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PREMIERE PARTIE : DE LA LOI PENALE A L’INFRACTION

TITRE I – LA LOI PENALE

La loi répressive se caractérise par des principes qui gouvernent sa création


(Chapitre 1) et son application dans le temps et dans l’espace (Chapitre 2).

Chapitre 1 – Principe de la légalité de la répression

La légalité des délits et des peines – nullum crimen nulla poena sine lege – (nulle
crime, nulle peine sans loi) est un principe fondamental en droit pénal ; il a une
valeur constitutionnelle. Ce principe traduit la nécessité de la préexistence d’une
norme définissant clairement et précisément les éléments constitutifs de chaque
infraction et fixant la sanction correspondante. Le principe de la légalité vise à éviter
l’arbitraire des juges, en ce sens qu’ils doivent appliquer la loi. En effet, la création
de la norme répressive appartient au législateur, seul habilité à restreindre la liberté
individuelle.

Le principe de la légalité est issu de l’œuvre de Beccaria, le traité Des délits et des
peines, qu’il a publié en 1764 alors qu’il était âgé de 26 ans. Il était fortement
influencé par les travaux de Montesquieu et de Rousseau, à savoir la théorie de la
séparation des pouvoirs et le contrat social. Il construit son raisonnement en
considérant que les hommes sont passés de l’état de nature à l’état sociétal.
Légitimée par un pacte social qui traduit la volonté générale, la loi doit assurer à
chacun le respect de deux principes fondamentaux que sont: la liberté et la
sécurité. Il en résulte que « les lois seules peuvent déterminer les peines des délits
et que ce pouvoir ne peut résider qu’en la personne du législateur qui représente
toute la société unie par un contrat social ».

Elaborée il y a un peu plus de 250 ans, la pensée de Beccaria reste contemporaine


et a fait l’objet de consécrations nationales et internationales (Section 1). Même si
le principe a connu un affaiblissement, il s’impose au législateur dans la création
de la loi pénale (Section 2), et au juge dans le contrôle de la qualité de la loi et dans
son application (section 3).

Section 1 – La consécration du principe de la légalité de la répression

Le principe est énoncé par différents textes internationaux incorporés dans le


préambule de la Constitution du Sénégal.

Article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi ne


doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut
être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et
légalement appliquée ».

Article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « Nul


ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte
délictueux d'après le droit national ou international au moment où elles ont été
commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était
applicable au moment où l'infraction a été commise. Si, postérieurement à cette
infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère, le délinquant doit en
bénéficier ».

L’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples : « nul


ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas, au
moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne
peut être infligée si elle n'a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise.
La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant ».

Le principe est également posé dans le corps de la Constitution, à l’article 9


alinéa 2 : « Nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu d'une loi entrée en
vigueur avant l'acte commis ».

Naturellement, on retrouve le principe de la légalité posé à l’article 4 du code


pénal qui dispose quant à lui que : « Nul crime, nul délit, nulle contravention ne
peuvent être punis de peines qui n'étaient pas prévues par la loi ou le règlement
avant qu'ils fussent commis ».

Il ne faut pas confondre le principe de la légalité de la répression et le principe


de l’égalité devant la loi. Le principe de la légalité entraine des conséquences
pour le législateur.

Section 2 – La soumission du législateur au principe de la légalité de la


répression

Le principe de la légalité entraîne des conséquences pour le législateur en ce sens


qu’il doit respecter la répartition des compétences entre le domaine de la loi et le
domaine du règlement (paragraphe 1) et garantir l’exigence de prévisibilité de la
répression (paragraphe 2).

§1 - La répartition du domaine de la loi et du règlement

A l’origine, le principe de la légalité signifiait que seule la loi peut déterminer ce qui
constitue une infraction et la peine applicable. De nos jours, le domaine de la loi a
été réduit par le règlement.

Art. 67 de la Constitution
La loi fixe les règles concernant :
les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l'exercice des libertés publiques, les sujétions imposées par la Défense nationale
aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
(...)
la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont
applicables; la procédure pénale ; l'amnistie, la création de nouveaux ordres de
juridictions et le statut des magistrats ;
(...)
Art. 76 de la Constitution
Les matières qui ne sont pas du domaine législatif en vertu de la présente
Constitution ont un caractère réglementaire.

Ainsi, les deux sources du droit pénal sont la loi et le règlement. La distinction
entre ce qui relève de la loi et ce qui relève du règlement est prévue aux articles
67 et 76 de la Constitution :

La loi détermine les éléments constitutifs des crimes et délits et énonce la


répression.
Le règlement détermine le contenu des faits constitutifs d’une contravention et fixe,
dans les limites et selon les distinctions établies par la loi, les peines qui leur sont
applicables.

La légalité formelle se double de la légalité matérielle relative à l’exigence de


prévisibilité (paragraphe 2).

§2 – L’exigence de prévisibilité de la répression

Afin de respecter ce principe de la légalité de la répression, le législateur doit


prévoir lorsqu’il crée une infraction pénale à la fois l’incrimination et la sanction
applicables.

Au sens du principe, l’incrimination consiste à définir avec clarté et précision les


éléments constitutifs de chaque comportement répréhensible. Le quantum de la
peine applicable devra également être précisé.

Conçu comme le moyen de protéger les libertés du justiciable contre le pouvoir


répressif, le principe de légalité est porteur de trois garanties essentielles :

La prévisibilité ou la connaissance : le principe de légalité soumet les actions


pénales à des références sûres et permet d’éviter que les citoyens se voient
reprocher des comportements dont ils ne pouvaient prévoir le caractère
répréhensible. L’exigence de prévisibilité implique la clarté, la précision et
l’accessibilité de la loi pénale.

La nécessité ou la mesure : elle est exprimée par l’article 8 de la Déclaration des


droits de l’homme et du citoyen qui dispose que « la loi ne doit établir que des
peines strictement et évidemment nécessaires ». Complément de la légalité, la
nécessité tempère le pouvoir d’incrimination, qui doit répondre exclusivement à un
besoin d’ordre social.

L’égalité : par la préexistence des textes d’incrimination, tous les citoyens ont la
même connaissance des interdits. La légalité impose aussi une égalité des
poursuites exercées.
Section 3 – La soumission du juge au principe de la légalité de la répression

Le principe de la légalité implique nécessairement un contrôle de la qualité de la


loi puisque la répression n’est légitime que lorsqu’elle repose sur le fondement de
textes valides (paragraphe 1). Ce contrôle de la qualité s’effectue par le juge qui
doit appliquer la loi (paragraphe 2).

§1 – Le contrôle de la qualité de la loi

Le contrôle de la qualité de la loi vise à vérifier la validité de la loi. Une loi est valide
lorsqu’elle s’incorpore dans le système de la pyramide des normes.

Ce contrôle permet de garantir la hiérarchie des normes. Il permet également au


juge de s’assurer du respect de l’exigence de prévisibilité de la loi pénale.

Le contrôle de la qualité de la loi peut consister en un contrôle de constitutionnalité


ou de conventionalité exercé par le Conseil constitutionnel.

Il peut s’agir également d’un contrôle de la légalité des actes administratifs exercé
par les juridictions du fond.

§2 – L’interprétation de la loi par le juge

Le principe de la légalité signifie, concernant le juge, qu’il ne peut créer d’infraction


ni infliger des peines non prévues par la loi.

Pour respecter le principe, le juge doit procéder à une interprétation restrictive de


la loi pénale.

En droit, il existe trois méthodes d’interprétation d’un texte : l’interprétation littérale,


l’interprétation téléologique et l’interprétation analogique.

L’application du principe de l’interprétation restrictive de la loi pénale implique que


le juge doit s’abstenir de procéder à une interprétation extensive défavorable de la
définition légale d’une infraction.

Les juges doivent apprécier si le comportement est constitutif d’une infraction. Cet
exercice suppose, lorsque le texte n’est pas clair et précis, une part d’interprétation
de la part des juges.

Le juge peut procéder à une interprétation littérale, à une interprétation téléologique


et à une interprétation analogique favorable.

Cependant, en l’absence d’un texte ou en présence d’un texte pas clair et précis, il
est formellement proscrit au juge de procéder à une interprétation par analogie
défavorable.

Le principe de légalité n’interdit pas, si nécessaire, une interprétation analogique


favorable.

En conclusion, il importe de retenir que le principe de la légalité de la répression a


connu une évolution que l’on décrit comme un affaiblissement. La loi partage son
domaine avec le règlement. Ainsi, la notion de légalité ne renvoie pas à cette réalité
du partage de compétence des sources du droit pénal. C’est la raison pour laquelle
on a tendance à parler de principe de textualité en lieu et place de principe de la
légalité.

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