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Fiche DLF : liberté d’expression

Le 7 janvier 2015, la satire était en deuil à la suite des attentats contre le journal
Charlie Hebdo. Deux hommes avaient attaqué ce symbole de la lib d’expression afin de
« venger le prophète » qui, selon eux avait été outragement moqué par l’hebdomadaire dans
ses caricatures qlq années auparavant. S’ensuivit d’abord une vague d’émotion qui céda
ensuite la place à une profonde réflexion sur la liberté d’expression du fait de sa place
particulière dans le paysage des libertés fonda.
En effet, la liberté d’expression se veut être une liberté allant au-delà de la simple
liberté d’opinion, et donc de la dimension intérieure de chaque individu, en permettant de
manifester son opinion sous diverses formes. Ces différentes formes de liberté d’expression
ont donc des régimes différents qui s’attachent à préciser les conditions de chacune de ces
formes d’exercice. De fait, la liberté d’expression peut donc être considérée comme la sœur
de la liberté d’opinion en ce qu’elle permet d’exposer une opinion pour la partager à autrui.
C’est d’ailleurs de cette manière que la Convention européenne des droits de l’homme la
présente dans son article 10 qui dispose que « Toute personne a droit à la liberté d’expression.
Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des
informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans
considération de frontière ». Mais pour que cette liberté d’expression existe et permette le bon
fonctionnement de la démocratie, encore faut-il qu’elle trouve des canaux d’expression, ce qui
suppose une tolérance dans l’espace démocratique, mais aussi une intervention des pouvoirs
publics pour créer un climat favorable à la liberté d’expression. Toutefois, la tolérance dans
l’exercice de cette liberté ne doit pas non plus aboutir à un abus de sa part, ce qui irait au
contraire à l’encontre des intérêts de la démocratie. Autrement dit, si la liberté d’expression
est par essence une précieuse alliée pour la démocratie, elle ne doit pas non plus être utilisée
pour la détruire, d’où la nécessité d’établir un juste équilibre entre les intérêts en présence.
Historiquement, la liberté d’expression a été largement malmenée par la censure, et
d’ailleurs, sous l’Ancien Régime, c’était le système de l’autorisation préalable qui prévalait,
de manière à ce qu’aucune opinion dissente ne puisse s’exprimer, notamment dans les
domaines de la littérature et du théâtre, perçus comme un danger pour la stabilité du pouvoir
politique. C’est d’ailleurs ce qui explique que Molière ait pu faire scandale avec son Tartuffe
qui mettait en scène une redoutable critique de la dévotion royale et de l’hypocrisie de la Cour
de Louis XIV. Elle avait ainsi été interdite avant d’être remaniée, puis de nouveau autorisée,
après cinq années de censure totale. De la même manière, au XXème siècle, lorsque les
régimes autoritaires ont renversé les démocraties, c’est encore la presse et la littérature qui ont
été censurées par les dirigeants. Et comme la négation de la liberté d’expression est toujours
le prélude à d’autres exactions, les nazis ont d’abord brûlé les livres d’écrivains libéraux ou
juifs avant les massacres. Ajd encore, à l’échelle mondiale, le constat est finalement toujours
le même si l’on prend notamment l’exemple de l’écrivain Salman Rushdie, contraint à rester
dix ans dans la clandestinité, apr la parution de son roman Les Versets sataniques, en 1988,
l’ayant conduit à subir une véritable fatwa par l’ayatollah Khomeini pour avoir profané
l’islam. En France, c’est aux philosophes des Lumières que l’on doit la conceptualisation et la
défense de la lib d’expression en ayant soutenu l’idée qu’elle n’était pas séditieuse. Et c’est en
1789 que les Révolutionnaires vont pour la première fois sacraliser la lib d’expression avec
une formule inédite à l’article 11 de la DDHC selon laquelle la liberté d’expression est « l’un
des droits les plus précieux de l’Homme ». Cet art fait alors valoir la 1ère conception de la lib
d’expression dont le périmètre est défini par la loi qui représente la vol générale. Mais il
faudra encore attendre près d’un siècle, pour passer de la consécration à la concrétisation,
avec l’adoption de la loi du 29 juill 1881 qui abolit le régime de l’autorisation préalable pour
ttes les formes d’expression. Puis, l’année suiv, elle sera complétée par la loi sur la liberté de
la communication audiovisuelle, et en 2004, par la loi pour la confiance dans l’économie
numérique qui est venue étendre le champ de la liberté d’expression aux échanges sur
Internet.
Intérêts : La liberté d’expression a d’abord et avant tout été conçue comme une liberté garante
de la démocratie. Georges Orwell lui-même avait d’ailleurs défini l’enjeu de la liberté
d’expression comme rempart à l’autoritarisme et au totalitarisme, estimant que « parler de
liberté n’a de sens qu’à condition que ce soit la liberté de dire aux autres ce qu’ils n’ont pas
envie d’entendre ». Mais si elle est d’abord conçue comme un outil de résistance au pouvoir et
de garantie de la démocratie, elle est aujourd’hui détournée de sa fonction première pour se
prêter à des usages qui soulèvent de nombreuses problématiques. Par conséquent, d’une
liberté d’abord pensée comme indispensable à la démocratie, il est clair qu’aujourd’hui, elle
se transforme de plus en plus en un outil de violence légitimé. Ce faisant, elle est aujourd’hui
touchée par une ambivalence entre ceux qui en abusent et ceux qui veulent la limiter, ce qui
conduit nécessairement à une réflexion sur le principe même de la liberté d’expression.
I) Une liberté d’expression bénéficiant d’une protection relativement étendue
A) L’existence de sources multiples fondant la protection de la liberté d’expression
En France, c’est depuis la décision du Conseil constitutionnel du 11 octobre 1984, que
la liberté d’expression revêt le caractère de liberté fondamentale, en ce qu’elle est un élément
clef dont dépendent d’autres droit et libertés fondamentaux, ainsi que de la souveraineté
nationale. Dès la Déclaration de 1789, la liberté d’expression était déjà protégée en son article
11, et d’ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité, le
Conseil constitutionnel s’est largement inspiré de cette disposition.
En outre, la loi elle-même est aussi un moyen de protection de la liberté d’expression
puisque, sans établir de liste exhaustive, le droit français a adopté de nombreuses dispositions
législatives protégeant la liberté d’expression. Certaines d’entre elles ont notamment posé les
bases de la liberté d’expression et ont permis de développer ou de créer des libertés découlant
de cette liberté d’expression. A titre illustratif, on peut citer les lois les plus fondatrices, telles
que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, celle du 19 juillet 1982 sur la
communication audiovisuelle, ou encore, la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de
communication.
Mais outre les fondements nationaux de la liberté d’expression, sa protection est en
réalité beaucoup plus large puisqu’elle existe également au niveau international et européen.
En effet, au niveau international, et même si elle n’a pas de portée normative, la déclaration
universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 prévoit en son article 19 que « Tout
individu a droit à liberté d’opinion et d’expression (…) ». Toutefois, dans la mesure où cette
convention n’a pas de force contraignante, il appartient donc aux Etats signataires de la
convention de respecter cet article, mais en cas de non-respect, aucune mesure de sanction
n’est par conséquent possible. En revanche, il en va autrement du Pacte international relatif
aux droits civ et pol du 16 décembre 1966 adopté par l’Assemblée générale des Nations-Unies
qui a, lui, une force obligatoire. Et au titre de la liberté d’expression, l’article 19 dispose ainsi
que « Toute personne a droit à la liberté d’expression (…) ».
S’agissant plus particulièrement des sources européennes, la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne énonce ainsi en son article 11, que toute personne a
droit à la liberté d’expression, et que ce droit comprend la liberté d’opinion et de recevoir ou
de communiquer des informations, ou idées, sans qu’il ne puisse y avoir d’ingérence de la part
des autorités publiques. En toute logique, cet article s’inscrit dans la lignée de l’article 10 de
la Convention européenne qui garantit dans les mêmes termes, le droit à la liberté
d’expression pour toute personne. De plus, au-delà de cette disposition, la CEDH est
également venue interpréter et poser les frontières de la liberté d’expression en se montrant
extensive dans son attitude et son interprétation de l’article 10 de la Convention. Dans un arrêt
en date du 8 novembre 2016, elle a ainsi pu considérer l’obligation à la charge des Etats de
garantir un droit d’accès à l’information.

B) Une protection particulière de la liberté d’expression dans la sphère artistique


Il apparait que dans certaines activités très spécifiques, et particulièrement dans le
domaine artistique, la liberté d’expression fait l’objet d’une protection renforcée, avec l’idée
qu’il ne doit pas y avoir de confusion entre une œuvre et la réalité, ou de limitation si l’œuvre
contribue à un débat d’intérêt général.
Si l’on prend d’abord la profession de caricaturiste, il est indéniable que la liberté
d’expression y est centrale. Et à ce propos, on peut citer l’exemple de la célèbre et tragique
affaire de Charlie Hebdo et des caricatures de Mahomet.
En effet, au début des années 2000, l’hebdomadaire avait été poursuivi par des
associations musulmanes pour délit d’injures publiques envers un groupe de personnes à
raison de sa religion, sur la base des articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, après avoir
publié des caricatures représentant le prophète Mahomet. Mais, dans un arrêt du 12 mars
2008, la cour d’appel rappelle à juste titre que la société française, laïque et pluraliste, exige
« le respect de toutes les croyances », mais également « la liberté de critiquer les religions ».
Or, elle relève justement que dans les caricatures en question, la communauté musulmane
n’était pas visée dans son ensemble, mais que, seuls « les musulmans terroristes l’étaient ».
Par conséquent, les caricatures ne sont alors pas analysées par les juges du fond, comme une
injure, ou « une attaque personnelle et directe, dirigée contre un groupe de personnes en
raison de leur appartenance religieuse ». De plus, la cour d’appel poursuit en indiquant que
Charlie Hebdo avait souhaité dénoncer le danger du fanatisme religieux, et d’ailleurs, dans de
précédents numéros, il s’était aussi intéressé à d’autres religions. Elle en conclu donc que les
caricatures litigieuses avaient « participé à un débat d’intérêt général sur la liberté
d’expression ». De cet exemple, on en tire donc que les satires et les caricatures bénéficient
d’une protection particulière étant entendu qu’elles ne sont pas nécessairement considérées
comme portant atteinte à la réputation d’autrui, l’objectif poursuivi par l’artiste jouant un rôle
déterminant dans l’appréciation opérée par le juge.
Dans le cadre des professions artistiques, il est aussi intéressant d’évoquer la décision
rendue par la cour d’appel de Versailles le 18 février 2016 qui refuse de condamner les propos
dégradants tenus à l’égard des femmes par le chanteur de rap Orelsan, au nom de la liberté
d’expression et de la création artistique. En effet, la cour d’appel devait déterminer si, dans les
paroles des chansons litigieuses, le rappeur en question avait voulu injurier les femmes et
inciter à la violence, à la haine ou à la discrimination, ou si au contraire, elles exprimaient le
malaise d’une génération dans un style musical dédié à cela. Or, c’est justement cette dernière
hypothèse qui a été retenue, la liberté d’expression primant alors sur le caractère dégradant
des propos tenus dans certaines de ses chansons.

II) Une soumission de la liberté d’expression à des restrictions clairement définies


A) Des limitations à la liberté d’expression justifiées par la protection de la vie privée
La liberté d’expression est souvent confrontée à des conflits l’opposant au respect du
vie à la vie privée qui occupe aussi une place de choix dans le champ des libertés
personnelles. En effet, aujourd’hui, sur le fondement de l’article 9 du Code civil, la simple
atteinte à la vie privée permet d’obtenir réparation sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer
l’existence d’un préjudice. Il existe par conséquent des sanctions civiles, mais aussi pénales,
en cas de divulgation de faits relatifs à la vie privée, par la voie de la presse notamment.

De plus, l’article 8 de la Convention européenne garantit aussi le droit au respect de la vie


privée et familiale, et cet article, autant que l’article 9, sont souvent mis à l’épreuve du fait de
l’exercice par autrui de sa liberté d’expression. L’enjeu principal est alors celui de la mise en
balance entre ces différents droits, ce qui conduit les juges à apprécier la nécessité et la
proportionnalité de la restriction à la liberté d’expression, à la lumière du droit au respect de la
vie privée.
Mais, dans un arrêt du 9 juillet 2003, la Cour de cassation est venue énoncer que le
droit au respect de la vie privée et celui dû à l’image avait la même valeur normative que le
droit à la liberté d’expression. Par csqt, elle a considéré qu’il revenait donc au juge saisi, de
« rechercher un équilibre entre ces deux droits, et le cas échéant, de privilégier la solution la
plus protectrice de l’intérêt le plus légitime ». Mais la principale difficulté tient au fait que le
concept de vie privée n’est pas défini dans le Code civil, pas plus que dans la Convention
européenne, ce qui rend sa définition casuistique et jurisprudentielle.
Mais quoi qu’il en soit, en pratique, s’agissant par exemple de la liberté de la presse, la
jurisprudence judiciaire a tendance à la considérer comme la règle, et donc, ce n’est que si
l’atteinte portée à la vie privée d’un individu est intolérable, qu’une publication pourra faire
l’objet d’une saisie. C’est au nom de cette atteinte à la vie privée qu’avait été interdite la
publication du Grand secret, un livre qui avait été écrit par l’ancien médecin du président
François Mitterrand et consacré à sa maladie et à la manière dont il l’avait vécue. La
circonstance qu’un médecin ait trahi la confiance accordée par son patient l’a finalement
emporté sur toute autre considération, et notamment sur l’intérêt public qu’aurait présenté la
publication de l’ouvrage.
B) Des limitations à la liberté d’expression justifiées par la garantie de l’ordre public
Certaines limitations à la liberté d’expression peuvent aussi se justifier par la
nécessaire sauvegarde de l’ordre public.
C’est pourquoi, dans certains cas, la liberté d’expression peut être supprimée lorsque
des propos seraient intolérables. C’est ce qui justifie notamment la répression des propos
incitant à commettre un crime, un délit ou toute infraction pénale, qu’il s’agisse des atteintes
aux personnes ou aux biens, de même que les idées racistes ou discriminatoires qui sont
également prohibées. En 2012, la Cour européenne avait ainsi jugé que la liberté d’expression
ne pouvait justifier la distribution de tracts homophobes dans un établissement scolaire, une
décision alors très ferme vis-à-vis des discours de haine, concernant l’orientation sexuelle
notamment.
D’ailleurs, en France, la loi du 1er juillet 1972 sanctionne la diffamation envers une
personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une
ethnie, une race ou une religion particulière. C’est ce qu’on appelle communément, le délit de
diffamation raciale. Dans ce même ordre d’idée, la loi du 13 juillet 1990 vient quant à elle
réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, tout en introduisant dans la loi du 29
juillet 1881, l’interdiction de contester un ou plusieurs crimes contre l’humanité. C’est ainsi
en vertu de cette disposition que, par un jugement du 15 avril 2019, le tribunal correctionnel
de Paris est venu condamner l’essayiste Alain Soral à un an d’emprisonnement ferme pour
avoir mis en ligne les conclusions de l’avocat qui l’avait défendu en 2017, après la publication
d’un dessein insinuant que la Shoah était un pur mensonge.
C’est d’ailleurs aussi dans cette logique de sauvegarde de l’ordre public que les
professions artistiques, si protégées soient elles, peuvent aussi subir des restrictions à la liberté
d’expression qui les caractérise, s’il existe un risque de trouble à l’ordre public. A ce titre, il
est opportun de parler de l’affaire Dieudonné dans laquelle il est apparu que la jurisprudence
avait laissé une porte ouverte à une forme de censure circonstanciée fondée sur la certitude
que des propos répréhensibles pourraient être tenus.
En effet, par une circulaire du 6 janvier 2014, Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, avait
précisé qu’une mesure de police générale portant interdiction d’un spectacle était légale si
trois conditions étaient remplies. Ainsi, l’interdiction devait d’abord s’inscrire dans la suite de
spectacles ayant donné lieu à des infractions pénales. Ces infractions devaient être délibérées
et ne pas s’inscrire dans des dérapages isolés, et les propos en question devaient être
susceptibles de porter atteinte au respect dû à la dignité de la personne humaine. Dès le
lendemain, par un arrêté du 7 janvier, le préfet de la Loire-Atlantique avait ainsi interdit le
spectacle « Le Mur » de M. Dieudonné prévu le 9 janvier.
Par suite, l’humoriste et la société Les Productions de la Plume avaient alors saisi le juge des
référés du tribunal administratif de Nantes sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de
justice administrative, d’une demande de suspension de l’exécution de cet arrêté. Et c’est
alors par une ordonnance du 9 janvier 2014, que le juge des référés du tribunal administratif
de Nantes décide de faire droit à cette demande. Effectivement, il estime d’une part que le
motif tiré de l’atteinte à la dignité humaine ne permettait pas de justifier la mesure attaquée et,
d’autre part, que le risque de troubles causés par cette manifestation ne pouvait davantage
fonder une mesure d’interdiction totale en ce qu’il n’avait pas été établi que le préfet ne
pouvait pas faire face à ce risque par d’autres moyens. Le ministre de l’intérieur a par
conséquent fait appel en référé devant le Conseil d’Etat qui, dans une ordonnance du 9 janvier
2014, condamne la solution des premiers juges. En effet, à l’appui de sa motivation, il
rappelle d’abord que l’exercice de la liberté d’expression est une condition de la démocratie,
l’une des garanties du respect des autres droits et libertés, et donc, qu’il appartient aux
autorités chargées de la police administrative, de prendre les mesures nécessaires à l’exercice
de la liberté de réunion. Pour lui, les exigences de l’ordre public peuvent justifier à ce qu’il
soit porté atteinte à l’exercice de ces libertés fondamentales, à condition qu’elles soient
nécessaires, adaptées, et proportionnées. Or, en l’espèce, il considère que la réalité et la
gravité des risques de trouble à l’ordre public étaient établis, et que le spectacle en question
contenait des propos pénalement répréhensibles de nature à mettre en cause la cohésion
nationale et à porter atteinte à la dignité humaine. Ce faisant, il annule donc l’ordonnance du
juge des référés du tribunal administratif de Nantes. La CEDH a par la suite été amenée à se
prononcer après avoir été saisie d’une requête contre la France par l’humoriste. Or, elle décide
d’approuver les juges français, en précisant qu’il ne peut être admis que l’expression d’une
idéologie allant à l’encontre des valeurs fondamentales de la Convention, que sont la justice et
la paix, puisse être assimilée à un spectacle qui relèverait de l’article 10 de la Convention.
Mais cette justification est en elle-même problématique puisque, même si les représentations
de M Dieudonné sont contestables, il n’en demeure pas moins que la justification donnée à
l’interdiction de son spectacle est potentiellement dangereuse étant donné que, si on admet
cela, on admet aussi qu’un maire ou un préfet puisse interdire tout et n’importe quoi.
Il est opportun d’ouvrir notre réflexion sur la situation spécifique des lanceurs qui
bénéficient d’un statut particulier depuis la loi du 9 décembre 2016. Cette loi a en effet permis
l’introduction de l’article 122-9 dans le Code pénal qui consacre un nouveau fait justificatif
spécial pour sécuriser la situation des lanceurs d’alerte. Par ce biais, le lanceur d’alerte
bénéficie ainsi d’une immunité s’agissant des poursuites pour divulgation d’un secret protégé
par la loi, dès lors que la divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des
intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédure de signalement définies par
la loi, et que l’auteur de l’alerte répond aux critères de définition du lanceur d’alerte. C’est
donc un statut certes très encadré par la loi, mais qui constitue surtout, une exception notable
à certaines obligations de secret.

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