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Suétone, LE CONSULAT DE CÉSAR

Sources :
– Christophe Badel, La République Romaine, 2013, Puf.
– Universalis : César
– Cl. Nicolet, Rome et la conquête du monde méditerranéen 264-27 avant J.-C, 1977.
– Dictionnaire biographique de l’Antiquité

Amorce: “Il est établi que Sylla s’écria qu’il y avait en César plusieurs Marius”
Suétone dans Vie des douze Césars, I.
Commentaire amorce : César étant né en -101, il avait 23 ans lorsque Sylla mourut
en 78 av. JC et déjà Sylla trouvait en César un ennemi dangereux à la République romaine.
En effet, Sylla, un imperatores, c'est-à-dire un général romain victorieux souhaitant un
pouvoir fort pour redresser la république, était l’ennemi juré de Marius, considéré comme le
premier des imperatores, à cause de la guerre contre Jugurtha (-112 / - 105) avec l’arrivée
de Sylla dans l’armée en -107 (année de l’accès à l’armée à la plèbe) et celle contre
Mithridate qui débute en -88 et qui entraîne par ailleurs une guerre civile avec Sylla qui
marche sur Rome avec son armée la même année. Le fait que Sylla considère César
comme plusieurs Marius montre que déjà à son jeune âge, César est un homme dangereux,
doté d’un grand potentiel de dirigeant, il voit en César un futur grand imperatores.
( Consulat Sylla = -88 et -80 et consulat Marius 7 fois = -107,4,3,2,1,0 et -86 )
Consulat du latin consulatus qui signifie “fonction de consul” signifie donc le fait
d’être consul. Les consuls sont des magistrats romains dont la fonction apparaît au Ve siècle
av. J.-C., avec le début de la République, et dure ensuite pendant plus de mille ans (les
magistratures se stabilisent avec le cursus honorum créé en -180 avec la Lex Villia Annalis)
Ils forment un collège de deux magistrats qui, jusqu'au principat d'Auguste (-27 - 14 ap JC),
sont élus pour un an par le peuple romain réuni en comices centuriates. Ils exercent
l'imperium, pouvoir suprême civil et militaire, et commandent les armées romaines. Leur
pouvoir n'est toutefois pas absolu car ils l'exercent sous le contrôle du Sénat et font face à
l'éventuel intercessio d'un tribun de la plèbe.
Suétone publie Vie des douze Césars au début du IIe siècle et il s'agit des
biographies des premiers dirigeants de Rome ayant porté le nom et le titre de César, de
Jules César à Domitien donc de 100 av JC à la fin du Ier siècle après JC. Suétone porte peu
d'intérêt à l'histoire et à l'administration de l'Empire ; il ne s'intéresse qu'aux actes et à la
personnalité des premiers Césars, et plus particulièrement à leurs vices et à leurs travers, il
créa de nombreuses rumeurs dont l’authenticité reste encore aujourd’hui douteuse mais
reste toute de même une source importante sur les imperatores et les empereurs romains.
Ce texte nous expose alors comment se déroule le consulat de César en nous
précisant son originalité comparée aux autres consulats car en effet Caius Julius Caesar
rompt avec la tradition romaine en n’agissant pas du tout comme ses prédécesseurs.
PB :Ainsi le consulat de César peut-il être apparenté à une dictature ? Les mesures
qu’il prend sont-elles anti-républicaines et comment parvient-il à avoir un pouvoir unique ?
PLAN : Tout d’abord, Suétone nous expose l’arrivée de César au pouvoir et son
obtention d’un consul unique (L1 à 24). Ensuite, l’auteur latin nous montre les mesures
prises par ce nouveau consul unique (L25 à 35). Enfin, Suétone raconte comment Jules
César agit face à ses détracteurs (L35 à 51).

I - Le consul unique de César


L1 “son entrée en charge” : Suétone situe ici l’arrivée au consulat de César. Avant de
devenir consul, il monte les échelons du cursus honorum. Tout d’abord il quitte Rome à
cause de la dictature syllanienne → pontife (cultes et rituels) en 74 → tribun militaire en 71
→ questeur (finances) en 69 → édile curule en 66 (administration ville) → préteur en 62
(justice). En 60, les ambitions de Pompée, Crassus et de César se retrouvent pour le
pouvoir. En 59, César devient consul grâce à l’aide de Pompée et de Crassus (financement
de Crassus), il s'engage à faire voter les mesures réclamées par Pompée depuis deux ans,
la ratification de ses acta, la loi agraire pour ses vétérans. Crassus et Pompée obtiendraient
un second consulat. Ce syndicat de politiciens ambitieux est communément désigné sous le
nom de « premier triumvirat » qui se crée grâce au mariage de la fille unique de César, Julia,
avec Pompée. C’est donc en 59 av JC que César entre en charge en tant que consul au
côté de Bibulus. L’âge requis pour l’être est de 42 ans, comme il est né en -101, il est donc
nommé consul à l’âge minimum.
L2 : “un journal des actes du Sénat" : procès-verbaux des séances du Sénat. Les acta
reprennent bien entendu les sénatus-consultes, mais aussi, semble-t-il, les rapports des
magistrats, les discours des sénateurs et plus tard des empereurs, la correspondance
échangée avec les magistrats en province ou avec les souverains étrangers. Tous les
documents étaient divulgués mais on suppose que certaines pièces plus confidentielles
n’étaient pas diffusées au public.
L3 “ un journal des actes du peuple” : Sorte de journal destiné au public de Rome mais
connu aussi en province où étaient signalés les principaux événements politiques, judiciaires
ainsi que des « faits divers » jugés intéressants (par exemple, les acta signalaient une pluie
de briques l'année du procès de Milon, c.à.d. en 52). On ne sait pas qui était chargé de la
rédaction de ces acta ni sous quelle forme concrète ils étaient publiés.
L2 tout ça rendu “public” par César en -59 c’est-à-dire aux citoyens. Le mot public est le
cœur même de la République romaine pcq république = res publica = chose publique.
Gouverner la cité est donc une affaire publique et collective. Rendre publique les affaires du
Sénat est donc la base du fonctionnement de la république.
L3-4 “ancien usage” : remontant à la création du consulat, c.à.d., selon la tradition, à la fin
du VIe siècle. Les consuls disposaient de pouvoirs strictement égaux mais les exerçaient à
tour de rôle, avec une alternance mensuelle. Le consul en fonction avait des licteurs, son
collègue devait se contenter d'un huissier (accensus). Puis, les deux consuls ont disposé de
leurs licteurs. César reprend ces deux traditions et décide que le consul en fonction sera
précédé par ses licteurs tandis que son collègue sera précédé par le huissier (l'accensus) et
suivi par ses licteurs.
L5 “des licteurs” l'escorte des magistrats qui possèdent l'imperium
L4 “un huissier” Espèce d'appariteur (donc un huissier) qui, à la différence des licteurs,
n'était pas un fonctionnaire public mais, semble-t-il, un membre de l'entourage du magistrat,
probablement un affranchi.
Les licteurs suivent le consul au pouvoir et le huissier accompagne le consul n’ayant pas les
faisceaux.
L5 “le mois où il n’avait point les faisceaux” : Ce droit d'imperium est matérialisé par figuré
par les douze licteurs qui précèdent le consul dans ses déplacements dans la ville. Ils
portent les faisceaux symbolisant le pouvoir. Ce pouvoir d'imperium ne se partage pas,
lorsque les consuls sont ensemble, ils disposent du pouvoir et des faisceaux à tour de rôle.
S'ils sont à Rome, chacun en dispose pendant un mois. S'ils sont ensemble, le roulement
est quotidien.
L6 “une loi agraire” : César présente au Sénat un projet visant à distribuer aux vétérans de
Pompée, mais aussi aux citoyens pauvres, des lots de terre provenant de l'ager publicus,
c'est-à-dire de cette partie du territoire italien appartenant, par droit de conquête, au peuple
romain ; tout l'ager publicus devait être distribué, sauf, semble-t-il, la Campanie. Le Sénat
rejette cette proposition.
Ensuite, César présente son projet de loi au peuple, en y incluant cette fois la Campanie, et
obtient un vote favorable : la lex agraria (la loi agraire) peut entrer en vigueur. Cette loi de
César ressemble fort au projet que le tribun Servilius Rullus avait déposé à la fin de l'année
64 et que Cicéron combattit avec succès.
L6 “il chassa” : Durant son mandat, il ne laisse à son collègue le conservateur Marcus
Calpurnius Bibulus qu’une ombre d’autorité. Bibulus et Caton multiplient les actions
d’obstruction contre César, mais ils sont chassés du forum lors de la promulgation d’une loi
agraire. À la suite de cet incident, Bibulus se retire chez lui jusqu’à la fin de son mandat,
laissant le pouvoir à César qui l’exerce seul.
L6 le “Forum” : la place publique où les citoyens romains se réunissent pour traiter d'affaires
commerciales, politiques, économiques, judiciaires ou religieuses, à l'image de l'agora dans
le monde grec.
L7 et 8 “s’y opposait” : Bibulus s'opposa d'abord de tout son pouvoir aux mesures
d'attributions de terres aux vétérans de Pompée et aux nécessiteux de Rome, proposées
par son collègue Jules César, par diverses mesures d'obstruction :
● empêcher le déroulement des réunions du peuple présidées par Jules César en
tirant des auspices défavorables ; L7
● proclamer jours fériés les jours où Jules César exerçait le pouvoir ; L7
● tenter de faire annuler par le Sénat les mesures prises par Jules César le jour
précédent ; L8
Les partisans de César finissent par le bousculer ainsi que ses licteurs et le chasser du
forum (L7).
L9-10-11 : personne ne se plaint de ce consul seul au pouvoir, il est libre de faire ce qu’il
souhaite, il peut satisfaire les revendications des populares, rendre des gages (Objet de
valeur, bien mobilier remis pour garantir le paiement d'une dette.) à Pompée et gagner de
nouveaux soutiens auprès des chevaliers et des provinciaux.
L12 - 13 : “renfermer chez lui” :Voyant toute résistance inutile, il s'enferme dans sa maison
et y passe les huit derniers mois de son consulat sans prendre aucune part aux affaires :
ainsi son consulat est entièrement nul. Il ne propose que des édits (L14), des ius educendi,
par ce droit, le magistrat pouvait rendre ses décisions obligatoires et les communiquer au
peuple en faisant lire l'édit par un hérault. L'affichage public de l'édit complétait la
publication. Ces décisions pouvaient avoir un simple caractère administratif, et pour un
consul, être l'annonce de réunion du Sénat ou des comices, ou bien de la tenue de fêtes
publiques.
L15 : César peut donc “tout” administrer comme il le souhaite car le second consul n’est pas
là pour faire alterner le pouvoir, il est l’unique consul au pouvoir et peut prendre des
décisions avec le Sénat sans que l’autre s’interpose. Cela est d’autant plus favorable pour
César car Bibulus était un optimates, le parti politique opposé aux populares.
L19-20 : Cette domination de pouvoir par César est caractérisée par les plaisantins de
Rome qui racontent que Bibulus ne prend en réalité aucune décision pendant son consulat,
c’est César qui a le contrôle sur les décisions de la cité, il possède en réalité un imperium
unique.
L21 : Les trois noms de l'homme libre romain : le praenomen (prénom), le nomen (nom de
famille ou patronyme) et le cognomen (surnom). Caius Julius Caesar : Caius = son prénom /
Julius = son nom / Caesar = son surnom.
L24 (citation) = aucun acte = montre le pouvoir véritable de Bibulus, César l’a complètement
dominé et fait effacé du pouvoir.

II - Les mesures prises par César pendant son consulat.


L25 “ La plaine de Stella” : se trouve au Nord-Est de Capoue, une ville italienne sous
autorité romaine ou la population détient la civitas sine suffrage, jusqu’en 89 av JC où les
Italiens obtiennent la citoyenneté plénière.
L26 “les champs Campaniens” : le territoire campanien se situe entre Capoue et Cumes, ce
territoire a été rattaché à l'ager publicus en 211. C'est une des conséquences de la défection
de Capoue en 216 et de son ralliement à Hannibal. La ville a été reprise par les Romains en
212 et durement châtiée : exécution de notables ; réduction en esclavage d'une partie de la
population ; intégration de l'ager campanus à l'ager publicus, les occupants de ces terres
confisquées étant désormais soumis à un impôt foncier. Ils sont donc “affermés pour les
besoins de l’Etat”
L27 : il les distribua = ici la mise en œuvre de la loi agraire de 59. Il effectue en effet
plusieurs lois agraires avec une distribution aux vétérans de Pompée de parcelles des terres
publiques (l’ager publicus), faisant de Capoue une colonie romaine, achat de terres à des
particuliers qui sont ensuite distribuées à 20 000 citoyens pauvres.
L28 “trois enfants au moins” : Rome doit lutter contre la dénatalité et accorde donc des
avantages aux pères de famille « nombreuse ».
L29 “les publicains” : Dotées d'une administration peu développée, les autorités romaines ne
s'occupaient pas directement de la perception des impôts. Le travail est confié à des
particuliers (qui pouvaient s'associer et former de puissantes sociétés), qui versent d'avance
à l'État le montant correspondant à tel impôt, dans telle région, et se remboursent, avec des
bénéfices évidemment, en collectant les sommes dues par les contribuables. La ferme des
impôts était adjugée, tous les cinq ans, par les censeurs, au cours d'enchères publiques :
étaient donc retenus les candidats qui offraient le meilleur prix.
L30 “fermage” : sous la République romaine, il existe plusieurs modes de mise en valeur
des terres : le faire-valoir direct, où le propriétaire exploite lui-même sa propre terre ou le
fermage, où l'exploitant loue la terre contre une redevance. => donc diminution de ⅓ de ses
fermages => aubaine pour les chevaliers qui en profitent pour prendre les terres.
L32 pas de concurrence sur les “nouvelles fermes” : les publicains sont pénalisés par César
en diminuant les fermages en Asie et leur poids sur la gestion des impôts parce que ces
publicains sont organisés en "collèges" et constituent, en raison du montant des sommes
collectées, un ordre puissant.
L34 “personne ne le contredisait” : Ce grand pouvoir des publicains n’est rien face à celui de
César qui a littéralement les pleins pouvoirs, il se rapproche de la royauté car tout le monde
est terrifié par lui, il a tous les pouvoirs et si quelqu’un conteste ses choix, cette personne
sera punie, il est le seul consul donc le seul à imposer le règlement.

III - Agissement face aux détracteurs.


L35 “Marcus Caton” : qui est Caton d’Utique, un homme politique romain qui s’oppose à la
loi agraire de César et contre son commandement pendant 5 ans des Gaules.
“Apostropher” = adresser la parole à quelqu’un pour lui dire quelque chose de désagréable.
=> Montre que César a le pouvoir de faire ce qu’il souhaite. Le sort de la “curie” donc le lieu
où le Sénat se retrouve, il contrôle donc le Sénat en ayant le droit d’exclure des sénateurs
en les envoyant en prison, dans le Tullianum situé au pied du Capitole (une des 7 collines de
Rome).
L37 “Lucius Lucullus” : consul en 74. Lucullus, qui avait lui-même combattu avec succès
contre Mithridate avant l'arrivée de Pompée, s'opposait à la ratification des actes de César
en Orient mais fait marche arrière en retournant sa veste. Le détracteur n’en est plus un
grâce à la réalisation de l’impossibilité de contester le pouvoir de César.
L39 “Cicéron” : un brillant orateur, philosophe, écrivain et aussi consul en 63. C’est un
optimates, donc pas du même parti politique César. César attaque Cicéron de façon frontale.
Ce dernier, privé de ses biens, choisit de s’exiler. César n’a alors plus d’ennemis notables à
Rome après cette fuite.
L41-42 “Publius Clodius” : né vers 92, Clodius est au début de sa vie publique quand il est
accusé de profanation de la fête de Bona Dea : traduit en justice, il sera acquitté. En 59, ce
patricien d'origine passe, par adoption, à la plèbe, avec la « bénédiction » du Pontifex
maximus qui n'est autre que la bénédiction de César ; ce changement de statut lui permet
de devenir tribun de la plèbe en 58. Mêlé très directement aux troubles qui caractérisent la
fin de la République, Clodius périt en 52, assassiné par les gens de Milon.
L43 “Vettius” : « un espion de bas étage » Ce chevalier romain, d'abord partisan de Catilina,
passe dans l'autre camp et sert d'informateur, notamment à Cicéron. Il est, en 59, au centre
d'une sombre affaire de prétendue tentative d'assassinat sur la personne de Pompée L47
“tuer Pompée” qui le conduit à la prison et à la mort.
L47 “les auteurs de ce complot” : César cherche auprès de Vettius à savoir qui l’a sollicité à
tuer Pompée. A force d’accusation sans succès L49-50 “désespérant du succès d’une si
téméraire entreprise”, cela mène à la mort de Vettius.

Conclusion : Ainsi on peut dire que le consulat de César s’apparente à une dictature
car il est l’unique consul pendant quasiment 1 an, il prend les décisions de la cité, il élimine
ses ennemis politiques et accroît son pouvoir grâce à son grade unique. Il prend de
nombreuses mesures pendant ce consulat, donc des lois agraires polémiques pour les
citoyens. César parvient à détourner le régime politique à son avantage, il parvient à être
l’unique consul et parvient également à obtenir un proconsul pendant 5 ans, alors que
originellement, les proconsuls ne durent pas plus d’un an. Cela se fait avec l’aide du tribun
de la plèbe Publius Vatinius : celui-ci fait voter par le peuple un plébiscite qui confie à César
et pour cinq ans deux provinces, la Gaule cisalpine et l’Illyrie, avec le commandement de
trois légions (lex Vatinia). Pour sauver une apparence d’autorité, le Sénat lui accorde en plus
la Gaule transalpine et une quatrième légion. Une autorité perdue au profit de César.

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