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Introduction au cours de droit pénal des affaires

Chantal CUTAJAR
Durée du cours : 15 h

RAPPEL DES PRÉREQUIS

Le cours de droit pénal des affaires suppose que soient acquis les éléments fondamentaux
du droit pénal général.

Le code pénal constitue la source essentielle du droit pénal même si de très nombreuses
infractions sont prévues par des textes qui se situent à l’extérieur de ce code.

Il est important de rappeler certaines règles inscrites au Livre premier du code pénal
consacré aux « Dispositions générales ». Elles s’appliquent à toutes les infractions.

Ces règles concernent les éléments constitutifs des infractions (I), les personnes
responsables (II) et les sanctions encourues (III).

I. Les éléments constitutifs

L’article 111-3 énonce le principe de légalité selon lequel :

« Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas
définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le
règlement.
Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un
crime ou un délit, ou par le règlement, si l'infraction est une contravention ». Cela signifie
qu’il n’y a pas d’infraction ni de sanction sans texte.

Le principe de légalité est un principe à valeur constitutionnelle1 qui signifie qu’il faut,
pour punir un comportement qu’un texte le prévoit avant que le comportement n’ait été
commis.

L’infraction est définie par le texte d’incrimination. Pour qu’elle soit constituée,
l’infraction doit comporter un élément matériel (A) et un élément moral (B).

A) L’élément matériel

❖ En principe le droit pénal exige un acte positif, une action de la part de l’auteur. Mais
souvent en droit pénal des affaires, une simple abstention est incriminée. Le
législateur institue une obligation d’agir et sanctionne le manquement à cette
obligation.

1Art. 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; Cons. Const. 30 déc. 1997, n° 97-395 DC : JO
31 déc. P. 19313, JCP 1998, III, 20016, JCP 1998, 1, 137, n° 17 obs. B. Mathieu et M. Verpaux.

1
Ex. : Obligation pour les commissaires aux comptes de révéler au procureur de la
République les faits délictueux dont ils auraient connaissance dans le cadre de leurs
fonctions. Aux termes de l’article L820-7 C. com. « Est puni d'un emprisonnement de cinq
ans et d'une amende de 75 000 euros le fait, pour toute personne exerçant les fonctions
de commissaire aux comptes, de donner ou confirmer des informations mensongères sur
la situation de la personne morale ou de ne pas révéler au procureur de la République les
faits délictueux dont elle a eu connaissance ».

De même, en matière de complicité, l’article 121-7 du code pénal exige une action :

« Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance,
en a facilité la préparation ou la consommation.
Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus
d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour
la commettre ».

Or, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que « la fictivité des comptes ne
pouvait échapper à un professionnel de la comptabilité tel l’expert-comptable et donc
celui-ci en attestant de la conformité et de la sincérité de ces comptes se rendait
sciemment complice de l’escroquerie commise au préjudice du trésor public »2. Cette
jurisprudence permet d’assurer la répression de personnes dont les faits délictueux sont
très difficiles à établir mais elle est contestable au regard de l’exigence d’un
comportement actif du complice.

❖ Le droit pénal est régi par le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale
posé par l’article 111-4 du code pénal : « La loi pénale est d’interprétation stricte ».

Cela signifie que le juge répressif doit appliquer la loi, toute la loi mais rien que la loi.
L’interprétation stricte n’est pas l’interprétation restrictive qui impliquerait pour le juge
le pouvoir de se situer en deçà du texte de la loi ou d’aller au-delà de la loi pénale.
Pour autant, la jurisprudence conserve une place importante et s’accorde parfois un
pouvoir créateur en de nombreuses circonstances pour faire face à des formes nouvelles
de criminalité ou à l’emploi de moyens techniques inconnus à l’époque où le texte a été
adoptée. C’est la raison pour laquelle pour connaître une infraction, on ne peut pas se
limiter à l’étude des textes. Il est indispensable d’analyser les décisions de justice. C’est la
raison pour laquelle, la jurisprudence tiendra une place importante dans ce cours.
La place du juge dans la définition de nombreuses infractions a été considérablement
étendue avec la création des « questions prioritaires de constitutionnalité », les QPC.
Tout justiciable peut présenter une QPC pour contester la conformité avec les principes
constitutionnel, d’un texte qu’une juridiction pénale est susceptible de lui appliquer. La
QPC est soumise au contrôle préalable de la Cour de cassation qui peut décider de la
transmettre ou non au juge constitutionnel si celle-ci ne lui semble pas sérieuse. Le
nombre de ces QPC est important et nous en ferons état lors de la présentation des
infractions concernées.

B) L’élément moral

2 Cass. Crim. 25 février 2004, Bull. crim. N° 53

2
En ce qui concerne l’élément moral de l’infraction, l’article 121-3 pose en principe « qu’il
n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Mais, lorsque la loi le
prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de
la personne d’autrui. Il appartient en principe au ministère public d’apporter la preuve
que tous les éléments constitutifs de l’infraction imputée au prévenu sont réunis y
compris l’élément moral. Mais lorsque le prévenu est une personne exerçant des fonctions
publiques ou privées, un élu ou un professionnel qualifié, les tribunaux jugent que ces
personnes savent ce que la loi pénale leur interdit ou leur ordonne de faire dans l’exercice
de leurs fonctions. Par conséquent, ils estiment en application de la théorie de la
connaissance obligée que la violation de la loi, intervenue en connaissance de cause est
nécessairement intentionnelle. L’intention sera induite du constat d’éléments objectifs. Ce
faisant, le juge opère un renversement de la charge de la preuve. L’intention coupable est
présumée et il appartient alors au prévenu d’apporter la preuve du défaut d’intention
coupable, ce qui est souvent impossible à démontrer.

II. Les personnes responsables

A) La responsabilité pénale des personnes physiques

Les personnes physiques poursuivies pourront être condamnées comme auteur ou


complice des infractions dont la preuve a été rapportée sauf si elles bénéficient d’une
cause d’irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-1 et suivant du Code pénal.

Lorsque l’infraction a été commise à plusieurs auteurs ou complice, la loi a érigé la


pluralité comme une circonstance aggravante de très nombreuses infractions. Cette
aggravation est encore accrue lorsque les auteurs interviennent dans le cadre d’une bande
organisée. La bande organisée est définie par l’article 132-71 Code pénal aux termes
duquel : « « Constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou
toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits
matériels, d'une ou de plusieurs infractions ».

Ainsi il arrive souvent qu’une infraction punie en principe comme un délit reçoive une
qualification criminelle lorsqu’elle est commise en bande organisée. La loi du 9 mars 2004
portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a soumis cette forme de
délinquance à un régime juridique d’exception, notamment au regard des règles
procédurales.

B) La responsabilité pénale du chef d’entreprise

Aux termes de l’article 121-1 du code pénal, « Nul. N’est pénalement responsable que de
son propre fait ». Malgré ce principe de la personnalité de la responsabilité pénale la
responsabilité pénale du dirigeant peut être engagée à la suite de faits commis par ses
préposés. Il ne s’agit pas pour autant d’une responsabilité du fait d’autrui comme elle
existe en droit civil. Si le chef d’entreprise peut être déclaré responsable de faits commis
par ses préposés, c’est en raison de ce qu’il a lui-même commis une faute. Sa faute
personnelle se trouve révélée par le fait du préposé.

a) Domaine de la responsabilité pénale du chef d’entreprise.

3
Cette responsabilité peut être prévue par le texte d’incrimination qui affirme que le
responsable pénalement est le dirigeant ou l’employeur ou la personne chargée de la
direction, de la gestion ou de l’administration de l’entreprise.

Par exemple : L 4741-1 Code du travail :

« Est puni d'une amende de 10 000 euros, le fait pour l'employeur ou son délégataire
de méconnaître par sa faute personnelle les dispositions suivantes et celles des décrets
en Conseil d'État pris pour leur application :

1° Titres Ier, III et IV ainsi que section 2 du chapitre IV du titre V du livre Ier ;

2° Titre II du livre II ;

3° Livre III ;

4° Livre IV ;

5° Titre Ier, chapitres II et IV à VI du titre II, chapitre IV du titre III et titre IV du livre V ;

6° Chapitre II du titre II du présent livre.

La récidive est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 30 000 euros.

L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de travailleurs de l'entreprise concernés


indépendamment du nombre d'infractions relevées dans le procès-verbal prévu à
l'article L. 8113-7 ».

Cependant, au-delà des textes, la jurisprudence a progressivement systématisé la


responsabilité pénale des chefs d’entreprise en considérant d’une façon générale que
« dans les industries soumises à des règlements édictés dans un intérêt de salubrité ou de
sécurité publique, la responsabilité pénale remonte essentiellement aux chefs
d’entreprise, à qui, sont personnellement imposés les conditions et le mode d’exploitation
de leur industrie ». (Cass. Crim. 28 février 1956, JCP 1956. II. 9304, note R. de Lestang).

Les dirigeants sont jugés responsables en raison du défaut de surveillance ou de


précaution qui a permis la commission d’une infraction par une personne qui était placé
sous leur autorité. Ont pu ainsi être jugés responsables, le pharmacien du fait du
préparateur qui ne resp0ecte pas la règlementation, ou encore le directeur d’usine dont
l’employé déverse ses produits polluants.

b) Les conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise

Elles sont relatives au préposé et au chef d'entreprise.

❖ Le préposé doit avoir commis une infraction à une législation générale ou spéciale que
l'employeur avait l'obligation de faire respecter (Cass. Crim. 22 septembre 2015, n°
14-83.202).

4
❖ Cette infraction doit être normalement non intentionnelle car il paraît difficilement
admissible qu'une personne puisse assumer, en raison de sa négligence, l'infraction
commise par son préposé.

Si ces conditions sont réunies, le chef d'entreprise est présumé en faute et cette
présomption apparaît irréfragable en ce sens qu'il ne lui est pas permis d'établir qu'il s'est
conduit en bon employeur et n'a pas commis de faute.

La seule manière pour le chef d’entreprise de se dégager de sa responsabilité est de


prouver de façon indiscutable qu'il avait délégué ses pouvoirs à une personne investie par
lui et pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour éviter la
commission de l’infraction (Cass. crim., 14 janv. 2020, n° 19-83.479 : l’existence de la
délégation de pouvoir relève de l’appréciation souveraine des juges du fond).

Cette personne, devenue en conséquence responsable à sa place pourrait également


s'exonérer en rapportant la preuve d'une subdélégation (Cass. Crim. 4 avr. 2018, n° 17-
83.555).

La délégation du chef d’entreprise n’est pas nécessairement écrite ; il peut s’agir d’une
délégation de fait à condition d’être certaine (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 18-87.027). La
délégation doit concerner un domaine d’activité précis (Cass. Crim., 1er sept. 2020, n° 19-
84.263 et Cass. Crim. 3 nov. 2021, n° 21-82.208, à propos d’une délégation en matière de
sécurité).

Le chef d’entreprise doit donc se montrer prudent avec des délégations générales. Il doit
éviter de prendre une part personnelle à la réalisation de l’infraction. En s’immisçant dans
les fonctions du délégué il le prive de l’autorité qui lui avaient été transférée (Cass. Crim.
24 mai 2016 n° 14-88.401)

C) La responsabilité pénale des personnes morales

Lors de l’entrée en vigueur du code pénal de 1994, la responsabilité des personnes


morales n’avait été prévue que pour un nombre restreint d’infractions. Puis le législateur
n’a cessé de l’étendre. Finalement la loi du 9 mars 2004 a érigé la responsabilité pénale
des personnes morales en principe général en excluant les infractions de presse et les
infractions commises par voie de communication audiovisuelle.

Aux termes de l’article 121-2 du Code pénal, la responsabilité pénale des personnes
morales suppose que les infractions poursuivies ont été commises pour leur compte, par
leurs organes ou représentants.

« Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les
distinctions des article 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par
leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables


pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire
l'objet de conventions de délégation de service public.

5
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes
physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du
quatrième alinéa de l’article 121-3 ».

Cette forme de responsabilité avait été mise en œuvre en 2015, à moins de 5 % des
poursuites pénales d’auteurs d’infractions, donnant lieu à environ cinq mille
condamnations pour délits et contraventions3. Les délits de nature économique et
financière sont le terrain d’élection de la mise en cause des personnes morales. On
constate que beaucoup d’affaires dans lesquelles des personnes morales sont mises en
cause ne font l’objet d’aucune poursuite soit que celle-ci s’avère impossible, soit que
l’affaire est classée sans suite. Enfin, même lorsque les faits peuvent être poursuivis, une
mesure alternative à la poursuite est privilégiée dans plus de 70 % des cas.

Les difficultés de mise en œuvre de l’article 121-2 du Code pénal se sont révélées tout
d’abord en ce qui concerne la définition de représentant susceptible d’engager la
responsabilité pénale d’une personne morale et, ensuite à propos de la mise en jeu de la
responsabilité pénale des personnes morales en présence d’une fusion-absorption de
sociétés anonymes. Enfin, l’institution de la CJIP semble pouvoir constituer un moyen
pour les personnes morales de contourner leur responsabilité pénale.

❖ En effet, pour être reprochée à une personne morale, il faut que l’infraction ait été
commise pour son compte par un de ses organes ou représentants.

L’interprétation de la notion d’organe et de représentant a évolué. Dans un premier temps


la Cour de cassation a paru vouloir limiter les contours de la notion de représentant aux
personnes investies d’une délégation de pouvoir. Mais elle adopte aujourd’hui une
conception de plus en plus large.

Ainsi, dans une affaire de corruption d’agents publics étrangers commis dans le cadre d’un
groupe de sociétés, la Chambre criminelle a admis que l’infraction était imputable à la
société mère dès lors qu’elle était commise par des salariés de ses filiales.

Ceux-ci pouvaient selon la Cour être qualifiés de « représentants de fait » de la société


mère en raison de l’existence de l’organisation transversale propre au groupe et des
missions qui leur étaient confiées.

L’absence de lien juridique et de délégation de pouvoirs à leur profit était inopérant.

Cependant, la responsabilité pénale de la société n’a été engagée qu’en raison de


l’intervention complémentaire d’un organe collectif de la société mère, composé de
dirigeants du groupe4.

Ainsi, les actes des salariés pris isolément, ne peuvent pas engager la responsabilité de la
personne morale.

3 Jean-Yves Maréchal, La responsabilité des personnes morales à la croisée des chemins,


https://www.lexbase.fr/article-juridique/87159158-focus-la-responsabilite-penale-des-personnes-
morales-a-la-croisee-des-chemins
4 Cass. crim., 16 juin 2021, n° 20-83.098, F-P

6
❖ S’agissant de la mise en jeu de la responsabilité pénale des personnes morales en
présence d’une fusion-absorption de sociétés anonymes, par un arrêt très remarqué
du 25 novembre 20205, la Chambre criminelle a considéré que l’article 121-1 du Code
consacrant le principe de la responsabilité pénale du fait personnel ne s’appliquait pas.

Ainsi, « la société absorbante peut-être condamnée pénalement à une peine d'amende ou


de confiscation pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la société
absorbée avant l'opération ».

Cette décision implique qu’une société peut être condamnée pour une infraction commise
pour le compte d’une autre société et par un organe ou représentant de cette dernière ce
qui n’est pas à l’abri de critiques.

❖ Enfin, il convient de noter la création de la procédure de convention judiciaire


d’intérêt public (CJIP), prévue initialement pour des infractions « économiques »
telles que la corruption ou la fraude fiscale, puis étendue, par la loi n° 2020-1672, du
24 décembre 2020, à l’ensemble des délits du Code de l’environnement et aux
infractions connexes, applicable exclusivement aux personnes morales permet de
court-circuiter les règles de la responsabilité pénale des personnes morales.

Cette procédure implique qu’une personne morale « mise en cause » pour une infraction
se voie proposer par le procureur de la République la conclusion d’une convention
pouvant comporter le versement d’une amende d'intérêt public, un programme de mise
en conformité ainsi que, dans le cas des infractions au Code de l’environnement, la
réparation du préjudice écologique résultant des infractions.

Aucun renvoi n’étant fait à l’article 121-2 du Code pénal, aucune reconnaissance de
culpabilité n’est exigée par les textes. Cette procédure peut être mise en œuvre alors
qu’une instruction a d’abord été ouverte, sur transmission de la procédure par le juge
d'instruction au procureur de la République.

Or, dans un premier temps, l’article 180-2 du Code de procédure pénale énonçait que cette
passerelle n’était possible que si la personne morale reconnaissait les faits et acceptait la
qualification pénale retenue, ce qui impliquait donc un aveu de sa responsabilité pénale

Cette condition a été supprimée par la loi n° 2020-1672, du 24 décembre 2020.


Désormais, la transmission de la procédure au parquet ne repose plus sur aucune
condition légale de fond. Seule une demande ou un accord du parquet est nécessaire pour
établir une convention entre la personne morale et le parquet.

Ainsi, la CJIP semble totalement dissociée de l’établissement de la responsabilité pénale


de la personne morale mise en cause, ce qui donne techniquement au mécanisme un
avantage considérable sur une poursuite pénale, le ministère public étant déchargé du
fardeau de la preuve de la commission d’une infraction pour le compte de l’être moral et
par un de ses organes ou représentants.

5 Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, FP-P+B+I, § 23

7
D) Les sanctions

Le Code pénal prévoit les peines encourues pour chaque infraction. Elle précise les peines
principales ainsi que les peines complémentaires qui sont toujours facultatives. Pour les
personnes physiques elles figurent aux article 132-71 à 132-79 et pour les personnes
morales à l’article 131-39.
Les peines de principe sont sensiblement aggravées lorsque l’infraction a été commise
dans certaines circonstances qui concernent la qualité de la victime ou de l’auteur de
l’infraction ou les modalités de commission de l’infraction. Il peut arriver qu’un texte
prévoit une dizaine de circonstances aggravantes. Ainsi une peine de principe de trois ans
d’emprisonnement prévu pour un délit peut être portée à 5, 7 ou 10 ans s’il s’y ajoute une
ou plusieurs circonstances aggravantes.
Dans certains cas, une infraction constitutive d’un délit peut recevoir une qualification
criminelle s’il s’y ajoute des circonstances aggravantes.
Certaines de ces circonstances aggravantes sont communes à plusieurs infractions,
notamment la bande organisée. Pour éviter des interprétations différentes selon les
circonstances de l’espèce elles sont définies aux articles 132-71 à 132-77.

Enfin, dans le sens inverse, la loi du 9 mars 2004 a introduit dans le code pénal le principe
d’une exemption ou d’une diminution des peines en faveur des « repentis ». L’article 132-
78 prévoit qu’elle bénéficie, dans les cas prévus par la loi, aux personnes qui ont fourni
des informations qui ont permis d’éviter la réalisation d’infractions, de faire cesser ou
d’atténuer le dommage causé par une infraction ou d’identifier les auteurs ou complices
d’infractions.

Bibliographie : Mémentos Dalloz, Droit pénal général par Patrick Maistre du Chambon,
Philippe Conte et Jean Larguier, Sept. 2022, 24ème édition – Code pénal en accès libre sur
le site de Legifrance. https://www.legifrance.gouv.fr/

8
Titre : Schéma bilan sur la responsabilité de la personne morale S. Vernaz
Historique :
- 1994 => prévue pour un nombre restreint d’infraction Le groupement doit être dotée de la personnalité morale
(ancien principe de spécialité)
- Loi du 9 mars 2004 => pour toutes les infractions (sauf les
infractions de presse et les infractions commises par voie
Art. 121-2 CP : Les personnes morales sont pénalement
audiovisuelle
- Attention : responsables des infractions commises pour leur compte, par
- L’Etat est exclu leurs organes ou représentants => responsabilité du fait
- les collectivités territoriales et leurs personnel par représentation
groupements ne sont responsable que des
infractions commises dans l’exercice d’activités
susceptibles de faire l’objet de conventions de
délégation de SP
- La responsabilité des PM n’exclut pas celle des PP
Une infraction commise pour le
Une infraction commise par un organe ou un représentant : compte de la personne morale
agissement indirect

Représentant ou organe légal Agissements délictueux dans l’intérêt de la


Identification précise de la personne physique ou de
personne morale
l’organe collégial (ex. Cass. crim., 29 mars 2022, n° 21-
• Personne physique ou 82.717)
- Intérêt direct ou indirect
assemblée collégiale (ex. - Intérêt financier ou moral (agissement
(Cass. crim., 14 mars 2018, au nom de la PM, amélioration de
 Peu importe que la responsabilité de la PP ne soit
n° 16-82.117) l’image de la PM etc.)
pas engagée tant qu’il subsiste un fait punissable
NB. Si la PP a agi dans son propre intérêt, il
(ex. cause subjective d’irresponsabilité ou faute
• Préposé bénéficiant d’une non intentionnelle simple + lien de causalité
peut également l’avoir fait pour le compte
délégation de pouvoirs de la PM (Cass. crim., 29 janv. 2020, n° 17-
indirect
régulière (ex. Cass. crim., 83.577)
9 nov. 1999, n° 98-81.746)

• Représentant ou organe de
fait Sanction : quantum de la peine pécuniaire encourue par la personne physique X 5

Crime ou délit :
Principe : Amende prévue pour la PP x 5 !
• Si crime sans amende prévue pour les PP (ex. meurtre) => 1 million d’euros
• Peine alternative possible (sanction-réparation)
• Peine complémentaire : dissolution, l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale ou encore la
fermeture d’établissement.
Contravention :
• 4ème classe : amende x 5 ; PC de 131-43 du CP
• 5ème classe : amende x5 ou peine restrictive de droit de 131-42 ou sanction réparation + PC
S. Vernaz
Titre : Schéma bilan 2 sur la responsabilité du chef d’entreprise
Inspiré par
M. Lobé
Absence de faute : Lobas
Conditions de la Conditions de la - Preuve difficile à établir
responsabilité du chef responsabilité du chef - Présomption de faute liée à
d’entreprise du fait de d’entreprise en général
son préposé
la connaissance des
prescriptions légales

Liée à la
mauvaise Faute personnelle Exonération du
surveillance du chef chef d’entreprise
d’un préposé d’entreprise
Nul n’est responsable
que de son propre fait Exonération du dirigeant par la
- Existence d’un lien de
121-1 CP délégation (même non écrite) de
subordination entre le
pouvoirs :
dirigeant et le salarié Fondements :
- Délégation circonscrite à
- Infraction (non - Absence de principe général de
certaines missions et justifiée
intentionnelle) commise la responsabilité du fait du chef
compte tenue de la taille et des
dans le cadre de d’entreprise
activités de l’entreprise
l’activité (législation que - Existence de texte spécifiques
- Délégation consentie à une
le chef d’entreprise => visent le chef d’entreprise
personne disposant de la
devait faire respecter) (ex. L. 4741-1 CT)
compétence et de l’autorité et
- Infractions liées au pouvoir de
des moyens nécessaires
=> Cumul possible des direction du chef d’entreprise =>
- Délégation antérieure à la
responsabilités du dirigeant défaut de surveillance du chef
commission de l’infraction
et du préposé ≠ du droit civil d’entreprise OU infraction ne
pouvant être commise que par
eux (ex. en matière de salubrité) Subdélégation toujours possible
S. Vernaz

Titre : Schéma-bilan 1 sur la structure de l’infraction

Préalable légal
Ex. 311-1 CP : « Le vol Neutralisation du
Principe de légalité 111-2 et 111-3 CP :
est la soustraction préalable légal par une
Nullum crimen sine lege, nulla poena, sine lege
frauduleuse de la chose exception :
Deux corollaires :
d’autrui »
• Interprétation stricte de la loi pénale, 111-4 CP Fait justificatif = cause
• Principe de non-rétroactivité de la loi pénale, 112-1 CP objective
d’irresponsabilité
Elément matériel Elément moral/psychologique
• Légitime défense,
Nécessité de qualifier les faits • Imputabilité : renvoie au libre-arbitre 122-5 CP
• Composante parfois placée en dehors de l’infraction • Commandement de
• Commission stricto sensu : permet alors d’établir la responsabilité (ou l’autorité légitime
• C’est la transgression de l’interdit
infraction punissable) 122-4 CP
• Omission
• La violation d’une obligation
• Absence d’imputabilité = cause subjective • Ordre/autorisation de la
d’agir est incriminée d’irresponsabilité, à savoir : loi
• Troubles psychiques et neuropsychiques 122-4 CP
ayant aboli le discernement, 122-1 CP • Etat de nécessité
NB. : le complice, qui a une intention propre, • Contrainte, 122-2 CP 122-7 CP
doit participer à la matérialité de l’infraction • Erreur de droit, 122-3 CP
d’autrui : 121-7 CP
• Soit par aide, assistance, l’agent a facilité la • Faute : 121-3 CP
préparation ou la consommation de
l’infraction
• En principe : intentionnelle : conscience et
• Soit par don, promesse, menace, ordre, abus volonté
d’autorité ou de pouvoir, l’agent a provoqué • Disparait si erreur de fait
à une infraction ou a donné des instructions • Si prévu par le texte : par imprudence
pour la commettre • Non sanctionné si faute simple +
causalité indirecte
Droit pénal des affaire
M2IFEE en EAD_2023
SEQUENCE 2
LE FAUX ET L’USAGE DE FAUX

Le faux et l’usage de faux sont des délits incriminés aux articles 441-1 à 441-12 du Code
pé nal.
L’article 441-1 al. 1er définit le faux et l’alinéa 2 énonce les sanctions du faux et de l’usage
de faux en écriture privée
L’article 441-2 aggrave les sanctions lorsque le faux ou l’usage de faux est commis par
certaines personnes ou dans certaines circonstances
L’article 441-3 sanctionne la détention frauduleuse d’un faux
L’article 441-4 sanctionne le faux commis dans une écriture publique
L’article 441-5 sanctionne le fait de procurer frauduleusement à autrui un document
délivré par une administration publique
L’article 441-6 sanctionne le fait de se faire délivrer frauduleusement un document par
une administration publique ou par un organisme chargé d'une mission de service public.
L’article 441-7 sanctionne l’établissement et l’usage de faux certificats et attestations
L’article 441-8 sanctionne l’utilisation d’un document officiel appartenant à un tiers avec
ou sans son consentement pour entrer, se maintenir et circuler sur le territoire français.
L’article 441-9 sanctionne la tentative
L’article 441-10 et 11 énoncent les peines complémentaires
L’article 441-12 précise les sanctions encourues par les personnes morales.

L’infraction générique est définie par l’article 441-1 du Code pénal.


Le législateur a placé les faux (Chapitre 1) au sein du Livre IV consacré aux crimes et délits
contre la Nation, l’Etat et la paix publique et particulièrement aux sein du Titre IV consacré
aux atteintes à la confiance publique aux côtés des incriminations relatives à la fausse
monnaie (chapitre 2) et de la falsification des titres et autres valeurs fiduciaires émises
par l’autorité publique (Chapitre 3), de la falsification des marques de l’autorité (chapitre
4), de la corruption des personnes n’exerçant pas une fonction publique (chapitre 5), de
la violation des dispositions réglementant les professions exercées dans les lieux publics
(chapitre 6).

La répression de toutes ces infractions présente des éléments communs. Ils concernent la
tentative incriminée à l’article 441-9 pour tous les délits sauf celui de la détention
frauduleuse d’un faux (art. 441-3), les peines complémentaires énumérées par l’article
441-10 et l’interdiction du territoire français de l’art. 441-11. Les personnes morales
encourent les peines de l’article 131-39 selon les modalités de l’article 131-38 (art. 441-
12) avec cette précision que l'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte
uniquement sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle
l'infraction a été commise.

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Nous traitement le faux et l’usage de faux en écriture privée (Chapitre 1), les infractions
assimilées au faux et les faux spéciaux (chapitre 2), la répression du faux et de l’usage de
faux (Chapitre 3)

CHAPITRE 1 : LE FAUX ET L’USAGE DE FAUX EN ÉCRITURE PRIVÉE

Art. 441-1 : « Constitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à


causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout
autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet
d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.
Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros
d'amende ».
Le faux et l’usage de faux constituent deux délits distincts et l’usage de faux est punissable
même si le faux ne peut l’être. Ce qui peut arriver soit parce que le délit de faux est couvert
par la prescription (Crim. 14 oct. 1991, Dr. Pén. 1992, comm. 56) soit parce que l’auteur
du faux est resté inconnu (Crim. 5 mars 1990, Dr. Pén. 1990, comm. 247. Le faux est une
infraction instantanée consommée par l’acte matériel d’altération de la vérité. L’usage de
faux est également une infraction instantanée. S’il y a plusieurs actes d’usage, chacun
d’entre eux renouvelle l’infraction et la prescription ne court qu’à compter de la dernière
utilisation du faux (Crim. 19 janv. 2000, Bull. n° 32 ; Crim. 30 mars 1999, Bull. n° 54). Il
s’ensuit que l’usage de faux peut être poursuivi même si le faux est prescrit.

I. La condition préalable
Le faux consiste dans l’alté ration frauduleuse de la vé rité d’un é crit ou de tout autre
support d’expression de la pensé e. Qu’il s’agisse d’un é crit ou de tout autre support, le
lé gislateur impose que celui-ci ait une destination ou une aptitude probatoire : le
support du faux doit avoir pour objet ou pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait
ayant des conséquences juridiques.

C’est ainsi que la jurisprudence juge :


- Que sont punissables la falsification de documents comptables ayant une valeur
probatoire : passation en comptabilité de factures fausses et fictives (Crim. 20 juin
2007, Dr. Pé. 2007 comm. 142). Il s’agissait de fausses factures sous-évaluées pour
limiter le coût des droits de douanes ; Ass ; pén. 4 juill. 2008, D. 2009. 1725 obs.
Mascala ; falsification du bilan ou du compte de résultat établi par l’expert
comptable de la société (Crim. 17 déc. 2003 Dr. Pén. 2004, com. 60) ; falsification
du procès-verbal d’assemblée générale d’une société (Crim. 20 mars 2007, Bull.
crim. , n° 86) ; pièces justificatives d’états de frais présentés par un salarié (Crim.
7 sept. 1993, Dr. Pén. 1994, comm. 2) ; falsification d’un bulletin de salaire par
l’employeur (Crim. 7 déc. 2005, Bull. n° 220 ; Dr. Pén. 2005, comm. 176). Pour les
fausses factures la Chambre criminelle juge qu’elles sont susceptibles de constituer
un faux punissable : Crim. 20 juin 2007, Dr. Pén. 207, comm. 142

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- que ne sont pas punissables des faux commis sur des écrits qui ne constituent que
des déclarations unilatérales sujettes à vérifications. Ces écrits ne valent pas titre ,
ne créent pas de droits et n’ont pas eux-même aucune valeur probatoire. Ainsi ne
sont pas punissables des é crits mensongers figurant dans des mé moires,
décomptes, devis, attestation de domicile pour obtenir indemnités de déplacement
(Crim. 5 nov. 1998, Bull. n° 288 : lettres de change non acceptées ; Crim. 13 févr.
2002, Bull. n°° 29 : notes d’honoraires présentées par un architecte ; conclusions
produites en justice (crim. 22 nov. 1977, Bull. n° 361. Les conclusions sont en effet
sujettes à discussion.

II. L’élément matériel du faux


A) Le comportement incriminé : l’altération de la vérité
Le faux est une infraction de commission. Le faux dé signe toute alté ration frauduleuse
de la vé rité de nature à causer un pré judice. Cette alté ration peut ê tre ré alisé e de quelque
maniè re que ce soit : il peut s’agir d’une altération d’un écrit ou de tout autre support
d’expression de la pensée. La preuve de l’alté ration de la vé rité est caracté risé e par
l’é tablissement d’un mensonge sur un support : ainsi en est-il de l’imitation d’une
signature ou d’une fausse signature (faux maté riel) ou encore de celui qui, chargé de la
tenue des comptes d’une entreprise, fait apparaitre une position comptable fausse par
l’omission intentionnelle de certaines é critures (faux intellectuel, Cass., Crim. 25 janvier
1982).
B) Le résultat
Le faux est une infraction formelle. Le lé gislateur impose que l’alté ration frauduleuse
de la vé rité constaté e soit « de nature à causer un préjudice ». S’agissant du pré judice, la
jurisprudence exige qu’un pré judice, mê me é ventuel, soit constaté . Ainsi, pour que
l’infraction soit constitué e, il suffit d’une simple é ventualité ou possibilité de pré judice.
Quant au ré gime du caractè re pré judiciable du faux, ce caractè re n’a pas à ê tre
expressé ment constaté , s’il ré sulte de la nature mê me de la piè ce fausse. La Cour de
cassation précise que si les faux occasionnent un préjudice à la personne dont ils sont
censés émanés, il n’est pas nécessaire d’établir que ces faux avaient pour objet ou pour
effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant eu des conséquences juridiques
(Crim. 6 avr. 2016, RTD com. 574, note Saenko ; Dr. Pénal 2016. 106 note Ph. Conte ; crim.
27 juin 208, Gaz. Pal., spc. 6 nov. 2018, p. 53, note Destraz. Le faux est en effet punissable
indépendamment de l’usage qui sera fait ou ne sera pas fait de l’écrit falsifié et il importe
peu que le faussaire ou le tiers à qui il était destiné ne veuille ou ne puisse en faire usage
pour quelque raison que ce soit ou que le faux matériel soit conforme à l’original (Crim.
12 sept. 2018, Dr pén. 2018. 210, note Ph. Conte.).
La preuve du préjudice découle souvent du fait que les documents falsifiés ont été
produits ou étaient destinés à être produits en justice (Crim. 2 mai 1989, Dr. Pén. 1989,
n° 2. Le préjudice peut n’être que moral : Crim. 27 mars 2007, Dr. Pén 2007, comm. 99) :
fausse signature apposée sur un certificat excluant une œuvre d’art d’un salon
d’exposition, ce qui rend l’objet invendable et porte atteinte à la « crédibilité
commerciale » de son propriétaire (Crim. 27 mars 2007, Dr. Pén. 2007, comm. 99).
La Cour de cassation dispense les victimes de l’obligation d’apporter la preuve d’un
préjudice dans un grand nombre de cas en jugeant qu’il découle nécessairement de
certains faux en raison de la nature même de la pièce falsifiée. C’est le cas des faux en

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écriture publique ou authentiques qui portent toujours atteinte à la foi ou à la confiance
publique (Crim. 24 mai 2000, Bull. n° 202) ; des faux en matière d’écriture de commerce,
feuille de présence aux assemblées générale, PV de conseils d’administration (Crim. 27
nov. 1978 Bull. n° 331). Dans un arrêt du 14 nov. 2013 (Dr. Pén. 2014, comm. 21) la
Chambre criminelle que le faux peut résulter de l’omission de porter des sommes dues
sur le tableau de bord comptable adressé à la chambre des notaires et juge qu’il y a
atteinte à la force probante des écritures comptables. De manière générale elle affirme
que « le caractère préjudiciable n’a pas à être expressément constaté s’il résulte de la
nature même de la pièce fausse » (Crim. 12 nov. 1998, Bull. n° 298). Pour le Pr. Michel
Véron, la constatation du préjudice n’est plus qu’une exigence purement formelle qui ne
restreint pas sérieusement la portée de l’infraction (M. Véron, du préjudice éventuel au
préjudice virtuel, Dr. Pén. 1999, chron. 7)

III. L’élément matériel de l’usage de faux


Tous les textes qui incriminent le faux en incriminent également l’usage. Ils punissent
l’usage des mêmes peines que la falsification du document ou de l’écrit. L’usage de faux
est é galement une infraction de commission. L’usage de faux dé finit quant à lui le fait,
pour une personne, d’utiliser un document falsifié à dessein et en toute connaissance de
cause afin de retirer les bé né fices auxquels donnerait droit le document original. Il faut
é tablir que l’usage du document falsifié se soit traduit par un acte positif : obtenir un
paiement, faire valoir un droit, voyager gratuitement etc… Ne constitue pas un usage de
faux le fait de « laisser produire en justice par un tiers » des documents falsifiés, même en
connaissance de leur fausseté (Crim. 4 nov. 2010Dr. Pén. 2011, comm. 17)
Sur la production d’une pièce falsifiée dans le cadre d’une instance en justice (Crim. 22
oct. 2003, Bull n° 200 ; Crim. 3 mai 2012Dr. Pén. 2012, comm. 113 ; AJ Pénal 2012, 481,
obs. J. Gallois).
L’usage de faux peut servir à commettre une autre infraction telle que l’escroquerie. Les
deux infractions présentent des éléments identiques et indissociables et ne peuvent donc
pas être retenues toutes les deux (Crim. 30 mai 2018 Gaz. Pal. 24 juillet 2018, p. 47 note
E. Dreyer)
Le lé gislateur exige que l’usage fait du faux soit de nature à avoir une valeur probatoire et
à entrainer des effets juridiques. De mê me que s’agissant du faux, il n’existe d’usage de
faux punissable qu’autant que la piè ce contrefaite ou alté ré e est susceptible d’occasionner
à autrui un pré judice actuel ou possible. La loi n’exige pas que le pré judice soit consommé
ou iné vitable, il suffit d’une simple é ventualité ou possibilité de pré judice (Cass. Crim. 11
décembre 1974).

IV. L’élément moral du faux et de l’usage de faux


Le faux est une infraction intentionnelle. En matiè re de faux et d’usage de faux,
l’intention coupable de l’agent résulte, quel que soit son mobile, de sa conscience de
l’altération de la vérité dans un document susceptible d’établir la preuve d’un droit ou
d’un fait ayant des conséquences juridiques (Cass., Crim. 3 mai 1995). La fraude ne
suppose pas une intention de nuire chez le faussaire mais seulement la conscience de
modifier les engagements des parties pour le faux matériel ou de faire une déclaration
contraire à la vérité pour le faux intellectuel. Dès qu’il y a conscience d’altérer la vérité, le

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faux est punissable quelque soit le mobile qui a pu animer le faussaire, même celui
d’établir un document qui lui fait défaut et qui correspond à la vérité (Crim. 1er avr. 2014,
Dr. Pén. 2014, comm. 87)

CHAPITRE 2 : LES INFRACTIONS ASSIMILÉES AU FAUX ET LES FAUX SPÉCIAUX

Le code pénal prévoit de nombreuses dispositions qui sanctionnent les infractions


voisines du faux ou des faux spéciaux. Elles concernent les documents délivrés par une
administration (I) et les fausses attestations ou certificats (II).

I. Les infractions relatives aux documents délivrés par une administration.

A. La détention d’un document falsifié : art. 441-3


L’article 441-3 sanctionne la détention frauduleuse d’un faux document délivré par une
administration publique telle que définie par l’article 441-2.
Cette infraction vise à mieux lutter contre le trafic de faux documents administratifs. En
effet, le recel de faux document ne peut être retenue à l’encontre de ceux qui détiennent
les documents qu’ils ont eux-mêmes falsifiés. Elle permet également des poursuites pour
détention de faux documents après la prescription du faux lui-même. Le délit peut
sanctionner la détention en France de documents étrangers falsifiés ou contrefaits (Paris
24 févr.1999, Dr. Pén. 1999, comm. 98).
Pour être constituée, il convient de démontrer que le détenteur savait que le document a
été falsifié.

B. Procurer frauduleusement un document administratif : art. 441-5


Est puni le fait de procurer frauduleusement à autrui un document délivré par une
administration publique. La délivrance doit être réalisée en sachant que le bénéficiaire ne
remplit pas les conditions légales pour obtenir le document. Ici le texte sanctionne une
forme de complicité ou de connivence entre l’auteur et le bénéficiaire de l’acte.

C. Se faire délivrer indûment un document administratif : art. 441-6


L’alinéa 1 incrimine le fait de se faire délivrer indûment un document en sachant qu’on
n’y avait pas droit, par une administration publique ou par un organisme chargé d’une
mission de service public, par quelque moyen frauduleux que ce soit. Le moyen utilisé
importe peu : il peut s’agir d’un faux nom, d’une fausse qualité, de fournir des faux
renseignements, … etc.
Pour des exemples : Crim. 4 nov. 1992, Dr. Pén., 993, comm. 59 ; crim. 14 juin 1995, Dr.
Pén. 1995, comm. 219.
La chambre criminelle juge que le préjudice n’est pas exigé au titre des éléments
constitutifs de ce délit (Crim. 7 avr. 1994, Bull. n° 145).

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L’alinéa 2 sanctionne le fait de fournir sciemment une fausse déclaration ou une
déclaration incomplète en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir, de faire obtenir ou de
tenter de faire obtenir d’une personne publique, d’un organisme de protection sociale ou
d’un organisme chargé d’une mission de service public, une allocation, une prestation, un
paiement ou un avantage indu. Ce texte permet d’appréhender l’escroquerie à la sécurité
sociale, aux Assedic, aux caisses de retraite et de prévoyance au stade de la tentative.
Crim. 8 déc. 2015, Dr. Pén. 2016. 29 note J-H Robert – Crim. 8 août 2018, Dr. Pén. 2018.
207, note Ph. Conte.
Voir J.H Robert, « Le mensonge à l’administration, une nouvelle forme de faux », Dr. Pén.
1994, Chr. 61).
La tentative est punissable (441-9 C. pén.) Crim. 11 mai 2011, Dr. Pén. 2011, comm. 103

D. L’usage d’un document dont les mentions sont incomplètes ou inexactes : R


645-8
Est incriminé le fait d’utiliser un document délivré par une administration publique, à
l’origine sincère et exact mais dont certaines mentions sont devenues incomplètes ou
inexactes. Il s’agit d’une contravention de 5ème classe. L’utilisation frauduleuse consiste en
la simple production du document sur demande des autorités judiciaires ou
administratives.

II. Les infractions relatives aux attestations et aux certificats.

A) Les faux certificats et attestations : art. 441-7


Est punissable le fait d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits
matériellement inexacts ou de falsifier une attestation ou un certificat qui, à l’origine
était sincère. Cette infraction permet d’appréhender des faits même si l’écrit
mensonger ou falsifié ne présente aucun caractère probatoire ou n’est pas susceptible
de causer un préjudice (Crim. 5 mars 1990, Dr. Pén. 1990, n° 246 - Crim. 19 févr. 1991
Dr. pén. 1991, comm. 223).

Le délit suppose que l’attestation ou le certificat fasse état d’un fait précis
matériellement inexact. Tel n’est pas le cas d’une attestation qui se borne à faire état
de façon inexacte d’un simple projet de prêt (Crim. 18 févr. 2003, Bull. n° 39).
Tombent en revanche sous le coup de l’infraction la fabrication et la rédaction
d’ordonnances par un vétérinaire prescrivant des médicaments destinés à des
animaux sans les avoir examinés (Crim. 6 févr. 2001 Bull. n° 35). La Cour de cassation
exige que le document comporte la signature authentique de son auteur. En l’absence
d’une signature ne permettant pas d’identifier l’auteur, l’infraction ne peut pas être
constituée (Crim. 15 mars 2000, Bull. n° 117). Elle juge également que la déclaration
doit avoir été établie au profit d’un tiers. La déclaration établie dans son propre intérêt
ne constitue pas une attestation ou un certificat au sens de l’article 441-7, 1° du Code
pénal (Crim 7 mars 2012, Dr. Pén. 2012, comm. 67).

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B) L’utilisation d’un document officiel appartenant à un tiers avec ou sans son
consentement pour entrer, se maintenir et circuler sur le territoire français :
article 441-8
L’article 441-8 al. 1er incrimine le fait d'utiliser un document d'identité ou de
voyage, un titre de séjour ou tout document provisoire mentionné à l'article L.
431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
appartenant à un tiers, avec ou sans son consentement, aux fins d'entrer, de
circuler ou de se maintenir sur le territoire français ou d'obtenir indûment un
titre, une qualité, un statut ou un avantage

L’alinéa 2 incrimine également le fait pour le titulaire du document d'identité ou


de voyage, du titre de séjour ou du document provisoire mentionné au même
article L. 431-3 d'avoir sciemment facilité la commission de l'infraction
mentionnée au premier alinéa.

CHAPITRE 3: LA RÉPRESSION DU FAUX ET DE L’USAGE DE FAUX

I. Le faux dans un écrit ou un support privé (art. 441-1)


Le faux dans un écrit ou un support privé est puni de trois ans d’emprisonnement et de
45 000 euros d’amende.
II. Le faux dans un document délivré par l’administration : le faux en
écriture publique (art. 441-2 C. pén.)
a) Le faux commis dans un document délivré par une administration publique aux
fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une
autorisation est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
art. 441-2 al. 1 et 2. Constitue un faux en écriture publique l’établissement d’un bon
de commande fictif pour contourner les règles d’attribution des marchés publics
(Crim. 22 sept. 2004, JCP 2005. II. 10042, note F. Linditch)
b) Les peines sont porté e à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende
lorsque le faux ou l'usage de faux est commis par une personne dé positaire de
l'autorité publique ou chargé e d'une mission de service public agissant dans
l'exercice de ses fonctions art. 441-2 al. 3, 4
c) Les peines sont porté es à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende
lorsque le faux ou l'usage de faux est commis de maniè re habituelle (art. 441-2 al.
5)
d) Aggravation en cas de dol spécial : Les peines sont porté es à sept ans
d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsque le faux ou l'usage de faux
est commis dans le dessein de faciliter la commission d'un crime ou de procurer
l'impunité à son auteur.

III. Le faux dans une écriture publique ou authentique (Art. 441-4 C. pén.)
Ces faux prévus à l’article 441-4 sont réprimés plus sévèrement en raison de la force
probante que la loi leur reconnaît. Il s’agit notamment des actes de l’état civil, du registre
des délibérations des conseils municipaux, des actes judiciaires, des actes dressés par les
officiers ministériels tels que huissiers, notaires. A été considéré comme un faux dans une
écriture publique, le faux commis par un doyen de faculté remettant au secrétariat de

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l’Université des notes d’examen de deux étudiants assorties de décisions favorables du
jury, décisions en réalité inexistantes (Crim. 26 janvier 2011, Dr. Pén. 2011, comm. 46).
Cependant, la Chambre criminelle (Crim. 9 nov. 2016, Dr. Pén. 2017, 17, note Ph. Conte),
n’a pas appliqué le texte à des mensonges commis dans une décision de justice. Il s’agissait
en l’espèce d’une déclaration d’incompétence.
Si le faux est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une
mission de service public agissant dans l’exercice de sa mission ou de ses fonctions,
l’infraction est qualifiée de crime et punie de 15 ans de réclusion criminelle et de 225000
euros d’amende.
Si elle est commise par toute autre personne, la peine est un emprisonnement de 10 ans
et d’une amende 150 000 euros.

IV. La répression des infractions assimilées au faux et les faux spéciaux

A) La détention d’un document falsifié (art. 441-3) : 2 ans d’emprisonnement et


de 30 000 euros d’amende. Les peines sont portées à 5 ans et à 75 000 euros
d’amende en cas de détention de plusieurs documents.
B) Le fait de Procurer frauduleusement un document administratif (art. 441-
5) : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Les peines sont portées à
7 ans et 100 000 euros d’amende lorsque le délit est commis soit par un dépositaire
de l’autorité publique, soit de manière habituelle , soit dans le dessein de faciliter
la commission d’un crime ou d’ procurer l’impunité à son auteur.
C) Se faire délivrer indûment un document administratif (art. 441-6) : 2 ans
d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
D) L’usage d’un document dont les mentions sont incomplètes ou inexactes (R
645-8) : Peine d’amende des contraventions de 5ème classe (1 500 euros). Le
coupable encourt également la confiscation. La récidive de la contravention est
punissable.
E) Les faux certificats et attestations : art. 441-7 : 1 an d’emprisonnement et 15
000 euros d’amende. Les peines sont portées à 3 ans et à 45 000 euros lorsque
l’infraction est commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au
patrimoine d’autrui soit en vue d'obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une
protection contre l'éloignement.
Pour une application voir Crim. 13 févr. 1969, Bull. n° 75 : médecin ayant signé des
feuilles de sécurité sociale attestant des actes qu’il n’a pas accomplis.
F) Utilisation frauduleuse du document d’identité ou de voyage d’un tiers et
aide à cette utilisation frauduleuse art. 441-8 : cinq ans d'emprisonnement et
de 75 000 € d'amende

Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende
lorsque ces infractions sont commises de manière habituelle.

V. Les peines complémentaires : art. 441-10 ; 441-11


Art. 441-10 : Les personnes physiques coupables des crimes et délits prévus au présent
chapitre encourent également les peines suivantes :

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1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille suivant les modalités prévues par
l'article 131-6 ;

2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, soit d'exercer une
fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une
profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler
à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le
compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;

3° L'exclusion des marchés publics ;

4° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de


la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.
Art. 441-11 : L'interdiction du territoire français peut être prononcée dans les
conditions prévues par l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix
ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable de l'une des infractions définies au
présent chapitre.

VI. Les peines applicables aux personnes morales : 441-12


Pour un exemple de condamnation d’une personne morale : Crim. 24 mai 2000, Bull.
n° 203 : usage d’une fausse attestation devant le conseil des prud’hommes dans une
procédure de licenciement, action commise par le conseiller en ressources humaines
qui est un organe ayant agi pour le compte de la société.

9
Le faux et les infractions voisines 2) Détention frauduleuse d’un faux document administratif (441-3 CP) – délit
de conséquence
1) Usage de faux (441-1 al. 1) – délit de conséquence
EM :
EM : • La détention se définit comme un pouvoir de fait exercé sur un bien, mais
• Condition préalable : l’existence d’un faux (cf. Pas de condamnation cumulée n’implique pas une appréhension matérielle des documents, qui peuvent être
infraction de faux) possible pour l’usage et la détention détenus par l’intermédiaire d’autrui (cass. crim. 6 janv. 2021, n° 19-84.547)
• Utilisation : non défini dans le CP de faux. Les « faits qui procèdent de • => intérêt de cette infraction : lorsque le délai de prescription de l’action publique
o Doit être une commission : utilisation d’un manière indissociable d’une action pour faux est dépassé, elle rend continu un délit qui, à la base, ne l’est pas
document falsifié à titre probatoire ou en unique caractérisée par une seule
vue de lui faire produire des effets de droit. intention coupable ne peuvent donner EP : Intention (conscience et volonté)
o Exclu : cas de l’omission où l’agent laisse le lieu contre le même prévenu à deux
document falsifié produire des effets en déclarations de culpabilité de nature Sanction :
justice (Cass. crim. 4 nov. 2010, n° 09- pénale fussent-elles concomitantes ». • 2 ans + 30 000€ (al. 1)
88.187) Cass. crim. 21 nov. 2018 • Aggravation à 5 ans + 75 000€ si détention de plusieurs documents (al. 2)
EP : intention (conscience et volonté)

Sanction : pareil que le faux 3) Fourniture (441-5) ou obtention (441-6 al. 1 CP) frauduleuse d’un
441-1 al. 1
document administratif
6) Usage frauduleux du document d’identité d’autrui (441-8) Infraction propre
de « faux » EM :
EM : • Fourniture : fait de procurer à autrui un document délivré par l’administration
• Soit utiliser le document d’identité d’un tiers
VS publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou
• Soit faciliter à un tiers l’utilisation de son document d’identité Infractions d’accorder une autorisation
• Et ce dans le but « d’entrer, de circuler ou de se maintenir sur le • Obtention : forme particulière d’escroquerie (implique des moyens
territoire français ou d’obtenir indument un titre, une qualité, un
spécifiques frauduleux)
statut ou un avantage ». issues de cette
EP: intention (conscience et volonté)
Sanction :
l’infraction
• 5 ans et 75 000€ Sanction :
• 7 ans et 100 000€ si commis de manière habituelle • 5 ans + 75 000€
• Pour la fourniture : 7 ans + 100 000 €, si commis (al. 2) :
• 1° Soit par une personne dépositaire de l'autorité publique ou
5) Faux certificat et usage de faux certificat (441-7 CP) chargée d'une mission de service public agissant dans l'exercice de
ses fonctions
EM : • 2° Soit de manière habituelle
• Établissement, falsification ou usage de faux certificats ou attestation (= déclaration écrite, sans • 3° Soit dans le dessein de faciliter la commission d'un crime ou de
considération de forme, rédigée en faveur d’autrui, dans laquelle le déclarant atteste de fait matériellement procurer l'impunité à son auteur.
inexacts)
• Importance que ce soit déclaré par autrui et non pas par le bénéficiaire lui-même
• Peu importe que ce certificat ne cause aucun préjudice
• Doit relater des faits précis présentés de manière indiscutable (pas un simple avis) 4) Déclaration mensongère aux fins d’obtention d’une allocation, d’un
paiement ou d’un avantage indu (441-6 al. 2 CP)
EP :
Intention de réaliser ou d’utiliser un faux certificat.
• EC : forme d’escroquerie, la déclaration étant le moyen frauduleux
• Sanction : 2 ans et 30 000 €
Sanction :
Peines principales :
• 1 an et 15 000€
• 3 ans et 45 000€ si infraction commise en vue de porter préjudice au Trésor public ou au patrimoine d’autrui S. Vernaz
ou pour obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement. inspiré par A. Lepage, P. Maistre du Chambon, R. Salomon, Droit pénal des affaires,
Peines complémentaires : Lexisnexis, 6ème édition
• 441-10 et 441-11 CP
Élément psychologique = caractère frauduleux de l’altération de
Préalable légal (441-1 al. 1 CP) : Constitue un faux toute altération la vérité
Le faux et l’usage de faux frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par Intention : conscience et volonté chez l’agent de l’altération de la
quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression vérité du document probatoire de nature à causer un préjudice
de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve (Cass. crim. 3 mai 1995)
d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques. • Faux matériel : l’intention se déduit de la seule fabrication
d’un acte destiné à violer la loi et à créer l’apparence d’une
situation juridique préjudiciable à autrui.
Éléments matériels • Faux intellectuel : démonstration de ce que l’agent a eu
conscience de la fausseté de ses déclaration (pas un simple
manquement)
Condition préalable :
le support du faux Altération de la vérité

Nature du support Finalité du support Falsification substantielle Préjudice


« un écrit ou tout autre support « qui a pour effet d’établir la preuve d’un • Activité positive de l’agent altérant la vérité du document
d’expression de la pensée » droit ou d’un fait » • Caractère substantiel, portant sur une mention principale.
Infractions formelles : se consomme
Exclusion des mentions accessoires ou complémentaires (ex.
en l’absence de préjudice subi (sa
• Tout support permettant la • Les documents doivent avoir une valeur la date du contrat si elle n’emporte pas de conséquences)
possibilité ou son éventualité suffit).
pérennisation d’une pensée exprimée probatoire Indifférence des moyens
• Doit être lisible et conservable • Acte valant titre : actes • Faux matériel (porte sur le support) : fabrication d’un faux
Le préjudice peut être matériel ou
• Diversité des supports : écrit, DVD, comptables, contrat de travail, document, signature au nom d’un tiers, ratures, grattages et autres
surcharges moral
bandes magnétiques, puces permis de construire, factures
• Sont également admis, les : • Acte établi pour faire la • Faux intellectuel (porte sur le contenu) : constatation de faits
faux, simulation d’un acte (contrat établi a posteriori), supposition de Il peut être individuel ou social
• Photocopies, Cass. crim., preuve d’un fait juridique :
personnes (faire faussement apparaitre un tiers comme partie à
16 nov. 1995 attestation, constat amiable l’acte), dénaturation d’un acte (pas insertion de fausses dispositions), Souvent en pratique, le préjudice est
• Document nuls, Cass. • Critère exclu par la jurisprudence pour omission d’écriture dans la comptabilité (exception à la nécessité présumé (il n’a même pas à être
crim., 18 mai 1960 les faux matériels (qui portent sur le d’une action dans le cas où l’omission se répercute nécessairement
expressément constaté s’il résulte de
• Sont en revanche exclus les support et non son contenu) - Cass. crim., sur l’ensemble des comptes et fait apparaitre des résultats
mensongers la nature de la pièce fausse) Cass.
documents établis unilatéralement 3 déc. 2008 => peuvent avoir des
crim. 12 nov. 1998 BC 1998)
et soumises à discussion : conséquences juridiques quand même
• Lettre de change
présentée à l’escompte
mais non acceptée par le Répression :
tiré Peines principales
• Une demande ▪ Peine de référence : 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende (art. 441-1 al. 2 CP)
d’inscription sur une liste ▪ Aggravation à 5 ans d’emprisonnement et 75 000€ (441-2 al. 2 CP) : si commis dans un document délivré par une administration publique aux fins
électorale établie par un de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation
administré sur un ▪ Aggravation à 7 ans d’emprisonnement et 100 000€ (441-2 al. 3 CP)
formulaire délivré par • Si faux commis :
l’administration o Soit par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public
• Une assignation pour faire o Soit de manière habituelle
valoir ses prétentions (sauf o Soit dans le dessein de faciliter la commission d’un crime ou de procurer l’impunité à son auteur
si acte de procédure au ▪ Aggravation à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende (441-4 al. 1er CP)
nom d’une personne • Si faux commis dans une écriture publique ou authentique ou dans un enregistrement ordonné par l’autorité publique (écoute
imaginaire) téléphonique)
▪ Aggravation à 15 ans de RC et 250 000€ d’amende (441-4 al. 3 CP)
• Si commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de SP agissant dans l’exercice de ses fonctions
ou de sa mission.
Peines Complémentaires : 441-10 CP : interdiction des droits civiques, civils et de famille, interdiction d’exercer une fonction publique ou une activité de nature professionnelle ou
S. Vernaz
sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, l’interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise commerciale ou industrielle
inspiré par A. Lepage, P. Maistre du
Chambon, R. Salomon, Droit pénal des ou une société commerciale ; l’exclusion des marchés publics, la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ; 441-11
affaires, Lexisnexis, 6ème édition CP : interdiction du territoire français à l’encontre de tout étranger, dans les conditions précisées à l’art. 121-30 CP, définitivement ou pour 10 ans au plus
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SEQUENCE 3
L’ABUS DE BIENS SOCIAUX

Le droit pénal intervient pour sanctionner un certain nombre de comportements commis


tout au long de la vie de l’entreprise : lors de son administration, lors de l’établissement
de sa comptabilité, lors de son contrôle et en cas de difficulté la conduisant à l’état de
cessation de paiements.
En ce qui concerne l’administration de l’entreprise, il peut arriver que les dirigeants
utilisent leur pouvoir de gestion et d’administration non pas dans l’intérêt de la société
qu’ils dirigent mais dans leur intérêt personne. Ils peuvent agir comme si le patrimoine
de la société était leur patrimoine personnel.
Le droit pénal intervient pour sanctionner les abus qu’il considère comme plus grave que
la simple faute de gestion.

Pendant longtemps ces actes étaient considérés comme des abus du mandat social et
étaient réprimés au titre de l’abus de confiance (art. 314-1 code pénal).

Mais cette incrimination s’est très vite révélée inapplicable à certains comportements tels
que le fait pour le dirigeant de donne à bail un immeuble de la société à un prix dérisoire
à son profit ou au profit d’un proche. Il n’était pas non plus applicable aux dirigeants qui
ne recouvraient pas des créances que la société détenait sur une autre société dans
laquelle ils avaient des intérêts directs ou indirects.

C’est au lendemain du scandale provoqué par l’affaire Stavisky qu’est apparue au grand
jour l’inadaptation de la qualification d’abus de confiance pour sanctionner certains abus
de gestion. Le décret-loi du 8 août 1935 a institué les délits autonomes d’aus de gestion
de biens sociaux, de crédit de la société, de pouvoirs ou des voix.
C’est une infraction particulièrement grave parce qu’elle porte atteinte non seulement à
la société victime d’un préjudice patrimonial mais également à l’économie dans son
ensemble.

Cette infraction est située dans le code de commerce à l’article L. 242-6, 3° du Code de
commerce pour les sociétés anonymes qui dispose :

« Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros le fait
pour :
(…)
3° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de
faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire
à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou
entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement »

La même incrimination est prévue pour les sociétés à responsabilité limitée à l’article
L.241-3, 4° :
« Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros :

(…)

4° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société,
un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour
1
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favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou
indirectement ».

Le champ d’application de l’incrimination s’est ensuite considérablement étendu puisque


le délit est imputable :

▪ aux sociétés européennes (C. com. L. 244-5),

▪ aux sociétés coopératives (art. 26 al. 3 L n_ 47-1775, du 10 sept. 1947) ;

▪ aux sociétés d’assurances et de réassurances (C. ASS. L. 328-3) ;

▪ aux sociétés immobilières de construction (CCH, art. L. 241-6 ET L313-32) ;

▪ aux sociétés civiles de placement immobilier (C. mon. Fin. Art. L. 231-11) ;

▪ aux sociétés par actions simplifiées (C. com. L. 244-1) (Crim. 3 sept. 2019, n° 18-
83.113)

▪ aux SAS unipersonnelles, aux sociétés en commandite par actions (C. com. L. 243-
1) ;

▪ aux sociétés civiles offrant au public des instruments financiers (C. mon. Et fin. L.
321-11, 3°) ;

▪ aux sociétés d’exercice libéral (L. n° 90.1258, du 31 déc. 1990)

▪ aux sociétés d’économie mixte, dès lors que ces dernières sont constituées
conformément aux règles sur les sociétés anonymes (Crim. 16 févr. 1971Bull. n°
43 ; crim. 16 déc. 1975, Bull. n° 279 ; Crim. 10 avr. 2002, Bull. n° 85 ; Crim. 4 nov.
2004, n° 03-87.327 : Dr. Pén. 2005, Comm. 44, obsv. J.H Robert).

Cependant, l’ABS n’est pas applicable aux sociétés de droit étranger, non prévues par la
loi française pour lesquelles seule la qualification d’abus de confiance peut être retenue
(Crim. 3 juin 2004, Bull. crim. n° 152 ; JCP E.. 2004, n° 44, p. 1736, note Raimon ; Dr. Pén.
2004, coùù. 28, note J.H Robert ; Dr. Soc. 2004, comm. 198, obs. R. Salomon ; RCS 2004, p.
892, note D. Rebut ; Rev. Des sociétés 2004, p. 912, note B. Bouloc.

Cette décision se justifie au regard du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale


(art. 111-4).

L’ABS est applicable en revanche aux détournements commis au préjudice d’une société
ayant son siège social statutaire à l’étranger mais dont le siège réel est situé en France
(Crim. 31 janv. 2007, Dr. Soc. 2007, comm. 83 obs. R. Salomon ; Crim. 10 mars 2010, Dr.
Soc. 2010comm. 125, obs. R. Salomon ; crim. 25 juin 2014, Dr. Sociétés 2014, comm. 135
obs. R. Salomon). Cette solution est conforme à l’exigence du siège réel défini comme le
principal établissement de la société, c’est-à-dire du lieu où sont centralisés les organes
de direction et les organes administratif, pouvant être distinct du principal lieu
d’exploitation.

2
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La jurisprudence neutralise les sièges fictifs : Crim. 10 mars 2010, n° 09-82.453 : Dr.
Sociétés 2010, comm. 125 obs. Salomon. Le prévenu soutenait que sa société n’était que
la filiale d’un société mère de. Droit anglais, basée à Hong-Kong. La Chambre criminelle a
déclaré cet argument inopérant dans la mesure où la filiale est une entité juridique propre,
relevant du droit français par son immatriculation et son activité. Au surplus, la société
mère avait été créée postérieurement à la filiale et s’apparentait à une coquille vide.

L’ABS n’est pas applicable aux sociétés dépourvues de la personnalité morale. (Crim. 10
mai 1993, n° 92-28.058). Les défournements commis au préjudice d’une société en
formation ou d’une société dont les opérations de liquidation ont été publiées ne peuvent
être réprimées que sur le fondement de l’abus de confiance. Si les détournements ont eu
lieu avant la liquidation peuvent être poursuivis pour ABS.

CHAPITRE 1ER : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES ABUS DE GESTION

L’abus de gestion pénalement sanctionné suppose un usage des biens, du crédit, du


pouvoir ou des voix, contraire à l’intérêt social, ce qui constitue l’élément matériel (I) et
réalisé dans un but personnel, de mauvaise foi, au titre de l’élément moral (II).

I. – L’élément matériel

L’élément matériel est double. Il convient de démontrer un usage abusif des biens, du
crédit, des pouvoirs et des voix (A) contraire à l’intérêt social (B).

A) Usage abusif des biens, du crédit, des pouvoirs et des voix.

L’usage abusif peut porter sur les biens, le crédit, les pouvoirs et les voix. L’abus des voix
consiste, pour les dirigeants sociaux, à abuser des voix dont ils disposent dans les
assemblées générales en qualité de mandataires d’actionnaires qui leur ont donné
pouvoir en blanc. Il convient de noter que la loi n° 83-1du 3 janv. 1983, en permettant le
vote par correspondance et en réglementant les pouvoirs en blanc a pratiquement fait
disparaître cette infraction.

En effet, selon l’article L. 225-106 der al. Code de commerce :

« Pour toute procuration d'un actionnaire sans indication de mandataire, le président de


l'assemblée générale émet un vote favorable à l'adoption des projets de résolution
présentés ou agréés par le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, et un vote
défavorable à l'adoption de tous les autres projets de résolution. Pour émettre tout autre
vote, l'actionnaire doit faire choix d'un mandataire qui accepte de voter dans le sens
indiqué par le mandant ».

In fine, en pratique, les seules voix dotn les dirigeants pourraient faire un usage abusif snt
celles dont ils disposent lorsque la société qu’ils administrent est elle-même
administrateur d’une filiale détenant des actions dans la société même, ce qui réduit
considérablement l’intérêt pratique de ce délit.

1. L’usage abusif des biens

3
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a) Les actes de gestion abusifs

Ils sont largement entendus par la jurisprudence


L’abus de biens sociaux vise tant les actes de disposition que les acte de simple
administration (Crim. 11 janv. 1968, Bull. crim. n° 11). L’usage abusif englobe toute
action portant atteinte au patrimoine social (Crim. 28 mars 2018, n° 17-81.114 : Dr.
Sociétés 2018, comm. 94). La nature des biens sociaux est indifférente :
▪ Biens mobiliers : fonds sociaux, matériels ou marchandises,
▪ Biens immobiliers
▪ Biens incorporels : droits de créance, droits d’exploitation d’un brevet d’invention
fonds de commerce)

Les actes consistent en des actes de disposition : actes de détournements par le dirigeant
de sommes devant revenir à la société (Crim. 25 nov. 1975 : Bull. crim. n° 257). Le simple
usage caractérise également le délit alors même que l’usage n’a pas altéré la substance de
la chose et que la société ne s’en est pas trouvée appauvrie. La simple utilisation abusive
des biens « suffit à caractériser l’infraction, en dehors de toute volonté d’appropriation
définitive » : Crim. 8 mars 1967, Bull. crim. n° 94. « La loi réprime non seulement
l’appropriation des biens sociaux (…) mais aussi leur simple usage abusif » Crim. 11 janv.
1968, Bull. crim. n° 11).
Ainsi le fait par le dirigeant de se faire consentir par sa société, de simples actes
d’administration, tels que des prêts (Crim. 26 juin 1978, Bull. crim. n° 212), des avances
ou des baux, suffit à caractériser l’usage abusif. Le simple usage temporaire peut être
sanctionné. Ont ainsi été condamnés pour ABS des dirigeants ayant constitué une
association en participation afin de spéculer en bourse à l’aide de fonds sociaux, qu’ils
restituaient au fur et à mesure (Crim. 5 mars 1937, Gaz. Pal. 1937, p. 68). Il en va de même
de l’utilisation temporaire du matériel ou des salariés (Crim. 26 juin 1978 préc.)

b) Exemples d’ABS

 ABS et comptes courant d’associé débiteur


Lorsque la trésorerie de la société vient à manquer le dirigeant peut faire un apport en
compte-courant au lieu de faire un prêt ou de procéder à une augmentation de capital. Le
dirigeant apporteur devient créancier de la société et cela est parfaitement légal. En
revanche se rendent coupables d’ABS les dirigeants qui possèdent un compte courant
d’associé débiteur (Crim. 31 mai 2006 : Rev. Sociétés 2007, p. 121 ; Crim. 8 janvier 2014,
Dr. Sociétés 2014, comm. 73 ; Crim. 1er février 2017 Bull. crim. n° 28). L’abus suppose que
les prélèvements en compte-courant excèdent le montant des sommes inscrites au crédit
du compte courant du dirigeant (Crim. 8 sept. 2010, Dr. Société 2011, comm. 18 ; Crim. 14
nov. 2013, Dr. Sociétés, 2014, comm. 16 obs. R. Salomon).
La régularisation a postériori s’analyse comme un repentir actif et ne fait pas disparaître
l’infraction (Crim. 19 mai 1999, Bull. crim., n° 101). Le commissaire aux comptes doit, dans
une telle situation révéler les faits au procureur de la République sous peine de
commettre le délit de non révélation de faits délictueux prévu à l’article L 820-7 du Code
de commerce).

 ABS et rémunérations excessives ou fictives du dirigeant

4
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Le dirigeant qui s’attribue une rémunération excessive ou fictive commet un ABS :
▪ Cas du dirigeant qui s’attribue de son propre chef une rémunération : Crim. 26 juin
1978 Bull.crim. n° 212
▪ Le plus souvent le dirigeant profite de son influence ou de sa situation majoritaire
ou sein de la société pour faire prendre par l’AG ou le CA une délibération lui
attribuant des appointements excessifs (Crim. 15 oct. 1998 : Rev. Sociétés 1999, p.
184, note B. Bouloc)
▪ La rémunération versée est hors de proportion soit avec l’activité réelle du
dirigeant soit avec la situation financière ou la faible activité de l’entreprise (Crim
7 déc. 2016, n° 15-86.731, Bull. crim. n° 324)
▪ Le délit est constitué en l’absence de toute activité (Crim. 28 mars 1996, Bull. crim.
n° 142)
▪ Commet un ABS le dirigeant qui n’est pas en mesure de justifier du caractère social
d’importants frais de mission et de réception ainsi que de frais de transport et de
déplacements (Crim. 28 nov. 1994 : D. 1995, p. 506 note J.-F. Renucci)
▪ Commet un ABS le dirigeant social qui ne limite pas automatiquement sa
rémunération alors que sa société enregistre des pertes (CA Angers 17 janv. 1191 :
Dr. Société 1991, comm. 384, obsv. J.-H. Robert)

 ABS et confusion de patrimoines

▪ L’ABS est constitué lorsque le dirigeant opère une confusion entre son patrimoine
et celui de sa société : fait d’encaisser des sommes d’argent revenant à la société
(Crim. 28 août 1991, Dr. Pén. 1992, comm. 17, obs. J.-H. Robert)
▪ Le dirigeant s’attribue des redevances de cession de brevets qui devaient revenir
à la société
▪ Le dirigeant prélève des fonds sociaux par virement de comptes de la société vers
son compte personnel (Crim. 31 oct. 2 000, RJDA 2/2001, n° 172)
▪ Le dirigeant fait payer ses dettes personnelles par la société, telles
que des amendes pénales qui lui sont personnelles (Crim. 3 févr. 1992, Bull. n° 49),
des dettes de jeux, des dettes d’une société dans laquelle le dirigeant est intéressé
(Crim. 3 févr. 1992, RJDA 7/1192, n° 709), des dettes de proches (Crim. 6 oct. 2005,
n_ 03-83.467

2. Usage abusif du crédit de la société

Le crédit de la société est la réputation et la surface financière de la société. L’usage abusif


du crédit consiste à engager la signature sociale, à exposer la société à des paiement ou à
des décaissements éventuels et plus généralement à lui faire courir des risques qui ne lui
incombent pas.

▪ Il y a abus du crédit lorsque le dirigeant se fait consentir des garanties


hypothécaires pour obtenir le paiement de créances fictives ou de créances réelles
mais seulement chirographaires qu’il détient sur les sociétés qu’il administre, alors
que, connaissant les graves difficultés financières de ces sociétés et désireux d’y
échapper, il a décidé de s’en retirer (Crim. 12 juin 1978, Bull., n° 189).
▪ Il y a ABS lorsque le dirigeant se fait garantir par la société, aux termes d’un contrat
de cautionnement, le financement par, l’obtention d’un prêt d’actions acquises par
5
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une autre société, actions dont le prix avait été majoré pour financer des
commissions frauduleuses (Crim. 31 janv. 2007, Bull., n° 28
▪ Commet un ABS le dirigeant qui se fait cautionner par sa société une de ses dettes
personnelles ou une dette de sa maitresse (Crim. 13 mars 1975 : bull. crim. n° 78).
Il n’est pas nécessaire que la caution de la société n’ait pas eu à intervenir, l’abus
du crédit social est caractérisé dès lors que l’actif social a été exposé à des risques
de pertes auxquels il n’aurait pas dû être exposé.
L’abus de crédit sanctionne le simple risque de l’opération que l’atteinte au crédit
implique. Le simple aléa du décaissement caractérise l’abus. Dans l’abus de biens
sociaux le préjudice subi par la société apparaît clairement. L’abus du crédit est
constitué en présence d’un préjudice éventuel et d’un préjudice moral.

3. L’usage abusif des pouvoirs

Les pouvoirs sont constitués par l’ensemble des prérogatives dont sont investis les
dirigeants sociaux par la loi ou par les statuts. Constitue un abus de pouvoirs lorsque
des marchés sont passé au nom de la société, sans projet pour elle, maius dans le seul
but pour les dirigeant sociaux d’obtenir une commission (Crim. 23 janv. 1963, Bull, n°
44)

L’engagement par un administrateur de multiples procédures judiciaires contre la


société pour la déstabiliser et contraindre ses dirigeants à céder leurs actifs sociaux,
constitue un abus de pouvoirs.

La fusion organisée par les dirigeants sociaux dans leur intérêt exclusif consomme
l’infraction d’ABS (Crim. 10 juill. 1995, Bull. n° 253)
Le fait pour un dirigeant social de s’abstenir de réclamer à une autre société le prix des
marchandises dont elle est redevable envers la première constitue un ABS
(Crim. 15 mars 1972 ; Bull, n° 107).

L’abus de pouvoirs permet de sanctionner une omission fautive du dirigeant. Le délit a été
retenu à l’encontre d’un dirigeant social qui s’était abstenu de réclamer à une autre société
dans laquelle il avait des intérêts, le paiement de livraisons faites à cette société (Crim. 15
mars 1972, Bull., n° 107).

Traditionnellement l’octroi de rémunérations ou de retraites excessives au profit des


dirigeants était poursuivis sous la qualification d’abus de biens sociaux. Mais c’est l’abus
des pouvoirs qui a été retenu par la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 19 mai
2011 (LPA 11-12 août 2011, p. 5 Note Ducouloux-Favard). La Chambre criminelle a
confirmé dans un arrêt de principe du 19 mai 2012 l’analyse des juges du fond en décidant
que se rend coupable d’un abus de pouvoirs le président d’un conseil d’administration qui
a usé de son statut pour faire avaliser par le conseil d’administration le renouvellement
complet du conseil des rémunérations et pour priver ces deux organes de leur
indépendance nécessaire au bon fonctionnement de la société, dans son intérêt personnel,
en vue de percevoir divers avantages financiers (Crim. 19 mai 2012, Bull. n° 127). Ainsi il
résulte de cet arrêt que le dirigeant doit exercer ses pouvoirs dans le seul intérêt de la
société. Il est le garant du bon fonctionnement du conseil d’administration ainsi que du
comité des rémunérations, en application des principes généraux du gouvernement
d’entreprise régissant le fonctionnement des sociétés cotées.

6
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Par la suite l’abus de pouvoir a été retenu à l’encontre d’un dirigeant qui a cédé à une SCI
dont il est l’un des principaux associés, des immeubles sociaux pour somme inférieure à
la valeur de ces biens figurant au bilan (Crim. 27 juin 2012, Rev. Sociétés 2013, p. 172,
note B. Bouloc)
Est coupable d’abus de pouvoirs le dirigeant qui a cédé les titres d’une autre société dans
l’accord des autres associés et qui est devenu l’acquéreur de ces titres (Crim. 20 ai 2015
Rev. Sociétés, 2015, p. 536, note B. Bouloc)
Commet un abus de pouvoirs le dirigeant qui a abusé de ses pouvoirs en détournant une
partie du fonds de commerce de la société (Crim. 9 mai 2016, n° 15-81.076).

B) Un usage contraire à l’intérêt social

Pour être répréhensible, l’acte d’usage doit être contraire à l’intérêt social. Il doit
compromettre l’intégrité de l’actif de la société. La loi ne donne pas de définition de
l’intérêt social et c’est à la jurisprudence qu’il convient de se référer pour approcher cette
notion.
L’intérêt social s’apprécie différemment selon que l’on est en présence d’une société isolée
ou d’un groupe de sociétés

1. L’usage contraire à l’intérêt social dans une société isolée

Est sanctionné tout acte qui fait courir un risque anormal au patrimoine social. Cependant,
le règlement par le dirigeant social d’une dette socaile à un moment où la société connaît
d’importantes difficultés financières ne constitue pas en soi un usage abusif des biens de
la société (Crim. 14 juin 1993 : Bull. crim. 208). L’acte d’usage contraire à l’intérêt social
est celui qui porte effectivement atteinte au patrimoine social. Il y a atteinte à l’intérêt
social dès que la société subira un préjudice matériel.
Au-delà, le délit est également constitué lorsque l’actif social a couru « un risque auquel il
ne devait pas être exposé » (Crim. 16 déc. 1975 : Bull. crim, n° 279). Dès lors, l’ABS est
constitué non seulement lorsque le dirigeant occasionne un préjudice matériel à la
société, mais aussi lorsqu’il fait courir à la société un risque anormal résultant
d’opérations ruineuses ou simplement désavantageuses. Ainsi, l’ABS est devenu une
infraction formelle constituée indépendamment d’un préjudice tangible pour la société.
Il convient de se placer au moment de l’usage pour caractériser la contrariété de l’acte à
l’intérêt de la société.
L’atteinte à l’intérêt social est caractérisée dès lors qu’une dépense illicite a été engagée :
« Quelque soit l’avantage à court terme qu’elle peut procurer, l’utilisation de fonds sociaux
ayant pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption est contraire à l’intérêt
social en ce qu’elle expose la personne morale au risque anormal de sanctions pénales ou
fiscales contre elle-même ou contre ses dirigeants et porte atteinte à son crédit ou à sa
réputation ». (Crim. 27 oct. 1997 : Bull. crim., n° 352).
Dans un arrêt du 9 juillet 1998 (D. affaires 1998, p. 1652), elle décide que « s’il n’est pas
justifié qu’ils ont été utilisées dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux prélevés
de manière occulte l’ont nécessairement été dans l’intérêt personnel du dirigeant ».
Dans cette conception, le risque pénal que le dirigeant fait encourir à la société est
toujours anormal.
Dès lors est inopérant :

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Droit pénal des affaire
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- L’accord même donné à l’unanimité par les organes sociaux (Crim. 16 mai 2018,
Dr. Sociétés 2018, obs. R. Salomon)
- La compensation avec une créance que le dirigeant détient sur la société ou avec
des. Bénéfices que la société aurait retiré d’une. Bonne gestion par le dirigeant
(Crim. 21 mars 2018, Dr. Sociétés juin 2018, obs. R. Salomon).
- Le remboursement des rémunérations excessives par le dirigeant (Crim. 11 févr.
2009 ; dr. Socéités 2009, comm. 82, note R. Salomon)

Cependant, on peut présumer l’ABS du seul fait que l’acte reproché serait étranger à l’objet
social (Crim. 24 oct. 1996, Rev. Sociétés, 1997, p. 373, note B. Bouloc).

Ne commet pas un ABS le dirigeant qui expose des frais de voyage et d’investissements à
l’étranger, en vue d’une implantation des activités commerciales de sa société aux Etats-
Unis, dès lors que ces frais, annoncés préalablement avec un engagement et sur la base
d’une analyse effectuée par un cabinet d’avocats, témoignant ainsi d’une transparence
certaine, l’ont été faits dans l’intérêt de la société (Crim. 22 oct. 2014, Dr. Sociétés 2015,
comm. 17 obs. R. Salomon)

2. L’usage contraire à l’intérêt social dans un groupe de sociétés.

Le groupe de sociétés suppose une certaine solidarité entre les sociétés qui le composent.
Dès lors la question qui se pose est celle de la transposition pure et simple des règles
relatives à l’acte de gestion contraire à l’intérêt social en la matière dans la mesure où
l’acte d’appauvrissement d’une société au profit d’une autre appartenant au même groupe
peut relever de la stratégie économique élaborée à l’échelle du groupe.
Dans un arrêt de principe du 4 février 1985 consacré expressément un fait justificatif tiré
de l’intérêt de groupe en l’insérant toutefois dans des limites étroites (Bull. crim., n° 54).

 Il faut tout d’abord que les sociétés concernées par le flux financier
appartiennent au même groupe entendu non pas uniquement comme une
structure juridique, mais aussi comme une réalité économique et financière
axée sur une finalité déterminée.

 Le flux financier doit être interne au groupe. Dès lors commet un ABS le
montage consistant pour un président à faire verser par des sociétés dont
il est le dirigeant, au profit d’une autre société, située hors du périmètre de
consolidation du groupe, et dont il est, avec son fils, le seul propriétaire, des
redevances lui permettant de dégager un bénéfice substantiel, sans valeur
ajourée pour les sociétés débitrices de la redevance (Crim. 25 oct. 2006 D.
2006, act. Jurisp. 2736, obs. A. Lienhard).

 Il doit exister un intérêt économique commun, apprécié au regard d’une


politique élaborée pour l’ensemble du groupe (Crim. 23 avr. 1991 : Bull.
crim. n° 193). Ainsi les sociétés du groupe doivent avoir une
complémentarité ou que le groupe ait une cohérence globale (crim. 9 déc.
1991, Bull. crim. n° 467).

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 Le concours financier doit avoir une contrepartie et ne pas rompre
l’équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés du groupe
(Crim. 20 mars 2007, JCP E., 2007, n° 1710 ; Crim. 13 févr. 1989, Bull. n° 69).

 L’opération réalisée dans l’intérêt du groupe ne doit pas excéder les


possibilités financières de la société qui en supporte la charge (Crim. 24
sept. 2008 : Dr. Sociétés 2008, comm. 258, obs. R. Salomon).

II. L’élément moral

A. Dol général

Les article L 242-6, 3° et L. 241-3, 4° du code de commerce exigent la mauvaise foi des
dirigeants sociaux. Ils doivent avoir fait de leurs prérogatives un usage « qu’ils savent
contraire » aux intérêts de la société.
Le dirigeant doit avoir conscience du caractère contraire à l’intérêt social de ses
agissements et de la volonté d’enfreindre la loi (Crim. 19 juin 1978, Bull. n° 202).
Cependant, la qualité de dirigeant social présume la mauvaise foi. La chambre criminelle
a ainsi pu juger que la mauvaise foi était établie malgré le fait par exemple que la rigueur
des comptes lii échappait et que ceux-ci n’avaient pas été clairement établis lors de la
création de la société (Crim. 27 mai 1972 : RJDA 1992, n° 1026).
Même si la mauvaise foi du dirigeant doit être relevée, elle découlera souvent de la
matérialité des faits constatés. La Chambre criminelle a ainsi pu juger que dans le cadre
d’un prêt octroyé par une société en faveur de sociétés dans lesquelles les dirigeants
sociaux étaient intéressés, la mauvaise foi résultait de la confusion des pouvoirs, de
l’interposition de personnes morales et de la passation d’écritures destinées à dissimuler
la destination des fonds (Crim. 26 sept. 2001 : Bull. Joly sociétés 2001, p. 74).

B. Dol spécial

Le dirigeant social doit avoir agi « à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement ». Il
importe peu que le dirigeant se soit enrichi personnellement. Les juges du fond doivent
établir le dol spécial. L’intérêt personne sera le plus souvent d’ordre matériel mais il peut
également être moral (Crim. 17 juin 2015 : Dr. Sociétés 2015, comm. 158, obs. R. Salomon)
. Il peut s’agir du souci de sauvegarder une réputation familiale (Crim. 3 mai 12967, Bull.,
n° 14), du désir d’entretenir des relations d’amitiés avec un tiers (Crim. 7 mars 1968, Bull.
n° 80 ; Crim. 14 nov. 2007, Bull. n° 282). La Cour de cassation retient l’intérêt personne
même dans le cas où le dirigeant a voulu avantager un tiers (Crim. 25 oct. 2006 : Dr. Pén.
2006, comm. 160).
La preuve de l‘usage à des fins personnelles est facilitée par une présomption simple
lorsque le dirigeant a prélevé des fonds sociaux de façon occulte (Crim. 11 janv. 1996, Bull.
n° 21)

Chapitre 2 : La répression des abus de gestion

I. Les auteurs

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La responsabilité incombe essentiellement aux personnes physiques dirigeants sociaux


qu’ils soient de droit ou de fait (Crim. 15 mars 1977 : Bull. crim., n° 103). Le dirigeant de
droit ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité pénale par le seul fait qu’il n’a pas
réellement exercé ses fonctions et que ces dernières l’ont été par le dirigeant de fait (Crim.
31 mai 2012, Dr. Pén. 2012, comm. 132)

Les personnes autres que les dirigeants qui ont sciemment apporté leur aide ou une
assistance à l’auteur sont complices si aucune gestion de fait ne peut leur être reprochée.
La chambre criminelle a consacré la complicité par abstention en matière d’ABS (Crim. 28
mai 1980 : D. 1981, IR, p. 137, obs. G. Roujou de Boubée. Elle peut être retenue à l’encontre
des membres du directoire ou du conseil de surveillance.

La Chambre criminelle retient la complicité à l’égard de celui qui disposait de moyens


légaux pour intervenir ou en avait l’obligation. La non-utilisation de ces moyens ou le non
respect de ces obligations est constitutive de complicité d’abus de biens sociaux (Cass.
Ass. Plénière 23 juillet 2010, Bull. ass. plén. N° 2).

II. Les sanctions

A. Peines principales

Le dé lit d’abus de biens sociaux est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et
d’une amende de 375 000 euros.

Aggravation selon les formes de commission de l’abus de biens sociaux : L’article L. 241-
3 du Code pé nal pré voit que le dé lit de biens sociaux est punie de sept ans
d’emprisonnement et de 500 000 euros d’amende lorsqu’il a é té ré alisé ou facilité au
moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprè s d’organismes é tablis à
l’é tranger, soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout
organisme, fiducie ou institution comparable é tablis à l’é tranger.

B. Peines complémentaires

Outre les peines complémentaires pré vues à l'article L. 249-1, le tribunal peut
é galement prononcer à titre de peine complé mentaire, dans les cas pré vus au pré sent
article, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pré vue à l'article 131-26 du
code pé nal.

Tentative : Aucune disposition lé gale ne ré prime la tentative d’abus de biens sociaux
(Cass., Crim., 7 avril 1998).

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Droit pénal des affaires
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Séquence 3
LA BANQUEROUTE

La banqueroute est l’infraction la plus ancienne du droit pénal des affaires. Elle est
apparue au Moyen-âge au moment du développement des grandes foires de Flandres, de
Champagne et d’Italie du Nord. C’est ainsi que dans les foires de Lombardie le « banco
rotto », la rupture du banc des marchands qui ne respectaient pas leurs engagements
commerciaux.
Sous l’ancien droit, une Ordonnance de 160 de Charles IX, les commerçants qui ne
pouvaient plus faire face à leurs engagements étaient sanctionnés pour banqueroute de
la peine capitale.
Le code de commerce de 1807 conserve la qualification criminelle de la banqueroute
frauduleuse.
Le délit est correctionnalisé en 1958.
La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires des
entreprises et la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ont
procédé à une dépénalisation partielle du délit en instituant la faillite personnelle et
l’interdiction de gérer. Le juge de la procédure collective pouvait ainsi infliger au débiteur
des sanctions professionnelles de nature para-pénale.
L’incrimination pénale a été maintenue pour les cas où la cessation des paiements est
accompagnée de manœuvres visant à en retarder ou à en dissimuler la constatation ou à
organiser la dilapidation du patrimoine de l’entreprise ou du dirigeant au détriment des
créanciers.
Le délit de banqueroute met gravement en péril l’ordre public économique et reste
sévèrement puni.
La banqueroute fait l’objet des articles L654-1 à L 654-7 du Code de commerce. Elle figure
au chapitre IV « De la banqueroute et des autres infractions au sein du Titre V consacré
aux « Responsabilités et sanctions ».

CHAPITRE 1ER : Les éléments constitutifs de la banqueroute


I. Les conditions préalables
Les articles L.654-1 et L.654-2 du Code de commerce pré voient respectivement deux
é lé ments préalables concernant l’auteur de l’infraction et la procé dure ouverte.
A) L’auteur de l’infraction
L’article L.654-1 dispose que le dé lit de banqueroute est applicable :
• A toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout
agriculteur et à toute personne physique exerçant une activité professionnelle
indépendante, y compris une profession libé rale soumise à un statut législatif ou
règlementaire ou dont le titre est proté gé
• A toute personne qui a, directement ou indirectement, en droit ou en fait, dirigé ou
liquidé une personne morale de droit privé ;

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• Aux personnes physiques repré sentants permanents de personnes morales
dirigeants des personnes morales dé finies au 2° ci-dessus.

B) La nature de la procédure collective ouverte


L’article L. 654-2 dispose que le dé lit de banqueroute n’est applicable qu’en cas
d’ouverture d’une procé dure de redressement judiciaire ou d’une procé dure de
liquidation judiciaire. Il s’agit d’une condition préalable (Crim. 10 mars 1986, Bull. crim.
97). Cependant, l’ouverture d’une procédure collective n’est qu’une condition de forme de
l’exercice de l’action publique de sorte que l’annulation de la décision ayant ouvert cette
procédure est sans conséquence sur la culpabilité du banqueroutier (Crim. 24 mars 2010
Dr. Pén. 2010, comm. 70 obs. J.H. Robert). Il suffit que la procédure collective soit
exécutoire au moment des détournements (Crim. 20 mai 2015, n° 13-87727 : Dr. Pén.
2015, comm. 100, obs. J.-H. Robert)
En droit commercial, l’état de cessation des paiements est défini comme l’incapacité à
faire face avec son actif disponible au passif exigible. Il convient de bien maîtriser cette
notion clé pour caractériser des faits de banqueroute. En effet les faits de banqueroute,
sont ceux commis par le dirigeant de droit ou de fait alors que la personne morale est en
é tat de cessation des paiements. En amont de cet é tat de cessation des paiements, les faits
seront qualifié s selon les cas d’abus de biens sociaux ou d’abus de confiance.
Cependant, la Chambre criminelle retient traditionnellement « la situation
irrémédiablement compromise du débiteur ». Il résulte de cette divergence de définition
entre le droit commercial et le droit pénal la possibilité pour la juridiction répressive de
retenir une date de cessation des paiements différente de celle fixée par le tribunal ayant
ouvert la procédure collective (Crim. 18 nov. 1991 : Bull. crim., n° 415).
Cette divergence d’appréciation illustre l’autonomie du droit pénal. En effet, la
détermination de la date de cessation des paiements par le tribunal de la procédure
collective, peut être sous-tendue par le souci d’éviter l’annulation des actes consentis par
le débiteur durant la période suspecte alors que la préoccupation essentielle du juge pénal
est de savoir si les faits qui lui sont soumis ont été commis par le débiteur alors que ce
dernier savait qu’il était déjà en cessation des paiements. Pour autant, le juge pénal n’est
pas contraint de retenir une autre date que celle fixée par le juge de la procédure collective
(Crim. 10 sept. 2008 : Dr. Sociétés 2008, comm. 259, note R. Salomon).
Un important arrêt du 25 nov. 2020 (n° 19-85.2015, JCP G 2021, 531 note J.-H. Robert) est
venu souligner l’incidence variable de la date de cessation des paiements sur la
caractérisation du délit.
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2020, le Tribunal de grande
instance a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice d'une SCI et a fixé
la date de cessation des paiements au 13 septembre 2013. Le Tribunal correctionnel, saisi
des chefs de banqueroute notamment pour tenue irrégulière de comptabilité au titre de
l'exercice clos en 2011 et absence de comptabilité au titre des exercices clos en 2012 et
2013, a pour sa part fixé la cessation des paiements au 21 mai 2012 et reconnu les
dirigeants coupables de banqueroute " pour les faits commis à compter de cette date ".
En appel, les dirigeants ont été relaxés. La Cour d'appel a écarté la date de cessation des
paiements fixée par le tribunal correctionnel au 21 mai 2012 pour retenir celle fixée par
le Tribunal de grande instance au 13 septembre 2013.

2
Droit pénal des affaires
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La Cour de cassation s'est trouvée saisie de l'affaire et juge que si la cessation des
paiements constatée par le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire est une condition préalable nécessaire à l’exercice des poursuites
des chefs de banqueroute par l’emploi de moyens ruineux, tenue d’une comptabilité
manifestement irrégulière ou absence de comptabilité, sa date est sans incidence sur la
caractérisation de ces délits, qui peuvent être retenus indifféremment pour des faits
commis antérieurement ou postérieurement à cette cessation des paiements.
Il demeure que dans le cas d’une banqueroute par détournement d’actif, la date de la
cessation des paiements joue un rôle essentiel en traçant la ligne de partage entre le délit
de banqueroute et celui d’ABS. En effet, la Chambre criminelle juge que si le détournement
est antérieur à la date de cessation des paiements, la jurisprudence qualifie les faits d’abus
de biens sociaux (Crim. 5 juin 1989, Bull. n° 233 ; 11 mai 1995 : Bull. n° 172).
Il convient de retenir que le juge pé nal n’est pas tenu par la date d’é tat de cessation des
paiements fixé e par le juge civil ou commercial, sous ré serve que la dé monstration soit
faite que cette date est diffé rente, et en particulier qu’elle peut ê tre remonté e en amont
de la date fixé e par le juge civil ou commercial.

II. L’élément matériel

Le dé lit de banqueroute est une infraction de commission. L’article L. 654-2 du Code de
commerce incrimine plusieurs comportements :
« En cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l’article 654-
1contre lesquelles a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d'une
revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des
fonds ;
2° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ;
3° Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
4° Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de
l'entreprise ou de la personne morale ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité
lorsque les textes applicables en font obligation ;
5° Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des
dispositions légales ».
L’article L. 654-2 du code de commerce énumère les cas de banqueroutes qu’il définit de
manière très précise. Chacun des cas constitue un délit distinct, qui peut être réprimé
indépendamment des autres sans qu’il soit porté atteinte au principe de non-cumul des
qualifications (Crim. 10 sept. 2008, n° 08-80.889)
A. Achats en vue d’une revente en dessous du cours ou l’emploi de moyens ruineux
pour se procurer des fonds : L. 654-2, 1°
Le délit consiste à avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la
procé dure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en

3
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vue d'une revente au-dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se
procurer des fonds.
1. Achat en vue d’une revente en dessous du cours
Il s’agit de réprimer des manœuvres consistant à effectuer des achats généralement
massifs de marchandises dans l’intention de les revendre rapidement à des prix
nettement inférieurs afin de se procurer des disponibilités permettant de faire face aux
échéances les plus pressantes et de prolonger ainsi artificiellement la vie de l’entreprise.
(Crim. 7 mai 2002, Bull. n° 109). Le débiteur procède à des achats importants de
marchandises qu’il revend peu de temps après, au-dessous des cours. Grâce aux fonds
obtenus de la revente, le commerçant va pouvoir se maintenir artificiellement in bonis
pendant quelque temps surtout s’il ne règle pas ses achats. Le juge doit relever les
conditions précises d’achat et de revente ainsi que le caractère anormal de cette dernière
(Crim. 12 mars 1974, Bull. n° 102).
2. Emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds
L’escompte d’effets de complaisance et de fausses factures constitue un emploi de moyens
ruineux pour se procurer des fonds (Crim. 8 janv. 2014 Dr. Pén. 2014, comm. 41 obsv. J.-
H. Robert).
L’emploi de moyens ruineux consiste pour le débiteur à recourir à des pratiques de
financement tels que l’escompte, le découvert bancaire ou à des emprunts, même
consentis à des taux habituels qui entraînent des frais financiers importants pour
l’entreprise alors que sa situation financière est irrémédiablement compromise. Le juge
apprécie le coût des opérations par rapport aux capacités financières de l’entreprise.
La simple aide financière octroyée par le banquier à un débiteur en connaissance de ses
simples difficultés de paiement n’est pas condamnable en soi (Crim. 12 mars 1998, Bull.
n° 100).
Tout crédit consenti en période suspecte ne constitue pas en soi le délit. Son coût doit être
apprécié in concreto par le juge au regard des capacités financières de l’entreprise (Crim.
9 sept. 2009, n° 09-80.255).

B. Détournement ou dissimulation d’actifs L. 654-2, 2°


1. Banqueroute par disposition des biens meubles ou immeubles compris dans
l’actif de l’entreprise
Est sanctionné le fait d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif du débiteur
privant ainsi les créanciers d’une partie de leur gage. (Crim. 5 juin 1989, Bull. n° 172)
Il s’agit de deux modalités distinctes du délit qui ont pour même effet de réduire l’actif du
patrimoine du débiteur en difficulté.
Le détournement suppose un acte positif de disposition (Crim. 24 avr. 1984, Bull. n° 141)
accompli volontairement sur le patrimoine du débiteur en fraude des droits des
créanciers (Crim. 11 mai 1995, Bull. n° 172)
La dissimulation consiste essentiellement dans la soustraction volontaire de toute ou
partie de l’actif d’une société qui constitue le gage des créanciers.
2. Banqueroute par détournement de fonds revenant à la société

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Commet le délit de banqueroute par détournement d’actif le gérant d’une société de
services informatiques en état de cessation des paiements qui détourne les codes sources
permettant d’adopter, modifier et faire évoluer en fonction des besoins de la clientèle des
logiciels figurant à l’actif du bilan de la société (Crim. 26 nov. 1998, Bull. n° 319)
3. Banqueroute par dissimulation aux créanciers du produit de la vente d’actifs
de l’entreprise.
Le détournement ou la dissimulation est caractérisé en cas de dissimulation aux
créanciers du produit de la vente d’actifs (Crim. 29 mars 2000, JCP éd. E., 2000, p. 922
4. Banqueroute par octroi d’une rémunération excessive au regard des facultés
contributives de l’entreprise
Le dirigeant d’une entreprise en difficulté qui se fait octroyer une rémunération excessive
au regard des capacités financières de cette entreprise commet le délit de banqueroute
par détournement d’actif quand bien même le conseil d’administration a avalisé cette
rémunération (Crim. 18 mars 2020, D. 2020, p. 1807, Chr. Mascala)

C. Délit de banqueroute par augmentation frauduleuse du passif : art. L. 654-2, 3°


Est constitutif du délit le fait pour le débiteur en difficulté de consentir sans contrepartie
sans autorisation de l’assemblée générale des associés et sans rapport spécial,
d’importantes avances de trésorerie, au profit d’une autre société dont il est à la fois le
dirigeant et le principal associé (Crim. 30 avr. 2003, n° 02-86.760). Ce cas de banqueroute
vise à sanctionner des agissements du débiteur en difficulté consistant, par le biais
d’écritures comptables ou par acte authentique ou sous seing privé à faire apparaître des
créanciers fictifs qui recevront une part du produit de la réalisation de l’actif. Ainsi, le
débiteur en difficulté se réserve, grâce à la complicité d’un tiers, qui est souvent une autre
société qu’il détient, des avoirs au détriment de ses créanciers véritables (CA Paris, 24
nov. 1986, Jurisdata n° 1986-027893).

D. Délit de banqueroute par le biais d’infractions relatives à la comptabilité : art. L.


654-2, 4° et 5°
Le délit vise à sanctionner des manquements aux obligations comptables mis à la charge
au visa de l’article L 123-12 du code de commerce de toute personne physique ou morale
ayant la qualité de commerçant et dont l’entreprise est en état de cessation des paiements.
1. Banqueroute par tenue d’une comptabilité fictive
Est fictive au sens de l’article L 654-2, 4° la comptabilité qui ne donne pas des comptes
une image fidèle. Coexistent ainsi deux comptabilités qui sont généralement mise en
évidence à la suite de perquisition par les OPJ ou par une visite domiciliaire des agents de
l’administration fiscale au visa de l’article L16B du Livre des procédures fiscales. L’une est
réelle et exacte et demeure cachée, l’autre est fictive et apparente. La fictivité d’une
comptabilité dépend du nombre et de la gravité des omissions qui l’entachent (Crim. 1 er
oct. 1998 : Dr. Pén. 1999, comm. 41 obs. J.-H. Robert).
Le débiteur ne peut se retrancher derrière le fait qu’il ignorait la rigueur de la comptabilité
ni derrière la qualité défectueuse du travail réalisé par l’expert-comptable.
2. Banqueroute par disparition de documents comptables

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La banqueroute par disparition de documents comptables suppose leur destruction ou
leur soustraction (Crim. 10 oct. 1973 : Bull. crim. N° 349). Sont appréhendés les
comportements du débiteur visant à entraver tout contrôle de la situation réelle de
l’entreprise et à compromette la réalisation de la liquidation au préjudice des créanciers.
Le défaut de représentation doit résulter d’un refus volontaire et conscient du débiteur
(Crim. 25 févr. 2004, Dr. Pén. 2004, comm. 112). La Chambre criminelle a jugé que n’était
pas contraire au principe de l’interprétation stricte de la loi pénale celle considérant que
le délit est constitué à l’encontre d’un dirigeant qui, malgré ses promesses faites aux
organes de la procédure de présenter sa comptabilité, n’a pas procédé à cette présentation
(Crim. 3 déc. 2014 n° 13-86.846).
3. Banqueroute par abstention de tenue de toute comptabilité en violation des
textes applicables
Incrimination introduite par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 sanctionne le fait de
s’abstenir de toute comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation. Dans
un premier temps la Cour de cassation a interprété le texte de manière restrictive sous
couvert du principe de l’interprétation stricte en estimant dans plusieurs arrêts qu’il ne
fallait pas confondre, l’absence de toute comptabilité et la comptabilité irrégulière : la loi
ne contenant aucune incrimination pénale pour des faits de tenue de comptabilité
irrégulière, ceux-ci ne sauraient, en raison du principe de l’interprétation stricte des lois
pénales être assimilés à une absence de comptabilité (Crim. 6 janv. 1987, Bull. n° 2 et 3 ;
Crim. 26 janv. 1987, Bull. n° 38 ; Crim. 16 février 1987, Bull., n° 72).
Mais par un arrêt du 4 septembre 1990 (Bull. n° 309), la Chambre criminelle est revenue
sur cette décision considérant que le cas d’absence de toute comptabilité recouvrait la
tenue irrégulière de comptabilité. Dans un arrêt du 6 décembre 1993 (Bull., n° 370) elle
confirme sa position jugeant que constitue une absence totale de comptabilité, le fait, pour
tout commerçant, ou dirigeant d’une personne morale commerçante de s’abstenir de
procéder au mépris des dispositions légales à l’enregistrement chronologique des
mouvements affectant le patrimoine de l’entreprise et à l’établissement de l’inventaire
périodique des éléments actifs et passifs du patrimoine.
La banqueroute par abstention de tenue de toute comptabilité lorsque les textes
applicables en font obligation est entendue très largement par la jurisprudence.
Elle ne peut pas être reprochée à l’agriculteur qui n’a pas d’obligation de tenir une
comptabilité tant qu’il n’acquiert pas la qualité de commerçant.
Elle peut être reprochée au gérant d’une très petite entreprise telle qu’un EURL (Crim. 26
sept. 2001 : Dr. Sociétés 2002, comm. 91)
La banqueroute est constituée non seulement en cas de défaut de présentation des
documents sociaux (Crim. 19 oct. 1992 RJDA 6/1993, n° 33) mais aussi en cas de simple
retard dans la présentation de ces mêmes documents (Crim. 19 janv. 2000 : Rev. Sociétés
2000, p. 574).
Il est des hypothèses où peuvent coexister plusieurs types de banqueroute : tenue d’une
comptabilité fictive et absence de tenue de comptabilité : Crim. 27 ct. 2002, n° 01-81.504)
4° Banqueroute par tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou
irrégulière au regard des dispositions légales

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Ce dernier cas de banqueroute visé par l’article L 624-2, 5° du code de commerce nécessite
que la comptabilité soit « manifestement » incomplète ou irrégulière. Les irrégularités
mineures ou sans importance significatives ne doivent pas être retenues.
Ex. : Président d’une société en redressement judiciaire qui avait obtenu le
remboursement de frais de déplacement sans aucune pièce justificative, qui avait des
soldes de caisse et des chèques postaux incohérents et qui n’avait pas de cahier de
contrôle et d’affectations des retraits qu’il effectuait (Crim. 8 oct. 2008 Dr. Sociétés 2009,
comm. 17)
Absence d’une dette fiscale au bilan (Crim. 5 juin 2002, n° 01-84.366)
Établissement d’un bilan et d’un compte de résultat en violation des principes du droit
comptable (Crim. 5 nov. 2009, n° 08-88.437).

III. L’élément moral


Le dé lit de banqueroute est une infraction intentionnelle (article 121-3 du Code
pénal). Le délit exige pour certains de ses cas, outre un dol général (A), un dol spécial (B)
A) Le dol général
Le dol général consiste dans la conscience de la faute commise par l’agent et de la volonté
infractionnelle. Il découle de la double connaissance de l’état de cessation des paiements
et du dommage causé aux tiers ainsi qu’aux créanciers sociaux (Crim. 30 nov. 1987 : Bull.
n° 435). Pour la cour de cassation, l’absence totale de comptabilité démontre en elle-
même le caractère manifeste de l’irrégularité commise et la conscience qu’en avaient
nécessairement le débiteur de l’entreprise en difficulté.
L’élément moral est aisé à établir. Il se déduira de la matérialité des faits constatés
notamment lorsque l’agent aura cherché à dissimuler les actes de la banqueroute par des
artifices coupables. La Chambre criminelle juge que la mauvaise foi est nécessairement
incluse dans la constation d’un détournement. (Crim. 30 nov. 1987, Bull. n° 435).
Est nécessairement avérée l’intention coupable dès lors que le commissaire aux comptes
avait averti le conseil d’administration de la nécessité de remédier à certaines anomalies
et de faire preuve de plus de rigueur dans l’établissement des comptes annuels (Crim. 6
juin 2007, n° 06-85.644). La présomption des responsabilités se trouve renforcée si le
banqueroutier est un professionnel de la vie des affaires (Crim. 24 oct. 2012, n° 11-
86.165).
Le prévenu ne peut s’exonérer de sa responsabilité en invoquant le travail défectueux de
ses salariés en charge de l’établissement de la comptabilité (Crim. 1er oct. 1998, n° 97-
82.812).
B) Dol spécial
Pour deux des cinq cas de banqueroute était exigé en plus du dol général, un dol spécial :
D’une part, en cas d’achat en vue d’une revente en dessous du cours ou d’emploi de
moyens ruineux pour se procurer des fonds d’une part et d’autre part en cas de
banqueroute par tenue d’une comptabilité ministement incomplèteou irrégulière.
En cas d’achat en vue d’une revente en dessous du cours ou d’emploi de moyens
ruineux pour se procurer des fonds, la loi, en indiquant le but précis vers lequel doit
tendre l’infraction, à savoir, éviter ou retarder l’ouverture de la procédure de

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redressement judiciaire, exige clairement un dol spécial pour que le délit soit constitué
(Crim. 2 mai 1994, Bull., n° 158).
De la même manière jusqu’à l’arrêt du 25 novembre 2020 (n° 19-85.205 AJ pén. 2021, p.
90 note M.-C. Sordino), le dol spécial du délit de banqueroute par tenue d’une
comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions
légales résultait du caractère manifeste de l’irrégularité. En effet, l’absence totale de
comptabilité démontrait en elle-même le caractère manifeste de l’irrégularité commise et
la conscience qu’en avaient nécessairement le débiteur de l’entreprise en difficulté (Crim.
19 déc. 2012, n° 11-86.702).
Mais l’arrêt du 25 novembre 2020 semble avoir rompu avec l’exigence d’un dol
spécial s’agissant de ces formes de banqueroute par irrégularités comptables.
Ainsi pour relaxer les deux prévenus des chefs de banqueroute par absence de
comptabilités et tenue d’une comptabilité irrégulière, la Cour d’appel, après avoir constaté
que la tenue irrégulière d’une comptabilité ressortait clairement du rapport d’expertise
comptable ainsi que l’absence totale de comptabilités en 2012 et 2013 a énoncé : « la cour
ne dispose d’aucun élément permettant de considérer que les irrégularités comme le
défaut de comptabilité auraient eu lieu dans le but poursuivi par les prévenus de retarder
la constatation de l’état de cessation des paiements ou d’affecter l’actif de la SCI dans des
conditions qui allaient la mettre dans l’impossibilité de faire face au passif exigible ». Les
juges d’appel relèvent que l’absence totale de comptabilité s’inscrivait dans un conflit
entre les associés, l’expert-comptable ayant démissionné. Ils soulignent que la
personnalité des dirigeants se heurte à la thèse selon laquelle ils auraient eu l’intention
de maintenir artificiellement l’activité de celle-ci.
Mais l’arrêt est cassé au visa des articles L 654-2, 4° et 5° du code de commerce et
de l’article 121- 3 du code pénal, desquels il résulte que la caractérisation de l’élément
intentionnel des délits de banqueroute par absence de comptabilité ou tenue d’une
comptabilité manifestement irrégulière suppose la seule conscience de son auteur de se
soustraire à ses obligations comptables légales. Une telle caractérisation n’exige pas la
preuve que le prévenu a eu la volonté soit d’éviter ou de retarder la constatation de l’état
de cessation des paiements, soit d’affecter la consistance de l’actif disponible dans des
conditions de nature à placer l’intéressé dans l’impossibilité de faire face au passif
exigible.

Chapitre 2 : La répression
Le délit a débordé la sphère des commerçant et peut atteindre toute personne exerçant
une activité économique (L654-1, 1°). Les dirigeants des groupements n’ayant aucune
activité économique sont, depuis la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, affectés par le délit
de banqueroute.
Les complices peuvent être poursuivis même s’ils n’ont pas la qualité exigée de l’auteur
principal dès lors que sont relevés à leur égard les conditions générales de la complicité :
fait principal punissable, acte de complicité, intention coupable. Peuvent être poursuivis
à ce titre, des avocats, experts-comptables (Crim. 27 avr. 1971, Bull. n° 122 ; Crim. 10 nov.
1971, Bull. n° 307 ; Crim. 14 nov. 2002, n° 01-87.096, Crim. 29 mars 200, Bulll., n° 141).
S’agissant de la responsabilité du banquier pour complicité de banqueroute, la
jurisprudence exige en principe que soit rapportée la connaissance du banquier de l’état

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de cessation des paiements du débiteur, le caractère ruineux du crédit consenti ainsi que
la volonté du débiteur de retarder le dépôt de bilan. Elle est écartée si les frais financiers
étaient normaux et que le professionnel ignorait le caractère de complaisance d’un effet
escompté (Crim. 10 nov. 1978, Bull. n° 319).
Se rend coupable de ce délit le banquier qui a notifié à une personne morale l’interdiction
d’émettre des chèques puis a laissé le dirigeant social virer des fonds sociaux sur un
compte personnel sur lequel des chèques ont ensuite été émis en méconnaissance des
dispositions légales alors en vigueur (Crim. 9 oct. 1989 : Bull. n° 343).

I. Les peines principales


Le dé lit de banqueroute est puni d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une
amende de 75 000 euros (article L. 654-4 du Code de commerce).
Lorsque l'auteur ou le complice de banqueroute est un dirigeant d'un prestataire de
services d'investissement, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100
000 euros d'amende (L 654-4 Code de commerce).
Les personnes morales encourent en application de l’article L. 654-7 Code de commerce :
1° L'amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal
2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.
L'interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39, à savoir l'interdiction, à titre définitif
ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou
plusieurs activités professionnelles ou sociales, porte sur l'activité dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

II. Les peines complémentaires


L’article L. 654-5 du Code de commerce pré voit des peines complé mentaires pour les
personnes physiques coupables de banqueroute
1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités de l'article
131-26 du code pénal ;
2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal, soit
d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer
une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de
contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte
ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société
commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;
3° L'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
4° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que
ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont
certifiés ;
5° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par
l'article 131-35 du code pénal.

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Dans une dé cision 2016-573 QPC du 29 septembre 2016 le Conseil constitutionnel a
dé claré non conforme à la constitution les dispositions de l’article L. 654-6 du Code de
commerce, prévoyant pour le juge pé nal la possibilité de prononcer à l’égard du
condamné une peine complé mentaires de faillite personnelle.
Tentative : Aucune disposition légale ne ré prime la tentative de banqueroute (Cass.,
Crim., 7 avril 1998).

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Séance 3 – Banqueroute Préalable légal : L. 654-1 et L. 654-2 C. com
En cas d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sont coupables de banqueroute les personnes mentionnées à l'article L. 654-1 contre
Par S. Vernaz lesquelles a été relevé l'un des faits ci-après :
Inspiré par Véron et Beaussonie, Droit 1° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, soit fait des achats en vue d'une revente au-
pénal des affaires, Dalloz, 13ème édition dessous du cours, soit employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
2° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif du débiteur ;
3° Avoir frauduleusement augmenté le passif du débiteur ;
4° Avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de l'entreprise ou de la personne morale ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité lorsque
Domaine d’applicaDon les textes applicables en font obligation
5° Avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales.
Qualité de banqueroutiers
Les personnes physiques (art. L. 654-1) : Elément psychologique :
• Soit lorsqu’elles agissent en leur nom NB : Exclusion du fait
« Conscience de la faute et la mauvaise foi » => intention qui ne saurait être présumée
propre, c'est-à-dire exerçant : jus3fica3f 3ré de (Crim. 10 mars 2010) Découle néanmoins souvent des moyens matériels mis en œuvre
• 1) Une activité commerciale = ceux qui l’existence d’un groupe Elément matériel pas le prévenu : « la mauvaise foi du prévenu résulte du caractère fallacieux et ruineux
exercent des actes de commerce et en (diff// ABS) de moyens auxquels il a eu recours pour se procurer du crédit » (Crim. 19 janv. 1981)
* = exigence d’un dol spécial maintenue
font leur profession habituelle (art. L.
121-1). Inclut les personnes dont les
1- Maintien artificiel d’une 2- Détournement ou dissimulaTon
règles de la profession interdisent 3- Augmentation 4- Comptabilité fictive, dissimulée ou 5- Comptabilité
entreprise défaillante* d’acTf
l’exercice du commerce (incompatibilité) frauduleuse du passif absente incomplète ou
• 2) Une activité artisanale irrégulière
Principe : retarder ou éviter Principe : consiste à faire disparaitre
• 3) Agriculteur = personne exerçant des Principe : Recourir à 1) Comptabilité fictive Principe :
l’ouverture de la procédure tout ou par]e des éléments mobiliers
métiers agricoles au sens de L. 311-1 du n’importe quel Principe : comptabilité qui ne Comptabilité
collective (mobile) (même incorporel) ou immobilier
C. R. procédé, action ou correspond pas à la vérité (= l’activité manifestement
=> Est coupable celui qui, par ces compris dans l’ac]f de l’entreprise et
• 4) Membre d’une profession omission, entraînant réelle de l’entreprise) incomplète ou
procédés, augmente l’importance du devant répondre du passif exigible.
indépendante, y compris les professions cette conséquence • Seules les irrégularités les plus graves irrégulière au regard
passif alors qu’il est déjà dans Deux possibilités : qui infectent la comptabilité dans sa
libérales pour le débiteur des dispositions
l’impossibilité d’y faire face avec son 1) Détournement : acte posi]fs de totalité au point qu’elle n’a plus aucun
• Soit lorsqu’elles agissent en tant que • Ex. reconnaitre légales
actif disponible disposi]on des biens sociaux + pas rapport avec la réalité économique.
représentants de personnes morales faussement L . 123-12 C. com (=>
Moyens : besoin que ce soit dans l’intérêt 2) Disparition de la comptabilité
• 1) Dirigeants (y compris de fait, l’entreprise impose
• Soit l’achat en vue de la personnel de l’agent : Principe : dissimulation, soustraction,
représentant permanent d’une PM) débitrice au profit l’enregistrement
revente au-dessous du cours • tout acte de disposi5on volontaire voire destruction qui interdit la
• 2) Liquidateurs : de créancier fictifs comptable des
(spécifique) : achat préalable en accompli sur une élément du représentation des documents
Les personnes morales (infraction commise patrimoine du débiteur après la (eux même mouvement
vue d’une revente ; revente en comptables et ne vise pas leur simple
pour le compte de la PM) cessa5on des paiements, en fraude coupables du délit affectant la
dessous du cours) falsification
(NB : la simple revente à perte est punie par L. 442- des droits des créanciers (crim. 11 mai de l’art. L. 654-9 • Peut se limiter à certains documents. patrimoine de
2 => sanctionne les prix d’appel) 1995) 2°) et au détriment • Appréciation extensive => assimilation du l’entreprise)
Champ d’applicaTon temporel • Soit l’emploi de moyens • Rémunéra5on excessive des créanciers « retard » dans la communication des
l’ouverture d’une procédure collecTve (art. ruineux pour se procurer des 2) DissimulaTon : actes posi]fs ou véritables
documents à la disparition => curieux de parler
de disparition (on sait où elle se trouve)
654-2 CP) fonds (général) : Ensemble des omission • = forme déguisée
• Se faire remeCre des espèces contenues dans
3) Absence de toute comptabilité
procédés destinés à se procurer la caisse de détournement Principe : Absence totale de
• Condi&on de forme de l’exercice de l’AP : des fonts utilisés dans le but de • Omission de révéler une parFe de l’acFf d’actif comptabilité (et non seulement
nécessaire ouverture d’une procédure de
maintenir artificiellement partielle) : s’inscrit dans la durée et s’étend à
redressement judiciaire ou de liquida5on
judiciaire (qui constate la cessa5on des l’existence d’une entreprise l’ensemble de l’activité de l’entreprise
paiements, c’est-à-dire impossibilité de faire défaillante. Ex. contracter un Aucune disposi]on légale ne réprime
face au passif exigible avec l’ac5f disponible) prêt bancaire à un taux excessif. la tenta]ve de banqueroute
pour l’exercice les poursuites (même si
jugement du TC ou TJ annulé ensuite) Répression (L654-3) :
• 5 ans + 75 000 €
• Cept, la date de cessa&on des paiements est Points communs avec l’ABS : • Aggrava]on (L654-4) : 7 ans + 100 000€ lorsque l’auteur de
sans incidence sur la caractérisa&on du délit Se traduisent tous deux pas des actes identiques d’appauvrissement résultant d’une diminution de la banqueroute est un dirigeant d’une entreprise
(crim. 25 nov. 2020) l’actif ou d’une aggravation du passif de la société prestataire de service d’inves]ssement.
• SAUF si banqueroute par détournement d’ac5f :
Différences avec l’ABS : • PC (L654-5)
si commis avant la cessa5on des paiements Dépend de la date à laquelle les actes délictueux ont été accomplis : o Interdic]on des droits civiques, civils et de
(compris comme situa5on irrémédiablement • Si à cette date, la société était déjà en état de cessation des paiements, il ne peut s’agir que de famille
compromise pour le débiteur), c’est de l’ABS banqueroute o Interdic]on pour une durée de 5 ans au plus,
• MAIS si le détournement d’ac5f cause la • Si elle était encore in bonis, il faut retenir la qualification d’abus de biens sociaux, sauf si l’acte d’exercer une fonc]on publique ou l’ac]vité
cessa5on de paiements, possible de retenir la cause la situation de cessation des paiements.
banqueroute (Crim. 14 févr 2007) professionnelle dans l’exercice de laquelle
• Ex. ABS pour la rémunération excessive d’un dirigeant d’une société soumise à une l’infrac]on a été commise
• Si société encore in bonis => ABS procédure collective pour les sommes perçues avant la date de cessation des o Interdic]on pendant 5 ans au plus d’éme_re des
• Si après cessa4on des paiements => paiements chèques et de l’exclusion des marchés publics
banqueroute • EX. Banqueroute par détournement d’actif pour les sommes perçues o L’affichage de la décision
postérieurement. (Crim. 5 nov. 2008)
Séance 3 – L’abus de biens sociaux Préalable légal multiple :
Infrac'on la plus fréquente en droit des sociétés
• SARL : L. 241-3, 4° et 5° Ccom • Sociétés civiles de placement immobilier : CMF, art. L. 231-11 Ccom
• SA : L. 242-6, 3° et 4° Ccom • Société par action simplifiées : C. com. Art. L. 244-1 Ccom
Par5cularité : • Sociétés en commandite par action : L. 241-4 Ccom
• Infrac5on a9trée, ne pouvant être commise que • Sociétés civiles offrant au public des instruments financiers : art. 321-11, 3° CMF
• Sociétés coopératives : L. n° 47-1775 du 10 septembre 1947, art. 26, al. 3 Ccom • Société d’exercice libéral : L. n° 90-1258 du 31 déc. 1990
par les gérants de SARL, les présidents,
• Sociétés européennes : art. L. 244-5 Ccom • Exclusion des sociétés à engagement social illimité : sociétés de fait (mais pas gérant
administrateurs ou directeurs généraux, les
• Sociétés d’assurance : C. assur. art. L. 328-3 Ccom de fait d’une société établie), association, sociétés civiles, groupement d’intérêt
membres du directoire et du conseil de surveillance,
• Société immobilière de construction : CCH, art. L. 241-6 et L. 313-32 Ccom économique, société en commandite simple, en participation => AdC
les gérants des sociétés en commandite par acUons

Par S. Vernaz Elément psychologique :


Inspiré par Véron et Beaussonie, Droit • + Acte commis de mauvaise foi (présumée simplement contre les dirigeants sociaux)
pénal des affaires, Dalloz, 13ème édition Elément matériel • + Connaissance voire conscience que l’usage des biens, crédit ou pouvoirs ou des
voix étaient contraires à l’intérêt social
• Pas besoin d’intention de nuire / risque d’être un délit matériel

Dans un but personnel


Usage : Contraire à l’intérêt social
Peut être considéré comme un dol spécial au titre de l’EP

• Actes (de disposiUon) qui consistent à s’approprier directement


« à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
des biens appartenant à la société ou à faire payer par celle-ci des
société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés
dépenses à caractère strictement personnel.
• Y compris si de façon temporaire et avec l’intenUon de resUtuer Société indépendante Groupe de sociétés directement ou indirectement ».
Sinon, pas d’infrac5on = mauvaise ges5on
Usage que les prévenus savaient Sociétés liées entre elles par des
contraire à l’intérêt de la société intérêts économiques et • Même si pas à des fins exclusivement personnelles !
qu’ils administraient ou géraient financiers (échelle na5onale ou Intérêt matériel :
Crédit • Soit l’agent s’est fait verser par la société des
Bien sociaux Pouvoir et voix • Ex. refus : le simple usage du interna5onale)
sommes indues ou s’est enrichi à son détriment
papier à en-tête d’une => conduit à repenser la no5on
stricto sensu : • Surface financière
société au profit d’une autre • Groupe = pas de cadre (rémunéra5on excessive Crim. 26 juin 1978)
d’une société, cad sa • Différentes préroga5ves
capacité à emprunter, société = pas contraire à son juridique précis : chaque • Soit l’agent a évité de s’appauvrir en faisant payer
• Ensemble des reconnues aux dirigeants
intérêt social société conserve son par la société des dépenses personnelles.
meubles et des à garan5r, à sociaux en tant que tels
indépendance juridique mais (remboursement d’un voyage personnel Crim. 6
cau5onner ; c’est aussi par la loi ou les statuts de
immeubles, Indice : si les actes litigieux est soumise à un centre nov. 1979 ; paiement des amendes rou5ères Crim.
corporels et sa réputa5on, la la société, pouvoirs qu’ils
entrent ou non dans l’objet social unique de décision 6 sept. 2000).
confiance qu’elle exercent notamment à
incorporels tel que défini par les statuts de la économique Intérêt moral :
inspire. travers les voix qui leur
constituant le société • => appréciaUon souveraine • La recherche d’un presUge ou d’une notoriété
patrimoine de la • Faire du crédit de la sont concédées pour
Critère pas infaillible : des juges du fond publique. Crim. 20 mars 1997
société un usage prendre les décisions
société • Ex. location d’immeuble pas Conséquence => l’intérêt social • Le désir d’entretenir de bonnes relaUons avec des
• Ex. matériel, contraire à son intérêt, qu’impliquent le
dans l’objet social (non) doit être appréciée en fonc5on personnes influentes. Crim. 27 oct. 1997
c’est alors lui faire fonc5onnement de la
mobilier, fonds, • Soit opération en lien avec de l’intérêt général du groupe. • Par le souci « de se ménager des appuis et des
courir un risque société
créances, baux, l’objet social mais Cass. 4 février 1986, n° 84-91.581 relaUons » Crim. 14 nov. 2007
brevets, etc. anormal (auquel elle • Ex. : donner des ordres à
ne devrait pas être des salariés de la société comportant un risque (Rozenblum) :
• Peu importe que la anormal (oui) 3 condi5ons : On trouve toujours un intérêt personnel => les projets de
société détienne ces exposée) pour l’accomplissement
• Existence d’un véritable réforme des textes envisagent à juste Utre de recentrer le
• Ex. engager la société de travaux dans son
biens en qualité de Deux critères : groupe délit sur les autres EC.
en apposant sa intérêt personnel
locataire seulement • 1) La contrepartie • L’acte doit être jusUfié par
(=> c’est alors leur signature de dirigeant • Ex. PDG de SA qui accepte
• 2) Les possibilités réelles de l’intérêt du groupe (apprécié NB. Pour le Uers-bénéficiaire de l’ABS : recel d’ABS
social sur un effet « une fusion-absorpUon
droit qui est abusé) la société concernée étroitement pour éviter les
• Ex. Toute forme de étranger à l’acUvité de déséquilibrée, lésionnaire
celle-ci ou pour et dépourvue de toute abus)
transfert de fonds ou => Présomption de contrariété à • L’acte n’impose pas à l’une Répression :
cauUonner des de`es jusUficaUon économique - 5 ans et 375 000 €
de valeur indus de la l’intérêt social des actes illicites des sociétés du groupe des
société à son personnelles. pour la société mais - Circonstance aggravante : 7 ans d’emprisonnement +
• Ici, l’acUon se passe en avantageuse pour lui- • Nécessairement contraire à sacrifices démesurés
dirigeant : l’intérêt social dans la me`ant son avenir en péril 500 000 € si infraction facilitée ou réalisée aux moyens
rémunération amont d’un ABS : même et d’autre société de compte ou de contrat souscrits auprès d’organismes
seule l’absence de dans lesquelles il est mesure où il expose la (InterdicUon de « saigner à
excessive, paiement société à des poursuites blanc » au bénéfice d’une établis à l’étranger (Loi du 6 dec. 2013 de lutte contre la
respect de intéressé. (Crim. 10 juill.. grande délinquance économique et financière)
par la société des pénales ou fiscales (risque autre société) =>
dettes du dirigeants. l’engagement par le 1995) - PC (L. 249-1 Ccom): interdiction d’exercer certaines
dirigeant le conduira • Ex. uUlisaUon des anormal même si avantage à contreparUe (souplesse) +
court terme ex. Crim. 19 pas au-delà de ses capacités fonctions, professions ou d’exercer une activité
éventuellement à la procuraUons dans son professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion
consommer (en faisant intérêt personnel sept. 2007).
Aucune disposi,on légale ne réprime la de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
payer la société) Mais PAS obligation de publication de la décision
tenta,ve d’abus de biens sociaux
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PLAN DE LA SEQUENCE 4 : LES ATTEINTES A LA PROBITÉ

CHAPITRE 1 : LA CORRUPTION

I. La condition préalable : la qualité de corrompu

A) L’agent public français


B) Le personnel judiciaire français
C) L’agent public étranger
D) Le personnel judiciaire étranger ou international
E) L’acteur d’une manifestation sportive ou d’une course hippique
F) La personne privée chargée d’une fonction de direction ou assimilée

II. Les éléments constitutifs


A) La corruption passive d’agent public français
1. L’élément matériel
a) Le comportement incriminé
b) Le résultat
2. L’élément moral
3. Exemples de corruption passive d’agents publics français
B) La corruption active d’agent public national
1. L’élément matériel
a) Le comportement incriminé
b) Le résultat
2. L’élément moral
3. Exemples de corruption active d’agent public français
C) La corruption de personnel judiciaire français
1. La corruption passive
2. La corruption active
D) La corruption passive d’agent public étranger
1. La corruption passive
2. La corruption active
3. Exemples
E) La corruption de personnel judiciaire étranger ou international
1. La corruption passive
2. La corruption active
a) L’élément matériel
b) L’élément moral
3. Exemples

F) La corruption active d’un acteur d’une manifestation sportive ou d’une course


hippique

G) La corruption passive commise par un acteur d’une manifestation sportive ou


d’une course hippique

H) La corruption active privée


I) La corruption passive privée

1
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III. La répression de la corruption
Focus sur la peine de programme de mise en conformité (PPMC)

CHAPITRE 2 : LE TRAFIC D’INFLUENCE

I. Élément matériel

A. Le trafic d’influence passif


B. Le trafic d’influence actif

II. L’élément moral


III. Exemples
IV. Répression
A. Personnes physiques
1. Peines principales
2. Peines complémentaires
B. Personnes morales
V. Jurisprudence

CHAPITRE 3 : LE DÉTOURNEMENT DE FONDS ET DE BIENS PUBLICS

I. Le détournement de fonds et de biens publics commis par un agent public


A. La condition préalable : la qualité de l’auteur
B. L’élément matériel
C. L’élément moral
D. La répression
II. La condition préalable : la qualité de l’auteur
III. Le détournement commis par un particulier

CHAPITRE 4 : LA PRISE ILLEGALE D’INTÉRÊTS

I. La prise illégale d’intérêt par une personne investie d’une fonction publique (art.
432-11)
A. Les conditions préalables
1. La qualité de l’auteur
2. Les pouvoirs de l’agent dans l’entreprise ou l’opération visée
B. Les éléments constitutifs de la prise illégale d’intérêt
1. Élément matériel
2. Élément moral
3. Exemples
C. Faits justificatifs
1. Les fait justificatifs prévus par le Code pénal (C. pén., art. 432-12, al. 2 à 5)
2. La dérogation de l’article L. 1524-5 CGCT

2
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D. La répression
II. La prise illégale d’intérêt par un magistrat ou une personne chargée d’une
mission juridictionnelle (art. 432-11-1 C. pén.)

III. La prise illégale d’intérêt par un ancien fonctionnaire : délit de pantouflage (art.
432-13 C. pén.)
A. Les conditions préalables
1. Condition préalable tenant à la qualité de l'auteur
2. Conditions préalables tenant au pouvoir exercé par l'auteur sur certaines affaires
ou certains actes
B. Élément constitutif
1. Élément matériel
2. Élément moral
C. La répression

CHAPITRE 5 : LE FAVORITISME

I. Les éléments constitutifs


A. L’élément matériel
1. Les auteurs de l’infraction
a. Les personnes physiques
b. Les personnes morales
2. Les contrats visés
a. Les marchés publics
b. Les contrats de concession
3. La violation des règles de liberté d’accès et d’égalité entre les candidats
4. L’octroi d’un avantage injustifié
B. L’élément moral
II. Répression du délit de favoritisme
A. Peines principales
B. Peines complémentaires

CHAPITRE 6 : LA CONCUSSION

I. La qualité de l’auteur
II. Les éléments constitutifs
A. Acte matériel de perception
1. La perception
2. L’octroi d’un avantage injustifié
B. Caractère indu de la perception ou de l’avantage
C. Élément moral
III. Répression
A. Peines principales

3
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B. Peines complémentaires
C. Tentative et prescription

4
LES ATTEINTES À LA PROBITÉ

Les atteintes à la probité sont incriminées au sein du Livre IV du code pénal : Des crimes
et délits contre la nation, l'État et la paix publique au Titre III : Des atteintes à l'autorité
de l'État.
Les AAP recouvrent :
- La Corruption (Chapitre 1)
- Le trafic d’influence (Chapitre 2)
- Le détournement de fonds publics (Chapitre 3)
- La prise illégale d’intérêt (Chapitre 4)
- Le favoritisme (Chapitre 5)
- La concussion (Chapitre 6)

1
CHAPITRE 1 : LA CORRUPTION

La corruption est incriminée aux articles suivants :


• Article 432-11, 1° CP : corruption passive commise par un agent public français
• Article 433-1, 1° CP : corruption active d’agent public français
• Article 434-9 CP : corruption active et passive d’un personnel de justice
• Article 435-1 CP : corruption passive commise par un agent public étranger
• Article 435-3 CP : corruption active d’un agent public étranger
• Article 435-7 CP : corruption passive commise par un personnel judiciaire
étranger ou international
• Article 435-9 CP : corruption active d’un personnel judiciaire étranger ou
international.
• Article 445-1 CP : corruption active privée
• Article 445-2 CP : corruption passive privée
• Article 445-1-1 CP : corruption active d’un acteur d'une manifestation sportive ou
d'une course hippique donnant lieu à des paris
• Article 445-2-1 CP : corruption passive par un acteur d'une manifestation sportive
ou d'une course hippique donnant lieu à des paris
La corruption est incriminée de manière autonome sous sa forme passive et active. La
différence entre la corruption passive et active porte sur la qualité de l’auteur, selon qu’il
est corrompu ou corrupteur.
Ainsi, la corruption passive est celle commise par le corrompu et consiste pour ce dernier
soit à solliciter soit à agréer un avantage indu pour accomplir un acte de sa fonction, de sa
mission ou de son mandat.
La corruption active est celle commise par le corrupteur et consiste à proposer ou à céder
à celui qui sollicite sans droit des avantages pour qu’il accomplisse un acte de sa fonction,
de sa mission ou de son mandat.
La corruption active peut être caractérisée même si l’agent public refuse l’offre du
corrupteur. De même la corruption passive peut être caractérisée en l’absence de toute
offre de corruption, lorsque par exemple, le corrompu prend l’initiative de proposer à
quiconque de réaliser un acte de sa fonction en contrepartie d’un avantage quelconque.
La corruption est une infraction formelle La tentative de corruption n’est pas sanctionnée.

La corruption nécessite une condition préalable qui a trait à la qualité de corrompu (I),
des éléments constitutifs (II). Il conviendra enfin de préciser les sanctions (III).

I. La condition préalable : la qualité de corrompu


On ne peut pas corrompre n’importe qui. Les textes incriminent la corruption d’agent
public français (A), la corruption d’un personnel de justice français (B), la corruption

2
d’agent public étranger (C), la corruption d’un personnel judiciaire étranger ou
international (D), la corruption d’un acteur d’une manifestation sportive ou d’une course
hippique (E), la corruption privée (F)
A) L’agent public français
Les articles 432-11 et 433-1 sanctionne la corruption, active et passive de toute personne
dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie
d’un mandat électif public.
Une personne dépositaire de l’autorité publique est toute personne qui est investie par
délégation de la puissance publique d'un pouvoir de décision et de contrainte sur les
individus et sur les choses, pouvoir qu'elle exerce de façon permanente ou temporaire.
Sont dépositaires de l’autorité publique :
- les représentants de l'État : policiers et gendarmes, douaniers, fonctionnaires et agents
des préfectures, sous-préfectures et mairies
- les officiers ministériels ou publics : magistrats, fonctionnaires de l'administration
pénitentiaire, inspecteurs du travail
- les personnes assimilées : sapeurs-pompiers, gardiens d'immeubles ou agents exerçant
des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation.
Une personne chargée d’une mission de service public est une personne publique
exerçant, sans être dépositaire de l’autorité publique, une activité d’intérêt général. Ex
: enseignants, agent de surveillance de la voie publique, professions de santé, arbitres
sportifs, agents des entreprises publiques (agents de la RATP Cass. Crim. 2 avril 1998, n°
97-83119, Bull. crim. N° 127 ; D. 1099, somm. comm. p. 158 , obs. Segonds), journalistes
employés par France Télévision (Cass. Crim. 19 mars 2003, n° 02-80374 : Bull. crim. n°
73 ; D. 2004, somm. P. 315, obs. Segonds : Le rédacteur en chef de France 3 Montpellier et
des journalistes pigistes de la chaîne qui se faisaient indûment payer pour assurer la
publicité et la couverture médiatique de courses sportives alors que de telles prestations
auraient dû être gratuites). Un étudiant qui adresse à son chargé de travaux dirigés un
chèque de 1500 euros pour que ce dernier porte sa note initiale de 2/20 à 13/20 commet
une corruption de fonctionnaire Cass. Crim. 13 oct. 1985, RSC 1986, p. 607, Obs. Delmas-
Saint-Hilaire
Le Conseil d’État (CE, 20 juillet 1990, Ville de Melun) a jugé qu’une organisation peut être
reconnue d’utilité publique si :
• elle dispose de prérogatives de puissance publique accordée par la loi (ce qui implique
de facto qu’elle exerce une mission de service public) ;
• ou si, « eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son
organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux
mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints »,
l’organisation doit être considérée comme exerçant une mission de service public.
Ex : contrôleur SNCF, chauffeur de bus, les personnels des SEM et autres nouvelles entités
du service public local.

B) Le personnel de justice français


L’article 434-9 incrimine spécifiquement la corruption active et passive :

3
 D’un magistrat, un juré ou toute autre personne siégeant dans une formation
juridictionnelle ;
 D’un fonctionnaire Du greffe d'une juridiction ;
 D’un expert nommé, soit par une juridiction, soit par les parties ;
 D’une personne chargée par l'autorité judiciaire ou par une juridiction
administrative d'une mission de conciliation ou de médiation ;
 D’un arbitre exerçant sa mission sous l'empire du droit national sur l'arbitrage,

C) L’agent public étranger


Il s’agit d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de
service public ou investie d’un mandat électif public dans un état étranger ou au sein d’une
organisation internationale publique. La Cour de cassation retient une définition large de
l’agent public étranger. Ainsi, dans le cadre d’une affaire de lobbying pour l’implantation
de sociétés françaises au Gabon, au Congo, au Sénégal, au Tchad et au Cameroun, la
Chambre criminelle dispose à propos de la qualité de personne dépositaire de l’autorité
publique « qu’aucune nullité ne saurait découler d’une qualification provisoire qui
implique non seulement des chefs d’État mais également d’autres personnes exerçant des
fonctions officielles dans les pays concernés et que les personnes ayant des
responsabilités au sein du gouvernement ou de l’administration publique sont
susceptibles d’être considérés comme des agents publics étrangers » (Crim. 17 oct. 2017,
n° 17-80228).
Dans l’affaire Pétrole contre nourriture, relative à la violation des conditions de l’embargo
portant sur le pétrole irakien mettant en cause un groupe pétrolier français, la Cour de
cassation retient également une conception large de la notion d’agent public étranger
qu’elle applique à une personne morale. Elle conforte la décision de la Cour d’appel
jugeant que « pour déclarer le délit de corruption d’agents publics étrangers, caractérisé
en tous ses éléments, l’arrêt énonce que la SOMO, entreprise d’État rattachée au ministère
du Pétrole en Irak, est une personne chargée d’une mission de service public au sens de
l’article 435-4 du Code pénal » (Crim. 14 mars 2018, n° 16-82.117).

D) Le personnel judiciaire étranger ou international


Elle vise toute personne physique exerçant des fonctions juridictionnelles, tout greffier,
fonctionnaire d’une juridiction étrangère ou d’une cour internationale, tout expert
nommé par une de ces juridictions ou l’une de ces cours ou par les parties, de toute
personne chargée d’une mission de conciliation ou de médiation par ces dernières ou tout
arbitre exerçant sa mission sous l’empire du droit d’un État étranger.

E) L’acteur d’une manifestation sportive ou d’une course hippique Art. 445-1-1


Selon le premier Rapport mondial sur la corruption dans le sport, publié par l’Office des
Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) publié le 9 décembre 2021, à
l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption, jusqu’à 1 700
milliards de dollars seraient pariés sur les marchés illicites. Cette situation révèle une
« ampleur, une manifestation et une complexité stupéfiantes de la corruption et du crime
organisé dans le sport aux niveaux mondial, régional et national ».

4
L’incrimination vise tous les acteurs d'une manifestation sportive ou d’une course
hippiques donnant lieu à des paris sportifs.

F) La personne privée chargée d’une fonction de direction ou assimilée


Issus de la transposition de la décision-cadre n°2003-258 du 22 juillet 2003, l’article
445-1 du Code pénal incrimine la corruption active de personnes n'exerçant pas de
fonction publique et l’article 445-2 du Code pénal, la corruption passive de personnes
n'exerçant pas de fonction publique
1. La corruption active privée
La personne sollicitée par l’auteur de corruption active est nécessairement une personne
« qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni chargée d'une mission de service public,
ni investie d'un mandat électif public exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou
sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale ou
pour un organisme quelconque ».
L'absence de la qualité d'agent public est nécessaire, faute de quoi l'on basculerait dans la
corruption d'agent public.
Ainsi, n'entrent pas dans le champ de cette infraction les personnes dépositaires de
l'autorité publique (comme les notaires, les magistrats, les gérants de tutelle...) et les
personnes chargées d'une mission de service public (président d'une chambre de
commerce et d'industrie, mandataire judiciaire, directeur d'établissement hospitalier...)
Cette infraction a vocation à s'appliquer, à titre d'exemple, aux employés de maison de
commerce, aux chefs de services, aux simples commis, aux directeurs commerciaux, aux
clercs de notaire, aux ingénieurs, aux dirigeants salariés, aux responsables associatifs, aux
syndicalistes professionnels... Il n'est pas nécessaire que la personne corrompue
s'inscrive dans un rapport de subordination à l'égard de son employeur.

2. La corruption passive privée


Cas de la corruption passive de l’article 445-2 du CP : L’auteur de la corruption passive
est nécessairement une personne « qui, sans être dépositaire de l'autorité publique, ni
chargée d'une mission de service public, ni investie d'un mandat électif public exerce,
dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un
travail pour une personne physique ou morale ou pour un organisme quelconque ».
L'absence de la qualité d'agent public est nécessaire, faute de quoi l'on basculerait dans la
corruption d'agent public.
Ainsi, n'entrent pas dans le champ de cette infraction les personnes dépositaires de l'autorité
publique (comme les notaires, les magistrats, les gérants de tutelle...) et les personnes
chargées d'une mission de service public (président d'une chambre de commerce et
d'industrie, mandataire judiciaire, directeur d'établissement hospitalier...)
Cette infraction a vocation à s'appliquer, à titre d'exemple, aux employés de maison de
commerce, aux chefs de services, aux simples commis, aux directeurs commerciaux, aux
clercs de notaire, aux ingénieurs, aux dirigeants salariés, aux responsables associatifs, aux
syndicalistes professionnels... Il n'est pas nécessaire que la personne corrompue
s'inscrive dans un rapport de subordination à l'égard de son employeur.

5
II. Les éléments constitutifs
A) La corruption passive d’agent public français
L’article 432-11, 1° incrimine la corruption passive commise par un agent public français.
Il s’agit d’un délit.
« Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait, par une
personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou
investie d'un mandat électif public, de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment,
directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui (…) pour accomplir ou s'abstenir
d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa
fonction, sa mission ou son mandat ».
1. L’élément matériel.
a) Le comportement incriminé
Le dé lit de corruption passive est une infraction de commission. Ainsi, pour caracté riser
l'é lé ment maté riel de la corruption passive : il faut démontrer une sollicitation ou un
agré ment, en vue d'obtenir une offre, des promesses, des dons, des pré sents ou des
avantages quelconques, en é change de l'accomplissement et/ou le non-accomplissement
d'un acte, l'acte relevant ou é tant facilité par la fonction.
Peu importe que la sollicitation ou l'agrément ait lieu avant ou après l'acte. La sollicitation
ou l’acceptation de l’avantage indu peut intervenir « à tout moment ». Cela signifie que
l’élu ou le fonctionnaire qui, après avoir rendu un service à un administré exige un
paiement indu, pourrait être poursuivi pour corruption passive même si l’administré
refuse de se plier à ses exigences. L’adjonction de cette précision est intervenue par la loi
du 30 juin 2000 et a mis fin à l’exigence du « pacte de corruption » comme élément
constitutif de l’infraction de corruption. La jurisprudence et la doctrine continuent
cependant de le considérer, à tort, comme un élément constitutif de l’infraction de
corruption.
Enfin peu importe que la sollicitation ou l’agrément émane de l'auteur ou d'une tierce
personne ou que la récompense sollicitée ou agréée ait pour destinataire une autre
personne que l'auteur.
L’autonomie des qualifications de corruption active et passive a été réaffirmée par
la commission de révision de la Chambre criminelle :
Comm. ré vis. 6 juin 2011, n° 10 REV 097 « Le délit de corruption suppose, par sa nature,
deux faits dont l'un n'est pas l'accessoire de l'autre.
Le délit de corruption passive, prévu à l'article 432-11 du code pénal, est distinct du délit
de corruption active prévu à l'article 433-1 du même code.
Dès lors, une décision de relaxe du délit de corruption passive, prononcée par une
juridiction, ne constitue pas un élément nouveau, au sens de l'article 622 4° du code de
procédure pénale, de nature à faire naitre un doute sur la culpabilité́ de la personne,
condamnée par une autre juridiction, pour délit de corruption active, s'agissant de délits
distincts susceptibles, dans leurs éléments constitutifs, d'appréciation différente par
chacune des juridictions qui en ont connu. »

6
b) Le résultat
La corruption passive est une infraction formelle, consommée du seul fait de la
sollicitation ou de l’agrément. Ainsi, peu importe de savoir si l’offre, les promesses,
les dons, les présents ou des avantages quelconques ont é té obtenus ou si la
contrepartie proposée a é té ré alisé e.
Pour être constitué, le délit de corruption « n'impose pas de prouver l'existence d'un «
pacte de corruption ». Il suffit de prouver que le corrupteur actif a proposé une somme
d'argent ou que le corrompu passif a sollicité le versement d'une somme d'argent en
échange de l'accomplissement d'un acte. Peu importe que cette proposition ou cette
sollicitation ait ou non été acceptée »1. Cela explique que la tentative de corruption ne soit
pas spécifiquement incriminée puisque les faits qui pourraient correspondre à cette
acception sont déjà constitutifs de l’infraction de corruption elle-même.
La Chambre criminelle a de longue date jugé que le délit de corruption « n'exige pas que
les offres ou promesses de corruption aient été agréées », ce délit « est consommé dès que
le coupable a usé [ ... ] de promesses, offres, dons ou présents dans le but défini par la loi ».
(Cass. crim. 10 juin 1948 ; voir également Cass. Crim. 16 octobre 1985).
Ainsi, la simple « sollicitation » de dons suffit à consommer l’infraction ; il n’importe que
la « perception » de ces dons ait é té posté rieure à l’obtention de l’avantage recherché
(Cass., Crim., 12 déc. 1989).

2. L’élément moral
Le délit de corruption passive est une infraction intentionnelle (C. pé n., art. 121-3). La
preuve d’un dol général doit être rapportée : l’auteur doit avoir agi en ayant conscience
que ses agissements constituent un manquement à son devoir de probité en moyennant
son office.
La loi prévoit également un dol spécial : le but de l'accomplissement ou du non-
accomplissement de l'acte permis ou facilité par la fonction doit être la récompense.
L’agent public va solliciter ou accepter l’avantage indu parce qu’il espère, en contrepartie,
obtenir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction,
sa mission ou son mandat. La loi définit de manière très large la contrepartie qui peut
consister en n’importe quelle décision ou abstention.

Il peut s’agir notamment :


- Versement de sommes d’argent
- Rémunérations illicites par le biais de fausses factures
- N’importe quel cadeau : voitures, tableaux, meubles, bijoux, travail effectué
gratuitement alors qu’il aurait dû être normalement rémunéré, offre de relations
sexuelles (Cass. Crim. 30 septembre 2009 n° 09-84750, inédit)
- Cours de langue étrangère, mise à disposition d’un appartement, versement
d’honoraires fictifs Cass. Crim. 27 oct. 1997, n° 96-83698 : Bull. crim. n° 352

1
Circulaire de politique pénale en matière de lutte contre la corruption, 2 juin 2020, n°
CRIM202009G3/11.03.2020

7
3. Exemples de corruption passive d’agent public français
- Un maire accepte de l’argent d’un particulier pour obtenir un permis de construire
- Un fonctionnaire municipal octroie frauduleusement un marché public à une entreprise
en contrepartie de l’embauche de son fils.
Crim. 13 oct. 1975, n° 74-90.895 « Crim. 13 oct. 1975 ; n° 74-90.895 : « Le fait de solliciter
un avantage d'ordre subjectif consistant en « l'assouvissement d'une haine », pour, étant
fonctionnaire public, faire ou s'abstenir de faire un acte de ses fonctions, ne saurait être
assimilé aux sollicitations d'offres, de promesses, de dons ou de présents qui constituent l'un
des éléments du délit de corruption prévu par l'article 177 alinéa 1er du code pénal. »
Crim. 30 juin 1999, n° 96-86.607 « Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer le
prévenu coupable de corruption passive, retient qu'il a sollicité les entreprises liées
contractuellement avec la commune, en situation de dépendance économique à son égard,
sous la forme d'un pourcentage du montant des marchés. »
Crim. 19 mars 2003, n° 02-80.374 « Des journalistes pigistes employé s par une chaîne
du service public de la communication audiovisuelle ont la qualité de personne chargé e
d'une mission de service public au sens de l'article 432-11 du Code pé nal. Est, dè s lors,
justifié e la dé cision d'une cour d'appel qui dé clare coupables de corruption passive deux
journalistes professionnels pigistes employé s depuis de nombreuses anné es par la chaîne
de té lé vision France 3 qui ont sollicité des dons ou avantages quelconques pour assurer
la couverture mé diatique de manifestations sportives. »

B) La corruption active d’agent public national


Elle est incriminée à l’article 433-1, al 1er et 2 du Code pénal. Il sanctionne « le fait, par
quiconque, de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des
offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une
personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou
investie d'un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui » pour « qu'elle
accomplisse ou s'abstienne d'accomplir, ou parce qu'elle a accompli ou s'est abstenue
d'accomplir, un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa
fonction, sa mission ou son mandat ».
L’auteur de cette infraction est une personne quelconque qui n’a pas de qualité
particulière et qui n’est donc pas un agent public.
1. L’élément matériel
a) Le comportement incriminé
Le comportement consiste pour quiconque à proposer à un agent public un avantage
indu. La définition de l’avantage indu est la même que celui concernant la corruption
passive (voir supra). La proposition est un acte positif qui peut intervenir « à tout
moment » et être réalisé « directement ou indirectement ». Cela signifie que l’élément
matériel est constitué même si la proposition du corrupteur intervient après que
l’agent public a réalisé l’acte de sa fonction ou de sa mission. Il s’agit d’une infraction
de commission. L’élément matériel de la corruption active de l’article 433-1-1° du
code pénal est strictement le même que celui de la corruption passive vu
précédemment.
b) Le résultat

8
La corruption active est une infraction formelle. Elle est consommée du seul fait de la
proposition ou de l’acquiescement d’offres, des promesses, des dons, des pré sents ou
des avantages quelconques.
2. L’élément moral
Le dé lit de corruption active est une infraction intentionnelle. La preuve d’un dol
général doit être rapportée : le corrupteur doit avoir agi en ayant conscience que ses
agissements participent au manquement du corrompu à son devoir de probité en
monnayant l'office de ce dernier.
La loi pré voit é galement un dol spécial : le but de l'accomplissement ou non de l'acte
pour le corrompu, c’est-à -dire un avantage a priori indu. Le comportement de l’auteur
de la corruption, c’est-à -dire de la proposition ou de l’agré ment d’avantages divers,
doit avoir pour but d’obtenir la contrepartie attendue : l’action ou l’abstention d’une
personne dé positaire de l’autorité publique.
Le corrupteur va proposer l’avantage indu pour que l’agent public accomplisse ou
s'abstienne d'accomplir, ou parce qu'il a accompli ou s'est abstenu d'accomplir, un acte de
sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son
mandat.
Ici aussi, la loi définit de manière très large la contrepartie qui peut consister en n’importe
quelle décision ou abstention.

3. Exemples de corruption active d’agent public français


Un particulier propose au directeur de l’urbanisme de la municipalité de l’argent en
contrepartie de l’octroi d’un permis de construire.
Un chef d’entreprise propose à un membre de la commission d’appel d’offre d’embaucher
son fils en contrepartie de l’octroi d’un marché public.
Crim. 30 juin 1999, n° 96-81.935 « Est né cessairement sans droit, au sens de l'article 433-
1 du Code pé nal, la sollicitation de la part d'un é lu de fonds destiné s au financement
d'activité s politiques, en vue d'accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction.
»
• Crim. 8 oct. 2003, n° 03-82.589 «
Crim. 8 oct. 2003, n° 03-82.589 « Lorsque les faits de corruption active consistent en
l'octroi, par le corrupteur, d'un prê t à taux avantageux, en contrepartie du dé pô t, dans
l'é tablissement bancaire qu'il dirige, de fonds dont le corrompu dispose dans le cadre de
sa mission de service public, le maintien du taux, par le corrupteur, constitue, à chaque
é ché ance, un acte d'exé cution du pacte de corruption, dè s lors qu'il est subordonné à
l'exé cution, par le corrompu, d'actes de sa fonction.
Justifie dè s lors sa dé cision la chambre de l'instruction qui, pour refuser de constater
l'extinction de l'action publique par la prescription pour des faits de corruption active
relatifs à des contrats de prê ts à taux pré fé rentiel conclus entre une banque et des
mandataires de justice et dont l'amortissement s'est poursuivi au cours des trois anné es
pré cé dant le premier acte interruptif de prescription, é nonce que les piè ces de la
procé dure font apparaître que la banque se serait notamment mé nagé la possibilité de
revoir les taux consentis, en cas de cessation des apports de fonds convenus. »

9
C) La corruption de personnel judiciaire français
L’article 434-8 incrimine la corruption passive et active de personnel de justice national
tel que défini plus haut.
1. La corruption passive

Idem corruption passive d’agent public français

2. La corruption active

Idem corruption active d’agent public français

3. Exemples
Corruption active : un justiciable offre des cadeaux à un magistrat pour qu’il rende une
décision favorable
Corruption passive : un expert judiciaire propose à un avocat de rendre un rapport
favorable à son client en contrepartie de l’embauche par ce dernier de son fils au sein de
son entreprise.
Crim. 7 février 2001, n° 00-82.710 « Attendu que, pour dé clarer Julien X... et Roland B...
coupables de corruption active, les juges relè vent que le pacte en exé cution duquel des
subsides ont é té versé s au parti TE TIARAMA avait pour objet d'inciter Alexandre D..., " en
sa double qualité de chef du gouvernement territorial et de repré sentant du Territoire au
conseil d'administration de la SHPS ", à agré er le projet pré senté par celle-ci plutô t que
celui de ses concurrents japonais ; qu'ils constatent que l'inté ressé a notifié à Julien X...,
par dé pê ches à en-tê te du gouvernement territorial des 12 juillet et 7 septembre 1990,
son accord pour la signature d'un bail de longue duré e sur le terrain appartenant à la SHPS
et que, par arrê té du 6 février 1992, il a autorisé l'occupation du domaine public maritime
; Que les juges retiennent que le versement des fonds au parti d'Alexandre D..., profitant
directement ou indirectement à son président, a constitué la contrepartie de l'accord
obtenu du pré sident du gouvernement du Territoire, à la suite des pourparlers illustré s,
notamment, par un é change de fax et de correspondances caracté risant le pacte de
corruption ; qu'ils ajoutent que " le dé lit de corruption ne suppose pas que les fonds aient
é té directement remis au corrompu plutô t qu'à une personne morale que celui-ci dirige.
»

D) La corruption passive d’agent public étranger


L’article 435-1 incrimine la corruption passive par un agent public étranger
L’article 435-3 incrimine la corruption active d’un agent public étranger

1. La corruption passive

a) L’élément matériel

10
i. Le comportement : La corruption passive est une infraction de commission.
L'é lé ment maté riel ré pond en tous points à l'é lé ment maté riel de la corruption
passive vu pré cé demment.
ii. Le ré sultat : La corruption passive est une infraction formelle, consommé e du
seul fait de la sollicitation ou de l’agré ment. Ainsi, peu importe de savoir si
l’offre, les promesses, les dons, les pré sents ou des avantages quelconques ont
é té obtenus ou si la contrepartie proposé e a é té ré alisé e.
b) L’élément moral
Le dé lit de corruption passive est une infraction intentionnelle (C. pé n., art. 121-3). La
preuve d’un dol général doit ê tre rapporté e : l’auteur doit avoir agi en ayant conscience
que ses agissements constituent un manquement à son devoir de probité en moyennant
son office.
Le lé gislateur pré voit é galement un dol spécial : le but de l'accomplissement ou non de
l'acte permis ou facilité par la fonction, soit la ré compense.25 Le comportement de
l’auteur de la corruption, c’est-à -dire la sollicitation ou l’agré ment à des avantages divers,
doit avoir pour but d’obtenir la contrepartie attendue.
2. La corruption active
a) L’élément matériel
i. Le comportement : La corruption active est une infraction de commission. L'é lé ment
maté riel de la corruption active ré pond en tous points à l'é lé ment maté riel de la
corruption active vu pré cé demment.
ii. Le résultat : La corruption active est une infraction formelle, consommé e du seul fait
de la proposition ou de l’acquiescement d’offres, des promesses, des dons, des pré sents
ou des avantages quelconques.
a) L’élément moral
Le dé lit de corruption active est une infraction intentionnelle (C. pé n., art. 121-3). La
preuve d’un dol général doit ê tre rapporté e : le corrupteur doit avoir agi en ayant
conscience que ses agissements participent au manquement du corrompu à son devoir de
probité en monnayant l'office de ce dernier.
Le lé gislateur pré voit é galement un dol spécial : le but de l'accomplissement ou non de
l'acte pour le corrompu, c’est-à -dire un avantage a priori indu2
Le comportement de l’auteur de la corruption, c’est-à -dire la proposition ou de l’agré ment
d’avantages divers, doit avoir pour but d’obtenir la contrepartie attendue : l’action ou
l’abstention d’une personne dé positaire de l’autorité publique é tranger.

Cass. crim., 14 mars 2018, n° 16-82.117, affaire « Pétrole contre nourriture « : « Entre dans
les prévisions du deuxième alinéa de l'article 435-3 du code pénal, dans sa version en
vigueur à la date des faits, le fait, par toute personne physique ou morale, de cé der aux
sollicitations dépourvues de fondement juridique des agents d'un organisme ayant la
qualité de personne chargé e d'une mission de service public au sens des mê mes
dispositions, relayant une demande de paiement de commissions occultes formulé e par
les instances repré sentatives d'un Etat qui en sont les bé né ficiaires et à dé faut du
paiement desquelles toute relation commerciale serait interrompue ». Voir Julie Gallois, «

11
Pé trole contre nourriture : pré cisions en matiè re de corruption d’agents publics é trangers
et d’abus de biens sociaux », Dalloz actualité, 2018

E) La corruption de personnel judiciaire étranger ou international


1. La corruption passive
L’article 435-7 du Code pénal sanctionne le fait pour tout personnel judiciaire étranger ou
international de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou
indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages
quelconques pour lui-même ou pour autrui en contrepartie de l’accomplissement ou de
l’abstention d’un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction.
a) L’élément matériel
i. Le comportement
Idem Corruption agent public étranger
ii. Le résultat
Idem
b) L’élément moral
Idem Corruption agent public national

2. La corruption active
L’article 435-9 CP incrimine le fait pour toute personne physique ou morale de solliciter
ou de céder à un personnel judiciaire étranger ou international, pour lui-même ou pour
autrui, des offres des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques.
a) L’élément matériel
i. Le comportement : idem Corruption active agent public
français
ii. Le résultat : idem Corruption active agent public français

b) L’élément moral : idem Corruption active agent public français

3. Exemples
Corruption passive : le fait pour un arbitre de solliciter une somme d’argent pour rendre
une décision favorable à l’une des parties
Corruption active : le fait pour un justiciable de proposer à un magistrat d’une juridiction
internationale un pot de vin pour rendre une décision qui lui est favorable.

F) La corruption active d’un acteur d’une manifestation sportive ou d’une course


hippique art. 445-1-1 C. pén.
Est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant
peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par quiconque, de
proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, à un acteur d'une
manifestation sportive ou d'une course hippique donnant lieu à des paris, des offres, des
promesses, des présents, des dons ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour
autrui, pour que cet acteur, par un acte ou une abstention, modifie le déroulement normal

12
et équitable de cette manifestation ou de cette course ou parce que cet acteur, par un acte
ou une abstention, a modifié le déroulement normal et équitable de cette manifestation
ou de cette course.
Les éléments constitutifs ne présentent aucun particularisme voir supra

G) La corruption passive commise par un acteur d’une manifestation sportive


ou d’une course hippique 445-2-1
Est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant
peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par un acteur d'une
manifestation sportive ou d'une course hippique donnant lieu à des paris, de solliciter ou
d'agréer de quiconque, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des
offres, des promesses, des présents, des dons ou des avantages quelconques, pour lui-
même ou pour autrui, pour modifier ou pour avoir modifié, par un acte ou une abstention,
le déroulement normal et équitable de cette manifestation ou de cette course.
Les éléments constitutifs ne présentent aucun particularisme. Voir supra

H) La corruption active privée art. 445-1 : Aucun particularisme concernant les


éléments constitutifs Voir supra
Exemples :
Corruption active : Un agent commercial d’une société A offre des cadeaux à un
responsable des achats de la société B pour que ce dernier signe ou renouvelle un contrat.

I) Corruption passive privée 445-2 : Aucun particularisme concernant les éléments


constitutifs Voir supra
Exemple :
Corruption passive : Un responsable d’une banque consent un découvert à un client pour
que ce dernier embauche sa fille.

III. La répression de la corruption


Voir le tableau des peines de corruption et de trafic d’influence.
Focus sur la peine de programme de mise en conformité (PPMC)
L’article 18 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 a inséré dans le code pénal un
nouvel article 131-39-2, qui prévoit la possibilité, en répression de certains délits,
d’imposer aux personnes morales, l’obligation de se soumettre, sous le contrôle de l’AFA
(l’agence française anti-corruption), pour une durée maximale de cinq ans, à une peine de
programme de mise en conformité.

Les personnes concernées. L’article 131-39-2 du code pénal vise « une personne morale
». La PPMC est ainsi applicable aux personnes morales de toutes tailles, de toutes formes
juridiques et de tous secteurs d’activité, qu’elles soient de nationalité française ou
étrangère. Elle s’applique également aux personnes morales de droit public.

13
Les infractions visées. La peine est encourue pour les infractions de corruption prévues
aux articles 433-1, 433-2 au visa de l’article 433-26, aux infractions de corruption des
articles 434-9 et 434-9-1 au visa de l’article 434-48, aux infractions de corruption prévues
par les articles 435-3, 435-4, 435-9 et 435-10 au visa de l’article 435-15 et les infractions
de corruption prévues aux articles 445-1, 445-1-1, 445-2 et 445-2-2 au visa de l’article et
445-4).
Contenu de la PPMC.
L’article 131-39-2 du code pénal dispose que « lorsque la loi le prévoit à l’encontre d’une
personne morale, un délit peut être sanctionné par l’obligation de se soumettre, sous le
contrôle de l’Agence française anticorruption, pour une durée maximale de cinq ans, à un
programme de mise en conformité » qui comporte l’obligation pour la personne morale
de mettre en œuvre en son sein les mesures et obligations suivantes » :
1) un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à
proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic
d'influence ;
2) un dispositif d'alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant
d'employés et relatifs à l'existence de conduites ou de situations contraires au code de
conduite de la personne morale ;
3) une cartographie des risques prenant la forme d'une documentation régulièrement
actualisée et destinée à identifier, analyser et hiérarchiser les risques d'exposition de la
personne morale à des sollicitations externes aux fins de corruption, en fonction
notamment des secteurs d'activités et des zones géographiques dans lesquels la personne
morale exerce son activité ;
4) des procédures d'évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang
et intermédiaires au regard de la cartographie des risques ;
5) des procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s'assurer
que les livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de
corruption ou de trafic d'influence. Ces contrôles peuvent être réalisés soit par les services
de contrôle comptable et financier propres à la personne morale, soit par recours à un
auditeur externe à l'occasion de l'accomplissement des audits de certification de comptes
prévus à l'article L. 823-9 du code de commerce ;
6) un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux
risques de corruption et de trafic d'influence ;
7) un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la personne morale
en cas de violation du code de conduite de la personne morale.

La PPMC est mise en œuvre sous le contrôle de l’AFA. Celle-ci rend compte de ce suivi au
procureur de la République, qui contrôle l’exécution de cette peine. Le procureur de la
République communique la décision exécutoire à l’AFA.
L’article 131-39-2 du code pénal prévoit que la durée maximale de la peine de programme
de mise en conformité est de cinq ans.
Le non-respect de la peine de programme de mise en conformité est constitutif d’une
nouvelle infraction. L’article 434-43-1 du code pénal prévoit que les personnes
responsables sont « les organes ou représentants » de la personne morale condamnée à
la peine de programme de mise en conformité.

14
L’article 434-43-1 du code pénal prévoit que le fait pour les organes ou représentants
d’une personne morale de s’abstenir de prendre les mesures préconisées par l’AFA ou de
faire obstacle à la bonne exécution des obligations qui découlent du programme de mise
en conformité constitue « un délit puni de deux ans d’emprisonnement et 50.000 euros
d’amende ».

Les personnes morales déclarées responsables de ce délit peuvent voir le montant de


l’amende porté au montant de l’amende encourue au titre du délit pour lequel elles ont
été originellement condamnées. Elles encourent également les autres peines attachées à
la répression de ce délit. Enfin, les personnes morales et physiques coupables du non-
respect de la PPMC encourent une peine d’affichage ou de diffusion de la décision
prononcée.

15
Titre : les éléments de la corruptions
Préalable légal : voir schéma sur les textes et sanctions

Distinction préalable :
• Corruption active : Elément psychologique
CORRUPTEUR → corrompt → CORROMPU : Verbe à la force active
Déf. : le corrupteur fait offre ou accepte de rémunérer le corrompu
• La preuve d’un dol général doit être rapportée : l’auteur doit
• Corruption passive : avoir agi en ayant conscience que ses agissements constituent
CORRUPTEUR ← se laisse corrompre par ← CORROMPU : Verbe à la force passive un manquement à son devoir de probité en moyennant son
Déf. : contre rémunération, le corrompu accepte ou propose d’accomplir ou de ne pas office.
accomplir un acte de sa fonction • La loi prévoit également un dol spécial :
• Le but de l'accomplissement ou du non-
Attention à la terminologie :
accomplissement de l'acte permis ou facilité par la
• En cas de corruption passive, le corrompu peut être actif en proposant lui-même le pot-de-vin
• En cas ce corruption active, la corrupteur peut rester passif en acceptant de verser le pot-de-vin fonction doit être la récompense.
Elément matériel • Le but de la récompense doit être le non-
Infraction de accomplissement de l’acte permis ou facilité par la
commission fonction.
Une sollicitation
OU pacte de
corruption (=
acceptation de la Moment de la sollicitation OU du pacte de But poursuivi
sollicitation) corruption Moyens employés (si placé dans élément psy : dol spécial)

Indifférence du moment • Pour le corrompu : solliciter ou agréer La sollicitation ou le pacte corrupteur


La sollicitation • Pour le corrupteur : proposer ou accepter de faire des doit viser à ce que le corrompu
suffit sans qu’il y offres, promesses, dons, présents ou avantages (corruption passive) accomplisse ou
ait besoin que Droit antérieur : quelconques n’accomplisse pas un acte de sa
l’offre soit • Antériorité du pacte par rapport aux fonction en contrepartie des
acceptée agissements de l’agent La sollicitation peut même ne pas être très précise versements effectués par le
Autonomie des qualifications de corruption active et corrupteur (corruption active)
• Infraction Modifications législatives : passive
formelle : nul • Loi du 30 juin 2000 sur la lutte contre le • Le but de l'accomplissement ou
besoin d’aller corruption : « à tout moment » MAIS Avantage : du non-accomplissement de l'acte
chercher la rédaction défectueuse qui continue de => Pécuniaire : permis ou facilité par la fonction
tentative préciser que la rémunération doit avoir • Versement direct de sommes d’argent doit être la récompense.
pour finalité d’inciter à accomplir ou à • Objets de valeur ou cadeaux
• Un seul s’abstenir. • Paiement des dépenses du corrompu
participant • Loi du 17 mai 2011 : « pour que le => Pas pécuniaire :
suffit à corrompu accomplisse ou s’abstienne • Offres de relations sexuelles (Cass. Crim. 30 septembre
l’infraction d’accomplir ou parce qu’il a accompli ou 2009, n° 09-84750)
sans qu’il soit s’est abstenu d’accomplir un acte de sa • Cours de langue étrangère
besoin d’aller fonction » • Cadeau
chercher la  Le moment n’a plus d’importance VS
S. Vernaz

complicité
Conséquence : La corruption peut résulter de Accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte
l’acceptation en connaissance de cause d’un • S’abstenir de dresser un PV pour un fait délictueux
cadeau offert en remerciement • Payer un conseiller général pour que, par ses votes, il aide
une entreprise à obtenir un marché public
CHAPITRE 2 : LE TRAFIC D’INFLUENCE

Le trafic d’influence a été incriminé à la suite d’une affaire célèbre de la fin du 19ème siècle :
celle du trafic de décorations perpétré par Daniel Wilson, fondateur de la de la gauche
républicaine, député et gendre du Président de la République Jules Grévy. Wilson se
prévalait de son lien avec le Président de la République et de son influence auprès de lui
pour promettre des décorations, notamment des légions d’honneur à de nombreuses
personnes contre des pots-de vin qu’il utilisait pour renflouer les caisses de ses
nombreuses entreprises. Les décorations étaient finalement attribuées, grâce à son
entremise. Wilson fût traduit en justice dans cette affaire mais il est acquitté en appel au
motif qu’aucune loi de l’époque ne punit le trafic d’influence. En effet, la corruption ne
pouvait pas s’appliquer à cette hypothèse parce qu’elle requiert au titre de ses éléments
constitutif un acte du mandat, puisqu’en l’occurrence il s’agissait d’un élu. Or, l’attribution
de décorations n’est pas de la compétence d’un député mais du Président de la République
qui lui, n’avait pris aucune part aux opérations de son gendre. Le scandale fût tel que bien
que le comportement de Wilson ne tombât sous aucune qualification pénale, Jules Grévy
fût contraint de démissionner le 2 décembre 18871.
Le trafic d’influence a été incriminé à la suite de cette affaire par une loi du 4 janvier 1889.
La genèse de cette infraction explique la proximité du trafic d’influence avec la corruption
laquelle apparaît de manière formelle dans le Code pénal. En effet, le trafic d’influence est
puni et réprimé par les textes qui, le plus souvent incriminent également la corruption.

Le trafic d’influence est incriminé aux articles suivants :


• Article 432-11 2° CP : TI passif par un agent public
• Article 433-1 2° CP : TI actif d’un agent public
• Article 433-2 al. 1er : TI privé passif
• Article 433-2 al 2 CP : TI privé actif
• Article 434-9-1 al. 1er CP : TI passif d’un personnel de justice
• Art. 434-9-1 al. 2 CP : TI actif d’un personnel de justice
• Article 435-2 CP : TI passif d’un agent public é tranger
• Article 435-4 CP : TI actif d’un agent public é tranger
• Article 435-8 CP : TI passif d’un personnel de justice internationale
• Article 435-10 CP : TI actif d’un personnel de justice internationale

1
LASCOUMES, Pierre et AUDREN, Frédéric, « La justice, le gendre et le scandale des décorations. Aux origines
du trafic d’influence », in DUMONS, Bruno et POLLET Gilles (dir.), La fabrique de l’honneur et les décorations en
France, XIXe-XXe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 119-141.

1
Définition. Le trafic d’influence consiste à rémunérer l’exercice abusif d’une influence
que l’agent possède ou qu’il prétend posséder à l’égard d’un tiers, en vue d’une décision
favorable. Le pouvoir appartient au tiers qui ignore la relation illicite qui se noue par
devers lui. L’auteur du trafic d’influence ne dispose que d’une influence qu’il souhaite
monnayer.
Comme en matière de corruption, le trafic d’influence est incriminé de manière autonome
selon l’auteur de l’infraction.
Le trafic d’influence actif est commis par celui qui bénéficie de l’influence (art. 433-1, 2°,
433-2 al. 2, art. 434-9-1 al. 2, art. 435-4, art. 435-10), le trafic d’influence passif est commis
par celui qui détient l’influence (art. 432-11, 2°, 433-2 al. 1er, art. 435-2, art. 435-8, art.
434-9-1, al. 1er).
Comme en matière de corruption le trafic d’influence passif consiste à solliciter ou
d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des
dons, des présents ou des avantages quelconques, pour soi-même ou pour autrui, et le
trafic d’influence actif consiste à tout moment, à céder aux sollicitations ou de proposer,
sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des
présents ou des avantages quelconques.
La personne dont on attend ou espère qu’elle intervienne auprès « d’une autorité ou
d’une administration publique » doit être ou apparaître influente. Elle peut appartenir à
la sphère publique ou privée selon les incriminations.
Les moyens de l’intervention sont les mêmes que pour la corruption : offres, promesses,
dons, présents ou avantages quelconques.
Le trafic d’influence peut être direct ou indirect.
S’agissant des éléments constitutifs propres au trafic d’influence, ils concernent l’abus
d’une influence réelle ou supposée et la finalité poursuivie

I. Élément matériel
L’élément matériel consiste dans l’abus d’une influence réelle ou supposée. L’influence est
l’élément qui permet de distinguer le trafic d’influence de la corruption. En effet, dans la
corruption passive l’auteur est un agent public, qui reçoit un avantage dans le but qu’il
accomplisse lui-même un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat. Dans le
trafic d’influence passif, l’auteur est un intermédiaire dont l’influence réelle ou supposée
est de nature à faire obtenir un avantage quelconque d’une autorité publique ou d’une
administration. L’auteur rémunère une personne qui n’a pas de pouvoir direct mais qui
possède « un réseau ». Il la paie pour qu’elle exerce une influence sur un tiers, c’est-à-dire
pour qu’elle exerce une sorte de mission d’intermédiaire grâce au crédit qu’elle possède
en raison de sa position sociale, de ses liens d’amitiés ou de collaboration avec des
personnes détentrices du pouvoir.
Pour illustrer la distinction entre corruption et trafic d’influence voir Crim. 5 nov. 2003,
n° 02-85513, inédit.
L’influence peut être réelle mais également supposée. Dans ce dernier cela signifie qu’il
n’est pas nécessaire que la personne puisse obtenir l’avantage espéré. Il suffit que la
personne qui le sollicite le croit. Ce qui sera déterminant c’est l’apparence et la crédibilité
de l’influence que l’individu s’octroie ou qu’on lui prête.

2
A. Le trafic d’influence passif (art. 432-11, 2°, 433-1 §2 et 433-2§2 C. pén.)
Le trafic d’influence passif est une infraction de commission. L'é lé ment maté riel
requiert : une sollicitation ou un agré ment, en vue d'obtenir des offres, des promesses,
des dons, des pré sents ou des avantages quelconques, en é change de l'abus d'influence de
l'agent, en vue d'obtenir des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre dé cision
favorable.
Peu importe que la sollicitation ou l'agré ment ait lieu avant ou après l'acte, qu'il émane de
l'auteur ou d'une tierce personne, que la ré compense sollicitée ou agréée ait pour
destinataire une autre personne que l'auteur, que l'influence soit réelle ou supposée
Le trafic d’influence passif une infraction formelle, consommé e du seul fait de la
sollicitation ou de l’acquiescement d’offres, des promesses, des dons, des pré sents ou des
avantages quelconques. Il n’importe pas de vérifier que la personne sollicitée ait abusé ou
non de son influence, ni de vérifier que son influence ait é té réelle ou supposée.
B. Le trafic d’influence actif (art. 433-1, 2° et 433-2 al. 1 C. pén.)
Le trafic d’influence actif est une infraction de commission. L'é lé ment maté riel ré pond
en tous points à l'é lé ment maté riel des trafics d'influence passifs exceptés qu'ici il s'agit
d'une proposition ou d'une acceptation de la sollicitation du trafiquant d'influence.31
Le trafic d’influence actif une infraction formelle, consommé e du seul fait de la
sollicitation ou de l’acquiescement d’offres, des promesses, des dons, des pré sents ou des
avantages quelconques. Il n’importe pas de vérifier que l’auteur ait abusé ou non de son
influence, ni de vérifier que son influence ait é té réelle ou supposée.

II. L’élément moral


L’infraction exige au-delà du dol général qui est l’intention de commettre l’infraction en
connaissance de cause, un dol spécial.
TI passif : « faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions,
des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ».
La proposition ou de l’agré ment d’avantages divers, doit avoir pour finalité d’obtenir des
pouvoirs publics des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre dé cision
favorable (TI passif).
La sollicitation d’avantages divers, doit avoir pour finalité d’obtenir la contrepartie
attendue : obtenir des pouvoirs publics des distinctions, des emplois, des marchés ou
toute autre dé cision favorable. (TI actif)
En visant « toute autre décision favorable », le législateur permet d’appréhender un
spectre très large d’avantages.
Commet ainsi un trafic d’influence passif celui qui monnaye à prix fort son carnet
d’adresses et son réseau d’influence au sein des ministères pour faire obtenir un marché
public à une société qui le rémunère pour cela (Crim. 4 mai 2011, n° 10-85381 Bull. crim.
n° 93)

3
III. Exemples
A. Trafic d’influence d’agent public français
Un entrepreneur promet d’engager la fille d’un député pour qu’il use de son influence
auprès d’un ministre pour qu’une autorisation administrative lui soit accordée
B. Trafic d’influence passif d’agent public étranger
Une personne dé positaire de l’autorité publique ou chargé e d’une mission de service
public ou investie d’un mandat é lectif dans un État étranger ou au sein d'une
organisation internationale publique abuse de son influence réelle ou supposée sur
une personne membre d’une autorité ou une administration publique pour obtenir
une décision favorable
C. Trafic d’influence actif d’agent public étranger
Un entrepreneur propose un cadeau à un agent public étranger pour qu’il intervienne
auprès d’une autorité ou une administration publique pour obtenir un marché.
D. Trafic d’influence privé passif
Un entrepreneur intervient auprès d’une autorité ou d’une administration publique pour
obtenir auprès

IV. Répression
A. Personnes physiques
1. Peines principales : Tous les dé lits de trafic d'influence sont punis de cinq ans
d'emprisonnement (C. pé n. 433-2) et de 500 000 euros d'amende ou du double du
produit tiré de l'infraction, sauf les trafics d'influence actif et passif d'agent public
(C. pé n. 432-11, 2° ; 433-1), punis de dix ans d'emprisonnement et d'un million
d'euros d'amende ou du double du produit tiré de l'infraction. Des possibilités de
ré duction ou d'exemption de peines sont pré vues.
2. Peines complémentaires : Des peines complé mentaires peuvent ê tre prononcé es
à l'encontre de l'auteur de trafic d'influence (C. pé n. 432-17 ; 433-22) : interdiction
des droits civils, civiques et de famille, interdiction d'exercer certaines fonctions
dans l'exercice desquelles l'infraction a é té commise, confiscations spé ciales,
affichage ou diffusion de la dé cision, peine de sanction-ré paration. L'auteur du
dé lit de trafic d'influence peut aussi ê tre condamné à l'interdiction d'exercer une
activité bancaire, immobiliè re, de cré dit ou d'assurance ou encore à l'exclusion de
la procé dure de passation des marché s publics.
Pour les dé lits de trafic d'influence d'agent de justice et d'agent é tranger ou international,
la juridiction peut prononcer une peine d'interdiction du territoire national.

B. Personnes morales
Les personnes morales peuvent ê tre condamné es, notamment en qualité de complice ou
receleur. La peine est porté e au quintuple de l'amende et peut ê tre assortie des peines
spé cifiques de l'article 131-39 du code pé nal.

En outre, la peine consistant en une obligation de soumission à un programme de mise en


conformité est encourue pour certaines infractions de trafic d'influence (C. pé n., art. 131-
39-2, 433- 26, 434-48, 435-15 et 445-4).

4
Pour les seules infractions de trafic d'influence actif et de trafic d'influence passif d'agent
privé , une convention judiciaire d'inté rê t public peut ê tre proposé e à la personne morale
par le procureur de la Ré publique, tant que l'action publique n'a pas é té mise en
mouvement (C. pr. pé n., art. 41-1-2).

V. Jurisprudence

Crim. 1er oct. 1984, n° 83-93.555 : s’agissant de la distinction du trafic passif


d’influence avec la corruption passive « La pré vention du trafic d’influence, pré vue et
punie par l’article 178 C. pé n., exige que le bé né ficiaire des donc ou pré sents soit considé ré
ou se pré sente comme intermé diaire dont l’influence, ré elle ou supposé e, est de nature à
faire obtenir une faveur quelconque ou une dé cision favorable d’une autorité publique ou
d’une administration ; en revanche, le dé lit de corruption passive, dé fini et ré primé par
l’art. 177 C. pé n., est applicable au fonctionnaire public qui a reçu des dons ou pré sents
pour faire personnellement un acte de ses fonctions, juste ou non, mais non sujet à salaire.
». « ... Mais est justifié e, (…), une peine prononcée pour trafic d’influence, dè s lors que les
faits constaté s par l’arrê t caracté risent le dé lit de corruption passive. »
Crim. 8 janv. 1998, n° 97-80.885 : s’agissant de la notion de complicité « Se rendent
coupables de complicité de trafic d’influence les responsables d’une société adjudicataire
d’un marché de travaux publics qui ont remis de l’argent à un intermédiaire, auteur
principal du dé lit, à charge pour lui d’intervenir auprè s du premier adjoint au maire,
délégué à la commission des marchés publics, dans laquelle il jouissait d’une grande
influence. »
Crim. 10 mars 2004, n° 02-85.285. S’agissant du pacte de corruption (trafic actif
d’influence) « Un ancien mé canicien de la Marine nationale, a porté à la connaissance des
services de la gendarmerie maritime que le dirigeant d’une socié té se serait livré à des
actes de corruption afin d'obtenir des commandes publiques ; l'information ouverte à la
suite de ces ré vé lations a fait apparaître qu'un certain nombre d'employé s de la direction
de la construction navale (DCN) favorisaient certaines entreprises dans l'attribution de
commandes ou de marché s publics, en é change de compensations financiè res ; c’est à bon
droit que la cour d’appel a condamné ce dirigeant pour trafic d’influence, dè s lors qu’il a
bé né ficié de nombreuses commandes sur facture de la DCN ; il a en outre bé né ficié d’un
marché important sur appel d’offres et d’un marché important à bon de commande ; il n’a
bé né ficié de ces commandes publiques de la part d’un agent de la DCN qu’en contre partie
des avantages versé s à celui-ci en considé ration de l’influence qu’il lui prê tait dans
l’attribution des marché s ou commandes relavant de sa compé tence, et en exé cution du
concert frauduleux né cessairement pré alable entre les parties ; l’abus d’influence a donc
é té pré cé dé de promesses de dons faites par le pré venu à cette fin. »
Même arrêt : « Se rend coupable de trafic d’influence le pré venu qui a invité au restaurant
un certain nombre de pré parateurs de commandes ou acheteurs exerçant dans une unité
de production de la DCN, qui leur a offert divers objets et a, dans le mê me temps, bé né ficié ,
par l’intermé diaire de ces agents, de plusieurs commandes ; il est manifeste que le
pré venu n’a versé ces avantages aux agents qu’en considé ration de l’influence ré elle ou
supposée qu’il leur prê tait dans l’attribution des commandes et en exé cution du concert
frauduleux, né cessairement pré alable, existant au sein de la DCN entre les parties, les
avantages versé s, avant ou aprè s l’attribution de ces commandes ou marché s, n’ayant
autre objet que de ré compenser les actes passé s ou à venir. »

5
Crim. 19 mars 2008, n° 07-82.124 - s’agissant de la prescription « Pour é carter la
prescription de l’action publique, l’arrê t é nonce que les comptes des pré venus ont é té
cré dité s, les 24 et 27 septembre 1999, de la part de leur revenant sur le dernier versement
effectué par une socié té et que ces opé rations constituent le dernier acte d’exé cution du
pacte frauduleux conclu entre les parties ; ils ajoutent que l’infraction ayant é té dissimulé e
par la conclusion d’un contrat fictif et par l’utilisation d’une structure é cran, les conditions
de mise en œuvre de l’action publique n’ont é té ré unies que lors de la dé couverte des
mouvements enregistré s sur les comptes des pré venus de la dé nonciation de ces faits par
les autorité s suisses au juge d’instruction français le 23 aout 2002 ; ils en dé duisent qu’à
la date de l’ouverture de l’information, le 12 septembre 2002, la prescription triennale
n’é tait pas acquise ; en l’é tat de ces é nonciations, la cour d’appel a justifié sa dé cision ; en
effet, si le dé lit de trafic d'influence est une infraction instantané e qui se prescrit à
compter de la perception du dernier versement effectué en exé cution du pacte litigieux,
le dé lai de prescription de l'action publique ne commence à courir, en cas de
dissimulation, qu'à partir du jour où l'infraction a pu ê tre constaté e dans des conditions
permettant l'exercice des poursuites. »
Crim. 16 janv. 2008, n° 07-87.633 - s’agissant de la preuve « Ne constitue pas un
stratagè me portant atteinte à la loyauté des preuves, l'intervention des gendarmes qui a
eu pour seul effet de permettre la constatation d'un dé lit de trafic d'influence dont ils n'ont
pas dé terminé la commission. »

6
Titre : Le trafic d’influence
Préalable légal : 433-2 CP
Par S. Vernaz Principe : délit qui consiste, pour une personne ou un dépositaire des
pouvoirs publics, à recevoir des dons (argent, biens) de la part d'une
Inspiré par Véron et Beaussonie, Droit personne physique ou morale, en échange de quoi elle usera de son
pénal des affaires, Dalloz, 13ème édition influence réelle ou supposée pour obtenir pour le bénéficiaire une
décision favorable (décoration, marché, emploi, arbitrage favorable).

Opération à trois personnes Elément psychologique

Personne cible La preuve d’un dol général doit être rapportée : l’auteur
Bénéficiaire Celle qui détient le pouvoir de doit avoir agi en ayant conscience que ses agissements
décision, souvent une autorité
Fournit des avantages administrative publique (magistrat,
constituent un manquement à son devoir de probité en
ou des dons expert) utilisant l’influence réelle ou supposée de l’intermédiaire.
Elément matériel
Intermédiaire Infraction de Dol spécial
Utilise le crédit qu’il commission
possède du fait de sa
position

Forme de corruption : peut être actif à l’al. 1 (bénéficiaire) ou passif à


l’al. 2 (intermédiaire) But poursuivi
MAIS avec un intermédiaire entre le bénéficiaire potentiel et l’autorité Moyens employés : avantage et influence (si placé dans élément psy : dol spécial)
publique qui va user de son influence

• Pour le bénéficiaire : fournir un avantage à L’utilisation de l’influence doit avoir


l’intermédiaire chargé de contacter la personne : offre, un but précis : « faire obtenir d'une
Une sollicitation Moment de la promesses, dons, présents ou avantage quelconque
OU agréement autorité ou d'une administration
consommation de • Peut être pour un proche de l’intermédiaire publique (personne cible) des
l’infraction (autrui) distinctions, des emplois, des marchés
Idem corruption • Si remis indirectement à l’intermédiaire, la ou toute autre décision favorable ».
Lors de la sollicitation ou de personne qui remet doit être condamnée
l’agrément comme complice

Indépendamment du • Pour l’intermédiaire : proposer ou accepter cet avantage


moment ou de la réalité de quelconque pour abuser ou avoir abusé de son influence
la contrepartie : réelle ou supposée pour obtenir un avantage pour le
« à tout moment » bénéficiaire.

Répression :

Si concerne un particulier (433-2 CP) :


• Art. 433-2 CP : 5 ans d’emprisonnement + 500 000 € (jusqu’au double du produit de l’infraction)
o Idem concernant le TI d’un magistrat français (434-9-1 CP), international ou étranger (435-8 et 435-10 CP) ou d’un agent étranger ou international (435-2 et
435-4 CP)
o Peines complémentaires
▪ Particuliers : 433-22 et 433-23 CP
▪ Trafic relatif aux magistrats : 434-44, 434-46 CP
▪ Ordre international : 435-14 CP
S. Vernaz

Si concerne une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de SP ou investie d’un mandat électif (432-11, 433-1 CP ):
• 10 ans d’emprisonnement et 1 000 000 € (jusqu’au double du produit de l’infraction) – C. aggravante si bande organisée
• PC : 432-17, 433-22 et 433-23 CP + peine d’inéligibilité de 131-26-2 CP
Tableaux récapitulatifs des peines
(Corruption et Trafic d’influence)

CORRUPTION DANS LE CADRE NATIONAL : Corruption dans le secteur public


Cadre général Corruption dans le cadre du
fonctionnement de la justice
Corruption active par quiconque Corruption passive par un agent public Corruption active par un particulier d’un
faisant une offre, une promesse à un national qui sollicite ou accepte une magistrat, greffier, juré, expert, arbitre,
agent public national. offre, une promesse. etc…, en faisant des offres, des promesses.

ET / OU ET /OU

Céder aux sollicitations directes ou Céder aux sollicitations directes ou


indirectes d’un agent public national. indirectes d’un magistrat, greffier, juré,
expert, arbitre, etc.

ET / OU

Corruption passive d’un magistrat,


juré, expert, arbitre, etc. qui sollicitent ou
acceptent des offres, des promesses
Personne physique : 10 ans, Personne physique : 10 ans, Personne physique : 10 ans (15 ans pour un
1million €, jusqu’au double du produit 1million €, jusqu’au double du magistrat si poursuite criminelle), 1 million
de l’infraction (article 433-1 du Code produit de l’infraction (article 432- €, jusqu’au double du produit de l’infraction
pénal). 11,1° du Code pénal). (article 434-9 du Code pénal).

Peine privative de liberté réduite de Peine privative de liberté réduite de


Peine privative de liberté réduite de moitié
moitié si coopération judicaire et/ou moitié si coopération judicaire et/ou
si coopération judicaire et/ou administrative
administrative (article 433-2-1 du administrative (article 432-11-1 du
(article 434-9-2 du Code pénal).
Code pénal). Code pénal).

Personne morale : quintuple de


Personne morale : quintuple de Peines complémentaires personne
l’amende (articles 131-38 et 434-47 du Code
l’amende des personnes physiques physique : articles 131-26-2 et 432-17
pénal) pour corruption active
(articles 131-38 et 433-25 du Code du Code pénal.
exclusivement, en cédant à une sollicitation.
pénal).

Peines complémentaires personne


Peines complémentaires personne physique : articles 131-26-2, 434-44 du
physique : articles 131-26-2, 433-22 et Code pénal et 434-46 du Code pénal (pour
433-23 du Code pénal. corruption active exclusivement, en cédant
à une sollicitation).
Peines complémentaires personne
morale : articles 433-25 et 433-26 du Peines complémentaires personne morale :
Code pénal. articles 434-47 et 434-48 du Code pénal
(pour corruption active exclusivement, en
cédant à une sollicitation).
CORRUPTION DANS LE CADRE NATIONAL : Corruption dans le secteur privé
Corruption active par un particulier faisant des offres, des Corruption passive d’une personne exerçant dans le cadre d’une
promesses à une personne exerçant dans le cadre d’une activité professionnelle ou sociale qui sollicite ou accepte une
activité professionnelle ou sociale. offre, une promesse.

ET / OU ET/OU
Céder aux sollicitations directes ou indirectes d’une Pour un acteur d’une manifestation sportive donnant lieu à des
personne exerçant dans le cadre d’une activité paris sportifs de solliciter ou d’accepter, une offre, une
professionnelle ou sociale. promesse… (article 445-2-1 du Code pénal).

ET/OU
Faisant des offres, des promesses à un acteur d’une
manifestation sportive donnant lieu à des paris sportifs
(article 445-1-1 du Code pénal).
Personne physique : 5 ans, 500.000 €, jusqu’au double du Personne physique : 5 ans, 500.000 €, jusqu’au double du
produit de l’infraction (article 445-1 du Code pénal). produit de l’infraction (article 445-2 du Code pénal).

Personne morale : quintuple de l’amende des personnes Personne morale : quintuple de l’amende des personnes
physiques (articles 131-38 et 445-4 du Code pénal). physiques (articles 131-38 et 445-4 du Code pénal).

Peines complémentaires personne physique : articles 131- Peines complémentaires personne physique : articles 131-26-2
26-2 et 445-3 du Code pénal. et 445-3 du Code pénal.

Peines complémentaires personne morale : article 445-4 Peines complémentaires personne morale : article 445-4 du
du Code pénal. Code pénal.

CORRUPTION DANS LE CADRE INTERNATIONAL


Corruption d’un agent public étranger ou international Corruption de personnel judiciaire international
Corruption active (faire une Corruption passive (solliciter Corruption active (faire une Corruption passive (solliciter
offre, une promesse…) ou accepter une offre, une offre, une promesse…) ou accepter une offre, une
promesse…) promesse…)
ET / OU ET / OU
Céder à une corruption Céder à une corruption
passive passive
Personne physique : 10 ans, Personne physique : 10 ans, Personne physique : 10 ans, Personne physique : 10 ans,
1 million €, jusqu’au double 1million €, jusqu’au double 1million €, jusqu’au double 1million €, jusqu’au double
du produit de l’infraction du produit de l’infraction du produit de l’infraction du produit de l’infraction
(article 435-3 du Code (article 435-1 du Code (article 435-9 du Code (article 435-7 du Code
pénal). Peine privative de pénal).Peine privative de pénal). Peine privative de
pénal). Peine privative de
liberté réduite de moitié si liberté réduite de moitié si liberté réduite de moitié si
liberté réduite de moitié si
coopération (article 435-6-1 coopération (article 435-6-1 coopération (article 435-11-
du code pénal) coopération (article 435-11- 1 du code pénal)
du code pénal)
1 du code pénal)

Personne morale : Peines complémentaires Peines complémentaires


quintuple de l’amende des personne physique articles Personne morale : personne physique : articles
personnes physiques 131-26-2 et 435-14 du Code quintuple de l’amende des 131-26-2 et 435-14 du Code
(articles 131-38 et 435-15 du pénal. personnes physiques pénal.
Code pénal). (articles 131-38 et 435-15 du
Code pénal).
Peines complémentaires
personne physique : articles Peines complémentaires
131-26-2 et 435-14 du Code personne physique : articles
pénal. 131-26-2 et 435-14 du Code
pénal.
Peines complémentaires
personne morale : article Peines complémentaires
435-15 du Code pénal. personne morale : article
435-15 du Code pénal.

2
TRAFIC D’INFLUENCE DANS LE CADRE NATIONAL : Trafic d’influence actif
L’ « intermédiaire » dépositaire de L’ « intermédiaire » particulier
l’autorité publique, chargé d’une Cadre général Trafic d’influence à l’occasion du
mission de service public, investi d’un fonctionnement de la justice
mandat électif
Personne physique : 10 ans, Personne physique : 5 ans, 500.000 €, Personne physique : 5 ans, 500.000 €,
1million €, jusqu’au double du produit jusqu’au double du produit de jusqu’au double du produit de
de l’infraction (article 433- 1 Code l’infraction (article 433-2 alinéa 2 du l’infraction (article 434-9-1 alinéa 2 du
pénal). Code pénal). Code pénal).

Peine privative de liberté réduite de Peine privative de liberté réduite de Peine privative de liberté réduite de
moitié si coopération judicaire et/ou moitié si coopération judicaire et/ou moitié si coopération judicaire et/ou
administrative (article 433-2-1 du administrative (article 433-2-1 du administrative (article 434-9-2 du
Code pénal). Code pénal). Code pénal).

Personne morale : quintuple de Personne morale : quintuple de Personne morale : quintuple de


l’amende des personnes physiques l’amende des personnes physiques l’amende des personnes physiques
(articles 131-38 et 433-25 Code pénal). (articles 131-38 et 433-25 Code pénal). (articles 131-38, et 434-47 Code pénal).

Peines complémentaires personne Peines complémentaires personne Peines complémentaires personne


physique : articles 131-26-2, 433-22 et physique : articles 131-26-2, 433-22 et physique : articles 131-26-2, 434-44 et
433-23 du Code pénal. 433-23 du Code pénal. 434-46 du Code pénal.

Peines complémentaires personne Peines complémentaires personne Peines complémentaires personne


morale : articles 433-25 et 433-26 du morale : articles 433-25 et 433-26 du morale : articles 434-47 et 434-48 du
Code pénal. Code pénal. Code pénal.

TRAFIC D’INFLUENCE DANS LE CADRE NATIONAL : Trafic d’influence passif


L’ « intermédiaire » dépositaire de L’ « intermédiaire » particulier
l’autorité publique, chargé d’une Cadre général Trafic d’influence à l’occasion du
mission de service public, investi d’un fonctionnement de la justice
mandat électif
Personne physique : 10 ans, Personne physique : 5 ans, 500.000 €, Personne physique : 5 ans, 500.000 €,
1million €, jusqu’au double du produit jusqu’au double du produit de jusqu’au double du produit de
de l’infraction (Article 432-11, 2° du l’infraction (Article 433-2 alinéa 1 du l’infraction (Article 434-9-1 alinéa 1 du
Code pénal). Code pénal). Code pénal).

Peine privative de liberté réduite de Peine privative de liberté réduite de Peine privative de liberté réduite de
moitié si coopération judicaire et/ou moitié si coopération judicaire et/ou moitié si coopération judicaire et/ou
administrative (Article 432-11-1 du administrative (Article 433-2-1 du administrative (article 434-9-2 du
Code pénal). Code pénal). Code pénal).

Peines complémentaires personne Personne morale : quintuple de Peines complémentaires personne


physique : Articles 131-26-2 et 432-17 l’amende des personnes physiques physique : Articles 131-26-2, 434-44
du Code pénal. (Articles 131-38 et 433-25 Code pénal). et 434- 46 du Code pénal.

Peines complémentaires personne


physique : Articles 131-26-2, 433-22 et
433-23 du Code pénal.

Peines complémentaires personne


morale : Articles 433-25 et 433-26 du
Code pénal.

3
TRAFIC D’INFLUENCE DANS LE CADRE INTERNATIONAL
Trafic d’influence en direction d’une personne Trafic d’influence en direction du
dépositaire de l’autorité publique/chargée d’une mission personnel judiciaire « international »
de service public / investie d’un mandat électif public au
sein d’une organisation internationale
Trafic d’influence actif par Trafic d’influence passif Trafic d’influence actif par Trafic d’influence passif
quiconque faisant une offre quiconque faisant une offre
ou une promesse à un ou une promesse à un
intermédiaire en vue intermédiaire en vue
d’obtenir une décision d’un d’obtenir une décision d’un
agent public international agent judiciaire international

ET / OU ET / OU

Céder aux sollicitations d’un Céder aux sollicitations d’un


intermédiaire en vue intermédiaire en vue
d’obtenir une décision d’un d’obtenir une décision d’un
agent public international agent judiciaire international

Personne physique : 5 ans, Personne physique : 5 ans, Personne physique : 5 ans, Personne physique : 5 ans,
500.000 €, jusqu’au double 500.000 €, jusqu’au double 500.000 €, jusqu’au double 500.000 €, jusqu’au double
du produit de l’infraction du produit de l’infraction du produit de l’infraction du produit de l’infraction
(Article 435-4 du Code (Article 435-2 du Code (Article 435-10 du Code (Article 435-8 du Code
pénal). Peine privative de pénal). Peine privative de pénal). Peine privative de pénal). Peine privative de
liberté réduite de moitié si liberté réduite de moitié si liberté réduite de moitié si liberté réduite de moitié si
coopération (article 435-6-1 coopération (article 435-6-1
coopération (article 435-11- coopération (article 435-11-
du code pénal) du code pénal)
1 du code pénal) 1 du code pénal)

Personne morale : Peines complémentaires


Personne morale :
quintuple de l’amende des personne physique : Articles
personnes physiques quintuple de l’amende des
personnes physiques 131-26-2 et 435-14 du Code
(Articles 131-38 et 435-15 pénal.
Code pénal). (Articles 131-38 et 435-15
Code pénal).

Peines complémentaires Peines complémentaires


personne physique: Articles Peines complémentaires
personne physique : Articles personne physique : Articles
131-26-2 et 435-14 du Code 131-26-2 et 435-14 du Code
pénal. 131-26-2 et 435-14 du Code
pénal. pénal.

Peines complémentaires
personne morale : Article Peines complémentaires
435-15 du Code pénal. personne morale : Article
435-15 du Code pénal.

Il est à noter que l’existence de textes spéciaux édictant des peines complémentaires de confiscation applicables à
chacun des délits de corruption et de trafic d’influence repris ci-dessus, ne fait pas obstacle à l’application des
dispositions générales des articles 131-21 alinéa 1 à 3 et 131-39 du code pénal sur la peine complémentaire de
confiscation qui est encourue de plein droit à l’encontre des personnes physiques et des personnes morales pour les
délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an.

4
CHAPITRE 3 : LE DÉTOURNEMENT DE FONDS ET DE BIENS PUBLICS

Le code pénal incrimine le détournement intentionnel de fonds et de biens publics


commis par un agent public (art. 432-15 C. pén.) (I), le détournement consécutif à une
négligence de l’agent public (art. 432-16 C. pén.) (II) et le détournement commis par un
particulier (art. 433-4 C. pén.)(III)

I. Le détournement de fonds et de biens publics commis par un agent


public

Article 432-15 Code pénal


« Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une
mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses
subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds
publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a
été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, est puni de dix ans
d'emprisonnement et d'une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté
au double du produit de l'infraction.
La peine d'amende est portée à 2 000 000 € ou, s'il excède ce montant, au double du
produit de l'infraction, lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
La tentative des délits prévus aux alinéas qui précèdent est punie des mêmes
peines ».

A. La condition préalable : la qualité de l’auteur


L’auteur de l’infraction de favoritisme est né cessairement une personne publique :
Une « personne dé positaire de l'autorité publique ou chargé e d'une mission de service
public, un comptable public, un dé positaire public ou l'un de ses subordonné s ».
Dans son arrêt du 27 juin 2018 (n° 18-80069) la Chambre criminelle a considé ré qu’un
parlementaire était une personne chargé e d’une mission de service public en ce qu’il
accomplit directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire l’inté rê t
gé né ral.

B. L’élément matériel
Le dé tournement de fonds publics est une infraction de commission. L'article 432-15
ré prime en effet la soustraction et le dé tournement commis par des personnes exerçant
une fonction publique. Les agissements qui sont dé signé s par les mots « dé truire,
dé tourner ou soustraire » doivent porter sur un objet particulier. Ils doivent ê tre « un acte
ou un titre, ou des fonds publics ou privé s, ou des effets, piè ces ou titres en tenant lieu, ou
tout autre objet dé tenu en raison des fonctions ou de la mission ».

La destruction : est tout acte par lequel on anéantit complè tement le bien confié ; cette
destruction doit ê tre complè te ; une simple dé té rioration ne suffit pas à constituer le dé lit
mais pourrait ê tre poursuivie sous l'angle de la tentative.
Le détournement : fait ré fé rence à l'abus de confiance puisque cette infraction est en fait
une variété d'abus de confiance imputé e à des personnes que leurs fonctions investissent
d'une obligation de probité́ particuliè re. Le dé tournement consiste donc à se comporter
avec la chose reçue en vé ritable proprié taire.
Définitions :
Actes et titres : il s’agit d’une part des différents écrits matérialisant les fonctions
d’autorité de l’administration : textes originaux des mesures administratives, décrets,
arrêtés, circulaires, pièces constituant les dossiers des fonctionnaires ou constitués par
des fonctionnaires ou des magistrats.
Il s’agit d’autre part des é crits qui maté rialisent les relations juridiques entre
administrations ou entre les administrations et les personnes privé es : archives, piè ces
comptables, piè ces d'un dossier d'instruction, procè s-verbaux....
Fonds publics ou privés : dé signent les espè ces et les billets de banque.
Effets, pièces ou titres en tenant lieu : toutes les valeurs ou actes ayant une valeur
pé cuniaire (chè ques, lettres de change, billets à ordre, mandats, bons du Tré sor, actions,
obligations...).

Tout autre objet : c'est-à -dire tous les biens immobiliers qui peuvent ê tre objets de dé pô t
ou d'une remise en raison des fonctions exercé es. Ces fonds ou objets dé tourné s doivent
se trouver entre les mains du mis en cause « en raison de ses fonctions ou de sa mission »
et il faudra se ré fé rer aux textes lé gaux ou rè glementaires qui dé terminent les pouvoirs
de la personne car ce sont eux qui fixent l'é tendue des fonctions ou de la mission.
À noter : l'attribution et la gestion des fonds publics européens entrent dans le
champ de l'article 432-15 du Code pénal, au même titre que celles des fonds publics
nationaux.
Le résultat : Le dé tournement de fonds publics est une infraction matérielle : une
soustraction effective ou un dé tournement effectif doit ê tre constaté . Une atteinte à
l’autorité de l’É tat doit donc ê tre constaté e.

C. L’élément moral.
Le détournement de fonds publics est un délit intentionnel.
La dé monstration d'un dol général est donc requise pour entrer en voie de
condamnation.
L'existence d'un pré judice importe peu. Une erreur, mê me grave, dans l'exercice de ses
fonctions ne saurait constituer un é lé ment moral. À l'inverse, l'intention coupable se
trouve é tablie lorsque les fonds sont utilisé s à des fins é trangè res à leur destination
normale, par exemple pour ré gler des dé penses personnelles
Crim. 20 avril 2005, n° 04-84.917 : « l’article 432-15 du Code pénal n'exige pas que le
prévenu ait eu l'intention de s'approprier les fonds détournés ni qu'il en ait tiré un profit
personnel »
D. La répression
1. Peines principales : L'auteur du dé lit de dé tournement de fonds publics encourt
une peine de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 euros d'amende, dont
le montant peut ê tre porté au double du produit tiré de l’infraction.
2. Peines complé mentaires : Sont é galement encourues des peines
complémentaires, telles que l'interdiction des droits civils, civiques et de famille,
pour une duré e de cinq ans ; l'interdiction d'exercer une fonction publique ou
d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice de laquelle ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a é té commise, etc. (C. pé n., art. 432-
17)
3. Tentative : La tentative de dé tournement de fonds publics est punissable (C. pé n.,
art. 432-15).

II. Le détournement commis à la suite d’une négigence d’un agent public

Art. 432-16

Lorsque la destruction, le détournement ou la soustraction par un tiers des biens


visés à l’article 432-15 résulte de la négligence d'une personne dépositaire de
l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, d'un comptable public
ou d'un dépositaire public, celle-ci est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000
euros d'amende.

Exemple : Un té moin entendu dans le cadre d’une procé dure judiciaire vole un scellé
dans les locaux de la police lors de son audition. Le scellé é tait posé sur le bureau et le
té moin a é té laissé seul sans surveillance par l’enquê teur pendant 10 minutes.

La répression de ce délit est moindre : un an d'emprisonnement et de 15 000 euros


d'amende.

III. Le détournement commis par un particulier

Article 433-4

Le fait de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics


ou privés, ou des effets, pièces ou titres en tenant lieu ou tout autre objet, qui ont été
remis, en raison de ses fonctions, à une personne dépositaire de l'autorité publique
ou chargée d'une mission de service public, à un comptable public, à un dépositaire
public ou à l'un de ses subordonnés, est puni de sept ans d'emprisonnement et de
100 000 euros d'amende.
La peine d'amende est portée à 750 000 €, lorsque l'infraction prévue au premier
alinéa est commise en bande organisée.

La tentative des délits prévus aux alinéas qui précèdent est punie des mêmes peines.

Exemple : Un té moin entendu dans le cadre d’une procé dure judiciaire vole un scellé
dans les locaux de la police lors de son audition.

La répression : sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. La peine


d'amende est portée à 750 000 €, lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
Chapitre 4 : La prise illégale d’intérêt1

La prise illégale d'intérêts est un délit dont la finalité globale est d'éviter, pour l'agent
public, tout conflit d'intérêts entre les affaires publiques et les affaires privées et de
garantir ainsi son indépendance et son impartialité. Il ne faut pas que les agents publics
puissent se trouver dans une situation telle que leurs intérêts personnels puissent être en
contradiction avec les intérêts de l'État ou de la collectivité publique qu'ils représentent.
En garantissant la probité de l'agent public, le délit garantit tout à la fois l'objectivité de
l’agent public dans l'exercice de ses prérogatives et l'égalité des citoyens devant le service
public. Il garantit également le bon fonctionnement de l’économie en favorisant la saine
et pleine concurrence des acteurs économiques, notamment s’agissant de l'obtention
des marchés publics.
La prise illégale d’intérêt fait l’objet des articles 432-12 ; 432-12-1 et 432-13 C.pén.

Art. 432-12 C. pén.


Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission
de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre,
recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à
compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité dans une
entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie,
la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est
puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant
peut être porté au double du produit tiré de l'infraction.
Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints
ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent
chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers
ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à
16 000 euros.
En outre, dans ces communes, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués
ou agissant en remplacement du maire peuvent acquérir une parcelle d'un
lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou conclure des
baux d'habitation avec la commune pour leur propre logement. Ces actes doivent être
autorisés, après estimation des biens concernés par le service des domaines, par une
délibération motivée du conseil municipal.
Dans les mêmes communes, les mêmes élus peuvent acquérir un bien appartenant à
la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle. Le
prix ne peut être inférieur à l'évaluation du service des domaines. L'acte doit être
autorisé, quelle que soit la valeur des biens concernés, par une délibération motivée
du conseil municipal.

1
Pour aller plus loin : Yvonne Muller-Lagarde, JurisClasseur Pénal Code - Encyclopédies - Art. 432-12 et
432-13 - Fasc. 20 : Prise illégale d'intérêts.

1
Pour l'application des trois alinéas qui précèdent, la commune est représentée dans
les conditions prévues par l’article L. 2122-26 du code général des collectivités
territoriales et le maire, l'adjoint ou le conseiller municipal intéressé doit s'abstenir
de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à
l'approbation du contrat. En outre, par dérogation au deuxième alinéa de l’article L.
2121-18 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal ne peut
décider de se réunir à huis clos.
Art. 432-12-1 C. pén.
Constitue une prise illégale d'intérêts punie des peines prévues à l'article 432-12 le
fait, par un magistrat ou toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles, de
prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, dans une entreprise
ou dans une opération à l'égard de laquelle elle a la charge de prendre une décision
judiciaire ou juridictionnelle, un intérêt de nature à influencer, au moment de sa
décision, l'exercice indépendant, impartial et objectif de sa fonction.
Art. 432-13 C. pén.
Est puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 €, dont le
montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, le fait, par une
personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, membre d'une
autorité administrative indépendante ou d'une autorité publique indépendante,
titulaire d'une fonction exécutive locale, fonctionnaire, militaire ou agent d'une
administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées,
soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure
des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de
tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions
relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis
sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil
ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans
suivant la cessation de ces fonctions.
Est punie des mêmes peines toute participation par travail, conseil ou capitaux dans
une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un
contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l'une des entreprises
mentionnées au premier alinéa.
Pour l'application des deux premiers alinéas, est assimilée à une entreprise privée
toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et
conformément aux règles du droit privé.
Ces dispositions sont applicables aux agents des établissements publics, des
entreprises publiques, des sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'Etat ou les
collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du
capital et des exploitants publics prévus par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative
à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.
L'infraction n'est pas constituée par la seule participation au capital de sociétés cotées
en bourse ou lorsque les capitaux sont reçus par dévolution successorale.

2
Remarque préliminaire. Il ne faut pas confondre le conflit d’intérêt avec la prise
illégale d’intérêt.

Le conflit d’intérêt a été défini pour la première fois par l’article 2 de la loi du 11 octobre
2013 relative à la transparence de la vie publique comme « toute situation d’interférence
entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou
à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
Il en résulte que pour qu’il y ait conflit d’intérêt, le responsable public doit détenir un
intérêt. Cet intérêt peut être direct, c’est le cas lorsqu’il exerce une autre activité
professionnelle ou indirect, à travers par exemple l’activité professionnelle du conjoint. Il
peut être privé lorsque par exemple il détient des actions d’une société ou public ce qui
est le cas lorsqu’il exerce un autre mandat électif. L’intérêt peut être matériel, comme le
fait de percevoir une rémunération, ou moral lorsque est exercée une activité bénévole
ou une fonction honorifique.
Il faut que cet intérêt interfère avec l’exercice d’une fonction publique. L’interférence peut
être matérielle (une activité professionnelle spécialisée dans un certain secteur),
géographique (les intérêts détenus dans une commune) ou temporelle (des
intérêts passés).
Enfin, cette interférence doit « influencer ou paraître influencer l’exercice
indépendant, impartial et objectif d’une fonction ». Pour vérifier si ce critère est
rempli, il faut examiner l’intensité et l’interférence au cas par cas. Ainsi, il y a un
conflit d’intérêts quand l’interférence est suffisamment forte pour soulever des
doutes raisonnables quant à la capacité du responsable public pour exercer ses
fonctions en toute objectivité.
Ainsi, toute personne peut se trouver en situation de conflit d’intérêts.

Un conflit d’intérêts n’est pas constitutif d’une infraction pénale mais il présente un
risque pénal.
Lorsque le conflit a lieu entre un inté rê t public (d’un agent public) et un inté rê t privé , le
risque est alors celui de la prise illégale d’intérêts. L’infraction ne sanctionne pas la
situation de conflit d’intérêt mais la prise de décision malgré le conflit d’intérêts.
La prise illégale d’intérêt est réprimée lorsqu’elle est commise par une personne investie
d’une fonction publique (art. 432-12) (I) par un magistrat ou une personne exerçant une
fonction juridictionnelle (art. 432-12-1) (II) et par un ancien fonctionnaire (art. 432-13)
(III)

I. La prise illégale d’intérêt par une personne investie d’une fonction publique
(art. 432-11)
Le délit est constitué si deux conditions préalables sont réunies (A) ainsi que deux
éléments constitutifs (B). Nous verrons enfin la répression (C)
A. Les conditions préalables
Elles tiennent à la qualité de l’auteur et au pouvoir qu’il exerce. L'auteur de l’infraction
prévue à l'article 432-12 du Code pénal est une personne dépositaire de l’autorité

3
publique, ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif
public et qui, dans le cadre de ses fonctions assure la surveillance, l’administration, la
liquidation ou le paiement d’une entreprise ou opération.
1. La qualité de l’auteur
Doit être regardée comme chargée d'une mission de service public toute personne
chargée, directement ou indirectement, d'accomplir des actes ayant pour but de satisfaire
à l'intérêt général, peu importe qu'elle ne disposât d'aucun pouvoir de décision au nom
de la puissance publique.
Tel est le cas d’un dirigeant de fait d’une association chargée de la gestion de mesures de
protection judiciaire (Crim. 30 janv. 2013, n° 11-89.224).
À l’inverse n’est pas chargé d’une mission de service public, le directeur adjoint de la
branche « fret » de la SNCF, cette activité étant dans le secteur concurrentiel (Crim. 28 oct.
2015, n° 14-82.186).

2. Les pouvoirs de l’agent dans l’entreprise ou l’opération visée


La personne visée doit prend un intérêt « dans une entreprise ou dans une opération dont
elle a, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance,
l'administration, la liquidation ou le paiement ».
Le pouvoir peut être exercé seul ou au sein d’un organe collégial. Dans ce dernier cas, le
pouvoir est constitué par le simple fait de rester dans la salle lors de la prise de décision,
même si elle est prise à l’unanimité. Il en est de même en cas de mandat ou de procuration
donnés à autrui.
La notion d'entreprise couvre non seulement les sociétés commerciales sous toutes leurs
formes juridiques, mais aussi les sociétés civiles, les entreprises individuelles et les
associations.
La notion d'opération désigne tout acte juridique que l’on peut relier au pouvoir de
l’agent public.
Surveillance : cette notion est entendue très largement, une simple préparation de
rapports ou d'avis en vue de la prise de dé cision par d'autres personnes suffit. L’agent n’a
pas besoin d’avoir eu un pouvoir de dé cision autonome et personnel.
Administration : participation à la direction et à la gestion d’une entité. Les pouvoirs de
liquidation et de paiement renvoient aux pouvoirs d'ordonnancement et de paiement
des dépenses publiques

B. Les éléments constitutifs de la prise illégale d’intérêt

1. Élément matériel
Il consiste pour l’auteur, à cette occasion, à prendre, recevoir, ou conserver un intérêt de
nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité.
La loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » a, en son article 15, modifié
l’article 432-12 du code pénal en son aliné a 1, prévoyait jusqu’alors que tombait sous
la qualification de prise illégale d’inté rê t le comportement de l’é lu ayant « un inté rê t
quelconque » dans une entreprise ou dans une opération dont il a, au moment de l’acte,

4
en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le
paiement ».
La jurisprudence, particulièrement extensive, de la Cour de cassation, entrainait des
condamnations d’élus n’ayant qu’un simple « inté rê t » moral éventuellement indirect
dans une opération quelconque comme celle d’un maire viticulteur vendant à prix coûtant
son vin à la maison de retraite municipale.
L’article 15 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, a substitué à l’expression
« intérêt quelconque » celle d’« inté rê t de nature à compromettre son impartialité, son
indépendance ou son objectivité ».
La loi nouvelle instaure un parallélisme avec le régime de sanctions administratives des
conflits d’intérêts en reprenant mot pour mot la définition du conflit d’intérêt instituée
par l’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie
publique.
Les termes sont donc strictement identiques à ceux du nouvel article 432-12 du code
pé nal.
Que faut-il entendre par intérêt de nature à compromettre l’impartialité,
l’indépendance ou l’objectivité de l’auteur ?
La modification de la loi est issue d’un amendement. Selon l’exposé des motifs des
rapporteurs, « la définition de l’infraction mérite d’ê tre précisée afin d’éviter que des élus
ou des fonctionnaires soient poursuivis alors qu’il n’y a pas eu de véritable manquement
à la probité . Pour ce faire, l’inté rê t pris dans une entreprise ou dans une opération devrait
ê tre de nature à compromettre leur impartialité, leur indépendance ou leur objectivité et
donc à nuire à l’exercice de leurs responsabilités publiques ». Il ajoute que « par la
modification proposé e, un meilleur équilibre serait assuré entre la lutte indispensable
contre tous les manquements à la probité et la sécurisation de l’activité des responsables
publics. Elle n’empêcherait pas de sanctionner les responsables publics qui abusent de
leurs fonctions pour en retirer un avantage personnel ou qui font primer un inté rê t privé
sur l’inté rê t public dont ils ont la charge ».
Selon certains, « la compromission de l’impartialité, de l’indépendance ou de l’objectivité
de l’é lu doit s’analyser à l’aune de l’éventuel avantage personnel retiré de l’opération ou
de la primauté de l’inté rê t privé sur l’inté rê t public » et que « l’intention clairement
exposée par le lé gislateur est de retenir dans les liens de la prévention du nouvel article
432-12 l’é lu qui, conscient d’une possible situation de conflit d’inté rê ts aura fait le choix,
sciemment, de faire primer son inté rê t privé sur l’inté rê t public ou, d’une manière ou
d’une autre, d’en tirer un avantage personnel, au mépris de l’inté rê t gé né ral »2.
Il est certain que le législateur a voulu restreindre le champ de l’incrimination en
substituant à l’intérêt quelconque un intérêt de nature à compromettre l’impartialité,
l’indépendance ou l’objectivité de l’auteur. Il s’agit d’une modification substantielle du
texte visant à contenir l’interprétation extensive par la jurisprudence de l’intérêt
personnel. Auquel cas, la loi du 22 décembre 2021 est une loi plus douce qui doit, au visa
de l’article 112-1 du code pé nal être d’application immédiate, y compris aux affaires en
cours.

2
Marc François, Réécriture de l’article 432-12 du code pénal : enfin l’harmonisation ? https://www.dalloz-
actualite.fr/node/reecriture-de-l-article-432-12-du-code-penal-enfin-l-harmonisation#.Y_JHg-zML1w

5
Cependant, il est permis de se demander si la nouvelle rédaction de l'article 432-12 ne
recèle pas également une part de sévérité dans la mesure où l'intérêt ne doit pas
compromettre, mais seulement être « de nature à compromettre » l'indépendance,
l'impartialité ou l'objectivité de l'agent public, permettant ainsi d'appréhender « un conflit
d'intérêts apparent ».
Si tel était le cas, la réforme réalisée par la loi du 22 décembre 2021 pourrait ne pas
changer pas grand-chose à la jurisprudence actuelle tout en contraignant les juges du fond
à motiver explicitement leur décision au regard d'un éventuel manquement à
l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de l'agent public.
Il n’est donc pas aisé d’analyser la portée de cette modification législative qui pourrait se
limiter à imposer au juge de ne plus se satisfaire d’un intérêt quelconque mais de qualifier
un conflit d’intérêt en démontrant que la décision a été prise en connaissance de
l’existence de ce conflit.
Dès lors la jurisprudence selon laquelle la prise illégale d’intérêt peut exister même en
présence d’une convergence d’intérêt entre l’intérêt pris et l’intérêt communal, réaffirmée
à de nombreuses reprises pourrait prospérer (Cass. crim., 22 févr. 2017, n° 16-82.039.Cass.
crim. 28 sept. 2016 n° 15-83.467)
Ainsi, dans une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la Chambre criminel le 27 juin 2018
(n° 16-86.256), le maire est condamné pour avoir participé à la délibération du conseil
municipal autorisant la vente d’un terrain de la commune au profit d’une société anonyme
d’HLM dont il était administrateur en sa qualité de représentant de la communauté des
communes, le prix du m2 de la parcelle vendu ayant été très avantageux pour la société
étant précisé que le maire était administrateur de la SA en son unique qualité de
représentant de la communauté des communes (seule actionnaire par l’effet de la loi),
qualité résultant elle-même de sa qualité d’élu municipal. Il défendait donc au conseil
d’administration les seuls intérêts communaux et intercommunaux sans être rémunéré.
Dans une autre affaire ayant donné lieu à un arrêt de la Chambre criminelle le 3 avril 2019
(n° 18-83.599), un maire et un adjoint au maire avaient participé à des délibérations du
conseil municipal concernant la révision d’un plan local d’urbanisme alors qu’ils étaient
propriétaires de parcelles rentrant dans le champ de ce plan. La chambre criminelle a
rejeté les pourvois qu’ils ont formé contre l’arrêt les déclarant coupables en relevant que
l’article 432-12 n’exige pas que l’intérêt pris par les prévenus soit en contradiction avec
l’intérêt communal.
De même rien ne s’oppose à ce que la jurisprudence décidant que l’infraction est
constituée même si l’agent ne recherchait pas son enrichissement personnel devrait
pouvoir se maintenir3.
Dans un arrêt du 4 mars 2020 (n° 19-83.390). Le maire d’une commune avait participé
au processus de recrutement de sa sœur en qualité de directrice générale des services de
la mairie.
Pour confirmer la déclaration de culpabilité de ce maire du chef de prise illégale d’intérêt
la chambre criminelle rappelle que l'abus de fonction d'un maire suffit à lui seul pour
consommer ce délit et l'intention coupable est constituée par le seul fait que l'auteur a
accompli sciemment l'acte constituant l'élément matériel du délit, sans qu'il soit
nécessaire qu'il ait agi dans une intention frauduleuse.

3
Voir l’opinion différente défendue par Marc François art. préc.

6
En l’espèce, le fait que le maire se soit soumis aux règles légales et réglementaires de
recrutement est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction dès lors qu'il est, en
toute connaissance de cause, intervenu à tous les stades de la procédure ayant abouti au
recrutement d'un membre de sa famille, quelles que soient les compétences
professionnelles de celui-ci. Il s’agit du premier arrêt affirmant expressément (§ 16) que
le respect des procédures imposées pour la décision en cause n'importe pas plus que les
qualités professionnelles de la personne désignée en matière de recrutement

2. Élément moral
La prise illégale d’intérêt est un délit intentionnel. L’article 432-12 n’exige pas la preuve
d’un dol spécial. Seul un dol général est nécessaire pour la constitution de l'infraction, en
conformité avec l'article 121-3 et avec le caractère préventif de l'incrimination (Cass.
crim., 29 sept. 1999 : Bull. crim. n° 202 ; Bull. crim. n° 221 ; Bull. crim. n° 239 ; Bull. crim.
n° 106 )
L'intention coupable est caractérisée par le seul fait que l'auteur a accompli sciemment
l'acte constituant l'élément matériel du délit reproché (Cass. crim., 21 nov. 2001, n° 00-
87.532 Bull. crim. n° 243 ; D. 2003, somm. p. 245, obs. M. Segonds. – Dans le même
sens, Cass. crim., 27 nov. 2002 : Bull. crim. n° 213 ;
La Chambre criminelle a jugé que (Cass. crim. 23 février 2011, n° 10-82.880) « l'élément
intentionnel du délit est constitué dès lors que c'est sciemment que le prévenu a accompli
l'élément matériel ».

3. Exemples de prise illégale d’intérêts :


• Le pré sident d’une Association reconnue d’intérêt public confie, hors de toute
procé dure, des prestations de formation au profit de son association à une société dirigée
par les membres de sa famille.
• Le pré sident d’une association d’aide aux personnes â gé es placé es sous protection
judiciaire faisait signer à celles-ci des contrats d'assurance, de placement, de travaux ou
d'audit dans des cabinets dont il é tait l'agent commercial. Si les cabinets sont au courant
de ces manœuvres, ils peuvent ê tre poursuivis pour le recel de prise illé gale d’inté rê ts.
• Deux adjoints au maire participent à deux dé libé rations du conseil municipal
portant sur la modification du plan local d'urbanisme, faisant passer des terrains non
constructibles dont ils sont proprié taires en zone constructible. Ils n’ont pas pris part au
vote mais sont resté s lors du vote.
• Une commune avait cé dé des terrains à un promoteur immobilier afin de
construire un é co-quartier. Le lauré at retenu é tait un ami de longue date du maire. La
Cour a estimé que l’existence d’une relation d’amitié é tait constitutive d’un inté rê t, mê me
si le maire n’a tiré aucun bé né fice financier de l’opé ration. La socié té bé né ficiaire a é té
poursuivie pour recel de prise illé gale d’inté rê ts.
• Un agent public participe à un jury de concours alors qu’il connaît un des candidats.
• Un notaire vend des biens d’une succession à une SCI au sein de laquelle sa femme
est majoritaire.

7
C. Faits justificatifs
La loi prévoit deux types de dérogations aux dispositions répressives. La première
concerne les fournitures assurées et les travaux effectués par certains élus dans le cadre
des petites localités ou certains contrats immobiliers de faible montant passés par eux
avec leurs communes et figure à l’article 432-12al. 2 à 5 (1). La seconde dérogation
intéresse les élus locaux participant à l'administration de la gestion de sociétés
d'économie mixte ; elle n'a pas été intégrée dans le Code pénal et figure à l’article L. 1524-
5 du Code général des collectivités territoriales (2).
1. Les fait justificatifs prévus par le Code pénal (C. pén., art. 432-12, al. 2 à 5)
Dans certains cas, l'application stricte de l'article 432-12 se révèlerait exagérément
sévère et, finalement, préjudiciable à la collectivité publique. Dans les petites communes,
en effet, le maire ou son adjoint est souvent le seul artisan ou le seul commerçant qui
pourrait effectuer de petits travaux ou livrer des fournitures courantes à la collectivité.
Bénéficiaires du système dérogatoire – Le système dérogatoire à l'interdiction
d'ingérence n'est ouvert qu’aux maires, adjoints et conseillers municipaux délégués ou
ayant reçu pouvoir d'agir en remplacement du maire, et cela seulement dans les « petites
communes », c'est-à-dire comptant au maximum 3 500 habitants.
Opérations autorisées.
- La « fourniture de services », ou encore au “transfert de biens mobiliers ou
immobiliers” ce qui englobe la fourniture de marchandises, ou même la vente par la
commune ou à la commune de terrains, mais le tout dans la limite d'un montant annuel
de 16 000 euros
- Les autres opérations permises à l'intéressé ont trait à l'acquisition d'une parcelle
d'un lotissement communal pour y édifier son habitation personnelle, ou à la conclusion
de baux d'habitation avec la commune pour son propre logement (al. 3), ou encore à
l'acquisition d'un bien appartenant à la commune en vue de la création ou du
développement de son activité professionnelle (al. 4). Les biens dont l'acquisition ou la
location est envisagée doivent donner lieu à une évaluation par le service des domaines.
La régularité de l'opération d’acquisition ou de locations visées aux alinéas 3 et 4
nécessite une délibération motivée du conseil municipal.
En outre, dans tous les cas, aux termes de l'alinéa 5, le maire, l'adjoint ou le conseiller
municipal qui doit traiter avec la commune doit s'abstenir de participer à la délibération
du conseil relative à la conclusion ou à l'approbation du contrat.
La délibération doit se dérouler publiquement.
Enfin, lorsque le bénéficiaire du système dérogatoire est le maire lui-même, le conseil
municipal désigne l'un de ses membres pour représenter la commune dans l'acte à
intervenir.

2. La dérogation de l’article L 1524-5 CGCT


Il autorise les élus, représentant une collectivité territoriale (commune, district,
communauté urbaine, département) au conseil d'administration ou au conseil de
surveillance d'une telle société à y exercer des fonctions entraînant la perception de
rémunérations ou d'avantages particuliers, par exemple la fonction de directeur ou de
directeur général.

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Deux conditions doivent être respectées pour rendre légale cette situation : il importe que
l'élu concerné ait été autorisé à cette fin par l'assemblée qui l'a délégué et que, d'autre
part, la délibération de l'assemblée fixe le montant maximal de rémunérations ou
avantages reçus et précise la nature des fonctions qui les justifient

D. Répression
Ils encourent, à titre de peines principales, un emprisonnement de 5 ans et une amende
de 500 000 € dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction
Peuvent en outre être prononcées contre eux les peines complémentaires suivantes de
l’article 432-17 C. pén.) :
• L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les modalités prévues
par l'article 131-26 et pour une durée maximale de cinq ans ;
• À titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, l'interdiction d'exercer une
fonction publique ou encore l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ; toutefois, aux termes de
l'article 131-27 auquel renvoie l'article 432-17, cette interdiction n'est pas applicable à
l'exercice de responsabilités syndicales ou d'un mandat électif ;
• Enfin la confiscation, suivant les modalités de l’, des sommes ou des objets
irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception toutefois des objets
susceptibles de restitution.
L’article 131-26-2, I, 5° du Code pénal rend "obligatoire la peine d’inéligibilité à l’encontre
de toute personne coupable du délit de prise illégale d’intérêts. La condamnation est
mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire pendant toute la durée de l’inéligibilité.
Toutefois, la juridiction peut, par décision spécialement motivée, décider de ne pas
prononcer la peine prévue en considération des circonstances de l’infraction et de la
personnalité de son auteur.

II. La prise illégale d’intérêt par un magistrat ou une personne chargée d’une
mission juridictionnelle (art. 432-11-1 C. pén.)
La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire crée un
article 432-12-1 relatif à la prise illégale d'intérêts de personnes exerçant des fonctions
juridictionnelles.
« Constitue une prise illégale d'intérêts punie des peines prévues à l'article 432-12 le fait,
par un magistrat ou toute personne exerçant des fonctions juridictionnelles, de prendre,
recevoir ou conserver, directement ou indirectement, dans une entreprise ou dans une
opération à l'égard de laquelle elle a la charge de prendre une décision judiciaire ou
juridictionnelle, un intérêt de nature à influencer, au moment de sa décision, l'exercice
indépendant, impartial et objectif de sa fonction ».

On peut s’interroger sur le fait que l'incrimination ne vise ni « un fonctionnaire au greffe


d'une juridiction » ni « un expert [...], une personne chargée par l'autorité judiciaire ou
administrative d'une mission de conciliation ou de médiation, un arbitre » car ces

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dernières personnes pourraient, au moins autant que des magistrats, se trouver dans une
situation de conflit d'intérêts.
De plus, l’article 432-12-1 laisse à penser que, dans l'esprit du législateur, les magistrats
ne seraient ni dépositaires de l'autorité publique, ni même chargés d'une mission de
service public au sens de l'article 432-12 alors que la jurisprudence avait déjà retenu le
délit à l'encontre d’un président de tribunal de grande instance (Cass. crim., 11 oct. 2006,
n° 06-83.434)
L’infraction ne présente aucun particularisme au regard des éléments constitutifs par
rapport au délit de l’article 432-11. La répression et identique.

III. La prise illégale d’intérêt par un ancien fonctionnaire : délit de pantouflage (art.
432-13 C. pén.)
C’est une forme particulière de prise illé gale d’inté rê ts encadrant les allers/retours
entre les secteurs publics et privés.
A. Les conditions préalables
1. Condition préalable tenant à la qualité de l'auteur
a. Les agents publics et autorités visés par C. pén., art. 432-13, al. 1er
- les fonctionnaires publics, les agents et les préposés d'une administration publique
- toute personne membre du Gouvernement et celle titulaire d’une fonction exécutive
locale (L. n° 2013-907, 11 oct. 2013, relative à la transparence de la vie publique)
- tout militaire (L. n° 2016-483, 20 avr. 2016, relative à la déontologie et aux droits et
obligations des fonctionnaires)
- Toute autorité administrative indépendante ou toute autorité publique indépendante (L.
n° 2017-55, 20 janv. 2017, portant statut des autorités administratives indépendantes et
des autorités publiques indépendantes)
b. Les autres agents publics visés par C. pén., art. 432-13, al. 4
- les agents des établissements publics, des entreprises publiques ou des sociétés
d'économie mixte dans lesquelles l'État ou les collectivités publiques détiennent
directement ou indirectement plus de 50 % du capital.
- les exploitants publics prévus par la loi n° 2003-1365, 31 déc. 2003, relative aux
obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. Cette
formulation désigne La Poste et France Télécom, dont les agents appartenaient
jusqu'alors à l'administration publique des Postes et Télécommunications
La loi précise que le prévenu a cessé ses activités depuis moins de 3 ans au moment des
faits qu'on lui reproche.
2. Conditions préalables tenant au pouvoir exercé par l'auteur sur certaines
affaires ou certains actes
Exercice antérieur d'une surveillance. Il faut que, à l'époque où elle appartenait à
l'Administration, la personnes ait été “chargée […] dans le cadre des fonctions qu’elle a
effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise
privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de
formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente

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des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de
formuler un avis sur de telles décisions” (al. 1er).
Ainsi, le délit est caractérisé pour un fonctionnaire de la préfecture de Saint Martin, entré
au service d’une société d’économie mixte dès sa mise en disponibilité, dès lors qu’il était,
comme fonctionnaire, en charge du contrôle de la légalité des projets et des actes
d’urbanisme de la collectivité de Saint Martin dont la société était le mandataire et
l’interlocuteur habituel (Cass. crim., 22 oct. 2014, n° 13-86.783)
Est assimilée à une entreprise privée toute entreprise publique exerçant son activité dans
un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé (al. 3).

B. Élément constitutif
1. Élément matériel
Est incriminé le fait, de la part de l'ancien fonctionnaire, de prendre ou recevoir une
participation par travail, conseil ou capitaux. La participation par des consultations
régulières est suffisante pour consommer l'infraction et sans qu'il eût été nécessaire que
l'ancien fonctionnaire ait participé à la direction ou à la gestion de l'entreprise.
Réalise le délit un professeur en pharmacologie, directeur de l’évaluation des
médicaments à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSPS)
jusqu’au 31 décembre 2000, et qui conclut un contrat de consultant après sa cessation de
fonction, en 2001, avec un groupe pharmaceutique ; sa mission consistait en l’analyse de
dossiers relative à l’efficacité des médicaments en développement ou mise sur le marché
et des supports d’aide aux décisions stratégiques de développement (Cass. crim., 12 juill.
2016, n° 15-84.664 : JurisData n° 2016-013685).
La prise d’intérêt ou de participation prohibée par le Code pénal ne résulte pas seulement
de l'action volontaire de l'ancien fonctionnaire. L'article 432-13 a une portée plus
générale et ses termes très compréhensifs permettent de regarder comme contraire à la
loi pénale la situation d'un fonctionnaire actuellement en activité qui serait détaché, par
une décision administrative, auprès d'une entreprise privée sur laquelle il assurait
précédemment une fonction de contrôle ou de surveillance.
La prohibition édictée par l'article 432-13 est écartée dans deux séries d'hypothèses
visées par l'alinéa 5 :
➢ D’abord lorsque les capitaux de l'entreprise privée sont arrivés entre les mains de
l'ancien fonctionnaire par “dévolution successorale”, c'est-à-dire par voie de
succession ab intestat ou de libéralité testamentaire : le fait ou l'acte qui investit
l'intéressé de ces capitaux ne dépend nullement de sa volonté et il est impossible
de le retenir contre lui à titre de délit ;
➢ Ensuite, et c'est là une innovation de l'article 432-13, lorsque l'ancien
fonctionnaire prend une participation au capital de sociétés cotées en bourse.
Mais la Cour de cassation n'a pas voulu s'enfermer dans une acception trop étroite du mot
“participation” : pour elle, la participation peut être, soit permanente, soit ponctuelle (par
exemple le cas d'un inspecteur des Impôts, chargé du contrôle des compagnies
d'assurances et, qui sorti de l'administration, avait organisé un séminaire de trois jours
sur le régime fiscal des sociétés immobilières, auquel avaient participé certaines des
compagnies sur lesquelles il avait personnellement exercé sa surveillance, Cass. crim.,
18 juill. 1984, préc. n° 80).

11
2. Élément moral
La simple conscience qu'il a de commettre le délit prévu par la loi suffit à réaliser l’élément
moral

C) La répression
L'article 432-13 sanctionne l'auteur du délit d'un emprisonnement de 3 ans et d’une
amende de 200 000 euros dont le montant peut être porté au double du produit tiré de
l’infraction (al. 1er). Peuvent d'autre part être prononcées les peines complémentaires
suivantes (C. pén., art. 432-17) :
- L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, pour une durée maximale de
cinq ans ;
- À titre définitif ou pour cinq ans au plus, l'interdiction d'exercer une fonction
publique ou l'activité sociale ou professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de
l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, cette interdiction n'étant pas applicable
à l'exercice de responsabilités syndicales ou d'un mandat électif ;
- Enfin la confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par le coupable,
à l'exception toutefois des objets susceptibles de restitution.

12
CHAPITRE 5 : LE FAVORITISME

Le délit de favoritisme est prévu par l'article 432-14 du Code pénal.


On le désigne également sous l'expression « délit d'octroi d'un avantage injustifié », ou
encore « délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés
publics ».
Ce délit a été créé par la loi du 3 janvier 1991 (L. n° 91-3 relative à la transparence et à la
régularité des procédures de marché, art. 7) qui a réalisé la transposition de la directive
du 18 juillet 1989 (Dir. 89-440 concernant les marchés publics de travaux).
Le délit figure à l’article 432-14 du Code pénal. Il a été plusieurs fois modifié et
dernièrement par la loi Sapin 2 (loi n° 2016-1691 relative à la transparence, à la lutte
contre la corruption et à la modernisation de la vie économique).
Sous l'empire de l'ancien Code pénal aucun texte n'incriminait la violation des règles
d'égalité entre les candidats dans l'attribution des marchés publics. Le décideur public qui
avait violé l'égalité entre les candidats n'était donc pas responsable pénalement.
Seuls les incriminations forfaiture et de corruption pouvaient le cas échéant trouver
application sans couvrir tous les manquements.
L'article 432-14 du Code pénal est situé dans une section III du chapitre II du livre IV du
Code pénal, intitulée « Des manquements au devoir de probité », aux côtés de la
corruption mais également du trafic d'influence ou encore de la prise illégale d'intérêts.
Ce délit de favoritisme a une vocation à la fois dissuasive et répressive vis-à-vis des
scandales politico-financiers consécutifs à l’attribution d’un marché public à une
entreprise privée en violation des règles gouvernant les marchés publics. Ces règles
repposent sur trois principes fondamentaux : la liberté d'accès à la commande publique,
l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures sont des principes
fondamentaux.
La préservation de l'égalité entre les candidats et la transparence des choix opérés par le
« pouvoir adjudicateur », c'est-à-dire l'acheteur public qui passe une commande
soumise aux règles des marchés publics, qui peut vouloir favoriser tel ou tel
entrepreneur est donc primordiale.
Cette infraction permet également de lutter contre les conflits d'intérêts. Il est clair que
l’enjeu de probité en la matière est particulièrement important compte tenu de
l’importance des marchés publics. En 2018, les marchés publics représentaient en France
un montant annuel de 101 milliards d’euros pour un peu plus de 150 000 marchés. C’est
un champ de l’activité économique particulièrement exposé aux fraudes et à la corruption.
L'article 432-14 du Code pénal fait dépendre la définition du comportement incriminé des
règles gouvernant la commande publique en opérant un renvoi au « dispositions
législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité
des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession ». Or, ces règles sont
principalement situées dans le code de la commande publique et dans le code général des
collectivités territoriales.
Les condamnations pour favoritisme sont assez rares si on les ramène au nombre de
marchés publics et concessions attribués. En 2019, on compte seulement 35
condamnations (rapport annuel d’activité de l’agence française anticorruption 2020), soit

1
environ 10 % des condamnations pour atteinte à la probité, loin derrière la corruption et
la prise illégale d’intérêts.
Malgré le faible nombre d'affaires de favoritisme, cette infraction est souvent critiquée au
motif principalement que la jurisprudence apprécierait trop sévèrement l'élément
intentionnel. Nombreuses sont les propositions de réformes. Certains n’hésitant pas à en
demander l’abrogation. Aucune pour l’instant n’a abouti.

I. Les éléments constitutifs

A. L’élément matériel
Le délit ne peut être commis que par certaines personnes (1°). Il ne concerne que certains
contrats (2°). Il faut constater un comportement consistant en la violation des règles
d'égalité d'accès au marché public (3°) et un résultat qui réside dans l'octroi d'un avantage
injustifié à autrui (4°). Enfin, les faits peuvent soulever un concours de qualification avec
la prise illégale d'intérêts (5°).
1. Les auteurs de l’infraction

a) Les personnes physiques


L'article 432-14 du Code pénal désigne limitativement plusieurs catégories de
personnes :
- Personnes dépositaires de l’autorité publique
- Personnes chargées d’une mission de service public
- Personnes investies d’un mandat électif public
- Personnes exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l'État, des
collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte
d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie
mixte locales
- Toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées : les bureaux
d'études, les architectes ou encore les maîtres d'œuvre mandatés pour diligenter les
procédures de marchés de travaux.
En l’absence de responsabilité pénale collective, il convient de rechercher le rôle
personnel du prévenu dans l’attribution du marché public lorsque la décision a été prise
par un organe collégial.
Ce fait personnel peut consister :
- Pour un maire, à présider et fixer l'ordre du jour du conseil municipal au cours duquel il
avait été décidé de recourir de façon illégale à la procédure d'urgence (Cass. crim., 19 nov.
2003, n° 02-87.336)
- Pour le président d'une SEM, à avoir proposé aux membres de la commission d'appel
d'offres d'attribuer le marché litigieux à une entreprise en raison des relations
personnelles qui l'unissaient à son gérant (Cass. crim., 19 oct. 2005, n° 04-87.312)
- Pour le président de la commission d'appel d'offres, à refuser toute discussion sur les
réserves émises par le représentant de la DGCCRF (Cass. crim., 14 déc. 2005, n° 05-
83.205)

2
- pour le président du syndicat de traitement des déchets, à prendre l'initiative de ne pas
donner suite au premier appel d'offres pour parvenir à l'exclusion d'un groupement dont
il ne voulait pas (Cass. crim., 21 sept. 2005, n° 04-83.868) ;
- pour un maire et président de la communauté de communes, de donner des instructions
pour l’attribution des marchés publics au regard de ses relations avec certains
entrepreneurs locaux et d’exercer son autorité sur les différents intervenants (Cass. crim.,
12 juill. 2016, n° 15-80.477).

b) Les personnes morales

- Les personnes morales de droit public ;


- Les personnes morales de droit privé qui ont é té créées pour satisfaire spécifiquement
des besoins d’inté rê t gé né ral ayant un caractè re autre qu’industriel ou commercial, dont :
o Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur
o Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;
o Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé
de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir
adjudicateur ;
Chaque cas doit être analysé individuellement pour vérifier s’il remplit les critères
légaux. Mais c’est le cas par exemple des fédérations sportives, de certaines
associations et fondations reconnues d’utilité publiques, etc.
- Les organismes de droit privé doté s de la personnalité juridique constitué s par des
pouvoirs adjudicateurs en vue de ré aliser certaines activité s en commun.
Exemples : les socié té s publiques locales et autres groupements et associations formé s
par un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou un ou plusieurs organismes de droit public
2. Les contrats visés
Il s’agit des marchés publics et des concessions.
a. Les marchés publics
L’article L. 1110-1 du Code de la commande publique distingue trois catégories de
marchés publics : les marchés, les marchés de partenariat, et les marchés de défense ou
sécurité.
Ils font intervenir d’une part un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice
(personne morale de droit public et certaines personnes morales de droit privé créées
pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre
qu'industriel ou commercial) et d’autre part un opérateur économique, c’est-à-dire une
personne physique ou morale, publique ou privée, ou tout groupement de personnes doté
ou non de la personnalité morale, qui offre sur le marché la réalisation de travaux ou
d'ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services.
Le marché stricto sensu est un contrat ayant pour objet de répondre aux besoins de
l’acheteur public en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie
d'un prix ou de tout équivalent (CCP, art. L. 1111-1).
Le marché de partenariat consiste à confier à un opérateur économique ou à un
groupement d'opérateurs économiques une mission globale ayant pour objet la
construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction
d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à

3
l'exercice d'une mission d'intérêt général et tout ou partie de leur financement. Le titulaire
du marché de partenariat assure la maîtrise d'ouvrage de l'opération à réaliser (CCP, art.
L. 1112-1).
Le marché de défense ou de sécurité est un marché conclu par l'État ou l'un de ses
établissements publics et ayant notamment pour objet la fourniture d'équipements
destinés à être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre, ou encore la
fourniture d'équipements destinés à la sécurité et qui font intervenir, nécessitent ou
comportent des supports ou informations protégés ou classifiés dans l'intérêt de la
sécurité nationale (CCP, art. L. 1113-1).
b. Les contrats de concession
Le contrat de concession est défini par l’article L. 1121-1 du Code de la commande
publique comme un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes confient
l'exécution de travaux ou la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs
économiques, à qui est transféré un risque lié à l'exploitation de l'ouvrage ou du service,
en contrepartie soit du droit d'exploiter l'ouvrage ou le service qui fait l'objet du contrat,
soit de ce droit assorti d'un prix.
Le contrat de concession peut porter aussi bien sur des travaux ou services, que sur des
activités de défense ou sécurité. Il peut par exemple s’agit d’une concession autoroutière,
hydroélectrique, aéroportuaire ou encore d’exploitation publicitaire de mobilier urbain.
Le juge pénal est compétent pour qualifier le contrat et n’est pas tenu par les qualifications
contractuelles administrative. Le juge pénal va ainsi s'attacher au contenu du contrat et
non à l'intitulé que les parties ont pu lui donner. Et il peut ainsi requalifier une convention.

3. La violation des règles de liberté d’accès et d’égalité entre les candidats


L'article 432-14 du Code pénal vise « un acte contraire aux dispositions législatives ou
réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats
dans les marchés publics et les contrats de concession ».
Sont concernés les lois et règlements prévoyant les procédures de passation des marchés
publics et contrats de concession en vigueur en droit français.
L’article 3 CCP rappelle les grands principes applicables, à savoir que « Les acheteurs et
les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à
l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de
liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le
présent code. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et
la bonne utilisation des deniers publics »
L’art. L. 3-1 concerne la participation à l'atteinte des objectifs de développement durable,
dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale.
Pour entrer en voie de condamnation du chef de favoritisme, les juridictions pénales se
contentent de vérifier que les faits litigieux ont bien porté atteinte à ces grands principes
applicables à toutes les procédures de passation sans forcément identifier la violation
d’une règle technique précise prévue par le droit de la commande publique (Cass. crim.,
4 mars 2020, préc. ; Cass. crim. 11 mai 2022, n° 21-85.272)

4
4. L’octroi d'un avantage injustifié
L'élément matériel au sens strict exige l’octroi d'un avantage injustifié. Cette notion n'est
pas définie par le Code pénal.
La Cour de cassation juge que « l'attribution du marché public ne constitue pas un élément
constitutif du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les
marchés publics qui est établi par la seule violation de la norme légale ou
réglementaire gouvernant la commande publique » (Crim. 22 juin 2022, n° 21-
85.672). L’ avantage est « injustifié » dès lors qu'il a été procuré par la violation des règles
de passation des marchés.
Il faut que l’avantage soit procuré à autrui. Si le pouvoir adjudicateur s'avantage lui-
même, les faits pourraient tomber sous le coup de la prise illégale d'intérêt. Il n'est pas
nécessaire pour constituer le délit que son auteur ait retiré un profit de l'opération. Autrui
désigne n’importe quelle personne. Il s'agira le plus souvent d'un des candidats,
Le plus souvent, la jurisprudence déduit l'octroi de l'avantage de la méconnaissance de la
règlementation. Elle considère par exemple qu'en violant la règlementation, le prévenu a
nécessairement attribué un avantage injustifié aux sociétés attributaires (Crim. 10 ssept.
2008, n° 08-80.589) ou que l'avantage peut résulter de la seule violation de la
règlementation (Crim. 11 déc. 2002, n° 02- 80.699 – Crim. 22 janv. 2014, n° 13-80.759).
Ainsi, il importe peu qu'il y ait une atteinte effective à la liberté d'accès et à l'égalité entre
les candidats, dès lors que les règles de passation des marchés n'ont pas été respectées.
Cependant, un arrêt récent a affirmé que la violation d’une règle prévue par le Code de la
commande publique ne suffit pas à caractériser un acte contraire aux dispositions
législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité
des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public au sens de
l’article 432-14 C. pén. Il faut établir, en outre, un résultat à savoir que ce manquement a
procuré un avantage injustifié à autrui et caractériser cet avantage (Crim. 6 janv. 2021, n°
20-80.508)
Concours de qualifications prise illégale d’intérêt et favoritisme. Dans la procédure
de passation des marchés publics, il arrive parfois qu'un même acte soit à la fois constitutif
de favoritisme et d'un autre délit. Le juge pénal fait alors face à un conflit de qualifications.
La chambre criminelle admet le cumul des qualifications entre favoritisme et prise
illégale d’intérêts (Crim. 20 mars 2019, n° 17-81.975 – Crim. 17 avr. 2019, n° 18-83.025).

B. - Élément moral
Infraction intentionnelle. Il convient donc de caractériser un dol général, c'est-à-dire la
volonté d'accomplir un acte contraire aux dispositions ayant pour objet de garantir la
liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de
service public en connaissance de cause de façon à octroyer un avantage injustifié. Il n'est
pas nécessaire d'établir une intention de nuire (Crim. 14 déc. 2011, n° 11-82.854)
La chambre criminelle juge que « l'élément intentionnel du délit prévu par l’article 432-
14 C. pén. est caractérisé par l'accomplissement en connaissance de cause d'un acte
contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la
liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de
service public ». L'intention est donc établie de manière quasiment systématique.

5
Une telle solution a fait l'objet d'une QPC. En effet, un requérant soutenait qu'une telle
solution était contraire aux articles 8 et 9 de la DDHC. Toutefois, la chambre criminelle de
la Cour de cassation a refusé de transmettre la question au Conseil constitutionnel,
estimant qu'elle ne présentait pas de caractère sérieux, dès lors que le prévenu pouvait
toujours démontrer une erreur de droit invincible pour ne pas être déclaré
coupable (Cass. crim., 23 juill. 2014, n° 14-90.024). Cependant, ici comme ailleurs,
l'erreur de droit n'est presque jamais admise.
L'intention délictueuse n'est pas pour autant présumée. En effet, pour établir que la
violation de la règlementation des marchés publics a bien été accomplie « en connaissance
de cause », les juges s'appuient sur divers éléments de fait tels que :
• La conclusion régulière d'autres marchés, caractérisant la connaissance des procédures à
appliquer (Crim. 20 mai 2009, n° 08-87.354)
• Le nombre des manquements relevés c'est-à-dire de la réitération des faits (Crim. 24 oct.
2001, n° 01-81.039)
• L’ensemble des manœuvres réalisées (Crim. 21 sept. 2005, n° 04-83.868)
• La rencontre avec l'un des candidats avant la remise des dossiers de candidature (Crim. 8
mars 2006, n° 05-85.276)
• La déclaration d'intérêt comportant des omissions et notamment l'absence d'indication
de liens sentimentaux (Crim. 25 nov. 2014, n° 13-85.444)
• La mise en garde par le directeur général adjoint des services et le directeur des affaires
juridiques de la ville sur la manœuvre suspecte d'une société et sur le risque de choisir
celle-ci compte tenu des fonctions électives du gérant (Crim. 14 févr. 2007, n° 06-81.924)
• Les liens politiques et amicaux entre le président du conseil général et l'attributaire du
marché (Crim. 22 janv. 2014, n° 13-80.009)
• Le fait que l’auteur du délit soit professeur agrégé de droit et président de son université
(Crim. 6 déc. 2017, n° 16-85.947) ;
• L’existence de guides d’achat internes (Crim. 4 mars 2020, n° 19-83.446)
• Le niveau de compétences, en l’occurrence d’un directeur général d’un office public
HLM (Crim. 29 janv. 2020, n° 19-82.942).
Erreur de droit. Prévue par l’article 122-3 du Code pénal qui énonce que « n'est pas
pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle
n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte », elle est très
rarement admise en jurisprudence et elle semble n’avoir jamais été admise pour le délit
de favoritisme. Elle juge notamment à propos des élus, les principaux concernés qu’ils ne
peuvent se retrancher derrière leur ignorance des procédures de passation des marchés,
surtout lorsqu'ils sont expérimentés et que, dans le doute, il leur appartenait de se
renseigner sur la procédure à adopter ou faire preuve de plus de vigilance.

II. Répression du délit de favoritisme


A. Peines principales
Désormais en effet, est encourue une amende de 200 000 euros dont le montant peut être
porté au double du produit tiré de l'infraction

6
Les personnes morales encourent quant à elles une amende de 1 000 000 d'euros, en
application de l’art. 131-38 C. pén.
B. Peines complémentaires
L’article 432-17 C. pén. prévoit des peines complémentaires l'interdiction des droits civils,
civiques et de famille, suivant les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 ;
• L’interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou
sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise,
suivant les modalités prévues par l'article 131-27 ;
• La confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à
l'exception des objets susceptibles de restitution suivant les modalités prévues par
l'article 131-21 ;
• L’affichage et diffusion de la décision prononcée selon les modalités prévues par l’art. 131-
35 C. pén.
• Peine d'inéligibilité. La loi Sapin 2 avait prévu au visa de l’article 432-17 que le prononcé
de la peine d’inéligibilité est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable,
notamment, de favoritisme. Cependant la juridiction peut, par une décision spécialement
motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de
l’infraction et de la personnalité de son auteur. Cependant la loi n° 2017-1339 du 15
septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a supprimé cette peine
complémentaire d’inéligibilité de l’article 432-17 du Code pénal mais elle reste encourue,
au visa de l'article 131-26-2, II, 5° du Code pénal.

7
Titre : Le favoritisme
Préalable légal : Art. 432-14 CP
Par S. Vernaz
Inspiré par Véron et Beaussonie, Droit
pénal des affaires, Dalloz, 13ème édition
Elément psychologique

Personnes concernées • L’acte doit avoir été accompli volontairement dans le but de procurer à autrui un avantage
injustifié par une personne qui sait qu’elle viole les dispositions légales ou réglementaires
Personnes spécifiques MAIS le Elément matériel qu’elle devrait respecter.
texte très large. Peut être Avantage injustifié procuré à autrui • Appréciation jurisprudentielle sévère
poursuivie la personne qui en violation des règles relatives
intervient, de façon illicite à
• Ex. un élu de longue date connaît nécessairement la législation en la matière et ne peut se
aux procédures de marchés publics réfugier derrière une prétendue méconnaissance de la procédure d’appel d’offre (Crim ; 10
quelque niveau que ce soit, dans
la procédure des marchés publics. sept. 2008)

A savoir :
• Personne dépositaire de
l’autorité publique, chargée Acte contraire aux lois et aux règlements
d’une mission de SP ou Avantage injustifié procuré à ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics
investie d’un mandat électif autrui et les contrats de concession
public.
• Personne exerçant les
Principe :
fonctions de représentant,
o Pas nécessaire que le • Formes très variées
administrateur ou agent de
coupable ait tiré ou cherché à • Non-respect de certain seuil au-delà desquels les marchés devront respecter les procédures légales et
l’État, des collectivités
tirer un profit personnel (diff. réglementaires
territoriales, des
de la corruption passive) • => Pratique interdite du saucissonnage (fractionner artificiellement un marché pour éviter d’atteindre le
établissements publics, de
o Doit avoir été procuré à seuil réglementaire
sociétés d’économie mixte
autrui (même si on sait que
d’intérêt national chargées
c’est le plus souvent pas Exemples :
d’une mission de SP et des
totalement gratuit) OU tenté • Les actes qui portent atteinte à la publicité des marchés ou qui procurent à certains candidats des
sociétés d’économies mixtes
de procurer (pas de tentative, informations privilégiées. Tel est le cas de la communication du montant du prix auquel il convient de fixer
locales.
directement l’infraction une offre pour être sur de l’emporter. Crim. 17 février 2007
• Toute personne agissant pour
constituée) • Les actes qui limitent la concurrence en introduisant dans les cahiers des charges des clauses techniques
le compte de l’une de celles
o => Il faut caractériser dont on sait qu’elle ne peuvent être respectées que par l’entreprise à laquelle on souhaite attribuer le
susmentionnées
l’avantage. ex. Ne pas avoir marché
• => Il en résulte que l’infraction
été mis en concurrence avec • Les actes qui tendent à faire perdre la trace du bénéficiaire de l’avantage injustifié en ayant recours à la
peut être commise par celui
d’autres candidats sous-traitance après attribution du marché.
qui prend la décision, mais
• Le fait de fractionner un marché en plusieurs contrats dont les objets sont très proches et conclus avec des
aussi par celui qui prépare ou
sociétés appartenant au même groupe et dont le dirigeant est commun.
propose des décisions prises
par d’autres.
• La Cour sanctionne même les
actes qui résultent d’une
Répression
décision collégiale
(responsabilité personnelle du
maire pour avoir fixé à l’ordre  2 ans et 200 000 €
du jour et présidé la séance du  PC : 432-17 CP (interdiction des droits civiques, civils et de famille et l’interdiction d’exercer une fonction publique) ;
conseil municipal au cours de 131-26-2 CP peine obligatoire d’inéligibilité de 10 ans au plus
laquelle avait été attribué, par  Tentative sanctionnée par le texte
un vote à la majorité, la
marché litigieux - Crim 19 nov.
2003)
CHAPITRE 6 : LA CONCUSSION

ARTICLE 432-10 C. PENAL

Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission
de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou
contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou
excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500
000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction.

Est puni des mêmes peines le fait, par les mêmes personnes, d'accorder sous une forme
quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits,
contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires.

La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.

Le délit de concussion vise à garantir la moralité de ceux qui participent à une mission
d'intérêt général et l'égalité de traitement des citoyens et à maintenir leur confiance dans
le service public." Il figure parmi les « manquements au devoir de probité » au sein de la
section III du titre III du livre IV du Code pénal.

L'article 432-10, alinéas 1 et 2, définit la concussion comme le fait, par une personne
dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, soit de
recevoir, exiger ou ordonner de percevoir, à titre de droits, contributions, impôts ou taxes
publics, une somme qu'elle sait n'être pas due, ou excéder ce qui est dû (al. 1er), soit
d'accorder indûment, sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit, une
exonération ou une franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en
violation des textes légaux ou réglementaires (al. 2nd). Dans le délit de concussion, l'agent
public est seul auteur de l'infraction, le particulier étant victime.

I. La qualité de l’auteur

Aux termes de l'article 432-10, peuvent se rendre coupables de concussion les personnes
dépositaires de l'autorité publique et les personnes chargées d'une mission de service
public.

En revanche, à la différence d'autres textes incriminant les atteintes à la probité, ne sont


pas visées les personnes investies d'un mandat électif public.

Cass. crim., 29 juin 2016, n° 15-82.296 : Commet délit de concussion le directeur d'une
URSSAF, chargé en cette qualité d'une mission de service public, qui ouvre
frauduleusement, à son bénéfice, deux comptes épargne temps et de les alimenter de
manière fictive grâce à des pressions exercées sur le personnel chargé de l'enregistrement
des données, de tels agissements lui permettant de partir en congé de fin de carrière avant
le jour de sa retraite tout en percevant jusqu'à cette date une rémunération qu'il savait ne
pas lui être due.

1
II. Éléments constitutifs

Le délit nécessite au titre de l’élément matériel, un acte de perception ou d’octroi d’un


avantage (A) et la preuve du caractère indu de la perception ou de l’octroi de l’avantage
(B)

A. Acte matériel de perception d'une somme ou d'octroi d'un avantage

L'acte de concussion est un détournement de son pouvoir par l'agent public. L’article 432-
10 incrimine deux catégories d’actes : la perception (al. 1er) et l’octroi d’un avantage
injustifié (al. 2nd).

1. La perception

La perception est le fait « de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou


contributions, impôts ou taxes publics, une somme » que l’auteur « sait ne pas être due,
ou excéder ce qui est dû ». Ainsi, la perception est le fait de « recevoir, exiger ou
ordonner de percevoir » indûment une somme. Tel est le cas, par exemple de l'agent
public qui perçoit des rémunérations, sur le fondement de grades et échelons
administratifs auxquels il ne pouvait prétendre.

2. L’octroi d’un avantage injustifié

L'octroi d'un avantage injustifié est « le fait... d'accorder sous une forme quelconque et
pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions,
impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires ».

Exemples d’exonération ou franchise sous une forme quelconque.

- Accorde une exonération au sens de l'article 432-10, le maire qui laisse son fils
exposer à la vente des véhicules sur la place située devant son garage en le
dispensant sciemment du paiement de la redevance d'occupation du domaine
public prévue par l'article L. 2333-1 du Code général des collectivités territoriales
(Cass. crim., 19 mai 1999, n° 98-82.607)
- De même le maire qui met gratuitement à la disposition de l'entraîneur du club de
football local un logement de la commune sans y avoir été autorisé par le conseil
municipal (Cass. crim., 31 janv. 2007, n° 06-81.273).
- Entre dans les prévisions de l’article 432-10 C. pén. le fait pour un maire
d'exonérer l'acquéreur et occupant d'un terrain communal du paiement du prix de
ce dernier en s'abstenant volontairement de passer l'acte de vente dudit terrain,
autorisé par le conseil municipal, en violation de l’article L. 2122-21 al. 7 CGCT
(Crim. 10 oct. 2012, n° 11-85.914).

B. Caractère indu de la perception ou de l'avantage

2
Les sommes réclamées ou reçues ainsi que les exonérations ou franchises accordées
doivent l'être à titre de “contributions, impôts ou taxes publics”.

Constituent des “droits, contributions, impôts ou taxes publics”, les pénalités de retard
prévues par l'article 1727 du Code général des impôts (Cass. crim., 1er déc. 2010, n° 10-
81.012). En revanche, les honoraires des mandataires de justice ne peuvent être assimilés
à des droits ou contributions, impôts ou taxes (Cass. crim., 28 mai 2008, n° 07-85.063).

Le caractère illicite de la perception s’apprécie au regard de ce que les textes légaux ou


réglementaires l'autorisent l’agent à percevoir ou à exiger ou l'autorisent à accorder au
titre des exonérations ou franchises.

Dans un arrêt du 7 décembre 2022 (n° 21-83.354), la Chambre criminelle s’est prononcée
à propos du cumul de rémunération perçues au titre du cumul des fonctions exercées par
le prévenu : premier, 3ème vice-président de la communauté d’agglomération et PDG de la
SEML. Il était reproché à l’intéressé d’avoir perçu pendant plusieurs années des sommes
excédant le montant plafonné des rémunérations et indemnités des élus locaux prévu par
l’article L 43135-18 CGCT. Le montant supérieur à ce plafond doit être écrêté et reversé
au budget de la personne publique au sein de laquelle le conseiller a exercé le plus
récemment un mandat ou une fonction. Le prévenu prétextait de ce que la rémunération
perçue de la société en vertu de ses fonctions de PDG n’étant pas explicitement visée par
l’article L 4135-18 du CGCT, n’entrerait donc pas dans le calcul de l’écrêtement.

La Cour d’appel confirme la condamnation au visa de cette disposition à 8 mois


d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende pour concussion

La Chambre criminelle valide la condamnation mais censure la sanction au visa des


articles 132-1 et 132-20 du Code pénal en raison de l’absence de motivation au regard de
la situation personnelle de l’intéressé et du montant de ses charges.

Elle juge que « le délit de concussion se consomme, notamment par le fait pour une
personne dépositaire de l’autorité publique, de percevoir des salaires et indemnités au-
delà de ceux auxquels elle sait avoir droit ». Le terme « droits » qu’utilise l’article 432-10
sont de portée générale et inclut nécessairement les salaires et traitements. (voir Crim. 24
oct. 2001, n° 00-88.165 ; Crim. 31 janv. 2007, n° 05-87.096)

La Cour rappelle également la nécessité de faire la preuve du caractère indu de la


perception en confrontant le comportement de l’agent avec ce que les textes légaux ou
réglementaires l’autorisent à percevoir. L’illicéité de la perception résulte en l’espèce du
non-respect de l’article 4135-18 CGCT. Enfin la Chambre criminelle réaffirme le principe
de l’appréciation souveraine des juges du fond s’agissant de l’intention délictueuse. Cet
élément se déduit de la matérialité des faits, de la qualité de l’auteur, les juges du fond
ayant relevé que le prévenu « avait suffisamment d’expérience en tant qu’élu local pour
considérer qu’il agit sciemment »

C. Élément moral

3
La concussion est un délit intentionnel. Conformément aux principes généraux du droit
pénal, les mobiles sont inopérants. Ainsi, commet le délit le prévenu qui, jugeant que son
salaire était insuffisant et se considérant victime d'une situation sociale inacceptable, a
cherché à augmenter ses revenus par une voie irrégulière.

L'intention disparaît si la perception a été faite ou exigée à la suite d'une erreur de fait
commise par le dépositaire de l'autorité publique ou la personne chargée d'une mission
de service public, ou encore en raison d'une interprétation erronée de la loi ou du
règlement (Cass. crim., 13 juin 2007, n° 06-84.618).

La jurisprudence tend à présumer l'existence de l'élément intentionnel dès lors qu'il s'agit
d'un professionnel a fortiori si celui-ci a la qualité de juriste.

III. - Répression du délit de concussion

A. Peines principales

L'article 432-10 prévoit une peine d'emprisonnement de cinq ans et une amende de
75 000 euros à l'encontre de l'auteur du délit de concussion, sans distinguer selon sa
position hiérarchique.

B. Peines complémentaires

Aux peines principales, l'article 432-17 ajoute les trois peines complémentaires
suivantes :

L’interdiction des droits civils, civiques et de famille, pour une durée de cinq ans ;

L’interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou


sociale dans l'exercice de laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été
commise ;

Enfin la confiscation des sommes ou des objets irrégulièrement reçus par l'auteur de
l'infraction, à l'exception toutefois des objets susceptibles de restitution ; là encore, cette
peine est spécialement utile et devrait pouvoir être prononcée dans la plupart des
hypothèses.

C. Tentative et point de départ de la prescription

La tentative est punissable (art. 432-10 al. 3)

Le délit de concussion est une infraction instantanée, entièrement consommée au


moment où se réalise la perception indue ou l'octroi injustifié de l'avantage, à titre de
droits ou impôts : c'est à ce moment que doit être fixé le point de départ du délai de
prescription de l'action publique.

4
Comparaison avec la corruption :
Titre : La concussion
• L’auteur a nécessairement un titre (pas le cas du corrompu)
Préalable légal : Art. 432-10 CP
Par S. Vernaz = Malversation dans la perception de l’impôt • Jamais de pacte avec le corrupteur
Inspiré par Véron et Beaussonie, Droit • Possible d’être à la fois auteur d’une concussion et d’une
pénal des affaires, Dalloz, 13ème édition corruption passive (crim. 16 mai 2001)

Elément psychologique
Personnes concernées
Elément matériel • Savoir ne pas devoir ou pouvoir percevoir certaines sommes à
Une personne dépositaire de Deux formes un certain titre mais choisir de le faire malgré tout.
l’autorité publique ou chargé • Peu importe que le concussionnaire soit désintéressé et même
d’une mission de service si l’agent agit pour la bonne cause (mobile indifférent)
public
=> C'est-à-dire une personne Percevoir une somme indue à titre d’impôt
en mesure d’intervenir dans le
processus de perception de .Accorder une exonération ou franchise en violation des textes légaux ou
• Somme = toute forme de prestation (repas à
l’impôt. réglementaires
emporter, denrées alimentaires fuel domestique
• Ceux qui ont effectivement etc.)
le pouvoir de le décider et • Indue = non due ou excédant ce qui est dû d’après
de l’imposer : les maires, le • Existence d’un avantage : ne pas payer la somme ou de payer moins que
les textes légaux ou réglementaires
directeur d’un hôpital, la somme prévue
• Impôt = mais aussi droits, contributions ou taxes
d’une caisse de • Peu importe la forme et le motif de cet octroi.
publics => inclut tout paiement ou toute
prévoyance ou d’une • Ex. un maire laissant son fils exposer à la vente des véhicules sur la place
rémunération que l’on fait passer pour obligatoire
URSSAF située devant son garage, en le dispensant sciemment du paiement de la
et officiel et comme contrepartie d’un service tout
• Ceux qui participent au redevance d’occupation du domaine public prévue par la loi
aussi officiel (ex. les indemnités de fonction d’un
recouvrement de l’impôt : • Ex. 2. Maire mettant gratuitement à la disposition de l’entraîneur du club
député-maire reçues en violation des règles
inspecteur des impôts, de football local un logement de la commune sans y avoir été autorisé par
régissant le cumul des mandats).
secrétaire ou directeur le conseil municipal.
• Recevoir, exiger ou ordonner de percevoir = Toute
général des services d’une • => cette forme de concussion peut consister en une abstention : Président
forme d’intervention dans la perception de la
mairie ou secrétaire d’un d’un conseil général qui s’abstient volontairement d’émettre des titres de
somme : de l’ordre de percevoir la somme
syndicat intercommunal, recouvrement obligatoires pour obtenir le remboursement des indemnités
(ordonnateur) à sa réception (récepteur) en
voir tout agent d’une de frais, de représentation ou de fonctions indues.
passant par la sollicitation d’une telle perception et
administration, quelle que par son exécution (comptable)
soit sa position • => vaste : pas besoin de recourir aux notions de
hiérarchique dans la complices ou de receleurs
fonction publique.
PAS :
Les élus investis d’un mandat
électif public (sauf si
également dépositaire de Répression
l’autorité publique comme le
maire ou chargés d’une
 5 ans d’emprisonnement et 500 000 € (peut être porté au double du produit tiré de l’infraction)
mission de SP comme les  PC : 432-17 sont également encourues : interdiction des droits civils, civiques et de famille ; interdiction d’exercices,
parlementaires). confiscation des sommes reçues par l’auteur ; affichage ou diffusion de la décision.
LE BLANCHIMENT

Art. 324-1 C. pén.


Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de
l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à
celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de
placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime
ou d'un délit.
Le blanchiment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros
d'amende.
Art. 324-1-1 C. pén.
Pour l'application de l'article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés être le
produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions
matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou
de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le
bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus.
Art. 324-2 C. pén.
Le blanchiment est puni de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende :
1° Lorsqu'il est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure
l'exercice d'une activité professionnelle ;
2° Lorsqu'il est commis en bande organisée.
Art. 324-3 C. pén.
Les peines d'amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent être élevées
jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les
opérations de blanchiment.
Art. 324-4 C. pén.
Lorsque le crime ou le délit dont proviennent les biens et les fonds sur lesquels ont
porté les opérations de blanchiment est puni d'une peine privative de liberté d'une
durée supérieure à celle de l'emprisonnement encouru en application des articles
324-1 ou 324-2, le blanchiment est puni des peines attachées à l'infraction dont son
auteur a eu connaissance et, si cette infraction est accompagnée de circonstances
aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance.
Art. 324-5 C. pén.
Le blanchiment est assimilé, au regard de la récidive, à l'infraction à l'occasion de
laquelle ont été commises les opérations de blanchiment.
Art. 324-6 C. pén.
La tentative des délits prévus à la présente section est punie des mêmes peines.

1
Art. 324-6-1 C. pén.
Toute personne qui a tenté de commettre les infractions prévues à la présente section
est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a
permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres
auteurs ou complices.

La peine privative de liberté encourue par l'auteur ou le complice d'une des


infractions prévues à la présente section est réduite de moitié si, ayant averti
l'autorité administrative ou judiciaire, il a permis de faire cesser l'infraction ou
d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou complices.

Art. 324-7 C. pén.


Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 324-1 et 324-
2 encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27, soit d'exercer une
fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, cette interdiction étant
définitive ou provisoire dans le cas prévu à l'article 324-2 et pour une durée de cinq
ans au plus dans le cas prévu à l'article 324-1, soit d'exercer une profession
commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un
titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le
compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société
commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;
2° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une
arme soumise à autorisation ;
3° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres
que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui
sont certifiés et d'utiliser les cartes de paiement ;
4° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire, cette
suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;
5° L'annulation du permis de conduire avec l'interdiction de solliciter la délivrance
d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;
6° La confiscation d'un ou plusieurs véhicules appartenant au condamné ;
7° La confiscation d'une ou plusieurs armes dont le condamné est le propriétaire ou
dont il a la libre disposition ;
8° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou
de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution et
sous réserve du dernier alinéa de l'article 131-21 ;
9° L'interdiction, suivant les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-, des
droits civiques, civils et de famille ;
10° L'interdiction de séjour suivant les modalités prévues par l'article 131-31;

2
11° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de quitter le territoire de la
République ;
12° La confiscation de tout ou partie des biens du condamné ou, sous réserve des
droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la
nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.

Art. 324-8
L'interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues
par l'article 131-10, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à
l'encontre de tout étranger coupable de l'une des infractions définies aux articles 324-
1 et 324-2.

Art. 324-9
Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions
prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 324-1 et 324-
2encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38, les
peines prévues par l'article 131-39 ainsi que la confiscation de tout ou partie de leurs
biens ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, de ceux dont elles ont la
libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice
ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

L'infraction de blanchiment a été créée à l'origine pour lutter contre le trafic de


stupéfiants et empêcher l'infiltration de l'économie licite par des flux d'argent provenant
de ce trafic. Le blanchiment permet en effet aux organisations criminelles de prospérer
et d'étendre leur influence. Depuis les attentats de 2001 aux États-Unis, il est apparu un
continuum entre les organisations criminelles et les entreprises terroristes et une
porosité particulière entre ces milieux criminels.
Au sens criminologique, le blanchiment désigne le processus visant à réinjecter dans
l'économie légale les produits d'infractions pénales. Il peut s'agir d'activités de la
criminalité organisée telles que le trafic de drogue, d'objets volés, d'êtres humains, de
produits pharmaceutiques frelatés, d'armes, la contrebande, le proxénétisme, les
escroqueries, les fraudes internationales, etc. Mais le blanchiment vise au-delà les actes
permettant de faire disparaître l'origine illicite de fonds issus de n'importe quel type
d'activité infractionnelle, telle que la fraude fiscale, la corruption ou l'abus de biens
sociaux.
Il est habituel de décrire le processus en trois phases : le placement, l'empilage et
l'intégration. Le placement consiste à introduire de l'argent liquide dans le circuit
économique et financier. L'empilage vise à brouiller les pistes pour faire disparaître
l'origine des fonds. L'intégration est destinée à réintroduire l'argent blanchi dans

3
l'économie légale sans que l'on puisse le rattacher à son origine illégale. Cette description
purement didactique permet d'appréhender toutes les modalités de blanchiment. Elle
facilite également la compréhension des finalités du processus et peut se révéler utile
lorsqu'il s'agit de détecter des indices de blanchiment. Pour autant, il est important de
préciser qu'une opération de blanchiment peut ne pas recouvrir les trois phases.
Politique de lutte contre le blanchiment. Le blanchiment confère aux organisations
criminelles le moyen de prospérer et d'étendre l'économie criminelle. Dans son rapport
du 26 septembre 2013 (2013/2107 (INI)), la Commission spéciale du Parlement
européen chargée notamment d'évaluer l'ampleur de la criminalité organisée, de la
corruption et du blanchiment de capitaux constate « que l'esprit d'entreprise est une des
principales caractéristiques des organisations criminelles modernes, dont les formes
d'action sont fortement orientées vers la satisfaction de la demande du marché des biens
et services, qui coopèrent largement avec d'autres organisations criminelles et non
criminelles et qui naviguent perpétuellement entre la dimension apparemment licite de
leurs activités, les méthodes de corruption et d'intimidation et les fins illicites visées (par
exemple le blanchiment de capitaux) ». Le blanchiment n'est pas une simple branche de
l'activité des organisations criminelles. Il constitue la condition sine qua non de leur
pérennité. Il s'ensuit que la lutte contre le blanchiment apparaît comme un impératif
catégorique en raison des effets néfastes qu'il produit sur les économies nationales et sur
l'économie mondiale.
Le démantèlement, en 2017, d'un vase réseau franco-suisse de blanchiment de trafic de
drogue mettant en cause plusieurs notables dont une élue locale de Paris, un avocat, un
marchand d'art, des dirigeants d'entreprises et un dentiste démontre les
interconnexions entre la délinquance financière dite « en col blanc » avec la criminalité
organisée. Cette interconnexion facilite l'infiltration de l'économie licite par l'argent
criminel à l'échelle de la planète.
La lutte contre le blanchiment est mondialisée. Elle s'organise dans le cadre de
politique criminelle globale, incluant des obligations préventives mises à la charge de
professionnels exposés au risque d'être utilisés à des fins de blanchiment ou de
financement du terrorisme et un dispositif répressif sanctionnant pénalement les actes
constitutifs de blanchiment et de financement du terrorisme.

Définition. Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification


mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit
ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect (C. pén. art. 324-1, al. 1). Constitue
également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement,
de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit
(C. pén. art. 324-1, al. 2). Quelle que soit l'infraction criminelle ou délictuelle dont
proviennent les fonds, toute justification mensongère de l'origine de ceux-ci ainsi que
tout concours apporté à leur placement, dissimulation ou conversion constitueront un
délit.
Blanchiment et recel. Les risques de concours de qualification entre le recel et le
blanchiment existent notamment lorsque l'on est en présence de faits constituant un
placement, une dissimulation ou une conversion du produit du crime. Le recel est défini
à l'article 321-1 du Code pénal comme « le fait de dissimuler, de détenir ou de
transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en
sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit. Constitue également un recel

4
le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou
d'un délit ». Cela étant, il n'y a pas redondance dans la mesure où l'incrimination du
blanchiment permet d'appréhender les comportements de personnes qui concourent à
un processus de blanchiment et qui échappent à l'incrimination du recel.
Blanchiment et recel sont deux infractions autonomes qui présentent des similitudes en
ce qui concerne les modalités d'exécution. Les deux infractions peuvent entrer en
concours. La Cour de cassation elle-même peine à délimiter les deux infractions et il lui
est arrivé de requalifier en recel des faits poursuivis sous la qualification de blanchiment
(Cass. crim. 3-12-1998 no 97-85.524). Cependant il est certain que seule la qualification
de blanchiment permet d'appréhender les techniques d'ingénierie juridique et financière
utilisées pour occulter l'origine illicite ou de capitaux provenant d'un crime ou d'un délit.
On fera remarquer en outre que la tentative du délit de recel n'est pas punissable.

Cumul des qualifications de complicité de blanchiment et de recel de blanchiment.


La chambre criminelle a admis le cumul des qualifications de complicité de blanchiment
et de recel de blanchiment jugeant que le complice de l'auteur principal de blanchiment
peut en être le receleur (Cass. crim. 20-2-2008 no 07-82.977 P-PF : RJF 6/08 no 745 ; D.
2008 p. 1585). Elle a jugé ensuite que des faits qui procèdent de manière indissociable
d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne pouvaient donner
lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale,
fussent-elle concomitantes. Une cour d'appel ne peut dès lors pas déclarer un individu
coupable de recel en retenant que des fonds provenant de l'escroquerie commise par sa
compagne ont été versés sur son compte, alors que le versement effectué sur le compte
du prévenu ne constituait, au moins en partie, qu'une opération préalable nécessaire à
l'achat du bien réalisé par ses soins et pour lequel il a été déclaré coupable de
blanchiment (Cass. crim. 26-10-2016 no 15-84.552 FS-PBRI : AJ pénal 2017. 35, obs.
Gallois ; Dr. pénal 2017, no 16, obs. Conte; Gaz. Pal. 24 janv. 2017, p. 51, obs. Detraz).

Au point de vue des principes, la solution est conforme à la jurisprudence de la chambre


criminelle qui décide que le complice de l'infraction d'origine peut être receleur si le fait
matériel constitutif de complicité et le fait matériel constitutif de recel sont distincts.
Ainsi, l'auteur d'une fraude fiscale, complice du blanchiment commis par un tiers, peut
également être receleur du produit du blanchiment de la fraude fiscale commis par ce
tiers sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article 321-1 du Code pénal dans la mesure où il
en bénéficie.
L'auteur de l'infraction principale peut-il se voir reprocher l'infraction de
blanchiment ?
Principe. La chambre criminelle de la Cour de cassation a validé la possibilité du cumul
d'infraction du blanchiment avec le délit principal (Cass. crim. 25-6-2003 no 02-86.182
; Cass. crim. 14-1-2004 no 03-81.165 FS-PF : JCP G 2004 IV no 1487, JCP G 2004 II no 10081
note H. Matsopoulou, D. 2004 comm. p. 1377 note C. Cutajar ; Cass. crim. 20-2-2008 no
07-82.977 FS-PF : D. 2008 études p. 1585 note C. Cutajar ; Cass. crim. 2-6-2010 no 09-
82.013 F-PF). La question a également fait l'objet d'une décision de la chambre criminelle
refusant la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité (Cass. crim.
27-3-2013 no 12-84.189 F-D), (et d’une décision de la CJUE 2-9-2021 aff. C-790/19, sous
réserve du respect du principe non bis in idem).

5
Champ d'application. Dans l'arrêt du 14 janvier 2004, la chambre criminelle avait
affirmé que l'article 324-1 du Code pénal « est applicable à l'auteur du blanchiment du
produit d'une infraction qu'il a lui-même commise » uniquement au visa de l'alinéa 2 qui
concerne « le fait d'apporter son concours à une opération de placement, de
dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit »
(Cass. crim. 14-1-2004 no 03-81.165 FS-PF : D. 2004 comm. p. 1377 note C. Cutajar, Gaz.
Pal. 16-17-4-2004 p. 5 note O. Raynaud ? 352). Dès lors, la solution ne pouvait pas être
étendue à l'alinéa 1er qui vise « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification
mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit
ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ».
Depuis, la chambre criminelle a rendu d'autres décisions au visa de l'article 324-1 sans
préciser l'alinéa 1 ou 2 (Cass. crim. 20-2-2008 no 07-82.977 précitée ; Cass. crim. 14-6-
2017 no 16-84.921 F-D ; Cass. crim. 16-1-2019 no 17-80.576 F-D). Si la doctrine était
partagée sur la généralisation de la possibilité de cumul de l'infraction principale et du
blanchiment à l'hypothèse visée par l'alinéa 1er de l'article 324-1 du Code pénal, cette
généralisation a été actée par l'administration (Circulaire 09-F-443-D3 « Blanchiment -
Évolution de la jurisprudence et de la pratique » du 27 juillet 2009, qui considère que
l'arrêt du 20 février 2008 précité a levé tout doute concernant la généralisation de la
possibilité d'incriminer l'autoblanchiment), puis dans d'autres arrêts de la chambre
criminelle.
La possibilité de cumuler la qualification de blanchiment avec le délit principal est
ouverte dès que les faits reprochés relèvent d'une intention coupable différente et/ou de
faits dissociables. Ainsi jugé pour les délits suivants :
- fraude fiscale : le fait d'investir les sommes issues de la fraude fiscale dans la
souscription de bons anonymes et en les utilisant comme enjeux dans les casinos pour
les transformer en ressources licites et non imposables (Cass. crim. 20-2-2008 nº 07-
82.977 FS-PF précité) ; ou encore le fait de ne pas déclarer auprès de l’administration
fiscale des sommes détenues auprès de banques suisses sur des comptes ouverts au
nom de sociétés écran et d’avoir dissimulé les produits de cette fraude au moyen de la
création de sociétés offshore permettant d’occulter le nom du véritable bénéficiaire de
ces comptes (Cass. crim. 1-12-2020 no 20-83.969 F-D) ;
- abus de confiance : le fait de détourner des fonds au préjudice d'une personne âgée et
de les réinvestir dans des biens immobiliers et des prêts bancaires remboursés par
l'argent détourné (Cass. crim. 14-6-2017 no 16-84.921 F-D) ;
- escroquerie : le fait de détourner des fonds puis de les utiliser pour souscrire à
l'augmentation de capital d'une société (Cass. crim. 2-6-2010 no 09-82.013 F-PF : RTD
com. 2011 p. 184) ;
- abus de biens sociaux : le fait de détourner des fonds au préjudice de sociétés puis de
les utiliser dans le but de les dissimuler (Cass. crim. 16-1-2019 no 17-80.576 F-D).
À noter enfin que la directive visant à lutter contre le blanchiment au moyen du droit
pénal dispose que l'infraction de blanchiment s'applique aux personnes ayant commis
l'activité criminelle dont le bien provient ou y ayant participé (Dir. UE 2018/1673 du 23-
10-2018).

6
I. Conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale
Le blanchiment est une infraction de conséquence (Crim. 26 janv. 2022, n° 20-
86.858). Pour mettre en œuvre la responsabilité pénale de l'auteur il faut au préalable
constater l'existence d'un crime ou d'un délit principal à l'origine des biens sur lesquels
porte l'opération de blanchiment (A). Il convient ensuite d'établir les éléments
constitutifs, matériel et moral, de l'infraction de blanchiment (B).
A. Condition préalable : un crime ou un délit principal
Le blanchiment du produit d'une contravention ne tombe pas sous le coup de la loi
pénale.
1. L’existence de l’infraction principale
La Cour de cassation a réaffirmé à de nombreuses reprises que le délit de blanchiment de
capitaux est une infraction de conséquence car elle implique la commission préalable
d’un crime ou d’un délit. Mais dans le même temps elle affirme l’autonomie du
blanchiment qui est une infraction générale, distincte et autonome (Crim. 20 févr. 2008,
D. 2008. 1585, note C. Cutajar). La commission de l’infraction principale constitue le
préalable indispensable aux agissements qui consomment le délit de blanchiment quelle
que soit sa forme. L’existence de l’infraction principale est nécessaire pour établir le
caractère illicite des sommes qu’elle a permis de dégager, ce qui conditionne l’existence
du délit de blanchiment (Crim. 17 juin 2015, n° 14-80.977). Le principe a été réaffirmé
dans une décision du 26 janvier 2022, n° 20-86.858). Dans cette affaire, il était reproché
à la prévenue d’avoir converti le produit d’un délit pour en dissimuler l’origine
frauduleuse en encaissant sur le compte de la société des chèques émis, sans ordre, par
d’autres sociétés gérées et remis à des ouvriers du bâtiment. Ces chèques étaient ensuite
échangés contre des espèces, comme l’ont reconnu les gérants des entreprises émettrices,
ce qui permettait à ces dernières de rémunérer leurs travailleurs occultes. Si la
conversion des chèques en argent liquide ne faisait pas de doute, encore fallait-il que les
profits illicites dégagés proviennent d’une infraction. Les juges du fond relèvent que le
fait de recevoir des chèques dont l’ordre n’est pas mentionné et qui lui sont donnés par
des ouvriers du bâtiment, signe le caractère parfaitement anormal de l’origine des fonds,
ce que la prévenue ne pouvait ignorer. La Cour de cassation a considéré qu’il ne ressortait
pas des constatations des juges du fond « que les fonds perçus sur le compte bancaire de
la société, correspondaient aux salaires des ouvriers et devaient leur être restitués en
espèces afin de rendre leur rémunération occulte, étaient le produit direct ou indirect du
délit de travail dissimulé que ce procédé avait pour but de rendre ensuite possible, alors
que le produit du délit de travail dissimulé ne pouvait consister que dans le montant des
cotisations et contributions sociales à la charge de l’employeur qui ont été éludées ». Il
appartiendra à la juridiction de renvoi de caractériser s’il y a lieu l’infraction qui a généré
les profits permettant la commission de l’infraction de travail dissimulé.

2. Preuve de l'existence du crime ou du délit principal


a. Les conséquences de l’autonomie du blanchiment par rapport à l’infraction
principale au regard de la preuve de l’infraction principale
Le contenu de la preuve du crime ou du délit principal a évolué depuis la création de
l'incrimination.

7
Au terme de cette évolution, la chambre criminelle a consacré l'autonomie du
blanchiment par rapport à l'infraction principale. Infraction générale et distincte, le
blanchiment ne nécessite pas que la preuve de l'infraction principale soit rapportée en
tous ses éléments constitutifs. La décision précitée de la chambre criminelle du 20 février
2008 marque clairement la rupture avec l'exigence de preuve de l'infraction principale
dans tous ses éléments constitutifs. Dans cette décision, la chambre criminelle juge que «
la poursuite du délit blanchiment, infraction générale, distincte et autonome, n'est pas
soumise aux dispositions de l'article L 228 du Livre des procédures fiscales ». Il s'ensuit
que les termes de l'article 324-1 du Code pénal n'imposent pas que des poursuites
pénales aient été préalablement engagées du chef de l'infraction ayant permis d'obtenir
les sommes d'argent blanchies et qu'une condamnation ait été prononcée de ce chef de
prévention. Quant à la preuve de l'infraction de fraude fiscale, la chambre criminelle la
déduit de la dissimulation de sommes sujettes à l'impôt et de la perception de recettes
occultes, ces dissimulations excédant la somme de 153 €.
Dans sa décision du 25 mars 2015 (n° 14-85.251), la chambre criminelle a jugé qu'il n'y
a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de
constitutionnalité relative à cette interprétation de l'article 324-1, alinéa 2, du Code
pénal. Elle juge en effet que la poursuite pour délit de blanchiment de fraude fiscale n'est
pas soumise aux dispositions de l'article L 228 du Livre des procédures fiscales et que
les dispositions légales critiquées ne portent pas atteinte au principe de légalité ni au
principe d'égalité dès lors que les poursuites pour le délit général, distinct et autonome
de blanchiment sont exercées selon les mêmes modalités, quelle que soit l'infraction
d'origine

b. La charge de la preuve
En principe, c'est à la partie poursuivante de prouver l'existence du crime ou du délit
principal. Il appartient donc au parquet de prouver l'existence du crime ou délit
principal. Les juges du fond doivent en relever les éléments constitutifs. À défaut,
aucune poursuite pour blanchiment ne pourra intervenir. La Cour de cassation l'a
expressément confirmé : elle décide que le délit de blanchiment « nécessite que soit
relevé un délit principal ayant procuré à son auteur un profit direct ou indirect » (Cass.
crim. 25-6-2003 no 02-86.182 ; voir également Cass. crim. 3-12-2003 no 6345 FS-PF :
JCP E 2004 p. 106 no 91, JCP G 2004 IV no 1099, JCP G 2004 II no 10066 note C. Cutajar,
où la Cour constate également l'existence de l'infraction principale ; Cass. crim. 15-9-
2021 n° 20-82.422 F-D).
Cela ne veut pas dire pour autant que l'auteur du délit principal et les circonstances
précises de sa commission doivent être connus au moment des poursuites pour
blanchiment. Il suffit ainsi que la preuve soit rapportée que l'auteur du blanchiment ait
apporté son concours à une opération de placement et de dissimulation du produit d'une
autre infraction (Cass. crim. 4-12-2019 n° 19-82.469 F-PBI : D. 2019 act. p. 2353,
dissimulation de sommes provenant d'activités professionnelles non déclarées).
Par exception, la charge de la preuve est renversée en présence d'un montage juridique
et financier dont la complexité ne serait que le moyen d'éviter la traçabilité de flux
financiers
Il appartient alors au mis en cause d'apporter la preuve de l'origine licite des sommes
litigieuses.

8
En pratique, Tracfin découvre de nombreux montages juridiques et financiers,
inutilement complexes, sans rationalité économique, faisant intervenir hommes de paille
et sociétés écran. L'opacité créée par ces montages empêche d'établir un lien entre les
sommes manipulées et le produit de crimes ou de délits. La présomption de l'article 324-
1-1 du Code pénal facilite les poursuites pénales pour de tels agissements.

c. Présomption légale de provenance frauduleuse des biens ou des revenus.


La loi 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la
grande délinquance économique et financière a créé une présomption de provenance
frauduleuse des biens ou des revenus à l'article 324-1-1 du Code pénal. Cette disposition
énonce que, « pour l'application de l'article 324-1, les biens ou les revenus sont présumés
être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que les conditions
matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement, de dissimulation ou de
conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de dissimuler l'origine ou le
bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ». Cette présomption simple permet aux
autorités de poursuite qui suspectent des opérations de placement, dissimulation ou
conversion (C. pén. art. 324-1, al. 2) et qui ont mis en évidence, dans le cadre de leurs
investigations, l'utilisation de montages opaques dont la justification économique n'est
pas apparente, de présumer que les biens ou les revenus sur lesquels portent ces
opérations proviennent d'un crime ou d'un délit. Il appartient alors à la personne
poursuivie d'en démontrer l'origine licite.
À noter que la présomption s'applique non seulement pour des montages opaques,
mais également en cas de simple dissimulation physique du produit d'une infraction,
dissimulation réalisée par son auteur lui-même (Cass. crim. 6-3-2019 no 18-81.059 FS-
PBI : dissimulation d'une somme d'argent, en liquide, lors d'un passage de frontière ;
Cass. crim. 15-9-2021 n° 21-81.308 F-D). Ainsi, les conditions douteuses de transports
de fonds (en l’espèce, dans une cache aménagée à l’intérieur d’un véhicule) doivent
amener le juge pénal à appliquer la présomption générale d’origine illicite de ces fonds,
même si les poursuites étaient initialement basées sur l’infraction spéciale de
blanchiment du trafic de stupéfiants pour lesquelles les preuves s’étaient avérées
insuffisantes (Cass. crim. 8-12-2021 n° 21-81.223 F-D : AJ pénal 2022 p. 87).
La chambre criminelle a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil
constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 324-1-
1 du Code pénal dès lors que la présomption d'illicéité instituée par ce texte, de l'origine
des biens ou revenus sur lesquels porte le délit de blanchiment de l'article 324-1 du Code
pénal, n'est pas irréfragable. Elle nécessite en outre, pour être mise en œuvre, la réunion
de conditions de fait ou de droit faisant supposer la dissimulation de l'origine ou du
bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus.

3. Indifférence de l'absence de poursuite contre l'auteur de l'infraction


principale.
Peu importe que l'auteur de l'infraction principale n'ait pas été poursuivi ou condamné
parce que décédé, en fuite ou demeuré inconnu. De même en cas d'acquittement ou de
relaxe de l'auteur de l'infraction principale, la poursuite du délit de blanchiment demeure
possible à condition que ces décisions n'aient pas détruit l'existence même de l'infraction
ou la qualification de crime ou de délit. Les causes de non-responsabilité tenant à l'auteur

9
de l'infraction principale (jeune âge, état de démence ou contrainte exercée sur lui) sont
sans effet sur la poursuite de l'auteur du blanchiment. Il importe peu également que
l'auteur de l'infraction principale soit couvert par une immunité familiale ou que
l'infraction principale soit prescrite (Cass. crim. 31-5-2012 no 12-80.715 F-PB : D. 2012
p. 1678).
L'infraction principale peut avoir été commise à l'étranger, par un étranger ou par un
Français non revenu en France. L'article 6, 2-a de la convention du Conseil de l'Europe
faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 [262] prévoit que n'entre pas en ligne de compte
pour la poursuite de l'auteur du blanchiment le fait que l'infraction principale soit ou non
de la compétence de la juridiction pénale saisie pour les faits de blanchiment. Les juges
français considèrent que les textes qui définissent le délit de blanchiment n'imposent ni
que l'infraction d'origine ait eu lieu sur le territoire national, ni que les juridictions
françaises soient compétentes pour la poursuivre. Dès lors que le blanchiment est une «
infraction générale, distincte et autonome », il suffit que les faits délictueux puissent
recevoir une qualification pénale en France (Cass. crim. 24-2-2010 no 09-82.857 FS-PF :
RJDA 7/10 no 776).
Le prévenu, ministre du pétrole du Nigeria de 1995 à 1999, a perçu, de la part de
compagnies pétrolières, des commissions en contrepartie de l'octroi de concessions ou
de licences d'exploitation; les fonds provenant de ces commissions, après avoir transité
sur divers comptes ouverts à Genève et à Gibraltar, ont été déposés en espèces, en 1999
et 2000, pour un montant de 16 millions d'euros, au Crédit agricole Indosuez et à sa filiale,
la Banque de gestion privée Indosuez, à Paris; le prévenu a fait émettre des chèques par
ces établissements bancaires, dans lesquels il n'était titulaire d'aucun compte, pour
acquérir en France des biens mobiliers et immobiliers; il est poursuivi du chef de
blanchiment aggravé pour avoir, de façon habituelle, fait transiter, circuler et convertir le
produit de la corruption active et passive au Nigéria; pour déclarer le prévenu coupable
de ce délit, l'arrêt énonce que les fonds transférés sur le territoire national, où ils ont été
blanchis, étaient la contrepartie d'actes de sa fonction accomplis par lui au Nigéria ; les
juges relèvent que de tels faits sont réprimés en France sous la qualification de corruption
d'un dépositaire de l'autorité publique; ils ajoutent que les textes qui définissent le délit
de blanchiment n'imposent ni que l'infraction ayant permis d'obtenir les sommes
blanchies ait eu lieu sur le territoire national ni que les juridictions françaises soient
compétentes pour la poursuivre; en l'état de ces énonciations, et dès lors que le délit de
blanchiment est une infraction générale, distincte et autonome, la cour d'appel a justifié
sa décision.

B. Éléments constitutifs du blanchiment


1. Éléments matériels
Le blanchiment est une infraction de commission. Il s'ensuit que la simple
inobservation des obligations de vigilance à la charge des professionnels soumis
aux obligations anti blanchiment ne peut en principe constituer l'élément matériel de
l'infraction. Cependant, si l'abstention volontaire vise à faciliter la commission de
l'infraction de blanchiment on serait en présence d'un cas de complicité par abstention
punissable lorsque l'auteur disposait des moyens légaux de faire obstacle à la
commission de l'infraction et que délibérément, il ne l'a pas fait. Tel pourrait être le cas
du banquier qui, délibérément, ne mettrait pas en œuvre les obligations de vigilance dans
le but de réaliser une opération de blanchiment.

10
L'article 324-1 du Code pénal distingue, au titre de l'élément matériel, deux modalités de
blanchiment, qu'il décrit dans deux alinéas.
a. Faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou
des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un
profit direct ou indirect
Généralité des moyens. L'article 324-1, al. 1 [258] définit le blanchiment comme le fait
de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des
revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou
indirect. La loi n'exige pas que le moyen mis en œuvre soit frauduleux de sorte que tout
comportement suffisamment objectif peut servir de fondement aux poursuites pour
blanchiment. Les juges du fond devront le constater pour permettre à la Cour de
cassation d'exercer son contrôle sur la qualification des faits. La diversité des moyens
mis en œuvre dans le processus de blanchiment est très grande : couvertures justifiant
des rentrées d'argent liquide : commerces dont la majeure partie des recettes se fait en
liquide (épiceries, sex-shops, laveries, restaurants, casinos, boîtes de nuit, etc.) ;
couvertures justifiant de l'argent en provenance de l'étranger (sociétés d'import-export,
tourisme, etc.) ; intervention de conseillers juridiques ou d'intermédiaires financiers,
personnes physiques ou sociétés-écrans (trusts, fiduciaires, holdings, sociétés fictives).
Pour un autre exemple : souscription de bons anonymes et en les utilisant comme enjeux
dans les casinos, pour les transformer en ressources licites et non imposables (Cass. crim.
20-2-2008 no 07-82.977 FS-PF : D. 2008 études p. 1585 note C. Cutajar [289]).
Biens et revenus blanchis. Il s'agit des biens et des revenus appartenant à l'auteur du
délit principal ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Les biens peuvent être
incorporels ou corporels, meubles ou immeubles. Il peut également s'agir d'actes
juridiques ou de documents attestant d'un titre ou d'un droit sur le bien (Convention du
Conseil de l'Europe du 8-11-1990 art. 1).
La loi du 13 mai 1996 a substitué au terme de ressources celui de revenus qui
permet d'appréhender le profit indirect procuré par l'infraction principale.
Preuve de l'élément matériel. Le juge devra établir concrètement en quoi l'infraction
principale a procuré un profit à son auteur. Le profit devant s'entendre comme un gain
ou un avantage pécuniaire procuré directement ou indirectement par la commission de
l'infraction principale. L'accusation n'a pas à faire la preuve de ce que les biens ou les
revenus qui ont fait l'objet de la justification mensongère proviennent effectivement d'un
crime ou d'un délit. Il suffit de démontrer, d'une part, que la justification est mensongère
et, d'autre part, que son bénéficiaire a commis l'infraction principale et en a obtenu un
profit. C'est une différence essentielle avec l'autre forme de blanchiment prévue par
l'article 324-1, al. 2 du Code pénal qu'est le concours à une opération de placement, de
dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit.
La Cour de cassation sanctionne le défaut de caractérisation de l'élément matériel. Elle a
ainsi censuré un arrêt qui n'avait pas caractérisé les faits de blanchiment imputables au
prévenu (Cass. crim. 17-2-2016 no 14-86.969 P : D. 2016 act. p. 483 [297]).
Exemples
Facilite la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur des
délits d'introduction de viandes anglaises en violation de l'embargo du 21 mars 1996, de

11
tromperies aggravées et de falsifications, le prévenu qui avait établi la comptabilité de
sociétés sans activité réelle, en déposant les statuts d'une société fictive, en effectuant
des opérations de versements et de retraits en espèces sur les comptes d'autres sociétés
(Cass. crim. 7-10-2009 no 08-84.348 [290]).
Facilitent la justification mensongère de l'origine des revenus issus d'infractions à la
législation sur les jeux de hasard, les prévenus qui, par l'entremise de sociétés, ont acquis
des terrains et ont fait construire des immeubles sur ces derniers grâce à ces revenus
(Cass. crim. 30-4-2014 no 08-85.410 et 12-85.115 : Bull. crim. no 118).
Commet l'infraction de blanchiment le professionnel qui fabrique de faux certificats de
vente, des attestations mensongères et des factures fictives pour permettre la revente
d'engins de travaux publics provenant de vols (Cass. crim. 26-1-2011 : D. 2011 Pan. p.
1867, obs. Mascala).

b. Apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de


conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit
L'article 324-1, al. 2 du Code pénal [258] permet d'appréhender toutes les opérations
d'ingénierie financière et juridique qui permettent de placer, de dissimuler ou de
convertir le produit d'un crime ou d'un délit. Il incrimine l'aide et la collaboration
apportées aux opérations de placement, de dissimulation et de conversion et non les
opérations sur lesquelles porte le concours. La participation doit se manifester par des
actes positifs.
Le placement consiste à introduire l'argent sale provenant directement d'une activité
illicite dans le système économique et financier.
Pour un exemple de placement d'une somme d'argent issue d'un don en espèces à
un parti politique constitutif du délit de financement illicite, voir TGI Paris 16-2-
2004 no 9612469010 : Bull. Joly 2004 p. 787 note C. Ducouloux-Favart.
Le fait de recevoir des fonds frauduleux sur son compte bancaire personnel, puis
de les transférer à des tiers bénéficiaires via internet constitue une infraction de
blanchiment (CA Toulouse 16-1-2007 no 06-00631, 3e ch. corr. : JCP G 2007 IV no
1744 [288]). En l'espèce, la titulaire du compte a effectivement apporté, en toute
connaissance de cause, un concours personnel actif à la commission de l'infraction.
La dissimulation vise à brouiller les pistes et la traçabilité de cet argent en lui faisant
subir des transformations diverses.
La notion de dissimulation est entendue assez largement par la Cour de cassation.
Par exemple, constitue une opération de dissimulation le transfert de fonds
effectué sans la déclaration imposée par les articles 464 du Code des douanes et L
152-1 du Code monétaire et financier (Cass. crim. 18-3-2020 n° 18-86.491 FS-PBI
: D. 2020 act. p. 654 [307]).
La conversion désigne les procédés permettant de transformer une chose en une autre.
Ainsi, les comportements incriminés sont extrêmement diversifiés et permettent
d'appréhender les techniques de blanchiment qui évoluent au gré de l'imagination des
blanchisseurs.
Par exemple, s'est rendue coupable du délit de blanchiment la prévenue qui a accepté
de recevoir des virements frauduleux sur son compte bancaire personnel, et de procéder

12
au transfert des fonds ainsi obtenus vers des tiers bénéficiaires résidant en Russie, la
prévenue ayant ainsi apporté un concours personnel actif, et en toute connaissance de
cause, à une opération pour laquelle elle a servi d'intermédiaire (CA Toulouse 16-1-2007
: JCP 2007 IV p. 1744).

2. Élément moral
Le principe de légalité s'oppose à la reconnaissance en droit français d'un blanchiment
par imprudence ou, a fortiori, d'un délit matériel en l'absence de texte. L'élément moral
du blanchiment est l'intention. En effet, aux termes de l'article 121-3, al. 1er du Code
pénal, « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Les exceptions
au principe général posé ne peuvent être établies que par la loi. Elles concernent les
hypothèses où la loi consacre, au titre de l'élément moral, la mise en danger délibérée de
la personne d'autrui (C. pén. art.121-3, al. 2) et celles où elle institue la faute
d'imprudence (C. pén. 121-3, al. 3). Dès lors que le texte d'incrimination ne prévoit pas
expressément la faute d'imprudence, c'est le principe général posé à l'article 121-3, al.
1er qui s'applique. Le droit international consacre la même solution. Ainsi, la convention
du Conseil de l'Europe faite à Strasbourg le 8 novembre 1990 vise les actes de
blanchiment commis intentionnellement (art. 6, 1).
a. Contenu de l'intention
L'intention suppose qu'il y ait eu chez l'agent la conscience et la volonté infractionnelles.
S'agissant de l'infraction générale de blanchiment, il suffit de démontrer que le prévenu
savait que les biens blanchis provenaient d'une infraction, sans qu'il soit nécessaire de
prouver quel crime ou délit spécifique était à l'origine de ces biens (Circ. DACG 96-11 G
du 10-6-1996). La Cour de cassation a ainsi déduit l'élément intentionnel de la
connaissance par le prévenu de l'origine illicite des fonds blanchis dans une espèce où le
conseiller financier croyait convertir des fonds provenant de fraudes fiscales et
douanières alors qu'en réalité il s'agissait de fonds provenant de vols de matériels
informatiques (Cass. crim. 3-12-2003 no 6345 FS-PF : JCP E 2004 p. 106 no 91, JCP G 2004
IV no 1099, JCP G 2004 II no 10066 note C. Cutajar).
Dans une affaire de transferts illicites de fonds dont l'origine était le produit de
travail dissimulé et de fraude fiscale, la chambre criminelle a également jugé que
pour caractériser l'infraction de blanchiment, il suffit d'établir que son auteur avait
conscience de l'origine frauduleuse des fonds et non de la nature exacte des
infractions d'origine (Cass. crim. 18-1-2017 no 15-84.003 F-D).
Autre exemple, dans lequel une société a été poursuivie du chef de blanchiment
aggravé pour avoir vendu à une personne 24 véhicules, en acceptant en paiement
des espèces pour des montants supérieurs à ceux prévus par les dispositions
légales ou réglementaires et des chèques établis par une entreprise ne
correspondant pas à l'identité de l'acquéreur effectif des véhicules, en ne vérifiant
pas l'identité de celui-ci, en ne déclarant pas ces transactions au service Tracfin et
en employant des circuits bancaires qui ont permis de dissimuler l'origine des
fonds et de contourner la législation concernant les paiements en numéraires, avec
cette circonstance que les faits ont été commis de manière habituelle. La décision
de condamnation est justifiée dès lors qu'il s'en déduit la volonté de la prévenue de
dissimuler l'origine des fonds (Cass. crim. 17-3-2015 no 14-80.805 F-D [295]).

13
En outre, lorsqu'il est avéré que le blanchisseur connaissait la nature de l'infraction à
l'origine des biens et des fonds blanchis, il s'expose à la sanction attachée à l'infraction
principale si elle est plus sévère que celle sanctionnant le blanchiment.

b. L'intention peut-elle être établie sur la base de circonstances de faits objectives


?
L'article 6, 2-c de la convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 prévoit la
possibilité de déduire l'élément intentionnel du délit de blanchiment de circonstances
objectives ou de présumer la connaissance de l'origine délictueuse du produit. En outre,
la directive du 4 décembre 2001 énonce que « la connaissance, l'intention ou la
motivation, qui doit être un élément des activités susmentionnées, peut être établie sur
la base de circonstances de fait objectives ». Les principes généraux qui régissent le droit
de la preuve en matière pénale conduisent à affirmer qu'il appartient à celui dont
l'intention doit être prouvée de combattre les apparences et les indices qui jouent contre
lui. Dès lors, la connaissance de l'origine frauduleuse des biens blanchis s'induit des
constatations de fait appréciées souverainement par les juges du fond au vu des éléments
de preuve et des faisceaux de présomptions de faits soumis aux débats. En matière de
recel, la chambre criminelle utilise la formule selon laquelle « le prévenu ne pouvait
ignorer l'origine délictueuse ou criminelle de la chose, en raison de certains faits ». Cette
théorie jurisprudentielle de la « connaissance obligée » n'est pas exempte de critiques.
On peut en effet y voir un détournement inquisitorial et arbitraire des règles
d'administration des preuves. La question est loin de n'être que théorique puisqu'elle
conditionne la culpabilité de l'auteur. Cela étant, en l'état du droit positif, le juge peut
démontrer la culpabilité de l'auteur d'une infraction quelconque à partir d'une conviction
forgée sur la vraisemblance et la probabilité et pas exclusivement sur la certitude. La
mauvaise foi pourra s'induire de présomptions de fait déduites des circonstances
particulières de l'opération.
Ainsi, pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment, la chambre criminelle approuve
l'arrêt qui relève qu'il a acheté un bien indivis grâce aux fonds provenant du délit
d'escroquerie commis par sa compagne et qui avaient été versés sur son compte. Les
juges ajoutent qu'au regard de l'importance des sommes en cause et de la connaissance
par le prévenu de la situation fiscale et judiciaire de sa compagne ainsi que de la situation
financière exacte du couple, il ne pouvait raisonnablement ignorer l'origine
frauduleuse desdits fonds (Cass. crim. 26-10-2016 no 15-84.552 FS-PBRI).
Les juridictions du fond déduisent l'élément moral du blanchiment d'un faisceau de
circonstances objectives et la Cour de cassation exerce un contrôle sur la motivation. La
chambre criminelle a ainsi approuvé les juges du fond d'avoir déduit l'intention de ce que
les prévenus avaient déposé d'importantes sommes d'argent sur plusieurs comptes
bancaires et qu'ils avaient utilisé une partie de ces sommes pour acquérir des biens
immobiliers (Cass. ass. plén. 4-10-2002, no 93-81.533 : Bull. civ. ass. plén. no 1). Elle a
encore approuvé les juges du fond d'avoir déduit l'intention de ce que le prévenu s'était
abstenu de manière réitérée de procréer à la déclaration annuelle de ses revenus, de
l'importance des sommes dissimulées et de la volonté de soustraire des revenus en
investissant les sommes dans la souscription de bons anonymes et de les utiliser comme
enjeux dans des casinos dans le but de faire disparaître leur origine illicite (Cass. crim.
20-2-2008 précité).

14
Ainsi, la qualité de professionnel du prévenu influencera les juges du fond qui ne
manqueront pas de la relever et de confronter le respect des devoirs et obligations de sa
profession au regard de l'opération conduite (pour un exemple s'agissant de la revente
par un professionnel d'engins de chantier volés, professionnel qui s'était abstenu de
vérifier l'origine du matériel, voir Cass. crim. 26-1-2011 no 10-84.081 : Dr. pén. 2011
comm. no 44). Par exemple, le fait de se refuser à identifier ses clients, de ne pas respecter
les usages de la profession constituent des éléments de fait objectifs qui peuvent être pris
en considération et qui permettront de déduire que l'auteur se livrait sciemment au
blanchiment d'argent. En raison de l'existence du dispositif préventif imposé par la loi
pour lutter contre l'utilisation du système financier à des fins de blanchiment, les
personnes et organismes assujettis auront beaucoup de mal à dégager leur
responsabilité pénale dans des affaires qui révèlent par exemple que des déclarations de
soupçon n'ont pas été faites dans des circonstances où la loi l'imposait. Voir également C.
Cutajar , « Blanchiment d'argent : quel risque pénal en cas d'inobservation par les
professionnels des obligations de vigilance ? » : Gaz. Pal. 26 févr. 2005, no F5763, p. 16 ;
C. Cutajar , « Le blanchiment », LPA 18 juin 2008, p. 47.
La cour d'appel de Paris a retenu qu'« eu égard à son expérience professionnelle, à sa
maîtrise des opérations d'import-export, [le prévenu] ne pouvait ignorer que les
sommes provenant de sociétés américaines à l'activité inconnue et sans lien avec l'activité
de son entreprise, étaient issues de la violation de dispositions fiscales, douanières et de
change dont le non-respect est sanctionné pénalement dans tous les pays où il exerce ses
activités (CA Paris 15-12-2010, no 10/01350).
La qualité de fondé de pouvoir d'une banque a été retenue par la chambre criminelle
pour approuver les juges du fond d'avoir jugé que ce dernier « n'a pu ignorer le caractère
frauduleux des fonds ayant transité sur les comptes qu'il a gérés, n'ayant rien tenté pour
en connaître l'origine malgré le fonctionnement atypique de ces comptes et ayant
sciemment méconnu les obligations auxquelles il était personnellement soumis en vertu
de l'article L 562-2 du Code monétaire et financier » (Cass. crim. 8-4-2010 no 09-84.525).
Un avocat, poursuivi pour blanchiment du produit de détournement de fonds placés sous
main de justice, a été considéré comme étant un professionnel du droit qui ne peut se
prévaloir d'aucune erreur de droit ; en utilisant les facilités que lui procurait sa
profession d'avocat, il a apporté sciemment son concours au placement de ces sommes
d'argent dont il savait qu'elles avaient été prélevées sur des comptes bloqués (Cass. crim.
4-5-2011 no 10-84.456 F-PB : D. 2012 p. 1706).

II. Répression du blanchiment


La tentative de blanchiment est punie des mêmes peines que le blanchiment consommé
(C. pén. art. 324-6).
Prescription. Le délai de prescription de l'action publique est désormais de 20 années,
celle des délits de 6 ans (CPP art. 7 s.).
Le point de départ du délai de prescription court en principe à compter du jour où
l'infraction a été commise, c'est-à-dire du jour où tous les éléments constitutifs de
l'infraction sont réunis. S'agissant du blanchiment, il s'agit du jour de l'acte de facilitation
de la justification mensongère de l'origine des fonds ou de celui qui matérialise la
participation à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion des fonds.

15
Exemple La chambre criminelle a, dans les circonstances suivantes, approuvé la
cour d'appel d'avoir jugé les faits non prescrits et condamné le prévenu : le
prévenu, propriétaire d'un appartement depuis 1995, est poursuivi du chef de
blanchiment pour avoir renouvelé son acquisition en février 1999 en rachetant,
avec des fonds provenant du commerce d'armes, la créance détenue par une
société écran sur la société civile immobilière détentrice de l'immeuble, tandis
qu'un second prévenu, auquel la propriété de cet appartement a été transférée en
décembre 1999, est poursuivi du chef de blanchiment aggravé pour avoir prêté son
concours à certaines de ces opérations. Cette décision est justifiée dès lors que,
d'une part, la prescription n'était pas acquise à la date des opérations retenues au
titre du blanchiment et que, d'autre part, celles-ci sont postérieures à l'entrée en
vigueur, le 15 mai 1996, de la loi réprimant ce délit (Cass. crim. 16-1-2013 no 11-
83.689 : Bull. crim. no 17).
Le délit de blanchiment est une infraction instantanée, qui s'exécute en un trait de
temps. Cela implique que le délai de prescription commence à courir à partir de l'acte de
dissimulation du produit de l'infraction (ou du dernier acte de dissimulation en cas de
répétition). Le fait que les fonds dissimulés soient maintenus sur un compte à l'étranger
n'a pas pour effet de reporter le point de départ du délai (Cass. crim. 11-9-2019 no 18-
81.040 FS-PBRI).

A. Blanchiment simple
1. Peines applicables aux personnes physiques
a. Emprisonnement et amende
Le blanchiment est simple lorsqu'il n'est pas réalisé dans l'une des circonstances visées
aux articles 324-2 et 324-4 du Code pénal [258]. Il est puni de 5 ans d'emprisonnement
et de 375 000 euros d'amende. L'article 324-3 du Code pénal [258] permet d'élever la
peine d'amende jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont
porté les opérations de blanchiment.
Le juge doit motiver sa décision, en tenant compte de la gravité des faits, de la
personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, notamment de ses ressources
et de ses charges (Cass. crim. 15-5-2019 no 18-84.494 FS-PBI [303], censure d'une
condamnation à une amende et à la confiscation du produit de l'infraction pour défaut de
motivation sur la gravité des faits).
Lorsque le délit principal est une fraude fiscale, l'assiette de l'amende
proportionnelle est déterminée en prenant pour base de calcul le montant des
impôts éludés, et non celui des sommes imposables dissimulées (Cass. crim. 11-9-
2019 no 18-81.040 FS-PBRI [304]).
L'emprisonnement est réduit de moitié lorsque la personne poursuivie, auteur ou
complice, a averti l'autorité administrative ou judiciaire, dès lors que cette information a
permis de faire cesser l'infraction ou d'identifier, le cas échéant, les autres auteurs ou
complices (C. pén. art. 324-6-1, al. 2 [258]).
De même, le repentir est encouragé : toute personne qui a tenté de commettre un
blanchiment est exempte de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire,
elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres
auteurs ou complices (C. pén. art. 324-6-1, al. 1 [258]).

16
b. Peines complémentaires
L'article 324-7 du Code pénal prévoit 12 peines complémentaires applicables aux
personnes physiques.
Peines complémentaires restrictives de liberté
- Interdiction de séjour (C. pén. art. 324-7, 10o ). Les modalités de l'interdiction de
séjour sont fixées par l'article 131-31 du Code pénal.
- Interdiction pour une durée de 5 ans au plus de quitter le territoire de la République
(C. pén. art. 324-7, 11o)
- Interdiction du territoire français prononcée à titre définitif ou pour une durée qui ne
peut excéder 10 ans (C. pén. art. 324-8).
Peines complémentaires atteignant directement le patrimoine
- Confiscation du corps, du produit ou de l'instrument du délit (C. pén. art. 324-7,
8o). Il s'agit de la chose qui a servi ou qui était destinée à commettre l'infraction ou de
la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution. Selon
la circulaire du 14 mai 1993, il s'agirait des « objets appartenant à des personnes de
bonne foi n'ayant pas elles-mêmes été poursuivies ou condamnées et dont le titre de
propriété ou de détention est régulier ». La chose confisquée est, aux termes de l'article
131-21 du Code pénal, sauf disposition particulière prévoyant sa destruction ou son
attribution, dévolue à l'État. Cependant, elle demeure grevée, à concurrence de sa
valeur, des droits réels licitement constitués au profit de tiers.
- Confiscation de certains biens sans rapport direct avec le blanchiment (C. pén.
art. 324-7, 6o et 7o). Il s'agit de la confiscation d'un ou de plusieurs véhicules
appartenant au condamné et de la confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le
condamné est le propriétaire ou dont il a la libre disposition.
- Confiscation de tout ou partie des biens du condamné quelle qu'en soit la nature,
meubles ou immeubles, divis ou indivis (C. pén. art. 324-7, 12o). En présence d'une
condamnation pour blanchiment, la confiscation peut porter sur les biens qui ne sont
pas le produit d'un trafic de stupéfiants et qui peuvent avoir été acquis en toute légalité,
que ce soit avant ou après la commission de l'infraction de blanchiment. Des mesures
conservatoires peuvent être prises également sur ces biens pendant l'information
judiciaire.
La confiscation est alors prononcée :
- par le juge des libertés et de la détention sur requête du procureur de la République ;
- ou par le juge d'instruction, d'office ou à la demande du parquet ; si le juge décide
d'office une saisie du patrimoine, l'avis du procureur de la République est requis à peine
de nullité de l'ordonnance, même si la saisie ne porte que sur certains éléments du
patrimoine et non son intégralité (Cass. crim. 11-7-2012 no 12-82.050 FS-PB : D. 2012
p. 1964).
La confiscation de biens dont le condamné a la libre disposition mais qui appartiennent
à un tiers est possible, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, qui doit être
mis en mesure de présenter ses observations (C. pén. art. 131-21). Une confiscation en
valeur peut également être décidée. Elle s'applique sur tous les biens du condamné,
quelle qu'en soit la nature ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, sur
les biens dont il a la libre disposition.

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Peines privatives de droits et de capacités d'exercice
- Interdiction, selon les modalités des articles 131-26 et 131-26-1 du Code pénal des
droits civiques, civils et de famille pour une durée de cinq ans au plus s'agissant d'une
condamnation pour délit (C. pén. art. 324-7, 9o).
- Interdiction, selon les modalités de l'article 131-27 du Code pénal (C. pén. art. 324-7,
1o) :
• d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise pour
une durée de cinq ans au plus ;
• d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de
gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son
propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou
industrielle ou une société commerciale, pour une durée de quinze ans au plus. Ces
interdictions d'exercer peuvent être prononcées cumulativement.
- Interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds
par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser les cartes de paiement
pour une durée de cinq ans au plus (C. pén. art. 324-7, 3o) ;
- Suspension du permis de conduire pour une durée de cinq ans au plus. La suspension
peut être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle (C. pén. art. 324-
7, 4o). Annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance
d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus (C. pén. art. 324-7, 5o).
- Interdiction de détenir ou de porter pour une durée de cinq ans au plus une arme
soumise à autorisation (C. pén. art. 324-7, 2o).

2. Peines applicables aux personnes morales


a. Amende
Le maximum de l'amende, selon les modalités précisées à l'article 131-38 du Code pénal,
s'élève à 1 875 000 euros, soit le quintuple de l'amende prévue pour les personnes
physiques (C. pén. art. 324-9). L'amende proportionnelle peut également être prononcée.
b. Confiscation
Le tribunal peut prononcer la confiscation de tout ou partie des biens de la personne
morale condamnée ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, de ceux dont
elles ont la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou
indivis (C. pén. art. 324-9).
c. Peines mentionnées à l'article 131-39 du Code pénal
L'article 131-39 prévoit lui-aussi la peine de confiscation, mais son application est limitée
aux biens qui sont le produit du blanchiment.
- La dissolution, lorsque la personne morale a été créée pour commettre les faits
incriminés.
- La dissolution, lorsque la personne morale a été détournée pour commettre un crime
ou un délit puni, en ce qui concerne les personnes physiques, d'une peine
d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans.

18
Lorsque la personne morale a été détournée de son objet et qu'elle a permis le
blanchiment de sommes provenant du trafic de stupéfiants, elle encourt la dissolution
même si elle a été créée avant la commission des infractions à la législation sur les
stupéfiants (Cass. crim. 16-12-2015 no 14-85.667 FS-PB).
- L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer
directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
- Le placement sous surveillance judiciaire pour une durée de cinq ans au plus.
- La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou
de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les
faits incriminés.
- L'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus.
- L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de faire appel
public à l'épargne.
- L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que
ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont
certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement.
- La peine de confiscation, dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article
131-21 [258].
- L'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite,
soit par tout moyen de communication audiovisuelle.

B) Blanchiment aggravé
Le blanchiment est aggravé par l'accomplissement de l'infraction selon certaines
modalités matérielles (C. pén. art. 324-2) et en raison de la connaissance de l'infraction
principale (C. pén. art. 324-4)

1. Circonstances aggravantes de l'article 324-2 du Code pénal


La réalisation du blanchiment dans l'une des trois circonstances énumérées par l'article
324-2 du Code pénal, c'est-à-dire lorsqu'il est commis de façon habituelle ou en utilisant
les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ou en bande organisée,
expose son auteur à un emprisonnement de dix ans et une amende de 750 000 euros.
Blanchiment commis de façon habituelle. La loi ne donne pas la définition de
l'habitude. Selon une jurisprudence aujourd'hui bien établie, l'habitude est caractérisée
par l'accomplissement de deux faits successifs.
Utilisation des facilités procurées par l'exercice d'une activité professionnelle. Tel
sera le cas pour les professionnels, ceux visés par l'obligation de déclarer les soupçons
auprès de Tracfin mais, la loi ne précisant pas, il suffit que l'activité professionnelle ait
permis la réalisation du blanchiment pour que la circonstance aggravante soit remplie
(pour un exemple s'agissant d'une SCP : Cass. crim. 27-6-2012 no 11-86.773).
Bande organisée. La bande organisée est définie par l'article 132-71 du Code pénal
comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation,

19
caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ».
L'aggravation résultant de la commission du blanchiment en bande organisée témoigne
de la volonté du législateur de lutter contre la criminalité organisée transnationale.
Association de malfaiteurs. L'association de malfaiteurs est tout groupement formé ou
toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits
matériels, d'un ou de plusieurs crimes ou d'un ou de plusieurs délits punis d'au moins
cinq ans d'emprisonnement (C. pén. art. 450-1, al. 1) Lorsque les infractions préparées
sont des crimes ou des délits punis de dix ans d'emprisonnement, la participation à une
association de malfaiteurs est punie de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros
d'amende. Lorsque les infractions préparées sont des délits punis d'au moins cinq ans
d'emprisonnement, la participation à une association de malfaiteurs est punie de cinq
ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. L'exemption de peine (C. pén. art.
450-2), les peines complémentaires (C. pén. art. 450-3) et la responsabilité des
personnes morales (C. pén. art. 450-4) s'appliquent à l'infraction ainsi définie.
L'objectif avoué du législateur est de réprimer efficacement la participation à des
activités financières criminelles. Ce dispositif permet d'incriminer les actes
préparatoires à une opération de dissimulation de l'origine des fonds ou le concours à
une telle opération. Seront ainsi concernés les délits d'extorsion simple (C. pén. art. 312-
1), d'escroquerie simple et aggravée (C. pén. art. 313-1 s.), de blanchiment simple (C. pén.
art. 324-1) et de faux pour les actes émanant des administrations publiques (C. pén. art.
441-2 et 441-3). Cette infraction devrait aussi permettre la mise en œuvre plus précoce
de l'action publique.
Non-justification de ressources correspondant au train de vie. Le fait de ne pas
pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir
justifier de l'origine d'un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou
plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d'au
moins cinq ans d'emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect,
soit sont les victimes d'une de ces infractions, est puni d'une peine de trois ans
d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (C. pén. art. 321-6). Le train de vie d'une
personne et ses relations habituelles avec une ou plusieurs autres coupables notamment
de blanchiment laissent donc présumer son implication dans cette infraction. Il en est
de même en cas d'association de malfaiteurs. Ce texte permet d'appréhender les
personnes qui gravitent dans l'entourage proche des participants à une opération de
blanchiment et bénéficient du profit éventuel d'une infraction sans pour autant réaliser
une telle infraction.
Conséquences des circonstances aggravantes sur la sanction
Personnes physiques (C. pén. art. 324-2 et 324-3). L'emprisonnement est porté à dix
ans. Cette aggravation permet de soumettre l'infraction commise à un régime plus sévère,
proche de celui applicable en matière de crime en ce qui concerne notamment la récidive
(C. pén. art. 132-8 et 132-9) : la période de sûreté automatique (C. pén. art. 132-23).
L'amende est de 750 000 euros. Elle peut être élevée jusqu'à la moitié de la valeur des
biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
S'agissant des peines complémentaires, il convient de noter que l'interdiction d'exercer
une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale au cours ou à
l'occasion de laquelle l'infraction a été commise peut être définitive ou temporaire dans
le cas du blanchiment aggravé de l'article 324-2 du Code pénal (C. pén. art. 324-7, 1o).

20
Personnes morales. La mise en œuvre conjuguée des articles 324-2, 131-38, 324-9, 1o
du Code pénal expose la personne morale à une amende de 3 750 000 euros. Avec la mise
en œuvre conjuguée des articles 324-3 et 131-38, l'amende peut atteindre jusqu'à 2,5 fois
la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.

2o Circonstance aggravante de l'article 324-4 du Code pénal


Description
Aux termes de l'article 324-4 du Code pénal, lorsque le crime ou le délit dont proviennent
les biens et les fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment est puni d'une
peine d'emprisonnement supérieure à celle encourue en application des articles 324-1
et 324-2 du Code pénal, le blanchiment est puni des peines attachées à l'infraction
principale si l'auteur en a eu connaissance. Si cette infraction est accompagnée de
circonstances aggravantes, le blanchiment est puni des peines attachées aux seules
circonstances aggravantes dont l'auteur avait connaissance.
Concrètement, cela signifie que si l'infraction principale est un vol avec violence ayant
entraîné la mort et que l'auteur du blanchiment connaissait la circonstance aggravante
du vol, le blanchiment dont il est l'auteur sera qualifié de crime et puni de la réclusion
criminelle à perpétuité (C. pén. art. 311-10).
Peines complémentaires attachées à l'infraction principale
L'article 324-4 du Code pénal mentionne « les peines attachées à l'infraction » principale.
Ne distinguant pas entre les peines principales et les peines complémentaires, il y a lieu
de considérer que les peines complémentaires attachées à l'infraction principale seront
applicables au blanchisseur. La mutation du blanchiment en crime pourra alors conduire
à mettre en œuvre une peine complémentaire qui n'était pas prévue pour l'infraction
principale elle-même.

21
LE RECEL

Article 321-1
Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire
office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un
crime ou d'un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout
moyen, du produit d'un crime ou d'un délit.
Le recel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.

Le recel est un délit de conséquence, qui suppose nécessairement, au titre de ses


conditions préalables, une chose provenant d’un crime ou d’un délit.

I. Les conditions préalables


A. L’existence d’un crime ou d’un délit
La chose doit provenir d’un crime ou d’un délit. Il ne peut y avoir recel si l’infraction
d’origine est une contravention. Il n’est pas requis que l'auteur de l'infraction d’origine
soit effectivement puni. Le recel est donc constitué même en l’absence de poursuite contre
l’auteur de l’infraction d’origine ou s’il n’a pas été identifié, ou s’il est décédé ou en fuite.
Il en va de même s’il a bénéficié d’une cause de non-imputabilité, ou encore d’une
immunité familiale.
Il ne peut y avoir recel si l’infraction d’origine n’existe pas. Ainsi en est-il en cas de relaxe
de l’auteur poursuivi pour l’infraction d’origine.
« le délit de recel de choses n'est caractérisé que si la chose détenue provient d'un crime
ou d'un délit initial, dûment constitué ; que la décision de relaxe du chef du délit de
banqueroute par détournement d'actif, prononcée au bénéfice du dirigeant de la société,
faute d'élément matériel établi, excluait toute qualification consécutive du délit de recel
de chèques provenant du délit de banqueroute susvisé, l'infraction initiale ne pouvant
être commise que par le dirigeant de la société en état de redressement judiciaire ; qu'en
déclarant l'épouse coupable du délit de recel de chèques issus du délit de banqueroute
pour lequel le mari avait été relaxé, la cour d'appel a entaché sa décision d'un excès de
pouvoir" (Crim. 7 mars 2012, n° 11-80.763)
Les juges du fond doivent démontrer que les biens détenus par les prévenus provenaient
d'une infraction commise antérieurement à leur entrée en possession » (Cass. crim., 28
févr. 2018)
Recel de violation du secret professionnel. Suppose que l’auteur de l’infraction d’origine
soit soumis au secret professionnel. Dès lors, lorsque les circonstances de la divulgation
ne sont pas établies et qu’il existe une possibilité que la divulgation ne soit pas le fait d’une
personne astreinte au secret, le recel doit être écarté (Cass. crim., 1er mars 2017, n° 16-
81.378). En effet, dans une telle hypothèse, l’existence de l’infraction préalable n’est pas
acquise. Toutefois, la Cour de cassation n’exige pas pour autant l’identification de l’auteur

1
de l’infraction d’origine (Cass. crim., 11 mars 2020, n° 19-84.887, Dr. pén. 2020, comm.
133, obs. P. Conte).

B. La chose, objet du recel


L'objet du recel peut être non seulement la chose enlevée, détournée ou obtenue
directement du délit d'origine, mais encore celle qui lui a été subrogée.
Commet un recel l’épouse d’un conservateur de la BNF qui détient sur son compte des
sommes provenant de la vente d’un manuscrit hébraïque volé par son mari (Crim. 27
nov. 2007, n° 07-81.441).
Le recel peut aussi porter sur la chose acquise avec les deniers volés ou détournés (Cass.
crim., 7 oct. 1980 : D. 1981, inf. rap. p. 144, obs. G. Roujou de Boubée).
Le recel peut porter sur toute chose mobilière. La chambre criminelle a retenu le recel
d’un immeuble provenant d’une escroquerie : le prévenu avait bénéficié de la donation de
la nue-propriété d’un immeuble que sa mère avait reçu en héritage grâce à un faux
testament, qu’il l’avait aidé à confectionner (Cass. crim., 28 sept. 2016, n° 15-84.485).
Biens incorporels. Il convient de distinguer selon que l’information obtenue grâce à la
violation d’un secret est publiée ou non. Si elle est publiée, la jurisprudence, rappelant que
l’objet de recel doit être une chose corporelle ne punit le recel que s’il y a détention du
support matériel (Cass. crim., 3 avr. 1995, n° 93-81.569 – Cass. crim., 19 juin 2001, n° 99-
85.188 – Cass. crim., 11 mai 2016, n° 15-82.365).
En revanche, lorsque l’information recelée n’est pas destinée à la publication, la
jurisprudence est confuse.
La chambre criminelle a rejeté le pourvoi formé contre la condamnation du bénéficiaire
de la communication orale d’un secret de fabrique (Cass. crim., 7 nov. 1974 : Bull. crim.
n° 323). Elle a approuvé la condamnation pour recel du responsable d’une loge
maçonnique auquel des policiers avaient communiqué verbalement des informations
nominatives obtenues par la consultation des fichiers informatiques STIC (Cass. crim., 20
juin 2006, n° 05-86.491). Un recel d’apologie du terrorisme, punie par l’article 421-2-5 du
Code pénal, a été retenu à l’encontre du prévenu qui détenait, à la suite d’un
téléchargement effectué en toute connaissance de cause, des fichiers caractérisant
l’apologie d’actes de terrorisme (Cass. crim., 7 janv. 2020, n° 19-80.136). Cette dernière
décision a été rendue avant que le Conseil constitutionnel ne considère que le délit de
recel d'apologie d'actes de terrorisme porte à la liberté d'expression et de communication
une atteinte qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée (Cons. const., 19 juin 2020,
n° 2020-845 QPC ; Dr. pén. 2020, comm. 153 , obs. P. Conte ; Dr. pén. 2020, chron. 12, par
A. Lepage).
Mais dans une autre affaire la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre la
condamnation des prévenus pour recel de violation du secret médical au motif que « ceux-
ci ont été en possession de documents couverts par le secret médical » (Cass. crim., 19 oct.
2005, n° 04-85.098).

II. Éléments constitutifs


A. Élément matériel

2
1. Dissimulation, détention ou transmission
L’alinéa 1 de l’article 321-1 du Code pénal incrimine les faits de dissimulation, de
détention ou de transmission relatifs à une chose provenant d'un crime ou d'un délit.
Chacun de ces agissements, pris isolément, réalise l’élément matériel du recel.
En effet, la détention existe dès que le prévenu a la maîtrise du bien, même s’il se trouve
matériellement chez un tiers.
L’établissement de la dissimulation permet de prouver la mauvaise foi du prévenu dans
la mesure où il lui sera difficile de contester la conscience qu’il avait de l’origine
frauduleuse de la chose dès lors qu’il la cachait.
La détention au sens du recel revêt deux formes. Tout d’abord est receleur celui qui a
matériellement la chose entre les mains : la mainmise matérielle sur le bien caractérise la
détention. Mais la détention est également retenue lorsque, sans avoir la chose entre les
mains, le prévenu en a la maîtrise, il a la faculté d’en disposer.
La Chambre criminelle a jugé à propos de la transmission et de l’office d’intermédiaire,
qu’il n’était pas nécessaire que le prévenu ait eu la détention matérielle de la chose (Cass.
crim., 6 mai 2008, n° 07-87.022).

2. Fait de bénéficier par tout moyen du produit d'un crime ou d'un délit
Dans un premier temps la jurisprudence a étendu le délit à « tous ceux qui, en
connaissance de cause ont, par un moyen quelconque, bénéficié du produit d'un crime ou
d'un délit » (Cass. crim., 9 juill. 1970 : est receleur le passager d’une voiture volée. – Cass.
crim., 9 mai 1974, n° 73-92.382 ; Bull. crim. n° 170 : est receleur le mari qui a profité du
train de vie élevé que sa femme pouvait assurer grâce aux sommes qu’elle avait
détournées et dont il n’avait jamais eu la détention ; Cass. crim., 30 janv. 2019, n° 17-
85.304).
Le législateur a consacré à l’article 321-1, alinéa 2, la dématérialisation de l’acte de recel
en reprenant, presque mot pour mot, la formule jurisprudentielle : « Constitue également
un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un
crime ou d'un délit ».
Le recel est donc réalisé à chaque fois qu’un avantage quelconque est tiré du produit de
l’infraction d’origine sans détention matérielle de la chose. C’est ce que l’on dénomme le
recel profit dont les applications sont extrêmement variées puisqu’il recouvre le recel
d’usage, le recel de services (Cass. crim., 6 févr. 1997, n° 96-80.615), le recel d’emploi fictif
(Cass. crim., 7 nov. 2012, n° 11-88.241), ou encore le recel de marché public obtenu par
favoritisme (Cass. crim., 7 nov. 2012, n° 11-82.961 ). Le recours au recel profit fonde
également la répression à chaque fois que l’auteur de l’infraction originaire règle les
dettes ou les factures d’un tiers qui devient alors receleur (Cass. crim., 22 févr. 2012, n°
11-81.476).
Si le plus souvent, le bénéfice retiré par le receleur est matériel, il peut aussi être
simplement moral. Voir par exemple pour une atteinte à la réputation évitée par le
désintéressement de créanciers grâce à des fonds d’origine frauduleuse : Cass. crim., 27
oct. 1997, n° 96-93.698 ; pour le bénéfice moral tenant à la réputation d’une loge
maçonnique : Cass. crim., 20 juin 2006, préc. n° 8.

3
La notion de profit a été étendu à l’économie réalisée (Cass. crim., 1er juin 2016, n° 15-
81.187 . – V. aussi Cass. crim., 8 mars 2017, n° 15-82.657).
Les faits de commission, qu’il s’agisse de la détention, de la transmission, de l’entremise
ou du profit, doivent être accomplis personnellement par le prévenu.
La chambre criminelle (Cass. crim., 17 déc. 2013, n° 13-80.279) a ainsi cassé l’arrêt qui ne
précisait pas les conditions dans lesquelles le prévenu s'était personnellement rendu
coupable des agissements qui lui étaient reprochés. La Cour de cassation casse les
décisions des juges du fond qui n’indiquent pas que l’épouse ou la concubine avait
personnellement détenu ou profité de tout ou partie des objets ou des fonds obtenus à
l'aide de vols (Cass. crim., 12 juill. 1945 : Bull. crim. n° 83).

B. Élément moral
Le recel est une infraction intentionnelle. Le prévenu doit décider de détenir la chose, de
la transmettre ou d’en profiter en ayant conscience de l’origine frauduleuse de celle-ci.
Peu importe qu’il ignore les circonstances dans lesquelles s’est déroulé l’infraction
d’origine, ses modalités d’exécution, l’identité de son auteur ou de la victime, et sa
qualification. L’établissement de l’élément moral du recel relève de l’appréciation
souveraine des juges fond (Cass. crim. 17 févr. 2016, n° 14-86.969).
Le mobile est indifférent. Cependant, le salarié qui détient des documents appartenant à
son employeur pour les lui opposer dans le cadre d’un litige prud’homal, bénéficie du fait
justificatif tiré de l’exercice strict des droits de la défense (par ex., Cass. crim., 21 juin 2011,
n° 10-87.671). Est également exonéré de sa responsabilité pénale, le journaliste (et/ou de
l’éditeur) poursuivi en diffamation, qui établit la preuve de la vérité des faits diffamatoires
ou de sa bonne foi par la production de pièces issues d’une violation du secret de l’enquête
et de l’instruction (L. 29 juill. 1881, art. 35 , dern. al., réd. L. n° 2010-1, 4 janv. 2010 relative
à la protection du secret des journalistes.).
Les juges déduisent la preuve de la mauvaise foi, de circonstances qui les conduisent à
décider que le prévenu ne pouvait ignorer l’origine du bien.
Ces circonstances tiennent au comportement du prévenu (par ex. parce qu’il dissimule la
chose ou qu’il s’est défait de la chose dans la précipitation), aux conditions dans lesquelles
l’opération a été conduite, sa clandestinité, le lieu inhabituel où s’est déroulé la
transaction, le prix anormalement bas, le paiement en liquide ou encore sans facture)
Les juges se montrent particulièrement sévères à l’égard des professionnels (V. Cass.
crim., 26 juin 2018, n° 17-85.124 – V. aussi Cass. crim., 20 mars 2019, n° 17-84.264),
notamment les antiquaires, auxquels ils reprochent de ne pas avoir vérifié la provenance
de la marchandise acquise (V. Cass. crim., 13 janv. 2016, n° 14-88.228).
Par contre la Chambre criminelle a cassé l’arrêt qui se contente d’énoncer pour
caractériser l’intention frauduleuse, que « les prévenus (garagistes) ne pouvaient ignorer
les prescriptions strictes qui s'imposent à tout professionnel, de vérifier l'origine licite de
tous les véhicules et pièces acquis » (Cass. crim., 27 mars 2018, n° 17-81.984).
Le recel est un délit continu dont les effets se prolongent dans le temps par la réitération
de la volonté coupable. Cependant, si les conditions des articles 2276 et 2277 du Code
civil, sont réunies, l’agent peut conserver la chose.

4
IV. Répression
La tentative de recel délictuel n’est pas punissable. La tentative de recel criminel est
toujours punissable.
Enfin, la responsabilité pénale de la personne morale peut être engagée pour des faits de
recel commis pour son compte, par un organe ou un représentant, en application de
l’article 121-2 du Code pénal (par ex., Cass. crim., 5 janv. 2017, n° 15-86.362 . – Cass. crim.,
16 janv. 2019, n° 18-80.749 . – Cass. crim., 20 janv. 2021, n° 19-87.795 : a cassé la décision
qui retient la responsabilité pénale de la personne morale tout en constatant que son
président directeur général n’avait pas connaissance de l’origine frauduleuse des fonds).
La personne physique, auteur de l’infraction, doit être identifiée (Cass. crim., 17 févr.
2016, n° 14-87.934 . – Cass. crim. 3 févr. 2016, n° 15-80.133 . – Cass. crim. 21 nov. 2017,
n° 16-83.231 . – Cass. crim., 16 mai 2018, n° 17-81.236 ) et le cumul des responsabilités
pénales, de la personne physique et de la personne morale, prévu par l’article 121-2 alinéa
3 du Code pénal, est possible (par ex. Cass. crim., 5 janv. 2017, n° 15-86.362).
Le recel est une infraction continue, le délai de prescription de l’action publique ne court
pas tant que le receleur détient l'objet en question. La prescription ne commencera donc
que lorsque le receleur se dessaisira de la chose (par ex., Cass. crim., 21 nov. 2012, n° 11-
89.010). En outre, la Cour de cassation a précisé que le recel, n’est pas, par nature, une
infraction clandestine (Cass. crim., 8 nov. 2005, n° 05-80.370 : Bull. crim. n° 284).
La prescription du recel est indépendante de celle de l'infraction originelle. Peu importe
donc que celle-ci soit prescrite, le recel peut demeurer punissable bien longtemps après
que le délit ou le crime principal a cessé de l'être.
Mais à l’inverse, le recel ne commence pas à se prescrire tant que l’infraction originaire
n’est pas elle-même susceptible d’être poursuivie (Cass. crim., 6 févr. 1997 , Cass. crim.,
30 avr. 2014, n° 13-82.912 ; Cass. crim. 28 février 2017, n° 15-81.969).
Le recel délictuel simple (hors circonstances aggravantes) est puni de 5 ans
d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. L’amende peut être élevée au-delà de
375 000 euros jusqu'à la moitié de la valeur des biens recelés (art. 321-3 C. pén.).
Aux termes de l’article 321-2 du Code pénal, le recel commis de façon habituelle ou en
utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ou commis en
bande organisée est puni de 10 ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende,
celle-ci pouvant également être élevée jusqu'à la moitié de la valeur des biens recelés
(art. 321-3 C. pén.).
Le recel peut également être aggravé ou qualifié crime en raison de la connaissance
de l'infraction originelle ou de ses circonstances.
En effet, selon l'article 321-4 du Code pénal, lorsque l'infraction dont provient le bien
recelé est punie d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle de
l'emprisonnement encouru en application des articles 321-1 ou 321-2, le receleur est puni
des peines attachées à l'infraction dont il a eu connaissance, et, si cette infraction est
accompagnée des circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules
circonstances dont il a eu connaissance.
Le recel peut donc recevoir une qualification criminelle lorsque l’infraction d’origine est
un crime, soit en raison d’une circonstance qui la qualifie crime.

5
L’auteur d’un recel encourt les peines complémentaires de l’article 321-9 du Code pénal
et les peines complémentaires attachées à l’infraction d’origine (art. 321-10 C. pén.).
L'interdiction du territoire français peut être prononcée à l'encontre de tout étranger
coupable de l'une des infractions définies à l'article 321-2 (art. 321-11 C. pén.).
Les personnes morales déclarées responsables pénalement infractions définies aux
articles 321-1 à 321-4, encourent, outre l'amende quintuplée, toutes les peines
mentionnées à l'article 131-39. (art. 321-12 C. pén.)

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