et le paiement du salaire pour
l’employeur. En vue de la recherche d’un autre emploi le travailleur bénéficie pendant la
durée du préavis d’un jour de liberté par semaine.
Le travailleur qui ne respecte pas le délai de préavis peut être condamné à payer à
l’employeur une indemnité compensatrice de préavis conformément à l’article 36 du code
travail. La preuve de la démission doit être établie par une lettre écrite indiquant sans
équivoque la volonté du travailleur de démissionner.

Paragraphe 2 : Les effets de la démission


La démission met un terme définitif au contrat de travail à durée indéterminée. Lorsque le
délai de préavis est respecté elle ne donne droit à aucune indemnité payée par le travailleur.
De même le travailleur démissionnaire ne peut prétendre à aucune indemnité. Toutefois
lorsque la démission constitue plutôt un licenciement déguisé, la jurisprudence reconnaît au
travailleur le droit à une indemnisation : il en est ainsi lorsque l’employeur pousse le salarié à
la démission par des attitudes rendant difficile la continuation des rapports professionnels
(conditions de travail déplorables, humiliation permanente du travailleur en présence de ses
collègues, refus de payer les heures supplémentaires…). Dans ces cas, puisque le travailleur
est amené à démissionner par suite de mauvais traitement de l’employeur, la responsabilité de
la rupture est imputable à ce dernier. Par conséquent il doit payer au travailleur tous les
droits attachés au licenciement.

SECTION II : LE LICENCIEMENT DU TRAVAILLEUR PAR SON EMPLOYEUR


L’étude des différentes catégories de licenciement sera suivie par l’énumération des droits
qu’un travailleur licencié peut bénéficier.

Paragraphe 1 : Les catégories de licenciement


1- Le licenciement légitime

Le licenciement est qualifié de légitime lorsqu’il est fondé sur un motif valable. Deux
principales causes peuvent entraîner un tel licenciement à savoir la faute du travailleur et
l’insuffisance professionnelle. La faute peut être définie de manière générale comme tout
comportement susceptible de troubler la bonne marche de l’entreprise. On en distingue trois
catégories : la faute légère ou faute simple, la faute grave et la faute lourde. Les
comportements susceptibles de justifier le licenciement sont les fautes graves et les fautes
lourdes qui ont été définies par la jurisprudence de la manière suivante :

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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 La faute grave est celle qui, selon les usages, rend intolérable le maintien des relations
de travail et justifie le licenciement. Le travailleur bénéficie de son préavis et de
l’indemnité de licenciement s’il réunit au moins deux années d’ancienneté dans
l’entreprise ;
 La faute lourde quant à elle est définie par la Cour Suprême comme une faute
extrêmement grave qui d’après les usages rend intolérable le maintien de la relation
professionnelle et justifie le départ immédiat du travailleur de l’entreprise sans préavis
ni indemnité. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une faute intentionnelle comme le vol
ou le détournement au préjudice de l’employeur, les coups et blessures et les voies de
fait sur l’employeur ou sur son supérieur hiérarchique, les propos injurieux ou
diffamatoires à l’égard de l’employeur, la désobéissance, les absences prolongées et
injustifiées, l’ivresse et la conduite en état d’ébriété… Dans quelques cas, il peut s’agir
des fautes non intentionnelles comme les négligences…

L’insuffisance professionnelle est définie comme l’incompétence du travailleur dans


l’exercice de ses fonctions. Elle justifie le licenciement sans priver le travailleur de ses
indemnités de préavis et de licenciement. Mais les dommages-intérêts ne sont pas dus.
La perte de confiance est un motif légitime de licenciement qui doit être cependant contrôlée
par les tribunaux pour éviter les abus. La jurisprudence camerounaise tient pour légitimes, les
licenciements fondés sur des considérations d’ordre psychologique. Il suffit que l’employeur
ait cessé d’avoir confiance en son employé (CS arrêt n°3 du 17 octobre 1967 Bull 1967
P.1924) ou que la présence de ce dernier paraisse indésirable dans l’entreprise pour des
raisons d’ordre psychologique. A titre d’exemple, il y a perte de confiance en cas de poursuite
pénale du travailleur lorsque les faits sont liés à l’exécution du travail même si l’enquête ou le
jugement a donné lieu à une ordonnance de non-lieu ou à un jugement de relaxe (CS arrêt
n°34 du 3 janvier 1967). Si les poursuites pénales sont consécutives à des faits étrangers au
service, le licenciement est légitime si l’infraction commise est de nature à porter préjudice à
l’entreprise (CA Douala arrêt N°227/S du 3 juillet 1987).

2- Le licenciement irrégulier

Le licenciement est irrégulier lorsqu’il intervient en violation des règles de procédure prévues
par la loi ou les conventions collectives. On peut citer à titre d’exemple la résiliation
unilatérale d’un contrat à durée indéterminée sans préavis par l’employeur.
Le travailleur irrégulièrement licencié peut prétendre aux indemnités de préavis, de
licenciement de congés payés et aux dommages et intérêts dont le montant ne peut excéder un
mois de salaire (article 39 alinéa 5 du code du travail).

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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3- Le licenciement abusif

Le licenciement abusif est tout licenciement fondé sur un motif fallacieux erroné,
contradictoire, illégal, inconsistant ou insusceptible d’être prouvé. On peut citer à titre
d’exemple, le licenciement d’une femme pour fait de grossesse ou d’un travailleur pour son
engagement syndical ou son refus d’exécuter un ordre manifestement illicite.

4- Le licenciement pour motif économique

L’article 40 du code de travail le définit comme un licenciement effectué par l’employeur


pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du travailleur. Il est motivé par des
raisons conjoncturelles ou structurelles. Alors que le motif conjoncturel est fondé sur les
difficultés économiques, financières ou techniques, le motif structurel touche à la
réorganisation de l’entreprise.

Paragraphe 2 : Les droits des travailleurs licenciés


On distingue les droits spécifiques à chaque forme des droits communs à toutes les catégories
de licenciement.

A- Les droits naissant de chaque forme de licenciement


1- Licenciement légitime
- Indemnité de préavis
- Indemnité de congés payés
- Indemnité de licenciement si le travailleur à au moins deux années d’ancienneté dans
l’entreprise.
-
2- Licenciement irrégulier

D’après les articles 34 et 39 alinéa 5 du code de travail, le travailleur licencié en violation des
formalités légales a droit à :
- Indemnité de préavis
- Indemnités de congés payés
- Indemnité de licenciement
- Dommages-Intérêts fixés à un mois de salaire.

3- Licenciement abusif
- Indemnité de préavis
- Indemnité de congés payés

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- Indemnité de licenciement
- Dommages-Intérêts dont le montant doit être compris entre trois mois de salaire et un
mois de salaire par année d’ancienneté dans l’entreprise (article 39 alinéa 4).

4- Licenciement pour motif économique


- Indemnité de préavis
- Indemnité de licenciement ;
- Prime de bonne séparation développée par la pratique ;
- La priorité d’embauchage : d’après l’article 40 alinéa 9 du code, le travailleur
bénéficie d’une priorité d’embauchage pendant deux ans dans la même entreprise si
elle retrouve sa santé financière.

B -Les droits communs à toute forme de licenciement


Tous les travailleurs licenciés ont droit à leur certificat de travail et à un reçu pour solde de
tout compte. Le certificat de travail est dû quel que soit le motif du licenciement ou de la
résiliation du contrat de travail. Il doit indiquer exclusivement la date d’entrée et de sortie de
l’entreprise, la nature et les dates des emplois successivement occupés. Aucune autre mention
ne doit figurer sur le document notamment celle relative au motif du licenciement.
Au moment du départ du travailleur de l’entreprise, l’employeur doit lui fait signer un reçu
pour solde de tout compte d’après lequel tous les droits dus au travailleur ont été liquidés et
payés. D’après l’article 63 alinéa 3 ce reçu n’est pas opposable au travailleur, qui a le droit de
le remettre en cause plus tard. Ce qui constituerait le point de départ du conflit individuel de
travail.

CHAPITRE V : LE CONFLIT INDIVIDUEL DE TRAVAIL


Le différent individuel de travail est tout conflit né à l’occasion d’un contrat de travail entre
un employeur et un ou plusieurs travailleurs pris individuellement. Le code soumet également
à la compétence des juridictions sociales les différends nés à l’occasion d’un contrat
d’apprentissage entre l’apprenti et le maître. Les nombreuses hypothèses de conflit
individuelles du travail (S1) sont soumises à une procédure rigoureuse de règlement (S2).

SECTION 1 : LES HYPOTHESES DE DIFFERENDS INDIVIDUEL


Les conflits individuels peuvent s’élever soit entre travailleur et employeur soit entre
employeurs d’une part ou travailleurs d’autre part.

Paragraphe 1 : Différend entre employeur et travailleur

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La contestation peut naître à l’occasion d’une démission du travailleur ou d’un licenciement


effectué par l’employeur. L’employeur victime du départ inopiné de son travailleur introduit
une action contre ce dernier pour obtenir réparation du préjudice subi. Mais ces actions sont
peu nombreuses car l’employeur redoute que le verdict ne se heurte à l’insolvabilité du
travailleur démissionnaire.
Par contre le licenciement constitue l’essentiel du contentieux social car les travailleurs
licenciés sont plus enclin à ester en justice pour obtenir paiement de leurs droits. La
contestation peut également porter sur le salaire, (restitution d’un salaire indument perçu ou
augmentation d’un salaire), réparation du dommage subi par l’employeur à la suite d’une
faute lourde du travailleur. il peut aussi s’agir d’une demande en expulsion d’un travailleur
logé.

Paragraphe 2 : Différends entre employeurs ou entre travailleurs


Les hypothèses plus courantes de différends entre les employeurs sont : l’action en
concurrence déloyale, le débauchage et les litiges naissant du contrat de tâcheronnat.
On regroupe sous le vocable de concurrence déloyale les agissements fautifs commis dans
l’exercice d’une profession de nature à engager la responsabilité civile de leur auteur. Ces
comportements doivent tendre soit à attirer la clientèle, soit à la détourner d’un concurrent de
manière fautive. Il peut s’agir du dénigrement de la confusion ou de la désorganisation.
La déloyauté consiste pour son auteur à se livrer à des actes contraires aux usages des
milieux professionnels honnêtes. Les procédés irréguliers de la concurrence sont :
- Le dénigrement qui consiste à jeter du discrédit sur le produit ou sur la personne d’un
concurrent en faisant une publicité comparative montrant les défauts de ses produits
ou en exposant ses appartenances politique religieuse ou ethnique.
- La confusion consiste à induire la clientèle en erreur en lui faisant croire qu’elle a
affaire toujours au même commerçant qui a tout simplement changé d’emplacement
ou a créé un nouvel établissement. Elle se réalise donc par l’utilisation du même nom
social ou de la même enseigne.
- La désorganisation consiste à paralyser le concurrent, en infiltrant ses circuits de
distribution, en divulguant ses secrets de fabrication, en se livrant à la corruption de
son personnel dans le but de détourner sa clientèle.

Le débauchage désigne les manœuvres et les comportements déloyaux qu’une entreprise


utilise pour inciter les travailleurs de son concurrent à rompre abusivement leur contrat de
travail.
Le contrat de tâcheronnat est une convention passée entre un entrepreneur et un sous
entrepreneur appelé tâcheron qui recrute lui-même la main-d’œuvre nécessaire pour

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l’exécution de certains travaux. L’hypothèse de différends est celui qui peut naître entre
l’entrepreneur et le tâcheron.
Le différend entre travailleurs peut porter sur le partage des primes et des indemnités
collectives. Dans ce cas la procédure de règlement des conflits individuels ne peut être
engagée que si le différend oppose les travailleurs liés par un contrat de travail de travail à un
même employeur.
Les hypothèses de conflits ci-dessus présentées sont soumises à une même procédure de
règlement.

SECTION II : PROCEDURE DE REGLEMENT DES CONFLITS INDIVIDUELS DE


TRAVAIL
Le règlement des conflits de travail se déroule en deux étapes : une phase amiable devant
l’inspecteur de travail et une phase contentieuse devant les tribunaux.

Paragraphe 1 : La phase amiable


La législation sociale camerounaise encourage le dialogue social. C’est pourquoi, en cas de
litige la tentative de conciliation est obligatoire. L’article 139 alinéa1 du code dispose à cet
effet que tout travailleur ou tout employeur doit demander à l’inspecteur du travail du lieu de
travail de régler le différend à l’amiable. La tentative de conciliation est une formalité
substantielle obligatoire et préalable à la procédure contentieuse. Celle-ci est organisée par
l’arrêté n°11/MTPS du 23 mai 1978. La tentative de conciliation a lieu en audience non
publique devant l’inspecteur du lieu de travail. La convocation doit être adressée aux parties
15 jours au moins avant la date de la comparution. Elles doivent comparaître personnellement,
ou se faire représenter, même par un avocat.
En cas d’accord total, un Procès-Verbal (P.V.) de conciliation rédigé et signé par l’IT et les
parties constate le règlement à l’amiable du litige. Il devient applicable dès qu’il a été vérifié
par le président du tribunal compétent et revêtu de la formule exécutoire. En cas de
conciliation partielle, le PV mentionne les parties sur lesquels un accord est intervenu et ceux
sur lesquels le désaccord persiste. Si la tentative de conciliation échoue, l’inspecteur du travail
dresse un procès-verbal de non conciliation.
Le PV de non conciliation ou de conciliation partielle signé par l’inspecteur du travail et les
parties ouvre la voie à la phase contentieuse.

Paragraphe 2 : La phase contentieuse ou judiciaire


En cas d’échec total ou partiel de la conciliation l’action est introduite par déclaration orale ou
écrite faite au greffe du tribunal compétent. Elle doit être accompagnée à peine
d’irrecevabilité d’un exemplaire du procès-verbal. Cette exigence permet au tribunal saisi de
s’assurer que la tentative de conciliation a effectivement eu lieu. Elle permet également au

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tribunal de connaître les limites de sa saisine car le litige ne peut être extensible au-delà de ce
qui a été soumis à la tentative de conciliation.

A- La juridiction compétente

Sur le plan territorial, le tribunal compétent est en principe celui du lieu de travail. Il demeure
toutefois possible pour un travailleur de porter le litige devant le tribunal de sa nouvelle
résidence sous deux conditions : si les deux parties en conflit résident sur le territoire
camerounais et si le travailleur ne réside plus au lieu d’exécution du contrat.
Sur le plan matériel lorsque le montant de la demande est supérieur ou égal à 10 millions, le
Tribunal de Grande Instance est compétent alors que les demandes inférieur à 10 millions
relèvent de la compétence du Tribunal de Première Instance.
S’agissant des demandes non chiffrées, face au silence du législateur, il serait plus
convenable de saisir le TGI. Le référé est possible devant le président du TPI si les conditions
sont réunies : l’urgence et l’absence de préjudice au fond du litige principal.

B- Condition d’introduction et déroulement de l’instance

L’action est introduite par une déclaration orale ou écrite faite au greffe du tribunal compétent
par la partie la plus diligente. La procédure de règlement des différends individuels est
gratuite tant en premier ressort que devant la juridiction d’appel. La consignation exigée en
matière civile avant l’inscription de l’affaire au rôle (enroulement) n’est pas applicable en
matière sociale.
Mais il convient de relever que cette gratuité n’a pourtant pas suffit à conduire tous les
justiciables au prétoire, car les frais qu’on débourse pour les actes de procédure restent assez
lourds pour des personnes qui ont perdu leur emploi.
Dans les deux jours à dater de la réception de la demande, le président du tribunal saisi cite les
parties à comparaître dans un délai qui ne peut excéder 12 jours. Les parties ont le droit de
comparaitre personnellement ou de se faire représenter conformément au droit commun.
Si le défendeur ne comparaît pas et ne se fait pas représenter le juge prononce un jugement
par défaut ; Dans ce cas le défendeur défaillant a un délai de dix jours après la notification
pour faire opposition. Si le défendeur absent a présenté ses moyens de défense sous forme de
mémoire le jugement rendu sera réputé contradictoire.
Lorsque le jugement est contradictoire, l’appel doit intervenir dans les quinze jours après le
prononcé du jugement.
La procédure du pourvoi est celle du droit commun. Le délai est de 30 jours à compter du
lendemain du jour de la signification à personne ou à domicile de l’arrêt de la cour d’appel.

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DROIT DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE, Pr. Eloie SOUPGUI, Agrégé des
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DEUXIEME PARTIE : DROIT DE LA SECURITE SCIALE


(En cours de finalisation)

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