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UNIVERSITE DE YAOUNDE II-SOA

FSJP

COURS DE DROIT DU NUMERIQUE

Master I DPU/DPR

Année académique 2023/2024

Pr Robert NEMEDEU/Dr OWONA Junior

1
ARGUMENTAIRE

Le droit du numérique est la partie du droit spécifique aux nouvelles technologies de


l’information et de la communication (NTIC). Il régit les problèmes créés par l’émergence de
la société de l’information, et vise principalement : les acteurs de l’administration du
numérique, la protection de la vie privée, la protection de la propriété intellectuelle, la cyber
sécurité et la cybercriminalité. Dans ce cours, il s’agit d’initier l’étudiant à la connaissance de
ce droit nouveau au développement exponentiel.
OBJECTIFS ET FINALITÉS DE L’ENSEIGNEMENT

Au terme de cet enseignement l’étudiant doit être capable de :

- Clarifier les concepts de numérique, web, internet, consommateur, utilisateur,


données personnelles, cyber attaque, cyber sécurité et cybercriminalité, etc.
- Evoquer en passage les sources du droit numérique en précisant le cadre juridique
du numérique au Cameroun ;
- Ressortir le numérique et son administration en générale;
- Expliquez le mode d’utilisation et de protection du numérique au Cameroun.

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PLAN DU COURS

INTRODUCTION

A- L’appréhension du numérique
B- L’essor du numérique en dehors du droit
C- Le sort du numérique en droit
1- La nécessité juridique d’encadrement du numérique
2- L’encadrement juridique du numérique au Cameroun

CHAPITRE I : LE COMMERCE ÉLECTRONIQUE


Section I : La Réglementation des Transactions
Paragraphe I : La publicité et les contrats en lignes

A- La publicité électronique
B- Les contrats électroniques

Paragraphe II : Les transactions commerciales en lignes

A- L’émission de l’offre et de son acceptation


B- La conclusion de la transaction

Section II : L’encadrement des acteurs

Paragraphe I : La responsabilité du prestataire et des intermédiaires

A- L’obligation absolue d’information


B- L’obligation de protéger les données personnelles

Paragraphe II : La protection du consommateur

CHAPITRE II : LA CYBER SECURITE


Section I : La sécurité des créations numériques
Paragraphe I : La notion de création numérique

Paragraphe II : Les modalités de sécurisation

A- La signature électronique
B- Le certificat électronique

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Section II : La protection des réseaux de communications électroniques, des systèmes
d’information et de la vie privée des personnes

Paragraphe I : La protection des réseaux de communications électroniques

Paragraphe II : La protection des systèmes d’information

Paragraphe III : La protection la vie privée des personnes

CHAPITRE II : LA CYBER CRIMINALITE


Section I : Les infractions cybercriminelles
Paragraphe I : Les infractions liées aux réseaux de communications électroniques

Paragraphe II : Les infractions liées aux systèmes d’information

Paragraphe III : Les infractions liées à la vie privée des personnes

Section II : La répression des infractions cybercriminelles


Paragraphe I : Une répression aménagée
Paragraphe II : Une répression complexe

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

OUVRAGES

 CATALA (Pierre),Le droit à l’épreuve du numérique : Jus ex Machina, PUF, coll. Droit,
Éthique, Société, Paris, Mai 1998, 345 p.
 DIFFO TCHUNKAM (Justine),Droit des activités économiques et du commerce
électronique, l’esprit du droit commercial général issu de la réforme du 15 décembre
2010, L’Harmattan, 2011, 270 p.
 FERAL-SCHUHL (Christiane),Cyberdroit, le droit à l’épreuve de l’internet, Dalloz,
6ème édition, 2010, 1009 p.
 GRYUBAUM (Luc),Le GOFFIC (Caroline) et MORTLET-HAIDARA (Lydia),
Droit des activités numériques, 1ère éd., Dalloz, Paris 2014, 1040p.
 HUET (Jérome) et DREYER (Emmanuel), Droit de la communication numérique,
LGDJ, Paris, 2011, 384p.
 LARIEU (Jacques),Droit de l’internet, Ellipses, Paris, 2005, 157p.

4
 LUCAS (André),Le droit de l’informatique, PUF, Thémis Droit, 1ère édition, 1987, 551
p.
 MOUTHIEU (Monique Aimée) (dir.), Le consommateur des technologies de
l’information et de la communication en Afrique noire francophone, L’Harmattan, Avril
2021, 826p.
 TRUDEL (Pierre),ABRAN (France),BENYEKHLEF (Karim) et HEIN
(Sophie),Droit du cyberespace, Thémis éditeur, 1997, 1296 p.

ARTICLES

 BARBRY (Éric), « Le droit de l’internet est devenu au fil des années un droit « spécial »,
in Gazette du Palais, n° 296, 23 octobre 2010, p. 14.
 BAREL (Marie), « Délits informatiques et preuve. Le défi de l’impossible ? »,
Communication au Symposium sur La sécurité des Technologies de l’Informationet de la
Communication, Rennes, 1-3 juin 2005.
 BERTRAND (Legendre), « Ce que le Covid-19 fait au numérique », Le virus de la
recherche, 2020, pp. 1-8.
 DIFFO TCHUNKAM (Justine), « Le contrat selon la loi camerounaise du 21 décembre
2010 sur le commerce électronique »,Juridis Périodique, n° 87, Juillet-août-septembre
2011, pp. 76-87.
 FRAENKEL (Béatrice) et PONTILLE (David), « L’écrit juridique à l’épreuve de la
signature électronique, approche pragmatique », Revue Langage et Société, n°104 2003/2,
pp. 83 122, version électronique : http://www.cairn.info/load_pdf.php?
ID_ARTICLE=LS_104_0083.
 GATSI (Jean), « Problèmes juridiques du commerce électronique », in Annales de la
faculté des sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Douala, n° 1, janvier-juin
2002, pp. 371-379.
 KARSENTI (Thierry),POELLHUBER (Bruno),ROY (Normand) et PARENT
(Simon),« Le numérique et l’enseignement au temps de la Covid-19 : entre défis et
perspectives-Partie 1 », Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire,
Vol. 17, n°2, 2020, pp. 1-4.
 OMGBA MBARGA (Augustin Berceau), « La lutte contre la cybercriminalité en droit
camerounais », in MOUTHIEU (Monique Aimée)(dir.), Le consommateur des

5
technologies de l’information et de la communication en Afrique noire francophone,
L’Harmattan, Avril 2021, pp. 635-668.
 RICHARD (Jacky), « Le numérique et les données personnelles : quels risques, quelles
potentialités ? », Revue de droit public, n°1, 2016, pp. 87-103.

TEXTES JURIDIQUES
 Convention de l’Union internationale des télécommunications de 1989.
 Convention sur la cybercriminalité encore appelé convention de Budapest (Hongrie) du
18 mars 2004.
 Article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 à
Nairobi (Kenya).
 Convention de l’Union africaine sur lacybersécurité et la protection des données à caractère
personnel encore appelée Convention de Malabo du 27 juin 2014.
 Règlement des Radiocommunications et le Règlement des télécommunications
Internationales.
 Règlement n°21/08-UEAC-133-CM-18 du 19 décembre 2008 relatif à l’harmonisation
des règlementations et des politiques des régulations de communications électroniques au
sein des États membre.
 Préambule de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02
juin 1972 au Cameroun.
 Loi n° 98/014 du14 juillet 1998 portant règlementation des télécommunications au
Cameroun.
 Loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et à la cybercriminalité
au Cameroun.
 Loi n°2010/013 du 21 décembre régissant les communications électroniques au
Cameroun modifiée et complétée par la loi n°2015/006 du 20 avril 2015.
 Loi n°2010/021 du 21 décembre 2010 régissant le commerce électronique au Cameroun.
 Loi cadre n°2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun.
 Décret n°2012/203 du 20 avril 2012 portant organisation et fonctionnement de l’Agence
de régulation des télécommunications.
 Décret n°2013/0399/PM du 27 février 2013 fixant les modalités de protection des
consommateurs des services de communication électronique.

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 Décret n°2019/150 du 22 mars 2019 portant organisation et fonctionnement de l’Agence
nationale des technologies de l’information et de la communication.
 Décret n°2019/263 du 28 mai 2019 portant organisation de la CAMTEL.
 Décret n°2020/727 du 03 décembre portant réorganisation et fonctionnement de l’Agence
de régulation des télécommunications.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Il semble important pour une entrée en matière sur le droit du numérique d’appréhender
d’abord la notion (A), ensuite, présenter l’essor du numérique en dehors du droit (B) et enfin,
de voir la nécessité de son encadrement par le droit (C).
A- L’appréhension du numérique
On entend parler du numérique partout sans savoir exactement ce qui cache ce terme.
Serait-il une autre manière de dire informatique. On se rendra compte que ce serait un peu
réducteur, car le numérique englobe l’informatique et donc à un périmètre plus large. Il
recouvre aussi les télécommunications (Téléphones, radios, télévisions, ordinateurs, etc.) et
l’internet. Au quotidien, on ne peut plus imaginer nos activités sans Smartphones ou sans les
réseaux sociaux par exemple. Ces nouveaux usages génèrent des masses énormes de données,
c’est-à-dire des informations qu’il faut être capable de traiter.
Si le numérique modifie nos activités et change en même temps notre façon de
comprendre et de penser, notre univers entier est transformé par cet ensemble des
technologies. On entend d’ailleurs souvent parler de culture numérique. Il faut noter que le
vocable numérique est spécifique au français, la majorité des autres pays utilisent le mot
anglais « Digital ». On peut se poser la question de savoir si Internet et le Web sont pareils ?
L’Internet est le réseau informatique mondial, c’est l’infrastructure globale basée sur le
Protocole IP (Internet Protocole)1. Quant au Web, c’est un système permettant de naviguer
de page en page en cliquant sur des liens grâce à un navigateur (c’est une application ou un
service d’internet).
Cependant le numérique révolutionne notre manière d’agir ou de produire. Pour s’en
rendre compte, il convient d’évoquer son essor.
B- L’essor du numérique en dehors du droit
Rarement, manifestation du pouvoir créateur de l’humanité aura transformé aussi
profondément et rapidement la société que l’essor d’internet et d’autres technologies de
l’information et de la communication (TIC) au cours des décennies écoulées. Tout commence
avec l’histoire de l’ordinateur.
Les premiers ordinateurs étaient de simples machines à calculer : les informations
qu’ils avaient à traiter étaient exclusivement des nombres. Comprendre l’histoire du
numérique nécessite donc de saisir l’histoire du calcul. Très tôt, les humains ont conçu et
fabriqué des outils les aidant à calculer (abaque, boulier...). Mais c’est à partir du
1
C’est-à dire sur laquelle s’appliquent de nombreux services à savoir : le Web, la messagerie instantanée, la
téléphonie, l’envoi de courriers électroniques.

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XVIIIe siècle qu’ils ne cessent de les perfectionner, quand s’amorce (en Angleterre puis en
France) la révolution industrielle2. Alors que la société s’était bâtie sur une économie à
dominante agraire et artisanale, elle s’urbanise de façon croissante, devenant de plus en plus
commerciale et industrielle. Dans le but de rendre la production toujours plus efficace, les
machines sont conçues et fabriquées à un rythme exponentiel. Au fur et à mesure que la
société se mécanise, émerge l’idée selon laquelle « la machine ne doit pas seulement aider les
hommes, mais aussi, autant que possible, les remplacer ». Le goût pour les automates, qui se
développe à cette époque, traduit un désir plus ou moins conscient : celui que toutes les
étapes d’un processus de production (conception, fabrication, maintenance,
commercialisation, etc.) soient prises en charge par une « machinerie intelligente », c’est-à-
dire habilitée à traiter un maximum d’information automatiquement et à la place de l’homme.
Il est donc d'usage de considérer « la révolution numérique »3 comme le prolongement
logique de « la révolution industrielle »4. Certains auteurs n’hésitent pas à qualifier la
progression des technologies numériques de « troisième révolution industrielle »5.
En effet, en 1961 démarrent les recherches qui aboutiront, vingt ans plus tard, à la
naissance d’Internet. Leonard Kleinrock, étudiant au M.I.T., publie une théorie sur
l’utilisation de la commutation de paquets pour transférer des données. En 1969, grâce à ses
recherches, est conçu le projet ARPAnet (Advanced ResearchProjects Agency Network),
premier « réseau à transfert de paquets ». La connexion s’établit entre les laboratoires de
quatre grandes universités américaines, pour le compte du Département américain de la
Défense. La mise en place du dispositif ARPAnet s’inscrit dans le contexte de la guerre
froide. L’objectif est de créer un réseau de télécommunications militaire à structure
décentralisée capable de fonctionner malgré des coupures de lignes ou la destruction de

2
La première révolution industrielle débute symboliquement vers 1770 en Grande-Bretagne avec l’invention de
la machine à vapeur par James Watt et la machine à filer par Richard Arkwright, deux innovations majeures de
techniques existantes). En effet, à la fin XVIII e siècle en Angleterre, puis en France au début du siècle suivant,
l’activité économique change de nature en quelques décennies seulement. On passe d’une économie
essentiellement agraire à une production de biens manufacturés à grande échelle. L’Allemagne et les USA
s’industrialiseront à leur tour à partir du milieu du XXI e siècle, puis ce sera la Russie et le Japon à l’aube du XX e
siècle.
3
Encore appelée la révolution technologique, Internet ou digitale, désigne le bouleversement des sociétés
provoqué par l’essor des techniques numériques telles que l’informatique et le développement duré se au
internet.
4
La révolution industrielle est le processus historique du XIX e siècle qui fait basculer une société à dominante
agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle.
5
L’histoire moderne comprend quatre révolutions industrielles. Ce sont des vagues d’industrialisation qui se
succèdent et se propagent de pays en pays. Les deux premières sont liées à l’énergie, la troisième énergie et
informatique et la dernière à la gestion de la Data. Selon les économistes, si la première révolution industrielle
fut celle du charbon et des chemins de fer, la seconde celle du pétrole et du téléphone, la troisième est celle du
développement des énergies renouvelables et de l’internet (NTIC).

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certains systèmes25. L’utilisation civile du réseau ARPAnetn’a nullement été envisagée à
l’époque où il a été conçu.

En 1990, ARPANET (premier réseau à transfert de paquets de données conçu aux


USA) disparaît tandis que le World Wide Web, système hypertexte public, fait son apparition.
Il permet de consulter, avec un navigateur, des pages accessibles sur des sites. L’image de la
toile d’araignée vient précisément des hyperliens qui lient les pages web entre elles. En 1991,
l’application Gopher (aujourd’hui disparue) permet d’accéder en ligne à toutes sortes de
documents et de les télécharger, ce qui constitue un événement majeur dans le domaine
universitaire. En 1992, on dénombre un million d’ordinateurs connectés et 36 millions quatre
ans plus tard. Le protocole HTTP devient le langage d'un réseau qui ne compte alors que 130
sites, qui se positionnent souvent en contrepoint des médias traditionnels. Mais très
rapidement, cet archipel devient un labyrinthe. En quatre ans à peine, le nombre de sites
explose : on en recense rapidement plus d'un million. Dès lors, l'enjeu est de se repérer dans
cette masse énorme de données. Amazon est fondé en 1995, Google en 1998 et bientôt
s'ouvre la bataille autour des portails d'information.

Les NTIC ont donc modifié radicalement les rapports et les liens sociaux et
économiques en offrant aux particuliers, aux entreprises et aux gouvernements les moyens de
bâtir des sociétés et des économies plus productives, plus ouvertes à tous et plus favorables
au développement.Un consensus existe aujourd’hui sur le fait que la société de l’information,
dont les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) constituent l’un des
plus puissants vecteurs, crée des occasions complètement nouvelles de parvenir à des niveaux
de développement plus élevés. En effet, la capacité des TIC à réduire bon nombre d’obstacles
classiques, notamment ceux que constituent le temps et la distance (le contexte de la
pandémie à Covid-19 en atteste largement) 6, permet pour la première fois dans l’histoire de
faire bénéficier leur potentiel à des millions d’êtres humains dans toutes les régions du
monde, donnant ainsi à chaque individu, communauté ou peuple la possibilité de créer,
d’obtenir, d’utiliser et de partager l’information et le savoir pour réaliser l’intégralité de son
potentiel de développement et de bien-être 7. Pour l’Organisation des Nations Unies pour

6
KARSENTI (T.), POELLHUBER (B.), ROY (N.) et PARENT (S.), Le numérique et l’enseignement au temps
de la Covid-19 : entre défis et perspectives-Partie 1, Revue internationale des technologies en pédagogie
universitaire, Vol. 17, n°2, 2020, pp. 1-4.
7
Dans l’éducation par exemple, l’engouement actuel que connait le livre numérique bénéficie essentiellement
aux titres graduits (…). Voir. BERTRAND (L.),« Ce que le Covid-19 fait au numérique », Le virus de la
recherche, 2020, pp. 1-8.

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l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), « tant dans les pays industrialisés qu’en
développement, les nouvelles technologies numériques ont le potentiel de renforcer les
institutions de la démocratie représentative et de la société civile, d’aider les citoyens à
s’informer et à se mobiliser sur les questions importantes et d’améliorer l’efficacité et la
transparence des gouvernements grâce à une meilleure communication avec les citoyens ».
L’encadrement juridique de cet essor s’est avéré plus que nécessaire.
C- Le sort du numérique en droit
Il convient de dire en quoi il est nécessaire d’encadrer juridiquement le numérique (1)
et comment le Cameroun s’y est pris (2).
1- La nécessité juridique d’encadrer le numérique
Pour certains auteurs, « la vitesse de l’innovation dans le domaine du commerce
électronique est un perpétuel défi à la lenteur de l’activité régulatrice des autorités
gouvernementales et des forums de négociation multilatéraux. Ils concluent que la meilleure
façon d’encadrer le numérique, c’est de laisser ses acteurs définir eux-mêmes les règles du
jeu par le mécanisme de l’autorégulation. Toujours d’après ceux-ci, les méthodes des
autorités publiques sont inaptes à s’appliquer avec efficacité à un objet mouvant, changeant et
finalement instable. Bien plus, ils soutiennent que la pression législative pourrait avoir des
effets négatifs sur l’innovation technologique et le décollage des entreprises dans le
électronique.
Mais il ne peut en être ainsi. Abandonner le numérique dans ses différents aspects au
pouvoir régulateur des entreprises, c’est, dans une certaine mesure, créer un monde où les
plus forts auront toujours raison, c’est « créer une zone de non-droit, ou pire encore une
zone de faux-droit dans laquelle le droit ne serait qu’apparent parce qu’il serait édicté
précisément par ceux qui en sont les destinataires, avec le risque de voir ceux-ci privilégier
un intérêt personnel au détriment de l’intérêt général ».
La « révolution numérique », provoquée par la diffusion massive des technologies
numériques au sein de la société, bouleverse tant les modèles organisationnels et
économiques que les catégories juridiques (droits fondamentaux, gouvernance, sécurité,
affaires, etc.). De ce constat découle la nécessité de faire collaborer juristes et acteurs du
numérique, en suscitant une réflexion commune sur l’évolution du droit et l’encadrement des
pratiques informatiques à l’aune de la révolution numérique. Le rôle indubitable de l’État se
situerait au moins à trois niveaux. D’abord, il faut garantir la sécurité que les règles et
standards privés n’offrent pas. Ensuite, il est nécessaire d’encadrer les normes privées
éventuelles afin qu’elles n’aboutissent pas à des positions privilégiées - distorsion de

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concurrence –. Enfin, l’État devra favoriser l’émergence de standards de résolution des
litiges. En fin de compte, il est aisé de soutenir que la définition du cadre juridique du
numérique doit incomber prioritairement aux autorités publiques afin de limiter les dérives
des consommateurs sur les réseaux sociaux. Il en est ainsi au Cameroun avec son cadre
juridique.
2- L’encadrement juridique du numérique au Cameroun
Une date importante à retenir : 14 juillet 1998. En effet, l’ouverture à la concurrence du
secteur des télécommunications au Cameroun est consacrée par la loi n° 98/014 du 14 juillet
1998 régissant les télécommunications au Cameroun8. Avec cette loi, l’État va se désengager
du secteur productif des télécommunications à travers la séparation des activités
d’exploitation, de supervision, de réglementation et de régulation. Compte tenu de l’évolution
technologique, le cadre réglementaire va connaître des mutations avec la promulgation d’un
ensemble de lois, abrogeant la loi susvisée. Ainsi, le cadre institutionnelle et normatif ont été
largement modifiés.
Au plan institutionnel il est un truisme de dire que le numérique a besoin d’un
encadrement institutionnel. C’est ce dernier qu’on peut qualifier d’administration du
numérique. Il s’agit en réalité d’identifier les acteurs qui interviennent et qui ont en charge le
numérique au Cameroun. Il en existe plusieurs. On peut les classer en acteurs publics et en
acteurs privés. Les acteurs publics sont des autorités de droit public ou les administrations
publiques chargées d’intervenir en matière du numérique. Il s’agit du MINPOSTEL et des
Agences de régulation. L’établissement et/ou l’exploitation des réseaux ainsi que la
fourniture des services de communications électroniques, sont dévolus aux opérateurs privés.
L’on en distingue plusieurs en fonction de l’étendue de leurs compétences et du niveau
d’intervention. Ils sont soumis à l’un des régimes suivants : l’autorisation ou la déclaration.
Le premier est plus strict et concerne les domaines les plus sensibles, tandis que le second est
plus souple.

Sur le plan normatif, des lois et plusieurs textes d’application vont être adoptés. Il s’agit
principalement de la n°2010/013 régissant les communications électroniques au Cameroun,
de la loi n°2010/12 relative à la cybersécurité et à la cybercriminalité au Cameroun, et la loi

8
Au plan interne, il faut aussi le relever en passage que le préambule de la constitution du 18 janvier 1996
proclame : « […] la liberté d’expression, communication sont garanties dans les conditions fixées par la loi… ».

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n°2010/21 régissant le commerce électronique. L’État du Cameroun a souscrit par ailleurs à
plusieurs instruments juridiques internationaux, notamment, la Convention de l’Union
Internationale des Télécommunications (1989), le Règlement des Radiocommunications et le
Règlement des Télécommunications Internationales, la Convention de Budapest (juillet
2004)9, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981) 10, la Convention de
l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel (27
juin 2014)11, etc.
Ces textes s’inscrivent dans la ligne du « Plan stratégique Cameroun numérique 2020 ».
D’après le MINPOSTEL, élaboré en synergie avec toutes les parties prenantes, le plan
stratégique « se situant en droite ligne de la mise en œuvre de la politique des « Grandes
Réalisations » prônée par le Chef de l’État, devra contribuer grandement à l’atteinte des
objectifs de croissance et de plein emploi visés par le Gouvernement dans les cinq prochaines
années, à travers un usage plus intensif des TIC dans les outils de production entrainant une
amélioration conséquente de la productivité nationale).
À ne s’en tenir qu’aux normes, il faut dire qu’elles déterminent le régime du commerce
numérique (chapitre I), de la cyberséturité (chapitre II) et de la cybercriminalité (chapitre III).

9
La convention de Budapest est le premier traité international qui tente d’aborder les crimes informatiques et les
crimes dans internet y compris la pornographie infantile, l’atteinte au droit d’auteur et le discours de haine.
10
L’Article 9 de la CADHP parle d’un droit à l’information au sens large. Étant entendue que l’information
aujourd’hui prend un envol avec les réseaux sociaux, par conséquent celle-ci mérite d’être encadrée.
11
La Convention de Malabo constitue un instrument continental de coopération, qui a pour objectif de renforcer
et d’harmoniser les législations actuelles des États membres et des communautés économiques régionales (CER)
en matière de TIC, dans le respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Elle vise également à
protéger la protection des données personnelles et la vie privée des consommateurs.

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