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L'article 2 proclame quatre « droits naturels et imprescriptibles de l'homme », à savoir

la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression. Mais il s'avère difficile


d'en trouver l'origine exacte, étant donné l'hétérogénéité des théories du contrat social,
et le flou qui entoure la notion même de droit naturel qui, comme le reconnaissait
Denis Diderot, auteur de l'article correspondant dans l'Encyclopédie, « est une des
plus importantes et des plus difficiles à déterminer ». Sans trop s'avancer, on peut
affirmer que la liberté est liée à la notion de libre-arbitre d'Augustin d'Hippone, plus
connu sous le nom de Saint Augustin, (début du Ve siècle), et la propriété avait été
étudiée, après d'autres auteurs beaucoup plus anciens, par John Locke dans son Traité
du gouvernement civil (1690).

L'article 3, qui attribue la souveraineté à la Nation, s'inspire des thèmes des


remontrances des Parlements, portées par les nombreux membres du club des Amis
de la Constitution, plus connu sous le nom de Club des Jacobins, mais aussi du célèbre
pamphlet de l'abbé Sieyès, qui propose de confier la souveraineté à la nation, entité
abstraite et distincte de la personne physique qui la dirige.

L'article 6, directement inspiré de l'œuvre du philosophe Jean-Jacques Rousseau, a été


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proposé par Talleyrand. Lu à la tribune du comité de constitution le 21 août 1789 , ce
qui deviendra l’article 6 de la déclaration des droits prenait la forme suivante : « La loi
étant l’expression de la volonté générale, tous les citoyens ont droit de concourir
personnellement ou par représentation à sa formation ; elle doit être la même pour
28 Préambule de la
tous ». Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen de
Les articles 7, 8, 9 (non rétroactivité des lois pénales) sont dus au marquis de
29 1789 (Archives nationales).
Bonnay .

L'article 10 garantissant la liberté d'opinion est introduit à l'initiative du


29
marquis de Bonnay .

L'article 11 est proposé par le duc Louis-Alexandre de La Rochefoucauld


d’Enville (1743 - tué le 4 septembre 1792 par des volontaires qui faisaient la
chasse aux aristocrates).

L’article 16, associant Constitution et organisation de la séparation des


pouvoirs, est un principe antérieurement admis avec la séparation des ordres
spirituel, politique et économique. Mais les trois pouvoirs politiques auxquels
renvoie implicitement cet article, à savoir le législatif, l’exécutif et le judiciaire,
relèvent notamment de la conception proposée par Montesquieu depuis 1748
dans De l'esprit des lois.

Les autres articles affirment certains principes généraux du droit ou de la


procédure tels que la positivité du droit, le caractère contradictoire des
procédures. Estampe des 17 articles des Droits
de l'Homme et du citoyen de 1789
C’est une œuvre de circonstance, une proclamation générale, un texte tourné (musée de la Révolution française).
vers le passé avec pour objectif d'en finir avec l'Ancien Régime ; mais
également un texte tourné vers l’avenir en promouvant la philosophie des
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Lumières et son idéal rationaliste .

Société des amis des droits de l'homme et du citoyen

Une société politique est fondée sous ce nom à Paris le 27 avril 1790 pour défendre et développer les principes des
droits de l'homme. Elle est plus connue sous l'appellation de club des Cordeliers, à cause de l'ancien couvent où
elle tenait ses réunions à Paris.

Influence de la révolution américaine


La révolution américaine, qui a précédé la Révolution française, a influencé les
débats de l'Assemblée constituante française autour de la Déclaration des
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Droits de l'homme et du citoyen . Parmi les députés, siégeaient en effet treize
hommes qui étaient allés en Amérique du Nord ou qui admiraient la révolution
américaine : ce groupe informel des « Américains » est constitué des nobles
envoyés en Amérique, comme officiers, par le roi Louis XVI pour soutenir la
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guerre d'indépendance américaine. Il comprenait le marquis de La Fayette , le
vicomte de Noailles (qui proposa la fin des privilèges et des droits seigneuriaux
le 4 août 1789), les frères Lameth, le marquis de Ségur, le comte Mathieu de
Montmorency, le duc de La Rochefoucauld d'Enville (qui traduit la
Constitution américaine de 1787 en français) ; on peut ajouter le marquis de
Condorcet qui avait publié en 1786, en le dédiant au Marquis de Lafayette, De
l’influence de la révolution d’Amérique sur les opinions et la législation de
l’Europe. Il écrit notamment : « ...ceux qui, par leur exemple ou par leurs
leçons, indiquent à chaque législateur les lois qu'il doit faire, deviennent après
lui les premiers bienfaiteurs des peuples (p. 21) », l'influence américaine est
surtout l'exemple de la mise en œuvre de principes révolutionnaires énoncés La Déclaration des Droits américaine
dans sa déclaration d'indépendance, Condorcet admettant, en introduction, de 1791.
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que ces principes sont issus des philosophes européens .

La Déclaration française peut être rapprochée du préambule de la Déclaration d'indépendance des États-Unis de
1776, en particulier « tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits
inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur »". De son côté, la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose dans son article 1 que « tous les hommes naissent libres et
égaux » et dans son article 2 que « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. » On a
bien dans les deux textes la déclaration de droits inaliénables ou imprescriptibles, c'est la même chose, il y a un
droit qui est commun : la liberté, mais en Amérique il y a deux autres droits qui sont le droit à la vie et le droit au
bonheur qui sont ignorés dans la déclaration française qui en propose trois autres : la propriété, la sûreté et la
résistance à l'oppression.

Les députés américains n'ont pas semblé plus gênés que leurs homologues français par l'inégalité de naissance que
constitue la condition de l'esclavage.

Philippe Joutard souligne plus particulièrement la ressemblance entre les trois premiers articles de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen, « les plus célèbres », et les deux premiers articles de la Déclaration des droits
de l'État de Virginie, qui a elle-même « directement et clairement inspiré les débuts de la Déclaration
d'indépendance américaine ». Il souligne également que « si de multiples expressions et concepts évoquent les
droits virginiens, la tonalité générale est différente. Osons le dire, la Déclaration française est beaucoup plus
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timorée en matière d'affirmation d'une liberté qui doit être soigneusement encadrée » .

Par ailleurs, la révolution américaine présente de nombreuses différences avec la Révolution française. Elle
recouvre principalement les événements liés à l'indépendance américaine vis-à-vis de la monarchie britannique,
dont le principal facteur déclenchant est un refus du montant de taxes jugées injustes selon le slogan « No taxation
without representation ». Les treize colonies à l'origine de la guerre d'indépendance ne sont unifiées que depuis
1775. Lorsque la première constitution américaine est rédigée, celle de Virginie, elle s'inspire, de la déclaration des
droits de 1689, et des travaux des philosophes britanniques (John Locke, Henry Home, Thomas Hobbes) ainsi que
des philosophes des lumières (Charles de Montesquieu), qu'ont lu les acteurs de la révolution américaine, tels que
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Benjamin Franklin ou Thomas Jefferson . La constitution fédérale américaine de 1787, qui a rejeté
l'incorporation d'une déclaration des droits, est une première application limitée de ces nouveaux principes
philosophiques. C'est en ce sens pratique qu’elle a pu influencer la déclaration française. La fin de sa ratification
par les treize États américains date du 29 mai 1790, soit après la date de la déclaration des droits de l'homme et du
citoyen. L'incorporation des principaux droits individuels à la constitution des États-Unis fait l'objet d'une
déclaration des droits, qui a été incorporée à la constitution sous forme d'amendements en 1791 (date de la
ratification), soit deux ans après la déclaration française des droits de l'homme. De plus, ces droits sont
spécifiquement énoncés, pour contrebalancer le pouvoir du gouvernement fédéral, ils ne concernent pas les États
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américains . Ce n'est qu'au XXe siècle que cette position de principe a été revue. La perspective américaine (qui se
réfère à la Common law Britannique) est assez différente de la perspective positiviste et globalisante
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française [pas clair].

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