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DICTIONNAIRE

PERMANENT

Social
Bulletin
no 1064
Juin 2023

L’essentiel de la veille permanente d’ELnet.fr©


UNE CONTRIBUTION Zoom
de 30 % sur l’indemnité sur...
de rupture conventionnelle Partage de la valeur :
individuelle à compter
du 1er septembre 2023 PAGE 10 retour sur le projet de loi
HARCÈLEMENT MORAL : Le 24 mai dernier, le projet de loi relatif au partage de la
le salarié n’a plus besoin
de qualifier les faits valeur au sein de l’entreprise a été présenté en conseil
dénoncés PAGE 16 des ministres. Transposant en grande partie l’ANI du
DOETH 2021 ET 2022 :
10 février signé par la majorité des organisations
régularisation possible au plus tard syndicales, ce projet est censé améliorer les dispositifs
dans la DSN de juin, exigible d’épargne salariale existants et développer l’actionnariat
le 5 ou 15 juillet 2023 PAGE 19 salarié. Il crée aussi un dispositif à mi-chemin entre la
LE DÉPASSEMENT de la durée PPV et l’actionnariat : le plan de partage de la valorisation
maximale quotidienne de travail de l’entreprise.
ouvre à lui seul droit
à indemnisation PAGE 22
Composé de 15 articles, le projet de loi – la création de trois nouveaux cas de
INAPTITUDE AU TRAVAIL : sur le partage de la valeur au sein d’une déblocage anticipé au sein des plans
panorama de la jurisprudence entreprise était censé transposer tout le d’épargne ;
rendue en avril et mai PAGE 31 contenu de l’accord national interprofes- – la possibilité patronale de verser un
CONSULTATION DU CSE sionnel sur le sujet (v. le Bull. nos 1062/ abondement unilatéral annuel au PEE
sur la politique sociale 1063) mais certaines mesures ou au PERE déplafonné, à hauteur de la
de l’entreprise : quels sont manquent à l’appel, notamment :
les éléments que peut demander prime de partage de la valeur ;
l’expert-comptable ? PAGE 40 – la simplification du forfait social ; – la législation du principe de non-subs-
RÉFORME DES RETRAITES : titution de l’épargne salariale au salaire ;
deux décrets précisent les modalités
du report de l’âge de départ à la
retraite PAGE 48 Suite p. 2

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© Éditions Législatives ISSN 0012-2513 - Publication mensuelle - 74e année - Envoi n° 7
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Partage de la valeur :
retour sur le projet de loi
suite de la page 1
suite de la page 1 entreprises soumises à l’obligation de mettre en
place un tel régime (accord collectif de travail,
– l’extension des clauses de revoyure à tous les
accords d’intéressement, quelle que soit la modalité accord avec des représentants syndicaux, accord
choisie. avec le CSE ou ratification d’un projet d’accord à la
majorité du personnel) mais autorise, après échec
Certaines de ces mesures relèvent du domaine
des négociations, la mise en place d’un dispositif de
réglementaire, d’autres seront peut-être intégrées
participation par décision unilatérale. Mais dans
dans d’autres lois, notamment dans la prochaine loi
l’exposé des motifs, le gouvernement semble
de financement de la sécurité sociale.
exclure cette alternative.
Retour sur les dispositions du projet de loi.
REMARQUE : s’agit-il d’un mauvais renvoi d’article (l’article visé

serait peut-être l’article L. 3322-6 du code du travail qui


Deux mesures expérimentales liste les modalités de mise en place permises) ? En
pour encourager le développement l’absence de modification textuelle de la mesure, le
de l’épargne salariale dans les TPE/ recours à la décision unilatérale serait permis compte tenu
PME du renvoi à l’article L. 3323-6 susvisé.

Pour favoriser le développement des dispositifs de Attention ! Les entreprises déjà pourvues d’un tel
partage de la valeur dans les entreprises de moins de dispositif à la date d’entrée en vigueur de la loi ne
50 salariés, le projet de loi reprend les deux mesures pourraient déroger à la formule de calcul légale de la
expérimentales proposées par l’ANI : RSP qu’en concluant un nouvel accord.
– la possibilité de mettre en place un régime de parti-
REMARQUE : dans ce cas, le recours à la décision unilatérale
cipation volontaire dérogeant à la formule légale de
est exclu.
calcul de la réserve spéciale de participation (RSP)
dans un sens moins favorable (art. 2 du projet) ;
Les entreprises de 11 à moins de 50 salariés
– l’obligation de disposer d’au moins un dispositif de
devraient disposer d’au moins un dispositif
partage de la valeur dans les entreprises de 11 à
de partage de la valeur
moins de 50 salariés (art. 3 du projet).
Les entreprises de 11 à moins de 50 salariés,
Ces deux mesures revêtent un caractère expé- constituées sous forme de société, qui ont réalisé
rimental : à compter de la promulgation de la loi, elles un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % de leur
seraient applicables pendant une durée de 5 ans. Un chiffre d’affaires pendant 3 exercices consécutifs,
bilan de ces expérimentations devrait être réalisé par devraient se doter d’au moins un des dispositifs
le Gouvernement ainsi qu’un suivi annuel transmis aux légaux de partage de la valeur (v. ci-après) au cours
partenaires sociaux au niveau national et interprofes- de l’exercice suivant, si elles ne sont pas déjà cou-
sionnel. vertes par un tel dispositif au moment de la réalisa-
tion de la condition relative au bénéfice net fiscal.
Les entreprises de moins de 50 salariés
REMARQUE : le bénéfice net fiscal visé est celui retenu pour
pourraient mettre en place une participation
moins favorable que la formule légale le calcul de la formule légale de la RSP, à savoir le bénéfice
réalisé en France métropolitaine et dans les départements
Les entreprises de moins de 50 salariés, non sou-
d’outre-mer, tel qu’il est retenu pour être imposé à l’impôt
mises à l’obligation de mettre en place un régime sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu.
de participation, pourraient mettre en place un dis-
positif de participation reposant sur une formule de Les entreprises auraient le choix entre :
la RSP moins favorable que la formule légale. Ce qui – mettre en place un régime de participation
est interdit aujourd’hui (◆ C. trav., art. L. 3324-2) : volontaire ;
– soit en reprenant le dispositif prévu par sa branche – mettre en place un dispositif d’intéressement ;
par le biais d’un accord collectif ou d’une décision
– distribuer une prime de partage de la valeur ;
unilatérale :
– abonder un PEE, un PEI, un Perco, un Perco-I, un
– soit en concluant un accord de participation
plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (PEREC)
d’entreprise dans les conditions prévues par
ou regroupé : l’ANI ne visait pas le Perco et ne pré-
l’article L. 3323-6 : cet article prévoit la mise en
cisait pas le type de plan d’épargne retraite d’entre-
place d’un dispositif de participation volontaire dans
prise visé.
les mêmes conditions que celles applicables aux

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Toutefois, cette nouvelle obligation ne serait assor- PPV, l’entreprise remplirait son obligation même si
tie d’aucune sanction. En outre, dans l’hypothèse le montant accordé est infime.
d’un abondement à un plan ou d’une distribution de

Les négociations à engager dans les branches et les entreprises

Négociations à engager dans les branches


Le tableau ci-dessous récapitule les négociations que devraient engager les branches si le projet de loi était publié en l’état.

Négociations à engager dans les branches


Date d’ouverture
Thème de la négociation Nature de la négociation Sanctions
des négociations
Mise à disposition des entreprises
de moins de 50 salariés d’un ré-
Ouverture des négociations avant
gime de participation dérogeant à Pas d’obligation de résultat Pas de sanction
le 1er juillet 2024 (1)
la formule légale de la RSP dans un
sens moins favorable (art. 2)
Révision des classifications pour
Pas d’obligation de résultat
tenir compte de l’objectif d’égalité
Préconisée aux branches n’ayant Ouverture des négociations avant
professionnelle entre les femmes Pas de sanction
pas procédé à cet examen depuis le 31 décembre 2023
et les hommes et de mixité des em-
plus de 5 ans
plois (art. 1er)
Adaptation de la condition d’an-
cienneté de 3 mois applicable en
matière d’intéressement et de par- Facultative Non précisée Sans objet
ticipation dans les entreprises de
travail temporaire (art. 12) (2)
(1) A défaut d’initiative de la partie patronale avant cette date, la négociation s’engage dans les 15 jours suivant la demande d’une organisation de salariés repré-
sentative dans la branche.
(2) Les partenaires sociaux pourraient négocier une durée d’ancienneté différente pour les salariés temporaires, dans la limite de 90 jours. L’accord de branche de-
vrait être étendu pour être applicable. A noter que l’ANI ne cantonnait pas l’aménagement des modalités d’attribution de ces dispositifs à la seule condition d’an-
cienneté.

Négociation à engager dans les entreprises – l’entreprise ne dispose pas, à la date d’entrée en
de 50 salariés et plus en cas de résultats vigueur de la loi, d’un dispositif d’intéressement ou de
exceptionnels participation : elle devrait négocier sur ce point au
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, dotées moment de la négociation sur la mise en place de la
d’au moins un délégué syndical et soumises à l’obliga- participation obligatoire (et, éventuellement, d’un dis-
tion de mettre en place un accord de participation, le positif d’intéressement) ;
projet de loi impose de négocier obligatoirement sur – l’entreprise dispose, à la date d’entrée en vigueur de
les conséquences d’un résultat exceptionnel de la loi, d’un dispositif d’intéressement ou de
l’entreprise s’agissant du partage de valeur (art. 5 du participation : elle aurait jusqu’au 30 juin 2024 pour
projet). ouvrir des négociations sur ce point, à moins :
Concrètement, les négociations portant sur l’intéresse- • d’être pourvue d’un accord de participation ou d’inté-
ment et la participation devraient porter également sur ressement comportant déjà une clause spécifique pre-
l’insertion d’une clause spécifique dont l’objet est de nant en compte les bénéfices exceptionnels,
définir ce qu’il convient d’entendre par « augmentation • d’être pourvue d’un régime de participation
exceptionnelle du bénéfice de l’entreprise » et fixer les comportant une base de calcul conduisant à un résultat
modalités de partage de la valeur en découlant. Ce par- plus favorable que la formule légale de calcul de la RSP.
tage pourrait être mis en œuvre :
REMARQUE : dans ces deux dernières situations, l’entreprise
– par le versement du supplément de participation ou
n’aurait nul besoin d’ouvrir des négociations.
d’intéressement ;
– par l’ouverture d’une nouvelle négociation ayant pour En l’état actuel du projet, la mesure n’est pas exempte
objet de mettre en place un accord d’intéressement si de critiques :
l’entreprise n’en est pas pourvue, d’abonder un PEE/ – première critique : la condition relative à l’existence
PEI, un Perco/Perco-I, un PEREC ou un PERE regroupé d’au moins un délégué syndical pose question dans la
ou bien de distribuer une prime de partage de la mesure où la mise en place d’un accord de participa-
valeur. tion ou d’intéressement peut être conclu sous d’autres
Quant à la date d’ouverture de cette négociation, deux formes : il peut notamment être conclu avec le CSE ou
situations devraient être distinguées : bien encore être ratifié à la majorité du personnel.
Peut-être était-il envisagé de négocier ce point non pas

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lors de la mise en place des dispositifs mais dans le Les entreprises bénéficiaires du report à la date
cadre de la négociation obligatoire relative à la rémuné- d’entrée en vigueur de la loi conserveraient le bénéfice
ration, le temps de travail et le partage de la valeur de ce report jusqu’à son terme.
ajoutée, qui, elle, ne peut être menée qu’en présence
de délégués syndicaux. En tout cas, le projet de loi ne Sécurisation des avances sur intéressement
vise pas expressément cette négociation obligatoire et extension du dispositif à la participation
mais bel et bien la négociation relative à la mise en Le projet de loi sécurise les avances sur intéresse-
place de ces dispositifs. Les entreprises non pourvues ment et étend le dispositif à la participation (art. 9 du
de délégué syndical ne seraient donc pas soumises à projet).
cette nouvelle obligation ;
La sécurisation du recours aux avances est capitale
– deuxième critique mise en lumière par l’avis du puisqu’aujourd’hui, il est compliqué à gérer, la récupé-
Conseil d’État rendu du 17 mai 2023 : si dans l’ANI du ration d’un éventuel trop-perçu étant difficile. Le projet
10 février 2023, le mécanisme laissait au seul de loi améliore considérablement ce point de crispa-
employeur le soin de définir la notion de « résultats tion.
exceptionnels », le projet de loi renvoie désormais
Concrètement, les avances nécessiteraient l’autorisa-
cette définition à la négociation collective. Le Conseil
tion expresse du bénéficiaire. Leur périodicité ne pour-
d’État avait alerté sur le risque d’incompétence néga-
rait être inférieure au trimestre. L’éventuel trop-perçu
tive de la version de l’ANI, ce qui avait conduit le gou-
serait récupéré par retenue sur salaire dans les condi-
vernement à renvoyer la définition des résultats excep-
tions prévues à l’article L. 3251-3 (la retenue ne pour-
tionnels à une telle négociation. Toutefois, dans son
rait pas être supérieure à 1/10e du salaire net).
avis définitif rendu le 17 mai dernier, le Conseil d’État
suggère au gouvernement de ne pas maintenir la Si l’avance est placée sur un plan d’épargne salariale
mesure en l’absence de critères encadrant cette négo- (donc bloquée), l’employeur pourrait pratiquer cette
ciation (taille de l’entreprise, secteurs d’activité, résul- retenue sur salaire, la somme placée étant considérée
tats des années antérieures). La mesure pourrait donc alors comme un versement volontaire n’ouvrant pas
faire l’objet d’amendements ; droit aux exonérations liées au dispositif. Le salarié
devrait en être informé, dans des conditions restant à
– troisième critique : si l’entreprise choisit de verser un
fixer par décret.
supplément d’intéressement ou de participation, le
supplément distribué peut être infime, le projet de loi
ne prévoyant pas de montant minimal ;
Sécurisation des primes « plancher »
d’intéressement
– quatrième critique : si l’entreprise choisit d’ouvrir une
Le projet de loi sécurise les clauses des accords d’inté-
négociation, il ne s’agit que d’une obligation de moyen,
ressement prévoyant des primes plus favorables aux
elle n’est pas tenue d’aboutir à un accord. En outre, si
bas salaires, le dispositif étant déjà prévu par la loi pour
les négociations aboutissent au versement d’un abon-
la participation (art. 10 du projet).
dement à un plan ou bien d’une PPV, accorder un
montant très faible aux salariés suffirait à remplir cette
obligation ;
Simplification de la procédure de révision
d’un PEI
– cinquième critique : cette obligation de négocier
Jugée trop contraignante et limitant la capacité d’adap-
n’est assortie d’aucune sanction.
tation du plan et la mise en place d’offres orientées
REMARQUE : selon l’étude d’impact du projet de loi, seules 40 % vers les investissements responsables et/ou verts, la
des 20 000 entreprises de 50 salariés et plus disposent d’un procédure de modification des règlements d’un plan
délégué syndical. Ainsi seules 8 000 entreprises seraient d’épargne interentreprises serait simplifiée.
concernées par cette obligation.
Ainsi, lorsque la modification du règlement du PEI ne
fait qu’ajouter des possibilités pour les entreprises et
L’amélioration des dispositifs leurs salariés, la procédure de révision passerait par la
existants conclusion d’un avenant entre les entreprises fonda-
trices et l’envoi d’une simple information aux entre-
Durcissement des règles de déclenchement prises adhérentes (art. 11 du projet). La modification
de l’obligation de mettre en place un dispositif pourrait s’appliquer dès cette information.
de participation
La règle reportant de 3 ans l’obligation de mettre en Obligation de proposer deux fonds socialement
place un dispositif de participation en présence d’un responsables
accord d’intéressement serait supprimée, comme le Afin de promouvoir une orientation des fonds de
préconisait l’ANI (art. 4 du projet). l’épargne salariale et de l’épargne retraite vers des
supports d’investissement à visée sociale, en faveur
de la transition écologique ou de l’économie produc-

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tive, le projet de loi prévoit d’imposer, à compter du Un nouveau dispositif facultatif :


1er juillet 2024, aux règlements de PEE et des PER de le plan de partage de la valorisation
proposer un fonds supplémentaire correspondant à de l’entreprise (PPVE)
des fonds satisfaisant à des critères de financement
Le projet de loi crée un nouveau dispositif de partage
de la transition énergétique et écologique ou d’inves-
de la valeur, collectif et facultatif, pouvant être proposé
tissement socialement responsable, en complément
par les employeurs du secteur privé et par les EPIC et
du fonds solidaire qui doit déjà être proposé par ces
EPA (art. 7 du projet). Il est dénommé Plan de partage
plans.
de la valorisation de l’entreprise (PPVE).
REMARQUE : la liste des labels ainsi que leurs critères et leurs
S’il est adopté, ce dispositif nécessiterait un accord,
modalités de délivrance devraient être précisés par décret. sur rapport spécial du commissaire aux comptes de
l’entreprise ou d’un commissaire aux comptes désigné
Aménagements de la prime de partage à cet effet et serait mis en place pour une durée de
de la valeur (PPV) 3 ans. Les entreprises ne pourraient mettre en place
Pour promouvoir le recours à la prime de partage de la qu’un seul plan en même temps.
valeur, le projet de loi prévoit, conformément aux sou- A noter que, tout comme l’intéressement, la prime dis-
haits des partenaires sociaux (art. 6 et 8 du projet) : tribuée dans le cadre de ce dispositif, qui n’est pas du
– l’octroi d’au plus deux PPV au titre d’une même salaire au sens du droit du travail, ne devrait pas se
année civile, dans la limite globale du plafond d’exoné- substituer à des éléments de rémunération, dans la
ration (3 000 ou 6 000 €) et du nombre de versements limite de 12 mois.
(4 versements trimestriels) actuels : En outre, le bénéficiaire pourrait affecter la prime à un
– l’affectation, en tout ou partie, de la PPV dans un PEE/PEI, un Perco, un PEREC ou un PERE regroupé
plan d’épargne salariale (PEE/PEI ou Perco) ou dans un (s’il en existe). L’employeur l’informerait du montant
plan d’épargne retraite (PERI, PEREC, PERO et PERE de cette prime et du délai dans lequel il pourrait formu-
regroupé) : en cas d’affectation à un PEE/PEI, un Perco ler sa demande d’affectation aux plans précités.
ou un plan d’épargne retraite d’entreprise (PEREC,
PERO ou PERE regroupé), la prime serait exonérée Fonctionnement du dispositif
d’impôt sur le revenu dans la limite du plafond d’exo- Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise
nération applicable (3 000 ou 6 000 €). permettrait aux salariés de bénéficier d’une prime d’un
REMARQUE : la disposition ne prévoit pas d’entrée en vigueur
montant maximal égal aux 3/4 du PASS au titre d’un
spécifique (par exemple, calée sur l’exercice social, soit même exercice, dans le cas où la valeur de l’entreprise
une entrée en vigueur au 1er janvier 2024). Si la mesure a augmenté au cours des 3 années.
est votée par le Parlement en l’état, un employeur qui a Concrètement, un montant de référence serait fixé par
distribué une PPV en début d’année pourrait donc en l’accord pour chaque salarié, montant qui pourrait être
accorder une seconde au titre de 2023 (une fois la loi
modulé en fonction de la rémunération du salarié, de
publiée), dont les modalités différeraient de la première
son niveau de classification ou de la durée du travail
(modulation différente, montant différent, bénéficiaires dif-
férents).
prévue à son contrat de travail.
Pour calculer le montant de la prime, un taux de varia-
En outre, le régime fiscal de faveur accordé initiale- tion de la valeur de l’entreprise serait appliqué au mon-
ment à la PPV jusqu’au 31 décembre 2023, serait pro- tant de référence. Ce pourcentage correspondrait à la
longé jusqu’au 31 décembre 2026, mais uniquement variation constatée entre la valeur de l’entreprise à la
pour les entreprises employant moins de 50 salariés. date fixée par l’accord et sa valeur à l’issue du délai de
Les PPV distribuées par les autres entreprises 3 ans débutant le lendemain de cette date.
seraient, elles, soumises intégralement à l’impôt sur le
Bien évidemment, aucune prime ne serait distribuée
revenu.
en cas de taux nul ou négatif.
Une mesure contestable en raison du principe d’éga-
Dans les entreprises dont les titres sont admis aux
lité devant les charges publiques, selon le Conseil
négociations sur un marché réglementé (autrement
d’État (◆ CE, avis, 17 mai 2023, préc.).
dit, les entreprises cotées en bourse), la valeur de
REMARQUE : rappelons que les partenaires souhaitaient péren- l’entreprise correspondrait à sa capitalisation boursière
niser ce régime fiscal de faveur. Le législateur pourrait moyenne sur les 30 derniers jours de bourse précé-
exaucer ce vœu dans la prochaine loi de financement de la dant chacune des deux dates précitées. Dans les
sécurité sociale. entreprises non cotées en bourse, la formule de valo-
risation de l’entreprise retenue, déterminée par
l’accord, devrait permettre d’évaluer la valeur de
l’entreprise en tenant compte, selon une pondération
appropriée à chaque cas et identique aux deux dates

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d’appréciation de la valeur, de la situation nette comp- REMARQUE : si l’accord prévoit la tacite reconduction du plan, il

table, de la rentabilité et des perspectives d’activité devra préciser tous les points précités pour la mise en œuvre
(critères appréciés éventuellement sur une base de cette reconduction.
consolidée ou, à défaut, en tenant compte des élé-
Pour bénéficier des régimes social et fiscal de faveur,
ments financiers issus des filiales significatives). A
cet accord devrait être déposé auprès de l’administra-
défaut de formule ou si cette formule de valorisation
tion compétente (probablement sur le site Téléac-
s’avérait inapplicable, la valorisation de l’entreprise
cords.fr) et devrait faire l’objet d’un contrôle de légalité
retenue serait égale au montant de l’actif net réévalué,
de la part de l’Urssaf, dans des conditions et délais
calculé d’après le bilan le plus récent.
restant à fixer par décret.

Bénéficiaires Régimes social et fiscal


Tous les salariés de l’entreprise ayant au moins une
La prime versée au cours des exercices 2026, 2027 et
ancienneté de 12 mois, appréciée dans les 12 mois
2028 serait exonérée de toutes les cotisations et
précédant par la date de début du délai de 3 ans,
contributions sociales d’origine légale ou convention-
devraient en bénéficier.
nelle (parts patronales et salariales), de la contribution
REMARQUE : l’ancienneté de 12 mois prévue par le projet de loi unique à la formation professionnelle, de la taxe
constituerait un plafond. Il serait possible de prévoir dans d’apprentissage, de la contribution à la participation
l’accord une condition d’ancienneté inférieure à 12 mois. construction. Mais elle serait assujettie à la contribu-
L’ancienneté serait appréciée en prenant en compte de tous tion patronale spécifique applicable en cas d’AGA.
les contrats de travail exécutés dans l’entreprise ou dans le
groupe. REMARQUE : ce régime social serait pérennisé dans une future
loi de financement de la sécurité sociale.
Les salariés quittant l’entreprise de manière définitive
pendant la durée de 3 ans du plan ne bénéficieraient La prime serait soumise à l’impôt sur le revenu, sauf si
pas de la prime. le salarié décidait de l’affecter à un plan d’épargne sala-
riale ou un plan d’épargne retraite d’entreprise, auquel
Mise en place du dispositif cas il bénéficierait d’une exonération fiscale limitée à
5 % des 3/4 du PASS.
Le plan pourrait être institué par accord collectif de tra-
vail, par accord entre l’employeur et les représentants
d’organisations syndicales représentatives dans Assouplissement des limites
l’entreprise, par accord conclu avec le CSE ou à la d’attribution des AGA
suite de la ratification à la majorité des 2/3 du person-
nel d’un projet d’accord proposé par l’employeur (sur Limites actuelles
demande conjointe de l’employeur et des délégués Il ne peut pas être attribué d’actions gratuites (AGA)
syndicaux ou du CSE). aux salariés et mandataires sociaux détenant chacun
plus d’un certain pourcentage du capital social. En
: une mise en place unilatérale semble donc, pour le
REMARQUE
outre, la société doit également respecter une limite
moment, exclue.
globale d’attribution d’actions.
L’accord devrait fixer : Aujourd’hui, la société doit respecter deux limites indi-
– le montant de référence auquel serait appliqué le viduelles d’attribution :
pourcentage de valorisation de l’entreprise ; – aucune action gratuite ne peut être attribuée à un
– les éventuelles conditions de modulation ; salarié ou un mandataire social détenant plus de 10 %
du capital social ;
– la formule de valorisation retenue pour les entre-
prises non cotées en bourse ; – l’attribution d’actions gratuites ne doit pas avoir pour
effet, pour le bénéficiaire, de porter sa participation à
– la date d’appréciation de la valeur de l’entreprise
plus de 10 % du capital social.
constituant le point de départ de la durée de 3 ans et
la date 3 ans plus tard d’appréciation de la valeur de Cette limite est appréciée à la date de décision d’attri-
l’entreprise permettant de calculer le pourcentage de bution des actions par le conseil d’administration ou le
variation ; directoire, en tenant compte des actions détenues en
nue-propriété par le bénéficiaire, et des AGA précé-
– la ou les dates de versement de la prime, sachant
dentes (c’est-à-dire des actions non encore définitive-
qu’un versement pourrait être réalisé en une ou plu-
ment acquises lors de la nouvelle attribution).
sieurs fois dans les 19 mois suivant l’expiration du
délai de 3 ans. En outre, pour les AGA autorisées à compter du 8 août
2015, le pourcentage maximal du capital social pou-
vant être attribué gratuitement est le suivant :

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– en cas d’attribution catégorielle, le taux est fixé à Les plafonds globaux d’attributions d’actions seraient
10 % mais les sociétés non cotées répondant à la relevés de + 5 % dans le dispositif classique. En cas
condition communautaire des PME peuvent relever ce d’attribution catégorielle, le taux serait fixé à 15 % pour
taux jusqu’à 15 % : dans ce cas, l’écart entre le les sociétés cotées et 20 % pour les sociétés non
nombre d’actions distribuées à chaque salarié peut cotées (dans ce cas, l’écart maximal entre le nombre
être supérieur à un rapport de 1 à 5 ; d’actions distribuées à chaque salarié pourrait être supé-
– en cas d’attribution à l’ensemble des salariés, le taux rieur au rapport de 1 à 5). Si l’AGA bénéficie à des
est fixé à 30 % pour les sociétés cotées et non cotées membres du personnel salarié représentant 25 % du
mais dans ce cas, l’écart maximal entre le nombre total des salaires bruts versés lors du dernier exercice
d’actions distribuées à chaque salarié doit respecter un social, ce taux serait porté à 30 %. En cas d’attribution
rapport de 1 à 5. à l’ensemble du personnel, le taux serait porté à 40 %.
Au-delà du pourcentage de 15 ou de 20 %, l’écart entre
Le projet de loi assouplit ces limites (art. 13 du projet).
le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne
pourrait être supérieur à un rapport de 1 à 5.
Assouplissements envisagés
Si les limites individuelles, soit 10 % du capital social, REMARQUE : attention ! Si les mandataires sociaux peuvent se

restent inchangées, ne seraient pris en compte dans voir attribuer des actions dans les mêmes conditions que les
ce pourcentage que les titres de la société détenus membres du personnel salarié, leurs rémunérations brutes et
leur nombre seraient pris en compte pour déterminer les
directement depuis moins de 7 ans. Ainsi, salariés et
seuils relatifs aux salaires bruts et à l’effectif salarié.
mandataires sociaux seraient à nouveau éligibles à un
dispositif d’AGA plus rapidement. Géraldine ANSTETT

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A retenir

❚ Le C2P mobilisé pour accompagner l’usure


Accident du travail professionnelle

et santé au travail La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023


portant réforme des retraites crée
une quatrième possibilité d’utilisation
du C2P et aménage le dispositif.
❚ Précisions sur la date de première Le compte professionnel de prévention (C2P) permet aux
travailleurs exposés à certains facteurs de risques profes-
constatation médicale de la maladie sionnels, au-delà de certains seuils réglementaires,
professionnelle d’accumuler des points leur permettant ensuite de financer
Le médecin-conseil peut fixer la date une formation, de passer à temps partiel avec maintien de
de première constatation médicale la rémunération antérieure ou de bénéficier d’un départ
de la maladie professionnelle en référence anticipé à la retraite. La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 sur
à un arrêt de travail. Peu importe que la caisse la réforme des retraites crée une quatrième possibilité
refuse de transmettre à l’employeur d’utilisation du compte et aménage le dispositif sur certains
le certificat médical à la base de cet arrêt, points.
le mettant ainsi dans l’impossibilité de vérifier
REMARQUE : pour mémoire, le C2P concerne les salariés exposés
que la date fixée est bien celle de la première aux 6 facteurs de risques suivants, au-delà des seuils fixés par
constatation médicale. l’article D. 4163-2 du code du travail : activités exercées en
Par décisions du 11 septembre 2018, la CPAM prend en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit,
travail en équipes successives alternantes et travail répétitif
charge l’affection des deux coudes déclarée par la salariée caractérisé par l’exécution de mouvements répétés, sollicitant
(épicondylite) au titre du tableau no 57 B des maladies pro- tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et
fessionnelles. L’employeur conteste l’opposabilité de ces sous cadence contrainte (◆ C. trav., art. L. 4163-1).
décisions devant la juridiction chargée du contentieux de la L’entrée en vigueur de cette disposition issue de la loi est
sécurité sociale. subordonnée à la publication d’un décret d’application, non
La cour d’appel fait droit à sa demande : encore paru à ce jour.
– elle estime que le certificat médical du 16 octobre 2017 Du nouveau sur l’acquisition des points
n’a pas le caractère d’une première contestation de la Jusqu’à présent, chaque trimestre d’exposition à un des
maladie professionnelle. Le médecin-conseil de la caisse facteurs de risques visés au no 1 donne lieu à l’inscription
avait en effet fixé la date de première constatation médi- d’un point sur le compte, et de 2 points en cas d’exposition
cale au 16 octobre 2017, en faisant référence à un arrêt de à plusieurs facteurs (polyexposition), dans la limite de
travail. Mais la caisse en avait refusé la communication à 100 points. Ces dispositions sont aménagées dans un sens
l’employeur, le mettant ainsi dans l’impossibilité de vérifier favorable aux salariés.
que la date fixée était bien celle de la première constatation
et la mention d’un arrêt de travail à cette date sur les col- Ainsi, pour les salariés « polyexposés », les points seront
loques médico-administratifs étant jugée insuffisante ; désormais acquis en fonction du nombre de facteurs aux-
quels le salarié est exposé, selon des modalités fixées par
– elle en déduit que le délai de prise en charge de la mala- décret à paraître (◆ C. trav., art. L. 4163-5 mod.).
die de 14 jours est dépassé. La salariée ayant cessé le tra-
vail le 12 février 2018 et le certificat médical initial ayant été REMARQUE : l’étude d’impact accompagnant le projet de loi indiquait
dressé le 14 mars 2018. que 3 points pourraient être attribués au salarié par trimestre
d’exposition pour 3 facteurs, 4 points pour 4 facteurs, etc.
Les juges du fond en concluent que l’affection de la sala-
riée ne peut pas être prise en charge au titre de la législa- Par ailleurs, le plafond de 100 points est supprimé, du fait
tion sur les maladies professionnelles. de la modification de l’article L. 4163-5 qui ne se réfère
plus à un « nombre maximal de points pouvant être acquis
La Cour de cassation censure cette décision. par un salarié au cours de sa carrière ». L’article R. 4163-9,
Au visa des articles L. 461-1, L. 461-2 et D. 461-1-1 du III du code du travail devrait donc être modifié en consé-
code de la sécurité sociale, elle rappelle que « la première quence.
constatation médicale de la maladie professionnelle exigée
au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de REMARQUE : à l’étape du projet de loi, l’exposé des motifs et le
dossier de presse indiquaient que les seuils d’exposition à cer-
l’exposition au risque concerne toute manifestation de tains risques professionnels seraient abaissés pour permettre à
nature à révéler l’existence de cette maladie, que la date davantage de salariés de bénéficier du C2P. Un décret pourrait
de la première constatation médicale est celle à laquelle les ainsi abaisser le seuil de reconnaissance du travail de nuit de
premières manifestations de la maladie ont été constatées 120 à 100 nuits par an et le seuil de reconnaissance du travail
en équipes successives de 50 à 30 nuits par an.
par un médecin avant même que le diagnostic ne soit éta-
bli et qu’elle est fixée par le médecin-conseil ». Une reconversion possible grâce au C2P
Elle reproche ainsi à la cour d’appel d’avoir écarté les avis Le dispositif du C2P permet déjà aux salariés bénéficiaires
du médecin-conseil qui fixent au 16 octobre 2017 la date de mobiliser des points acquis pour suivre une formation
de la première constatation médicale des affections décla- en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins
rées au vu de l’arrêt de travail prescrit à cette date. Elle en exposé aux risques professionnels. La présente loi ouvre
déduit que le délai de prise en charge des pathologies désormais aux intéressés la possibilité de s’engager dans
déclarées par la salariée n’est pas dépassé. un véritable projet de reconversion professionnelle, en vue
◆Cass. 2e civ., 11 mai 2023, no 21-17.788 d’occuper un emploi non exposé aux facteurs de risques
Virginie GUILLEMAIN
(◆ C. trav., art. L. 4163-7, I mod.).
 Étude « Maladies professionnelles » REMARQUE : au stade du projet de loi, l’exposé des motifs et le
dossier de presse indiquaient que les droits C2P pour la forma-

Juin 2023
8 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

tion seraient augmentés par décret, à hauteur de 500 € de prise Le salarié conservera le bénéfice de tous les avantages
en charge par point mobilisé contre 375 € aujourd’hui. acquis avant le début du congé (◆ C. trav., art. L. 4163-8-5
nouv.).
Le compte sera mobilisable à tout moment…
La demande d’utilisation du C2P pour un projet de recon- La reconversion fera l’objet d’un accompagnement
version professionnelle pourra intervenir à tout moment de Le projet de reconversion professionnelle fera l’objet d’un
la carrière du titulaire du compte. Il en sera de même pour accompagnement par les Opco qui informeront, oriente-
une demande de formation suivie dans ce cadre, que le ront et aideront les salariés à formaliser leur projet
demandeur soit salarié ou demandeur d’emploi (◆ C. trav., (◆ C. trav., art. L. 4163-8-2 nouv.).
art. L. 4163-7, II mod.).
Par ailleurs, les commissions paritaires interprofession-
… pour financer des actions liées à la reconversion… nelles régionales dites « associations Transitions Pro »
Le C2P pourra être utilisé pour financer des actions de for- (ATPro), en charge des projets de transition profession-
mation, de bilan de compétences ou de validation des nelle, assureront l’instruction et la prise en charge adminis-
acquis de l’expérience (◆ C. trav., art. L. 4163-7, I mod.). A trative et financière des projets de reconversion profession-
cette fin, les points acquis seront convertis en euros pour nelle, dans des conditions qui seront fixées par décret
couvrir les frais pédagogiques afférents (◆ C. trav., (◆ C. trav., art. L. 4163-8-3 nouv.).
art. L. 4163-8-1 nouv.). Le passage à temps partiel avant 60 ans sera limité
… et, le cas échéant, un congé de reconversion Avant le 60e anniversaire du salarié, l’utilisation de points
professionnelle pour un passage à temps partiel sera limitée à un plafond
fixé par décret à paraître (◆ C. trav., art. L. 4163-7, III mod.),
En cas d’actions de formation devant être suivies en tout
aucune limite n’étant imposée jusqu’à présent.
ou partie pendant le temps de travail, les salariés concer-
nés pourront demander un congé spécial dit « de reconver- REMARQUE : l’objectif de cette mesure est d’encourager l’utilisa-
sion professionnelle » à leur employeur, dans des condi- tion du C2P pour passer à temps partiel à partir de 60 ans.
tions qui seront précisées ultérieurement par décret
(◆ C. trav., art. L. 4163-8-4 nouv.). Une promotion du recours au C2P
Ils pourront alors utiliser les points de leur C2P pour assu- La loi prévoit que l’organisme gestionnaire (Cnam au
rer le maintien de leur rémunération pendant ces périodes niveau national, Carsat au niveau local) devra communiquer
(◆ C. trav., art. L. 4163-8-1 nouv.). sur le dispositif du C2P à l’égard des employeurs et des
bénéficiaires du compte (◆ C. trav., art. L. 4163-7, II bis
La durée du congé sera assimilée à une période de travail nouv.).
effectif pour la détermination des droits liés à l’ancienneté.
Tableau avant/après
Sont résumés ci-après, sous forme de tableau, les principaux aménagements apportés par l’article 17 de la loi n° 2023-270 du
14 avril 2023 au dispositif du C2P.

Régime antérieur Régime nouveau


– 1 trimestre d’exposition à 1 facteur de risques – Nombre de points en fonction du nombre de
professionnels = 1 point sur le compte facteurs de risques auxquels le salarié est ex-
– 1 trimestre d’exposition à plusieurs facteurs posé
Alimentation du C2P (acquisition des points)
de risques (quel que soit le nombre) = 2 points – Limite de 100 points supprimée
sur le compte
– Limite de 100 points
– Financement d’une formation – Financement d’une formation
– Passage à temps partiel – Financement d’un projet de reconversion
– Départ anticipé à la retraite professionnelle, éventuellement sous la forme
Possibilités d’utilisation du C2P
d’un congé
– Passage à temps partiel (limité avant 60 ans)
– Départ anticipé à la retraite

◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023, art. 17 : JO, 15 avr.


LA RÉDACTION SOCIALE
 Études « Compte professionnel de prévention (C2P) », « Compte personnel de formation (CPF) » et « CPF de transition professionnelle »

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 9
A retenir

en droit ou non de bénéficier d’une pension de retraite d’un


Charges sociales régime légalement obligatoire.
: la condition d’ouverture du droit à liquidation de la
aides et exonérations REMARQUE
retraite obligatoire s’apprécie à la date de la rupture effective du
contrat de travail et, à cette date, l’employeur doit être en pos-
session d’un justificatif pour déterminer le régime social appli-

❚ Harmonisation du régime social


cable. Le droit à la liquidation d’une pension de retraite
s’entend de la liquidation d’un régime de retraite de base (il
s’agit donc de l’âge légal de départ à la retraite fixé actuelle-
des indemnités de rupture conventionnelle ment à 62 ans pour les générations 1955 et suivantes), non
d’un droit éventuel à liquidation d’un régime complémentaire
individuelle et de mise à la retraite obligatoire. Peu importe que le salarié bénéficie d’un taux plein
ou non à l’âge de l’ouverture du droit à la liquidation. S’agissant
La loi du 14 avril 2023 prévoit une contribution des possibilités de liquidation anticipée, avant 62 ans, pour les
de 30 % sur l’indemnité de rupture longues carrières par exemple, cette condition s’applique à ce
conventionnelle individuelle, que le salarié départ anticipé.
ait droit ou non à une pension de retraite, Si la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié
à compter du 1er septembre 2023. intervient avant l’âge légal de départ à la retraite, l’indem-
La loi de financement de la sécurité sociale rectificative nité est exonérée fiscalement dans la limite la plus élevée
(LFSSR) portant réforme des retraites du 14 avril 2023 har- entre :
monise le régime social des indemnités de rupture conven- – deux fois le montant de la rémunération annuelle brute
tionnelle individuelle et de mise à la retraite. Elle perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la
remplace la contribution patronale spécifique de 50 % rupture de son contrat de travail ou 50 % du montant de
applicable aux indemnités de mise à la retraite et le forfait l’indemnité si cette valeur est supérieure (ces deux mon-
social de 20 % applicable sur les indemnités de rupture tants sont retenus dans la limite de six fois le plafond
conventionnelle individuelle par une contribution patronale annuel de la sécurité sociale, soit 263 952 € en 2023) ;
de 30 %. – ou le montant de l’indemnité de licenciement prévue par
Cette mesure entrera en vigueur au 1er septembre 2023. la convention collective de branche, par l’accord profession-
nel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
Rappel du régime fiscal et social actuel applicable
à l’indemnité de rupture conventionnelle Si son montant est inférieur à dix fois le plafond annuel de
et à celle de la mise à la retraite la sécurité sociale, elle est exonérée :
– de cotisations sociales pour sa fraction non imposable,
Le régime social et fiscal actuel de l’indemnité de mise dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité
à la retraite
sociale ;
Aujourd’hui, l’indemnité de mise à la retraite n’est pas
imposable dans la limite la plus élevée entre : – de CSG/CRDS, pour sa fraction également exonérée de
cotisations sociales, dans la limite du montant de l’indem-
– deux fois le montant de la rémunération annuelle brute nité légale ou, dans certains secteurs d’activité, conven-
perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la tionnelle de licenciement, étant entendu que l’indemnité
rupture de son contrat de travail ou 50 % du montant de conventionnelle de licenciement est issue d’un accord de
l’indemnité si cette valeur est supérieure (ces deux mon- branche, d’un accord professionnel ou d’un accord interpro-
tants sont retenus dans la limite de cinq fois le plafond fessionnel et non d’un accord collectif d’entreprise.
annuel de la sécurité sociale, soit 219 960 € en 2023) ;
Mais elle est assujettie au forfait social au taux de 20 % sur
– ou le montant de l’indemnité de mise à la retraite prévue la partie d’indemnité exonérée de cotisations de sécurité
par la convention collective de branche, par l’accord profes- sociale.
sionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
Si la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié
Si son montant est inférieur à dix fois le plafond annuel de intervient alors qu’il a atteint l’âge légal de départ à la
la sécurité sociale (soit 439 920 € en 2023), elle est exoné- retraite, l’indemnité est intégralement imposable et assu-
rée de cotisations sociales pour sa fraction non imposable, jettie aux cotisations sociales et à la CSG/CRDS (mais non
dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité soumise au forfait social).
sociale (soit 87 984 € en 2023).
REMARQUE : les indemnités de rupture du contrat de travail supé-
Objectif de cette unification : favoriser l’emploi
rieures à 10 plafonds annuels de la sécurité sociale sont inté- des seniors ?
gralement assujetties aux cotisations sociales et CSG/CRDS. Partant du constat que le nombre de ruptures convention-
Elle est également exonérée de CSG/CRDS à hauteur du nelles individuelles augmente chaque année chez les sala-
montant de l’indemnité de mise à la retraite conventionnel riés âgés de plus de 50 ans (+ 3 % en 2019, + 3,2 % en
ou, à défaut, légal (toutefois le montant exonéré ne peut 2020 et + 4,1 % en 2021 selon la Dares), le gouvernement
pas dépasser le montant exonéré de cotisations), la frac- considère que le régime social actuel applicable à l’indem-
tion excédentaire étant soumise à ces contributions, sans nité de rupture conventionnelle intervenant avant l’âge
application de l’abattement forfaitaire pour frais profession- légal de la retraite incite les employeurs à se séparer de
nels. Mais elle est assujettie, dès le premier euro, à une leurs seniors.
contribution patronale spécifique fixée à 50 %.
En outre, la possibilité d’être couvert par l’assurance-chô-
REMARQUE : pour rappel, la mise à la retraite ne peut être envisa- mage au moins jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite
gée qu’à partir du moment où le salarié atteint l’âge d’obtention
automatique d’une retraite à taux plein (soit 67 ans pour les encourage également, selon certains experts, les seniors à
générations 1955 et suivantes) et jusqu’à ses 70 ans, solliciter une telle rupture (sorte de pré-retraite déguisée).
l’employeur ne peut mettre le salarié à la retraite sans son
accord. REMARQUE : un pic de ruptures conventionnelles 2 ou 3 ans avant
l’âge légal de départ à la retraite a été observé par l’Unédic, ce
Le régime social et fiscal actuel de l’indemnité de rupture qui correspond à la durée d’indemnisation chômage dont
conventionnelle individuelle peuvent bénéficier les seniors (soit 27 mois d’indemnisation
depuis le 1er février dernier, et 36 mois auparavant).
Les régimes social et fiscal de l’indemnité de rupture
conventionnelle individuelle varient selon que le salarié est

Juin 2023
10 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

En surtaxant les ruptures conventionnelles intervenant Les modifications apportées au régime fiscal et social
avant l’âge de départ à la retraite, le gouvernement espère des indemnités de rupture conventionnelle intervenant à
diminuer leur nombre en fin de carrière et ainsi augmenter compter du 1er septembre 2023 sont un peu plus
le taux d’emploi des seniors. complexes à appréhender.
Remarque : le gain financier que cette mesure générera Tout d’abord, à moins d’une modification législative ou
est également non négligeable : entre 200 et 250 millions réglementaire ultérieure, le régime fiscal actuel de l’indem-
de recettes, selon l’exécutif. nité de rupture conventionnelle demeurera applicable aux
indemnités intervenant après le 31 août 2023.
On peut toutefois douter de l’efficacité de cette surtaxe sur
le taux d’emploi des seniors. S’agissant du régime social, l’idée générale réside en ce
que ce régime ne variera plus selon que le salarié est en
Cette mesure constituera-t-elle un frein suffisant pour les
droit ou non de bénéficier d’une pension de retraite de
entreprises à se séparer des seniors, hormis pour les TPE
base.
plus sensibles au coût financier d’une rupture du contrat de
travail ? Certains praticiens jugent la mesure incohérente Ainsi, quel que soit l’âge du salarié, l’indemnité inférieure à
parce qu’elle touche toutes les ruptures conventionnelles, 10 plafonds annuels de la sécurité sociale sera exonérée :
quel que soit l’âge du salarié. – de cotisations sociales pour sa fraction non imposable,
Un régime social unique pour les indemnités dans la limite de deux fois le plafond annuel de la sécurité
de rupture conventionnelle et de mise à la retraite sociale ;
intervenant à compter du 1er septembre 2023 – de CSG/CRDS, pour sa fraction également exonérée de
La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 (article 4) harmonise le cotisations sociales, dans la limite du montant de l’indem-
régime social applicable aux indemnités de rupture conven- nité légale ou, dans certains secteurs d’activité, conven-
tionnelle et de mise à la retraite. tionnelle de licenciement, étant entendu que l’indemnité
Pour les indemnités de mise à la retraite intervenant à comp- conventionnelle de licenciement est issue d’un accord de
ter du 1er septembre 2023, la contribution patronale spéci- branche, d’un accord professionnel ou interprofessionnel.
fique de 50 % actuelle sera supprimée et remplacée par une Elle ne sera plus soumise au forfait social mais ce forfait
contribution patronale de 30 % applicable sur la fraction de sera remplacé par une contribution patronale de 30 %
l’indemnité exonérée de cotisations (soit – 20 points et une applicable sur la fraction de l’indemnité exonérée de cotisa-
assiette réduite). Les modifications apportées sont donc plus tions (soit + 10 points pour les ruptures conventionnelles
favorables à l’employeur. de salariés n’ayant pas atteint l’âge légal de la retraite).
Indemnité de rupture conventionnelle : tableau de comparaison avant/après le 1er septembre 2023
Régime social et fiscal de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle
Cotisations/Impôt sur le revenu Rupture intervenant jusqu’au 31 août 2023 Rupture intervenant à compter du
1er septembre 2023
Salarié ayant droit à une pension de retraite de base
Impôt sur le revenu (IR) Soumise à l’IR dès le premier euro Soumise à l'IR dès le premier euro (1)
Cotisations sociales et charges de même as- Soumise à cotisations sociales dès le premier Exonérée à hauteur de la fraction imposable
siette euro calculée comme pour le salarié n’ayant pas
droit à une pension de retraite de base, dans la
limite de 87 984 € (soit 2 PASS)
CSG/CRDS Soumise à CSG/CRDS dès le premier euro Exonérée (sans abattement d’assiette) pour sa
fraction exonérée de cotisations sociales dans
la limite de l’indemnité de licenciement légale
ou conventionnelle
Contribution sociale spécifique Aucune 30 % sur la fraction exonérée de cotisations so-
ciales
Salariés n’ayant pas droit à une pension de retraite de base
Impôt sur le revenu Non soumise à l’IR dans la limite la plus élevée Non soumise à l’IR dans la limite la plus élevée
entre : entre :
– 2 fois le montant de la rémunération annuelle – 2 fois le montant de la rémunération annuelle
brute perçue par le salarié au cours de l'année brute perçue par le salarié au cours de l'année
civile précédant la rupture de son contrat de civile précédant la rupture de son contrat de
travail ou 50 % du montant de l'indemnité si travail ou 50 % du montant de l'indemnité si
cette valeur est supérieure (dans la limite de cette valeur est supérieure (dans la limite de
263 952 €, soit 6 PASS) 263 952 €, soit 6 PASS)
– ou le montant de l'indemnité de licenciement – ou le montant de l'indemnité de licenciement
conventionnelle ou légale conventionnelle ou légale
Cotisations sociales et charges de même as- Exonérée pour sa fraction imposable dans la li- Exonérée pour sa fraction imposable, dans la
siette mite de 87 984 € (soit 2 PASS) limite de 87 984 € (soit 2 PASS)
CSG/CRDS Exonérée (sans abattement d’assiette) pour sa Exonérée (sans abattement d'assiette) pour sa
fraction exonérée de cotisations sociales dans fraction exonérée de cotisations sociales, dans
la limite de l’indemnité légale ou convention- la limite de l'indemnité légale ou convention-
nelle de licenciement nelle de licenciement
Contribution patronale spécifique/forfait social 20 % sur la fraction exonérée de cotisations so- 30 % sur la fraction exonérée de cotisations so-
ciales ciales
(1) Il est possible que le régime fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié ayant droit à une pension de retraite de base
soit finalement aligné sur celui applicable aux indemnités de rupture du contrat de travail d'un salarié n'ayant pas droit à cette pension. Nous ne manquerons
pas d'en tenir informés nos abonnés.

◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023, art. 4 : JO, 15 avr.


Géraldine ANSTETT
 Étude « Indemnités de rupture : régimes fiscal et social »

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 11
A retenir

Le décret qui définit la liste des secteurs concernés par


Contrat cette mesure est paru au journal officiel du 13 avril 2023.
Parallèlement, le ministère du travail a livré son mode
de travail d’emploi sur les conditions de recours à ce dispositif à tra-
vers 27 questions-réponses.
Il est donc désormais possible de conclure des contrats

❚ CDD, CTT : le multi-remplacement est entré


multi-remplacement entre le 13 avril 2023 et le 13 avril
2025 (inclus).
en vigueur Hausse du nombre de branches professionnelles
Le décret fixant la liste des secteurs concernés concernées
par l’expérimentation permettant de conclure La liste des CCN concernées a sensiblement augmenté
un seul CDD ou contrat de mission comparé à la dernière expérimentation menée entre le
pour remplacer plusieurs salariés absents, 20 décembre 2019 et le 31 décembre 2020. Contrairement
soit simultanément, soit successivement au précédent décret du 18 décembre 2019, le ministère du
est paru. travail n’a pas regroupé les CCN par secteur d’activité
L’article 6 de la loi marché du travail du 21 décembre 2022 « pour des raisons de clarification et de lisibilité du texte »,
a renouvelé le principe de l’expérimentation permettant, nous a indiqué le ministère du travail.
dans certains secteurs seulement, de ne conclure qu’un Aux 11 secteurs concernés par la précédente expérimenta-
seul CDD (ou contrat de mission) pour remplacer plusieurs tion, 19 nouvelles branches sont ajoutées ainsi que les éta-
salariés absents, soit simultanément, soit successivement blissements de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) de
pour une nouvelle durée de 2 ans (v. Bull n° 1059). l’Assurance maladie gérés par les unions pour la gestion
des établissements des caisses d’assurance maladie (UGE-
CAM).

Secteurs maintenus par le décret IDDC de rattachement


CCN de l’hospitalisation privée (IDCC 2264) fusionnée avec la CCN du thermalisme (IDCC 2104) IDCC 2264
Convention relative aux établissements médico-sociaux de l'union intersyndicale des secteurs sanitaires et sociaux IDCC 0405
CCN des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif IDCC 0029
CCN de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (IDCC 0413), fusionnée
avec la convention collective nationale des médecins spécialistes qualifiés au regard du conseil de l'ordre travaillant
IDCC 0413
dans des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (IDCC 1001) et la convention collec-
tive des centres d'hébergement et de réadaptation sociale (IDCC 783)
CCN des centres de lutte contre le cancer IDCC 2046
CC Croix Rouge IDCC 5502
CCN des entreprises de propreté et services associés IDCC 3043
CCN de la mutualité IDCC 2128
CCN des métiers de l'éducation, de la culture, des loisirs et de l’animation agissant pour l’utilité sociale et environ-
IDCC 1518
nementale, au service des territoires
CCN du sport IDCC 2511
CCN de la branche de l’aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile IDCC 2941
CCN des acteurs du lien social et familial : centres sociaux et socioculturels, associations d’accueil de jeunes enfants,
IDCC 1261
associations de développement social local
CCN de tourisme social et familial IDCC 1316
Entreprises de radiodiffusion privées et publiques : CCN de la radiodiffusion et périmètre de négociation du secteur
de la radiodiffusion tel que prévu par l’accord de méthode du 1er février 2019 relatif à la négociation pour la mise en IDCC 1922
œuvre d'une CCN pour les entreprises de radiodiffusion privées et publiques
CCN des journalistes IDCC 1480
CCN de l’habitat et du logement accompagnés IDCC 2336
CCN des remontées mécaniques et domaines skiables IDCC 454
CCN du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire IDCC 2216
CCN du commerce de détail alimentaire non spécialisé IDCC 1505
CCN des métiers du commerce de détail alimentaire spécialisé IDCC 3237
CCN de la plasturgie IDCC 0292
CCN du personnel des entreprises de restauration de collectivités IDCC 1266
CCN du commerce des articles de sports et d’équipements de loisirs (IDCC 1557), fusionnée avec la convention col-
IDCC 1557
lective nationale du camping (IDCC 1618)
CCN des transports routiers et activités auxiliaires du transport IDCC 16
CCN de l’industrie laitière IDCC 112
CC départementale des sucreries et sucreries-distilleries de La Réunion IDCC 440
CCN de la boulangerie-pâtisserie IDCC 843
CC départementale des ouvriers de la boulangerie de la Martinique IDCC 901

Juin 2023
12 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

CCN de la pâtisserie IDCC 1267


CCN des détaillants, détaillants-fabricants et artisans de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie IDCC 1286
CC départementale des industries agroalimentaires de La Réunion IDCC 1341
CCN pour les industries de produits alimentaires élaborés IDCC 1396
CCN des activités de production des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et de bière IDCC 1513
CCN des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes IDCC 1534
CCN de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes (IDCC 1586), fusionnée avec la
IDCC 1586
Convention collective nationale de la boyauderie (IDCC 1543)
CC départementale des sucreries, sucreries-distilleries et distilleries de la Guadeloupe IDCC 1700
CC des activités industrielles de boulangerie et de pâtisserie (IDCC 1747), fusionnée avec la CCN des centres imma-
triculés de conditionnement, de commercialisation et de transformation des œufs et des industries en produits IDCC 1747
d'œufs (IDCC no 2075)
CCN des métiers de la transformation des grains, ex meunerie IDCC 1930
CCN des industries de la transformation des volailles IDCC 1938
CCN des pâtes alimentaires sèches et du couscous non préparé IDCC 1987
CC régionale de la boulangerie-pâtisserie de la Guyane IDCC 2250
CCN des sucreries, sucreries-distilleries et raffineries de sucre IDCC 2728
CCN des 5 branches industries alimentaires diverses IDCC 3109
CCN des coopératives et SICA de production, transformation et vente du bétail et des viandes IDCC 7001
Convention collective des coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d’approvisionnement, d’alimentation du
IDCC 7002
bétail et d’oléagineux
CCN des conserveries coopératives et SICA IDCC 7003
CCN des coopératives laitières IDCC 7004
CCN des caves coopératives et de leurs unions élargie aux SICA vinicoles IDCC 7005
CCN de travail concernant les coopératives agricoles, unions de coopératives agricoles et SICA de fleurs, de fruits
IDCC 7006
et légumes et de pommes de terre
CCN des coopératives agricoles de teillage du lin IDCC 7007
CCN concernant le personnel des organismes de contrôle laitier IDCC 7008
CCN des entreprises relevant de la sélection et de la reproduction animale IDCC 7021
CCN des entreprises agricoles de déshydratation IDCC 7023
CC régionale des coopératives fruitières Ain Doubs Jura IDCC 8435
CCN des entreprises de services à la personne IDCC 3127
CCN ajoutées par le décret du 13 avril 2023
Unions pour la gestion des établissements de santé et médico-sociaux des caisses d’assurance maladie, constituées
conformément aux articles L.216-1 à L.216-3 du code de la sécurité sociale et relevant de la convention collective IDCC 2018
nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale
CCN des commerces de détail non alimentaires IDCC 1517
CCN des maisons à succursales de vente au détail d’habillement IDCC 0675
CCN des grands magasins et des magasins populaires IDCC 2156
CCN du commerce succursaliste de la chaussure IDCC 468
CCN des commerces de gros de l’habillement, de la mercerie, de la chaussure et du jouet IDCC 500
CCN du commerce de détail de l’habillement et des articles textiles IDCC1483
CCN de l’esthétique-cosmétique et de l’enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l’esthétique et
IDCC 3032
de la parfumerie
CCN des industries de fabrication mécanique du verre IDCC 0669
CCN de la production et de la transformation des papiers et cartons IDCC 3238
CCN du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire IDCC 2098

Précisions ministérielles du questions-réponses A noter que l’ensemble des précisions ci-dessous vaut
du 13 avril 2023 pour les CDD mais aussi pour les contrats de travail tem-
L’administration a livré le mode d’emploi du contrat multi- poraire également visés par l’expérimentation.
remplacement à travers 27 questions-réponses concernant
notamment l’entrée en vigueur du dispositif, la rédaction Droit transitoire
du contrat de travail, la rémunération, la durée et le temps Comment s’applique ce dispositif dans le temps ? Le QR
de travail, le terme du contrat, l’inaptitude et la protection. précise qu’il est possible de proposer un avenant au
Nous avons retenu tout particulièrement les précisions sui- contrat initial déjà signé au 13 avril 2023 afin d’ajouter un
vantes. ou plusieurs autres salariés absents à remplacer (Q1).

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 13
A retenir

REMARQUE : l’ajout d’un nouveau remplacement par voie d’ave- mentera la durée contractuelle (régime temps partiel ou
nant en cours de contrat ne doit pas avoir pour effet d’excéder temps plein dans le respect des règles de droit commun
la durée maximale du CDD conclu avec un terme précis prévu
par la convention ou l’accord de branche étendu (◆ C. trav., applicables au régime concerné) ;
art. L. 1242-8) ou à défaut, par l’article L. 1242-8-1 du code du
travail, renouvellements compris. Si tel était le cas, il incombe- REMARQUE: il n’est pas possible de recourir aux heures complé-
rait aux parties de conclure un nouveau contrat. mentaires pour augmenter le temps de travail initial et qui cor-
respondrait à la nouvelle absence pour laquelle il est fait appel
Par ailleurs, un contrat conclu le 13 avril 2025 pourra conti- au même salarié (Q16).
nuer à produire ses effets au-delà de cette date (Q2). – sur la durée maximale du contrat de travail. La durée
légale maximale de 18 mois ou, le cas échéant, la durée
Rédaction du contrat
maximale conventionnelle, s’appliquent (Q17).
Le CDD de remplacement doit contenir l’ensemble des
informations obligatoires. Il doit être établi par écrit, Période d’essai
comporter la définition précise de son motif et comporter Si la période d’essai du premier remplacement est rompue,
notamment la date du terme ou la durée minimale pour plus aucun des autres contrats prévus ne peuvent produire
laquelle il est conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme d’effets. L’ensemble des remplacements susceptibles
précis (Q4). Il doit également indiquer le nom et la qualifi- d’être inscrits au contrat ne sont plus assurés par le salarié
cation professionnelle de la personne remplacée et son titulaire du contrat rompu. En effet, dans le cadre de ce dis-
temps de travail, y compris les horaires (Q3). positif, une seule période d’essai est autorisée et s’appli-
Le CDD doit faire correspondre expressément le nom et la querait au début de la relation contractuelle (Q21).
qualification professionnelle de la personne remplacée à la
durée du remplacement de cette personne, ou à défaut, la Refus d’un CDI
durée minimale du remplacement. En outre, le contrat doit L’indemnité de fin de contrat n’est pas due lorsque le sala-
faire figurer la date du terme (date de fin de la relation rié refuse d’accepter la conclusion d’un CDI pour occuper
contractuelle) ou la durée minimale pour laquelle il est le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une
conclu lorsqu’il ne comporte pas de terme précis (Q4). rémunération au moins équivalente. Le QR précise que
pour apprécier le caractère similaire de l’emploi occupé si
Les souplesses offertes par le dispositif la durée de travail et/ou la rémunération n’a pas été la
Le dispositif ne prévoit aucune limite géographique pour même durant le CDD en raison des différents remplace-
les postes visés, pas plus que du nombre de salariés rem- ments, l’emploi proposé en CDI et le niveau de rémunéra-
placés (Q5 et Q6). tion doivent correspondre à la qualification du salarié et à la
désignation d’un des postes de travail qu’il a occupés au
REMARQUE : dès lors que le contrat est conclu à compter d’une
certaine date, il est possible, par voie d’avenant, d’ajouter un
titre du contrat de travail conclu pour remplacer plusieurs
salarié supplémentaire à remplacer (Q8). salariés absents (Q24).
Les remplacements n’ont pas à être limités à des postes
Inaptitude
identiques (Q9).
En cas d’inaptitude sur un des postes remplacés, il est pos-
REMARQUE : dans ce cas, lorsque les remplacements ne se font sible que dans le cadre d’un contrat conclu pour remplacer
pas sur le même poste, le salarié bénéficie d’une rémunération plusieurs salariés absents, le salarié remplaçant soit déclaré
différente pour chaque remplacement en raison du coefficient inapte à l’exercice d’une de ces tâches correspondant en
afférent dans la grille de classification propre à chaque poste
occupé. L’employeur peut soit décomposer la rémunération au pratique à un seul remplacement, sans que la constatation
prorata, en fonction des différentes caractéristiques des postes d’inaptitude n’ait d’incidence sur l’exercice d’autres tâches
occupés le cas échéant, soit proposer une rémunération supé- correspondant à un autre remplacement.
rieure, en particulier pour des motifs d’attractivité (Q13).
Le QR indique que l’employeur est tenu de proposer au
Les motifs d’absence des différents salariés remplacés
salarié, compte tenu des conclusions écrites du médecin
peuvent également être différents (Q11). Toutefois, il n’est
du travail et de ses indications sur l’aptitude du salarié à
pas envisageable de conclure un contrat pour remplacer
exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise, un
plusieurs salariés absents avec des périodes d’inactivité
autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable
(Q7).
que possible à celui précédemment occupé, au besoin par
Temps de travail la mise en œuvre de mesures telles que mutations, amé-
nagements, adaptations ou transformations de postes exis-
Le QR apporte plusieurs précisions intéressantes sur la ges- tants ou aménagement du temps de travail. Une modifica-
tion du temps de travail du salarié en CDD qui remplace plu- tion du contrat de travail par voie d’avenant peut être
sieurs salariés absents simultanément ou successivement : envisagée pour retirer par exemple le remplacement d’un
– sur la quotité de travail. Il est possible de prévoir l’alter- salarié absent dès lors que l’état de santé du salarié rem-
nance de périodes à temps plein et à temps partiel. Si plaçant est incompatible avec le travail à effectuer (Q26).
cette alternance n’est pas prévisible et connue dès la
conclusion du contrat initial, il est possible de prévoir par REMARQUE : cette modification du contrat proposée au salarié

avenant, sous réserve de l’accord du salarié, le passage nécessite son accord pour s’appliquer.
d’un temps partiel à un temps plein, et inversement, dans Protection sociale complémentaire
le respect des règles de droit commun applicables au
régime concerné et particulièrement concernant le pas- Lorsqu’un salarié cumule le remplacement de deux salariés
sage à un temps partiel (Q15) ; qui ne bénéficient pas du même régime obligatoire de
complémentaire santé et prévoyance (par exemple
– sur l’ajout d’une nouvelle période de remplacement. Si lorsqu’un salarié remplacé dispose du statut cadre mais
l’entreprise fait face à une nouvelle absence, il est possible pas l’autre), l’employeur doit opter pour la protection
de prévoir par avenant, sous réserve de l’accord du salarié, sociale complémentaire la plus favorable correspondant à
l’ajout d’une nouvelle période de remplacement qui aug-

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14 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

la situation du salarié, précise le QR. L’employeur doit ligne sur l’intranet de l’entreprise étant insuffisante (◆ Cass.
appliquer la règle du prorata temporis.(Q27). soc., 20 avr. 2005, no 03-41.802).
Dès l’instant qu’un salarié remplit les conditions pour occu-
◆D. no 2023-263, 12 avr. 2023 : JO, 13 avr.
per le poste, l’employeur a l’obligation d’accéder à sa
◆QR, min. trav., 13 avr. 2023 demande (◆ Cass. soc., 29 mars 1995, no 91-45.378).
Françoise ANDRIEU
Dans une affaire récente, la Cour de cassation s’est pro-
Florence MEHREZ
noncée, pour la première fois, sur la charge de la preuve du
 Études « Contrat à durée déterminée » et « Travail temporaire » respect de l’obligation de priorité d’emploi.
Une salariée à temps partiel demande la résiliation judi-

❚ Loi « JO 2024 » : enquête administrative ciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de
dommages-intérêts pour non-respect de la priorité
d’emploi par son employeur. Elle est déboutée par la cour
de sécurité avant d’affecter des intérimaires
sur des missions de sécurité d’appel au motif que l’employeur contestait avoir recruté
des salariés à temps complet dans sa catégorie profession-
Afin de garantir la sécurité des jeux Olympiques et Para- nelle et qu’elle n’apportait pas la preuve que des emplois à
lympiques de 2024, l’article 11 de la loi du 19 mai 2023 temps plein correspondant à sa catégorie professionnelle
ouvre la possibilité de demander la réalisation d’une étaient à pourvoir dans l’entreprise.
enquête administrative de sécurité au titre de l’article
L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, avant l’affecta- Une obligation à la charge de l’employeur
tion de personnels intérimaires à des fonctions sensibles Estimant que les juges du fond ont fait peser à tort la
(missions en lien direct avec la sécurité des personnes ou charge de la preuve du respect de l’obligation de priorité
des biens) dans les entreprises de transport (transport d’emploi sur elle, la salariée se pourvoit en cassation. Selon
public de personnes ou transport de marchandises dange- elle, c’est à l’employeur de justifier des raisons pour les-
reuses tenue d’adopter un plan de sûreté) ou de gestion quelles il n’a pas pu accéder à sa demande de bénéficier
d’infrastructure. Il s’agit de vérifier, si « le comportement d’un temps complet dans la mesure où le bien-fondé de sa
des personnes intéressées donne des raisons sérieuses de demande dépend d’éléments détenus par lui seul.
penser qu’elles sont susceptibles, à l’occasion de leurs
La Cour de cassation lui donne raison : il résulte des
fonctions, de commettre un acte portant gravement
articles L. 3123-3 et L. 3123-8 du code du travail précités,
atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics ».
qu’en cas de litige, c’est « à l’employeur qu’il appartient de
Cette disposition, destinée à couvrir la période des JO, est rapporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation » et
temporaire. Elle s’applique du 1er mai au 15 septembre donc qu’il était dans l’impossibilité d’attribuer un emploi à
2024. temps complet à la salariée.
◆L. no 2023-380, 19 mai 2023, art. 11 : JO, 20 mai La Cour ajoute que la preuve est rapportée lorsque
 Étude « Travail temporaire » l’employeur établit :
– soit qu’il a porté à la connaissance du salarié la liste des
postes disponibles ressortissant de sa catégorie profes-
❚ Priorité d’emploi des salariés à temps sionnelle ou d’un emploi équivalent ;
– soit en justifiant de l’absence de tels postes.
partiel : la charge de la preuve
En cas de litige relatif à la priorité d’emploi La cour d’appel, en demandant à la salariée de justifier que
à temps complet des salariés à temps partiel, des emplois à temps plein correspondant à sa catégorie
c’est à l’employeur de rapporter la preuve professionnelle étaient disponibles dans l’entreprise, a
qu’il a satisfait à son obligation en établissant inversé la charge de la preuve. Sa décision est donc logi-
soit qu’il a porté à la connaissance du salarié quement cassée et l’affaire est renvoyée devant la même
la liste des postes disponibles de sa catégorie cour autrement composée.
professionnelle ou d’un emploi équivalent, ◆Cass. soc., 13 avr. 2023, no 21-19.742
soit en justifiant de l’absence de tels postes. Ouriel ATLAN

Priorité d’emploi du salarié à temps partiel


 Étude « Temps partiel »
Les salariés qui travaillent à temps partiel bénéficient d’une
priorité pour l’attribution d’un emploi de leur catégorie pro-
fessionnelle ou équivalente d’une durée au moins égale à ❚ Mixité dans les postes de direction :
la durée minimale légale de travail – 24 heures par semaine mise en place d’une procédure préalable
ou son équivalent – ou à la durée minimale conventionnelle au prononcé de la pénalité
ou un emploi à temps plein, ou si un accord de branche
étendu le prévoit, d’un emploi présentant des caractéris- Un décret du 15 mai définit la procédure
tiques différentes. contradictoire préalable au prononcé
de la pénalité de 1 %, qui ne sera applicable
REMARQUE : l’employeur qui ne respecte pas l’obligation de prio- qu'à compter du 1er mars 2029, lorsque
rité d’emploi peut être condamné à verser des dommages-inté- les règles de répartition au sein des postes
rêts pour préjudice matériel et, le cas échéant, moral (◆ CA de direction des grandes entreprises
Montpellier, 12 nov. 1997, no 95-1632).
ne seront pas respectées.
L’employeur doit porter à la connaissance des salariés qui
en ont fait la demande la liste des emplois disponibles cor- La loi égalité économique et professionnelle du
respondants (◆ C. trav., art. L. 3123-3 et L. 3123-8). 24 décembre 2021 a introduit de nouveaux quotas dans
les postes de direction des entreprises qui emploient au
REMARQUE: en pratique, l’employeur doit diffuser la liste des moins 1 000 salariés, sur trois exercices consécutifs.
postes disponibles de manière spécifique, leur seule mise en

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 15
A retenir

Rappel des règles mises en place lui présenter ses observations et à justifier des motifs de
Ainsi, elle prévoit de porter la proportion de femmes parmi sa défaillance dans un délai d’un mois, prorogé d’un mois
les cadres dirigeants et les membres des instances à la demande de l’intéressé, si les circonstances ou la com-
dirigeantes : plexité de la situation le justifient. L’employeur pourra être
entendu à sa demande.
– d’au moins 30 % à compter du 1er mars 2026 ;
Ensuite, le Dreets notifiera à l’employeur la décision moti-
– et d’au moins 40 %, à compter du 1er mars 2029. vée fixant le taux de pénalité qui lui sera appliqué, dans un
REMARQUE : pour rappel, selon l’article L. 3111-2 du code du tra- délai de 2 mois après expiration du délai de présentation
vail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant des observations et justifications de l’employeur.
les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont
l’importance implique une grande indépendance dans l’organi- Ce taux tient compte de la situation initiale de l’entreprise,
sation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des des mesures prises par l’entreprise en matière de repré-
décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une sentation des femmes et des hommes, de la bonne foi de
rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des l’employeur, ainsi que des motifs de défaillance dont il a
systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou
établissement. Le code de commerce définit, à l’article L. 23- justifié.
12-1, l'instance dirigeante comme toute instance mise en place Dans un délai de 2 mois suivant cette notification, l’entre-
au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, prise communiquera à l’administration les rémunérations
aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la
direction générale dans l’exercice de leurs missions. et gains servant de base au calcul de la pénalité.
Les entreprises concernées sont celles qui emploient, pour REMARQUE : la décision de notification du taux de la pénalité rap-
le troisième exercice consécutif, au moins 1 000 salariés. pellera cette obligation.
Depuis le 1er mars 2022, l’employeur doit publier chaque Le Dreets établira un titre de perception fixant le montant
année les écarts éventuels de représentation entre les de la pénalité sur la base du taux notifié et des données
femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les transmises par l’entreprise, qu’il transmettra au directeur
membres des instances dirigeantes : départemental ou régional des finances publiques. Celui-ci
– sur le site internet de l’entreprise, au plus tard le 1er mars en assurera le recouvrement et le versement au budget
de l’année en cours ; général de l’État.
– et sur celui du ministère du travail, au plus tard le Si l’employeur ne transmet pas les informations requises,
31 décembre. dans le délai ou si celles-ci sont manifestement erronées,
la pénalité sera alors calculée sur la base de deux fois la
A compter du 1er mars 2029, l’employeur, qui ne respec- valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale, par salarié
tera pas le taux minimum de femmes dans les postes de de l’entreprise et par mois compris dans l’année civile de
direction, disposera d’un délai de 2 ans pour se mettre en calcul.
conformité.
Les écarts de répartition intégrés à la BDESE
REMARQUE :au bout d’un an, l’entreprise devra publier des objec-
tifs de progression et les mesures de correction retenues, sur Le décret du 15 mai 2023 prévoit en outre que la BDESE
le site internet de l’entreprise au plus tard le 1er mars suivant la doit comporter, pour les entreprises d’au moins
publication des écarts de représentation et sur la même page 1 000 salariés les écarts de répartition entre les femmes et
qu’eux. les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres
A l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont tou- des instances dirigeantes.
jours en deçà du taux fixé, l’employeur pourra se voir appli-
Cette disposition est entrée en vigueur le 17 mai 2023 (len-
quer une pénalité financière d’un montant de 1 % des
demain de la publication au Journal officiel).
rémunérations et gains versés aux travailleurs salariés ou
assimilés au cours de l’année civile précédant l’expiration ◆D. no 2023-370, 15 mai 2023 : JO, 16 mai
du délai. Virginie GUILLEMAIN

Procédure préalable au prononcé de la pénalité


 Études « Égalité professionnelle femmes-hommes »
et « Base de données économiques, sociales
de 1 % et environnementales (BDESE) »
Le décret du 15 mai 2023 établit la procédure, qui sera
applicable à compter du 1er mars 2029, pour prononcer la
pénalité et définit les critères devant être pris en compte
pour en déterminer le montant. ❚ Harcèlement moral : le salarié n’a plus besoin
de qualifier les faits dénoncés
REMARQUE la loi égalité économique et professionnelle n° 2021-
:
1774 du 24 décembre 2021, dans son article 14-V précise que La Cour de cassation revient
la procédure conduisant à la pénalité pour les entreprises qui ne sur sa jurisprudence en admettant
respectent pas l’obligation de mixité, fixée à l’article 1142-12 du que le licenciement d’un salarié qui dénonce
code du travail, entre en vigueur le 1er mars de la huitième des agissements sans toutefois les qualifier
année suivant la publication de la loi, soit à compter du 1er mars
2029. La pénalité ne sera donc applicable qu’après cette date. de harcèlement moral est nul.
A l’issue du délai de mise en conformité de 2 ans, l’agent Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire
de contrôle de l’inspection du travail devra constater que l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir subi, refusé
l’entreprise n’a pas respecté son obligation (résultats obte- de subir ou dénoncé des agissements de harcèlement
nus en dessous du taux, qui sera de 40 % au moment de moral (◆ C. trav., art. L. 1152-1 et L. 1152-2). Toute rupture
l’entrée en vigueur de la pénalité), il transmet au directeur du contrat de travail, toute disposition ou tout acte
régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solida- contraire intervenu en méconnaissance de ces dispositions
rités (Dreets) un rapport sur cette situation. est nul (◆ C. trav., art. L. 1152-3), sauf mauvaise foi du sala-
Le Dreets, qui ensuite envisage de prononcer la pénalité de rié (◆ Cass. soc., 10 mars 2009, no 07-44.092).
1 %, notifiera son intention à l’employeur dans les 2 mois La Cour de cassation a ajouté en 2017 que le salarié qui
qui suivent la réception du rapport. Il l’invitera également à dénonce des faits de harcèlement moral ne peut bénéficier
de la protection contre le licenciement que s’il a clairement

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16 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

qualifié les faits de la sorte (◆ Cass. soc., 13 sept. 2017, chait à la salariée d’avoir dénoncé des faits ayant entraîné
no 15-23.045). selon elle une dégradation de ses conditions de travail et
de son état de santé.
REMARQUE : dans cette affaire, le salarié avait dénoncé dans un
courriel des comportements « abjects, déstabilisants et profon- La mauvaise foi de la salariée n’ayant pas été démontrée,
dément injustes » sans les qualifier de harcèlement moral. le licenciement prononcé à son encontre est donc nul.
Dans une décision du 19 avril, la Cour de cassation opère ◆Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-21.053
un revirement de jurisprudence et abandonne l’exigence Ouriel ATLAN
de qualification des faits par le salarié.
 Étude « Harcèlement au travail »
Abandon de la nécessité de qualifier
les faits dénoncés
Une salariée est licenciée pour faute grave après avoir
adressé à des membres du conseil d’administration de
❚ Le DRH est-il un cadre dirigeant ?
Le salarié qui doit, en dépit d’une grande
l’association qui l’employait un courrier mettant gravement
autonomie dans l’exercice de ses fonctions,
en cause l’attitude et les décisions prises par son supérieur
en référer au directeur général, et qui ne signe
hiérarchique, lesquelles auraient entraîné une dégradation
ni les lettres de convocation à l’entretien
de ses conditions de travail.
préalable, ni les lettres de licenciement,
Soutenant que le licenciement a été prononcé pour avoir n’a pas la qualité de cadre dirigeant.
dénoncé des faits de harcèlement moral, la salariée saisit
la juridiction prud’homale. Selon le code du travail, sont considérés comme cadres
dirigeants et donc exclus notamment de la réglementation
Son employeur avance logiquement que la salariée, qui a légale et réglementaire de la durée du travail, les cadres
n’a pas employé le terme de « harcèlement moral » dans (◆ C. trav., art. L 3111-2) :
son courrier, ne peut se prévaloir des dispositions protec-
trices des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail – auxquels sont confiées des responsabilités dont l’impor-
conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation tance implique une grande indépendance dans l’organisa-
de 2017. tion de leur emploi du temps ;
Les juges du fond reconnaissent tout de même l’existence – qui sont habilités à prendre des décisions de façon large-
d’un harcèlement moral et prononcent la nullité du licencie- ment autonome ;
ment, validée par la Cour de cassation qui revient ainsi sur – et qui perçoivent une rémunération se situant dans les
sa jurisprudence. niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pra-
A l’appui de son revirement, la Cour de cassation avance tiqués dans leur entreprise ou établissement.
deux arguments : Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de
– tout d’abord le principe d’égalité des armes dans la cette catégorie les cadres participant à la direction de
mesure où la Cour a octroyé la faculté à l’employeur d’invo- l’entreprise.
quer devant le juge la mauvaise foi du salarié licencié pour En cas de litige, il appartient au juge d’examiner la fonction
avoir dénoncé des faits de harcèlement moral et ce sans que le salarié occupe réellement au regard de chacun de
qu’il soit tenu d’en avoir fait mention dans la lettre de licen- ces critères (◆ Cass. soc., 6 juill. 2016, no 15-10.987).
ciement (◆ Cass. soc., 16 sept. 2020, no 18-26.696). Dans une affaire récente, une cour d’appel a estimé qu’un
L’employeur bénéficiait ainsi d’une possibilité d’améliorer DRH remplissait l’ensemble de ces critères et bénéficiait
sa défense devant le juge alors même que l’arrêt du notamment d’une large autonomie de décision dans la
13 septembre 2017 la refusait au salarié ; mesure où celui-ci, qui était chargé de la gestion du
– ensuite la cohérence avec la protection qu’elle a conférée personnel :
au salarié licencié qui a fait un usage non abusif de sa – avait la responsabilité des procédures de licenciement,
liberté d’expression, et dont le licenciement a été annulé quand bien même les courriers y afférents étaient signés
pour ce seul motif (◆ Cass. soc., 16 févr. 2022, no 19- du directeur général ;
17.871), à l’instar de la sanction du licenciement prononcé
– avait toute latitude pour définir le quantum des provisions
au motif de la dénonciation par le salarié de faits qu’il a
sur risque lié aux licenciements effectués, quand bien
expressément qualifié de harcèlement moral.
même il en référait à son directeur général qui validait les
Elle conclut que « il y a lieu désormais de juger que le sala- chiffrages ;
rié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut
– bénéficiait de subdélégations de la part du directeur
être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas
général pour procéder à la signature des contrats de travail
qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur
et de leurs avenants, à l’engagement de diverses
dénonciation, sauf mauvaise foi (…) ».
dépenses, telles l’assistance et la sous-traitance extérieure,
Attention au « caractère évident » des faits dénoncés frais généraux incluant les impôts et taxes et frais de per-
sonnel incluant le paiement des salaires.
La notice de l’arrêt précise toutefois que cette solution ne
s’applique « que si l’employeur ne pouvait légitimement La Cour ajoutait que la tonalité des échanges entre le direc-
ignorer, à la lecture de l’écrit adressé par le salarié ayant teur général et le salarié confirmait la grande marge de
motivé son licenciement, que ce dernier dénonçait bien manœuvre dont disposait ce dernier dans la définition des
des agissements de harcèlement ». orientations stratégiques en matière juridique et de risque
lié aux ruptures de contrats de travail envisagées.
Il appartient donc aux juges du fond de vérifier le caractère
évident de la dénonciation de harcèlement dans l’écrit du Pour la cour d’appel, le salarié avait donc bien la qualité de
salarié, quand bien même le terme « harcèlement moral » cadre dirigeant.
n’a pas été employé. A tort pour la Cour de cassation. La Haute juridiction retient
La Cour de cassation considère que c’était bien le cas en que si le salarié bénéficiait bien de la part du directeur
l’espèce dans la mesure où la lettre de licenciement repro- général, seul titulaire des délégations de la part du conseil

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 17
A retenir

d’administration, de subdélégations, il devait, en dépit Or ce délai de prévenance était en contradiction avec la


d’une grande autonomie dans l’exercice de ses fonctions, charte du cotisant contrôlé qui prévoit un délai minimum de
« en référer au directeur général », et ne signait ni les 30 jours. Ce délai de 30 jours étant plus favorable pour le
lettres de convocation à l’entretien préalable, ni les lettres cotisant contrôlé et la charte étant opposable aux agents
de licenciement, comme l’avaient souligné les juges du de l’Urssaf, ce délai de 30 jours était opposable.
fond. Le décret du 12 avril met fin à cette contradiction. Il modi-
Ces derniers auraient donc dû en déduire, selon la Haute fie l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale en rem-
juridiction, que le salarié n’avait pas la qualité de cadre diri- plaçant le délai de prévenance de 15 jours par un délai de
geant. 30 jours.
Le salarié est donc en droit de demander le paiement de Entretien de fin de contrôle (art. 1, 3o, c du décret ;
ses heures supplémentaires. CSS, art. R.243-59-I mod.)
◆Cass. soc., 15 mars 2023, no 21-21.632 Pour les contrôles de l’Urssaf engagés à compter du
Ouriel ATLAN 1er mai 2023, sauf cas de travail dissimulé ou de délit
 Étude « Cadres » d’obstacle au contrôle, l’agent chargé du contrôle devra
proposer à la personne contrôlée ou à son représentant
légal, avant d’adresser la lettre d’observations, une infor-
mation sous la forme d’un entretien afin de lui présenter,
le cas échéant, les constats susceptibles de faire l’objet
d’une observation ou d’un redressement.
Contrôles Mentions obligatoires de la lettre d’observation
(art. 1, 3o, e ; CSS, art. R. 243-59)
et contentieux Dans sa lettre d’observations, l’agent de l’Urssaf peut faire
état d’une pratique non conforme à la réglementation et
appeler l’entreprise contrôlée à la modifier sans pour autant
❚ Contrôle Urssaf : les changements apportés opérer un redressement. En cas de réitération de cette pra-
tique lors d’un nouveau contrôle, l’agent de contrôle dresse
par le décret du 12 avril 2023 un constat d’absence de mise en conformité. Pour ce faire,
Délai de prévenance du contrôle, durée il doit préciser dans sa lettre d’observations les éléments
du contrôle dans les TPE, procédure caractérisant l’absence de mise en conformité (◆ CSS,
de recours aux documents dématérialisés art. R. 243-59, III).
de l’entreprise contrôlée font l’objet Le décret du 12 avril apporte une précision : la réitération
de précisions et de modifications par le décret doit être postérieure soit à la mise en demeure soit à la
no 2023-262 du 12 avril 2023. réception des observations. Cette règle s’applique aux
Le décret no 2023-262 du 12 avril 2023, publié au Journal contrôles effectués à compter du 14 avril 2023.
officiel du 13 avril apporte des modifications sur le déroule- Documents dématérialisés (art. 1, 4o du décret ;
ment des contrôles réalisés par les agents de l’Urssaf : CSS, art. R. 243-59-1 mod.)
– en officialisant l’allongement du délai de prévenance du Lorsque les documents et les données nécessaires à
contrôle de 15 à 30 jours, à compter du 14 avril 2023 (len- l’agent chargé du contrôle sont disponibles sous forme
demain de la publication du décret). Ce délai de 30 jours dématérialisée, les opérations de contrôle peuvent être
prévu par la charte du cotisant contrôlée de 2022 était réalisées par la mise en œuvre de traitements automatisés.
jusqu’à ce jour, en contradiction avec l’article du code de
sécurité sociale ; Initialement, il était prévu par le code de la sécurité sociale
que l’agent de l’Urssaf, après information de la personne
– en introduisant, à compter du 1er mai 2023, la proposition contrôlée pouvait utiliser le matériel informatique de cette
d’un entretien avec l’agent chargé du contrôle pour présen- dernière. Toutefois, la charte du cotisant autorisait l’agent
ter les résultats de la vérification ; de contrôle d’utiliser son propre matériel informatique pour
– en modifiant, à compter du 14 avril 2023 (lendemain de la réaliser les opérations de contrôle. Le conseil d’État a
publication du décret), la procédure permettant les traite- annulé ces dispositions de la charte pour excès de pouvoir
ments automatisés de données et documents de l’entre- car elles méconnaissent le sens et la portée de
prise contrôlée en limitant l’intervention des agents char- l’article R. 243-59-1 du code de la sécurité sociale (◆ CE,
gés du contrôle sur le matériel de l’entreprise. 17 févr. 2023, no 464155).
Délai de prévenance du passage de l’agent Le décret du 12 avril modifie les règles concernant les
de contrôle (art. 1, 3o, a du décret ; investigations de l’agent de contrôle sur support dématéria-
CSS, art. R. 243-59-I mod.) lisé en réécrivant l’article R. 243-59-1 du code de la sécurité
sociale.
L’agent de l’Urssaf chargé du contrôle est tenu (sauf en
cas de travail dissimulé) d’adresser à l’employeur un avis Ainsi, pour les contrôles effectués à compter du 14 avril
l’informant du contrôle à venir (◆ CSS, art. R. 243-59), par 2023, lorsque l’agent de contrôle souhaite accéder aux
tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa récep- documents dématérialisés de l’entreprise contrôlée, il doit
tion (◆ CSS, art. R. 243-59-9). Cet avis de contrôle doit pour pouvoir utiliser son propre matériel professionnel,
comporter la date de la visite de l’agent de contrôle. suivre la procédure suivante :
Jusqu’à maintenant, l’article R. 243-59 du code de la – l’agent chargé du contrôle doit informer la personne
sécurité sociale précisait que l’avis de contrôle devait être contrôlée qu’il aura recours à son matériel professionnel ;
adressé au moins 15 jours avant la date de la première – la personne contrôlée a 15 jours pour refuser que l’agent
visite de l’agent de contrôle dans l’entreprise. utilise son matériel professionnel ;

Juin 2023
18 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

– si à l’issue du délai de 15 jours, la personne contrôlée n’a La fin du contrôle doit prendre fin à la date d’envoi de la
pas répondu ou a accepté de manière explicite, l’agent de lettre d’observations.
contrôle peut utiliser son matériel professionnel. La per-
REMARQUE : ces précisions correspondent à ce qui est indiqué
sonne contrôlée est alors tenue de mettre à la disposition
dans la charte du cotisant de 2022 lorsque la fixation de la
de l’agent les copies numériques des documents, des don- durée maximale du contrôle de 30 jours pour les entreprises de
nées et des traitements nécessaires sous forme de 10 à 20 salariés était expérimental.
fichiers à l’exercice du contrôle. Les fichiers correspon-
dants répondent aux formats informatiques indiqués par Documents obtenus lors du contrôle
l’agent ; d’une autre entreprise du groupe
(art. 1,8o ; CSS, art. R. 243-59-10 nouv.)
– si dans ce délai de 15 jours à compter de l’information
donnée par l’agent de contrôle, la personne contrôlée La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a
refuse par écrit que l’agent utilise son matériel profession- instauré la possibilité, pour les agents de contrôle, d’utiliser
nel ou en cas d’impossibilité technique avérée de mise en les documents et informations obtenus lors du contrôle de
œuvre d’un traitement automatisé sur le matériel de toute personne appartenant au même groupe que la per-
l’agent, la personne contrôlée est tenue : sonne qu’ils contrôlent (◆ CSS, art. L. 243-7-4).
– soit de réaliser elle-même les traitements sur son propre REMARQUE : le groupe est entendu comme l’ensemble des per-
matériel et de produire les résultats au format et dans les sonnes entre lesquelles il existe un lien de dépendance ou de
contrôle au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3 du code de
délais indiqués par l’agent chargé du contrôle ; commerce (◆ CSS, art. L. 243-7-4)
– soit d’autoriser l’agent chargé du contrôle à procéder lui- Un décret était nécessaire pour pouvoir mettre en œuvre
même ou par l’intermédiaire d’un utilisateur habilité par la ce nouveau droit des agents de contrôle, ce décret devant
personne contrôlée, sur le matériel de la personne contrô- définir les garanties à l’égard de la personne contrôlée.
lée, aux opérations de contrôle, par la mise en place de trai-
tements automatisés. Le décret du 12 avril 2023 apporte ces précisions.
En cas de recherche d’infraction pour travail dissimulé, Pour les contrôles effectués à compter du 14 avril 2023
l’agent de contrôle n’a pas à solliciter l’acceptation de la (date de publication du décret du 12 avril 2023), lorsqu’il uti-
personne contrôlée et peut recourir d’emblée à son propre lise des documents ou informations obtenus dans le
matériel professionnel. Toutefois, lorsqu’il n’est pas pos- groupe, l’agent chargé du contrôle doit préciser dans la
sible pour l’agent chargé du contrôle, notamment en cas lettre d’observations :
d’impossibilité technique avérée de mettre en œuvre un – la nature de ces documents ou informations ;
traitement automatisé sur son matériel professionnel, il – leur contenu ou les éléments d’information sur lesquels il
procède lui-même ou par l’intermédiaire d’un utilisateur s’appuie pour fonder son redressement ;
habilité par la personne contrôlée, sur le matériel de la per-
– la référence au contrôle et l’identité de la ou des per-
sonne contrôlée, aux opérations de contrôle, par la mise en
sonnes du même groupe d’où proviennent ces documents
place de traitements automatisés.
ou informations ;
Les copies des fichiers transmis sont détruites au plus tard
– la faculté offerte à la personne contrôlée de demander
à la date soit de l’envoi de la mise en demeure soit de la
une copie des documents.
communication des observations ne conduisant pas à
redressement ou de la notification d’un solde créditeur. Lorsque la personne contrôlée a demandé la communica-
tion d’une copie dans le délai de réponse à une lettre
Durée du contrôle dans les entreprises de moins d’observation (30 jours ou 60 jours selon le cas), la période
de 20 salariés (art. 1, 6o du décret ; CSS, art. R. 243-59- contradictoire ne prend fin qu’à la date d’envoi de la copie,
6-A nouv.) sauf si cette date est antérieure à celle de la réponse de
La durée des contrôles des entreprises versant des rému- l’agent chargé du contrôle.
nérations à moins de 20 salariés est limitée à 3 mois à ◆D. no 2023-262, 12 avr. 2023 : JO, 13 avr.
compter du début effectif du contrôle (◆ CSS, art. L. 243- Nathalie LEBRETON
13).
 Étude « Contrôle de l’Urssaf »
REMARQUE ce délai de 30 jours peut être prorogé une fois à la
:
demande expresse de l’entreprise contrôlée ou du contrôleur,
sauf cas de travail dissimulé, abus de droit, obstacle à contrôle.
C’est la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ❚ DOETH : la déclaration doit être effectuée via
qui a pérennisé cette durée maximale du contrôle pour les la DSN d’avril sous peine d’une contribution
entreprises de 10 à 20 salariés. forfaitaire
REMARQUE : l’effectif est calculé selon les règles de décompte de
La sanction applicable aux entreprises
l’effectif prévues par le code de sécurité sociale (art. L. 130-1 et d’au moins 20 salariés qui n’ont pas effectué
R. 130-1). Si la société appartient à un groupe, la limite d’effec- leur déclaration d’emploi des travailleurs
tif de 20 salariés ne doit pas être franchie au niveau du groupe handicapés via la DSN d’avril, exigible
pour que ces dispositions puissent s’appliquer.
le 5 ou 15 mai, est précisée par un décret
Le décret du 12 avril 2023 apporte des précisions sur le du 20 avril 2023.
point de départ et de fin du contrôle à prendre en compte
pour apprécier si le délai de 3 mois a été respecté. Le décret no 2023-296 du 20 avril 2023 officialise, dans le
code du travail, le décalage de la déclaration annuelle de
Le début effectif du contrôle correspond : l’emploi des travailleurs handicapés (DOETH) sur la DSN
– à la date de la première visite de l’agent chargé du d’avril (exigible le 5 ou 15 mai) et prévoit une contribution
contrôle en cas de contrôle sur place ; forfaitaire pour les employeurs qui omettent d’effectuer
– ou à la date de début des opérations de contrôle men- cette déclaration.
tionnée dans l’avis de contrôle adressé à la personne
contrôlée, en cas de contrôle sur pièces.

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 19
A retenir

Pérennisation de l’échéance de la déclaration DOETH ficiaires de l’obligation d’emploi déclarés, le cas échéant,
à la DSN d’avril par l’employeur au cours de l’année.
Jusqu’à présent, le code du travail indiquait que la DOETH
REMARQUE : le coefficient à retenir est de 400 fois le SMIC horaire
et le paiement de la contribution devaient être réalisés sur brut pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés ; 500
la DSN du mois de février, exigible le 5 ou le 15 mars. fois le SMIC horaire brut pour les entreprises de 250 à moins
Cette échéance avait été décalée de 2 mois, depuis 2021, de 750 salariés et 600 fois le SMIC horaire brut pour les entre-
et le site des URSSAF avait indiqué que ce report serait prises d’au moins 750 salariés (◆ C. trav., art. D. 5212-20).
pérennisé. Cette contribution forfaitaire est égale à :
[coefficient (400 ou 500 ou 600 SMIC horaire) 3 (nombre
REMARQUE: l’Urssaf avait en effet décalé les DOETH 2021, 2022
et 2023, au titre des années 2020, 2021 et 2022 via des de BOETH devant être employés – nombre de BOETH
communiqués, sans toutefois de fondement juridique. déclarés)] 3 1,25.
Un décret du 20 avril officialise ce décalage et modifie le : au titre de l’obligation d’emploi 2022, une entreprise de
EXEMPLE
code du travail afin de le rendre pérenne. La déclaration 56,75 salariés décide de ne pas effectuer sa déclaration en
annuelle, et le paiement de la contribution, au titre de 2023.
l’emploi d’une année N doivent être effectués dans la DSN
du mois d’avril de l’année N + 1, exigible le 5 ou 15 mai de Le nombre de BOETH à employer (arrondi à l’entier inférieur)
de l’entreprise est égal à 56,75 3 6 % = 3,40, arrondi à 3
l’année N + 1. BOETH. Par hypothèse, elle ne déclarera rien au cours de
Le décret modifie également d’autres échéances pour tenir l’année 2023.
compte de ce décalage : Pour l’OETH 2022 (déclarée en 2023), le Smic horaire brut appli-
– transmission par l’Urssaf au 15 mars (au lieu du cable au 31 décembre 2022 (année d’assujettissement) est
31 janvier), en prenant en compte les déclarations men- égal à 11,07 €.
suelles des employeurs réceptionnées jusqu’au 15 février, Le coefficient (C) applicable en fonction de l’effectif d’assujet-
de l’effectif d’assujettissement de l’entreprise, du nombre tissement de l’entreprise est égal à 400 3 valeur du Smic au
de BOETH à employer, de l’effectif des BOETH réels (hors 31 décembre 2022.
salariés mis à disposition) et de l’effectif de salariés rele- Sa contribution provisoire et forfaitaire est égale à:
vant d’un emploi exigeant des conditions d’aptitude parti- 400 3 11,07 3 3 3 1,25 = 16 605 €.
culière (Ecap) ;
Si, en cours d’année, l’entreprise déclare finalement qu’elle a
– envoi aux employeurs au 15 mars (au lieu du 31 janvier) embauché réellement 2,32 BOETH, la contribution provisoire
par les entreprises de travail temporaire et les groupe- sera alors de : 400 3 11,07 3 (3 2,32) 3 1, 25 = 3 763,80 €.
ments d’employeurs, de l’attestation annuelle portant sur
le nombre de BOETH mis à disposition ; Le taux de majoration est augmenté de 5 points à chaque
échéance non déclarée consécutive.
REMARQUE : le BOSS avait précisé que l’effectif des BOETH
externes ou mis à disposition des associations intermédiaires, REMARQUE : si une entreprise n’effectue pas sa déclaration en
des agences de mannequins, des entreprises de travail à temps 2023, 2024 et 2025, le taux de majoration de la contribution
partagé ou des groupements d’employeurs est transmis par le sera alors égal à 35 % en 2025.
biais d’une attestation annuelle (BOSS-Eff.-1280). Il n’en est La contribution est notifiée avant le 31 décembre de
pas fait mention dans le décret du 20 avril.
l’année au cours de laquelle la déclaration aurait dû être
– envoi aux entreprises clientes au 15 mars (au lieu de souscrite.
31 janvier) par les entreprises adaptées, les ESAT, les tra-
vailleurs indépendants handicapés, ainsi que les entre- EXEMPLE : en l’absence de déclaration en 2023, au titre de
prises de portage salarial (si le salarié porté est BOETH), de l’emploi 2022, la contribution sera notifiée avant le
l’attestation des dépenses annuelles ouvrant droit à 31 décembre 2023.
déductions ;
Régularisation
– le cas échéant, transmission par l’employeur au plus tard Lorsque l’employeur effectue sa déclaration annuelle
le 31 mai (au lieu du 31 mars) à l’autorité administrative d’emploi des travailleurs handicapés après la notification de
compétente pour agrément d’un accord en faveur des tra- la contribution forfaitaire, le montant de la contribution est
vailleurs handicapés. régularisé. La majoration de retard appliquée est de 8 %.
Une contribution forfaitaire pour défaut
de déclaration Application de la contribution en l’absence de déclaration
en 2021 et 2022
Mode de calcul de la contribution Les employeurs qui n’ont pas, à la date de publication du
Avant que la déclaration d’emploi ne soit effectuée via la décret (soit, le 22 avril) rempli leur obligation déclarative
DSN, il existait une pénalité, due au Trésor public, lorsque annuelle en 2021 au titre de l’année 2020 et/ou en 2022 au
l’entreprise ne transmettait pas sa déclaration. Cette péna- titre de l’année 2021 peuvent régulariser leur situation au
lité a été abrogée au 1er janvier 2020. plus tard à l’échéance de juillet 2023. Ils ne se verront pas
appliquer la contribution forfaitaire.
Le décret du 20 avril 2023 prévoit que lorsque l’employeur
assujetti à l’obligation d’emploi ne satisfait pas à son obli- REMARQUE: la régularisation doit être effectuée au plus tard dans
gation déclarative annuelle, un montant de contribution est la DSN de juin 2023, exigible au 5 ou 15 juillet 2023.
fixé à titre provisoire. En l’absence de régularisation, la date limite de notification
Ce montant correspond au produit, majoré de 25 %, du de la contribution forfaitaire est fixée au 31 décembre
coefficient applicable pour le calcul de la contribution en 2023.
fonction de l’effectif d’assujettissement de l’entreprise, par ◆D. no 2023-296, 20 avr. 2023 : JO, 21 avr.
la différence entre le nombre de bénéficiaires de l’obliga- LA RÉDACTION SOCIALE
tion d’emploi devant être employés et le nombre de béné-
 Étude « Travailleurs handicapés »

Juin 2023
20 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

❚ Prescription d’une action en paiement crée une dérogation temporaire au repos dominical afin de
répondre aux besoins du public, des touristes et des travail-
de la gratification d’une médaille du travail :
leurs. Cette dérogation s’appliquera aux commerces situés
la Cour de cassation affine sa position dans les communes d’implantation des sites de compéti-
L’action en paiement d’un rappel de tion ainsi que dans les communes limitrophes ou à proxi-
gratification allouée au titre de la médaille du mité de ces sites.
travail en vertu d’un engagement unilatéral de
l’employeur est soumise à la prescription REMARQUE : selon l’étude d’impact du projet de loi, c’est parce
triennale applicable aux actions en paiement qu’aucune dérogation au repos dominical prévue par le code du
travail n’était adaptée à la situation à venir, qui nécessite des
du salaire. ouvertures de commerces ciblées et limitées dans le temps,
Lorsque l’action en paiement de la gratification d’une que le législateur a créé ce dispositif de dérogation préfectorale
au repos dominical ad hoc, distincte de la dérogation accordée
médaille du travail est fondée sur des faits de discrimina- par le préfet prévue à l’article L. 3132-20 du code du travail.
tion allégués, elle est soumise au délai de prescription de Son objectif est de répondre aux besoins générés par
5 ans applicable à une action en réparation résultant d’une l’organisation des JO, compte tenu des lieux de compéti-
discrimination (◆ Cass. soc., 30 juin 2021, no 19-14.543). tion et d’hébergement du public, tout en assurant aux sala-
En revanche, l’action en paiement de la gratification d’une riés les garanties minimales prévues par le code du travail.
médaille du travail en vertu d’un engagement unilatéral
(donc non fondée sur une discrimination) est bien soumise Cadre de la dérogation
à la prescription triennale prévue pour les actions en paie-
ment du salaire (◆ C. trav., art. L. 3245-1). Établissements concernés
Le préfet, en tant que représentant de l’État dans le dépar-
Dans cette affaire, suite à une promotion, un salarié se voit
tement, pourra autoriser l’ouverture le dimanche des éta-
décerner une médaille du travail accompagnée d’une grati-
blissements de vente au détail qui mettent à disposition
fication versée en mai 2014. Deux ans et demi plus tard, il
des biens ou des services. Il devra, pour cela, tenir compte
saisit la justice afin d’obtenir un rappel de gratification de
des besoins du public résultant de l’affluence exception-
médaille de travail. Ce rappel lui est accordé par les juges
nelle attendue de touristes et de travailleurs. Ces établisse-
du fond.
ments devront être situés dans les communes d’implanta-
Son employeur se pourvoit en cassation, estimant que tion des sites de compétition des JO de 2024 ainsi que
l’action portait sur l’exécution du contrat de travail. Elle était dans les communes limitrophes ou situées à proximité de
donc prescrite, les actions portant sur l’exécution du ces sites (◆ L. no 2023-380, art. 25, al. 1).
contrat de travail se prescrivant par 2 ans à compter du jour
où celui qui les exerce a connu ou aurait dû connaître les REMARQUE : le préfet devra prendre en compte les types de pro-
faits lui permettant d’exercer son droit (◆ C. trav., duit et services vendus et les besoins générés par les JO
(Étude d’impact). Les commerces visés pourraient notamment
art. L. 1471-1). être des commerces alimentaires, qui ne peuvent actuellement
A tort. être ouverts que le dimanche matin, des commerces vendant
du matériel informatique, de photographie ou de téléphonie,
Rappelant que la durée de prescription est déterminée par des commerces d’habillement ou encore des commerces de
la nature de la créance invoquée, la Cour de cassation services, tels que les coiffeurs (◆ Avis Sénat no 246).
rejette le pourvoi. L’action en rappel de gratification n’était Compte tenu des nombreuses demandes attendues de la
pas prescrite puisque le délai de prescription était triennal. part des commerçants, un amendement adopté en com-
◆Cass. soc., 11 mai 2023, no 21-15.187 mission a simplifié la procédure d’autorisation de déroga-
Géraldine ANSTETT tion au repos dominical. Le préfet, après avoir accordé une
autorisation à un commerce, pourra étendre cette autorisa-
 Étude « Médaille du travail » tion à plusieurs établissements éligibles dans les mêmes
conditions sans qu’ils aient besoin de déposer de
demandes individuelles (art. 25, al. 5).
Le préfet pourra également, le cas échéant, suspendre un
arrêté de fermeture hebdomadaire pris dans le cadre de
l’article L. 3132-29 du code du travail pendant la période de
Durée du travail mise en œuvre de la dérogation relative au JO (art. 25,
et rémunérations al. 3).
REMARQUE : l’arrêté de fermeture hebdomadaire permet à un pré-
fet, saisi par les organisations syndicales de salariés ou les

❚ Loi « JO 2024 » : une dérogation temporaire


organisations professionnelles d’employeurs, d’ordonner la fer-
meture un jour par semaine d’une catégorie d’établissements
commerciaux dans une zone géographique limitée.
au repos dominical est mise en place
pour les commerces Avis des organisations syndicales et d’employeurs
L’autorisation du préfet ne pourra être accordée qu’après
Publiée au Journal officiel du 20 mai, avis :
la loi relative aux jeux Olympiques
et Paralympiques de 2024 crée une dérogation – du conseil municipal ;
temporaire au repos dominical afin – de l’organe délibérant de l’établissement public de coopé-
de répondre aux besoins qui vont résulter ration intercommunale à fiscalité propre dont la commune
de l’affluence exceptionnelle attendue est membre ;
de touristes et de travailleurs. – de la chambre de commerce et d’industrie ;
L’article 25 de la loi relative aux jeux Olympiques et Para- – de la chambre des métiers et de l’artisanat ;
lympiques (◆ L. no 2023-380, 19 mai 2023 : JO, 20 mai),
lesquels auront lieu en France du 26 juillet au 11 août 2024, – des organisations professionnelles d’employeurs ;

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 21
A retenir

– des organisations syndicales de salariés. dimanche) ni du jour de l’échéance du délai de 10 jours. Si le


délai s’achève un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est
Ces avis devront être donnés dans un délai d’un mois à reporté d’un jour (◆ C. pr. civ., art. 641 et 642).
compter de la saisine du préfet (art. 25, al. 2). Le salarié qui refusera de travailler le dimanche ne pourra
pas faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre
Période de la dérogation
de l’exécution de son contrat de travail et son refus ne
La dérogation préfectorale au repos dominical est pourra pas constituer une faute ou un motif de licencie-
temporaire : le dispositif ne pourra être mobilisé que du ment. L’employeur ne pourra pas prendre en considération
15 juin au 30 septembre 2024 (art. 25, al. 1). le refus de travailler le dimanche d’une personne pour ne
REMARQUE : la période devait initialement débuter dès le 1er juin
pas l’embaucher.
dans le projet de loi. Enfin, l’employeur devra prendre toute mesure nécessaire
pour permettre aux salariés d’exercer personnellement leur
Dérogation à titre supplétif droit de vote aux scrutins nationaux et locaux lorsque ceux-
La dérogation temporaire mise en place dans le cadre des ci ont lieu le dimanche (◆ C. trav., art. L. 3132-25-4 al. 1, 4
JO ne sera applicable que sous réserve des dérogations au et 6).
repos dominical déjà applicables (art. 25, al. 1).
Elle n’est pas destinée à se substituer aux dérogations au Contreparties pour le salarié
repos dominical déjà existantes : elle ne peut s’appliquer Le salarié qui accepte de travailler le dimanche devra béné-
qu’en l’absence de toute autre dérogation applicable. ficier des contreparties prévues dans le cadre de la déroga-
Par exemple, selon l’étude d’impact, un établissement tion au travail le dimanche accordée par le maire à l’article
bénéficiant d’une dérogation au travail le dimanche matin L. 3132-27 du code du travail (art. 25, al. 4) :
uniquement pourra mobiliser la dérogation mise en place – une rémunération au moins égale au double de la rému-
par la loi pour compléter celle dont il bénéficie déjà et ainsi nération normalement due pour une durée équivalente ;
ouvrir le dimanche toute la journée. Ce serait le cas d’un – un repos compensateur équivalent en temps.
commerce alimentaire qui bénéficie déjà d’une dérogation
◆L. no 2023-380, 19 mai 2023 : JO, 20 mai
au repos dominical le dimanche jusqu’à 13 heures sur le
fondement de l’article L. 3132-13 du code du travail qui Ouriel ATLAN
pourra, ensuite, bénéficier de la dérogation ad hoc. Avant  Étude « Repos hebdomadaire »
13 heures, les contreparties sont celles prévues pour les
commerces de détail alimentaire et après 13 heures, les
salariés bénéficieront des contreparties prévues par la dis-
position JO.
❚ Le dépassement de la durée maximale
quotidienne de travail ouvre à lui seul droit
De la même façon, un commerce situé dans une zone tou-
ristique internationale ne pourra pas solliciter la dérogation
à indemnisation
JO puisqu’il bénéficie déjà d’une dérogation au repos domi- Après avoir posé le même principe
nical, le dimanche toute la journée. Il en va de même pour pour la durée maximale hebdomadaire
les commerces qui bénéficient de la dérogation de droit au de travail en janvier 2022, la Cour de cassation
repos dominical sur le fondement de l’article L. 3132-12 du affirme clairement que « le seul constat
code du travail (boulangeries, fleuristes, …). du dépassement de la durée maximale
de travail quotidienne ouvre droit
Situation du salarié à la réparation ».
Repos donné par roulement Tout manquement de l’employeur doit en principe causer
un préjudice au salarié pour ouvrir droit à des dommages-
Dans les commerces qui bénéficieront de la dérogation
intérêts (◆ Cass. soc., 13 avr. 2016, no 14-28.293). Des
temporaire au repos dominical, le repos hebdomadaire
exceptions sont toutefois prévues par la Cour de cassation,
devra être attribué par roulement. Les salariés des établis-
notamment en matière de violation des durées maximales
sements concernés pourront donc travailler le dimanche et
de travail.
se voir attribuer le repos hebdomadaire un autre jour que le
dimanche (art. 25, al. 1). Un élargissement prévisible du principe dégagé
pour la durée maximale hebdomadaire de travail…
REMARQUE : le repos hebdomadaire des salariés (11 heures
+ 24 heures) sera respecté puisqu’il sera simplement donné un Dans un arrêt du 26 janvier 2022, la Cour énonçait déjà,
autre jour que le dimanche. dans une affaire relative au dépassement de la durée maxi-
male hebdomadaire de travail et en s’appuyant sur plu-
Volontariat du salarié sieurs arrêts de la CJUE (◆ CJUE, 14 oct. 2010, aff. C-243/
La dérogation au repos dominical ne pourra être mise en 09 ◆ CJUE, 25 nov. 2010, aff. C-429/09), que « le seul
œuvre par l’employeur que sous réserve du volontariat du constat du dépassement de la durée maximale de travail
salarié, dans les mêmes conditions que pour les déroga- ouvre droit à la réparation ». Une formule assez large donc,
tions géographiques, les dérogations préfectorales excep- reprise dans un autre arrêt de décembre 2022, qui laissait
tionnelles ou les dérogations du maire. déjà entrevoir une possible extension du principe à la durée
Ainsi, le salarié volontaire devra avoir donné son accord par maximale quotidienne.
écrit à l’employeur pour travailler le dimanche. Il pourra
revenir à tout moment sur sa décision de travailler le ... désormais pleinement acté pour la durée maximale
dimanche sous réserve d’en informer par écrit son
quotidienne
employeur en respectant un délai de dix jours francs. C’est désormais chose faite via une décision publiée du
11 mai 2023. En l’espèce, une salariée avait exécuté des
REMARQUE : le décompte en jours francs du délai de 10 jours com- journées de travail de plus de 10 heures, c’est-à-dire plus
prend toute journée de la semaine entre 0 et 24 heures. Ce longues que la durée maximale quotidienne de travail auto-
délai ne tient pas compte du jour de la décision à l’origine du
délai (jour de la décision du salarié de ne plus travailler le risée par le code du travail (◆ C. trav., art. L. 3121-34 anc.,

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22 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

devenu art. L. 3121-18). La cour d’appel l’avait déboutée de roulement ne sont pas la contrepartie d’un dépassement
sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la durée du travail telle que conventionnellement fixée
de ces dépassements en retenant qu’elle ne démontrait mais qu’ils résultent du seul fait que cette durée du travail
avoir subi aucun préjudice à ce titre, « lequel ne peut être est répartie sur 4 jours.
nécessaire mais doit être établi ». Il fait valoir que, sauf disposition contraire, lorsque le jour
S’appuyant sur l’ancien article L. 3121-34 du code du travail férié habituellement chômé coïncide avec le jour de repos
interprété à la lumière de la directive 2003/88/CE du hebdomadaire du salarié, il ne donne pas lieu à une indem-
4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aména- nisation. Il n’en va autrement que lorsque cette coïnci-
gement du temps de travail, la chambre sociale donne rai- dence porte sur des jours de repos acquis en contrepartie
son à la salariée : « pour rejeter la demande de la salariée d’un dépassement de l’horaire légal ou conventionnel appli-
en paiement de dommages-intérêts pour dépassement de cable dans l’entreprise.
l’amplitude horaire journalière, l’arrêt, après avoir constaté La Cour de cassation valide l’analyse de l’employeur et
qu’elle avait exécuté des journées de travail de plus de censure la décision du juge d’appel. Elle énonce que
10 heures, retient que l’intéressée ne démontre pas avoir l’accord d’entreprise en cause prévoit une durée hebdoma-
subi un préjudice à ce titre. En statuant ainsi, alors que le daire de travail de 35 heures sur 4 jours. Elle en déduit que
seul constat du dépassement de la durée maximale de tra- les 3 jours non travaillés constituent des jours de repos qui
vail ouvre droit à la réparation, la cour d’appel a violé le n’ont pas vocation à compenser des heures de travail
texte susvisé ». effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle.
◆Cass. soc., 11 mai 2023, no 21-22.281 FS-B En conséquence, la coïncidence entre ces jours et des
Elise DRUTINUS jours fériés n’ouvre droit ni à repos supplémentaire ni à
 Étude « Durée du travail » indemnité compensatrice.
◆Cass. soc., 10 mai 2023, no 21-24.036

❚ 35 heures réparties sur 4 jours :


Karima DEMRI
 Étude « Jours fériés »
quelle incidence lorsque le jour non travaillé

❚ Montant net social :


tombe sur un jour férié ?
Lorsque les jours non travaillés
ne sont pas la contrepartie d’un dépassement les précisions du ministère du travail
de l’horaire légal ou conventionnel de travail, Le ministère du travail a actualisé sa foire
ils ne peuvent ouvrir droit à un repos aux questions sur le montant net social
supplémentaire ou à une indemnité devant figurer sur les bulletins de salaire
compensatrice, s’ils tombent sur un jour férié. pour les rémunérations versées à compter
Dans un arrêt du 10 mai 2023, la Cour de cassation précise du 1er juillet 2023.
que la coïncidence entre des jours de repos et des jours Une nouvelle rubrique, le montant net social, devra figurer
fériés n’ouvre droit ni à repos supplémentaire ni à indem- sur les bulletins de salaire édités à compter du 1er juillet
nité compensatrice si les jours de repos n’ont pas vocation 2023. L’arrêté du 31 janvier 2023 a modifié en consé-
à compenser des heures de travail effectuées au-delà de la quence l’arrêté du 25 février 2016 fixant les libellés, l’ordre
durée légale ou conventionnelle du travail, quand bien et le regroupement des informations figurant sur le bulletin
même ces jours de repos sont prévus par un accord de de paie (v. Bull. n° 1061, p. 15).
réduction du temps de travail (RTT).
REMARQUE : pour mémoire, le montant net social est le revenu net
Les jours non travaillés, issus de la répartition obtenu après déduction de l’ensemble des prélèvements
de la durée de travail de 35 heures sur quatre jours sociaux obligatoires et constitue à ce titre une référence com-
de la semaine, … mune à tous les salariés, quels que soient leur statut, leur
branche ou leur entreprise, qu’ils devront communiquer pour
Dans cette affaire, un accord d’entreprise prévoit une bénéficier de certains compléments de revenus, tels que la
durée hebdomadaire de travail de 35 heures sur 4 jours, à prime d’activité, ou de revenus de substitution, comme le
raison de 8,75 heures de travail par jour, pour les ouvriers. revenu de solidarité active.
L’accord prévoit également qu’outre le jour de repos heb- Le questions-réponses (QR) mis en ligne sur le site du
domadaire fixé le dimanche, le salarié bénéficie chaque ministère du travail le 7 février pour présenter le dispositif
semaine de 2 jours de repos fixés par roulement. a fait l’objet d’une mise à jour le 4 mai dernier. D’une part,
Le salarié saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir une nouvelle QR apporte des précisions sur les modalités
un jour de repos supplémentaire ou, à défaut, une indem- de déduction des exonérations et allègements de cotisa-
nité compensatrice lorsqu’un jour de repos variable prévu tions salariales du montant net social, d’autre part, un délai
par l’accord coïncide avec un jour férié et chômé. supplémentaire est donné aux entreprises pratiquant le
décalage de la paie pour se conformer à la nouvelle obliga-
La cour d’appel lui donne gain de cause. Elle considère que tion.
dès lors que les deux jours de repos non fixes sont organi-
sés dans le cadre d’un accord de réduction du temps de Modalités de déduction des exonérations
travail (RTT), ils ne peuvent être positionnés sur un jour de cotisations salariales
férié chômé, contrairement au jour de repos hebdomadaire Rappelons que doivent être déduites du montant de la
acquis en dehors de ce type d’accord. rémunération brute du salarié (QR nos 2.14 et 2.15) :
… constituent des jours de repos qui ne sont pas – la part salariale de l’ensemble des cotisations et contribu-
des RTT et ils n’ouvrent pas droit à compensation tions sociales d’origine légale et conventionnelle ;
s’ils tombent sur un jour férié – ainsi que les cotisations salariales à la complémentaire
L’employeur conteste cette analyse et forme un pourvoi en santé finançant les garanties « frais de santé ».
cassation. Il soutient que les deux jours de repos fixés par

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 23
A retenir

REMARQUE: en revanche, les cotisations et contributions salariales rer et fidéliser certains salariés de très haut niveau ou au
de prévoyance et de retraite supplémentaire ne sont pas profil bien particulier, comme, en l’espèce, les traders.
déduites du montant de la rémunération.
Le ministère du travail confirme tout d’abord que les contri- Très fréquemment, l’acquisition de l’intégralité de cette
butions et cotisations sociales à déduire pour calculer le net prime est subordonnée à une condition de présence dans
social sont celles effectivement acquittées (« payées ») par l’entreprise après son versement pendant une durée déter-
le salarié (QR n° 2.17 nouv.). minée fixée par le contrat de travail. En cas de démission
du salarié durant cette période, la prime est acquise au pro-
En conséquence, pour la prise en compte des exonérations rata du temps passé par le salarié dans l’entreprise et le
et allègements, le calcul dépend de l’affichage sur le bulle- salarié est tenu de rembourser le solde à l’employeur.
tin de paie du montant des exonérations et allègements
(QR n° 2.17 nouv.) : Une telle clause de remboursement porte-t-elle atteinte à
la liberté de travailler du salarié ? C’était la question posée
– si le montant est en valeur négative, on soustrait le mon- à la Cour de cassation dans un arrêt publié rendu le 11 mai
tant des exonérations et allègements de cotisations aux dernier.
contributions et cotisations salariales à déduire ;
– si le montant est en valeur positive, on ajoute le montant Le bénéfice intégral de la prime d’arrivée
des exonérations et allègements de cotisations aux contri- est subordonné à l’absence de démission
butions et cotisations salariales à déduire. pendant 3 ans
Dans la majorité des cas, le montant de la ligne d’allége- Dans cette affaire, un trader est engagé, à compter du
ment est indiqué en négatif sur le bulletin de paie. Il faut 1er janvier 2016. Pour s’assurer sa collaboration dans la
durée, son employeur lui octroie une prime d’arrivée d’un
donc effectivement l’enlever des cotisations calculées pour
montant de 150 000 €, versée dans les 30 jours de son
obtenir le montant à déduire pour le net social.
entrée en fonction. Le contrat de travail du salarié subor-
Un mois supplémentaire pour les entreprises donne l’acquisition de l’intégralité de cette prime à une
pratiquant le décalage de la paie condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pen-
Le montant net social est rattaché à la date de versement dant 3 ans après son versement et prévoit le rembourse-
du salaire, non à la période d’emploi. Par conséquent, en ment de la prime au prorata du temps que le salarié, en rai-
février dernier, le ministère du travail avait précisé que pour son de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise
les entreprises pratiquant le décalage de la paie, les bulle- avant l’échéance prévue.
tins de paie liés à l’activité du mois de juin 2023, dont la Le salarié démissionne le 16 mars 2017, soit un peu plus
rémunération est versée en juillet 2023, devaient indiquer de 13 mois après sa prise de fonction. L’employeur saisit
le montant net social. la justice pour obtenir le remboursement partiel de la prime
Sans remettre en cause le principe de rattachement au d’arrivée, soit un peu plus de 79 000 €.
mois de versement, le ministère du travail accorde un délai Les juges du fond ne font pas suite à cette demande. Pour
supplémentaire d’un mois aux employeurs pratiquant le eux, l’octroi définitif de la prime d’arrivée au salarié en jan-
décalage de la paie pour intégrer la mention du net social vier 2016 à la condition que ce dernier ne démissionne pas
sur leur bulletin de paie (QR n° 1.21). à une date postérieure à son versement a pour effet de
Ainsi, en cas d’impossibilité d’afficher le montant net social fixer un coût à la démission et porte donc atteinte à la
sur les bulletins de paie liés à l’activité du mois de juin liberté de travailler du salarié.
2023, les entreprises en décalage de la paie pourront l’affi- L’employeur se pourvoit alors en cassation.
cher à partir des bulletins de paie relatifs à la période
d’emploi de juillet 2023 (et donc aux versements réalisés En cas de démission durant cette période,
en août 2023). son remboursement partiel est licite…
La Cour de cassation valide la clause de remboursement.
◆Min. trav., Le montant net social sur le bulletin de paie :
foire aux questions, mise à jour du 4 mai 2023 Après avoir rappelé qu’une atteinte aux droits et libertés
Valérie BALLAND des salariés doit être justifiée par la nature de la tâche à
accomplir et proportionnée au but recherché (◆ C. trav.,
 Étude « Salaire : paiement et protection » art. L. 1121-1) et qu’un contrat de travail doit être exécuté
de bonne foi (◆ C. trav., art. L. 1221-1 ◆ C. civ., art. 1104,

❚ Clause de remboursement anc. art. 1134), la Cour de cassation censure le raisonne-


ment de la cour d’appel et valide la clause de rembourse-
ment partiel.
d’une prime d’arrivée ou « golden hello » :
la Cour de cassation valide sa pratique Ainsi, une clause « dont l’objet est de fidéliser le salarié
L’intégralité d’une prime d’arrivée dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la
subordonnée à l’absence de démission durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et dispro-
du salarié au cours d’une période donnée portionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition
ne porte pas une atteinte disproportionnée de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la
à la liberté de travail si la prime rémunération de l’activité du salarié, à une condition de
est indépendante de la rémunération présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une cer-
de l’activité du salarié. taine durée après son versement et prévoir le rembourse-
ment de la prime au prorata du temps que le salarié, en rai-
Venue des États-Unis (comme son pendant, le parachute son de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise
doré ou « Golden parachute »), la prime d’arrivée ou de avant l’échéance prévue ».
bienvenue (également dénommée « Golden hello ») est
une indemnité versée à une personne pour l’inciter à … sous réserve que la prime soit indépendante
rejoindre une entreprise, généralement en tant que diri- de la rémunération de l’activité du salarié
geant ou cadre supérieur. Elle peut également servir à atti- La Cour de cassation insiste bien sur le caractère indépen-
dant de la rémunération de l’activité salariée de la prime.

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24 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

Cette précision est importante. prime, le dispositif a été reconduit en 2020 puis en 2021/
En effet, si la prime était liée à la rémunération de l’activité 2022 mais pas complètement à l’identique. Finalement, le
du salarié, son versement ne peut être soumis à une condi- dispositif de la PEPA est pérennisé depuis le 1er juillet 2022
tion de présence à une date postérieure à son versement, et rebaptisé, pour la circonstance, prime de partage de la
sans porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux du valeur (PPV) (◆ L. no 2022-1158, 16 août 2022, art. 1er : JO,
salarié (et donc à la liberté de travail) (◆ Cass. soc., 18 avr. 17 août).
2000, no 97-44.235 ◆ Cass. soc., 3 avr. 2007, no 05-45.110 Pour la prime de partage de la valeur comme pour les
◆ Cass. soc., 8 juill. 2020, no 18-21.945 ◆ Cass. soc., PEPA, le montant de la prime peut être modulé selon les
29 sept. 2021, no 13-25.549 ◆ Cass. soc., 6 juill. 2022, bénéficiaires en fonction de critères limitativement prévus
no 21-12.242). par la loi (pouvant se combiner entre eux), parmi lesquels
◆Cass. soc., 11 mai 2023, no 21-25.136 la durée de présence effective du salarié dans l’entreprise.
Géraldine ANSTETT REMARQUE : pour rappel, s’agissant de la PPV, ce critère est appré-
 Étude « Salaire : éléments constitutifs et fixation » cié sur les 12 mois glissants précédant le versement de la
et « Clause du contrat » prime soit dans les mêmes conditions que celles prévues pour
le calcul de la valeur du Smic prise en compte pour le calcul de
la réduction Fillon (c’est-à-dire en proportion de la durée de tra-

❚ Primes PPV et PEPA modulées selon la durée


vail et en retenant les mêmes règles pour la prise en compte
des absences, exception faite des congés parentaux listés dans
la remarque suivante), soit en fonction de la durée de présence
de présence effective : comment tenir compte effective du salarié dans l’entreprise.
du congé de reclassement ? La loi et la réglementation précisent bien que les absences
pour congé de maternité, de paternité et d’accueil de
C’est à cette question que répond la Cour l’enfant ou d’adoption, les absences pour congé parental
de cassation dans un arrêt du 19 avril 2023 d’éducation, pour enfant malade et pour congé de pré-
rendu à propos de la prime exceptionnelle sence parentale ainsi que les absences de salariés bénéfi-
de pouvoir d’achat (PEPA) millésime 2019 ciant de dons de jours de repos au titre d’un enfant handi-
mais transposable à la prime de partage capé ou gravement malade doivent être assimilées à des
de la valeur (PPV). périodes de présence effective. La prime des salariés
Dans les entreprises de 1 000 salariés et plus, l’employeur absents du fait de ces congés ne peut être réduite à raison
est tenu de proposer, à chaque salarié dont le licenciement de cette absence.
économique est envisagé, le bénéfice du congé de reclas- Mais doit-on prendre en compte toute la durée du congé
sement. Ce congé vise à favoriser le reclassement des de reclassement du salarié lors de l’attribution d’une PEPA
salariés en leur permettant de : modulée en fonction de la durée de présence effective du
– bénéficier des prestations d’une cellule d’accompagne- salarié dans l’entreprise ?
ment, des démarches de recherche d’emploi et d’actions
de formation destinées à favoriser leur reclassement pro- Les faits
fessionnel et, si nécessaire, d’un bilan de compétences ; Dans cette affaire, un salarié, engagé en qualité d’opéra-
– faire valider les acquis de leur expérience ou engager les teur « encapsulation » le 11 mai 2006, a été licencié pour
démarches en vue d’obtenir cette validation. motif économique par lettre du 1er octobre 2018. Il avait
adhéré au congé de reclassement qui lui était proposé,
Le congé de reclassement débute par le préavis que le congé d’une durée de 12 mois, préavis inclus, à l’issue
salarié est dispensé d’exécuter. Si le congé excède la duquel son contrat de travail était rompu. Concrètement,
durée du préavis (hypothèse très fréquente), le terme de il avait continué de travailler pour l’entreprise jusqu’au
ce dernier est reporté jusqu’à la fin du congé et le contrat 10 octobre 2018, date à laquelle il avait été placé en préavis
de travail prend fin au terme du congé. de 2 mois dispensé par l’employeur, puis à compter du
Lorsqu’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) 10 décembre 2018, en congé de reclassement.
ou une prime de partage de la valeur (PPV) modulée en Parallèlement, son employeur avait attribué, par décision
fonction de la durée de présence effective du salarié dans unilatérale du 28 janvier 2019, une prime exceptionnelle de
l’entreprise est distribuée, faut-il tenir compte du congé de pouvoir d’achat (PEPA millésime 2019) aux salariés liés à
reclassement dont bénéficie le salarié ? l’entreprise par un contrat de travail en vigueur au
La Cour de cassation a répondu à cette question dans un 31 décembre 2018. D’un montant de 800 € pour les
arrêt du 19 avril 2023 relatif au bénéfice d’une prime salaires inférieurs à 40 000 € bruts, cette prime était modu-
exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) mais transpo- lée selon 2 critères :
sable, à notre avis, à la PPV. – la durée du temps de travail prévue au contrat de travail
REMARQUE : la jurisprudence précitée, prise pour la PEPA millé-
du salarié ;
sime 2019, nous semble valable pour toutes les PEPA quel que – sa durée de présence effective dans l’entreprise : 100 %
soit leur millésime ainsi que pour la PPV qui a remplacé, de du montant pour 12 mois de présence, 80 % pour 11 mois
manière pérenne, ces dispositifs exceptionnels (v. ci-après).
et 0 % pour 10 mois et moins.
Modulation de la PPV et PEPA : bref rappel
REMARQUE : attention ! La modulation du montant de la PEPA
Pour répondre à la contestation de la rue démarrée fin 2019 ne pouvait aboutir, pour certains salariés, à une prime
2018 contre la baisse du pouvoir d’achat (mouvement dit exceptionnelle égale à zéro. L’employeur devait fixer un plan-
des « gilets jaunes »), la loi du 24 décembre 2018 portant cher minimal de versement, quel que soit le critère retenu. Cer-
mesures d’urgence économiques et sociales avait permis taines situations de modulation pouvaient tout de même
conduire à une prime nulle. Ainsi, un salarié ne percevait pas de
aux entreprises, sous certaines conditions, de verser prime s’il n’était effectivement pas présent dans l’entreprise en
exceptionnellement (avant le 1er avril 2019) une prime à 2018 ou s’il n’avait perçu aucune rémunération au titre de 2018.
leurs salariés (ou à certains d’entre eux) non imposable et Aujourd’hui, pour la PPV, seul le critère de modulation en fonc-
exclue de l’assiette des cotisations et contributions tion de la durée de présence effective pendant l’année écoulée
peut conduire à l’exclusion d’un salarié de la prime (ex. : cas du
sociales dans certaines limites. Fort du succès de cette salarié absent pendant au moins les 12 mois précédant le ver-

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 25
A retenir

sement de la prime, dans la mesure où cette absence n’est pas


assimilée à de la présence effective). En dehors de ce cas de
❚ Travailler à temps partiel n’exclut pas
figure, aucune modulation ne doit conduire à une prime égale à forcément du bénéfice de titres-restaurant
zéro. Dans un arrêt du 13 avril 2023, la Cour
Considérant qu’il n’était pas présent dans l’entreprise à la de cassation rappelle qu’un salarié travaillant
date de versement de la prime, il ne l’avait pas versée au à temps partiel a droit à des titres-restaurant
salarié en congé de reclassement qui saisit alors la justice si ses horaires de travail recoupent la pause
pour demander un rappel de salaire au titre de celle-ci. déjeuner, peu important à cet égard
Les juges du fond estimant que le salarié était présent qu’il ait pris ou non cette pause.
dans l’entreprise durant 12 mois (même s’il était dispensé Le salarié ne peut se voir attribuer des titres-restaurant que
de son préavis, son contrat de travail n’était pas suspendu pour les jours où il est présent dans l’entreprise, pendant la
avant le 31 décembre 2018), l’employeur est condamné pause qui lui est accordée pour sa restauration (◆ C. trav.,
par les juges du fond à verser au salarié l’intégralité de la art. R. 3262-7). En conséquence, le salarié dont les horaires
prime. Il se pourvoit en cassation qui lui donne partielle- de travail ne recouvrent pas l’interruption utilisée habituel-
ment raison. lement pour prendre un repas ne peut prétendre aux titres-
Pour l’attribution de la PEPA, la période du congé restaurant. Il en est ainsi pour les salariés qui terminent leur
de reclassement correspondant au préavis est prise travail quotidien en fin de matinée ou qui le commencent
en compte mais pas la période excédentaire en début d’après-midi, et qui ont donc la possibilité de
prendre leur repas après la fin de leur journée de travail ou
La Cour de cassation pose deux principes : avant le commencement de cette journée (◆ Rép. min.
– si le salarié en congé de reclassement demeure salarié no 19169 : JOAN Q, 20 juill. 1987, p. 4128).
de l’entreprise jusqu’à l’issue de ce congé, la période de
Mais les salariés à temps partiel ont droit aux titres-restau-
congé de reclassement n’est pas légalement assimilé à du
rant si l’heure du déjeuner est comprise dans leur horaire
temps de travail effectif ;
de travail (◆ Rép. min. no 68222 : JOAN Q, 1er juill. 1985,
– puisque la dispense d’exécution du préavis par p. 3078). Et la seule constatation d’un repas « compris
l’employeur ne doit entraîner jusqu’à l’expiration de ce délai dans l’horaire de travail journalier » est suffisante (◆ Cass.
aucune diminution des salaires et avantages que le salarié soc., 20 févr. 2013, no 10-30.028).
aurait perçu s’il avait accompli son travail (◆ C. trav.,
art. L. 1234-5), le salarié en congé de reclassement a droit REMARQUE : dans l’affaire de 2013 citée en référence, une salariée
au paiement de la PEPA pour la période correspondant à à temps partiel, dont la durée du travail était fixée à 5 heures
sur 3 jours, puis 4 heures 30 le quatrième jour, travaillant dans
celle du préavis, même si la décision unilatérale de une entreprise ayant mis en œuvre des horaires variables pré-
l’employeur proratise le bénéfice de cette prime au temps voyant une plage fixe obligatoire de 9 heures à 11 heures 30,
de présence effective dans l’entreprise. doit se voir attribuer un titre-restaurant par jour travaillé, la sala-
riée étant libre de déterminer une interruption pendant la plage
Ainsi, la Cour distingue bien le droit au bénéfice de la prime souple de la pause déjeuner (11 heures 30 – 14 heures).
qui dépend, en l’occurrence, de la présence ou non du sala- Dans un arrêt rendu le 13 avril 2023 (publié), la Cour de cas-
rié à la date de versement de la prime et l’application de la sation confirme cette position.
modulation en fonction de la durée de présence du salarié
dans l’entreprise. Si l’horaire de travail journalier du salarié
comprend une pause repas, le salarié a droit
REMARQUE : à noter que, pour prétendre à la prime de partage de à un titre-restaurant…
la valeur, un salarié doit être titulaire d’un contrat de travail en
cours à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt Dans cette affaire, un salarié travaille, depuis 2014,
de l’accord ou de signature de la décision unilatérale instituant 36 heures hebdomadaires réparties sur 4,5 jours (8 heures
la prime. par jour du lundi au jeudi et 4 heures le vendredi matin).
En vertu des principes évoqués ci-avant, le salarié avait Dans l’entreprise qui l’emploie, les plages horaires fixes
droit à une prime à 80 % au titre de l’année 2018 dans la sont réparties le matin de 9h15 à 11h15 et l’après-midi de
mesure où : 14 h à 16 h Les plages mobiles sont, elles, réparties de
– il était encore salarié de l’entreprise au jour du versement 7h30 à 9h15, de 11h15 à 14 h et de 16 h à 19 h et la
de la prime (le 31 décembre 2018), son contrat de travail pause méridienne doit être prise sur la plage mobile de
ne prenant fin qu’au terme du congé de reclassement 11h15 à 14 h et être au minimum de 30 minutes.
(droit au bénéfice de la prime) ; Estimant que la pause méridienne du vendredi était com-
– il justifiait d’une présence dans l’entreprise de 11 mois et prise dans son horaire de travail par le jeu des plages fixes
10 jours, son préavis prenant fin le 10 décembre (applica- et mobiles, le salarié réclame à son employeur l’attribution
tion de la modulation). d’un titre-restaurant pour chaque vendredi travaillé. Son
employeur refuse de le lui attribuer. Le salarié saisit alors la
Une décision transposable à la prime de partage justice qui fait droit à sa demande.
de la valeur (PPV) Pour les juges du fond comme pour la Cour de cassation,
Cette solution, prise pour le dispositif de la prime excep- « la circonstance que son horaire journalier du vendredi soit
tionnelle de pouvoir d’achat 2019, a vocation à s’appliquer fixé sur une demi-journée n’empêche pas l’attribution d’un
également à la prime de partage de la valeur. titre-restaurant » dans la mesure où :
En effet, le montant de celle-ci peut être modulée, tout – aucune disposition contractuelle ou conventionnelle
comme celui de la PEPA, en fonction de la durée de pré- n’impose au salarié d’effectuer 4 heures de travail de
sence effective du salarié dans l’entreprise. manière continue ;
◆Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-23.092 – quelle que soit l’heure à laquelle le salarié commence et
Géraldine ANSTETT dont il organise son temps de travail du vendredi matin au
 Études « Prime de partage de la valeur », sein des plages fixes et mobiles déterminées par l’entre-
« Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » prise, ses horaires de travail recoupent nécessairement la
et « Congé de reclassement » pause déjeuner, dans la plage horaire fixée par l’entreprise.

Juin 2023
26 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

REMARQUE : en effet, dans l’hypothèse où le salarié décide de dénommé congé de transition professionnelle lorsqu’il suit sa
commencer sa demi-journée de travail à 7h30 et d’effectuer formation en tout ou partie durant son temps de travail. Il peut
ses 4 heures de travail de manière continue, sa demi-journée aussi obtenir un financement par l’association Transition Pro
prend fin à 11h30, soit durant la plage mobile durant laquelle la (ATPro) qui gère les projets de transition professionnelle. Elle
pause méridienne doit être prise. peut prendre en charge les frais de formation et la rémunéra-
tion du salarié.
… et le salarié a droit à un titre-restaurant L’article L. 6323-17-1 du code du travail est complété par
même s’il ne prend pas effectivement la pause repas un nouvel alinéa qui prévoit que le projet de transition pro-
Pour sa défense, l’employeur soutenait, feuilles de poin- fessionnelle d’un salarié concerné par les facteurs de
tage à l’appui, que le salarié n’avait qu’à très peu de risques professionnels mentionnés au 1o du I de l’article
reprises, interrompu ses 4 heures de travail du vendredi L. 4161-1 pourra être financé par la dotation versée par
pour prendre une pause déjeuner puis revenir travailler. France compétences aux associations Transitions Pro
Hormis ces rares exceptions, le salarié effectuait sa jour- (ATPro), en vue de permettre au salarié d’accéder à un
née intégralement avant le déjeuner et ne reprenait donc emploi non exposé aux facteurs de risques professionnels
pas son activité après de sorte que, selon l’employeur, les mentionnés à l’article L. 4161-1. Le projet de transition pro-
repas n’étaient pas compris dans ses horaires de travail. fessionnelle du salarié devra faire l’objet d’un cofinance-
Mais la seule condition d’obtention d’un titre-restaurant est ment par l’employeur. Les conditions d’application de cette
que le repas du salarié soit compris dans son horaire jour- mesure seront fixées par décret.
nalier, ce qui était bien le cas en espèce (v. ci-avant). Peu
REMARQUE : les facteurs de risques professionnels mentionnés au
importe que le salarié ait ou non effectivement pris sa 1o du I de l’article L. 4161-1 du code du travail sont les facteurs
pause déjeuner. Un titre-restaurant lui était dû chaque ven- liés à des contraintes physiques marquées (manutentions
dredi travaillé. manuelles de charges, postures pénibles définies comme posi-
tions forcées des articulations, vibrations mécaniques). Les fac-
◆Cass. soc., 13 avr. 2023, no 21-11.322 teurs de risques professionnels mentionnés aux 2o et 3o sont
Géraldine ANSTETT liés à un environnement physique agressif (agents chimiques
dangereux y compris les poussières et les fumées et activités
 Étude « Titres-restaurant » et « Temps partiel » exercées en milieu hyperbare et températures extrêmes) et à
certains rythmes de travail (nuit, équipes successives alter-
nantes, travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux
impliquant l’exécution de mouvements répétés sollicitant tout
ou partie du membre supérieur à une fréquence élevée et sous
cadence contrainte.
Le salarié devra également justifier d’une durée minimale
Emploi d’activité professionnelle dans un métier concerné par les
facteurs de risques professionnels. Cette durée minimale
chômage et formation d’activité sera déterminée par décret. Elle ne sera toutefois
pas exigée pour le salarié bénéficiaire de l’obligation
d’emploi mentionnée à l’article L. 5212-13 du code du tra-

❚ Nouveau cas d’utilisation du projet vail (salariés handicapés notamment).


Un financement par un fonds pour la prévention
de transition professionnelle
de l’usure professionnelle
Les salariés exposés à des facteurs de risques Le projet de transition professionnelle sera financé par
professionnels pourront utiliser le projet l’ATPro avec les fonds qu’elle recevra de France compé-
de transition professionnelle pour accéder tences.
à un emploi non exposé à ces risques.
Issue de la loi du 14 avril 2023 réformant Ces fonds seront versés à France compétences par un
les retraites, cette disposition nécessite « fonds d’investissement dans la prévention de l’usure
la publication d’un décret pour être applicable. professionnelle » créée par la loi du 14 avril 2023.
Des mesures visant à prévenir et à réparer l’usure profes- Ce fonds est créé au sein de la Caisse nationale de l’assu-
sionnelle figurent dans la loi no 2023-270 du 14 avril 2023 rance maladie et il est placé auprès de la commission des
de financement rectificative de la sécurité sociale pour accidents du travail et des maladies professionnelles
2023 réformant les retraites. Cette loi complète notam- (◆ CSS, art. L. 221-1-5).
ment les articles du code du travail relatifs au compte pro- Il a pour mission de participer au financement par les
fessionnel de prévention (C2P) et au projet de transition employeurs d’actions de sensibilisation et de prévention,
professionnelle. d’actions de formation et d’actions de reconversion et de
prévention de la désinsertion professionnelle à destination
Une utilisation du projet de transition professionnelle des salariés particulièrement exposés aux facteurs de
pour accéder à un emploi non exposé aux risques risques professionnels mentionnés au 1o du I de l’article
professionnels L. 4161-1 du même code.
Selon l’article L. 6323-17-1 du code du travail, tout salarié Le fonds financera notamment France compétences qui
peut, sous certaines conditions, mobiliser les droits inscrits sera chargée de répartir entre les ATPro la dotation ainsi
sur son compte personnel de formation (CPF) afin que reçue pour la prise en charge de projets de transition pro-
celui-ci contribue au financement d’une formation certi- fessionnelle.
fiante destinée à lui permettre de changer de métier ou de
profession dans le cadre d’un projet de transition profes- Le fonctionnement de ce fonds sera précisé par décret.
sionnelle. ◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023, art. 17 : JO, 15 avr.
Sophie PICOT-RAPHANEL
REMARQUE : avec ce dispositif dénommé projet de transition pro-
fessionnelle (PTP), le salarié bénéficie d’un congé spécifique  Étude « Compte personnel de formation (CPF) »

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 27
A retenir

que c’est la prescription de droit commun de 5 ans qui


Épargne s’applique.
Une interprétation plus que plausible dans la mesure où,
salariale antérieurement à la réduction du délai de prescription de
droit commun de 30 à 5 ans par une loi du 17 juin 2008, la
Cour avait pris position en ce sens (◆ Cass. soc., 14 avr.

❚ L’action en paiement de la participation


1988, no 85-46.027).
Certes, elle n’avait, jusqu’à présent, pas eu l’occasion de
se prescrit par deux ans réitérer cette position après 2008, ni même lors de la
En présence d’un litige initié en matière réduction du délai de prescription applicable aux actions en
de participation, le délai de prescription paiement des salaires et la création du délai de prescription
applicable n’est ni celui relatif aux salaires de 2 ans portant sur l’exécution du contrat de travail qui
(3 ans), ni celui de droit commun (5 ans) sont intervenues en 2013. Mais plusieurs cours d’appel
mais celui applicable aux litiges portant avaient jugé, après 2013, que le délai applicable à l’action
sur l’exécution du contrat de travail, en paiement de la participation (et de l’intéressement) était
soit une prescription biennale, affirme la Cour celui de droit commun (◆ CA Paris, 7 avr. 2016, no 15/
de cassation dans un arrêt du 13 avril 2023 03431).
publié. REMARQUE : selon la cour d’appel de Paris, dès lors que la créance
de participation ne résulte pas de l’exécution du contrat de tra-
Trois délais de prescription étaient théoriquement vail, mais est inhérente à la mise en œuvre d’un système obli-
envisageables gatoire légal qui a pour objet de garantir collectivement aux
A priori, trois délais de prescription étaient susceptibles de salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise et de
concourir à la mise en œuvre de la gestion participative dans
s’appliquer à une action en paiement de la participation aux l’entreprise, cette créance est soumise à la prescription quin-
résultats : quennale fixée par l’article 2224 du code civil. A noter que
l’arrêt porte sur une action collective et non sur une action indi-
– la prescription de droit commun prévue par l’article 2224 viduelle.
du code civil : selon cet article, les actions personnelles ou
mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le … il est biennal !
titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui Dans un arrêt du 13 avril 2023 (publié), une décision de la
permettant de l’exercer ; cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, qui a fait appli-
– la prescription applicable aux litiges portant sur l’exécu- cation du délai triennal applicable aux actions en paiement
tion du contrat de travail prévue par l’article L. 1471-1 du des salaires à une action en paiement de la participation,
code du travail : selon l’alinéa 1er de cet article, toute action est très logiquement censurée.
portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par Au-delà de la censure, c’est la motivation de la Cour de
2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou cassation qui doit attirer l’attention.
aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son
En effet, la Cour se prononce clairement pour l’application
droit ;
du délai de prescription applicable aux litiges portant sur
– la prescription relative aux salaires prévue par l’article l’exécution du contrat de travail.
L. 3245-1 du code du travail : selon cet article, l’action en
Dans la droite ligne de ce qu’elle a déjà décidé en matière
paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à
de prescription applicable aux demandes de rappel de
compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû
salaire fondées sur une atteinte au principe d’égalité de
connaître les faits lui permettant de l’exercer.
traitement, sur l’invalidité d’une convention de forfait, sur
REMARQUE : l’action en paiement des salaires peut porter sur les une requalification du contrat de travail à temps partiel en
sommes dues au titre des trois dernières années à compter de temps plein ou bien encore sur l’utilisation des droits affec-
ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les tés sur un CET (◆ Cass. soc., 23 juin 2021, no 18-24.810
sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du ◆ Cass. soc., 30 juin 2021, no 20-12.960 ◆ Cass. soc.,
contrat.
30 juin 2021, no 18-23.932 ◆ Cass. soc. 30 juin 2021,
La participation n’étant pas de nature salariale, no 19-10.161 ◆ Cass. soc., 9 juin 2022, no 20-16.992
le délai de prescription applicable à son action ◆ Cass. soc., 30 juin 2021, no 19-14.543), elle affirme que
en paiement n’est pas triennal… la durée de prescription est déterminée par la nature de la
Dans un arrêt du 23 mars 2022, à l’occasion d’une créance invoquée.
demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une ques- Elle en conclut que « la demande en paiement d’une
tion prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation somme au titre de la participation aux résultats de l’entre-
affirmait que l’action en paiement ou en répétition de prise, laquelle n’a pas une nature salariale, relève de l’exé-
salaire n’était pas applicable à l’action en paiement d’une cution du contrat de travail ». Cette action se prescrit donc
créance de participation des salariés aux résultats de par 2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu
l’entreprise, laquelle n’a pas une nature salariale (◆ Cass. ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son
soc., QPC 23 mars 2022, no 21-22.455). droit (◆ C. trav., art. L. 1471-1).
Si l’action en paiement de la participation ne relève pas de
REMARQUE : cette jurisprudence nous semble transposable aux
la prescription triennale, quelle prescription appliquer ? actions en paiement de l’intéressement.
Dans l’arrêt du 23 mars 2022 précité, même si la Cour de ◆Cass. soc., 13 avr. 2023, no 21-22.455
cassation ne le dit pas explicitement, on pouvait penser Géraldine ANSTETT
 Étude « Participation des salariés »

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28 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

reprendre son poste. Ce délai ne peut être inférieur au


Licenciement délai minimum fixé par décret, soit 15 jours (◆ C. trav.,
art. R. 1237-13 nouv.). A défaut de précisions, il s’agit de
et ruptures du contrat jours calendaires, à défaut d’autres précisions.
REMARQUE : par jour calendaire, il faut entendre tous les jours de
la semaine, y compris les jours fériés, samedi et dimanche. En

❚ Présomption de démission en cas d’abandon


application de l’article R. 1231-1 du code du travail, si le délai
fixé par l’employeur est en jours calendaires et expire un
samedi, dimanche ou un jour férié, il est prorogé au jour
de poste : un dispositif applicable ouvrable suivant. L’employeur peut opter pour un délai plus
depuis le 19 avril à manier avec précaution important, par exemple un mois et, dans ce cas, c’est de date
à date.
Un décret du 17 avril a précisé la procédure Le délai commence à courir à la date de présentation de la
à mettre en œuvre pour faire jouer mise en demeure (◆ C. trav., art. R. 1237-13).
la présomption de démission en cas
d’abandon de poste par un salarié. REMARQUE : le point de départ du délai court le jour de la présen-
Toutefois, de nombreuses incertitudes tation de la lettre recommandée de mise en demeure même si
demeurent sur ses conséquences juridiques le salarié ne retire pas la lettre ou est absent.
pour l’employeur. A l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure, si le
salarié ne reprend pas son poste et ne justifie pas son
Le contexte absence, il est présumé démissionnaire (◆ C. trav.,
La loi « marché du travail » du 21 décembre 2022 a ins- art. L. 1237-1-1).
tauré, via un nouvel article L. 1237-1-1 du code du travail, Le QR du ministère précise que le salarié sera considéré
une présomption de démission en cas d’abandon de poste comme démissionnaire « à la date ultime de reprise du tra-
volontaire par un salarié. Plus précisément, ce texte prévoit vail fixée par l’employeur », c’est-à-dire le dernier jour du
que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste délai imparti. Mais juridiquement, il convient, à notre avis,
et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de retenir le lendemain de cet « ultime jour ». En effet,
de justifier son absence et de reprendre son poste, par l’article L. 1237-1-1 fait référence à « l’expiration du délai »
lettre recommandée ou par lettre remise en main propre et non au dernier jour du délai imparti.
contre décharge, dans un délai fixé par l’employeur est pré-
sumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai ». Les motifs légitimes pouvant être invoqués par le salarié
en réponse à la mise en demeure
REMARQUE : auparavant, l’abandon de poste ne valait pas démis-
sion car ne reposait pas sur une volonté claire et non équivoque Le décret détermine également les conditions dans les-
de démissionner. Le salarié qui abandonnait son poste pouvait quelles le salarié peut invoquer un motif légitime de nature
être sanctionné par un licenciement pour faute (◆ Cass. soc., à faire obstacle à cette présomption de démission.
10 juill. 2002, no 00-45.566). Ce qui ouvrait droit aux allocations-
chômage. Désormais si l’employeur a recours au dispositif de Peuvent « notamment » être invoqués les motifs suivants :
la présomption de démission, le salarié n’aura plus droit à raisons médicales ; exercice du droit de retrait (◆ C. trav.,
l’assurance chômage. art. L. 4131-1) ; exercice du droit de grève (◆ C. trav.,
Il s’agit d’une présomption simple, pouvant être contestée art. L. 2511-1) ; refus du salarié d’exécuter une instruction
par le salarié devant le bureau de jugement du conseil de contraire à une réglementation ; modification du contrat de
prud’hommes (CPH), qui statue sur la nature de la rupture travail à l’initiative de l’employeur (sans qu’il ait donné son
et ses conséquences et ce, dans le délai d’un mois suivant accord).
sa saisine. Cette liste, figurant à l’article R. 1237-13, n’est pas limita-
tive.
REMARQUE : toutefois ce délai d’un mois sera difficile à respecter
par le CPH en raison du nombre de contentieux à traiter. Cet article précise que « le salarié indique le motif qu’il
Un décret du 17 avril 2023 a précisé, via le nouvel article invoque dans la réponse à la mise en demeure ». Toute-
R. 1237-13 du code du travail, les modalités de ce mode de fois, l’absence de réponse du salarié ne le prive pas pour
rupture particulier du contrat et a permis son entrée en autant de son droit de contester la présomption de démis-
vigueur depuis le 19 avril 2023, lendemain de sa publication sion devant le conseil de prud’hommes prévu à l’article
au Journal officiel. L. 1237-1-1. Cette disposition légale ne subordonne pas la
saisine du CPH à l’envoi préalable d’une réponse du salarié
REMARQUE : le ministère du Travail avait publié le 17 avril, sur son à la mise en demeure de l’employeur.
site, une foire aux questions précisant la procédure sur la pré-
somption de démission en cas d’abandon de poste. Suite à Il reviendra au bureau de jugement du conseil de
deux actions en justice devant le Conseil d’État pour remettre prud’hommes, saisi par le salarié, d’évaluer la légitimité du
en cause la position du ministère sur le caractère exclusif de la motif. S’il l’estime légitime, l’abandon de poste sera impu-
procédure de démission en cas d’abandon de poste et interdi-
sant la voie du licenciement (question-réponse n°1), le minis- table à l’employeur et produira les effets d’un licenciement
tère a supprimé cette FAQ dans l’attente de la décision du sans cause réelle et sérieuse, justifiant le versement des
Conseil d’État. indemnités de rupture afférentes et permettant le cas
échéant au salarié de prétendre au bénéfice des alloca-
Les précisions apportées par le décret du 17 avril tions-chômage. Dans le cas contraire, il produira bien les
Délai laissé au salarié pour justifier son absence et reprendre effets d’une démission, privative de toute indemnité et allo-
son poste : 15 jours minimum cation.
C’est à l’employeur de fixer, dans la mise en demeure, le
délai laissé au salarié pour justifier son absence et

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 29
A retenir

Les points de vigilance


Lorsque l’employeur souhaite mettre en œuvre le dispositif de la présomption de démission pour abandon de poste, il est utile
d’en préciser les conséquences juridiques. Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, un certain nombre de points à avoir
en tête pour bien apprécier ces conséquences.

– Selon la Direction générale du travail, l’employeur qui entend se séparer d’un salarié en CDI en abandon
de poste volontaire doit faire jouer la présomption de démission, sans possibilité alternative de recourir
à un licenciement pour faute. De nombreux juristes contestent cette position. Deux actions en justice ont
été intentées pour excès de pouvoir et ont demandé la remise en cause de cette interprétation figurant
dans la FAQ qui avait été publiée sur le site du ministère du travail le 17 avril. Le ministère du travail a
décidé de retirer l’ensemble des questions-réponses de son site jusqu’à ce que le conseil d’État ait tran-
ché. Mais il a maintenu son interprétation dans un communiqué. Il faudra attendre la décision
– Plusieurs arguments militent pour le maintien de la voie du licenciement
• cette voie n’est pas interdite expressément par le code du travail, contrairement à la rupture conven-
L’employeur peut-il encore utiliser tionnelle individuelle (◆ C. trav., art. L. 1237-11)
la voie du licenciement pour faute • cette interdiction va à l’encontre du pouvoir de direction de l’employeur et notamment de son pouvoir
en cas d'abandon de poste ? disciplinaire
• la voie du licenciement pour faute peut être plus sécurisée pour l’employeur que la voie de
la démission présumée ; elle protège davantage les droits de la défense du salarié en prévoyant l’orga-
nisation d’un entretien préalable au cours duquel le salarié peut être assisté
A noter que le risque de contentieux pour requalification d’un licenciement pour faute en une démission
reste très limité ; le salarié comme l’employeur, a priori, n’y auront aucun intérêt. La fraude à la loi que
pourrait éventuellement invoquer l’Assedic, pour demander le remboursement des allocations indûment
versées, sera difficile à relever dans la mesure où les motifs de la rupture ne sont pas indiqués dans l’at-
testation chômage
Le dispositif de la présomption de démission ne prévoit pas l’exigence d’un écrit du salarié. Or, en cas de dé-
Que faire si la convention collec- mission « classique » la disposition conventionnelle qui exige la formalisation de la démission par un écrit du
tive exige que le salarié donne salarié est une règle de pure forme qui ne remet pas en cause la démission (◆ Cass. soc., 28 sept 2004, no 02-
sa démission par écrit ? 43.299). Reste à savoir si cette jurisprudence sera étendue au cas de la présomption de démission
– Mentions légales obligatoires : demande de justifier l’absence et de reprendre le poste et délai
Quelles sont les précautions – Mention préconisée : préciser qu’à défaut de réponse dans le délai fixé, le salarié sera présumé démis-
à prendre pour rédiger sionnaire et qu'il ne pourra pas,à ce titre, prétendre à une indemnisation chômage. Cette précision, qui
la mise en demeure ? était reprise dans la FAQ du ministère publiée le 17 avril mais, supprimée depuis fin mai, reste opportune
pour permettre au salarié d'apprécier les conséquences de l'absence de réponse sur la situation
– Les règles de droit commun du préavis en cas de démission s’appliquent, à défaut de précisions
contraires dans les textes. Il commence à courir à l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure. Le
Quelle est l’incidence contrat est donc maintenu jusqu’à l’expiration du préavis. Si le salarié ne l’exécute pas de son propre fait,
de la présomption de démission il n’a pas droit à l’indemnité compensatrice. Si l’employeur dispense le salarié du préavis, l’indemnité
sur le préavis ? compensatrice est due
– L’inexécution du préavis par le salarié peut ouvrir droit à une indemnité compensatrice pour l’em-
ployeur (◆ Cass. soc., 18 juin 2008, no 07-42.161)
– La clause de non-concurrence trouve à s'appliquer en cas de démission présumée pour abandon de
poste. Son point de départ c'est la date de fin du préavis. Sauf renonciation de l'employeur, elle donne
droit au versement de l'indemnité compensatrice
Que faire en cas de clause – Si l'employeur souhaite renoncer à l'application de cette clause, il doit le notifier au salarié dans le délai
de non-concurrence ? fixé par le contrat ou la convention collective. S'il est prévu que la renonciation doit intervenir au plus
tard à la date de rupture du contrat, l'employeur devra le notifier avant l'expiration du délai fixé dans la
mise en demeure. Dans ce cas, il faudra rédiger ce courrier de telle façon qu'il ne soit pas qualifié de lettre
de rupture du contrat
Que faire en cas de clause
d’entrée en fonction A priori la jurisprudence récente autorisant le remboursement de cette prime prorata temporis en cas de
(prime d’embauche démission anticipée est transposable à la démission présumée pour abandon de poste (◆ Cass. soc.,
subordonnée à l’absence 11 mai 2023, no 21-15.136)
de démission avant un certain
délai) ?
Non. La procédure de la présomption de démission pour abandon de poste ne s'applique qu'aux salariés
La procédure s’applique-t-elle en contrat à durée indéterminée. Elle figure dans la section du code du travail concernant les ruptures de
aux salariés en CDD ? CDI. Pour les CDD, la procédure disciplinaire pour faute grave peut être utilisée.
– Cette situation n’est pas envisagée par le code du travail contrairement à la rupture conventionnelle in-
dividuelle. Le code du travail prévoit que les salariés protégés peuvent conclure une rupture convention-
nelle individuelle après autorisation de l’inspecteur du travail (◆ C. trav., art. L. 1237-15)
– La voie de la présomption de démission en cas d’abandon de poste semble échapper à la protection
Que faire si le salarié spécifique contre le licenciement, qui en théorie ne s’applique qu’aux cas de ruptures à l’initiative de
est un salarié protégé ? l’employeur. Mais en l’absence de volonté claire et non équivoque en cas d’abandon de poste, n’est ce
pas risqué ? Dans ce cas, la procédure disciplinaire pourrait être la voie la moins risquée même si elle est
en contradiction avec la position du ministère du travail qui estime que seule la voie de la démission pré-
sumée est ouverte en cas d’abandon de poste.
– La question reste en suspens

◆D. no 2023-275, 17 avr. 2023 : JO, 18 avr.


La rédaction sociale
 Études « Démission », « Licenciement », « Non-concurrence » et « Chômage : allocation d'aide au retour à l'emploi »

Juin 2023
30 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

❚ Inaptitude au travail : panorama de la jurisprudence d'avril et mai


Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont précisé la procédure de l'inaptitude notamment sur les
critères de l'avis d'inaptitude, l'incidence de la déloyauté du salarié dans la recherche de reclassement,
l'étendue du droit à réintégration en cas de nullité du licenciement.
Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, la synthèse des solutions de la Cour de cassation rendues en avril et en
mai 2023 sur plusieurs points de la procédure applicable en cas d'inaptitude du salarié.
Thème Contexte et problématique Solution de la Cour de cassation
Examen médical pouvant – L’article R. 4624-42 du code du travail qui prévoit que Il résulte de la combinaison des articles R. 4624-34 et
donner lieu à un avis d’inap- l’inaptitude ne peut être constatée qu’après un examen R. 4624-4 que le médecin du travail peut constater l’inap-
titude médical auprès du médecin du travail n’impose pas que titude d’un salarié à son poste à l’occasion d’un examen
la constatation de l’inaptitude soit faite lors d’un exa- réalisé à la demande de celui-ci sur le fondement de l’ar-
men médical de reprise consécutif à une suspension du ticle R. 4624-34 du code du travail, peu important que
contrat de travail. Le médecin du travail peut la consta- l’examen médical ait lieu pendant la suspension du
ter après tout examen médical qu’il pratique au cours contrat de travail. Tel est le cas lorsque l’avis d’inaptitude
de l’exécution du contrat (◆ Cass. soc., 8 avr. 2010,
remplit les critères de l’article R. 4624-42 du code du
no 09-40.975)
travail ; c’est-à-dire lorsqu’il :
– L’avis d’inaptitude prononcé par le médecin du travail
lors d’un examen médical demandé par le salarié pen- – vise l’article R. 4624-34 du code du travail pour la vi-
dant son arrêt de travail est il valable ? site et l’article L. 4624-4 du même code pour l’avis
d’inaptitude lui-même ;
– mentionne que le salarié a été déclaré inapte après
une visite médicale, suivie d’une étude de poste et des
conditions de travail et d’un échange avec l’employeur
menés par le médecin du travail ;
– précise la date de la dernière actualisation de la fiche
d’entreprise.
Remarque : attention ! Ne pas confondre avec la visite
de préreprise qui peut aussi être demandée par le sala-
rié pendant la suspension de son contrat dès lors qu’elle
excède 30 jours (◆ C. trav., art. L. 4624-2-4 et R. 4624-
29). Cette visite ne donne pas lieu à un avis d’inaptitude.
◆ Cass. soc., 24 mai 2023, no 22-10.517
Invalidité du salarié : consé- Le sort du salarié classé en invalidité n'est pas régi par Cette solution est de nouveau confirmée : « l’employeur
quence le code du travail. Dès lors que le salarié, qu'il soit ou est tenu d’organiser une visite de reprise pour le salarié
non invalide, envoie des arrêts de travail, aucun texte qui l’a informé de son classement en invalidité
n'impose à l'employeur d'organiser une visite de re- deuxième catégorie, même s’il a envoyé sans disconti-
prise. Pourtant la jurisprudence a créé une règle particu- nuer, des arrêts de travail » Les juges du fond ne
lière selon laquelle « Dès lors que le salarié informe son peuvent pas considérer qu’il résulte de cette situation
employeur de son classement en invalidité deuxième que le contrat de travail se trouve toujours suspendu et
catégorie sans manifester la volonté de ne pas re- que le salarié a, par là même, manifesté sa volonté de
prendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'ini- ne pas reprendre le travail
tiative de faire procéder à une visite de reprise, laquelle ◆ Cass. soc., 12 avr. 2023, no 21-24.301
met fin à la suspension du contrat de travail » (◆ Cass.
soc., 23 sept.2020, no 18-26 ;481)
Consultation du CSE sur le L'employeur doit proposer au salarié déclaré inapte, – L’avis du CSE sur le reclassement du salarié doit être
reclassement du salarié des postes de reclassement en prenant en compte les recueilli après que l’inaptitude du salarié a été
inapte conclusions du médecin du travail, après avis du CSE constatée et avant une proposition à l’intéressé d’un
(délégués du personnel en l'espèce) (◆ C. trav., poste de reclassement approprié à ses capacités.
art. L. 1226-10 et L. 1226-12) – Est sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour
inaptitude du salarié, lorsque la consultation du CSE a
eu lieu avant la lettre de convocation à l’entretien préa-
lable mais postérieurement aux offres de reclassement
adressées au salarié (◆ Cass. soc., 24 mai 2023, no 21-
24.226)
Remarque : il s’agit d’une confirmation de jurispru-
dence (◆ Cass. soc., 16 sept. 2015, no 13-26.166)
Obligation de reclassement : – Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du – Lorsque le médecin du travail précise, dans l’avis
télétravail préconisé par le travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédem- d’inaptitude puis en réponse aux questions de l’em-
médecin du travail ment, il bénéficie d’un droit au reclassement. L’em- ployeur, que le salarié pourrait occuper un poste en té-
ployeur est tenu de rechercher un autre emploi létravail à son domicile avec aménagement de poste
approprié aux capacités du salarié, en tenant compte approprié, l’employeur est tenu de proposer ce poste
des conclusions écrites du médecin du travail, notam- même si le télétravail n’a pas été mis en place au sein
ment des indications qu’il formule sur l’aptitude du sa- dès lors que c’est compatible avec les fonctions
larié à exercer l’une des tâches existantes dans exercées : voir article publié au bulletin nos 1062/1063,
l’entreprise (◆ C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10) page 6 (◆ Cass. soc., 29 mars 2023, no 21-15.472)
– Lorsque le médecin du travail préconise un poste en
télétravail, l’employeur est-il tenu de le proposer ?
Articulation de la procédure – Les dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du – Le même principe s’applique aux salariés protégés :
d'inaptitude avec une procé- code du travail relatives à la procédure d’inaptitude sont « lorsqu’un salarié (protégé) est déclaré inapte, l’inspec-
dure disciplinaire d’ordre public et font obstacle à ce que l’employeur pro- teur du travail ne peut en principe, postérieurement à
nonce un licenciement pour un motif autre que l’inapti- cet avis, autoriser le licenciement pour un motif autre
tude, notamment pour motif disciplinaire, même si la que l’inaptitude » (◆ CE, 12 avr. 2023, no 458974)
procédure disciplinaire a été engagée antérieurement – Toutefois, lorsque le salarié a refusé de se rendre aux
au constat d’inaptitude (jurisprudence constante convocations adressées en vue de son reclassement,
◆ Cass. soc., 8 févr. 2023, no 21-16.258). La procédure les juges doivent rechercher si par un tel comportement
liée à l’inaptitude doit s’appliquer jusqu’à son terme le salarié n’a pas mis l’employeur dans l’impossibilité
(◆ Cass. soc., 20 déc. 2017, no 16-14.983) de s’acquitter de son obligation de reclassement ce qui
– Comment ce principe s’applique-t-il aux salariés autoriserait l’employeur de licencier pour un autre motif
protégés ? que l’inaptitude, notamment pour un motif disciplinaire
– Et qu’en est-il lorsque le comportement du salarié (◆ CE, 12 avr. 2023, no 458974)
rend impossible le reclassement ? – Jugé dans le même sens par la Cour de cassation :
(◆ Cass. soc., 22 juin 2011, no 10-30.415)

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 31
A retenir

Licenciement pour inaptitu- Le salarié handicapé bénéficie, en cas de licenciement Le salarié, licencié pour inaptitude d’origine profession-
de professionnelle d’un sala- au doublement de la durée du préavis dans la limite de nelle a droit à une indemnité compensatrice de préavis
rié handicapé : montant de 3 mois. ce doublement s’applique-t-il en cas de licencie- (montant de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-5)
l’indemnité de préavis ment pour inaptitude d’origine professionnelle ? (◆ C. trav., art. L. 1226-14). Si le salarié licencié est han-
dicapé, le doublement de la durée du préavis n’est pas
applicable à l’indemnité compensatrice prévue à l’ar-
ticle L. 1226-14 (◆ Cass. soc., 24 mai, no 21-25.683)
Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence (◆ Cass.
soc., 27 janv. 2016, no 14-12.710)
Nullité du licenciement pour – Le salarié dont le licenciement pour inaptitude est – « L’existence du harcèlement moral à l’origine de
inaptitude : étendue du droit frappé de nullité, notamment en raison du lien entre l’inaptitude du salarié ayant conduit à la nullité du licen-
à réintégration l’inaptitude et des faits de harcèlement moral, peut de- ciement ne constitue pas une impossibilité de
mander sa réintégration dans l’entreprise (◆ C. trav., réintégration »
art. L. 1235-3-1) – Il en est de même de l’inaptitude du salarié, constatée
– Lorsque sa réintégration est impossible, le juge oc- 4 ans auparavant. En effet, on peut imaginer que l’état
troie une indemnité de 6 mois de salaire de santé du salarié a pu évoluer au moment de sa de-
– Pour s’opposer à la réintégration, l’employeur peut-il mande de réintégration
invoquer l’inaptitude du salarié ou le harcèlement ? – ◆ Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-25.221
– l’impossibilité de réintégration a été admise pour un
salarié qui était auteur de faits de harcèlement moral
(◆ Cass. soc., 1er déc. 2021, no 19-25.715)
Inaptitude d’un salarié Lorsqu’un salarié protégé, licencié pour inaptitude, – Le juge judiciaire (conseil des prud’hommes) est com-
protégé : juge compétent conteste son licenciement car il estime que l’inaptitude pétent pour déterminer si l’inaptitude du salarié protégé
est liée à des faits de harcèlement moral dont la cause a pour origine un manquement de l’employeur à ses
est son mandat d’élu de CSE et que son licenciement se- obligations consistant en un harcèlement moral ou une
rait une mesure de discrimination syndicale, quel est le discrimination syndicale
juge compétent ? – Lorsqu’il autorise le licenciement d’un salarié protégé,
il n’appartient pas à l’inspecteur du travail de rechercher
la cause de l’inaptitude, y compris dans le cas où la
faute invoquée résulte d’un harcèlement moral ou
d’une discrimination syndicale dont l’effet serait la nul-
lité de la rupture du contrat de travail
– ◆ Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-21.349
Remarque : il s’agit d’une confirmation de jurispru-
dence (◆ Cass. soc., 17 oct. 2018, no 17-17.985)
Quel est le juge compétent pour déterminer si l’inaptitu- Le juge judiciaire est compétent pour rechercher si
de du salarié protégé est d’origine professionnelle ou l’inaptitude du salarié protégé a ou non une origine pro-
non ? fessionnelle. En l’espèce, le salarié pouvait prétendre à
l’indemnité spéciale du fait de l’origine professionnelle
de l’inaptitude au motif que l’employeur avait commis
un manquement à son obligation de sécurité à l’origine
de l’inaptitude, que cette inaptitude avait pour origine
en partie un accident du travail dont avait connaissance
l’employeur au moment du licenciement (◆ Cass. soc.,
13 avr. 2023, no 22-10.758)

Nathalie LEBRETON
 Étude « Inaptitude au travail »

❚ Acceptation d’un CSP : le motif de rupture REMARQUE : ce motif peut notamment être indiqué au salarié dans
le document d’information sur le CSP, ou dans la lettre de licen-
invoqué peut être précisé dans les 15 jours ciement à titre conservatoire que l’employeur peut être tenu de
Lorsqu’un salarié adhère au contrat lui adresser (◆ Cass. soc., 17 mars 2015, no 13-26.941).
Cet écrit doit être porté à la connaissance du salarié au plus
de sécurisation professionnelle, l’employeur tard au moment de l’acceptation du dispositif (◆ Cass. soc.,
doit l’informer par écrit du motif de la rupture. 16 nov. 2016, no 15-12.293 ◆ Cass. soc., 27 mai 2020, nos 18-
Ce motif peut être précisé dans les 15 jours 20.153, 18-24.531 et 18-20.142).
de l’acceptation du CSP, à la demande Pour répondre aux exigences des articles L. 1233-16 et
du salarié ou à l’initiative de l’employeur. L. 1233-42 du code du travail, la notification du licencie-
La procédure de précision du motif invoqué à l’appui d’un ment doit mentionner à la fois les raisons économiques
licenciement, instaurée par l’ordonnance no 2017-1387 du prévues par la loi et leur incidence sur l’emploi ou le contrat
22 septembre 2017, s’applique en cas d’adhésion d’un de travail. A défaut, le licenciement est dépourvu de cause
salarié au contrat de sécurisation professionnelle (CSP). réelle et sérieuse (◆ Cass. soc., 30 avr. 1997, no 94-42.154
◆ Cass. soc., 28 janv. 2015, no 13-20.861).
C’est ce que vient de décider la Cour de cassation, dans un
arrêt du 5 avril 2023. Dans cette affaire, l’employeur avait remis aux salariées un
document d’information sur le CSP au cours de l’entretien
L’employeur doit informer le salarié adhérant au CSP préalable au licenciement, ainsi qu’un courrier spécifiant les
sur le motif de la rupture motifs économiques de la rupture. Il leur avait ensuite
La règle est classique, et fréquemment rappelée par la adressé, pendant le délai de réflexion, une lettre de licen-
Cour de cassation. La rupture du contrat de travail résultant ciement à titre conservatoire rappelant ces motifs écono-
de l’acceptation par le salarié d’un CSP doit avoir une cause miques et indiquant que leurs postes de travail étaient sup-
économique réelle et sérieuse. L’appréciation de cette primés.
cause ne peut résulter que des motifs énoncés par Les salariées soutenaient que la rupture de leurs contrats
l’employeur dans un document écrit (◆ Cass. soc., 27 mai de travail, insuffisamment motivée, était dépourvue de
2009, no 08-43.137 ◆ Cass. soc., 18 janv. 2023, n° 21- cause réelle et sérieuse.
19.349).

Juin 2023
32 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

Le document sur le motif de la rupture peut être quer que le reclassement du salarié est impossible (◆ QR min.
précisé dans les 15 jours trav., 15 juill. 2020 sur la rupture du contrat de travail, question
no 4). Rappelons que, en revanche, l’employeur ne peut pas
La Cour de cassation rappelle la procédure issue de ajouter un nouveau motif à sa lettre dans le cadre de cette pro-
l’ordonnance du 22 septembre 2017. Les motifs énoncés cédure, mais ce n’était pas le cas en l’espèce.
dans la lettre de rupture du contrat de travail peuvent être ◆Cass. soc., 5 avr. 2023, no 21-18.636
précisés par l’employeur à son initiative dans les 15 jours Laurence MECHIN
suivant la notification du licenciement, par lettre recom-
mandée avec avis de réception ou remise contre
 Étude « Contrat de sécurisation professionnelle »
récépissé. De son côté, le salarié peut demander, dans ce
même délai et ces mêmes formes, des précisions sur ces
motifs. L’employeur dispose alors de 15 jours après la
réception de cette demande pour les lui communiquer
❚ La rupture conventionnelle collective
ne peut pas remplacer un PSE
dans les mêmes formes et délai, s’il le souhaite (◆ C. trav., en cas de cessation d’activité
art. L. 1235-2 et R. 1232-13 pour le licenciement pour motif
personnel, et R. 1233-2-2 pour le licenciement pour motif Statuant pour la première fois sur la validité
économique). d’un accord de rupture conventionnelle
collective, le Conseil d’État précise les limites
Si le salarié n’a pas demandé de précisions à l’employeur
de ce dispositif, qui ne peut pas être conclu
dans le délai de 15 jours, l’irrégularité que constitue une
dans un contexte de cessation d’activité
insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne
conduisant nécessairement au licenciement
prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et
des salariés.
sérieuse. Cette irrégularité ouvre seulement droit à une
indemnité qui ne peut pas excéder un mois de salaire Instaurée par l’ordonnance 201-1387 du 22 septembre
(◆ C. trav., art. L. 1235-2). 2017, la rupture conventionnelle collective (RCC) permet à
l’employeur de réaliser une opération de réduction d’effec-
REMARQUE : cette procédure s’applique aux licenciements pronon- tifs en prévoyant, par accord collectif validé par l’administra-
cés pour motif personnel ou pour motif économique depuis le tion, des suppressions d’emplois en dehors de tout licen-
18 décembre 2017 (◆ Cass. soc., 22 sept. 2021, no 19-21.605).
L’employeur n’est pas tenu d’informer le salarié de son droit ciement et sans justifications économiques (◆ C. trav.,
d’obtenir des précisions sur les motifs de la lettre de licencie- art. L. 1237-19 et s.).
ment (◆ Cass. soc., 29 juin 2022, no 20-22.220).
La décision du 21 mars 2023 offre une première occasion
La Cour de cassation décide, pour la première fois à notre au Conseil d’État de se prononcer sur la validation par
connaissance, que le document par lequel le salarié qui se l’administration d’un accord de rupture conventionnelle col-
voit proposer un CSP est informé sur le motif de la rupture lective. Dans le sillage de la décision de la cour administra-
peut être précisé par l’employeur, soit à son initiative, soit tive d’appel de Versailles du 20 octobre 2021 (◆ CAA Ver-
à la demande de l’intéressé. Dans ce cas, le délai de sailles, 20 oct.2021, no 21VE02220), il confirme l’annulation
15 jours pour accomplir cette démarche court à compter de la décision de validation de l’accord et précise les limites
de l’adhésion du salarié au dispositif. de ce dispositif.
REMARQUE : il semble logique que la Cour de cassation ait choisi En l’espèce, le Direccte (devenu Dreets) avait validé un
de faire courir le délai de 15 jours à compter non pas de la accord collectif majoritaire portant sur une rupture conven-
remise du document d’information au salarié, mais de la date tionnelle collective concernant un établissement dans
d’adhésion au CSP, puisque c’est cette dernière qui emporte
rupture du contrat de travail (◆ C. trav., art. L. 1233-67). En lequel étaient employés 33 salariés et dont la fermeture
l’espèce, l’employeur avait précisé, de sa propre initiative, le était prévue. Un syndicat non signataire a contesté cette
motif de la rupture. Mais la solution devrait être la même, selon décision devant le juge administratif et obtenu son annula-
nous, lorsque c’est le salarié qui demande des précisions sur le tion en appel.
motif économique : sa demande est à formuler dans les
15 jours qui suivent l’adhésion au CSP, et l’employeur pourra
REMARQUE : l’annulation de l’accord de rupture conventionnelle
répondre, s’il le souhaite, dans les 15 jours qui suivent la récep- collective produit des conséquences sur les ruptures indivi-
tion de cette demande.
duelles de contrat de travail conclues sur le fondement de
En l’espèce, les salariées s’étaient vu remettre le docu- l’accord. Les salariés concernés peuvent s’en prévaloir pour sai-
ment d’information sur le CSP et sur le motif économique sir le conseil de prud’hommes d’une contestation de la rupture
le 21 septembre. Elles avaient adhéré au CSP le de leur contrat de travail.
27 septembre. Pour la Cour de cassation, la lettre de notifi- L’étendue du contrôle du Dreets sur l’accord de RCC
cation du licenciement à titre conservatoire qui leur était est précisée
parvenue ensuite valait lettre de précision du motif. Par Le Dreets saisi d’une demande de validation d’un accord
conséquent, en leur adressant ce courrier le 9 octobre sui- de rupture conventionnelle collective effectue un contrôle
vant, l’employeur avait respecté le délai de 15 jours qui lui dont l’étendue est délimitée par l’article L. 1237-19-3 du
était imparti pour préciser le motif de la rupture. code du travail. Il s’assure ainsi :
REMARQUE : l’arrêt ne précise pas si la lettre de licenciement – que l’accord est conforme à l’article L. 1237-19 du code
apportant une précision sur la suppression du poste avait été du travail, c’est-à-dire, notamment, qu’il exclut tout licencie-
adressée au salarié par lettre recommandée avec avis de récep- ment pour atteindre l’objectif qui lui est assigné en termes
tion ou remise contre récépissé, comme l’exige le code du tra-
vail. Il serait intéressant de connaître la position de la Cour de de suppressions d’emplois ;
cassation sur la portée du non-respect de cette formalité. – qu’il comporte les clauses obligatoires prévues par
L’arrêt adopte la même position que l’administration sur la
notion de précision du motif. L’indication que le poste du salarié l’article L. 1237-19-1 ;
est supprimé constitue bien, selon les juges, une précision, et – qu'il contient des mesures d’accompagnement et de
non l’ajout d’un nouveau motif. L’administration, dans un ques- reclassement externe précises et concrètes ;
tions-réponses diffusé sur internet, a en effet indiqué que
l’employeur a tout intérêt à préciser sa lettre de licenciement – que, le cas échéant, la procédure d’information du comité
s’il s’aperçoit après son envoi qu’il manque un élément essen- social et économique a été régulière.
tiel à sa motivation : elle cite l’exemple du licenciement pour
inaptitude physique pour lequel l’employeur aurait omis d’indi-

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 33
A retenir

Le Conseil d’État ajoute, pour la première fois à notre manière certaine à ce que les salariés n’ayant pas opté
connaissance, que l’administration doit également s’assu- pour le dispositif fassent l’objet d’un licenciement écono-
rer que l’accord n’est pas entaché de vices ayant affecté mique à la fin de sa période d’application.
les conditions de sa négociation et qui seraient de nature à Peu importe que, comme en l’espèce, les licenciements
l’annuler. ne soient pas mis en œuvre pendant la période d’applica-
Dans une décision du même jour (no 446492), le Conseil tion de l’accord, mais reportés par l’effet d’une clause à
d’État apporte la même précision concernant les conditions son expiration. Pour le juge administratif, l’accord viole les
de négociation d’un autre accord de rupture convention- dispositions de l’article L. 1237-19 du code du travail.
nelle collective. Pour démontrer que le projet de réorganisation de l’entre-
REMARQUE : un bloc de compétences, comparable à celui appli-
prise comportait la fermeture du site de production et le
cable en matière de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), est transfert des activités et de l’ensemble des salariés, le syn-
confié au Dreets et, en cas de litige, au juge administratif par dicat requérant s’appuyait sur une note d’information
l’article L. 1237-19-8 du code du travail. On relèvera que l’admi- remise au comité social et économique avant la conclusion
nistration doit contrôler les vices affectant la négociation de de l’accord.
l’accord de RCC, par exemple, la fourniture par l’employeur aux
syndicats négociant l’accord d’informations erronées de nature La cessation d’activité de l’entreprise conduit manifeste-
à les inciter à conclure un accord peu favorable aux salariés. En ment à imposer une rupture à tous les salariés. Tous les
revanche, le contrôle du consentement individuel du salarié qui
adhère à l’accord de RCC relève du contrôle du juge judiciaire. emplois devant être supprimés, ils se voient privés de la
possibilité de choisir entre un départ volontaire et le main-
C’est le contrôle du juge administratif sur le premier point -
tien dans l’emploi.
la conformité de l’accord de RCC aux dispositions de
l’article L. 1237-19 du code du travail - qui était en cause ici. En cas de cessation d’activité de l’établissement, il
convient de distinguer selon que les contrats de travail des
L’accord prévoyait en effet qu’aucun licenciement n’inter-
salariés disposent ou non d’une clause de mobilité suscep-
viendrait pendant sa période d’application. Les salariés fai-
tible d’être mise en œuvre en vue de leur transfert vers
sant le choix de ne pas adhérer à l’accord de RCC
d’autres établissements de l’entreprise. S’ils n’en
n’auraient donc pas été licenciés pendant cette période. La
contiennent pas, ce qui était le cas en l’espèce comme le
RCC était donc, au sens strict, exclusive de tout licencie-
relève le Conseil d’État, pour pouvoir fermer l’établisse-
ment, ce qui avait justifié le rejet du recours du syndicat en
ment, l’employeur peut se voir contraint d’engager une
première instance, devant le tribunal administratif.
procédure de licenciement pour motif économique, le sala-
Mais, dans la mesure où, à terme, le site devait être fermé rié étant alors privé de la possibilité de choisir le maintien
et tous les postes supprimés, la cour administrative d’appel dans l’emploi. En revanche, s’ils comportent une clause de
de Versailles a donné raison au syndicat requérant : la fer- mobilité, l’employeur est susceptible de fermer l’établisse-
meture du site ayant été décidée en amont de la conclu- ment concerné en transférant les salariés vers d’autres éta-
sion de la rupture conventionnelle collective, les salariés blissements de l’entreprise.
concernés n’avaient pas été en mesure de faire un réel
choix entre un départ volontaire et le maintien dans leur REMARQUE : le Conseil d’État confirme la position prise par l’admi-

emploi. nistration dans un questions-réponses du ministère du travail.


Celle-ci avait indiqué que la rupture conventionnelle collective
La RCC peut être conclue par une entreprise ne doit pas être proposée dans un contexte de difficultés éco-
nomiques aboutissant de manière certaine à une fermeture de
en difficulté économique site, qui aurait pour effet de fausser le caractère volontaire de
Tout d’abord, le Conseil d’État entérine la possibilité de l’adhésion au dispositif et de ne pas permettre le maintien dans
conclure un accord de RCC dans un contexte de difficultés l’emploi des salariés non-candidats à un départ.
économiques de l’entreprise ou d’autres situations suscep- Pas de contournement des règles d’ordre public relatives
tibles de justifier un licenciement économique. au PSE
REMARQUE : la cour administrative d’appel de Versailles, dans un Le Conseil d’État reproche en l’espèce à l’employeur
arrêt du 14 mars 2019 (◆ CAA Versailles, 14 mars 2019, d’avoir contourné les règles d’ordre public relatives au
no 8VE04158) avait déjà eu à statuer sur cette question dans un licenciement économique.
contentieux dirigé contre un des premiers accords de rupture
conventionnelle collective. Elle avait jugé que des suppressions L’employeur aurait dû, au vu du nombre de départs envisa-
de postes pour un motif économique ne font pas obstacle à la gés, élaborer un PSE par voie d’accord majoritaire ou de
mise en œuvre d’une rupture conventionnelle collective dès document unilatéral et respecter la procédure applicable en
lors que le départ des salariés n’est pas contraint.
cas de procédure de licenciement économique. Ce PSE
Pas de RCC dans un contexte de cessation d’activité aurait d’ailleurs pu prévoir un plan de départs volontaires
dont les modalités et le contenu, en termes de garanties
La suppression de tous les emplois du site exclut le recours pour les salariés, auraient été proches de ceux prévus par
à la RCC l’accord de RCC. Dans un tel cas, le PSE doit prévoir les
La rupture du contrat de travail n’obéit pas au même modalités du licenciement des salariés qui n’adhèrent pas
régime juridique selon qu’elle est imposée par l’employeur au plan de départs volontaires ou n’en remplissent pas les
ou décidée d’un commun accord. Un accord de RCC doit critères d’adhésion.
être exclusif de toute rupture imposée au salarié, comme
REMARQUE : le Conseil d’État s’est déjà engagé sur cette voie à
le prévoit l’article L. 1237-19 du code du travail : il doit, par
propos d’un projet de réorganisation qui n’aboutissait par lui-
nature, offrir un choix au salarié. même, une fois tenu compte des départs volontaires en
retraite et des autres départs volontaires, à aucune suppression
REMARQUE : dans cette affaire, le départ des salariés était inéluc- d’emploi. Un PSE devait être mis en œuvre, dès lors qu’était
table. Le seul choix qui leur était offert était celui du mode de prévu le licenciement des salariés refusant la modification de
départ : rupture amiable dans un premier temps ou licencie- leur contrat de travail (◆ CE, 4e et 1er ch. réunies, 10 oct. 2018,
ment à terme, selon des modalités qui étaient encore à définir. no 39528).
Le Conseil d’État en conclut qu’un tel accord ne peut pas Dans l’affaire jugée ici par le Conseil d’État, le licenciement
être mis en œuvre dans le contexte d’une cessation d’acti- des salariés refusant la modification de leur contrat de tra-
vité de l’établissement ou de l’entreprise conduisant de

Juin 2023
34 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

vail au moment de la fermeture de l’établissement n’était Le lendemain, le syndicat désigne un de ses adhérents
pas expressément envisagé, mais il était implicite. comme DS.
La RCC et un projet de licenciement collectif pour motif REMARQUE : rappelons que la renonciation écrite d’un candidat
économique sont-ils nécessairement exclusifs ? La ayant obtenu 10 % doit être préalable à la désignation d’un
réponse, affirmative en cas de cessation d’activité d’un éta- adhérent (◆ Cass. soc., 9 juin 2021, no 19-24.678).
blissement ou d’une entreprise, n’est pas certaine dans Mais quelques mois plus tard, c’est un autre DS qu’il faut
d’autres cas de figure. La jurisprudence du Conseil d’État remplacer. Et le syndicat désigne à nouveau cette salariée
viendra préciser comment ces dispositifs peuvent s’articu- ayant précédemment renoncé au mandat.
ler. L’employeur conteste cette désignation, au motif que la
renonciation au droit d’être désigné délégué syndical valait
REMARQUE : saisie de cette question dans la perspective de l’exa-
men d’une décision d’homologation du document unilatéral pour tout le cycle électoral.
d’un PSE, la cour administrative d’appel de Paris a jugé, dans Mais le tribunal et la Cour de cassation ne sont pas
un arrêt du 14 mars 2022 (◆ CAA Paris, 14 mars 2022, d’accord.
no 21PA06607), qu’un accord de rupture conventionnelle collec-
tive ne fait pas obstacle à ce que l’employeur établisse et Et la chambre sociale précise, pour la première fois que « la
mette en œuvre un PSE, dès lors que ce dernier respecte les renonciation par l’élu ou le candidat, ayant recueilli au
stipulations de l’accord qui lui sont applicables. En l’espèce, la moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des
réorganisation avait été engagée pendant la période de mise en dernières élections au CSE, au droit d’être désigné délégué
œuvre de l’accord.
syndical, qui permet au syndicat représentatif de désigner
◆CE, 4e-1re ch. réunies, 21 mars 2023, no 459626 un adhérent ou un ancien élu en application de l’alinéa 2 de
◆CE, 4e-1re ch. réunies, 21 mars 2023, no 446492 l’article L. 2143-3 précité, n’a pas pour conséquence de pri-
Clément GEIGER ver l’organisation syndicale de la possibilité de désigner
Laurence MECHIN ultérieurement, au cours du même cycle électoral, l’auteur
de la renonciation en qualité de délégué syndical ».
 Étude « Rupture conventionnelle collective »
En d’autres termes, le salarié peut revenir sur sa
renonciation au cours du cycle électoral.
REMARQUE : à noter qu’il n’est cependant pas nécessaire d’obtenir
la renonciation des candidats ayant obtenu 10 % à chaque nou-
velle désignation de DS. En effet, l’avocate générale, dans son
Relations collectives avis publié avec l’arrêt, considère « important de souligner qu’il
convient de ne pas soumettre l’exception de l’article L. 2143-3
de travail du code du travail à un formalisme excessif ». Elle précise
ensuite que « les syndicats peuvent rencontrer des difficultés
pratiques à rassembler les renonciations afin de pouvoir dési-
gner un adhérent ». Elle en conclut, « qu’admettre qu’une

❚ Désignation du DS : nouvelles précisions


renonciation n’exclut pas la possibilité pour une organisation
syndicale de désigner ultérieurement un salarié, ayant renoncé
à exercer un mandat, ne signifie pas que le syndicat ait l’obliga-
sur la renonciation à ce mandat tion, pour chaque nouvelle désignation, de redemander aux
candidats de renoncer à nouveau à être désigné. En ce sens, la
Le délégué syndical doit être choisi en priorité renonciation vaut bien en principe pour l’ensemble du cycle,
parmi les élus et candidats ayant obtenu sauf pour le salarié et le syndicat a en décider autrement ». Elle
au moins 10 % des suffrages aux dernières rappelle que la Cour de cassation a d’ailleurs déjà statué en ce
sens « en estimant qu’il n’était pas nécessaire, à l’occasion
élections. Mais ils peuvent y renoncer. La Cour d’une nouvelle désignation d’un délégué syndical, de produire
de cassation précise dans deux arrêts une nouvelle renonciation des personnes susceptibles d’être
que cette renonciation n’est pas définitive, désignées, dès lors qu’elles avaient déjà renoncé à leur droit à
et qu’elle n’est pas exigée des candidats l’occasion d’une précédente désignation » (◆ Cass. soc., 4 nov.
ne versant plus leurs cotisations syndicales. 2020, no 19-60.187). Cette renonciation écrite vaut donc pour le
cycle électoral, mais elle ne prive son auteur du droit de chan-
Le 5 avril 2023, la Cour de cassation a publié un arrêt met- ger d’avis et d’être désigné ultérieurement comme délégué
tant au clair les règles selon lesquelles un syndicat repré- syndical pendant ce cycle électoral.
sentatif peut désigner un adhérent comme délégué syndi- La renonciation n’est pas requise d’un candidat
cal (DS). Ainsi, cela devient possible, en application de ne payant plus ses cotisations syndicales
l’article L. 2143-3 du code du travail, si les candidats pré-
sentés par le syndicat ayant obtenu 10 % des suffrages à Dans cette seconde affaire (no 21-60.127), lors des der-
titre personnel lors des élections professionnelles nières élections professionnelles, en janvier 2018, la CGT a
renoncent au droit d’être désignés comme délégué syndi- présenté 4 candidats :
cal (◆ Cass. soc., 5 avr. 2023, 21-24.752, v. p. 36). – 2 candidats ont ensuite quitté l’entreprise ;
Par deux arrêts du 17 avril 2023, la Cour de cassation – la 3e a démissionné de son mandat de délégué syndical
tranche sur deux questions relatives à cette renonciation : en juillet 2020, et a renoncé par écrit à son droit d’être dési-
– la renonciation au droit d’être désigné comme DS vaut- gné comme DS le 5 août ;
elle pour tout le cycle électoral ? – le 4e n’est pas à jour de ses cotisations syndicales.
– faut-il obtenir cette renonciation des candidats présentés Le 6 août 2020, le syndicat désigne un adhérent comme
par le syndicat ayant obtenu 10 %, mais qui ont depuis délégué syndical.
cessé de payer leurs cotisations syndicales ? L’employeur conteste cette désignation, le syndicat
n’ayant pas de renonciation écrite du 4e candidat. Il avance
La renonciation d’un candidat n’est pas forcément que le paiement des cotisations syndicales n’est pas une
définitive condition légale à retenir pour exonérer le syndicat de cette
Dans cette affaire (no 21-23.348), une candidate présentée renonciation. Le tribunal annule la désignation de l’adhé-
par la CFE-CGC et ayant obtenu au moins 10 % des suf- rent.
frages à titre personnel est désignée comme DS à l’issue Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle rappelle
des élections professionnelles. Quelques mois plus tard, que par la loi no 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a
elle renonce à cette désignation par écrit, comme il se doit. entendu éviter l’absence de délégué syndical dans les

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 35
A retenir

entreprises, puis elle rappelle ces règles permettant la dési- frages exprimés dans son collège au premier tour des der-
gnation d’un adhérent. nières élections au CSE, quel que soit le nombre de
Puis, elle cite un de ses arrêts antérieurs décidant que les votants (◆ C. trav., art. L. 2143-3).
candidats de la liste présentée par le syndicat en cause S’il est impossible de déroger à cette règle d’ordre public,
dans cette affaire, soit ne cotisent plus depuis plus d’une il apparaît souvent difficile de trouver des salariés qui
année, soit ne sont plus dans les effectifs de la société, acceptent le mandat de délégué syndical. C’est pourquoi,
« ce dont il résultait que l’organisation syndicale ne dispo- l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 du code du travail prévoit la
sait plus de candidats en mesure d’exercer un mandat de possibilité de désigner un adhérent, qui n’est pas un candi-
délégué syndical à son profit, (…) la désignation d’un adhé- dat aux élections dans certains cas, notamment en cas de
rent qui n’avait pas été candidat aux dernières élections
renonciation au droit d’être désigné par « l’ensemble des
professionnelles était valide » (◆ Cass. soc., 26 mars 2014,
élus qui remplissent les conditions ». La Cour de cassation
no 13-20.398).
s’est emparée de cette question, et sa jurisprudence est
En conséquence, elle exige du tribunal de rechercher, abondante.
comme il était soutenu, si le 4e candidat présenté par le
syndicat et ayant obtenu 10 % à titre personnel, « avait Dans cet arrêt du 5 avril 2023, la chambre sociale apporte
renoncé à l’activité syndicale et ne cotisait plus depuis plus une précision : cette renonciation n’est obligatoire que pour
de 2 ans à l’union locale ». les candidats présentés par le syndicat ayant recueilli au
moins 10 % des suffrages exprimés.
Ainsi, un adhérent peut être désigné si tous les candidats
ayant obtenu au moins 10 % présentés par le syndicat Désignation d’un adhérent en remplacement
renoncent par écrit. Mais un tel candidat qui n’a pas payé de son DS par un syndicat représentatif
ses cotisations syndicales n’est plus considéré comme
« étant en mesure d’exercer un tel mandat pour le syndicat Dans cette affaire, un syndicat représentatif désigne un de
qui l’a présenté sur sa liste pour les élections ses adhérents en remplacement de son DS.
professionnelles ». Celui-ci est considéré comme ayant, de L’employeur conteste au motif que la désignation d’un
ce fait, renoncé à ses activités syndicales, il ne peut donc adhérent est subordonnée à la condition que tous les can-
être exigé sa renonciation écrite préalable pour ouvrir au didats présentés par le syndicat aux dernières élections
syndicat le droit de désigner un de ses adhérents. En effet, professionnelles aient préalablement renoncé par écrit à
comme le souligne l’avocate générale dans son avis publié leur droit d’être désigné délégué syndical. Or, si le syndicat
avec l’arrêt : « en réalité, l’absence de cotisation syndicale justifiait bien de la renonciation écrite des candidats ayant
démontre que le salarié en cause n’est plus membre du obtenu au moins 10 %, ce n’était pas le cas d’un candidat
syndicat ». n’ayant pas obtenu 10 %. Pour ce dernier, le syndicat four-
REMARQUE : plus largement, on peut dire, à l’instar de l’avocate nit une attestation de renonciation au mandat postérieure à
générale que « dès lors que le syndicat peut démontrer que le la désignation litigieuse. Pour l’employeur, une telle attes-
salarié, candidat à l’élection et ayant obtenu 10 % des voix, tation ne constitue pas une renonciation écrite préalable à
n’est plus membre du syndicat, l’organisation syndicale repré- la désignation, et ne peut donc régulariser cette dernière.
sentative n’est pas tenue de le désigner », et n’a donc pas à
obtenir sa renonciation pour désigner un de ses adhérents. Il
REMARQUE : la Cour de cassation a en effet précisé que la
n’y a donc pas de règle précise quant à la durée d’absence de
paiement des cotisations, cette démission du syndicat pouvant renonciation écrite doit être préalable à la désignation de l’adhé-
être entérinée par d’autres faits (par exemple, si le syndicat rent comme DS (◆ Cass. soc., 9 juin 2021, no 19-24.678).
peut prouver qu’il milite pour un autre syndicat, ou s’il a fait
savoir publiquement qu’il n’est plus membre de son syndicat Renonciation des seuls candidats ayant obtenu
d’origine…). au moins 10 % des suffrages
A nouveau cette décision permet de protéger la liberté syn- Le tribunal judiciaire et la Cour de cassation ne sont pas
dicale, en n’exigeant pas d’un syndicat qu’il désigne un d’accord et la désignation de l’adhérent est validée.
salarié qui ne serait plus membre de l’organisation. Les juges rappellent tout d’abord les dispositions du code
◆Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-23.348 du travail. Ainsi, « l’article L. 2143-3 du code du travail, dans
sa rédaction issue de la loi no 2018-217 du 29 mars 2018,
◆Avis de l’avocate générale (arr. no 21-23.348)
fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délé-
◆Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-60.127 gué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections
◆Avis de l’avocate générale (arr. no 21-60.127) professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suf-
Séverine BAUDOUIN frages exprimés au premier tour des dernières élections au
comité social et économique. Aux termes du deuxième ali-
 Étude « Droit syndical dans l’entreprise »
néa de ce texte, si aucun des candidats présentés par
l’organisation syndicale aux élections professionnelles ne

❚ Désignation du DS parmi les adhérents : remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce
texte, ou s’il ne reste, dans l’entreprise ou l’établissement,
plus aucun candidat aux élections professionnelles qui rem-
seule compte la renonciation
des candidats ayant obtenu 10 % des suffrages plit ces conditions, ou si l’ensemble des élus qui rem-
plissent les conditions mentionnées audit premier alinéa
Un syndicat représentatif peut désigner renoncent par écrit à leur droit d’être désigné délégué syn-
un adhérent comme délégué syndical dical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi
si les candidats qu’il a présentés renoncent les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au
au droit d’être désigné. La Cour de cassation sein de l’entreprise ou de l’établissement ou parmi ses
précise que cette renonciation ne concerne anciens élus ayant atteint la limite de durée d’exercice du
que les candidats ayant obtenu 10 % mandat au comité social et économique fixée au deuxième
des suffrages à titre personnel alinéa de l’article L. 2314-33 ».
lors des élections professionnelles.
Ainsi, en conclut la chambre sociale, il résulte des disposi-
Le délégué syndical (DS) doit être choisi par l’organisation tions de l’article L. 2143-3, alinéa 2 du code du travail « que
syndicale représentative parmi les candidats aux élections la renonciation au droit d’être désigné délégué syndical, est
professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suf- celle des candidats présentés par l’organisation syndicale

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A retenir

aux dernières élections professionnelles ayant recueilli au Réinterrogée à ce sujet, la chambre sociale opère un revi-
moins 10 % des suffrages exprimés ». rement de jurisprudence au titre de la liberté syndicale, et
La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence à ce autorise les syndicats représentatifs à choisir librement son
sujet : la renonciation est celle des candidats présentés par délégué syndical parmi les élus du CSE.
l’organisation syndicale, il n’est donc pas obligatoire de pro- Désignation comme DS d’un élu présenté
poser le mandat aux candidats ayant obtenu au moins sur la liste d’un autre syndicat aux dernières
10 % présentés sur d’autres listes syndicales, même si élections professionnelles
cela est possible (◆ Cass. soc., 23 févr. 2013, no 12-15.807
Dans cette affaire, dans une entreprise de moins de
◆ Cass. soc., 8 juill. 2020, no 19-14.605).
50 salariés, un salarié est élu au CSE sur une liste CFTC.
Mais elle apporte une précision concernant la renonciation Ce salarié est désigné comme délégué syndical, mais il
des candidats de l’organisation syndicale en cause : la démissionne de ce mandat syndical quelques mois plus
renonciation écrite préalable n’est exigée que des candi- tard, tout en restant membre du CSE.
dats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages.
C’est alors que la CFDT le désigne comme son DS.
REMARQUE : il demeurait en effet un doute à ce sujet, suite à l’arrêt L’employeur conteste cette désignation, et celle-ci est
du 8 juillet 2020. La Cour de cassation avait précisé que, eu annulée, conformément à la jurisprudence de la Cour de
égard aux travaux préparatoires à la loi no 2018-217 du 29 mars
2018, l’exception prévue à l’alinéa 2 de l’article L. 2143-3 du code cassation.
du travail « doit être interprétée en ce sens que lorsque tous les Mais le salarié et le syndicat contestent, arguant que c’est
élus ou tous les candidats qu’elle a présentés aux dernières élec-
tions professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syn- au seul syndicat désignataire d’apprécier si l’élu est en
dical, l’organisation syndicale peut désigner comme délégué syn- mesure d’accomplir sa mission.
dical l’un de ses adhérents au sein de l’entreprise ou de Et c’est la logique que retient la chambre sociale dans cet
l’établissement ou l’un de ses anciens élus ayant atteint la limite
de trois mandats successifs au CSE ». Ainsi, la renonciation est arrêt, modifiant ainsi sa jurisprudence en la matière.
exigée non seulement des élus, mais aussi des candidats pré-
sentés par le syndicat. En précisant que, parmi ses candidats, Une évolution nécessaire de la jurisprudence
seuls ceux ayant obtenu au moins 10 % des suffrages sont au nom de la liberté syndicale
concernés par cette renonciation écrite préalable, la Cour de cas-
sation tranche le doute résultant de la formulation de sa décision La Cour de cassation commence par rappeler les disposi-
de 2020. tions de l’article L. 2143-6 du code du travail imposant la
Et dans cette affaire, la Cour de cassation constate que désignation d’un membre du CSE comme DS dans les
« sur les dix candidats présentés par le syndicat aux élec- entreprises de moins de 50 salariés. Celui-ci ne bénéficie
tions professionnelles, cinq candidats avaient été désignés pas d’heures de délégation supplémentaires pour ce man-
en qualité de délégué syndical et que, parmi les cinq dat, mais peut utiliser son crédit d’heures d’élu dans ce
autres, les deux seuls candidats ayant obtenu au moins cadre.
10 % des suffrages avaient renoncé à leur droit d’être dési- REMARQUE : l’article L. 2143-6 du code du travail vise en fait « les
gnés délégué syndical ». Le syndicat avait donc valable- établissements de moins de 50 salariés », mais la Cour de cas-
ment désigné l’un de ses adhérents en qualité de délégué sation a précisé qu’un élu ne peut être désigné comme délégué
syndical. syndical dans un établissement de moins de 50 salariés qui
dépend d’une entreprise de plus de 50 salariés (◆ Cass. soc.,
◆Cass. soc., 5 avr. 2023, no 21-24.752 29 avr. 2009, no 08-60.484). Il s’agit donc bien des seules entre-
Séverine BAUDOUIN prises de moins de 50 salariés, avec la possibilité de désigner
un DS pour chacun de ses établissements, le cas échéant, ce
 Étude « Droit syndical dans l’entreprise » qui reste assez rare.
Puis, est rappelée la jurisprudence de la chambre sociale,

❚ Entreprises de moins de 50 salariés :


interdisant la désignation d’un élu présenté par un autre
syndicat.
un syndicat représentatif peut désigner La Cour développe ensuite plusieurs arguments.
tout élu comme DS
Nouvelles règles de représentativité
Revirement de jurisprudence : La chambre sociale se réfère à la loi no 2008-789 du
dans une entreprise de moins de 50 salariés, 20 août 2008 ayant modifié les règles de représentativité
un syndicat représentatif peut désigner des syndicats. Ainsi, dans les entreprises de 50 salariés et
tout élu comme délégué syndical, peu importe plus, « s’agissant de la condition d’un score personnel de
son étiquette syndicale lors des élections 10 % aux dernières élections professionnelles pour pouvoir
ou s’il a précédemment exercé des fonctions être désigné délégué syndical, la Cour juge que, dès lors
de représentant d’un autre syndicat. qu’un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les syndicats être désigné délégué syndical, il n’appartient qu’au syndi-
représentatifs n’ont pas le choix : ils doivent forcément cat désignataire d’apprécier s’il est en mesure de remplir
désigner un élu du CSE comme délégué syndical (DS) sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment
(◆ C. trav., art. L. 2143-6). exercé des fonctions de représentant d’un autre syndicat
Jusque-là, la Cour de cassation jugeait qu’un syndicat ou qu’il ait été élu lors des dernières élections sur des
représentatif ne pouvait pas désigner comme délégué syn- listes présentées par un autre syndicat » (◆ Cass. soc.,
dical un membre du CSE dont la candidature aux élections 17 avr. 2013, no 12-22.699).
a été présentée par un autre syndicat et qui a démissionné Ainsi, l’appartenance successive à plusieurs syndicats
de son précédent mandat syndical (◆ Cass. soc., 2 nov. n’étant pas un obstacle à la désignation du salarié en qua-
1994, no 94-60.008). Il était toutefois autorisé de désigner lité de DS dans les entreprises de 50 salariés et plus, il n’y
un candidat libre (◆ Cass. soc., 6 juill. 1999, no 98-60.329). a pas de raison que ce soit le cas dans les entreprises de
moins de 50 salariés.

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A retenir

Évolution récente de la jurisprudence sur la désignation


des suppléants comme DS
❚ RSS : suite à l’échec aux élections
professionnelles, l’interdiction de désigner
La Cour évoque ensuite un autre revirement récent de sa le même salarié s’applique à tous les syndicats
jurisprudence en la matière. En effet, la chambre sociale
« admet qu’un membre suppléant du comité social et éco- L’interdiction de désigner en qualité
nomique disposant d’un crédit d’heures de délégation en de représentant de la section syndicale (RSS)
application, soit des dispositions de l’article L. 2315-9 du jusqu’aux 6 mois précédant la date
code du travail (répartition des heures de délégation entre des élections professionnelles suivantes,
les membres du CSE, dont les suppléants), soit des un salarié précédemment désigné
clauses du protocole préélectoral tel que prévu à en qualité de RSS dès lors que le syndicat
l’article L. 2314-7 du même code, soit du fait qu’il remplace n’est pas reconnu représentatif à l’issue
momentanément un membre titulaire en application des des élections professionnelles est opposable
dispositions de l’article L. 2314-37 de ce code, soit enfin en à tout syndicat représentatif, et pas seulement
application d’un accord collectif dérogatoire au sens de à celui qui l’a désigné au départ.
l’article L. 2315-2, puisse être désigné, dans les entreprises C’est la loi no 2008-789 du 20 août 2008 qui a créé le repré-
de moins de cinquante salariés, en qualité de délégué sentant de la section syndicale (RSS).
syndical » (◆ Cass. soc., 23 mars 2022, no 20-21.269).
Cette loi a revu en profondeur les règles de représentativité
Ainsi, un élu suppléant peut désormais être désigné des syndicats, et a fait des élections professionnelles la
comme DS dans une entreprise de moins de 50 salariés, mesure objective de cette représentativité, le critère de
ce qui était auparavant interdit. « l’audience ». Dans ce cadre, elle a créé le mandat de RSS
pour les syndicats non représentatifs. Celui-ci a les mêmes
REMARQUE : la Cour de cassation ne le détaille pas précisément,
mais cette jurisprudence était liée à l’absence de crédit missions qu’un délégué syndical, mais n’a pas le droit de
d’heures du suppléant. En effet, le DS désigné parmi les élus négocier les accords. Son rôle est de permettre l’implanta-
ne bénéficiant pas d’heures de délégation à ce titre, il ne pou- tion du syndicat d’ici les prochaines élections, afin qu’il
vait donc pas exercer son mandat syndical sans utiliser les obtienne le sésame des 10 % et la représentativité dans
heures octroyées en tant qu’élu titulaire. La donne a changé
depuis que les membres du CSE peuvent partager leurs heures l’entreprise.
de délégation en application de l’article L. 2315-9 du code du Dès lors qu’à l’issue des élections le syndicat n’obtient pas
travail. A noter que cet argument des heures de délégation était ce résultat, la loi a prévu que le salarié RSS en question ne
également avancé pour interdire la désignation d’un élu d’une
autre liste syndicale au motif que les salariés avaient voté pour pourrait pas être redésigné comme RSS. Du moins pas
ce syndicat, et qu’alors ce serait un autre syndicat qui en béné- avant les 6 mois précédant l’élection suivante (◆ C. trav.,
ficierait. Dans son avis, publié avec la décision (ci-joint), l’avo- art. L. 2142-1-1).
cate générale, souligne qu’il est possible d’utiliser son crédit
d’heures pour un autre mandat, « peu importe alors que le sala- Mais cette interdiction s’applique-t-elle à tous les syndicats
rié opte, en cours de mandat, pour un autre syndicat que celui non représentatifs ? Ou seul le syndicat qui l’a désigné ne
pour lequel il s’est présenté à une fonction élective ». Cet argu- peut plus avoir recours à ce salarié ?
ment est renforcé par l’exigence d’un « score personnel »,
dans les entreprises de 50 salariés et plus, le DS devant être C’est à cette question que répond la Cour de cassation
désigné parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % à titre dans cet arrêt du 19 avril 2023.
personnel dans son collège. D’autant, ajoute l’avocate générale,
qu’il semble se vérifier que « particulièrement dans les petites Salarié RSS désigné à nouveau par un autre syndicat
entreprises, les salariés votent plutôt pour une personne que
pour un syndicat ». non représentatif
Dans cette affaire, un salarié est désigné comme représen-
Importance de la négociation collective tant de la section syndicale d’un syndicat non représentatif.
Autre argument : « le rôle désormais dévolu par le législa- Les élections professionnelles ont lieu et le syndicat
teur à la négociation collective au sein des entreprises sup- n’obtient pas les 10 % des suffrages nécessaires.
pose que la désignation d’un délégué syndical dans les Suite à ces élections, le même salarié est désigné comme
entreprises de moins de cinquante salariés ne soit pas RSS par un autre syndicat non représentatif.
subordonnée à des conditions inappropriées ».
L’employeur conteste cette désignation devant le tribunal
Liberté syndicale judiciaire.
La Cour en conclut qu’il résulte de tous ces éléments Il invoque les dispositions de l’article L. 2142-1-1 du code
« qu’il y a lieu de juger désormais qu’en application des dis- du travail prévoyant que le salarié qui perd ainsi son mandat
positions de l’article L. 2143-6 du code du travail, dès lors de représentant syndical (le mandat prenant fin à l’issue
qu’un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour des élections professionnelles suivant sa désignation) « ne
être désigné délégué syndical, il n’appartient qu’au syndi- peut pas être désigné à nouveau comme représentant syn-
cat désignataire d’apprécier s’il est en mesure de remplir dical au titre d’une section jusqu’aux 6 mois précédant la
sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment date des élections professionnelles suivantes dans
exercé des fonctions de représentant d’un autre syndicat l’entreprise ».
ou qu’il ait été élu lors des dernières élections sur des Pour l’employeur, « cette disposition, qui vise à assurer la
listes présentées par un autre syndicat ». détermination par les salariés eux-mêmes des personnes
Le syndicat peut donc désigner cet élu, ancien DS d’un les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise,
autre syndicat. tire les conséquences de l’échec du représentant de sec-
tion syndicale à accomplir sa mission consistant à dévelop-
◆Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-17.916 per l’action du syndicat en vue de lui permettre d’acquérir
◆Avis de l’avocate générale la qualité de syndicat représentatif ; qu’elle affecte en
Séverine BAUDOUIN conséquence sa capacité personnelle à être désigné en
 Étude « Droit syndical dans l’entreprise » qualité de représentant de section syndicale par n’importe
quelle organisation syndicale jusqu’aux 6 mois précédant
les élections suivantes ».

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38 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

Mais le tribunal valide la désignation, considérant que L’employeur peut demander en référé l’indication
l’incapacité d’exercer un mandat syndical n’est que relative de l’utilisation des heures de délégation…
au syndicat qui l’avait désigné initialement. Tout d’abord, l’employeur souhaitait obtenir du juge des
référés qu’il enjoigne au salarié, sous astreinte, de préciser
Incapacité du salarié d’exercer le mandat de RSS les dates et heures de délégation et d’indiquer les activités
jusqu’aux 6 mois précédant les élections
exercées durant son crédit d’heures. La cour d’appel lui a
La Cour de cassation donne raison à l’employeur. donné raison, estimant en effet que le tableau produit par
Elle rappelle les dispositions relatives au RSS, et en déduit le représentant du personnel, qui déclinait mois par mois
« que l’interdiction de désigner en qualité de représentant ses heures de délégation et ses activités au titre de ses
d’une section syndicale jusqu’aux 6 mois précédant la date mandats, était insuffisamment précis. A l’appui de son
des élections professionnelles suivantes dans l’entreprise pourvoi, le salarié reproche aux juges du fond d’avoir
un salarié, précédemment désigné en qualité de représen- excédé leurs pouvoirs et inversé la charge de la preuve en
tant de section syndicale dont le mandat a pris fin lors des lui ordonnant de fournir la justification de l’utilisation de ses
dernières élections professionnelles dès lors que le syndi- heures de délégation.
cat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans Telle n’est pas la vision de la Cour de cassation qui valide
l’entreprise, est opposable à toute organisation syndicale la position de la cour d’appel. Ce faisant la Haute juridiction
non représentative dans l’entreprise, qu’elle soit ou non confirme sa jurisprudence constante sur le sujet en rappe-
celle ayant précédemment désigné le salarié en qualité de lant que si l’employeur ne peut pas exiger devant le juge
représentant de section syndicale ». des référés la justification de l’utilisation des heures de
Ainsi, l’incapacité à être de nouveau désigné comme RSS délégation (◆ Cass. soc., 22 avr. 1992, no 89-41.253), il
jusqu’aux 6 mois précédant la date des élections suivantes peut en revanche saisir avant contestation cette juridiction
suite à l’échec aux élections professionnelles du syndicat pour obtenir du salarié des indications sur cette utilisation
qui l’a désigné, est une incapacité totale touchant la per- (◆ Cass. soc., 8 juill. 1992, no 90-43.980).
sonne du salarié en cause. Il ne peut être désigné comme
REMARQUE : l’employeur, une fois doté des indications sur l’utilisa-
RSS par aucun syndicat non représentatif.
tion des heures de délégation par le salarié, peut saisir le juge
◆Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-23.483 au fond d’une demande de remboursement des heures dont il
Séverine BAUDOUIN estime que leur utilisation n’est pas conforme avec l’objet du
mandat, à charge pour lui d’en apporter la preuve (◆ Cass. soc.,
 Étude « Droit syndical dans l’entreprise » 1er déc. 1993, no 89-44.297).

… mais pas la justification de la nécessité


❚ Comment contester l’utilisation du crédit de leur utilisation en dehors du temps de travail
Une autre requête de l’employeur portait, et c’est là que
d’heures en dehors du temps de travail ? réside l’intérêt de l’arrêt du 5 avril 2023, sur la justification
La Cour de cassation précise que, si la charge par le salarié de la nécessité d’utiliser ses heures de délé-
de la preuve de la nécessité d’utiliser gation en dehors de son temps de travail. En effet, selon la
les heures de délégation en dehors du temps Cour de cassation, les représentants du personnel peuvent
de travail repose bien sur le représentant utiliser leur crédit d’heures en dehors de leur horaire habi-
du personnel, l’employeur ne peut pas saisir tuel de travail (◆ Cass. soc., 19 mai 2016, no 14-26.967) si
le juge des référés pour obtenir du salarié les nécessités de leur mandat le justifient (◆ Cass. soc.,
la justification de cette nécessité. 12 févr. 1991, no 88-42.353). L’employeur a donc demandé
au juge des référés qu’il ordonne au salarié de justifier de
Certains représentants du personnel disposent, en vertu cette nécessité. Encore une fois, la cour d’appel a accédé
de la loi, d’heures de délégation, également appelées à sa demande et enjoint au salarié de justifier des nécessi-
« crédit d’heures », afin d’exercer leur mandat. Ils sont tés du mandat l’obligeant à utiliser l’intégralité de ses
investis à ce titre d’une grande liberté d’action dans l’utili- heures de délégation en dehors de son temps de travail.
sation de leurs heures sous réserve de ne pas apporter de
gêne importante à l’accomplissement du travail des autres Mais la Cour de cassation, cette fois-ci, censure la décision
salariés. En principe prises durant l’horaire habituel de tra- des juges du fond et casse sur ce point l’arrêt de la cour
vail, les heures de délégation peuvent également être utili- d’appel. La Haute juridiction rappelle, en premier lieu, qu’en
sées librement en dehors du temps de travail, en heures cas de litige relatif aux heures de délégation effectuées en
supplémentaires, lorsque les nécessités des mandats du dehors du temps de travail, la charge de la preuve pèse sur
salarié le justifient. Le crédit d’heures est présumé avoir le représentant du personnel (◆ Cass. soc., 14 oct. 2020,
été utilisé conformément à son objet (présomption de no 18-24.049). Mais elle précise ensuite que l’employeur
bonne utilisation), c’est-à-dire conformément au mandat ne peut pas saisir le juge des référés pour obtenir la justifi-
des intéressés. Il en résulte que l’employeur doit payer ces cation par le salarié de ces nécessités.
heures à l’échéance normale avant toute contestation de la Autrement dit, l’employeur souhaitant obtenir du salarié la
bonne utilisation du crédit d’heures (◆ C. trav., art. L. 2143- justification de la nécessité de l’utilisation de ses heures de
17 et L. 2315-10 ◆ Cass. soc., 19 mai 2016, no 14-26.967). délégation en dehors de son temps de travail doit saisir le
Dans cette affaire, le salarié bénéficiait d’un crédit d’heures juge au fond.
mensuel de 18 heures au titre de son mandat de membre ◆Cass. soc., 5 avr. 2023, no 21-17.851
titulaire du collège cadre de la délégation unique du person- Guilhem POSSAMAI
nel et de 12 heures au titre de son mandat de délégué syn-  Étude « Crédits d’heures »
dical, ces heures ayant été intégralement utilisées en
dehors de son temps de travail. L’employeur avait alors
saisi le juge des référés de plusieurs requêtes.

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 39
A retenir

❚ L’expertise du CSE sur l’accord Financement de l’expertise du CSE sur la participation


de participation est à la charge de l’employeur
Pour le tribunal judiciaire : l’expertise est à la charge
L’incertitude résultant de l’ordonnance exclusive du CSE…
sur le CSE est enfin levée : l’expert-comptable Dans cette affaire, dans le cadre de la communication
désigné par le CSE en vue de l’assister annuelle du rapport sur la réserve spéciale de participation
pour l’examen du rapport annuel relatif (◆ C. trav., art. D. 3323-13), le CSE vote le recours à un
à la réserve spéciale de participation est expert pour l’assister dans l’examen de ce calcul et
rémunéré par l’employeur selon les modalités désigne un cabinet d’expertise à cet effet.
de l’article L. 2315-80, 1o, du code du travail.
Le comité saisit le président du tribunal judiciaire afin de
Cette question était restée sans réponse depuis l’ordon- juger que cette expertise, votée sur le fondement de
nance relative au CSE du 22 septembre 2017 : qui paie l’article D. 3323-14 du code du travail, est une expertise
pour l’expertise du CSE pour l’examen du rapport annuel légale et doit être prise en charge intégralement par
relatif à la participation ? l’employeur.
Nouvelles règles de financement des expertises De son côté, la société saisit aussi le président du tribunal
du CSE judiciaire afin de juger qu’elle n’a pas l’obligation légale de
prendre en charge l’expertise votée par le comité au titre
Le financement exclusif de l’employeur devient l’exception… de l’article D. 3323-14 du code du travail qui doit être à la
En effet, l’ordonnance relative au CSE a profondément charge exclusive du comité, ou à titre subsidiaire la réduc-
remanié les règles relatives au financement des expertises tion du coût prévisionnel de l’expertise.
du CSE. Depuis lors, la règle est celle du cofinancement Le tribunal judiciaire donne raison à l’employeur, et décide
des expertises, le CSE devant rémunérer son expert sur que cette expertise est à la charge exclusive du CSE. Pour
son budget de fonctionnement à hauteur de 20 % de son le juge, seules les expertises mentionnées au 1o de l’article
coût. Quelques exceptions subsistent et l’employeur paie L. 2315-80 du code du travail sont intégralement financées
la totalité des expertises (◆ C. trav., art. L. 2315-80) : par l’employeur, et l’expertise prévue par l’article D. 3323-
– relevant des consultations sur la politique sociale et les 14 du code du travail n’y est pas mentionnée. De plus,
conditions de travail, sur la situation économique et finan- aucune disposition légale ne prévoit plus le financement de
cière de l’entreprise et en matière de licenciement écono- celle-ci par l’employeur. Enfin, le tribunal ajoute que l’exper-
mique collectif (expert-comptable) ; tise objet du litige a lieu dans le cadre d’une procédure
d’information alors qu’aucune des dispositions légales en
– en cas de risque grave (expert habilité). vigueur relatives au financement en tout ou partie par
REMARQUE : sont aussi financées entièrement pas l’employeur l’employeur ne concerne une expertise dans le cadre d’une
l’expertise dans le cadre de la recherche d’un repreneur, et information du CSE.
celle en vue de préparer la négociation sur l’égalité profession-
nelle dans les entreprises de 300 salariés et plus, en l’absence … mais la Cour de cassation tranche pour une expertise
de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle entre les financée par l’employeur
femmes et les hommes notamment sur les écarts de rémuné-
ration dans la BDESE. En outre, l’employeur finance les exper- Mais pour la Cour de cassation, « les dispositions de
tises normalement cofinancées lorsque le budget de fonction- l’ancien article L. 2325-35 du code du travail relatives au
nement du CSE est insuffisant pour couvrir le coût de recours à un expert-comptable par le comité d’entreprise,
l’expertise et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent
annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles désormais abrogé, auxquelles l’article D. 3323-14 renvoie,
prévu à l’article L. 2312-84 au cours des trois années précé- figuraient dans une sous-section “experts rémunérés par
dentes. l’entreprise” précisant, à l’ancien article L. 2315-40, que
Enfin, l’article L. 2315-81 du code du travail prévoit que le l’expert-comptable est rémunéré par l’entreprise ».
CSE peut faire appel à tout type d’expertise rémunérée par Il en résulte que l’expertise, décidée par le CSE appelé à
ses soins pour la préparation de ses travaux. siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de partici-
pation devant lui être présenté par l’employeur dans les
... et le financement de l’expertise relative au rapport 6 mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe
de participation n’est pas tranché de la consultation récurrente sur la situation économique et
Cependant, si l’expertise dans le cadre de l’examen du rap- financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du
port relatif à l’accord de participation (rappelons que dans code du travail.
les entreprises où est constituée une réserve spéciale de
Cette expertise ne relève donc pas du champ d’application
participation, l’employeur doit remettre au comité, 6 mois
de l’article L. 2315-81 prévoyant le financement exclusif de
après la clôture de chaque exercice, un rapport relatif à
l’expertise par le CSE pour l’assister dans la préparation de
l’accord de participation) a bien été reprise pour le CSE,
ses travaux.
l’article D. 3323-14 du code du travail n’a pas modifié le
renvoi relatif à son financement. Ainsi, il est renvoyé à En conséquence, l’expert-comptable désigné par le CSE en
l’article L. 2325-35 du code du travail, lequel concerne les vue de l’assister pour l’examen du rapport annuel relatif à
expertises du comité d’entreprise et est abrogé. Cet article la réserve spéciale de participation est rémunéré par
prévoyait la prise en charge de cette expertise par l’employeur selon les modalités de l’article L. 2315-80, 1o,
l’employeur. du code du travail.
Si les commentateurs optaient plutôt pour un financement La Cour de cassation confirme donc bien sa jurisprudence
exclusif de l’employeur, un doute demeurait, notamment antérieure à l’ordonnance relative au CSE (◆ Cass. soc.,
en raison du principe de cofinancement. 28 janv. 2009, no 07-18.284).
REMARQUE : il nous semble que cette expertise sur la participation
reste autonome, même si la Cour de cassation la rattache à
celle sur la consultation récurrente sur la situation économique
et financière de l’entreprise. En effet, l’expertise est bien pré-
vue par un article spécifique. Et cet article D. 3323-14 du code

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40 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

du travail prévoit que lorsque le CSE est appelé à siéger pour CSE et de l’expert selon la procédure accélérée au fond, la
examiner le rapport relatif à l’accord de participation, les ques- cour d’appel avait condamné la société à transmettre à
tions ainsi examinées font l’objet de réunions distinctes ou
d’une mention spéciale à son ordre du jour. Il n’est nullement l’expert une série de documents et prolongé de 2 mois le
rattaché à la consultation sur la situation économique et finan- délai imparti au comité pour rendre son avis à compter de
cière. Enfin, ce rapport comporte les éléments servant de base la notification de la décision, les documents devant être
au calcul de la réserve spéciale de participation et des indica- transmis à l’expert dans les 15 jours suivant cette notifica-
tions précises sur la gestion et l’utilisation des sommes affec-
tées à cette réserve. Or, ces dernières n’ont pas été intégrées tion.
à la BDESE. Même s’il est possible de faire le choix d’intégrer
ces informations dans la BDESE, ce rapport constituant une REMARQUE : les éléments dont la communication avait été ordon-
information récurrente, un rapport ad hoc doit donc bien être née par la cour d’appel étaient les suivants : suivi mensuel des
établi et présenté au CSE dans le cadre d’une information spé- effectifs de l’année précédente ; livre de paie « détaillant
cifique, laquelle doit avoir lieu dans un certain délai (6 mois qui globalement » toutes les rubriques des rémunérations versées
suivent la clôture de chaque exercice), ce qui ne correspond au personnel durant les 2 années précédentes, par catégorie de
pas forcément avec la consultation sur la situation économique personnel ; pour les salariés cadres et Etam, fichiers électro-
et financière et son expertise y afférente. Il semble que ce soit niques des rémunérations comprenant, notamment, le
ce délai de présentation du rapport, lié à la clôture de l’exercice, matricule, le sexe, la date de naissance, l’entreprise d’origine
qui justifie que la Cour de cassation considère que cette exper- pré-fusion, le service de rattachement, la date d’entrée dans
tise « participe de la consultation sur la situation économique et l’effectif de l’entreprise et la date d’ancienneté, l’intitulé précis
financière de l’entreprise ». du poste, la nature du contrat de travail et, le cas échéant,
l’échéance de celui-ci, les rémunérations devant être ventilées
◆Cass. soc., 5 avr. 2023, no 21-24.752 en salaire de base mensuel, primes de 13e mois, de vacances,
Séverine BAUDOUIN de fin d’année, d’ancienneté, bonus et primes exceptionnelles,
avantages en nature, les horaires devant être précisés…
 Études « CSE : réunions et attributions » et « Participation
des salariés » La société s’était pourvue en cassation contre l’arrêt de la
cour d’appel. A l’appui de son pourvoi, elle faisait valoir
notamment deux arguments.

❚ La BDESE n’est pas une fin en soi Selon elle tout d’abord, l’employeur remplirait son obliga-
tion de communiquer les pièces utiles à la consultation
pour l’expert du CSE annuelle du CSE sur la politique sociale de l’entreprise
L’information à laquelle a droit « dès lors qu’il met à disposition du comité, et par suite de
l’expert-comptable désigné par le CSE l’expert désigné par ce dernier », l’ensemble des éléments
dans le cadre de sa consultation devant figurer dans la BDES (aujourd’hui BDESE), les-
sur la politique sociale de l’entreprise quelles sont des moyennes ou des médianes ou des don-
ne se borne pas à celle à la disposition nées collectives, telles que définies à l’article R. 2312-9 du
du comité dans la BDESE en vue code du travail, et il ne serait « pas tenu, en revanche, de
de cette consultation, mais peut porter fournir au comité, ni à l’expert désigné par ce dernier, » des
sur d’autres données si elles sont nécessaires informations individuelles sur la rémunération de chacun
à l’exercice de la mission de l’expert : c’est des salariés ; par conséquent, selon la société, la demande
ce que vient de confirmer la Cour de cassation. de l’expert relative aux fichiers électroniques de rémunéra-
tion pour les salariés cadres et Etam, comportant des infor-
Pendant longtemps, et après un « pic de départ » dans les
mations individuelles sur chaque salarié et sa rémunéra-
années 1990, la jurisprudence, au moins au niveau de la
tion, excédait ce qui était nécessaire à l’accomplissement
Cour de cassation, sur l’accès de l’expert du comité
de la mission de l’expert.
d’entreprise à l’information a été relativement rare, mais
les décisions se sont faites plus fréquentes dernièrement, La société soutenait, en second lieu, que l’expert désigné
avec la disparition du comité d’entreprise et la création du par le CSE dans le cadre de sa consultation sur la politique
CSE. sociale ne peut pas exiger de documents n’existant pas et
dont la production n’est pas obligatoire et l’employeur n’a
En témoignent deux arrêts récents, rendus à propos de
pas à constituer, pour les seuls besoins de l’expertise, des
l’expert désigné par le CSE dans le cadre de sa consulta-
fichiers électroniques en procédant, à la place de l’expert,
tion sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de
à un retraitement de données issues de différents docu-
travail et l’emploi prévus à l’article L 2312-17 du code du
ments légaux tels que bulletins de paie, registres du per-
travail. Ces arrêts sont, certes, confirmatifs, mais ils
sonnel et livres de paie. En l’espèce, les fichiers réclamés
méritent d’être signalés dans la mesure, d’une part, où ils
par l’expert n’existant pas et ne correspondant à aucun
constituent d’intéressantes illustrations des éléments que
document dont la confection est légalement obligatoire
peut demander l’expert-comptable du CSE consulté sur la
pour l’employeur, il ne pouvait lui être imposé de les éta-
politique sociale de l’entreprise et où, d’autre part, la posi-
blir, leur confection impliquant un travail d’analyse de don-
tion de la chambre sociale de la Cour de cassation en la
nées relevant de la mission de l’expert qu’il lui appartenait
matière semble se heurter à l’incompréhension de certains
d’effectuer à partir des documents déjà fournis.
employeurs ou conseils de ceux-ci.
Le pourvoi de la société est rejeté.
L’employeur peut devoir communiquer à l’expert Elle « évacue » tout d’abord, si l’on peut dire, le second
des fichiers contenant des informations individuelles… argument de l’employeur. Après avoir énoncé la règle
Dans le premier arrêt (no 21-24.208), l’expert saisi par le selon laquelle l’expert-comptable du CSE ne peut pas exi-
CSE dans le cadre de sa consultation récurrente sur la poli- ger la production de documents n’existant pas et dont
tique sociale avait demandé, immédiatement après sa dési- l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise, la
gnation, les informations et documents qu’il estimait utiles Cour de cassation juge que la cour d’appel avait fait ressor-
à la réalisation de sa mission. La société ne lui avait, malgré tir l’existence des fichiers électroniques de rémunération
une relance rapide, pas communiqué certains d’entre eux des Etam et des cadres demandés par l’expert : la société
puis, plusieurs mois après, lors de la réunion de consulta- avait indiqué, par courrier électronique, transmettre les élé-
tion, avait indiqué qu’elle considérait les pièces déjà trans- ments sollicités par l’expert-comptable pour les compa-
mises comme « nécessaires et suffisantes à l’expertise gnons et précisé qu’elle le ferait ensuite pour les Etam et
sur la politique sociale de l’entreprise ». Sur assignation du cadres ; les juges avaient relevé que la société ne dévelop-

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© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 41
A retenir

pait aucun motif valable pouvant justifier la transmission entreprises d’au moins 300 salariés et en l’absence
des fichiers pour les premiers et non pour les derniers ; la d’accord sur le sujet, l’employeur met à la disposition du
taille et la structure de la société ne lui permettait pas de CSE dans la BDES en vue de cette consultation. Elle faisait
prétendre qu’elle ne disposait pas des documents récla- aussi valoir que des informations chiffrées sur les rémuné-
més sur les effectifs et les salaires de son personnel. rations et charges accessoires figuraient dans le bilan social
La chambre sociale rejette également le premier argument (◆ C. trav., art. L. 2312-28 à L. 2312-35) et que la BDES
de l’employeur. La cour d’appel avait relevé que la commu- comportait des informations sur la hiérarchie des rémuné-
nication, pour l’ensemble des salariés, du suivi mensuel rations (◆ C. trav., art. R. 2312-9) et que, en revanche, les
des effectifs de l’année précédente, du livre de paie textes ne prévoyaient pas que l’employeur doive fournir
« détaillant globalement » toutes les rubriques des rému- des informations brutes individualisées.
nérations versées au personnel durant les 2 années précé- Le pourvoi de la société est également rejeté dans cette
dentes, par catégorie de personnel, ainsi que, pour les affaire, sur le fondement du même trio d’articles L. 2315-
cadres et les Etam, des fichiers électroniques n’excédait 91, L. 2312-26, I et L. 2315-83 du code du travail. La cour
pas la mission légale de l’expert, faisant ainsi ressortir que d’appel avait énoncé, d’une part, que la production des
cette communication était nécessaire à l’exercice de la données brutes réclamées par l’expert s’avérait nécessaire
mission d’expertise dans le cadre de la consultation sur la à la réalisation de sa mission d’analyse de la politique
politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et sociale de l’entreprise, notamment sur l’évolution des
l’emploi. salaires et sur les informations et les indicateurs chiffrés
Elle ajoute qu’il importait peu que les informations deman- sur la situation comparée des femmes et des hommes
dées ne soient pas au nombre de celles devant figurer pour chacune des catégories professionnelles de l’entre-
dans la base de données du comité. prise et que, d’autre part, les informations retraitées et
consolidées, seules produites par la société, étaient sus-
En affirmant que le droit d’accès de l’expert à l’information ceptibles de fausser l’analyse de l’expert.
ne se limite pas au contenu de la BDESE mais est condi-
tionné par le contenu de sa mission, l’arrêt confirme égale- Et la chambre sociale d’ajouter qu’il importait peu que les
ment de précédentes décisions (◆ Cass. soc., 23 mars informations demandées ne fussent pas au nombre de
2022, no 20-17.186 et, surtout, de manière plus explicite celles devant figurer dans le bilan social, en application de
◆ Cass. soc., 18 mai 2022, no 20-21.444). l’article L. 2312-30 ou dans la BDES en application des
articles L. 2312-36, R. 2312-9 et R. 2312-20 du code du tra-
La solution est d’ailleurs fondée sur les 3 mêmes articles du vail.
code du travail que ce dernier arrêt : L. 2315-91, qui affirme
le droit pour le CSE de recourir à un expert-comptable dans ◆Cass. soc., 19 avr. 2023, nos 21-24.208 et 21-25.563
le cadre de sa consultation sur la politique sociale de l’entre- Pascale PEREZ DE ARCE
prise, L. 2312-26, sur l’objet de cette consultation, et  Étude « CSE : réunions et attributions »
L. 2315-83, sur l’obligation pour l’employeur de fournir à
l’expert les informations nécessaires à l’exercice de sa mis-
sion.
❚ La rupture conventionnelle avec un salarié
REMARQUE le trio d’articles visé par la décision résume, d’une
: protégé harcelé ou discriminé peut-elle être
certaine manière, le raisonnement à tenir en la matière : le CSE
a le droit de se faire aider d’un expert dans le cadre d’une autorisée ?
consultation ; cette consultation a un objet déterminé, lequel Pour le Conseil d’État, des faits
limite le droit de l’expert à l’information ; à l’intérieur de cette
limite, et pour donner un effet utile au droit du comité, de harcèlement moral ou de discrimination
l’employeur est tenu de fournir à l’expert les éléments deman- ne font pas obstacle, par eux-mêmes,
dés. Ce raisonnement pourrait être, à notre sens, transposable à la rupture conventionnelle conclue
à d’autres consultations du CSE donnant lieu à expertise. avec un salarié protégé. L’inspecteur du travail
… ainsi que des informations brutes individualisées, y ne doit refuser d’autoriser la rupture
compris relatives à des cadres supérieurs que si ces faits ont vicié le consentement
du salarié.
Dans la seconde affaire (no 21-25.563), la cour d’appel avait
condamné la société à transmettre à l’expert-comptable La rupture conventionnelle conclue avec un salarié protégé
désigné par le CSE pour l’assister dans le cadre de sa n’est pas homologuée par le Dreets, mais autorisée par
consultation sur la politique sociale, dans les 10 jours de la l’inspecteur du travail en raison de la protection exorbitante
signification de la décision sous peine d’une astreinte pro- du droit commun dont bénéficie l’intéressé (◆ C. trav.,
visoire, l’extraction d’informations brutes, individuelles et art. L 1237-15). C’est donc le juge administratif, et non le
anonymisées sur la totalité de l’effectif, avait prorogé de juge judiciaire, qui est compétent pour statuer, en cas de
2 mois le délai de consultation du comité, le point de litige, sur la validité de la rupture, même si le salarié
départ de ce délai étant fixé au jour de la remise par la invoque un vice du consentement (◆ Cass. soc., 26 mars
société des documents à l’expert. 2014, no 12-21.136 ◆ Cass. soc., 20 déc. 2017, no 16-
14.880).
REMARQUE : parmi les éléments dont la transmission était ordon-
née par la cour d’appel figurait notamment une extraction Dans une décision inédite qui sera mentionnée aux tables
d’informations brutes, individuelles et anonymisées concernant du recueil Lebon, le Conseil d’État se prononce sur le
les cadres de niveaux 9, 9 + et « HC », y compris les données contrôle exercé par l’inspecteur du travail – et, en cas de
relatives aux sites et services de rattachement, et au libellé de litige, par le juge administratif – sur la demande d’autorisa-
l’emploi.
tion de rupture conventionnelle du contrat de travail d’un
La société soutenait notamment que l’employeur n’est salarié protégé.
tenu de communiquer à l’expert désigné par le CSE dans
le cadre de sa consultation sur la politique sociale de Les points de contrôle de l’inspecteur du travail
l’entreprise que les pièces utiles à cette consultation, à Le Conseil d’État fixe, pour la première fois à notre
savoir les éléments recensés à l’article R. 2312-20 du code connaissance, le cadre du contrôle devant être exercé par
du travail, qui détermine les informations que, dans les l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation

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42 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

de la rupture conventionnelle conclue avec un salarié pro- administratif, qui s’est notamment appuyé sur l’ancienneté
tégé. des manquements de l’employeur et les conditions de
L’inspecteur du travail doit vérifier : conclusion de la convention de rupture. Il appartient donc à
l’inspecteur du travail et, en cas de litige, au juge adminis-
– qu’il est bien saisi d’une demande d’autorisation tratif d’examiner au cas par cas les circonstances de fait
de rupture conventionnelle au sens des articles L. 1237-11 pour déterminer si le consentement du salarié a été vicié.
et suivants du code du travail, et non d’une rupture amiable
conclue dans le cadre d’un accord de GPEC, d’un plan de REMARQUE : ainsi, le Conseil d’État adopte la même position que
sauvegarde de l’emploi ou d’un accord de mobilité ou de la Cour de cassation, qui juge de manière constante à propos
rupture conventionnelle collective ; des salariés non protégés qu’aucune circonstance ne permet,
par elle-même, d’annuler la rupture conventionnelle. Ainsi, la
– que la procédure et les garanties fixées par le code du rupture n’est pas nulle du seul fait de l’existence d’un différend
travail ont bien été respectées : négociation de la conven- opposant les parties au moment de sa conclusion
tion, contenu, indemnité de rupture et observation du délai (◆ Cass. soc., 23 mai 2013, no 12-13.865) ou de faits de harcè-
lement (◆ Cass. soc., 23 janv. 2019, no 17-21.550). Mais si
de rétractation ; l’examen des circonstances met en évidence un vice du
– et que les parties ont librement consenti à cette rupture, consentement, la rupture est annulée : ainsi jugé en cas de har-
cèlement moral (◆ Cass. soc., 28 janv. 2016, no 14-10.308
qui ne doit pas avoir été imposée. ◆ Cass. soc., 29 janv. 2020, no 18-24.296) ou sexuel
(◆ Cass. soc., 4 nov. 2021, no 20-16.550), ou de menaces et
REMARQUE : ainsi, l’inspecteur du travail exerce, a minima, un pressions de l’employeur (◆ Cass. soc., 8 juill. 2020 no 19-
contrôle identique à celui opéré par le Dreets lorsqu’il est saisi 15.441).
d’une demande d’homologation d’une rupture conventionnelle
conclue avec un salarié « ordinaire ». ◆CE, 13 avr. 2023, no 459213
Le Conseil d’État précise que l’inspecteur du travail doit en Laurence MECHIN
outre vérifier, au vu des pièces du dossier, qu’aucune cir-  Étude « Représentants du personnel (Protection) »
constance en rapport avec le mandat exercé par le salarié ou
avec son appartenance syndicale n’a vicié son consente-
ment.
Le consentement du salarié protégé à la rupture n’est pas
❚ Licenciement du salarié protégé : le coemploi
éclipsé au profit d’une recherche du véritable
libre s’il a été extorqué par l’employeur ayant exercé des
pressions sur lui pour obtenir son départ de l’entreprise, en employeur
raison de ses fonctions représentatives. En cas de licenciement d’un salarié protégé
pour cessation d’activité d’une entreprise
REMARQUE : cette précision du Conseil d’État s’appuie sur un argu-
appartenant à un groupe, l’inspecteur
ment textuel : l’article L. 1237-15 du code du travail, applicable
à la rupture conventionnelle conclue avec un salarié protégé, du travail ne doit pas contrôler l’existence
renvoie aux dispositions de ce code relatives au licenciement d’un coemploi mais rechercher le véritable
dudit salarié. Et donc, notamment, aux articles R. 2421-7 et employeur de l’intéressé, juge le Conseil
R. 2421-16 qui imposent à l’inspecteur du travail saisi d’une d’État.
demande d’autorisation de licenciement de rechercher si cette
mesure est en lien avec son mandat ou son appartenance syn- Lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation de licen-
dicale. ciement d’un salarié protégé pour motif économique par
Sauf vice du consentement, harcèlement une entreprise appartenant à un groupe, l’inspecteur du tra-
et discrimination n’empêchent pas la rupture vail doit-il rejeter la demande s’il constate une situation de
« coemploi » avec une autre société que la société
Si l’inspecteur du travail constate que le salarié fait l’objet
employeur ? La question n’avait jamais été tranchée par le
d’un harcèlement ou d’une discrimination en lien avec son
Conseil d’État. C’est chose faite avec l’arrêt rendu le
mandat, doit-il systématiquement refuser d’autoriser la rup-
28 avril 2023, qui sera publié au recueil Lebon.
ture conventionnelle ? Le Conseil d’État répond par la
négative, reprenant à son compte un principe posé par la Une demande d’autorisation de licenciement
Cour de cassation à propos des salariés non protégés. pour cessation d’activité
Dans cette affaire, un salarié titulaire de mandats électifs et Dans cette affaire, neuf salariés protégés faisaient l’objet
conseiller prud’homme avait attaqué son employeur pour d’une demande d’autorisation de licenciement en raison de
harcèlement moral et discrimination syndicale, et obtenu la cessation d’activité de leur entreprise, qui appartenait à
gain de cause en appel devant le juge judiciaire. Il avait un groupe.
demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et Avant même que la loi Travail du 8 août 2016 (no 2016-
l’employeur avait en parallèle engagé une procédure de 1088) n’intègre dans le code du travail la cessation d’acti-
licenciement. L’inspecteur du travail ayant refusé d’autori- vité comme une situation justifiant un licenciement écono-
ser la rupture, les parties avaient finalement signé une rup- mique (◆ C. trav., art. L. 1233-3, 4o), le Conseil d’État
ture conventionnelle, mettant ainsi un terme à leur litige. reconnaissait déjà le caractère autonome de ce motif. Cela
Mais le salarié avait ensuite demandé l’annulation de cette signifie qu’en cas de demande d’autorisation de licencie-
rupture, au motif que son consentement était vicié par le ment économique fondée sur la cessation d’activité de
harcèlement et la discrimination qu’il avait subis. l’entreprise l’inspecteur du travail doit seulement vérifier
La cour administrative d’appel saisie du litige a débouté le que la cessation est totale et définitive. Il n’effectue pas le
salarié. Son analyse est approuvée par le Conseil d’État, contrôle classique de l’existence de mutations technolo-
selon lequel l’existence de faits de harcèlement moral ou giques, de difficultés économiques ou d’une menace
de discrimination syndicale n’est pas de nature, par elle- pesant sur la compétitivité de l’entreprise (◆ CE, 8 avr.
même, à faire obstacle à ce que l’inspection du travail auto- 2013, no 348559).
rise une rupture conventionnelle. A cet égard, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, la
Seul le vice du consentement qui résulterait du harcèle- circonstance qu’une autre société du groupe ait poursuivi
ment ou de la discrimination justifie l’annulation de la rup- une activité de même nature ne fait pas en soi obstacle à
ture. Or tel n’était pas le cas, en l’espèce, selon le juge ce que la cessation d’activité soit reconnue comme totale

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 43
A retenir

et définitive. En revanche, le Conseil d’État juge que l’admi- l’existence d’un coemploi pour annuler l’autorisation admi-
nistration doit tenir compte de toute autre circonstance nistrative, alors que seule la circonstance qu’une autre
pouvant faire obstacle au licenciement, notamment une entreprise est, en réalité, le véritable employeur des sala-
reprise, même partielle, de l’activité de l’entreprise qui riés protégés pouvait entraîner le rejet de la demande
impliquerait un transfert du contrat de travail du salarié à un d’autorisation.
nouvel employeur en application de l’article L. 1224-1 du
code du travail (◆ CE, 22 mai 2015, no 375897 ◆ CE, REMARQUE : la solution s’inscrit dans la droite ligne de la position
prise par la Haute juridiction administrative dans un arrêt rendu
22 mai 2015, no 381926). en 2016 par lequel, déjà, elle écartait la prise en compte par
l’administration d’une situation de coemploi, au profit d’une
Un refus de l’administration fondé sur l’existence recherche du « véritable employeur » des salariés (◆ CE sect.,
d’un coemploi dans le groupe 17 oct. 2016, no 386306). Le contexte était celui de l’homologa-
Une situation de « coemploi » dans le groupe, telle que tion par le Direccte (aujourd’hui « Dreets ») d’un document uni-
latéral portant PSE dans une entreprise appartenant à un
définie par la jurisprudence de la Cour de cassation, consti- groupe.
tue-t-elle une circonstance susceptible de remettre en Selon les conclusions du rapporteur public sur cette affaire,
cause le caractère autonome du licenciement pour cessa- la recherche du véritable employeur fait référence à la
tion d’activité ? notion de personne morale transparente utilisée par le juge
Pour la Cour de cassation, la réponse est positive : administratif de longue date pour identifier, derrière une
lorsqu’un salarié a pour coemployeurs des entités faisant entité privée, une personne publique sous-jacente à qui
partie d’un même groupe, la cessation d’activité de l’une doivent être attribuées certaines responsabilités ou obliga-
d’elles ne peut constituer une cause économique de licen- tions. Le recours à cette technique dans le cadre du droit
ciement qu’à condition d’être justifiée par des difficultés du travail consiste non pas à savoir s’il existe deux coem-
économiques, par une mutation technologique ou par la ployeurs, mais à savoir si la personne morale employeur
nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d’acti- des salariés n’est pas fictive.
vité du groupe (◆ Cass. soc., 18 janv. 2011, no 09-69.199).
Coemploi et véritable employeur :
REMARQUE après avoir fait émerger la notion de coemploi au
: vers des critères similaires ?
regard des rapports de domination économique entre deux
sociétés (par opposition au coemploi classique fondé sur l’exis- L’arrêt du Conseil d’État rendu le 28 avril 2023 reprend la
tence d’un lien de subordination), la chambre sociale de la Cour technique de la recherche du véritable employeur dans le
de cassation en a progressivement durci les critères de recon- contexte de la demande d’autorisation de licenciement du
naissance. En l’état actuel, elle juge qu’en dehors de l’exis- salarié protégé pour motif économique. Le juge ne donne
tence d’un lien de subordination une société faisant partie d’un
groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel pas de précisions sur les critères de reconnaissance de la
employé par une autre que s’il existe une immixtion perma- personne morale transparente ou fictive. Mais ces critères
nente de cette société dans la gestion économique et sociale pourraient rejoindre ceux du coemploi, à la faveur de l’évo-
de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autono- lution de la jurisprudence judiciaire. En effet, dans la note
mie d’action de cette dernière, et ce, au-delà de la nécessaire
coordination des actions économiques entre sociétés du même explicative relative à l’arrêt de novembre 2020, qui a fixé la
groupe et de l’état de domination économique que cette appar- conception restrictive du coemploi (voir ci-dessus), la
tenance peut engendrer (◆ Cass. soc., 25 nov. 2020, no 18- chambre sociale de la Cour de cassation indiquait que cette
13.769 ◆ Cass. soc., 23 nov. 2022, no 20-23.206). définition « se rapproche de la notion de transparence de la
Dans l’affaire des neuf salariés protégés, le ministre du tra- personne morale utilisée par le Conseil d’État ».
vail avait autorisé leur licenciement, mais la cour adminis- Les deux voies du coemploi et du véritable employeur
trative d’appel avait approuvé l’annulation de cette décision pourraient donc aboutir à un contrôle similaire, ce qui évite-
au motif qu’il existait une situation de coemploi entre la rait le risque de solutions divergentes rendues dans le
société et le groupe dont elle relève faisant obstacle à une cadre d’une même affaire pour les salariés protégés et non
autorisation administrative de licenciement pour cessation protégés. Le risque existe également pour un même sala-
d’activité de la société employeur. Elle calquait ainsi son rai- rié protégé, dans l’hypothèse où le juge judiciaire resterait
sonnement sur celui de la Cour de cassation. compétent pour examiner la question du coemploi, même
La recherche d’un véritable employeur, en présence d’une autorisation administrative de licencie-
pas celle d’un coemployeur ment.
Le Conseil d’État annule les neuf arrêts de la cour adminis- REMARQUE : la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que, si
trative d’appel. Il commence par rappeler le principe du l’inspecteur du travail ne s’est pas prononcé sur l’existence
caractère autonome de la cessation d’activité, à condition d’un coemploi, le juge judiciaire est compétent sur ce point
qu’elle soit totale et définitive, comme motif de licencie- (◆ Cass. soc., 30 sept. 2015, no 13-27.872). La notion de
« coemploi » étant désormais jugée inopérante pour l’adminis-
ment économique, mais l’assortit de deux exceptions. Le tration, le juge judiciaire pourra-t-il encore l’examiner, y compris
licenciement doit être refusé : si celle-ci a déjà contrôlé l’existence d’un « véritable
employeur » ? La coexistence de deux notions proches, mais
– s’il apparaît que le contrat de travail doit être regardé distinctes, pour appréhender la même problématique des rap-
comme transféré à un nouvel employeur. Ce principe avait ports de domination économique entre sociétés d’un groupe
déjà été posé (voir ci-dessus) ; présente l’inconvénient de ne pas régler immédiatement l’appli-
cation du principe de séparation des pouvoirs.
– s’il est établi qu’une autre entreprise est, en réalité, le
véritable employeur du salarié. ◆CE, 28 avr. 2023, no 453087
Fanny DOUMAYROU
Au regard de cette deuxième exception, la cour administra-
tive d’appel a commis une erreur de droit en retenant  Études « Représentants du personnel (Protection) »
et « Licenciement économique : procédures »

Juin 2023
44 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

❚ Le salarié protégé inapte qui fait obstacle l’impossibilité de s’acquitter loyalement de son obligation
de reclassement. En effet, selon le Conseil d’État, dans de
au reclassement peut être licencié pour faute
telles circonstances particulières, l’employeur aurait légale-
Lorsqu’un salarié protégé est déclaré inapte ment pu envisager un licenciement pour un autre motif
à son poste par le médecin du travail, que l’inaptitude – ici, un motif disciplinaire, tenant à la
l’inspecteur du travail ne peut pas, déloyauté de la salariée.
en principe, autoriser son licenciement
pour un motif autre que l’inaptitude. La Cour de cassation retient, elle aussi, quelques excep-
Toutefois, par exception, le licenciement peut tions au principe lorsque la recherche d’une solution de
être prononcé pour un autre motif lorsque reclassement est vouée à l’échec. Ainsi, le salarié déclaré
la recherche de reclassement est vouée inapte peut être licencié pour motif économique lorsque
à l’échec, notamment quand le salarié l’entreprise est en cessation totale d’activité et n’appartient
y fait obstacle. pas à un groupe (◆ Cass. soc., 4 oct. 2017, no 16-16.441
◆ Cass. soc., 15 sept. 2021, no 19-25.613 ◆ Cass. soc.,
Le salarié protégé déclaré inapte à son emploi par le méde- 26 oct. 2022, no 20-17.501). Le licenciement disciplinaire a
cin du travail peut-il être licencié, avec l’autorisation de l’ins- été admis dans un cas où, après avoir refusé un poste de
pecteur du travail, pour un autre motif que l’inaptitude reclassement, le salarié s’est délibérément soustrait aux
physique ? C’est à cette question, inédite, que répond le nouvelles convocations devant le médecin du travail en vue
Conseil d’État dans un arrêt qui sera mentionné aux tables de la recherche d’autres possibilités de reclassement et a
du recueil Lebon. sciemment fait obstacle à la recherche d’un poste appro-
prié à ses capacités (◆ Cass. soc., 22 juin 2011, no 10-
Pas de licenciement du salarié inapte 30.415).
pour un autre motif que l’inaptitude…
Dans cette affaire, la salariée protégée est déclarée inapte Le juge administratif et le juge judiciaire partagent donc la
par le médecin du travail en 2016. Elle refuse son reclasse- même analyse : le salarié (protégé ou non) déclaré inapte
ment et est licenciée mais, faute d’autorisation administra- ne peut pas être licencié pour un autre motif que l’inapti-
tive, ce licenciement est annulé. Le juge judiciaire ayant tude, sauf exceptions, notamment quand le salarié fait obs-
ordonné sa réintégration en 2018, l’employeur la convoque tacle à la recherche de reclassement. Il appartiendra en
à un entretien afin de mettre en œuvre la procédure de l’espèce à la cour administrative d’appel de renvoi de sta-
reclassement. Mais la salariée, qui exerce un autre emploi tuer sur le cas de cette salariée.
à plein temps, refuse de s’y rendre. L’employeur engage ◆CE, 12 avr. 2023, no 458974
alors une nouvelle procédure de licenciement, en invo- Laurence MECHIN
quant un motif disciplinaire. Le licenciement est autorisé  Études « Représentants du personnel (Protection) »
par l’inspecteur du travail, régulièrement saisi. La et « Inaptitude au travail »
salariée conteste cette autorisation devant le juge adminis-
tratif.
La cour administrative d’appel donne raison à la salariée :
elle considère que les dispositions des articles L. 1226-2-1
et L. 1226-12 du code du travail font obstacle à ce que le
licenciement du salarié déclaré inapte soit fondé sur un
autre motif que l’inaptitude. Ces textes disposent en effet
Retraite
que le contrat de travail du salarié déclaré inapte ne peut
être rompu qu’en cas d’impossibilité de reclassement ou
et prévoyance
de dispense expresse de reclassement par le médecin du
travail.
Le Conseil d’État, saisi du litige, approuve le socle du rai-
sonnement de la cour administrative d’appel : en principe,
❚ Réforme des retraites : vue d’ensemble
l’inspecteur du travail ne peut pas, postérieurement à l’avis des impacts de la loi du 14 avril 2023
d’inaptitude du médecin du travail, autoriser le licenciement sur les fins de carrière
pour un motif autre que l’inaptitude. La loi no 2023-270 du 14 avril 2023, outre
le recul de l’âge de départ à la retraite,
REMARQUE : ce raisonnement rejoint celui que le juge
judiciaire applique aux salariés non protégés. Selon la Cour de comporte plusieurs mesures impactant
cassation, en effet, l’employeur ne peut pas licencier un salarié la gestion des fins de carrière touchant
déclaré inapte pour un motif autre que l’inaptitude (notamment la retraite progressive, le cumul emploi-
disciplinaire), même si la procédure de licenciement pour une retraite, le régime social des indemnités
autre cause a été engagée avant la déclaration d’inaptitude
(◆ Cass. soc., 20 déc. 2017, no 16-14.983 ◆ Cass. soc., 8 févr. de rupture, l’instauration d’un dispositif
2023, no 21-16.258 ◆ Cass. soc., 13 avr. 2023, no 21-10.897). de reconversion professionnelle
En effet, le régime de l’inaptitude emporte des garanties pour les salariés exposés aux facteurs
d’ordre public prévues par le code du travail au bénéfice du de risque.
salarié : la recherche d’un emploi de reclassement et, à défaut
de reclassement ou de licenciement dans le délai d’un mois, la La loi de financement rectificative de la sécurité sociale
reprise du versement du salaire. pour 2023 (LFRSS) portant sur la réforme du système de
… sauf si la recherche de reclassement retraite, loi no 2023-270 du 14 avril 2023, a été publiée au
ne peut pas aboutir Journal officiel du 15 avril.
S’il approuve le principe retenu par la cour administrative 31 textes d’application (27 décrets et 4 arrêtés) sont atten-
d’appel, le Conseil d’État censure néanmoins sa décision : dus d’ici la fin de l’été 2023 ; seuls 2 ont été publiés à cette
il lui reproche de ne pas avoir recherché si, en refusant de date. L’un concerne le secteur public (◆ D. n° 2023-435,
se rendre aux convocations que lui avait adressées 3 juin 2023) ; l'autre concerne les modalités de report pro-
l’employeur, la salariée n’avait pas mis ce dernier dans gressif de l’âge de la retraite et les conditions de départ
anticipé (◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023).

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 45
A retenir

Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, la liste des 1er septembre 2023 ; d’autres sont applicables depuis le
mesures qui ont un impact pour les salariés et les 16 avril 2023, lendemain de la publication de la loi au Jour-
employeurs du secteur privé dans la gestion des fins de nal officiel. Ces mesures sont développées dans différents
carrière. La plupart d’entre elles entreront en vigueur le articles de ce bulletin.
REMARQUE: certains articles de la loi no 2023-270 du 14 avril 2023 ne sont pas développés dans ce bulletin : il s’agit des articles de la loi
concernant les régimes spéciaux et le secteur public ainsi que les mesures n’ayant pas d’impact direct sur les salariés et les entreprises.

L. n° 2023-270, 14 avr. 2023 :


articles codifiés modifiés Contenu de la mesure Date d’entrée en vigueur

Régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle et de l’indemnité de mise à la retraite


– article 4, I, 2o et 4o et 4, II – Modifications apportées au régime social de – Indemnités versées à l’occasion des ruptures
◆ CSS, art. L. 137-12 mod., L. 137-15 mod. et l’indemnité de mise à la retraite (à partir de de contrat de travail intervenant à compter du
L. 242-1 mod. 67 ans) : remplacement de la contribution ac- 1er septembre 2023 (art. 4, II)
tuelle de 50 % sur la totalité de l’indemnité – Entrée en vigueur non subordonnée à un dé-
par une contribution patronale spécifique de cret
30 % sur la fraction d’indemnité exonérée de
cotisation
– Modifications apportées au régime social de
l’indemnité de rupture conventionnelle indivi-
duelle
• lorsque l’âge du salarié n’ouvre pas droit à
une pension de vieillesse : exonération de
cotisations et de CSG/CRDS (plafonnée)
• lorsque l’âge du salarié ouvre droit à une
pension de vieillesse : remplacement du for-
fait social au taux de 20 % actuel par une
contribution patronale spécifique de 30 % sur
la fraction d’indemnité exonérée de cotisa-
tion
– Voir page 10
Age légal de départ à la retraite, nombre de trimestres requis, validation et rachat de trimestres
– article 10, I, 2o – Relèvement progressif de l'âge légal de dé- – Pensions de vieillesse prenant effet à comp-
◆ CSS, art. L. 161-17-2 mod. part à la retraite de 62 à 64 ans à compter du ter du 1er septembre 2023 (pour les généra-
◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023 1er septembre 2023 tions nées après le 31 août 1961)
– Voir page 48 – Mesure transitoire : possibilité pour les per-
sonnes qui ont demandé leur retraite et dont le
versement est prévu après le 31 août 2023
d’annuler cette demande (art. 10, XXVI)
– article 10, I, 3o – Accélération du calendrier prévu par la ré- – Pensions de retraite prenant effet à compter
◆ CSS, art. L. 161-17-3 mod. forme dite « Touraine » : passage accéléré à du 1er septembre 2023 (pour les générations
◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023 l’exigence d’avoir 172 trimestres (43 annuités) nées après le 31 août 1961)
pour obtenir une pension à taux plein (50 %) – Mesure transitoire : possibilité pour les per-
– Voir page 48 sonnes qui ont demandé leur retraite et dont le
versement est prévu après le 31 août 2023
d’annuler cette demande (art. 10, XXVI)
– article 10, I, 5o – Maintien à 67 ans de l’âge ouvrant droit, de Au 1er septembre 2023
◆ CSS, art. L. 351-8,1o mod. manière systématique, à une pension de re-
◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023 traite à taux plein (50 %), sans décote même si
le nombre de trimestres requis n’est pas atteint
– Réécriture de l’article L. 351-8 pour assurer ce
maintien (remplacement de la référence à l’âge
légal augmenté de 5 ans par la référence au fu-
tur âge légal de 64 ans augmenté de 3 ans).
– Voir page 48
– articles 10, I, 6o et 17, I, 3o – Prise en compte de nouvelles périodes d’acti- Au 1er septembre 2023
◆ CSS, art. L. 351-14-1, I mod. et 351-6-1 mod. vité non salariée en tant que trimestres
◆ D. n° 2023-435, 3 juin 2023 cotisés : périodes de sport de haut niveau
◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023 (◆ C. sport, art. L. 221-2)
– Valorisation des trimestres de retraite acquis
dans le cadre du C2P dans le calcul de la pen-
sion de retraite
– Voir page 49
– article 10, I, 7° et 8o et 10, XXV – Rachat de trimestres au titre des périodes – Au 1er septembre 2023
◆ CSS, art. L. 351-14-1, II mod. d’études supérieures : la demande de rachat – Nécessité d’un décret fixant l’âge
◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023 pourra se faire jusqu’à l’âge de 30 ans (ou plus
selon l’âge fixé par décret) et non plus jusqu’au
terme de 10 années à compter de la fin des
études (art. 10, I, 7o)
– Rachat de trimestres au titre des périodes de
stage : la demande de rachat pourra se faire
jusqu’à l’âge de 25 ans (ou plus selon l’âge fixé
par décret) et non plus dans un délai de 2 ans
(art. 10, I, 8o)
– Remboursement possible des rachats de tri-
mestres effectués par les personnes nées à
compter du 1er septembre 1961, dans un délai
de 2 ans à compter du 16 avril 2023, soit
jusqu’au 16 avril 2023 (art. 10, XXV).
– Voir page 50

Juin 2023
46 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

Les dispositifs de retraite anticipée


– article 11, I, 5o, 6, 8o, 9o, 11, VII et 17, I, 2o – Nouvelles conditions, pour bénéficier des dif- – Pensions de retraite prenant effet à compter
◆ CSS, art. L. 161-17-3 mod., L. 161-21-1 mod., férents cas de retraite anticipée (carrières lon- du 1er septembre 2023
L. 351-1-1 mod., L. 351-1-1- A nouv. et L. 351-8, gues, handicap, incapacité permanente
1o mod. d’origine professionnelle, inaptitude) : départ à
◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023 la retraite au moins 1 an avant l’âge légal pour
les carrières longues, inaptitude, incapacité
permanente d’un taux minimum et jusqu’à
9 ans avant l’âge légal en cas de handicap.
– prise en compte des périodes du congé de
proche aidant pour valider des trimestres dans
une certaine limite pour certains cas de retraite
anticipée
– Concernant le départ anticipé au titre du
compte professionnel de prévention (C2P) : dé-
part à la retraite au moins 2 ans avant l’âge lé-
gal de droit commun
– Voir page 50
Congé de reconversion professionnelle via le C2P et congé de transition professionnelle via le CPF
pour les salariés exposés aux facteurs de risques
– article 17, III, V – Établissement possible par accords de Entrée en vigueur effective à la date de publica-
◆ C. trav., art. L. 4163-2-1 nouv., L. 4163-5 branche de listes de métiers ou activités expo- tion des décrets d’application
mod., L. 4163-7 mod., L. 4163-8-1 à L. 4163-8-5 sés aux 3 facteurs de risques ergonomiques vi-
mod., L. 6323-17 -1 mod. et L. 6323-17-2 mod. sés par l'article L. 4161, I,1o (port de charges
lourdes, posture pénible, vibration mécanique)
– Instauration de la possibilité d'utiliser le C2P
(compte professionnel de prévention) pour fi-
nancer un projet de reconversion profession-
nelle permettant d'accéder à un métier non
exposé à un risque : financement de la forma-
tion ou autre action prévu par le projet et le cas
échéant, financement de sa rémunération pen-
dant le congé de reconversion. Les points ins-
crits sur le C2P sont convertis en euros et
versés sur le CPF
– Fixation du plafond du nombre de points
pouvant être affectés au projet de reconversion
professionnelle par décret
– Assimilation du congé de reconversion pro-
fessionnelle à du temps de travail effectif pour
les droits liés à l'ancienneté et maintien des
avantages acquis avant le congé (◆ C. trav.,
art. L. 4163-8-5).
– Ouverture du congé de transition profession-
nelle via le CPF pour les salariés exposés à un
risque afin d'accéder à un métier sans risque
– Création d'un fonds pour la prévention de
l'usure professionnelle
– Voir page 8
Cumul emploi-retraite
– article 26, I, 2o à 6o – Acquisition de droits à la retraite en cas de 1er janvier 2023 pour le cumul emploi-retraite
◆ CSS, art. L. 161-22 mod. et L. 161-22-1 mod. cumul emploi-retraite intégral, sans incidence plafonné et 1er septembre 2023 autres mesures
◆ C. trav., art. L.1237-7 et L. 1237-9 mod. sur le montant de la pension déjà liquidée mais (art. 26, XII)
permettant une deuxième liquidation plafon- Nécessité d’un décret non encore paru
née
– Limitation à une seule indemnité de départ
ou de mise à la retraite : celle versée lors de la
première liquidation complète
– Possibilité de suspendre les plafonds atta-
chés au cumul emploi-retraite partiel en cas de
crise
– Voir page 52
Retraite progressive
– article 26, I, 7o, 26, V, et 26, XII – Accès à la retraite progressive au moins 1 an – Pour la dispense d’appliquer la durée mini-
◆ CSS, art. L. 161-22-1-5 et s. avant l’âge légal à la retraite : à préciser par dé- male de travail : 16 avril 2023
◆ C. trav., art. L. 3121-60-1, L. 3123-4-1 cret – Pour le reste : demandes effectuées à partir
et L. 3123-7 – Nouveau formalisme : refus possible de l’em- du 1er septembre 2023
ployeur uniquement si incompatibilité du – Mesure transitoire : pour les retraites progres-
temps partiel demandé avec l’activité écono- sives en cours d’exécution au 1er septembre
mique de l’entreprise et nécessité pour l’em- 2023, maintien du régime de la retraite progres-
ployeur de motiver le refus par écrit dans les sive antérieure mais liquidation de la retraite to-
2 mois. A défaut, la demande est acceptée tale possible que si les nouvelles conditions
– Information du salarié sur une simulation de d’âge et de nombre de trimestres sont réunies
la liquidation partielle de leur retraite – Nécessité d’un décret non encore paru
– Possibilité pour le salarié de ne pas appliquer
la durée minimale de temps partiel prévu par le
code du travail (24 heures par semaine ou du-
rée conventionnelle)
– Voir page 51

◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023 : JO, 15 avr.


Nathalie LEBRETON
 Études « Retraite de base », « Retraite et activité professionnelle », « Retraite anticipée » et « Indemnités de rupture : régimes fiscal et social »

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 47
A retenir

❚ Report de l’âge légal de départ Ils s’appliquent aux pensions prenant effet à compter du
1er septembre 2023.
et augmentation accélérée de la durée
de cotisation
Le relèvement progressif de l’âge légal Relèvement progressif de l’âge de départ
de départ et l’accélération du calendrier (art. 10, I, 2o)
Touraine entreront en vigueur dès septembre Le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 a précisé les nou-
prochain. Retour sur ces deux mesures. velles modalités de l’âge d’ouverture du droit à une pen-
Ce sont les deux points centraux de la réforme des sion. Actuellement fixé à 62 ans, il augmentera progres-
retraites issus de l’article 10 de la loi n° 2023-270 du sivement dès le 1er septembre 2023 pour atteindre 64
14 avril 2023 : un recul de l’âge légal de départ de 62 à ans en 2030 pour les assurés nés à compter du
64 ans et une augmentation de la durée de cotisation 1er janvier 1968. Pour ceux nés entre le 1er septembre
requise pour le taux plein plus rapide que prévue. 1961 et 1967, l’augmentation de l’âge légal sera progres-
sive, à raison de 3 mois par génération (◆ CSS, art. L.
REMARQUE : si les auteurs des saisines du Conseil constitutionnel 161-17-2 mod. ; v. tableau ci-après).
estimaient que l’article 10 de la LFRSS contenant ces mesures
portait atteinte au onzième alinéa du Préambule de la Constitu- Le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 a repris, dans les
tion de 1946, tel n’a pas été l’avis des Sages qui ont validé cet grandes lignes, les précisions annoncées le 10 janvier par
article le 14 avril (voir l’article publié le 17 avril sur la veille per- Elisabeth Borne.
manente du Dictionnaire permanent Social).
EXEMPLE : l’âge légal de départ sera de 63 ans et 3 mois à la fin
du quinquennat en 2027 pour les assurés nés en 1965.

Accélération du calendrier Touraine : une durée de cotisation de 43 ans dès 2027 (art. 10, I, 3o)
Au report de l’âge légal de départ s’ajoute une accélération du calendrier prévu par la loi no 2014-40 du 20 janvier 2014 (dite « loi
Touraine »), c’est-à-dire une mise en œuvre plus rapide de l’augmentation de la durée d’assurance requise pour percevoir une
pension de retraite à taux plein. La cible de 43 annuités (172 trimestres) demeure inchangée mais sera atteinte dès 2027 au lieu
de 2035, à raison d’un trimestre supplémentaire par an au lieu d’un trimestre tous les 3 ans (◆ CSS, art. L. 161-17-3 mod.
◆ D. n° 2023-456, 3 juin 2023).

Age légal après réforme Durée d’assurance Durée d’assurance


Année de naissance
(hors départs anticipés) requise avant réforme requise après réforme
1960 62 ans 167 trimestres 167 trimestres
1er janvier - 31 août 1961 62 ans 168 trimestres 168 trimestres
1er septembre - 31 décembre 1961 62 ans et 3 mois 168 trimestres 169 trimestres
1962 62 ans et 6 mois 168 trimestres 169 trimestres
1963 62 ans et 9 mois 168 trimestres 170 trimestres
1964 63 ans 169 trimestres 171 trimestres
1965 63 ans et 3 mois 169 trimestres 172 trimestres
1966 63 ans et 6 mois 169 trimestres 172 trimestres
1967 63 ans et 9 mois 170 trimestres 172 trimestres
1968 64 ans 170 trimestres 172 trimestres
1969 64 ans 170 trimestres 172 trimestres
1970 64 ans 171 trimestres 172 trimestres
1971 64 ans 171 trimestres 172 trimestres
1972 64 ans 171 trimestres 172 trimestres
1973 et après 64 ans 172 trimestres 172 trimestres

Age de la décote maintenu à 67 ans (art. 10, I, 5o) aux organismes de sécurité sociale entre le 5 juin et le
Malgré le report de l’âge légal de départ, l’âge d’annulation 31 octobre 2023 inclus.
de la décote sera maintenu à 67 ans (◆ CSS, art. L. 351-8,
REMARQUE : lors des débats sur la réforme, il a été question du fait
1o mod.). Concrètement, même si elles n’ont pas atteint la qu’une augmentation de l’âge légal de départ risquerait de faire
durée de cotisation requise, les personnes partant à la chuter le nombre de bénévoles, le bénévolat étant souvent fait
retraite à 67 ans bénéficieront toujours automatiquement par de jeunes retraités. Pour évaluer ce phénomène, la loi
d’une pension à taux plein. n° 2023-270 du 14 avril 2023 introduit une disposition selon
laquelle, dans un délai d’un an à compter de la promulgation, le
Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les consé-
Quid des assurés ayant demandé leur pension quences de l’article 10 sur l’engagement de la population au
avant le 1er septembre ? (art. 10, XXVI) sein d’activités bénévoles, qui étudiera en particulier les
Les assurés ayant demandé leur pension avant l’entrée en moyens de valoriser cet engagement bénévole dans les moda-
lités de calcul de la pension de retraite (art. 10, XXXI).
vigueur des mesures précitées, à savoir le 1er septembre
2023, mais qui devaient entrer en jouissance de leur pen- ◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023, art. 10 : JO, 15 avr.
sion après le 31 août 2023 pourront bénéficier, sur leur ◆D. n° 2023-435, 3 juin 2023 : JO, 4 juin
demande, d’une annulation de leur pension ou de leur ◆D. n° 2023-436, 3 juin 2023 : JO, 4 juin
demande de pension. Cette demande devra être adressée
Elise DRUTINUS
 Études « Départ en retraite » et « Retraite de base »

Juin 2023
48 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

❚ Changements apportés aux validations A compter du 1er septembre 2023, cette limite est relevée
à 32 trimestres (◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023).
et rachats de trimestres
La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 apporte Changements apportés au rachat de trimestres
quelques changements sur les périodes
permettant la validation de trimestres Sportifs de haut niveau
et élargit les possibilités de rachat Les sportifs de haut niveau (tels que définis ci-dessus)
de trimestres. auront la possibilité de racheter des trimestres (◆ CSS,
art. L. 351-14-1, I mod. par L. no 2023-470, 14 avr. 2023,
Nouvelles périodes permettant la validation art. 10, I, 6o et XXX). Les conditions de ce rachat ont été
de trimestres précisées par un décret n° 2023-436 du 3 juin 2023.
Périodes de stage de la formation professionnelle Études supérieures
Jusqu’à maintenant, certains stages de la formation profes- Les assurés peuvent procéder au rachat de cotisations
sionnelle indemnisés par l’État sur la base d’une assiette dans le cadre du dispositif des versements pour la retraite
forfaitaire réduite ne permettaient pas la validation de tri- (VPLR) au titre des périodes d’études supérieures, mis en
mestres d’assurance au titre de la retraite. place depuis le 1er janvier 2004. Dans le cadre de ce dispo-
Pour les pensions de retraite liquidées à compter du sitif, la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la jus-
1er septembre 2023, pourront être validées les périodes de tice du système de retraites a prévu de faire bénéficier les
stage suivantes (◆ CSS, art. L. 351-3 mod. par L. no 2023- jeunes actifs d’un tarif réduit s’ils en font la demande dans
270, 14 avr. 2023, art. 23, I) : les 10 ans suivant la fin de leurs études (◆ CSS, art. L. 351-
– les périodes de stage dont les cotisations sociales ont été 14-1).
prises en charge par l’État et ayant pour finalité l’insertion Cette demande de rachat de trimestres pour études supé-
dans l’emploi par la pratique d’une activité professionnelle rieures est possible, à compter du 1er septembre 2023,
définie par décret en Conseil d’État ; jusqu’à l’âge de 30 ans ; elle ne devra plus être effectuée
– les périodes de stage réalisées par des jeunes de 18 à dans les 10 ans de la fin des études (◆ CSS, art. L. 351-14-
26 ans dans le cadre de l’article 3 de la loi n° 79-575 du 1, II mod. par L. no 2023-470, 14 avr. 2023, art. 10, I, 7o et
10 juillet 1979 portant diverses mesures en faveur de ◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023).
l’emploi ;
Stages dans le cadre des études
– les périodes d’initiation à la vie professionnelle suivies par
des jeunes de 16 à 25 ans (◆ C. trav. anc., art. L. 980-9). Les étudiants peuvent demander le rachat de périodes de
stage en entreprise, dans la limite de 2 trimestres. L’assuré
Le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 précise que 50 jours pourra présenter une telle demande jusqu’à l’âge de
de stages de formation professionnelle dans ces dispositifs 25 ans, qui ne pourra être inférieur à 25 ans (◆ CSS,
sont nécessaires pour ouvrir droit à la validation d’une art. L 351-17, 1o mod. ◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023).
période assimilée. Il précise que sont concernés les tra- Avant le 1er septembre, la demande devait intervenir 2 ans
vaux d’utilité collective (TUC), les stages en entreprise du au maximum après le stage.
plan Barre (1977-1988), les stages « jeunes volontaires »
(1982-1987) et les programmes d’insertion locale (1987- Remboursement des rachats de cotisation
1990).
Pour les assurés nés à compter du 1er septembre 1961 qui
Périodes validées au titre de l’assurance vieillesse auraient, pour compléter leur durée d’assurance, versé des
des aidants cotisations au titre d’un rachat de trimestres avant le
15 avril 2023 (publication de la loi), la loi prévoit une possi-
Les trimestres d’assurance acquis au titre de l’assurance bilité de remboursement, à la condition que l’assuré n’ait
vieillesse des aidants (comme pour l’assurance volontaire fait valoir aucun droit à pension au titre des régimes de
des parents au foyer) seront pris en compte dans le calcul base et complémentaires légalement obligatoires.
de la durée d’assurance requise pour accéder au dispositif
de retraite anticipée pour carrière longue. En revanche, ces La demande de remboursement devra être présentée
trimestres ne sont pas pris en compte pour les autres dis- avant le 14 avril 2025 (délai de 2 ans à compter de la pro-
positifs de retraite (◆ CSS, art. L. 351-1-1 mod. par mulgation de la loi). Le montant des cotisations à rembour-
L. no 2023-470, 14 avr. 2023, art. 11, I, 6o b). ser sera calculé en faisant application des coefficients
annuels de revalorisation (◆ L. no 2023-470, 14 avr. 2023,
Le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 précise que la limite art. 10, XXV).
du nombre de trimestres retenus est de 4.
◆CSS, art. L. 351-14-I, L. 351-17 mod. par L. n° 2023-470,
Périodes en tant que sportif de haut niveau 14 avr. 2023, art. 10 : JO, 15 avr.
Jusqu’à maintenant, les périodes pendant lesquelles un ◆CSS, art. L. 351-3 mod. par L. n° 2023-270, 14 avr.
sportif est inscrit sur la liste des sportifs de haut niveau, 2023, art. 23, I, 1o et II : JO, 15 avr.
mentionnée à l’article L 221-2 du code du sport, sont assi- ◆D. n° 2023-435, 3 juin 2023 : JO, 4 juin
milées à des périodes d’assurance vieillesse, dans la limite ◆D. n° 2023-436, 3 juin 2023 : JO, 4 juin
de 16 trimestres (◆ CSS, art. L. 351-3, 7o et R. 351-12, 9o
La rédaction sociale
mod. par L. no 2023-470, 14 avr. 2023, art. 10, I, 6o).
 Études « Retraite de base » et « Stage en entreprise »

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 49
A retenir

❚ Retraite anticipée pour les salariés Pour ceux nés entre le 1er septembre 1963 et le
31 décembre 1968, le départ anticipé sera possible 2 ans
en situation particulière : les changements
et 6 mois avant leur âge légal de départ, soit à partir de :
Comme aujourd’hui, plusieurs catégories
de personnes continueront de pouvoir – 60 ans et 3 mois pour les générations nées entre le
bénéficier de départs anticipés à la retraite 1er septembre 1963 au 31 décembre 1963 ;
après le 1er septembre 2023 : jusqu’à 9 ans – 60 ans et 6 mois pour les générations nées en 1964 ;
avant l’âge légal pour les travailleurs – 60 ans et 9 mois, pour les générations nées en 1965 ;
handicapés, 6 ans pour les bénéficiaires
– 61 ans, pour les générations nées en 1966 ;
d’une carrière longue ou encore 2 ans
pour les invalides/inaptes. Présentation – 61 ans et 3 mois, pour les générations nées en 1967 ;
des mesures. – 61 ans et 6 mois, pour les générations nées en 1968 ;
Pour « limiter les effets sur les publics les plus affectés par – 61 ans et 9 mois, pour les assurés nés en 1969.
la réforme », la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 préserve
les dispositifs existants de départs anticipés. Elle regroupe REMARQUE : aucune montée en charge progressive de l’âge de
départ anticipé n’est en revanche prévue pour les bénéficiaires
désormais dans une disposition générique (art. 11) les d’une carrière longue au titre de la nouvelle borne d’âge de
modalités d’abaissement de l’âge de départ pour les béné- 21 ans. De fait, au 1er septembre 2023, les concernés verront
ficiaires d’une carrière longue, les assurés en situation de leur âge de départ anticipé fixé à 63 ans, ce qui est supérieur à
handicap, reconnus inaptes au travail ou justifiant d’une l’âge légal de départ « de droit commun », qui sera alors de
62 ans et 3 mois. Concrètement, ce nouveau dispositif ne
incapacité permanente, et ceux utilisant leur compte pro- devrait donc pas être mobilisé avant la génération née en 1965
fessionnel de prévention ou recourant à la retraite progres- puisqu’avant cela, il serait désavantageux.
sive (◆ CSS, art. L. 351-1-1, A nouv.). Certains dispositifs,
et notamment celui des carrières longues, ont toutefois été
profondément remaniés. Le décret n° 2023-436 du 3 juin Une clause de sauvegarde pour les assurés
2023 précise de nombreux points mais les nouveautés devenus inéligibles du fait de la réforme
seront applicables aux pensions prenant effet à compter du L’article 8 du décret n° 2023-436 introduit une clause de
1er septembre 2023 (art. 11, VII, B). sauvegarde au bénéfice des assurés éligibles au dispositif
Quatre bornes d’âge de départ pour les carrières de départ anticipé « carrières longues » avant le
longues (art. 11, I, 5o et 6o)... 1er septembre 2023, mais qui ne le seraient plus après
cette date du fait du relèvement de la durée d’assurance
Principe requise pour leur génération. Ainsi, les assurés nés entre le
Pour l’heure, les assurés qui réunissent, avant la fin de 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 qui rem-
l’année civile de leurs 16 ans, au moins 4 ou 5 trimestres plissent cette condition peuvent demander à se voir appli-
d’assurance selon leur trimestre de naissance peuvent quer, pour une pension prenant effet à partir du
liquider une pension de retraite à taux plein à partir de 1er septembre 2023, les dispositions relatives aux carrières
58 ans s’ils justifient de la durée d’assurance requise pour longues dans leurs rédactions antérieures à l’entrée en
obtenir le taux plein majoré de 8 trimestres. Ceux ayant vigueur de la réforme.
validé 4 ou 5 trimestres avant leurs 20 ans peuvent partir à Par exemple, une personne née en 1963, ayant cotisé
partir de 60 ans s’ils justifient de la durée minimale d’assu- 5 trimestres avant 20 ans, pourra bien partir en retraite anti-
rance cotisée nécessaire au taux plein (◆ CSS art. L. 351-1- cipée après le 1er septembre 2023 avec seulement
1, D. 351-1-1 et D. 351-1-3). 168 trimestres cotisés (normalement 170 avec la réforme),
A compter du 1er septembre 2023, les deux conditions dès lors que ces trimestres étaient déjà acquis avant cette
seront : justifier de la durée d’assurance requise pour le date.
taux plein, et avoir atteint l’une des 4 bornes d’âge fixées Un départ anticipé dès 55 ans toujours possible
par le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023 (◆ CSS, pour les travailleurs en situation de handicap
art. L. 351-1-1 mod.). (art. 11, I, 2o, 5o et 8o)…
Cette durée est à terme de 43 annuités et l’âge de départ Selon la législation toujours en vigueur, les assurés handi-
pour carrière longue est abaissé à : capés ayant accompli, alors qu’ils étaient atteints d’une
– 58 ans pour un début d’activité avant 16 ans ; incapacité permanente d’au moins 50 %, une certaine
durée d’assurance dont tout ou partie a donné lieu à coti-
– 60 ans pour un début d’activité avant 18 ans ;
sations peuvent partir à la retraite à taux plein à partir de
– 62 ans pour un début d’activité avant 20 ans ; 55 ans (◆ CSS, art. L. 351-1-3, D. 351-1-5, D. 351-1-6 et
– 63 ans pour un début d’activité avant 21 ans. D. 821-1).
A compter du 1er septembre prochain, leur âge minimal de
REMARQUE : la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 a introduit égale-
ment le fait que les trimestres acquis au titre de l’assurance départ reste fixé à 55 ans. Parallèlement, la double condi-
vieillesse du parent au foyer ou de la nouvelle assurance vieil- tion de trimestres cotisés et validés en situation de handi-
lesse des aidants, à savoir 4 trimestres, sont pris en compte, cap est supprimée, seule la condition de trimestres cotisés
dans une limite fixée par le décret n° 2023-436 du 3 juin 2023, étant conservée (◆ CSS, art. L. 351-1-3 mod.).
pour le bénéfice du dispositif de carrière longue.
Cette durée d’assurance cotisée nécessaire correspond à
Une dérogation pour certains assurés nés de 1961 à 1963 la durée de cotisation de droit commun diminuée d’un cer-
Une exception importante est introduite par le décret tain nombre de trimestres, et dépend donc de l’année de
n° 2023-346 du 3 juin qui concerne les assurés ayant naissance des travailleurs concernés. Pour ceux nés à par-
commencé à travailler avant 20 ans. Par dérogation, pour tir de 1973, elle ne change pas avec la nouvelle réforme
ceux nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 août 1963 des retraites. En revanche, pour les générations d’avant, le
inclus, l’âge de départ anticipé demeurera fixé à 60 ans décret n° 2023-436 augmente le nombre de trimestres à
malgré le report progressif de l’âge légal de départ de 62 à déduire de la durée de cotisation de droit commun pour
64 ans.

Juin 2023
50 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

neutraliser les effets de l’accélération du calendrier Tou- Quant au décret n° 2023-435 du 3 juin 2023, il introduit le
raine. fait que :
Autre nouveauté : le taux d’incapacité nécessaire pour sai- – la condition d’identité des lésions avec les lésions indem-
sir la commission ad hoc permettant de valider rétroactive- nisées au titre des maladies professionnelles pour les assu-
ment au moment du départ à la retraite des trimestres en rés ayant une IP consécutive à un accident du travail des
situation de handicap est abaissé de 80 % à 50 % (◆ CSS, taux compris entre 10 % et 19 % est supprimée ;
art. L. 161-21-1 mod. ◆ D. n° 2023-436, 3 juin 2023). – l’avis de la commission pluridisciplinaire n’est pas requis
… et dès 62 ans pour ceux reconnus inaptes au travail lorsque l’IP est consécutive aune maladie professionnelle
(art. 11, I, 5o et 9o) liée à une exposition à l’un des facteurs de risques sortis
du compte professionnel de prévention en 2017.
L’assuré reconnu inapte, c’est-à-dire qui « n’est pas en
mesure de poursuivre l’exercice de son emploi sans nuire REMARQUE : la loi prévoit également la délivrance aux victimes titu-
gravement à sa santé et qui se trouve définitivement atteint laires d’une rente pour incapacité permanente, avant un âge
d’une incapacité de travail médicalement constatée, compte déterminé par décret (à paraître), d’une information sur l’exis-
tence de la retraite anticipée pour carrière pénible (art. 17, I,
tenu de ses aptitudes physiques et mentales à l’exercice 4o ◆ CSS, art. L. 434-2 mod.).
d’une activité professionnelle » (◆ CSS, art. L. 351-7), ne
◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023, art. 11 et 17 : JO, 15 avr.
pouvait jusqu’à présent pas partir à la retraite avant l’âge
légal de 62 ans. Cependant, par dérogation, il pouvait liquider ◆D. n° 2023-435, 3 juin 2023 : JO, 4 juin
sa pension à 62 ans à taux plein, quel que soit son nombre ◆D. n° 2023-436, 3 juin 2023 : JO, 4 juin
de trimestres cotisés (◆ CSS, art. L. 351-8, 2o). Elise DRUTINUS
Avec la réforme et le report de l’âge légal de départ, l’inap-  Étude « Départ en retraite »
titude devient un nouveau motif de départ anticipé puisque
les assurés inaptes au travail pourront continuer de liquider
leur pension de retraite à taux plein à 62 ans (◆ CSS,
art. L. 351-1-1, A nouv. et L. 351-1-5 nouv. ◆ D. n° 2023- ❚ Un accès facilité à la retraite progressive
436, 3 juin 2023). Du fait du relèvement de l’âge légal de départ,
l’accès à la retraite progressive devrait être
REMARQUE : ce départ à 62 ans à taux plein concerne également
les personnes invalides puisque « la pension d’invalidité prend
plus tardif. Cependant, la loi n° 2023-270
fin à l’âge prévu à l’article L. 351-1-5. Elle est remplacée à partir du 14 avril 2023 favorise le recours
de cet âge par la pension de vieillesse allouée en cas d’inapti- au dispositif : extension à l’ensemble
tude au travail » (art. 11, I, 3o ◆ CSS, art. L. 341-15 mod.). des régimes de base et à tous les salariés,
Deux âges distincts pour les départs anticipés encadrement des possibilités de refus
pour incapacité permanente (art. 17, I, 2o) de l’employeur,…
Pour rappel, les personnes atteintes d’une incapacité per- C’était une priorité de la réforme des retraites : faire aug-
manente d’au moins 20 % suite à un accident de travail ou menter le taux d’emploi des seniors (56 % des 55-64 ans
une maladie professionnelle peuvent actuellement, sous en 2021) en facilitant les transitions entre l’activité et la
certaines conditions, partir à la retraite à 60 ans à taux plein retraite. Dans ce but, outre le CDI et l’index seniors, qui ont
(◆ CSS, art. L. 351-1-4, D. 351-1-8 et D. 351-1-9). Les assu- été censurés par le Conseil constitutionnel, la loi n° 2023-
rés justifiant d’un taux d’incapacité permanente inférieur à 270 du 14 avril 2023 assouplit les modalités de recours à la
20 % mais au moins égal à 10 % peuvent partir au même retraite progressive, qui permet aux assurés en fin de car-
âge, mais avec des conditions additionnelles, notamment rière de percevoir partiellement une retraite tout en conti-
une exposition à un ou plusieurs risques professionnels nuant leur activité professionnelle avec une durée de travail
pendant au moins 17 ans (◆ CSS, art. L. 351-1-4 et D. 351- réduite. Une mesure nécessaire puisque, selon les der-
1-10). niers chiffres de la Cnav, au 31 décembre 2022 seuls
24 237 retraités étaient bénéficiaires d’une retraite progres-
La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 vient expressément
sive, « soit une proportion de retraités de droit direct très
entériner l’âge de 60 ans dans le premier cas, en le renfor-
faible (0,2 %) ». Présentation des évolutions à venir, appli-
çant même car il est désormais inscrit dans la partie légis-
cables en principe à compter du 1er septembre prochain
lative du code du travail et non plus dans sa partie régle-
(art. 26, XII). Des décrets restent toutefois attendus pour
mentaire. En revanche, lorsque le taux d’incapacité
en préciser certaines.
permanente est compris entre 10 et 19 %, la loi prévoit
désormais que l’âge de départ est abaissé de 2 ans par rap- Recul de l’âge d’accès au dispositif (art. 26, I, 7o)
port à l’âge légal de départ à la retraite : lorsque ce dernier
Actuellement, la retraite progressive peut être demandée à
aura atteint 64 ans, les assurés entrant dans le dispositif de
condition d’avoir atteint l’âge légal de la retraite diminué de
la retraite anticipée pour incapacité permanente pourront
deux années, c’est-à-dire 60 ans, et d’avoir validé au moins
liquider leur pension de retraite à taux plein à partir de
150 trimestres (◆ CSS, art. L. 351-15 et R. 351-39).
62 ans (◆ CSS, art. L. 351-1-4 mod.).
Avec la réforme et selon les annonces du gouvernement,
De son côté, le décret n° 2023-436 du 3 juin vient faciliter l’âge d’accès à la retraite progressive devrait augmenter
l’instruction des dossiers par la commission pluridiscipli- selon le même calendrier que le report progressif de l’âge
naire puisque le fait que l’activité que l’assuré a exercée légal de départ, pour ainsi atteindre 62 ans en 2030. De
pendant 17 ans soit inscrite sur les listes de métiers ou son côté, la durée d’assurance devrait être maintenue à
d’activités particulièrement exposés aux facteurs de 150 trimestres. Ces éléments devront cependant être
risques ergonomiques pourra désormais servir de justifica- confirmés car la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 énonce
tif pour établir le lien entre l’incapacité et l’exposition à des seulement que « le bénéfice d’une retraite progressive est
facteurs de risque (◆ CSS, art. D. 351-1-12 mod.). accordé, à condition d’avoir atteint un âge, inférieur à celui
mentionné à l’article L. 161-17-2, déterminé par décret, et
de justifier d’une durée d’assurance et de périodes recon-

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 51
A retenir

nues équivalentes fixées par décret en Conseil d’État » Cas particulier des personnes déjà bénéficiaires
(◆ CSS, art. L. 161-22-1-5 nouv.). d’une retraite progressive au 1er septembre
(art. 26, XII, 4o)
Extension du champ des bénéficiaires La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 précise que, sauf
(art. 26, I, 7o et XII) exception précitée, les dispositions actuelles « dans leur
En vertu du nouvel article L. 161-22-1-5 du code de la rédaction antérieure à la présente loi, continuent de s’appli-
sécurité sociale, la retraite progressive sera désormais quer aux assurés bénéficiant d’une retraite progressive à la
ouverte à « l’assuré exerçant à titre exclusif une activité date du 1er septembre 2023. Toutefois, la liquidation de la
salariée ou non salariée qui, n’étant pas assujettie à une pension complète ne peut être obtenue que lorsque ces
durée d’activité définie par un employeur, lui procure un assurés remplissent les conditions d’âge et de durée
revenu minimal et donne lieu à diminution des revenus d’assurance prévues aux articles L. 161-17-2 et L. 161-17-3
professionnels ». De fait les assurés des professions libé- du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction résultant
rales et les avocats, jusqu’alors exclus, deviendront éli- de la présente loi ». Concrètement, elles continueront de
gibles au dispositif. De même, en visant les salariés non régir la situation des personnes déjà bénéficiaires d’une
assujettis à une durée d’activité définie par un employeur, retraite progressive mais la liquidation de leur pension com-
la loi semble l’ouvrir aux salariés non rémunérés selon un plète ne pourra être obtenue que lorsqu’elles rempliront les
temps de travail comme par exemple les VRP, les salariés nouvelles conditions d’âge et de durée d’assurance.
rémunérés à la tâche, au rendement, à la pige, etc.
◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023, art. 26 : JO, 15 avr.
Enfin, la retraite progressive pourra bénéficier aux assurés Elise DRUTINUS
titulaires d’une pension d’invalidité. Le code de la sécurité
sociale prévoit une substitution de la pension de retraite à  Étude « Retraite supplémentaire des salariés »
la pension d’invalidité lorsque l’assuré atteint l’âge de

❚ Un cumul emploi-retraite rendu plus attractif


départ en retraite anticipée pour inaptitude, à savoir 62 ans,
ou, s’il exerce une activité professionnelle, lorsqu’il
demande l’attribution de sa pension de retraite (◆ CSS,
Le cumul emploi-retraite, aussi bien intégral
art. L. 341-15 et L. 341-16). La LFRSS précise que ces dis-
que plafonné, évoluera à compter
positions, en cas de retraite progressive, ne font pas obs-
du 1er septembre prochain. Le cumul emploi-
tacle à la substitution de la fraction de pension à la pension
d’invalidité de l’assuré lorsque celui-ci atteint 62 ans retraite intégral ouvrira désormais droit
(◆ CSS, art. L. 161-22-1-9 nouv.). à une seconde pension et,
en cas de circonstances exceptionnelles,
Limitation de la possibilité de refus par l’employeur les plafonds du cumul emploi-retraité
d’une demande de retraite progressive plafonné pourront être suspendus.
(art. 26, V, 3o et 4o)… Selon la Cnav, en 2020, 4,1 % des retraités de droit direct
Lorsqu’un salarié a atteint l’âge requis pour bénéficier de la du régime général cumulaient leur pension avec une acti-
retraite progressive et qu’il demande à travailler à temps vité en tant que salarié, artisan ou commerçant. Et parmi
partiel (ou à temps réduit pour les salariés en forfait-jours), ces pensionnés, 431 101 exerçaient en parallèle en tant
l’accord de l’employeur sera réputé acquis à défaut de que salariés du privé. Pour faire augmenter ce taux, les
réponse écrite et motivée de sa part dans un délai de améliorations du cumul emploi-retraite « sont au cœur de la
2 mois à compter de la réception de la demande. Qui plus stratégie en faveur de l’emploi des seniors », nous dit
est, seule l’incompatibilité de la durée de travail demandée l’étude d’impact de la loi portant réforme des retraites. La
par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise LFRSS pour 2023 apporte donc un certain nombre de
pourra justifier un tel refus (◆ C. trav., art. L. 3121-60-1 et modifications sur le dispositif, tant sur le cumul emploi-
L. 3123-4-1 nouv.) : les possibilités pour l’employeur de retraite dit intégral que sur celui dit plafonné.
refuser l’accès à la retraite progressive seront donc forte- Pour rappel, le premier correspond à la possibilité pour un
ment restreintes. Notons qu’un décret fixant les conditions assuré de cumuler entièrement une pension de retraite et
dans lesquelles la demande du salarié doit être effectuée une activité professionnelle, à condition toutefois de béné-
reste attendu, et surtout qu’à ce stade, la notion ficier du taux plein, par la durée d’assurance ou par l’âge,
d’« incompatibilité avec l’activité économique de et d’avoir liquidé toutes ses pensions de retraite de base et
l’entreprise » n’est pas définie, sans pourtant qu’une inter- complémentaire (◆ CSS, art. L. 161-22, al. 4). Si l’une des
vention réglementaire ne soit prévue par la loi n° 2023-270 conditions n’est pas remplie, seul le cumul emploi-retraite
du 14 avril 2023. plafonné est possible. Dans ce cas, le cumul du salaire brut
… mais ouverture au salarié de la possibilité mensuel et des pensions ne peut pas dépasser le dernier
de demander une dérogation à la durée minimale salaire d’activité perçu avant la liquidation ou 1,6 fois le
du temps partiel (art. 26, V, 5o) Smic, selon le plafond le plus avantageux pour le salarié.
De plus, le cumul emploi-retraite plafonné impose un délai
Pour rappel, la durée minimale de travail du salarié à temps
de carence de 6 mois pour reprendre une activité chez le
partiel est fixée soit par convention ou accord de branche
dernier employeur (◆ CSS, art. L. 161-22, al. 2 et 3).
étendu soit, à défaut, à 24 heures par semaine (◆ C. trav.,
art. L. 3123-7, L. 3123-19 et L. 3123-27). En vue d’élargir Un cumul emploi-retraite intégral créateur de droits
les possibilités d’accès à la retraite progressive, il sera (art. 26, I, 5o et 6o, V, 1o et 2o)
désormais permis aux salariés ayant atteint l’âge requis de
Jusqu’à présent et contrairement à la retraite progressive,
demander à travailler moins que la durée minimale du
le cumul emploi-retraite ne permet pas de générer des
temps partiel (◆ C. trav., art. L. 3123-7 mod.).
droits à la retraite alors même que les bénéficiaires conti-
Cette disposition sera également applicable aux personnes nuent à verser des cotisations sociales. La LFRSS sup-
déjà dans le dispositif au 1er septembre 2023 (art. 26, XII, prime cette règle pour ceux qui remplissent les conditions
5o). du cumul emploi-retraite intégral (◆ CSS, art. L. 161-22-1
mod.). Ils s’ouvrent ainsi des droits à une deuxième pen-
sion en contrepartie des cotisations versées en cumul

Juin 2023
52 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
A retenir

emploi-retraite, sans préjudice des dispositions ou des sti- Autre précision : en cas de décès de l’assuré, la nouvelle
pulations régissant les régimes complémentaires auxquels pension de retraite constituée dans le cadre du cumul
ils sont affiliés. Ces nouveaux droits seront sans incidence emploi-retraite intégral ouvrira droit pour le conjoint survi-
sur le montant de la pension de vieillesse résultant de la vant à une pension de réversion (art. 26, I, 15o ◆ CSS,
première liquidation (◆ CSS, art. L. 161-22-1-1, al. 1 nouv.). art. L. 353-1 mod.).
La création de nouveaux droits ne sera cependant permise Un cumul emploi-retraite plafonné possiblement
en cas de reprise d’activité chez le dernier employeur déplafonné (art. 26, I, 6o)
qu’après le respect d’un délai de carence de 6 mois suivant
la liquidation de la retraite. Une exception : ce délai ne sera A l’image de ce qui avait été prévu pour les soignants pen-
pas applicable aux assurés ayant liquidé leur pension au dant la première vague de la Covid-19, la LFRSS ouvre la
plus tard 6 mois après la publication de la loi (art. 26, XII, possibilité de suspendre temporairement par décret les pla-
7o). fonds de revenus (qu’ils soient prévus par le régime de
retraite de base ou complémentaire) et le délai de 6 mois
Enfin, malgré le fait que le cumul emploi-retraite devienne avant la reprise d’un emploi chez le dernier employeur
créateur de nouveaux droits, le salarié ne pourra bénéficier applicable en matière de cumul emploi-retraite plafonné
que d’une seule indemnité de départ ou de mise à la « lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitent,
retraite, attribuée lors de la première liquidation. Il ne en urgence, la poursuite ou la reprise d’activités par des
pourra pas en réclamer une autre à l’issue de son cumul assurés susceptibles de les exercer ».
emploi-retraite (◆ C. trav., art. L. 1237-7 et L. 1237-9 mod.).
Ces dérogations pourront être prises « pour une durée qui
REMARQUE : il est précisé par la LFRSS que la liquidation des pen- ne peut excéder un an et qui peut être renouvelée pour
sions intervenant à compter du 1er septembre 2023 prendra en une durée ne pouvant excéder 6 mois », soit 18 mois au
compte, le cas échéant, les droits en vue d’une nouvelle pen- total. Le décret définira les catégories d’activités et d’assu-
sion de vieillesse constitués à partir du 1er janvier 2023 (art. 26,
XII, 3o). rés concernés par la suspension et pourra en prévoir l’appli-
cation rétroactive, dans la limite d’un mois avant sa publica-
Quel régime pour la seconde pension ? (art. 26, I, 6o) tion (◆ CSS, art. L. 161-22-1-4 nouv.).
La seconde pension bénéficiera du taux plein et aucune Elles s’appliquent rétroactivement à compter du 1er janvier
majoration, aucun supplément ni aucun accessoire ne 2023 (art. 26, XII, 1o), sauf la possibilité de déroger aux pla-
pourra être octroyé à ce titre (◆ CSS, art. L. 161-22-1-1, fonds, seuils et délai minimaux de reprise prévus par les
al. 2 à 4 nouv.). En outre, son montant sera plafonné par régimes de retraite complémentaire qui est entrée en
décret (◆ CSS, art. L. 161-22-1-1, al. 6 nouv.). vigueur le lendemain de la publication de la LFRSS, c’est-à-
La loi ajoute qu’aucun droit nouveau ne pourra être acquis dire le 16 avril 2023 (art. 26, XII, 2o).
en cas de reprise d’une activité après la liquidation de cette ◆L. no 2023-270, 14 avr. 2023, art. 26 : JO, 15 avr.
seconde pension (◆ CSS, art. L. 161-22-1-2 nouv.). Elise DRUTINUS
 Étude « Retraite et activité professionnelle »

Juin 2023
© DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 53
A retenir

DICTIONNAIRE PERMANENT Social


Fondateurs des Dictionnaires et Codes Permanents : Jean SARRUT et Lise MORICAND-SARRUT ● Directrice des Éditions, Directrice
générale : Caroline SORDET ● Directeur de la rédaction Social : Dominique LE ROUX ● Rédactrice en chef : Nathalie LEBRETON ● Secrétaire
générale de rédaction : Françoise ANDRIEU ● Chefs de rubrique : Séverine BAUDOUIN ; Karima DEMRI ; Virginie GUILLEMAIN ● Rédacteur
spécialisé : Ouriel ATLAN ● Rédactrice : Élise DRUTINUS ● Rédactrice en chef technique : Sophie-Charlotte CAMPET-JOURNET
Avec la participation de : Géraldine ANSTETT (Journaliste juridique à ELS), Florence MEHREZ (ActuEL-RH) et la Rédaction sociale des
Éditions Francis Lefebvre.

Juin 2023
54 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin
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Sommaire

Zoom sur... Durée du travail ● Désignation du DS parmi


et rémunérations les adhérents : seule compte
la renonciation des candidats
● Loi « JO 2024 » : une dérogation ayant obtenu 10 % des suffrages p. 36
Partage de la valeur : temporaire au repos dominical ● Entreprises de moins de 50 salariés :
retour sur le projet de loi p. 1 est mise en place pour les commerces p. 21 un syndicat représentatif
● Le dépassement de la durée peut désigner tout élu comme DS p. 37
maximale quotidienne de travail ● RSS : suite à l’échec aux élections
ouvre à lui seul droit à indemnisation p. 22 professionnelles, l’interdiction
● 35 heures réparties sur 4 jours : de désigner le même salarié
A retenir quelle incidence lorsque le jour s’applique à tous les syndicats p. 38
non travaillé tombe sur un jour férié ? p. 23 ● Comment contester l’utilisation
● Montant net social : les précisions du crédit d’heures en dehors
Accident du travail du ministère du travail p. 23 du temps de travail ? p. 39
et santé au travail ● Clause de remboursement
● L’expertise du CSE sur l’accord
de participation est à la charge
● Précisions sur la date de première d’une prime d’arrivée de l’employeur p. 40
constatation médicale de la maladie ou « golden hello » : la Cour
de cassation valide sa pratique p. 24 ● La BDESE n’est pas une fin en soi
professionnelle p. 8 pour l’expert du CSE p. 41
● Le C2P mobilisé pour accompagner ● Primes PPV et PEPA modulées
selon la durée de présence effective : ● La rupture conventionnelle
l’usure professionnelle p. 8 avec un salarié protégé harcelé
comment tenir compte du congé
de reclassement ? p. 25 ou discriminé peut-elle être autorisée ? p. 42
Charges sociales ● Licenciement du salarié protégé :
● Travailler à temps partiel
aides et exonérations n’exclut pas forcément du bénéfice le coemploi éclipsé au profit
de titres-restaurant p. 26 d’une recherche du véritable
● Harmonisation du régime social employeur p. 43
des indemnités de rupture ● Le salarié protégé inapte
conventionnelle individuelle Emploi chômage et formation qui fait obstacle au reclassement
et de mise à la retraite p. 10 peut être licencié pour faute p. 45
● Nouveau cas d’utilisation du projet
de transition professionnelle p. 27
Contrat de travail Retraite et prévoyance
● CDD, CTT : le multi-remplacement Épargne salariale ● Réforme des retraites : vue d’ensemble
est entré en vigueur p. 12 des impacts de la loi du 14 avril 2023
● L’action en paiement sur les fins de carrière p. 45
● Loi « JO 2024 » : de la participation se prescrit
enquête administrative de sécurité par deux ans p. 28 ● Report de l’âge légal de départ
avant d’affecter des intérimaires et augmentation accélérée
sur des missions de sécurité p. 15 de la durée de cotisation p. 48
Licenciement
● Priorité d’emploi des salariés et ruptures du contrat ● Changements apportés
à temps partiel : aux validations et rachats
la charge de la preuve p. 15 de trimestres p. 49
● Présomption de démission en cas
● Mixité dans les postes de direction : d’abandon de poste : un dispositif ● Retraite anticipée pour les salariés
mise en place d’une procédure applicable depuis le 18 avril en situation particulière :
préalable au prononcé de la pénalité p. 15 à manier avec précaution p. 29 les changements p. 50
● Inaptitude au travail : panorama ● Réforme des retraites : deux décrets
● Harcèlement moral : le salarié du 3 juin viennent de préciser
n’a plus besoin de qualifier les faits de la jurisprudence d'avril et mai p. 31
les mesures d’âge p. 51
dénoncés p. 16 ● Acceptation d’un CSP : le motif
de rupture invoqué peut être précisé ● Un accès facilité à la retraite
● Le DRH est-il un cadre dirigeant ? p. 17 progressive p. 52
dans les 15 jours p. 32
● Un cumul emploi-retraite rendu
Contrôles et contentieux ● La rupture conventionnelle collective plus attractif p. 53
ne peut pas remplacer un PSE
● Contrôle Urssaf : en cas de cessation d’activité p. 33
les changements apportés
par le décret du 12 avril 2023 p. 18 Relations collectives
● DOETH : la déclaration de travail
doit être effectuée via la DSN
d’avril sous peine ● Désignation du DS : nouvelles
d’une contribution forfaitaire p. 19 précisions sur la renonciation
à ce mandat p. 35
● Prescription d’une action
en paiement de la gratification
d’une médaille du travail :
la Cour de cassation affine
sa position p. 21

© 2023 – Éditions Législatives SAS au capital de 1 920 000 € • SIREN 732 011 408 RCS NANTERRE • 10, place des Vosges – Tour Lefebvre Dalloz • 92072 Paris La
Défense Cedex - CS10359 • Tél. Service Relations Clientèle 01 83 10 10 10 • Site Internet : www.editions-legislatives.fr ■ Directeur de la publication, Président : Stéphane
DURET ■ Principal associé : LEFEBVRE SARRUT ■ Imprimerie Chirat – 744, rue de Sainte-Colombe – 42540 SAINT-JUST-LA-PENDUE. Dépôt légal : juin 2023. Imprimé en
France. Commission paritaire no 0727 T 89030. Avance sur abonnement annuel 2023 : mise à jour seule 266 € HT ; bulletin seul 155 € HT ; abonnement complet 421 € HT • Cet
envoi comprend 1 cahier de 56 pages.

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Juin 2023
56 © DICTIONNAIRE PERMANENT Social - Bulletin 10-31-1895

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