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Droit du procès civil

TOME II

Hakim BOULARBAH

Professeur

Université de Liège

Faculté de Droit

3ème bloc droit

2022-2023
DROIT DU PROCÈS CIVIL
TITRE V
L’INTRODUCTION DE LA DEMANDE

CHAPITRE I
La prise en charge des frais de procédure par un tiers

Section 1
L’aide juridique

§ 1. Définition de l’aide juridique

1. Le droit à l’aide juridique figure parmi les droits économiques, sociaux et culturels fondamen-
taux (art. 23, al. 3, 2°, Const.).
Il faut entendre par :
1°. aide juridique de première ligne : l’aide juridique accordée sous la forme de renseignements
pratiques, d’information juridique, d’un premier avis juridique ou d’un renvoi vers une instance ou
une organisation spécialisée (art. 508/1, 1°, C. jud.) ;
2°. aide juridique de deuxième ligne : l’aide juridique accordée à une personne physique sous la
forme d’un avis juridique circonstancié ou l’assistance juridique dans le cadre ou non d’une procédure
ou l’assistance dans le cadre d’un procès y compris la représentation au sens de l’article 728
(art. 508/1, 2°, C. jud.).
L’aide juridique de seconde ligne permet donc au justiciable de bénéficier de l’assistance, partielle-
ment ou entièrement gratuite1, d’un avocat lorsqu’il souhaite introduire une demande en justice (ou,
à l’inverse, lorsqu’il doit se défendre contre une telle demande).

§ 2. L’aide juridique de deuxième ligne

A. Le bureau d’aide juridique

2. Ce bureau, établi au sein de chaque barreau (art. 508/7 C. jud.), est chargé de l’aide juridique
de deuxième ligne, partiellement ou entièrement gratuite, assurée exclusivement par des avocats dé-
sireux d’accomplir à titre principal ou à titre accessoire de telles prestations ; « les demandes relatives

1
Les conditions financières déterminant l’accès à l’aide juridique totalement ou partiellement gratuire sont pré-
cisées aux article 508/13/1 à 508/13/4 du Code judiciaire.
4 

à des causes paraissant manifestement irrecevables ou manifestement mal fondées sont rejetées »
(art. 508/14, al. 6, C. jud.).
Le bureau (qui n’a pas la personnalité juridique) a pour mission d’organiser des services de garde pour
les urgences (art. 508/7, al. 2, et 508/9, § 1er, al. 4, C. jud.), de désigner l’avocat investi de cette aide
juridique (art. 508/9 § 1er, al. 2 C. jud.), d’accorder la gratuité totale ou partielle de l’aide juridique de
deuxième ligne2 (art. 508/13 C. jud), de contrôler la qualité des prestations effectuées par l’avocat
(art. 508/8 C. jud.) et d’apprécier les prestations de l’avocat en vue de son indemnisation (art. 508/19
C. jud.). En cas de décision de refus3 (art. 508/15 C. jud.), le demandeur peut, dans le mois de la noti-
fication de cette décision, former, par requête contradictoire (art. 508/16 et 704 C. jud.), un recours
devant le tribunal du travail contre le Conseil de l’ordre qui a institué le bureau.

B. L’avocat et l’aide juridique de deuxième ligne

3. L’avocat doit figurer sur une liste établie par l’Ordre des avocats (art. 508/7 C.jud.).

4. En principe (sauf en cas d’urgence ou d’accord exprès du bureau d’aide juridique), l’avocat
intervenu au titre de l’aide juridique de première ligne n’est pas autorisé à prester dans la même
affaire, une aide juridique de deuxième ligne (art. 508/12 C. jud.).

5. « Le bureau désigne un avocat que le demandeur aura choisi sur la liste visée à l’article 508/7
du Code judiciaire. Le bureau informe l’avocat de sa désignation.
L’avocat dont le nom figure sur la liste et auquel un justiciable se sera adressé directement sans passer
par le bureau demande au bureau l’autorisation d’accorder l’aide juridique de deuxième ligne à son
client lorsqu’il estime que celui-ci peut bénéficier de la gratuité complète ou partielle. L’avocat fait
parvenir au bureau les pièces visées à l’article 508/13 du Code judiciaire.
En cas d’urgence, la personne qui n’a pas d’avocat peut s’adresser directement à l’avocat du service
de garde. Cet avocat lui assure l’aide juridique et demande au bureau la confirmation de sa désigna-
tion » (art. 508/9, § 1er, al. 2 à 4 C. jud.).
Les avocats chargés de l’aide juridique de deuxième ligne partiellement ou complètement gratuite
font rapport au bureau sur chaque affaire pour laquelle ils ont accompli des prestations à ce titre
(art. 508/19, § 1er, al. 1 C. jud.).
Un système de points est prévu pour partager le budget alloué annuellement par l’État4.

2
L’aide juridique de deuxième ligne peut être partiellement ou entièrement gratuite pour les personnes dont
les moyens d’existence sont insuffisants ou pour les personnes y assimilées. Le Roi détermine par arrêté délibéré
en Conseil des ministres le montant de ces moyens d’existence, les pièces justificatives à produire ainsi que les
personnes assimilées à celles dont les moyens d’existence sont insuffisants. Le bureau vérifie si les conditions
de gratuité sont remplies.
3
Il en va de même pour une décision de retrait (art. 508/18 C. jud.) ou d’aide juridique partielle.
4
La loi relative à la répétibilité des honoraires et des frais d’avocat prévoit que l’avocat perçoit l’indemnité de
procédure (cfr. infra, n°352) accordée au bénéficiaire et rembourse éventuellement la contribution financière
que le bénéficiaire de l’aide juridique a dû verser visée à l’article 508/17 §2 (art. 508/19, § 1er C. jud.).
L’introduction de la demande  5

Depuis la loi du 6 juillet 2016, le bénéficiaire de l’aide juridique devait, en principe5, verser une contri-
bution forfaitaire à l’avocat (art. 508/17, §1, al. 2, C. jud.). Le montant de cette contribution forfaitaire
était déterminé par le Roi, entre 10 et 50 EUR.
La loi prévoyait en outre que le bénéficiaire de l’aide juridique était tenu « de s'acquitter, en faveur
de son avocat, d'une contribution forfaitaire par instance pour chaque procédure contentieuse dans
laquelle ce dernier l'assiste ou le représente » (art. 508/17, §1, al. 3, C. jud.).
Dans un arrêt n°77/2018 du 21 juin 2018, la Cour constitutionnelle a toutefois prononcé l’annulation
partielle des modificiations apportées à l’article 508/17 du Code judiciaire par la loi du 6 juillet 2016.
Désormais, plus aucune contribution forfaitaire ne peut être fixée par le Bureau d’aide juridique ni
demandée par l’avocat qui intervient dans une instance.
La Cour retient que ces contributions sont contraires à l’article 23 de la Constitution et notamment
que « s’agissant d’une aide destinée aux personnes qui ne disposent pas des moyens leur permettant
de prendre en charge elles-mêmes les frais relatifs à leur défense en justice, il est contradictoire de
mettre à charge de ces mêmes personnes une contribution financière dans le but de les faire participer
au financement de cette aide ».
Toutefois, dans un arrêt du 13 février 2020, la Cour Constitutionnelle a jugé que, pour les justiciables
ne bénéficiant pas de l’aide juridique de deuxième ligne ou de l’assistance judiciaire, « bien qu'il puisse
entrainer une augmentation des frais liés à l'introduction d'une procédure en justice, le paiement d'une
contribution au fonds budgétaire d'aide juridique de deuxième ligne institué par la loi du 19 mars 2017,
n'est pas, en soi, de nature à porter atteinte au droit d'accès au juge », au motif que tout justiciable a
intérêt au bon fonctionnement l’aide juridique de deuxième ligne6.
Notons que la loi du 6 juillet 2016 prévoit par ailleurs la possibilité pour l’État de récupérer l’indemnité
payée à l’avocat auprès du bénéficiaire de l’aide juridique de deuxième ligne en cas de modification
de son patrimoine, de ses revenus ou de ses charges, de fausses déclarations de sa part pour obtenir
cette aide mais également lorsqu’il aura retiré un profit de l’intervention de l’avocat qui lui aura été
désigné dans la mesure où, si ce profit avait existé au moment de la demande de désignation, l’aide
ne lui aurait pas été accordée (art. 508/20 C. jud.).

§ 3. De l’aide juridique à l’assistance judiciaire

6. En vertu de l’article 667, alinéa 2, du Code judiciaire (en matière d’assistance judiciaire) : « la
décision du bureau d’aide juridique octroyant l’aide juridique de deuxième ligne, partiellement ou

5
Exemptions prévues à l’article 508/17, §§ 4 et 5, C. jud.
6
Cour Const., 13 février 2020, arrêt n°22/2020, J.L.M.B., 2020/25, pp. 1160-1168. Voy. également sur le sujet :
B. SIAS « L'aide juridique de deuxième ligne : enseignements de la Cour constitutionnelle quant à son finance-
ment et perspectives futures », J.L.M.B., 2020, p. 1168-1173. Voy. par ailleurs : C. const., 3 février 2022, n°
11/2022 : « L’article 4, § 2, alinéa 3, de la loi du 19 mars 2017 « instituant un fonds budgétaire relatif à l’aide
juridique de deuxième ligne » viole les articles 10 et 11Const., en ce qu’il laisse à charge du demandeur ayant
obtenu gain de cause la contribution au fonds d’aide juridique dans l’hypothèse où la partie défenderesse suc-
combante bénéficie de l’aide juridique de deuxième ligne » (somm.).
6 

entièrement gratuite, constitue la preuve de moyens d’existence insuffisants », qui constitue une des
conditions d’octroi de l’assistance judiciaire. Cette preuve est toutefois limitée dans le temps : « un an
après la décision du bureau d’aide juridique, le bureau d’assistance judiciaire ou le juge accordant le
bénéfice de l’assistance judiciaire peut vérifier si les conditions d’inuffisance des moyens d’existence
sont toujours réunies » (art. 667, al.3 C. jud.). Pour le surplus, le juge de l’assistance judiciaire conserve
son pouvoir souverain d’appréciation7.

Section 2
L’assistance judiciaire

§ 1. Notion

A. Gratuité de la procédure

7. Le service public de la justice doit être également accessible à tout justiciable quel que soit
son état de fortune même s’il n’a pas les moyens de supporter la charge d’une procédure.
En vertu de l’article 664 du Code judiciaire qui concrétise le droit de l’intéressé à un tribunal : « l’as-
sistance judiciaire consiste à dispenser, en tout ou en partie, ceux qui ne disposent pas des moyens
d’existence nécessaires pour faire face aux frais d’une procédure, même extrajudiciaire (voy. l’énumé-
ration de l’article 665 qui a été complétée pour inclure : la procédure de médiation extrajudiciaire ou
judiciaire ; les procédures extrajudiciaires imposées par la loi ou le juge belge ; l’assistance d’un con-
seiller technique lors d’expertises judiciaires), de payer les droits de timbre, d’enregistrement, de
greffe et d’expédition et les autres dépens qu’elle entraîne. Elle assure aussi aux intéressés la gratuité
du ministère des officiers publics et ministériels ».
On précise que l’assistance de l’avocat n’est pas concernée par l’assistance judiciaire mais, comme on
l’a vu, elle fait l’objet de l’aide juridique, des passerelles étant cependant établies entre ces deux types
d’aide (article 667, alinéa 2, C. jud.)8.

7
C. const., 20 janvier 2022, n° 6/2022 : « En ce qu'ils ne permettent pas au juge d'accorder au défendeur qui
bénéficie de l'aide juridique de deuxième ligne le bénéfice de l'assistance judiciaire pour le paiement du droit de
mise au rôle, bien que le défendeur n'ait pas demandé l'assistance judiciaire, les articles 269(2), § 1er, et 279(1)
du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe et l'article 664 du Code judiciaire violent les
articles 10 et 11 de la Constitution » (somm.).
8
L’intervention d’un avocat à la Cour de cassation est néanmoins couverte par l’assistance judiciaire s’il agit en
tant qu’officier ministériel, c’est-à-dire dans les procédures où son intervention est obligatoire (matières civiles,
mais non répressives).
L’introduction de la demande  7

B. Système d’avance (parfois partielle) de certains frais avec possibilité de récupération

8. L’assisté n’obtient pas nécessairement la gratuité de la procédure ; au départ il s’agit d’une


dispense (parfois limitée si un effort est préalablement imposé au requérant, art. 669) de faire
l’avance de certains frais susceptibles d’être récupérés ultérieurement par l’administration (art. 695
C. jud. ) à charge de l’assisté dans les cas énoncés à l’article 693, alinéa 1er, du Code judiciaire (modi-
fication de patrimoine) et à l’article 698, alinéa 4, du Code judiciaire (déchéance du bénéfice de l’as-
sistance judiciaire pour déclarations inexactes ou pour utilisation de celle-ci à des fins autres que celles
de la requête en obtention de l’assistance judiciaire). De plus, l’article 693, alinéa 2, du Code judiciaire
prévoit que ce recouvrement peut en outre être poursuivi solidairement à charge de la partie adverse,
si celle-ci a été condamnée aux dépens (infra, n°348) ou si une transaction est intervenue au cours du
procès.

C. Actes couverts et procédure concernée

9. L’article 665 du Code judiciaire énumère limitativement les actes pour lesquels l’assistance
judiciaire peut être obtenue.
Lorsque l’assistance judiciaire est octroyée pour l’introduction d’une procédure déterminée, elle
couvre également les actes d’exécution de la décision qui interviendra dans le cadre de cette procé-
dure (art. 665, 2° C. jud.).

L’assistance judiciaire ne s’applique qu’à l’instance pour laquelle elle a été obtenue (art. 671 C. jud.).
À chaque degré de juridiction, la procédure d’obtention doit donc être mise en œuvre (art. 671, al. 2
C. jud.).

§ 2. Les bénéficiaires et les conditions de l’assistance judiciaire

10. En vertu de l’article 667 du Code judiciaire, le bénéfice de l’assistance judiciaire est accordé
aux personnes (les personnes morales ne sont pas exclues)9 de nationalité belge (mais voy. les art. 668,
677, 699bis et 699ter C. jud. en ce qui concerne d’une part les affaires transfrontalières visées par la
directive 2003/8/CE et d’autre part les étrangers), lorsqu'elles justifient de l'insuffisance de leurs
moyens d'existence10. Les demandes relatives à des causes paraissant manifestement irrecevables ou
manifestement mal fondées sont rejetées.

9
Ainsi des associations sans but lucratif ou des sociétés commerciales en état de faillite (les faillis étant soumis
à un régime particulier, art. 666 C. jud.) peuvent avoir recours à l’assistance judiciaire.
10
Pour déterminer si les personnes justifient de moyens d’existence insuffisants, les articles 508/13/1 et
508/13/2 du Code judiciaire (déterminant les moyens d’existence dans le cadre de l’aide juridique de deuxième
ligne) s’appliquent par analogie, étant entendu que les mots « bureau d’aide juridique » doivent être lus, selon
le cas, comme « le bureau d’assistance judiciaire » ou « le juge ».
8 

A. Cause n’étant pas manifestement irrecevable ou mal fondée

11. Le juge apprécie, de façon marginale, le fondement apparent de la demande et le caractère


plausible de celle-ci. En aucun cas, la décision d’octroi ou de refus du bénéfice de l’assistance judiciaire
ne préjuge du fond du litige.

B. Moyens d’existence insuffisants

12. Aux termes de l’article 676 du Code judiciaire, « le bureau d’assistance judiciaire ou le juge
peut demander soit au justiciable soit à des tiers, y compris des instances publiques, toutes les infor-
mations jugées utiles, entre autres le dernier avertissement-extrait de rôle, afin de vérifier que les
conditions d’accès à l’assistance judiciaires sont remplies. Pour l’exécution de cette disposition les
agents de l’Administration des Finances peuvent être déliés du secret professionnel qui leur est im-
posé par les lois relatives aux impôts sur les revenus ».
L’article 667, alinéa 2, du Code judiciaire prévoit que « la décision du bureau d’aide juridique oc-
troyant l’aide juridique de deuxième ligne, partiellement ou entièrement gratuite, constitue une
preuve de moyens d’existence insuffisants ».

§ 3. Organisation judiciaire et compétence

13. Il y a un bureau d’assistance judiciaire fonctionnant à magistrat unique auprès de toutes les
juridictions (art. 86, 105 et 130 C. jud.) sauf devant le juge de paix et le tribunal de police (art. 670, al.
2 C. jud.).
La demande est portée devant la juridiction qui doit être saisie du litige ou, selon le cas, du lieu où
l’acte doit être accompli (art. 670, al. 1 C. jud.).
Enfin l’article 673 énonce une règle valable pour toutes les parties dans les cas urgents et en toutes
matières : le président du tribunal ou de la cour et, durant l’instance, le juge saisi de la cause, peuvent,
sur requête, même verbale, accorder le bénéfice de l’assistance pour les actes qu’ils déterminent.

§ 4. Procédure

A. Introduction

14. La demande est introduite par requête, même verbale (art. 675 C. jud.) ; elle est assortie des
pièces justificatives requises (art. 676 et 667, alinéa 2 C. jud).
Elle ne produit pas d’effet interruptif de la prescription puisqu’elle n’a pas pour objet d’obtenir la
reconnaissance d’un droit ou la condamnation du débiteur. Il est permis de se demander si cette règle
n’est pas incompatible avec le droit d’accès égal et effectif à la justice.
L’introduction de la demande  9

B. Caractère unilatéral de la procédure

15. Le bureau statue sur pièces. Il peut également convoquer le requérant en chambre du conseil
(art. 678 al. 1 et 3 C. jud.).

C. Rôle du ministère public

16. Les demandes d’assistance juridique ne sont pas obligatoirement communicables au minis-
tère public.
En tout état de cause, le bureau peut, pour son information, s’adresser au ministère public et lui de-
mander rapport (art. 678, al. 2 C. jud.).

D. Recours

17. Les décisions des juges de paix, des tribunaux de police et des bureaux d’assistance judiciaire
d’un tribunal de première instance, d’un tribunal du travail ou d’un tribunal de l’entreprisepeuvent
être frappées d’appel par le requérant, par requête écrite déposée au greffe de la juridiction d’appel
dans le mois de la notification de la décision (art. 688 al. 1er et 689 al. 1er C. jud.).

18. Seul le Procureur général près la cour d’appel peut déférer les décisions du bureau d’appel à
la Cour de cassation, uniquement pour contravention à la loi. Le pourvoi doit, à peine de nullité, être
formé dans les 10 jours du prononcé de la décision d’appel (art. 688, al. 2 et 690 al. 1er C. jud.).

Section 3
L’assurance protection juridique

19. Indépendamment du système d’aide judiciaire ou juridique réservé à ceux dont les moyens
d’existence sont insuffisants, les frais et honoraires d’un procès peuvent également être pris en charge
par une police d’assurance protection juridique.
Il s’agit d’un contrat par lequel l’assureur s’engage à fournir des services et à prendre en charge des
frais afin de permettre à l’assuré de faire valoir ses droits en tant que demandeur ou défendeur, soit
dans une procédure judiciaire, administrative ou autre, soit en dehors de toute procédure.
L’assurance protection juridique est régie par les articles 154 à 157 de la loi du 4 avril 2014 loi relative
aux assurances; on signale spécialement l’exclusion de la défense de l’assuré par l’assureur de la res-
ponsabilité, les prestations en nature par l’assureur, le libre choix de l’avocat lorsqu’il faut recourir à
une procédure judiciaire ou administrative et chaque fois que surgit un conflit d’intérêts entre l’assuré
et l’assureur et enfin la procédure d’objectivité.

20. Loi du 22 avril 2019 visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique a instauré
une réduction d’impôt pour les souscripteurs d’une assurance protection juridique. Pour pouvoir
10 

bénéficier de cette réduction, des conditions de couverture minimale sont prévues dans la loi (art. 2
et s.).
À titre indicatif, au moment de son entrée en vigueur le 1er septembre 2019, la réduction d’impôt
était de 40% du montant de la prime payée au cours de la période imposable, avec un maximum de
78 EUR (art. 14549, Code des impôts sur les revenus 1992).
L’introduction de la demande  11

CHAPITRE II
La conciliation obligatoire

Rappel

21. On rappelle que dans certaines hypothèses spécialement prévues par la loi, l’introduction de
la demande doit, parfois, être obligatoirement précédée d’une tentative de conciliation.

22. La sanction applicable en cas de non-respect de la conciliation obligatoire ainsi que la possibi-
lité de régulariser la procédure en réalisant une conciliation en cours d’instance varient suivant les cas
prévus par la loi.
Ainsi, en matière de bail à ferme, le non-respect de la tentative de conciliation préalable entraîne
l’irrecevabilité de l’action11, sans possibilité de régulariser la procédure en faisant procéder à un nou-
vel appel en conciliation. Il s’agit toutefois d’une exception qui doit être soulevée in limine litis par le
défendeur12 et qui, étant étrangère à l’ordre public, ne peut être soulevée d’office par le juge.

23. On rappelle aussi qu’en cas d'échec, la procédure doit être poursuivie selon les règles de droit
commun, le juge étant saisi soit par comparution volontaire, soit par citation.
On constate donc que la conciliation n'est pas un acte introductif d'instance puisque pour qu'une pro-
cédure contentieuse soit introduite il est nécessaire de recourir à un autre acte introductif (comparu-
tion volontaire, citation, etc.). C’est la raison pour laquelle on propose régulièrement d’instaurer une
« passerelle » vers la procédure judiciaire en cas d’échec de la conciliation sans qu’il soit nécessaire
d’introduire une nouvelle procédure. Un tel mécanisme supposerait toutefois de renforcer le forma-
lisme de la conciliation afin de réduire ultérieurement les formalités de convocation du défendeur.

11
Article 1345 du C. jud. ; Cass., 19 septembre 1991, Pas., 1992, I, p. 61.
12
Cass., 9 mars 1984, Pas., I, p. 806.
12 

CHAPITRE III
Les modes introductifs d’instance

Section 1
La citation

§ 1. Principe : Introduction par citation

24. A peine de nullité, la juridiction compétente pour connaître d'un litige est saisie par la signifi-
cation d'un exploit d'huissier donnant citation à comparaître (article 700 du Code judiciaire).

§ 2. Nature et sanction

25. Depuis la loi du 26 avril 2007, il s’agit d’une exception de nullité et le non-respect de cette
disposition est, partant, susceptible de couverture ou de réparation en application des articles 860 à
866 du Code judiciaire (infra, n°126 et s.).

26. En vertu des articles 700, al. 2 du Code judiciaire et 2247 du Code civil, un acte de procédure
déclaré nul pour contravention à l’article 700, al. 1 du Code judiciaire interrompt néanmoins la pres-
cription.

§ 3. Citation et signification

A. Notions

27. La signification consiste à porter un acte judiciaire à la connaissance d'une personne par ex-
ploit d'huissier (article 32, 1°, du Code judiciaire). La signification est la remise, par un huissier de
justice, au signifié, de l'original ou le cas échéant d'une copie d'un acte de procédure. Un exploit se dit
de tout acte authentique (instrumentum) dressé par un huissier de justice dans l'exercice de son mi-
nistère.
La signification de la citation consiste en une remise de la copie de l'exploit de citation, l'original res-
tant entre les mains de l'huissier qui, dans le cas de la citation, ira le déposer au greffe de la juridiction
saisie, où il constituera la première pièce du dossier de la procédure.
L’introduction de la demande  13

B. Les modes de signification

28. Les articles 32quater/1 et suivants du Code judiciaire établissent une hiérarchie entre les dif-
férents modes de signification. Suite à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2016, l'huissier peut
d'abord tenter de procéder à une signification électronique. Si la signification électronique n’est pas
possible ou n’est pas choisie par l’huissier, la signification devra être faite à personne ; à défaut, à une
signification à domicile ou à résidence. Si cette dernière se révèle impossible, la signification sera faite
par dépôt d'une copie au domicile suivi d'une confirmation par lettre recommandée.
La loi du 25 mai 201813, dite loi « Pot-pourri VI », en vigueur depuis le 10 juin 2018, a inséré un nouvel
article 47bis au Code judiciaire qui étend l’application du régime des nullités à l’ensemble des règles
relatives aux significations, notifications, dépôts et communications (article 32 et s. du C.J.) (infra,
n°132).

Le non-respect de cette hiérarchie est dès lors sanctionné de nullité.

a) La signification électronique

29. La loi du 4 mai 2016, dite loi « Pot-pourri III », a inséré la procédure de signification électro-
nique en droit belge en vue de permettre « un gain de temps considérable, un rapport coût-efficacité,
accru et une amélioration de la circulation de l’information, la simplification d’un nombre d’actes ainsi
qu’une réduction de la montagne de papier produite »14.

30. L’adresse judiciaire électronique est définie par le Code judiciaire comme étant « l'adresse
unique de courrier électronique, attribuée par l'autorité compétente à une personne physique ou mo-
rale » (art. 32, 5°, C. jud.).
L’adresse d'élection de domicile électronique correspond quant à elle à toute autre adresse électro-
nique à laquelle une signification électronique peut être effectuée suite au consentement exprès et
préalable du destinataire pour chaque signification en question (art. 32, 6°, C. jud.). Il s’agira en prin-
cipe de plates-formes sécurisées sur lesquelles l’exploit d’huissier pourra être consulté par le destina-
taire, après authentification de son identité et consentement à la signification électronique.

31. La procédure de signification électronique est décrite à l’article 32quater/1 du Code judicaire
et par l’arrêté royal du 14 juin 2017. Elle se déroule via le « Registre central des actes authentiques
dématérialisés des huissiers de justice »15, prévu à l’article 32quater/2 du Code judiciaire.

13
Loi du 25 mai 2018 visant à réduire et redistribuer la charge de travail au sein de l’ordre judiciaire, M.B., 30
mai 2018.
14
Doc. parl., ch. repr., Doc. 54, 1590/001, p. 9.
15
Il s’agit d’une base de données qui doit être créée par la Chambre nationale des huissiers de justice et qui
contiendra notamment une liste des adresses d’élection de domicile électroniques, pour lesquelles le titulaire a
déjà donné le consentement visé à l’article 32quater/1, §1, du Code judiciaire (art. 32quater/2 du Code judi-
ciaire).
14 

Complémentairement à l’envoi de l’exploit de l’acte à signifier à l’adresse judiciaire électronique du


destinataire ou à l’adresse d’élection de domicile électronique, l’huissier de justice devra envoyer un
avis de signification ou la demande de consentement (si la signification est faite à une adresse élec-
tronique d’élection de domicile judiciaire) par le biais du Registre central des actes authentiques dé-
matérialisés des huissiers de justice.

L’arrêté royal du 14 juin 2017 portant exécution des articles 32quater/1, § 1er, et 32quater/2, §§ 1er et
6, du Code judiciaire, reprend notamment les mentions que doit contenir l’avis de signification et,
éventuellement, la demande de consentement à la signification à une adresse électronique d’élection
de domicile judiciaire.

Si dans les 24 heures de cet envoi, le Registre central des actes authentiques dématérialisés fait par-
venir une confirmation de signification à l’huissier de justice, la signification sera réputée avoir eu lieu
à la date d’envoi de l’avis ou de la demande de consentement. À défaut, la signification électronique
sera considérée comme étant impossible et l’huissier de justice devra signifier à personne (art. 32qua-
ter/3, §3, du Code judiciaire).

La loi dispose également que l’huissier de justice recevra un « avis d’ouverture » dès que le destina-
taire prendra connaissance de l’acte signifié. Si l’huissier ne reçoit pas d’avis d’ouverture dans les 24
heures de l’avis de signification ou de la demande de consentement, il devra adresser, « le premier
jour ouvrable qui suit, un courrier ordinaire au destinataire l'informant de la signification par voie
électronique » (article 32quater/1, §2, alinéa 4 du Code judiciaire).

32. L’article 32quater/3, §2 prévoit enfin, qu’en matière civile, l’huissier de justice peut choisir
d’avoir recours à la signification électronique ou aux modes classiques de signification, en fonction
des circonstances de l’espèce.

b) La signification à personne

33. En principe, la signification doit être faite à la personne même du destinataire de l'acte. L'huis-
sier est d'ailleurs autorisé à procéder à la formalité en tout lieu où il trouve le destinataire.
Un arrêté royal dispose que les personnes interpellées par un huissier procédant à la signification d'un
exploit, ont l'obligation de lui présenter leur carte d'identité ou, si celle-ci est égarée, l'attestation
provisoire en tenant lieu. Cette disposition a pour but d'éviter des erreurs sur l'identité du signifié.
La signification faite au domicile élu avec remise de la copie de l'exploit en mains propres du manda-
taire est réputée faite à personne (article 39 du Code judiciaire).
Dans tous les cas, il est indifférent que le destinataire refuse de signer l'original de l'acte (qui reste
entre les mains de l'huissier), pour réception de la copie, la relation de la remise de l'exploit par l'huis-
sier étant à considérer comme exacte jusqu'à inscription de faux.
Si la signification ne peut être faite à personne, elle a lieu au domicile ou, à défaut de domicile, à la
résidence du destinataire (article 35 du Code judiciaire).
L’introduction de la demande  15

c) La signification au domicile, à la résidence ou au domicile élu

34. Dans ce cas, l'huissier se présente au domicile du destinataire de l’exploit. Si l'intéressé n'est
pas présent la copie de l'acte peut être remise à un « parent, allié, préposé ou serviteur » (article 35
du Code judiciaire). La formule « ainsi déclaré » qui figure dans les exploits d'huissier tend à exonérer
celui-ci de sa responsabilité au cas où la personne à qui il remet l'exploit l'a trompé sur son identité.

35. Le domicile judiciaire de la partie est le lieu où elle est inscrite à titre principal sur les registres
de la population (article 32, 3°, du Code judiciaire16).
Il faut souligner qu'en vertu du principe de la permanence du domicile judiciaire, une partie à un pro-
cès ne peut jamais faire valoir qu'un pli judiciaire ou une signification ne lui serait pas parvenu pour le
motif qu'elle a changé de domicile judiciaire en cours d'instance alors qu'elle aurait négligé d'en infor-
mer le greffe et les autres parties17.

36. Si le destinataire de l'exploit n'a pas de domicile, la signification est faite à sa résidence, qui
est définie en termes exemplatifs par la disposition finale de l'article 32, 4°, du Code judiciaire18. Il
s'agit d'un établissement, d'un lieu où la personne séjourne en fait, où elle vit en permanence comme
elle le ferait à son domicile. La signification à la résidence n'est autorisée que si le destinataire n'a pas
de domicile judiciaire ; mais tous les habitants du royaume sont obligatoirement inscrits sur les re-
gistres de la population et c'est exclusivement à l'adresse résultant de la lecture de ce document offi-
ciel qu'un acte d'huissier doit être signifié. La signification à résidence qui est donc rare peut présenter
un intérêt pour être convertie en signification à personne.

37. En ce qui concerne les personnes morales, la signification se fait au siège social ou adminis-
tratif (article 35 du Code judiciaire) : s'il y est parlé à un organe de la société, la signification sera faite
« à personne » (car l'organe est l'émanation de la personne morale) (article 34 du Code judiciaire); si
elle est faite à un préposé, il s'agira d'une signification « à domicile ».

38. Lorsque le destinataire a élu domicile chez un mandataire, la signification peut être faite à ce
domicile (article 39 du Code judiciaire). La signification doit être faite à ce domicile élu lorsque le des-
tinataire n’a pas d’autre domicile en Belgique (article 40 du Code judiciaire).
Dans un arrêt du 22 juin 2007, la Cour de cassation a décidé qu’en cas de domicile élu par une partie
domiciliée en Belgique, la signification à cet endroit était obligatoire19. La Cour a toutefois statué en
sens contraire dans des arrêts du 26 février 2010 et 10 mai 2012, dans lesquels elle a rappelé que
l'article 39, alinéa 1er, du Code judiciaire, n'impose pas la signification au domicile élu chez un manda-
taire lorsque le destinataire est domicilié en Belgique.20

16
Modifié par la loi du 4 mai 2016, qui abroge l’article 36 du Code judicaire et qui entre en vigueur au plus tard
le 31 décembre 2016
17
Cass., 9 juin 2000, Pas., 2000, I, p. 1060.
18
Modifié par la loi du 4 mai 2016, qui abroge l’article 36 du Code judicaire et qui entre en vigueur au plus tard
le 31 décembre 2016.
19
Cass., 22 juin 2007, C.05.0032.N., www.cass.be.
20
Cass., 26 février 2010, F.09.0021.F, www.cass.be; Cass., 10 mai 2012, C.11.0599.N.
16 

La signification ne peut toutefois plus avoir lieu au domicile élu, si le mandataire est décédé, s’il n’y
est plus domicilié ou s’il a cessé d’y exercer son activité ou encore s’il met fin à son intervention comme
conseil de la partie21.

d) La signification par dépôt au domicile d'une copie de l'exploit

39. En cas d'absence du destinataire, l'huissier dépose à son domicile une copie de l'exploit sous
enveloppe fermée (article 38, §1er, du Code judiciaire).
Le fait de glisser le document dans la boîte aux lettres ou sous la porte réalise la signification par dépôt
au domicile, ou à défaut de domicile, à la résidence. Le Code judiciaire impose en outre à l'huissier
plusieurs formalités :

− il doit indiquer sur l'original de l'exploit et sur la copie signifiée la date, l'heure et le lieu du
dépôt de cette copie;

− au plus tard le premier jour ouvrable qui suit la présentation de l'exploit, l'huissier de justice
adresse soit au domicile, soit, à défaut de domicile, à la résidence du destinataire, une lettre signée
par lui. Cette lettre mentionne la date et l'heure de la présentation ainsi que la possibilité pour le
destinataire en personne ou le porteur d'une procuration écrite de retirer une copie conforme de cet
exploit en l'étude de l'huissier de justice, pendant un délai maximum de trois mois à partir de la signi-
fication.
Cette lettre, postérieure à la signification, n'est pas prescrite à peine de nullité, la seule sanction étant
que si la formalité a été omise ou irrégulièrement accomplie, le juge peut ordonner qu'une nouvelle
lettre soit adressée au destinataire de l'exploit.
Cette régularisation sera généralement ordonnée en cas de défaut du défendeur.
− Lorsque le destinataire de l'exploit a demandé le transfert de son domicile, la lettre en ques-
tion est adressée au lieu où il est inscrit sur les registres de la population et à l'adresse à laquelle il a
annoncé vouloir établir son nouveau domicile. Cette obligation n'est pas prescrite à peine de nullité
de la signification, mais comme ci-dessus, le juge peut ordonner la régularisation.
− Lorsque l'huissier constate qu'il est matériellement impossible de procéder à la signification
par le dépôt d'une copie de l'exploit au domicile, ou à défaut de domicile, à la résidence du destina-
taire, ou lorsque les lieux dans lesquels le signifié est domicilié sont manifestement abandonnés sans
que le signifié ait demandé le transfert de son domicile, la signification « consiste dans la remise de la
copie au Procureur du Roi du ressort dans lequel cette situation se présente » (article 38, § 2, du Code
judiciaire). Il est fait mention sur l'original et sur la copie des circonstances de fait qui nécessitent la
signification au Procureur du Roi. C'est alors au Parquet de prendre, en principe, les mesures utiles
pour que la copie parvienne à l'intéressé dans le plus bref délai.

21
Cass., 25 février 2013, F.12.0094.N.
L’introduction de la demande  17

e) La signification à l'étranger

40. L'article 40, alinéa 1er, du Code judiciaire précise qu’à ceux qui n'ont en Belgique, ni domicile,
ni résidence, ni domicile élu connu, la copie de l'acte est adressée, par l'huissier de justice, sous pli
recommandé à la poste, à leur domicile ou à leur résidence à l'étranger et en outre par avion si le point
de destination n'est pas dans un état limitrophe.
La signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux services de la poste comme récépissé
de l'envoi recommandé. En contrepartie, comme nous le verrons, les délais de citation sont prorogés
pour les personnes domiciliées à l'étranger (article 55 du Code judiciaire).
Dans un arrêt du 21 décembre 2007, la Cour de cassation semble toutefois avoir consacré, en cas de
signification à l’étranger sur pied de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, la théorie de la
double date, c’est-à-dire qu’à l’égard du destinataire, la signification est réputée accomplie au mo-
ment où l’exploit a été remis au destinataire22. On peut se demander si la solution consacrée par cet
arrêt ne doit pas être étendue à la signification effectuée par la voie postale conformément à l’article
40, alinéa 1er, du Code judiciaire.
Il convient toutefois de préciser qu'il existe de nombreux traités bilatéraux et multilatéraux auxquels
la Belgique est partie et qui organisent différents modes de transmission des actes judiciaires par la
voie diplomatique. En particulier, la signification et la notification des actes judiciaires et extrajudi-
ciaires sont régies, entre les 27 Etats membres de l’Union Européenne (sauf le Danemark), par le rè-
glement (UE) 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil relatif à la signification et à la notifica-
tion dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou , qui a rem-
placé depuis le, le précédent règlement n°1393/2007 du 13 novembre 2007, depuis le 1er juillet 2022.

f) La signification à parquet

41. Lorsque le destinataire de l'exploit n'a ni domicile judiciaire ni résidence ni domicile élu en
Belgique ou à l'étranger, l'huissier doit, dans la mesure du possible, tenter de procéder à une signifi-
cation à personne (article 40, alinéa 3, du Code judiciaire).
Si celle-ci est irréalisable, ce qui sera en général le cas, la copie sera délivrée au Procureur du Roi de
l'arrondissement dans lequel siège le juge qui doit connaître ou a connu de la demande23.
Si aucune demande n'est ou n'a été portée devant le juge, la signification est faite au Procureur du Roi
dans le ressort duquel le requérant a son domicile ou, s'il n'a pas de domicile en Belgique, au Procureur
du Roi à Bruxelles (article 40, alinéa 2, du Code judiciaire).

22
Cass., 21 décembre 2007, C.06.155.F., www.cass.be.
23
« La signification à parquet est un ultime remède, à n’utiliser que si le requérant a loyalement effectué toutes
recherches utiles pour déterminer le domicile ou la résidence de l’adversaire. Il ne peut toutefois être exigé du
requérant et de son huissier qu’ils procèdent à une véritable enquête pour tenter de retrouver la résidence du
signifié qu’ils ignorent en raison de la négligence de ce dernier. La signification à parquet n’implique à charge du
procureur du Roi aucune obligation de rechercher ou de remise d’acte au destinataire » (Liège, 7ème ch., 17 janvier
2008, n°2006/RG/370).
18 

Depuis la loi du 4 mai 2016, la signification à parquet doit être faite, en priorité, par voie électronique
(article 40, alinéa 2, du Code judiciaire).

g) Règles spéciales

42. L'article 42 du Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé, contient plusieurs règles parti-
culières applicables lorsque le destinataire de l'exploit est une personne morale soit de droit public
soit de droit privé.

43. En vertu de l'article 704, §3, du Code judiciaire, dans les matières énumérées à l'article 578
(c’est-à-dire dans les conflits de droit individuel du travail), l'employeur peut être cité à la mine, à
l'usine, à l'atelier, au magasin, au bureau et, en général, à l'endroit affecté à l'exploitation de l'entre-
prise, à l'exercice de la profession ou à l'activité de la société, de l'association ou du groupement. En
ce cas, la citation peut être remise à un préposé de l'employeur ou à un de ses employés.

h) Heure et jour de signification

44. Sous réserve des dérogations autorisées par le juge en cas d'urgence, l'article 47 du Code ju-
diciaire interdit de signifier un exploit dans un lieu non ouvert au public, pendant la nuit (de 21h00 à
06h00), un samedi, un dimanche ou un jour férié (voy. également l’article 53, alinéa 2, du Code judi-
ciaire).
Ce texte, de portée générale, vise toutes les significations. De nuit, la signification n'est autorisée que
dans les lieux accessibles au public.
L'huissier ne peut instrumenter pendant le week-end qu'à la condition d'avoir obtenu, selon les cas,
l'autorisation du juge de paix, du juge des saisies ou du président du tribunal de première instance (ce
dernier étant compétent si l'affaire relève de la juridiction de son tribunal, de celle du tribunal du
travail ou de celle du tribunal de l’entreprise).

§ 4. Les mentions de l’exploit de citation

45. La citation en justice qui constitue un exploit d’huissier doit, à peine de nullité, être rédigée
en respectant les exigences combinées des articles 43 et 702 du Code judiciaire.
Elle doit notamment contenir l’indication :
1°. de la date et du lieu de la signification, la mention en est essentielle pour calculer les délais.
L'indication du lieu de la signification permet de vérifier la compétence territoriale de l'huissier.
2°. des nom, prénom, domicile et le cas échéant, numéro national ou numéro d’entreprise du
demandeur.
Lorsqu’il y a plusieurs demandeurs, il faut indiquer nommément chacun d’eux.
L’introduction de la demande  19

3°. du nom, prénom, domicile ou, à défaut de domicile, résidence du cité et, le cas échéant, de
la qualité du destinataire de l'exploit.
4°. du libellé de la demande, c’est-à-dire les faits invoqués par le demandeur, ses prétentions et
l’exposé sommaire des moyens sur lesquels il fonde son action. Il suffit que la citation contienne de
manière claire l’objet de l’action et les faits invoqués, mais non la qualification juridique de la de-
mande24.
Si le défendeur ne peut préparer utilement sa défense en lisant l’exploit de citation, il pourra
théoriquement invoquer la nullité de la citation (exception dite « obscuri libelli »), toutefois en plus de
devoir démontrer que le manque de clarté de l’acte lui cause un grief et l’empêche concrètement
d’exercer ses droits de la défense, le juge peut ensuite encore ordonner des mesures concrètes en vue
de la réparation du grief causé aux droits de la défense défendeur (sur la notion de grief au sens de
l’article 861 du Code judiciaire et les mesures concrètes ordonnées par le juge, voy. infra, n°126 et s.).
5°. des nom, prénom et, le cas échéant, qualité de la personne à qui la copie de l’exploit a été
remise ou du dépôt de la copie dans le cas prévu à l’article 38, §1er, ou du dépôt de l’exploit à la poste,
dans les cas prévus à l’article 40.
6°. de l’identité du juge saisi de la demande, du lieu et de l’heure de l’audience.
Ces renseignements s’obtiennent soit en s’adressant au greffe de la juridiction qu’on veut
saisir, soit par la consultation de « l’annuaire administratif ».
7°. des nom, prénom et adresse de l'étude de l'huissier de justice.
8°. du coût détaillé de l’acte.
Cette mention permet de vérifier le respect du tarif des actes accomplis par les huissiers et
de procéder à la liquidation des dépens du procès. Son omission n'entraîne pas la nullité de l'acte s'il
n'est pas établi que l'irrégularité a nui aux intérêts de la partie citée.
9°. de la signature de l'huissier de justice, tant sur l'original que sur la copie.
En effet, l'exploit est un acte authentique qui fait foi jusqu'à inscription de faux de tout ce
que son rédacteur atteste avoir vérifié ou fait (domicile des parties, démarches accomplies, etc.).
10°. du visa de l'original par la personne à laquelle la copie est remise. Cette formalité n'est pas
prescrite à peine de nullité : il s'agit de la relation faite que la personne qui a reçu la copie de l'exploit
a ou n'a pas signé l'original pour accusé de réception.

§ 5. Le délai de citation ou de comparution

46. A peine de nullité, il doit s'écouler un délai de huit jours entre la signification de la citation et
l'audience d'introduction.
Ce délai, prévu par l'article 707 du Code judiciaire, constitue un délai d'attente.
Le délai se calcule conformément aux articles 52 et 53 du Code judiciaire.

24
Cass., 24 novembre 1978, Pas., 1979, I, p. 352.
20 

La Cour de cassation a décidé que le délai de huit jours était de huit jours entiers ou francs, de sorte
que la comparution ne peut avoir lieu que le neuvième jour qui suit celui de la signification25.
Lorsque la citation est signifiée à l'étranger, le délai de huitaine est augmenté ainsi qu'il est dit à l'ar-
ticle 55 du Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé (article 709 du Code judiciaire).

47. En matière de référé, ou devant le juge des saisies, le délai de citation est de deux jours (ar-
ticles 1035, alinéa 2, et 1395, alinéa 2, du Code judiciaire).

48. Lorsque le jugement de la cause requiert une urgence particulière qui est démontrée, le de-
mandeur peut adresser une requête unilatérale en abréviation du délai de citer au juge de paix ou au
président du tribunal devant lequel l'affaire doit être portée, pour solliciter l'abréviation des délais
prévus par les articles 55, 707 et 1035 du Code judiciaire.
En cas d'extrême urgence, la citation peut être autorisée "dans le jour et à l'heure indiquée" (articles
708 et 1036 du Code judiciaire).
L'ordonnance abrégeant le délai de citation est prononcée sur requête unilatérale (articles 1025 et
suivants du Code judiciaire), adressée au magistrat avant la signification de l'exploit introductif d'ins-
tance. Elle doit être signifiée au défendeur en même temps que la citation.

Section 2
Les autres modes d’introduction de l’instance

49. Il s'agit ici des modes d'introduction de l’instance autres que la citation :

− la requête conjointe;
− la requête introductive d'instance bilatérale (ou contradictoire) ;

− la requête introductive d'instance unilatérale ;


− les mécanismes de saisine permanente ou de saisine « simplifiée ».
Ces modes ne peuvent être utilisés que lorsque la loi le prévoit expressément.

§ 1. La requête conjointe

50. De commun accord, les parties peuvent saisir conjointement le juge compétent au premier
degré de juridiction pour lui demander de statuer sur les différends qui les opposent (article 706 du
Code judiciaire).
Ce mode de saisine est admis en toutes matières contentieuses à la condition que le juge soit appelé
à statuer au premier degré de juridiction (il ne peut donc être utilisé en degré d’appel).

25
Cass., 3 décembre 1979, Pas., 1980, I, p. 408.
L’introduction de la demande  21

51. Cette manière de procéder permet de réduire les frais, car seul le droit au rôle est dû, et de
gagner du temps. La requête conjointe doit, à peine de nullité, être datée et signée par les parties. Le
texte légal ne prévoit pas expressément, à l’instar de ce qui existe pour la requête contradictoire (ar-
ticle 1034ter du Code judiciaire) que l’avocat puisse signer la requête à la place de son client. On peut
toutefois considérer que, tout comme pour le procès-verbal de comparution volontaire, remplacé par
la requête conjointe, pour lequel il était unanimement admis qu’un avocat puisse le signer alors même
que l’ancien texte de l’article 706 prévoyait également que la déclaration était signée par les parties,
un avocat puisse valablement signer une requête conjointe au nom de la partie dont il est le manda-
taire. A supposer même que la nullité de la requête conjointe signée par un avocat soit soulevée par
une partie ou par le juge, l’on pourrait envisager d’avoir recours à l’article 863 du Code judiciaire afin
de régulariser la procédure (infra, n° 135).

52. La requête conjointe est déposée au greffe ou adressée par recommandé. Ce dépôt ou cet
envoi vaut signification. En principe, aucune audience d’introduction n’est prévue à moins que les
parties ne le demandent ou que le juge l’estime nécessaire. Si tel est le cas, une audience est fixée
dans les 15 jours du dépôt de la requête.
Les parties doivent veiller à indiquer, dans la requête conjointe, leur souhait quant à la mise en état
de l’affaire, à la fixation d’une date de plaidoiries (débats succincts) ou au renvoi au rôle.

Pour le reste, les règles de la procédure de droit commun sont poursuivies.


Il faut insister sur ce que la requête conjointe n'est qu'un mode simplifié d'introduction de la procé-
dure : son utilisation n'implique aucune reconnaissance ou renonciation.

§ 2. La requête « contradictoire »

53. Il faut attirer d’emblée l'attention sur le caractère trompeur du terme « requête contradic-
toire » couramment utilisé en pratique : la requête est, en elle-même, un acte unilatéral. En réalité,
elle est rédigée par l'une des parties, qui la dépose au greffe par les soins duquel elle est ensuite
notifiée à l'adversaire.
Il s'agit donc d'une requête introduisant une procédure contradictoire. Il serait inexact d'en déduire
qu'elle est rédigée par les deux parties ensemble à l’instar de la requête conjointe, où les parties ex-
posent leur thèse, l'une à la suite de l'autre (notons toutefois que dans le cadre de procédures parti-
culières, dérogatoires au droit commun - divorce par consentement mutuel -, la requête doit être co-
signée par les deux parties).

54. La « requête contradictoire » - dite encore « bilatérale » – est en réalité une citation en forme
simplifiée qui rend la procédure moins onéreuse puisqu'elle épargne le coût de l'exploit d'huissier :
seul le droit de rôle est dû.
Pour le surplus, la procédure est suivie de manière classique. De nombreuses dispositions prévoient
que la procédure sera introduite par une telle requête, notamment devant les juridictions du travail,
en matière de contentieux familial ou encore dans le contentieux locatif.
22 

55. Il n'est pas interdit dans ces cas de procéder par citation26, mais le coût supplémentaire de
l'acte par rapport à celui de la requête peut être mis à la charge de la partie qui en a pris l'initiative
lorsque le choix de la citation est fautif27.
Il n'est par contre pas permis d'introduire une procédure par requête lorsque la loi ne l'autorise pas,
sous peine de violer l’article 700 du Code judiciaire. Toutefois le non-respect de cette règle n’entraîne
qu’une nullité de la requête, régie par les articles 860 et s. du Code judiciaire.
Dans un arrêt du 8 janvier 2004, la Cour de cassation a toutefois précisé que le demandeur qui, en
application d’une disposition prévoyant cette procédure, a régulièrement introduit sa cause par la
voie d’une requête contradictoire peut introduire une demande subsidiaire par la même voie, même
si, introduite à titre principal, cette dernière demande devait l’être par voie de citation28.

56. De manière générale, la « requête contradictoire » produit les mêmes effets qu'une citation :
elle saisit le juge et interrompt la prescription.
La date de l'introduction de la procédure est celle de la réception de l'acte au greffe, constatée par
une mention apposée sur le document par le greffier. A défaut de cette mention, c'est la date de
l'inscription au rôle qui est retenue.

57. La requête est notifiée au défendeur par pli judiciaire avec une convocation à comparaître. La
notification est la transmission d'actes judiciaires par l'expédition par le greffe (article 32, 2°, du Code
judiciaire). Parfois, la loi prévoit que cette notification doit se faire sous la forme d'un type spécial
d'envoi recommandé par la poste avec accusé de réception : le pli judiciaire (article 46 du Code judi-
ciaire).
La loi prévoit un mécanisme complexe pour déterminer la date de la notification à l’égard du défen-
deur à qui la requête est notifiée par pli judiciaire par le greffe.
Contrairement à la signification, il y a en cas de notification, une dissociation en ce sens que l’expédition
précède nécessairement la réception ou la présentation au domicile du destinataire. Le mécanisme dit
« de la double date » consiste à tenir compte de la date de dépôt ou de l’expédition de l’acte lorsqu’il
s’agit des intérêts du demandeur (interruption de la prescription, respect d’un délai préfix ou de recours)
et de la date de présentation (et non de l’effective prise de connaissance de l’acte par le destinataire au
destinataire lorsqu’il s’agit des intérêts de celui-ci (prise de cours du délai de comparution ou de recours ;
effet d’une mise en demeure…).

26
Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, p. 102.
27
Article 1017, alinéa 1er du Code judiciaire ; Cass., 7 octobre 2013, S.11.0108.N., : « geschillen inzake arbeids-
overeenkomsten naar keuze van de eiser kunnen worden ingeleid bij dagvaarding of bij verzoekschrift op tegen-
spraak. Hieruit volgt dat het inleiden bij dagvaarding van een dergelijk geschil op zich geen fout uitmaakt. Opdat
het inleiden bij dagvaarding wanneer dit ook bij verzoekschrift op tegenspraak kan geschieden, als een fout kan
worden aangezien, is vereist dat een normaal voorzichtige persoon, in dezelfde omstandigheden geplaatst, re-
delijkerwijze anders zou hebben gehandeld » ; P. MOREAU, « Le choix de la voie la plus onéreuse sanctionné par
la condamnation aux dépens », note sous J.P. Wervik, 9 juin 1998, J.J.P., 1999, pp. 345-348.
28
Cass., 8 janvier 2004, R.A.B.G., 2004, p. 621, note B. MAES ; R.W., 2004-05, p. 64, note J. LAENENS ; J.J.P., 2004,
p. 388, note S. MOSSELMANS.
L’introduction de la demande  23

L’article 53bis du Code judiciaire consacre expressément cette solution :


« A l’égard du destinataire, et sauf si la loi en dispose autrement, les délais qui commencent à courir à
partir d’une notification sur support papier sont calculés depuis :
1°. lorsque la notification est effectuée par pli judiciaire ou par courrier recommandé avec accusé de
réception, le premier jour qui suit celui où le pli a été présenté au domicile du destinataire ou, le cas
échéant, à sa résidence ou à son domicile élu ;
2°. lorsque la notification est effectuée par pli recommandé ou par pli simple, depuis le troisième jour
ouvrable qui suit celui où le pli a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destina-
taire »29.

58. Le Code judiciaire prévoit aux articles 1034bis et s. le « droit commun » de la requête intro-
ductive d'une instance contradictoire.

59. Comme le précise expressément l'article 1034bis du Code judiciaire, ces dispositions ne déro-
gent pas aux formalités et mentions régies par des dispositions légales particulières non expressément
abrogées.
Ceci signifie que les formalités de droit commun de la requête s'appliquent conjointement aux forma-
lités prévues par les législations particulières qui autorisent ou prescrivent le recours à ce mode
d'introduction de l'instance. En cas d'incompatibilité entre les règles de droit commun et celles pres-
crites par les lois particulières, ce seront ces dernières qui primeront. Par exemple, en matière de
protection de la jeunesse, la requête doit être signée par l’avocat du requérant alors que suivant le
droit commun de l’article 1034ter, 6°, du Code judiciaire, elle peut être signée par le requérant ou son
avocat30.
Il faut dès lors être particulièrement attentif aux formalités à accomplir en cas de recours à la requête
« contradictoire », en comparant les exigences du droit commun à celles éventuellement précisées
par les dispositions particulières propres à l'action que l'on se propose d'intenter, afin d'en faire une
application cumulative.

29
Lorsque la notification de la décision attaquée est effectuée par pli recommandé remis aux services de la poste
un jeudi, le troisième jour ouvrable qui suit cet événement et au cours duquel le délai pour introduire un pourvoi
en cassation contre cette décision commence à courir est le mardi suivant dès lors que le samedi n’est pas un
jour ouvrable » (Cass., 30 janvier 2009, R.W., 2009-2010, 1469 et note D. Scheers, « Werkdagen en zaterdagen
in de termijnrekening » ; Pas., 2009, p. 298 et la note 1 : « La Cour fait manifestement savoir de manière implicite
que le calcul du délai prévu par l’article 52, alinéa 1er du Code judiciaire – le délai « est calculé depuis le lendemain
du jour de l’acte ou de l’événement ‘qui’ (tel que modifié par l’article 9 de la loi du 5 août 1966) y donne cours et
comprend tous les jours, même le samedi, le dimanche et les jours fériés légaux » - est déjà compris dans le calcul
de délai de l’article 53bis nouveau, qui définit l’évènement pertinent ».
30
Voy. V. D’HUART, obs. sous Civ. Verviers, 6 janvier 1999, J.L.M.B., 1999, p. 1448. La Cour de cassation estime
également que l’article 1034ter, 6° du Code judiciaire n’interdit pas « qu’un litige puisse être introduit régulière-
ment par une requête contradictoire signée par une personne autre qu’un avocat ». Deux conditions doivent
cependant être remplies : d’une part, la personne en question doit avoir été « spécialement mandatée pour ce
faire par le requérant » et, d’autre part, cette personne doit préciser « qu’elle agit en qualité de mandataire du
requérant et indique l’identité de celui-ci » (Cass., 21 octobre 2010, J.T., 2011, p. 284, note A. BERTHE).
24 

§ 3. La requête unilatérale

60. La procédure introduite au moyen d’une requête contradictoire destinée à être notifiée à la
partie adverse ne peut être confondue avec la procédure sur requête unilatérale, laquelle ne com-
porte pas d’adversaire dans la première phase de la procédure. La caractéristique essentielle de cette
dernière procédure est que le juge se prononce sur la demande contenue dans la requête, sans que
celle-ci ne soit notifiée d’avance à une – éventuelle – partie adverse, de telle sorte que cette dernière
n’a la possibilité de défendre son point de vue qu’a posteriori par voie de tierce-opposition.
L’introduction et l’instruction de la demande sur requête unilatérale sont régies par les articles 1025 à
1034 du Code judiciaire.
Cette procédure ne peut être utilisée que dans les cas expressément prévus par la loi ou lorsque la
procédure ne comportant pas d’adversaire, la procédure contradictoire est impraticable.

§ 4. Les mécanismes de saisine « permanente » ou « simplifiée »

A. La saisine permanente

61. Pour les affaires dans lesquelles la situation est appelée à se modifier rapidement, la loi pré-
voit plusieurs cas dans lesquels le juge reste saisi du dossier bien qu’il ait déjà prononcé une décision.
Il s’agit d’une forme de saisine permanente. Dans ce cas, toute partie peut faire revenir la cause devant
le juge sans devoir utiliser un nouveau mode introductif d’instance. La (nouvelle) demande est intro-
duite par le juge au moyen d’une simple demande de fixation de la cause.
Ce type de mécanisme est prévu pour les mesures avant dire droit ou le règlement d’un incident portant
sur une telle mesure (art. 19 al. 3), l’adaptation d’une décision provisoire (l’article 1253ter/7 concernant
les demandes urgentes en matière familiale) 31 , de la mission confiée à un officier ministériel (art.
1580quater en cas de vente de gré à gré d’un immeuble saisi) ou d’un plan de règlement amiable ou
judiciaire (art. 1675/14 § 2 al. 3). Parfois, la loi prévoit un tel mécanisme pour rendre effective l’exécution
du titre (art. 387ter du Code civil en matière d’hébergement égalitaire)32.

B. La saisine simplifiée

62. Dans certains cas spéciaux lorsque la procédure est dirigée ou contrôlée par un officier minis-
tériel, celui-ci peut saisir le juge en déposant devant lui le dossier relatif à cette procédure. Il s’agit

31
Sur cette règle applicable au seul premier degré de juridiction et son régime, voy. Ph. DE KOSTER, concl. préc.
Cass., 23 mai 2008, Pas., 2008, p. 1273.
32
Voy. à ce sujet N. DANDOYet F. REUSENS, « L’hébergement égalitaire » (lorsque la promotion de la co-parenté
sur le plan de l’hébergement aboutit à une réforme faussement modeste de la procédure en matière d’autorité
parentale), J.T., 2007, p. 186, n° 4 et M. MARESCHAL, « L’article 387ter du Code civil ou le renforcement de la
complexité procédurale en matière familiale », Act. dr. fam., 2008/4, sp. pp. 73 à 81.
L’introduction de la demande  25

donc d’une saisine par dépôt de dossier au greffe. Tel est le cas en matière d’inventaire (art. 1184 C.
jud.), de partage (art. 1219 C. jud.), de saisie (art. 1408 § 3 ; art. 1411quater § 2/5 ; adde en cas de
majoration pour enfant à charge le mécanisme de saisine totalement déformalisé – « simple déclara-
tion écrite déposée ou adressée au greffe » - en cas de majoration des quotités insaisissables ou in-
cessibles pour majoration d’enfant à charge, voy. l’art. 1409ter § 3 C. jud. et l’art. 34bis § 3 de la loi du
12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs).

Section 3
La mise au rôle et le dossier de la procédure

§ 1. Le rôle général

63. Il est tenu au sein de chaque greffe un registre où toutes les causes sont répertoriées sous un
numéro d'ordre (article 711 du Code judiciaire). L'inscription de la cause à ce rôle général doit avoir
lieu au plus tard la veille du jour de l'audience pour laquelle la citation a été donnée (article 716 du
Code judiciaire)33.
Lorsque la cause est introduite par requête, la mise au rôle se fait au moment où le greffe reçoit la
requête, moyennant le paiement préalable d’une contribution forfaitaire à l’aide juridique. Depuis le
1er février 2019, les droits de greffe sont payés au terme de la procédure34.

Lorsque la cause est introduite par comparution volontaire, la mise au rôle se fait dès que le juge a
acté la comparution des parties.

64. Le rôle général est un document authentique, qui est coté et paraphé par un magistrat.
L'inscription au rôle général parfait la saisine du tribunal. Auparavant, la citation non inscrite dans le
délai légal était de nul effet (ancien article 717 du Code judiciaire). La Cour de cassation a confirmé
dans un arrêt du 1er octobre 1990 que « le juge est saisi de la cause à partir de la signification de la
citation pour autant qu'elle ait été inscrite au rôle général pour l'audience indiquée dans la citation »35.
Cela signifiait donc que la prescription était interrompue à compter de la signification de la citation à
la condition que celle-ci ait été inscrite au rôle général avant l’audience d’introduction.
L’article 717 du Code judiciaire tel qu’il a été modifié par la loi du 25 mai 2018 dispose désormais que
la procédure est suspendue d'office par le juge si la cause n'a pas été inscrite au rôle général pour
l'audience indiquée dans la citation (l’article 1060 du C.J. qui constitue une disposition analogique
pour la procédure d’appel a également été adapté dans le même sens).

33
Les demandes en référé, les demandes sur requête unilatérale et les demandes de règlement collectif de
dettes sont inscrites sur des rôles spéciaux.
34
Cela résulte d’une modification des articles 269 à 269/4 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque
et de greffe, par la loi du 14 octobre 2018.
35
Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, p. 102.
26 

L’introduction de la citation interrompt désormais la prescription même lorsque l’inscription de la


cause au rôle général a lieu à la suite de l’audience d’introduction. Partant, il est permis de se deman-
der si la prescription pourrait être interrompue ad vitam eternam dans l’hypothèse où le demandeur
ne remplit pas la formalité demandée durant la surséance de la procédure.
Selon les cas, l'inscription est requise soit par l'huissier instrumentant, soit par la partie elle-même,
soit par son avocat, soit par un mandataire. La demµande peut même émaner de la partie adverse
(article 716 du Code judiciaire).
La cause reçoit un numéro d'ordre, qui lui servira de référence. A côté du rôle général, propre à chaque
juridiction, chaque chambre du tribunal possède son rôle d'audience (rôle particulier), qui est en
quelque sorte l'agenda où sont inscrites en précisant le jour, l'heure et la durée probable du débat,
les affaires en état d'être plaidées et dont la fixation a été demandée.

§ 2. Le dossier de la procédure

65. Dès l'inscription au rôle d'une nouvelle cause, le greffier ouvre un dossier « de la procédure »
(article 720 du Code judiciaire).
Ce dossier permettra de retracer l'historique de la procédure depuis l'introduction de l'affaire devant
le tribunal jusqu'à la décision qui dessaisit le juge.
Il permet aux magistrats du siège et du Parquet de prendre connaissance avant l'audience des élé-
ments des causes qui sont fixées.
Le dossier contient notamment l'acte introductif d'instance, les notifications, conclusions, procès-ver-
baux d'audience, et tous les actes établis par le juge, ainsi que les rapports d'expertise, l'avis du Mi-
nistère public, la copie certifiée conforme des décisions rendues, etc36.
Le dossier de la procédure suit l'affaire devant le juge qui en est saisi et, en cas de recours, est transmis
dans les 5 jours au greffe de la juridiction supérieure. Le délai de 5 jours n'est toutefois pas prévu à
peine de déchéance.

66. Les demandes soumises au tribunal de la famille entre des parties qui, soit ont un enfant mi-
neur en commun, soit sont ou ont été mariées, soit sont ou ont été cohabitants légaux, sont jointes
en un seul dossier appelé dossier familial (article 735bis du Code judiciaire).

36
L’article 721 énonce de manière non exhaustive, le contenu du dossier de la procédure. Cet article a été mo-
difié par la loi du 10 juillet 2013. La modification est entrée en vigueur le 1 er janvier 2013.
L’introduction de la demande  27

CHAPITRE IV
Les effets de l’introduction de la demande

Section 1
Effets à l’égard des parties

67. La demande crée entre les parties, un lien d’instance ou rapport juridique d’instance, qui se
superpose au rapport juridique litigieux sans le remplacer et engendre des droits et des obligations
pour chacune des parties.

Section 2
Effets à l'égard du juge

68. La demande ouvre l'instance et opère la saisine du juge37. Dès lors, le magistrat doit statuer,
à peine de déni de justice ou de violation du principe dispositif, sur tous les chefs de la demande
(articles 5 et 1138, 3°, du Code judiciaire).

69. Devant respecter le principe dispositif, le juge ne peut accorder que ce qui a été demandé. Il
est enfermé dans les limites de la demande et ne peut statuer « ultra petita » (article 1138, 2°, du
Code judiciaire).

Section 3
Effets à l'égard du fond du droit

70. La demande produit un certain nombre d'effets à l’égard du fond du droit. Elle met le débiteur
en demeure, transfère les risques à sa charge, fait courir les intérêts judiciaires, interrompt la pres-
cription38, rend les droits litigieux au sens de l’article 1700 du Code civil, etc.

37
Cass., 9 décembre 1996, Pas., I, p. 1251.
38
Contrairement à la matière pénale, en matière civile, la prescription est interrompue à compter de la date de
la citation pendant tout le cours de l’instance, c’est-à-dire jusqu’au jugement ou à l’arrêt mettant fin au litige
(Cass., 30 juin 1997, Pas., 1997, I, p. 772). En outre, il ne peut être question d’une éventuelle prescription du lien
d’instance lorsqu’un sujet de droit, titulaire d’un droit subjectif se serait abstenu, durant un laps de temps dé-
terminé, de diligenter l’action introduite ou aurait adopté une attitude faisant naître l’impression qu’il ne l’exer-
cera pas ou ne continuera pas à l’exercer (Cass., 18 mars 2013, J.L.M.B., 2013, p. 922 ; J.T., 2013, p. 343). La
citation interrompt la prescription pour la demande qu'elle introduit ainsi que pour la demande dont l'objet est
virtuellement compris dans la citation (c’est-à-dire essentiellement la demande additionnelle) (Cass., 17 mars
2003, Pas., p. 526 ; Cass., 27 octobre 2006, Pas., 2006, p. 2190 et Cass., 12 janvier 2010, RG n° P.09.1266.F.). En
revanche, la citation n’interrompt pas la prescription des éventuelles demandes nouvelles que le demandeur
entend former en cours d’instance. La prescription de celle-ci tout comme celle de la demande reconvention-
nelle formée par le défendeur (Cass., 3 mars 2003, Pas., p. 445) est interrompue au jour du dépôt au greffe des
28 

L'interruption de la prescription est cependant non avenue s'il y a désistement ou rejet de la demande
(article 2247 du Code civil). Par contre, elle a lieu même en cas de citation devant un juge incompétent
ou de nullité de la citation ou de la requête.

71. En principe l’introduction de l’instance crée également au profit du demandeur un droit acquis
rebelle à l’application rétroactive d’une loi qui ne serait pas dictée par un impérieux motif d’intérêt
général39.

conclusions par lesquelles cette demande est formée. Ce dépôt vaut en effet signification en vertu de l’article
746 du Code judiciaire.

39
C. Const., 12 mai 2010, J.T.T., 2010, p. 211.
L’instruction de la demande  29

TITRE VI
L’INSTRUCTION DE LA DEMANDE

CHAPITRE I
L’audience d’introduction

Section 1
Comparution et représentation des parties en justice

§ 1. Principes

72. Selon l'article 728 du Code judiciaire, les parties comparaissent en justice en personne ou par
avocat.
Sous réserve des exceptions ci-après examinées, les avocats ont seuls le droit de plaider, de présenter
en justice la défense d'une partie, et celui de la représenter (article 440 du Code judiciaire). Il faut
également ajouter que, en matière fiscale et dans d’autres matières spécialement prévues, l’Etat belge
ou des organismes étatiques peuvent être représentés par un fonctionnaire spécialement désigné à
cet effet (article 728, §§ 2, 2bis et 3 du Code judiciaire).
Sous réserve de quelques cas exceptionnels, les avocats ont le monopole de la signature des requêtes
unilatérales (article 1026, 5 du Code judiciaire).
En justice, les personnes morales comparaissent en personne par leur organe légal et, sauf contro-
verse, par leur organe statutaire (article 703 du Code judiciaire). Il s'agit notamment du conseil d'ad-
ministration de la société anonyme, ou du gérant de la SPRL.

§ 2. Juridictions d'exception

73. Devant le juge de paix, le tribunal de l’entreprise et les juridictions du travail, les parties peu-
vent être représentées par leur conjoint, par leur cohabitant légal ou par un parent ou allié, porteur
d'une procuration écrite et agréée spécialement par le juge (article 728, § 2, du Code judiciaire).

§ 3. Juridictions du travail

74. Devant les juridictions du travail, le délégué d'une organisation représentative d'ouvriers ou
d'employés, porteur d'une procuration écrite peut représenter l'ouvrier ou l'employé, plaider et rece-
voir toutes communications relatives à l'instruction et au jugement du litige (article 728, § 3 du Code
judiciaire).
30 

§ 4. Tribunal de la famille

75. La comparution personnelle des parties est obligatoire devant le tribunal de la famille pour
les demandes visées à l’article 1253ter/4, §2, 1° à 4°du Code judiciaire (article 1253ter/2 C. jud.).
Si le demandeur ne comparaît pas en personne, le juge, selon les circonstances qu'il apprécie, déclare
le demandeur déchu de sa demande, ou renvoie la cause au rôle particulier de la chambre. Dans ce
dernier cas, la cause peut être ramenée à l'audience dans un délai de quinze jours, à la demande d'une
des parties. Si le défendeur ne comparaît pas en personne, le juge peut, soit rendre un jugement par
défaut, soit remettre la cause à une audience ultérieure. Dans ce dernier cas, un nouveau pli judiciaire
est envoyé au défendeur. Si le défendeur ne comparaît toujours pas à cette nouvelle audience, le
tribunal prononce, sauf circonstances exceptionnelles, un jugement réputé contradictoire.

En cas d'accord des parties rédigé par un avocat, un notaire ou un médiateur agréé sur toutes les
demandes formulées dans l'acte introductif d'instance, la comparution personnelle des parties n'est
pas requise et le tribunal homologue l'accord des parties, pour autant que celui-ci ne soit pas mani-
festement contraire à l'intérêt de l'enfant. Toutefois, le juge peut toujours ordonner la comparution
personnelle des parties, soit d'office, soit à la demande du ministère public

§ 5. Exception

76. Le juge peut interdire à la partie de présenter elle-même ses conclusions et défenses si la
passion ou l'inexpérience l'empêche de s'exprimer avec la décence convenable ou la clarté nécessaire
(article 758 du Code judiciaire).

Section 2
Le traitement de la cause à l’audience d’introduction

77. En principe, en première instance, toutes les affaires sont introduites « à jour fixe ».
Ainsi, selon l'article 727 du Code judiciaire, « au jour fixé par la citation, le greffier fait, à l'ouverture
de l'audience, l'appel des causes dans l'ordre de leur inscription au rôle général ».

78. En application de l'article 735 du Code judiciaire, dès l'audience d'introduction, les procédures
sont réparties en deux catégories :
1°. les causes qui n'appellent que des débats succincts et qui sont en état d'être jugées sont re-
tenues à l'audience d'introduction même pour qu'il soit statué après leur appel ou bien sont immé-
diatement remises à l'une des prochaines audiences de cette même chambre d'introduction (« circuit
court »).
Pour l'examen de ces demandes, la procédure est simplifiée et il peut être statué sans dépôt de con-
clusions. Les pièces et les éventuelles conclusions peuvent être communiquées jusqu'à la clôture des
débats.
L’instruction de la demande  31

En vertu de l'article 741, aucune des règles concernant la mise en état de la cause dans la procédure
dite longue ne sont applicables.
Il est ainsi possible d'obtenir dès la première audience :

− de plaider, si l'affaire est simple et que l'adversaire est présent;


− de prendre jugement par défaut si l'adversaire est absent;
− d'obtenir, par défaut ou contradictoirement, une remise « à date fixe », qui permettra éven-
tuellement de prendre défaut ultérieurement (voy. infra, n°85).
Pour pouvoir bénéficier de la procédure simplifiée « en débats succincts », il faut en faire la demande
de façon motivée : par le demandeur dans l'acte introductif d'instance; par le défendeur à l'audience
d'introduction (art. 735, §1er C. jud.).
En cas d'accord des parties, la procédure simplifiée doit, en principe, être admise (art. 735, §2, C. jud.).
Dans ce cas toutefois le juge fixe la durée des débats. S'il s'avère que, nonobstant l'accord des parties,
les débats ne sont pas succincts, il appartient au juge de renvoyer l'affaire au rôle général.
La procédure simplifiée est également d’application à cinq cas prévus par l’article 735, §2, alinéa 2, du
Code judiciaire :
− le recouvrement des créances incontestées;
− les demandes visées à l'article 19, alinéa 3 (mesures avant dire droit);
− les changements de langue régis par l'article 4 de la loi du 15 juin 1935;

− le règlement des conflits sur la compétence;


− les demandes de délais de grâce.
Dans ces hypothèses, l’affaire doit, en théorie, être obligatoirement instruite et jugée suivant la pro-
cédure des débats succincts, même si elle appelle de plus longs débats.
2°. les affaires plus complexes font l’objet d’une mise en état conformément aux articles 747 et
s. du Code judiciaire (« circuit long »).
Lors de l’audience d’introduction, ces causes font, sauf accord conjoint des parties en vue d’un renvoi
au rôle, l’objet d’une mise en état judiciaire amiable ou judiciaire (art. 747 C. jud). Plus précisément,
soit le juge acte l’accord conclu entre les parties au sujet du calendrier d’échange de conclusions et
fixe une date pour les plaidoiries (art. 747, §1er, C. jud.), soit, à défaut d’accord, le juge fixe d’autorité,
après avoir recueilli les observations des parties, les dates pour le dépôt des conclusions et pour l’au-
dience des plaidoiries (art. 747, §2, C. jud.).

79. Remarque : Dans le but d'éviter aux avocats des déplacements inutiles, l'article 729 du Code
judiciaire dispose que « lorsque la cause n'est pas de nature à être plaidée lors de son introduction,
les avocats des parties peuvent, de commun accord, remplacer la comparution à l’audience prévue à
l’article 728 par une déclaration écrite de postulation, en explicitant, dans la mesure du possible, leur
position en ce qui concerne la mise en état judiciaire. Cette déclaration est adressée au préalable au
greffier. Il en est fait mention à la feuille d'audience ».
Remarque : L’article 730/1, §2, du Code judiciaire prévoit que, dans le but de favoriser le règlement
amiable du litige, « sauf en référé, le juge peut, à l'audience d'introduction ou lors d'une audience
32 

fixée à date rapprochée, interroger les parties sur la manière dont elles ont tenté de résoudre le li-
tige à l'amiable avant l'introduction de la cause et les informer des possibilités d'encore résoudre le
litige à l'amiable. À cette fin, le juge peut ordonner la comparution personnelle des parties.

À la demande de l'une des parties ou s'il l'estime utile, le juge, s'il constate qu'un rapprochement est
possible, peut, à cette même audience d'introduction ou à une audience fixée à date rapprochée,
remettre la cause à une date fixe, qui ne peut excéder un mois sauf accord des parties, afin de leur
permettre de vérifier si leur litige peut être totalement ou partiellement résolu à l'amiable et de re-
cueillir toutes les informations utiles en la matière.

La mesure visée à l'alinéa 2 ne peut être ordonnée si elle l'a déjà été dans le cadre du même litige. »
L’instruction de la demande  33

CHAPITRE II
La procédure par défaut

Section 1
Introduction

80. Il peut advenir que le défendeur pourtant régulièrement convoqué – et parfois, mais beau-
coup plus rarement le demandeur – ne se présente pas à l’audience d’introduction ou lors d’une au-
dience ultérieure. On parle dans cette situation de « défaut ». En droit belge, le défaut n'est pas con-
sidéré comme une attitude pouvant être sanctionnée, bien que l'on estime que bon nombre de dé-
fauts traduisent en réalité une manoeuvre dilatoire. Dans la conception actuellement majoritaire, le
défaut reste l'exercice normal d'un droit, ce qui explique d'ailleurs que l'opposition est une voie de
recours ordinaire.
En aucun cas, il ne peut se déduire du défaut d'une des parties qu'elle acquiesce à la prétention de
l'autre : c'est la raison pour laquelle la partie défaillante qui fait opposition ne doit nullement expliquer
les raisons de son absence à l'audience, mais bien faire valoir dans son acte les motifs de fond qu'elle
invoque40.

81. Traditionnellement, le défaut était considéré comme une contestation de la recevabilité et du


fondement de la demande41. Avant la loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procédure civile
et portant des dispositions diverses en matière de justice (dite « loi pot-pourri I »), c'est ce qui expli-
quait que le juge statuant par défaut devait par conséquent non seulement vérifier les moyens de
procédure mais encore s’assurer que les conclusions du demandeur étaient justes et bien vérifiées
mais uniquement sur les pièces et au regard du dossier dont il disposait. D’office, le juge devait sup-
pléer tous les moyens que la partie défaillante aurait pu proposer, y compris les contestations d’ordre
privé.
Depuis les lois pot-pourri I et V, le juge statuant par défaut fait désormais « droit aux demandes ou
moyens de défense de la partie comparante, sauf dans la mesure où la procédure, ces demandes ou
ces moyens sont contraires à l’ordre public, y compris les règles de droit que le juge peut, en vertu de
la loi, appliquer d’office » (nouvel article 806 du Code judiciaire, inséré par l’article 20 de la loi du 19
octobre 2015, loi « pot-pourri I » et modifié par l’article 138 de la loi du 6 juillet 2017, loi « pot-pourri
V »).

40
Cass., 19 septembre 1985, Pas., 1986, I, p. 61.
41
Cass., 15 janvier 2016, C.14.0566.F.
34 

Bien que l’étendue des pouvoirs du juge statuant par défaut ait fait l’objet de controverses 42 , en
grande partie dues à l’imprécision des travaux parlementaires, le texte du nouvel article 806 du Code
judiciaire est clair. Le juge statuant par défaut ne peut désormais plus soulever d’office que les moyens
(procéduraux ou de fond) d’ordre public et les règles de droit qu’il peut, en vertu de la loi, appliquer
d’office (comme par exemple la réduction d’une clause pénale excessive en vertu de l’article 1231, §1,
du Code civil ou un déclinatoire de compétence territoriale impérative, en application de l’article 630,
alinéa 2 du Code judiciaire).

Par ailleurs la Cour de cassation a rapidement précisé que : « Relève de l’ordre public ce qui touche aux
intérêts essentiels de l’État ou de la communauté, ou ce qui, en droit privé, détermine les bases juri-
diques sur lesquelles repose l’ordre économique ou moral de la société. Dans le contexte de l’article
806 C. jud., faire droit à une demande ou à une défense manifestement non fondée est contraire à
l’ordre public »43. Ainsi par exemple, le juge statuant par défaut rejettera normalement une demande
de condamnation au paiement d’une facture alors que le demandeur ne produit aucune pièce, pas
même la facture en question. De même, le juge statuant par défaut rejettera une demande manifes-
tement irrecevable au motif qu’elle est contraire à l’autorité de chose jugée d’une précédente déci-
sion44.

82. Les lois des 3 août 1992, 26 avril 2007 et 6 juillet 2017 ont heureusement réduit les cas de
procédure par défaut.
La procédure est à présent considérée comme étant contradictoire à l'égard d'une partie dès qu'elle
a conclu (article 804, alinéa 2, du Code judiciaire). Le défaut de comparaître à l'audience de plaidoiries
n'empêchera donc plus l'autre partie d'obtenir un jugement contradictoire.
Par ailleurs, dans tous les cas où il aura été recouru à une mise en état consensuelle judiciarisée (article
747, §1er) ou judiciaire (article 747, §2 ou 748, §2), ce qui est aujourd’hui en principe la règle (voy.
infra, n°104), la procédure sera contradictoire, même si une des parties ne conclut pas et ne comparaît
pas (article 747, §4).

42
Voy. par exemple, G. DE LEVAL, J. VAN COMPERNOLLE, Fr. GEORGES, « loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de
la procédure civile et portant des dispositions diverses en matière de justice », J.T., 2015, p. 797-799 ; F. Lejeune,
« Simplification de la procédure par défaut et métamorphose de l’appel, pour quelle efficacité », dans J. Engle-
bert et X. Taton (dir.), Le procès civil efficace ?, Limal, Anthémis, 2015, p. 116-129 ; J.-Fr. VAN DROOGHENBROECK,
N. DANDOY et N. GENDRIN, « Le sort du justiciable défaillant : saga et mode d’emploi », in H. BOULARBAH et J.-Fr.
VAN DROOGHENBROECK (dir.), Form. perm. CUP, vol. 183, Liège, Anthemis, 2018, p.183 à 280.

43
Cass. (2e ch.), 13 décembre 2016, P.16.0421.N, juridat ; R.D.J.P. 2017, liv. 1, p. 22.
44
Cass., 15 octobre 2018, S.18.0002.F, juridat.
L’instruction de la demande  35

Section 2
La procédure par défaut

§ 1. Le défaut à l’audience d’introduction

83. En vertu de l’article 802 du Code judiciaire, « si une partie ne comparaît pas à l’audience d’in-
troduction, il peut être pris défaut contre elle ».
La possibilité existe sans formalité particulière tant pour les affaires qui n’appellent que des débats
succincts au sens de l’article 735 du Code judiciaire et peuvent être retenues à l’audience d’introduc-
tion que pour les autres affaires.
Le défaut doit être demandé par une des parties, il ne peut être prononcé d’office ou lorsqu’aucune
des parties n’a comparu et requis le défaut sous peine de violer le principe dispositif.
Une déclaration écrite de postulation unilatérale (article 729 du Code judiciaire) ne peut faire entrave
à une demande de défaut à l’audience d’introduction.

§ 2. Le défaut aux audiences ultérieures

A. En cas de remise contradictoire (article 804, alinéa 1er, du Code judiciaire)

84. Les parties et le juge peuvent convenir de remettre l’affaire à une date ultérieure (article 735,
er
§1 et 747, §2). Si toutes les parties sont présentes ou représentées lors de l’audience à laquelle cette
remise est accordée, cette dernière est contradictoire. Si, à l'audience à laquelle la cause a été contra-
dictoirement fixée ou remise, l'une des parties ne comparaît pas, jugement par défaut peut être pris
contre elle.

B. Alors que la partie était déjà défaillante à l’audience d’introduction (article 803 du
Code judiciaire)

85. En vertu de l’article 803, alinéa 1er, du Code judiciaire, « la partie défaillante contre laquelle le
défaut n’a pas été pris à l’audience d’introduction, est convoquée, sur pli judiciaire, par le greffier, à
la demande écrite de la partie adverse, pour l’audience à laquelle la cause a été remise ou ultérieure-
ment fixée ».
La fixation de la cause sur la base de l'article 803 du Code judiciaire est obligatoire à l'égard d'une
partie qui n'a pas comparu à l'audience d'introduction mais contre laquelle défaut n'a pas été requis
à cette audience, par exemple parce que certaines formalités n'avaient pas été accomplies ou que le
dossier de la partie présente n'était pas en ordre. Dans ce cas, la partie défaillante doit être convoquée
sous pli judiciaire, par le greffier, à la demande écrite de la partie adverse, pour l'audience à laquelle
la cause est fixée ou a été remise.
36 

La loi du 6 juillet 2017, dite « loi pot-pourri V », a en outre inséré un alinéa 2 à l’article 803, autorisant
ainsi le juge à ordonner que l’acte introductif d’instance soit (une nouvelle fois) signifié par exploit
d’huissier de justice, « lorsqu’à l’audience d’introduction il existe un doute raisonnable que l’acte in-
troductif ait mis le défendeur défaillant en mesure de se défendre ». Il s’agit du cas dans lequel le juge
éprouvera un doute sérieux sur l’aptitude de défendeur défaillant à se présenter utilement à l’au-
dience d’introduction, en raison de l’effectivité de la première convocation par requête ou citation.

86. Si à l'audience à laquelle l'affaire a été fixée ou remise, cette partie ne comparaît toujours pas,
défaut pourra être requis contre elle. Si le greffe a omis d'envoyer le pli judiciaire, ou que la partie
défaillante n’a pas été convoquée par exploit d’huissier, le juge devra refuser de statuer par défaut à
cette nouvelle audience. L'affaire sera soit remise soit renvoyée au rôle. On rappelle toutefois qu’en
vertu du principe de la permanence du domicile judiciaire, le changement de domicile demeure sans
incidence sur le procès en cours aussi longtemps que la partie qui a modifié son domicile néglige d’en
avertir le greffe et son adversaire45.

C. A la suite d’une omission du rôle (article 730)

87. A la suite d’une omission du rôle d’audience ou du rôle général, un défaut ne peut être sollicité
que moyennant une convocation donnée par pli judiciaire, quinze jours au moins avant l’audience, à
la partie qui n’a pas demandé que la cause y soit ramenée (article 730, §2, b), alinéa 3, du Code judi-
ciaire). En outre, s’il est justifié que par suite d’une circonstance non imputable à cette partie, l’aver-
tissement ne lui est pas parvenu, le juge peut ordonner qu’elle soit citée par huissier de justice.

§ 3. Le défaut de plaider

88. En vertu de l’article 804, alinéa 2, du Code judiciaire la procédure est contradictoire dès lors
que la partie a déposé au greffe ou à l’audience des conclusions, même si les conclusions n’abordent
pas le fond du litige et sont des conclusions de pure forme et si elles n’ont pas été soutenues à l’au-
dience.
Depuis la loi du 6 juillet 2017, dite « loi pot-pourri V », le simple fait de déposer des conclusions, même
sans comparaître, implique donc que le jugement sera contradictoire.
En vertu d’un arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 199546, les juges doivent en tout état de
cause répondre aux conclusions des parties, mêmes si celles-ci n’ont pas comparu à l’audience à la-
quelle la cause a été fixée ou remise.

45
Cass., 1er février 1982, Pas., I, p. 688.
46
Cass., 15 décembre 1995, Pas., I, p. 1173.
L’instruction de la demande  37

§ 4. Défaut en fin d’audience et rabat du défaut

89. Aux termes de l’article 805 du Code judiciaire, « la prononciation du jugement par défaut ne
peut avoir lieu avant la fin de l’audience où le défaut a été constaté, et pour autant que celui-ci n’ait
point été auparavant rabattu. Le défaut sera rabattu et l’instance poursuivie contradictoirement si les
parties le sollicitent conjointement avant que la cause ne soit prise en délibéré».
Le prononcé d’un défaut ne peut dès lors avoir lieu avant la fin de l’audience où il a été requis. Le
défaut qui a été demandé au début de l’audience peut également être rabattu au cours de celle-ci,
pour autant que les parties se présentent ensemble devant le juge. En ce cas, l’instance est poursuivie
contradictoirement, à la demande conjointe des parties. La partie qui avait requis le défaut n’est évi-
demment pas obligée d’accepter que celui-ci soit rabattu.

§ 5. Péremption du jugement par défaut

90. L’ancien article 806 du Code judiciaire prévoyait qu’un jugement par défaut devait être signifié
dans l’année sinon il était réputé non avenu. La loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procé-
dure civile et portant des dispositions diverses en matière de justice (dite « loi Pot-pourri I ») a sup-
primé la péremption du jugement par défaut.

91. Le nouvel article 806 du Code judiciaire est entré en vigueur le 1er novembre 2015. Les juge-
ments rendus par défaut après le 1er novembre 2014 ne sont donc pas susceptibles de périmer. Par
contre, les jugements par défaut antérieurs à cette date et n’ayant pas été signifiés, sont périmés et
devront être revalidés47.

47
Pour un exposé complet sur le principe de la péremption du jugement par défaut, voy. L. FRANKIGNOUL, « L’ins-
truction et le jugement par défaut », dans G. DE LEVAL, Droit judiciaire, t. 2, Manuel de procédure civile, Bruxelles,
Larcier, 2015, pp. 435-441. Sur les conséquences de la suppression de la péremption du jugement par défaut
voy. not. G. DE LEVAL, J. VAN COMPERNOLLE et Fr. GEORGES, « La loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la pro-
cédure civile et portant des dispositions diverses en matière de justice », J.T. 2015, n°6624., p. 797 ; F. Lejeune,
« Simplification de la procédure par défaut et métamorphose de l’appel, pour quelle efficacité ? », in J. ENGLEBERT
et X. TATON (dir.), Le procès civil efficace ?, Limal, Anthémis, 2015, pp.107 à 115, n° 2 à 14 ; A. DECROËS, « Suppres-
sion de la péremption du jugement par défaut », in Le code judiciaire en pot-pourri- Promesses, réalités et pers-
pectives, Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 251.
38 

CHAPITRE III
La mise en état de la cause

92. Les articles 731 à 801bis du Code judiciaire déterminent les règles de l'instance lorsque la
procédure est contradictoire. Sauf dérogation expresse, ces mêmes règles sont applicables en degré
d'appel (article 1042 du Code judiciaire).

Section 1
La communication des pièces

§ 1. Principe

93. En application du principe contradictoire, chacun des plaideurs est tenu de communiquer à
l'autre toutes et chacune des pièces (les pièces « à conviction », soit les éléments de preuve) qu'il
entend utiliser au cours de l'instance (article 736 du Code judiciaire).
Cette règle s'étend aux pièces qui sont utilisées au cours des opérations d'expertise et aux notes et
mémoires déposés à la suite des plaidoiries.
Les pièces communiquées deviennent communes aux parties, chacune d'elles pouvant les invoquer
au mieux de ses intérêts.
Il ne peut être fait état des pièces non valablement communiquées.

§ 2. Délais

94. Les délais impartis pour la communication des pièces sont les suivants :
− pour le demandeur : dans les 8 jours de l'introduction de la cause (article 736 du Code judi-
ciaire). Ce délai n'est assorti d'aucune sanction. Il est purement formel ;

− pour le défendeur, la communication des pièces a lieu en même temps que l’envoi de ses
conclusions ;

− en toute hypothèse, en vertu de l’article 740 du Code judiciaire, les pièces communiquées
après la communication des conclusions sont, sous réserve d'application de l'article 748 du Code judi-
ciaire (voir infra, n°104 et s.), d'office écartées des débats.
L’instruction de la demande  39

§ 3. Formes et preuve de la communication

95. Les parties peuvent se communiquer les pièces de deux façons :

− par dépôt au greffe48, où les pièces doivent être consultées sur place (article 737, alinéa 1er,
du Code judiciaire)49 ;
− à l'amiable (article 737, alinéa 2, du Code judiciaire), ce qui est l'usage normal entre avocats50.
Le délai de communication des pièces étant sévèrement sanctionné, il est important de se réserver la
preuve du dépôt ou de l'envoi des pièces.
L’article 742 du Code judiciaire prévoit l’obligation, lors du dépôt des conclusions au greffe, de déposer
un inventaire des pièces communiquées. Cette disposition impose également au greffe de fournir un
accusé de réception du dépôt des conclusions et de l’inventaire. La partie qui reçoit cet inventaire se
doit d'examiner sa conformité avec les pièces reçues et de réagir sans délai s'il apparaît que les pièces
reçues ne correspondent pas à celles mentionnées dans l'inventaire.

§ 4. Sanction de la non-communication

96. Les pièces communiquées tardivement sont d'office écartées des débats (article 740 du Code
judiciaire). Le juge ne peut y avoir égard, sauf accord des parties.

Section 2
Les conclusions

§ 1. Notions

97. En vertu de l'article 741 du Code judiciaire, dans les causes qui ne sont pas retenues à l'au-
dience d'introduction, les parties doivent conclure selon les règles énoncées par les articles 742 à
748bis du Code judiciaire.

98. Les conclusions sont des écrits sous signature privée, signés soit par la partie soit par son con-
seil, soumis au juge au cours des débats et dans lesquels les parties exposent leurs prétentions ainsi

48
Le « dépôt » au greffe peut être réalisé via envoi postal ou électronique. Dans ce cas, la date de dépôt est celle
de la réception par le greffe (article 742, alinéa 2 nouveau, du Code judiciaire).
49
En revanche, le dépôt des conclusions au greffe ne vaut pas communication à l’autre partie. Sur les consé-
quences de cette différence de régime, voy. Cass. (3e ch.), 12 mai 2014, J.T., 2014, p. 814 ; J.T.T., 2014, p. 308.
50
Dans ce cas, la communication des pièces est réputée accomplie au jour de leur envoi à l’adversaire, et non
au jour de leur réception par ce dernier (Cass. (3e ch.), 12 décembre 2011, Pas., 2011, p. 2744, n° 680).
40 

que les moyens de droit et de fait qu'elles invoquent à l'appui de celles-ci51 et auxquels le juge est tenu
de répondre.
Les conclusions identifient d’abord précisément les parties ainsi que la cause (numéro de rôle général
et indication de la chambre saisie - article 743 du Code judiciaire). Elles reprennent ensuite, en les
précisant, les faits invoqués, l'objet de la demande et les moyens présentés à l’appui de la demande.

99. La loi du 19 octobre 2015 modifiant le droit de la procédure civile et portant des dispositions
diverses en matière de justice (dite « loi Pot-pourri I ») a inséré dans le Code judiciaire l’obligation de
structurer les conclusions (art. 744, al. 1 du Code judiciaire).
Les conclusions de toutes les parties (même celles se défendant sans avocat), doivent désormais être
structurées en quatre sections.
1°. Les faits pertinents pour la solution du litige ;
2°. Les prétentions des parties (l’objet de la demande ou de la défense) ;
3°. Les moyens52 de fait et de droit53 invoqués à l’appui de la demande ou de la défense ;
Le nouvel article 744, al. 1 du Code judiciaire impose aux parties de numéroter leurs différents
moyens s’il y en a plusieurs et d’indiquer le caractère principal ou subsidiaire de chacun d’eux.
4°. Le dispositif, qui est le résumé des prétentions de la partie qui les a rédigées. Le dispositif
reprend précisément ce qui est demandé au juge, en indiquant le caractère principal ou sub-
sidiaire de chaque demande et en y incluant un relevé des dépens, soit les frais exposés par
chaque partie (article 1021 C. jud.).
À défaut pour une partie de structurer ses conclusions comme le requiert le nouvel article 744, al. 1
du Code judiciaire, le juge aura la possibilité de ne pas répondre aux moyens de cette partie sans que
l’on ne puisse lui faire grief d’un manque de motivation (art. 780, al. 1, 3° du Code judiciaire)54.

51
Comp. avec Cass., 20 décembre 1983, Pas., 1984, I, p. 448.
52
Le moyen est l’énonciation par une partie, d’un fait, d’un acte, d’un texte d’où, par un raisonnement juridique
(démonstration), elle prétend déduire le bien-fondé d’une demande ou d’une défense. Par contre, l’argument
n’est que le soutien d’un moyen ; il peut s’agir de la simple énonciation d’un acte ou d’un fait qui n’est suivi
d’aucune déduction d’ordre juridique. Tout moyen contient du droit et du fait.
53
L’invitation faite aux parties de présenter leurs moyens de droit ne dispense pas le juge de « dire le droit » en
examinant l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. Ce texte ne porte donc pas atteinte aux
prérogatives du juge dans l’application du droit (projet de loi modifiant le Code judiciaire en vue de lutter contre
l’arriéré judiciaire, Chambre 2006-2007, n° 51-2811/001, p. 10). Mais les parties ne doivent pas se désintéresser
de la règle de droit et des effets juridiques attachés aux faits soumis au juge puisque c’est la perspective dans
laquelle le procès a lieu (voy. aussi J.F. VAN DROOGHENBROECK, note sous Cass., 16 février 2007, J.T., 2008, p. 175).
54
La Cour constitutionnelle insiste sur la circonstance qu’il s’agit uniquement d’une faculté dont le juge est
libre de se saisir. Cela signifie que le juge peut tout à fait décider de répondre à des conclusions qui ne seraient
pas structurées selon l’article 744 du Code judiciaire, s’il l’estime nécessaire (C. const., 31 mai 2018, n° 62/2018,
point B.52.3., disponible sur https://www.const-court.be) (voy. en ce sens Civ. Hainaut (div. Mons) (civ.) (3e ch.),
9 juin 2022, n° 19/1668/A, 19/1669/A, 19/304/A). En outre, le juge peut accorder au justiciable non assisté par
un avocat, ou à un professionnel du droit, un délai additionnel afin de déposer des conclusions dont la structure
est conforme au prescrit de l’article 744, alinéa 1er du Code judiciaire (J. VAN DROOGHENBROECK, J. VANDERSCHUREN,
A. GILLET et F. BALOT, « Examen de jurisprudence (2007 à 2020) - L’instruction de la cause. Partie I - La mise en
L’instruction de la demande  41

100. L’article 743 du Code judiciaire précise encore que les conclusions doivent être signées par les
parties ou leur conseil55. Néanmoins, outre le fait qu’aucune nullité ne soit prévue en cas d’absence
de signature, l’article 863 du Code judiciaire (infra, n° 133) permet également de régulariser cette
omission éventuelle. L’obligation de signature ne concerne que les conclusions qui n’ont pas été dé-
posées au moyen du système informatique visé à l’article 32ter du Code judiciaire.

101. Même si la loi ne réglemente et ne sanctionne pas le contenu substantiel des conclusions, la
Cour de cassation a considéré qu’il y a abus de droit de conclure entraînant l’écartement des conclu-
sions et dès lors l’absence de réponse par le juge à celles-ci lorsque les conclusions ne présentent
aucune cohérence56.

§ 2. L’échange des conclusions

102. L'original signé des conclusions est déposé au greffe pour être joint au dossier de la procédure
(article 742 du Code judiciaire). Le dépôt des conclusions au greffe vaut signification (article 746 du
Code judiciaire) pour autant que cette remise au greffe soit doublée d’un envoi à l’adversaire (voy.
infra, n°103)57.
Seul le dépôt des conclusions au greffe produit les effets de la signification. Si l'on introduit une de-
mande reconventionnelle, il faut veiller à interrompre une éventuelle prescription en déposant ses
conclusions à temps.
La loi du 19 octobre 2015 (loi Pot-pourri I) a inséré un article 32ter dans le Code judiciaire afin de
permettre le dépôt de conclusions par voie électronique. Par un arrêté royal du 16 juin 2016, le Roi a
désigné le système e-Deposit comme étant ledit système « pour le dépôt de conclusions, mémoires

état contradictoire », R.C.J.B., 2021, pp. 332-335). Voy. par ailleurs Liège (9e ch. C), 26 octobre 2021, n°
2010/RG/709, (« Après avoir rappelé la portée de l'article 744, lu en combinaison avec l'article 780 du Code
judiciaire, la cour d'appel estime qu'il ne suffit pas que les conclusions soient pourvues de titres numérotés pour
que ceux-ci soient considérés comme des moyens. Un moyen, en droit judiciaire, peut être défini comme
l'énoncé d'un raisonnement juridique d'où la partie entend déduire le bien-fondé d'une demande ou d'une dé-
fense. En l'espèce, la cour d'appel constate que les conclusions de l'assujettie comportent de nombreux titres
numérotés qui ne sont généralement pas des moyens, ceux-ci devant être déduits de son argumentation. La
cour précise qu'elle identifiera les moyens, pour satisfaire à l'obligation de motivation des décisions judiciaires,
sans qu'on puisse lui reprocher de ne pas avoir eu égard à des moyens qui n'ont pas été clairement identifiés »
(somm.)).
55
A ce sujet voy. D. MOUGENOT, « Quelques plumes de phenix… Reflexions sur l’entrée en vigueur de certaines
dispositions des lois sur la procédure électronique », J.T., 2013, p. 493; D. MOUGENOT, « La procédure par voie
électronique – Les modifications de la procédure civile (Lois des 10 juillet et 5 août 2006) », J.T., 2007, p. 168.
56
Cass., 4 mars 2010, R.A.B.G., 2010, p. 699 ; J.T., 2010, p. 428.
57
J. VAN DROOGHENBROECK, J. VANDERSCHUREN, A. GILLET et F. BALOT, « Examen de jurisprudence (2007 à 2020) -
L’instruction de la cause. Partie I - La mise en état contradictoire », R.C.J.B., 2021, p. 365.
42 

et pièces et les lettres d’accompagnement des conclusions, des mémoires et des pièces au sens des
articles 736 et suivants du Code judiciaire »58.

103. Les conclusions doivent en outre être envoyées en copie à la partie adverse ou à son avocat
(article 745 du Code judiciaire).
Entre parties, aucune règle ne régit le mode de communication ou d’envoi des conclusions. La com-
munication peut donc se faire par fax, par courrier postal ou électronique.
Le Code judiciaire prévoyant dans certains cas une sanction en cas de non-respect des délais de con-
clusions, la preuve de cet envoi dans le délai est très importante. Il appartient dès lors à l'expéditeur
de prouver la date d'envoi ou de produire un accusé de réception59.
Cette double formalité de la remise au greffe et de l’envoi à la partie adverse est nécessaire à la cor-
recte transmission des conclusions. L’article 747, § 4, du Code judiciaire sanctionne la partie ayant
remis au greffe ou envoyé à la partie adverse ses conclusions, après l’expiration des délais, de l’écar-
tement d’office des conclusions des débats60 (voy. infra, n°106).

§ 3. Les délais

A. La mise en état « consensuelle judiciarisée » (article 747, §1er)

104. Les délais de conclusion peuvent être fixés d’un commun accord par les parties, soit à l’au-
dience d’introduction, soit lors d’une audience ultérieure.
Le juge informe les parties qui souhaitent convenir de délais pour conclure de la date la plus proche à
laquelle une audience pourrait être fixée.
Le juge prend acte des délais pour conclure, les confirme et fixe la date de l'audience.
Les délais convenus entre parties sont contraignants bien que l’article 747, §1er, ne renvoie pas ex-
pressément à l’article 747, §461 et les conclusions tardives sont écartées d’office des débats, comme
il est expliqué ci-après.

58
Arrêté royal du 16 juin 2016 portant création de la communication électronique conformément à l’ar-
ticle 32ter du Code judiciaire. Les avocats accèdent au système e-Deposit via la Digital Plateform for Attorney
(DPA).
59
Cass. (3e ch.), 18 février 2013, J.T., 2014, p. 211 et note de X. TATON et G. ELOY, « À qui incombe la preuve de
l’envoi ou du dépôt en temps utile des conclusions ? », J.T., 2014, p. 211-213.
60
Cass., 18 février 2013, J.T., 2014, p. 211 et Cass., 21 avril 2017, Pas., 2017, p. 949, n° 275.
61
Anciennement §2, alinéa 6. Voy. Cass., 28 mai 2015, R.G. C.14.0513.F, Juridat ; Comm. Namur (1e ch.), 9 janvier
2012, J.T., p. 201-202.
L’instruction de la demande  43

B. La mise en état « judiciaire » dès l’audience d’introduction (article 747, § 2)

105. En l’absence d’accord entre les parties, le juge fixe, dans les six semaines de l’audience d’in-
troduction, le calendrier de conclusions ainsi que la date des plaidoiries (qui doit intervenir au plus
tard dans les trois mois de la date prévue pour les dernières conclusions). A cette fin, les parties peu-
vent lui adresser leurs observations dans le mois de l’audience d’introduction.

106. Les délais fixés par le juge pour l'échange des conclusions sont contraignants. Les conclusions
déposées et envoyées après l'échéance fixée sont d'office écartées des débats, sous réserve de l'ap-
plication de l'article 748 du Code judiciaire ou d’un accord des parties (article 747, §4, du Code judi-
ciaire). L’expression « d’office » dans l’article 747, §4, du Code judiciaire62 signifie que la sanction de
l’écartement doit être appliquée même si elle n’est pas sollicitée par une partie. Toutefois, si le juge
peut prendre la décision sans qu'il en soit requis pas les parties, cela ne le dispense pas d'entendre les
parties à ce propos63. Enfin, la sanction de l’écartement des conclusions d’office des débats n’est pas
subordonnée à l’existence d’un grief au sens de l’article 861 du Code judiciaire64.

107. Une partie qui néglige de déposer et/ou de communiquer des conclusions principales dans un
délai fixé ne perd le droit de déposer des conclusions dans un délai ultérieur que lorsqu’il en résulte
une atteinte au droit de la défense de la partie adverse65. Ainsi, sera sanctionné le comportement
déloyal d’une partie qui négligerait de déposer des conclusions principales et exposerait dans ses der-
nières conclusions l’entièreté de son argumentaire sans laisser la possibilité à la partie adverse de
pouvoir y répondre.

C. La mise en état consensuelle et la mise en état « judiciaire » en cours de procédure


(articles 747, §2 et 750)

108. D’un commun accord, les parties peuvent déroger à la mise en état automatique de la cause
et solliciter conjointement lors de l’audience d’introduction le « renvoi au rôle » de l’affaire (c’est-à-
dire sa remise à une date indéterminée). Après que la cause ait été renvoyée au rôle, l’échange des
conclusions et des pièces se fait de manière consensuelle, entre les avocats ou les parties. Lorsque les
parties estiment que le dossier est en état d’être jugé, elles adressent ensemble à la juridiction saisie

62
Cass., 17 novembre 2011, Pas., 2011, p. 2537; R.A.B.G., 2012, p. 371, note B. MAES, “De sanctie van het
ambsthalve weren van een conclusie uit het debat en het recht van verdediging”; R.G.D.C., 2013, p. 57, note D.
SCHEERS, “Wering van laatijdige conclusies: over ambsthalve en originelen”; R.D.J.P., 2012, p. 84; Cass., (3e ch.),
29 janvier 2018, Pas., 2018, p. 190 (le juge a le pouvoir d’appliquer cette sanction « sans qu’il en soit requis par
les parties »).
63
Cass. (1ère ch.), 17 novembre 2011, Pas., 2011, p. 2537, n° 623 ; R.A.B.G., 2012, p. 371 et note B. MAES, « De
sanctie van het ambtshalve weren van een conclusie uit het debat en het recht van verdediging » ; R.G.D.C.,
2013, p. 57 et note D. SCHEERS, « Wering van laattijdige conclusies : over ambtshalve en originelen ».
64
Cass., (2e ch.), 14 novembre 2017, R.A.B.G., 2018, p. 474, note C. VAN DE HEYNING ; Bruxelles (9e ch.), 15 mars
2019, D.A.O.R., 2020, p. 91.
65
Cass., 28 avril 2011, Pas., 2011, p. 1188; Cass., 4 décembre 2008, Pas., 2008, p. 2828 ; Cass. (1ère ch.), 11 juin
2015, R.G. C.14.0433.F, J.T., 2015, p. 694.
44 

une demande pour obtenir la fixation d’une date d’audience lors de laquelle l’affaire pourra être plai-
dée (art. 750 C. jud.). Jusqu’à la demande de fixation conjointe, les parties peuvent déposer et s’en-
voyer des conclusions sans devoir respecter de délais contraignants (art. 750 C. jud.).
A tout moment, la partie, confrontée à la mauvaise volonté ou au silence de son adversaire, peut
demander au juge de fixer des délais pour les conclusions et une date d’audience (art. 747, §2, alinéa
5). On bascule alors dans une mise en état judiciaire contraignante.

D. L'article 748 du Code judiciaire

109. Les trois modes de mise en état d'une cause présentent une caractéristique commune. Quelle
que soit la procédure choisie, il se présentera une période plus ou moins longue pendant laquelle les
parties ne pourront plus conclure alors qu'elles n'auront pas encore plaidé.
L'article 748 du Code judiciaire tempère l'interdiction de conclure pendant cette période.

a) L'article 748, § 1er, du Code judiciaire

110. L’article 748, § 1er, du Code judiciaire prévoit deux exceptions à l’interdiction de conclure après
l’expiration des délais ou la fixation de la cause.
1°. Des conclusions se limitant à introduire une demande additionnelle66 sur la base de l'article
808 du Code judiciaire sont toujours possibles.
2°. Par un accord exprès les parties peuvent toujours déroger à l'interdiction de conclure67.

b) L'article 748, § 2, du Code judiciaire ou la réouverture du droit de conclure en cas de


découverte d'une pièce ou d'un fait « nouveau et pertinent »

111. Lorsqu'une partie découvre, au cours de la période séparant la fin du droit de conclure et
l'audience de plaidoiries, un fait « nouveau et pertinent », elle peut, au plus tard trente jours avant
l’audience fixée pour les plaidoiries, demander au juge auquel la cause a été distribuée qu'il accorde
un nouveau délai aux parties pour conclure sur cette pièce ou ce fait nouveau.
La demande se fait par requête notifiée aux parties qui ont quinze jours pour faire leurs observations.
Le juge statue toujours sur pièces. Il ne peut pas convoquer les parties.

66
Sur la notion de « demande additionnelle », voy. infra, n°139.
67
Voy. not. sur ce point, J. LINSMEAU, « L’article 747 et le consensualisme », J.T., 1995, p. 528. Par un arrêt du 6
avril 2001, la Cour de cassation a rappelé que les conclusions déposées avec l’accord des parties, après la fixation
de la cause sur pied de l’article 750 du Code judiciaire, ne pouvaient être écartées des débats (Cass., 6 avril 2001,
C.98.0358.N).
L’instruction de la demande  45

S'il estime que le fait ou la pièce est réellement nouveau et pertinent, le juge fixe les délais pour con-
clure et fixe le cas échéant une nouvelle date de plaidoiries.
Les travaux parlementaires précisent que par « pertinent », il faut entendre « qui se rapporte à la
cause ». Peut constituer un fait nouveau et pertinent, l’ouverture d’une information pénale, un rap-
port d’expertise,... mais pas la découverte d’une pièce déjà en possession de l’une des parties ou en-
core le changement de conseil par l’une des parties.

112. Lorsque les parties se voient attribuer un délai supplémentaire pour conclure sur la base de
l’article 748, §2 du Code judiciaire, elles ne peuvent redévelopper leur argumentation et déposer de
nouvelles pièces qu’en rapport avec la question nouvelle68.

E. Conclusions contestant l’application des articles 747, 748, et 750 du Code judiciaire

113. En vertu du principe général du respect des droits de la défense, les conclusions, même en-
voyées ou déposées tardivement, ne peuvent être écartées des débats dans la mesure où elles con-
testent l’application des articles 74769, 748 et 750 du Code judiciaire.

§ 4. Nombre d’écrits conclusions

114. Au cours d’une même procédure, les parties peuvent échanger plusieurs écrits de conclusions.
La loi ne précise pas le nombre d’écrits (de « tours ») de conclusions qui peuvent être déposés par les
parties. Celui-ci est fixé lors de l’établissement du calendrier de mise en état de commun accord ou, à
défaut, par le juge.
Le premier écrit de conclusions s’intitule « conclusions » tandis que la première réplique s’intitule « con-
clusions additionnelles »70, la deuxième réplique « deuxièmes conclusions additionnelles ».

68
Bruxelles (9e ch.), 24 janvier 2014, R.G. n° 2013/36, Juridat.
69
Cass., 27 janvier 2000, J.T., 2000, p. 826 avec la note.
70
Par définition, une réplique est une réponse à un écrit antérieur. En cette matière, des conclusions addition-
nelles sont précédées de conclusions principales et répondent aux prétentions et moyens énoncés dans les con-
clusions de l’adversaire. S’agit-il de sanctionner tout « débordement » de ces principes ? Non. Le législateur s’est
référé aux solutions dégagées par la jurisprudence : « Le principe selon lequel par les conclusions en réplique, le
concluant ne peut répondre qu’aux dernières conclusions de l’adversaire, n’a pas été maintenu en raison des
difficultés d’application d’une telle disposition pourrait susciter, la solution équilibrée est celle qui résulte d’un
arrêt de la Cour de cassation du 14 mars 2002 (Pas., 2002, p. 722, R.W., 2002-2003, p. 138, NjW, 2002, p. 59),
lequel précise clairement que l’article 747, § 2, du Code judiciaire n’a pas pour conséquence qu’une partie qui
néglige de prendre des conclusions dans un délai déterminé est nécessairement privée de prendre ultérieure-
ment des conclusions dans le respect d’un délai de réplique. Ces conclusions ne peuvent toutefois pas comporter
de nouveaux moyens auxquels une autre partie ne peut plus répondre, pas plus qu’un appel incident (ou une
demande reconventionnelle) par lequel le débat soumis aux juges d’appel est élargi ; si tel est le cas, il appartient
au juge de sanctionner ce comportement procédural déloyal en écartant des débats les dites conclusions (voy.
aussi Cass., 16 mars 2006, R.A.B.G., 2006, p. 83) » (Doc. Parl. 51-2811/001, p. 13 ; adde Doc. Parl., Sénat, n° 3-
46 

Mais, dès que les dernières conclusions sont prises, elles sont considérées comme des conclusions réca-
pitulatives, c’est-à-dire de synthèse.

115. En vertu de l’article 748bis : « Sauf dans les cas où des conclusions peuvent être prises en-
dehors des délais visés à l'article 747, les dernières conclusions d'une partie prennent la forme de
conclusions de synthèse. Pour l'application de l'article 780, alinéa 1er, 3°, les conclusions de synthèse
remplacent toutes les conclusions antérieures et, le cas échéant, l'acte introductif d'instance de la
partie qui dépose les conclusions de synthèse ».
Dans des arrêts du 26 mars 2011 et du 29 mars 2012, la Cour de cassation a précisé le régime des
conclusions de synthèse en décidant que le juge ne peut avoir égard qu’à ces seules conclusions et
qu’il ne peut, sous peine de violer le principe dispositif, faire droit à une prétention non reproduite
dans ces conclusions. La Cour a réaffirmé sa jurisprudence sur le sujet dans ses arrêts du 8 mars 2013,
7 mai 2015 et 20 décembre 2019, par lesquels elle décide que l’objet de la demande est exclusivement
déterminé par les conclusions de synthèse de manière telle que le juge ne peut statuer sur un chef de
demande non repris dans les conclusions de synthèse71. La partie qui omet une demande de ses con-
clusions de synthèse est donc réputée s’en désister.

116. Dans un arrêt du 24 janvier 2013, la Cour de cassation a reconnu à l’article 748bis le caractère
d’ordre public. Selon la formule habituelle consacrée par la Cour de cassation, une loi est d'ordre pu-
blic lorsqu'elle touche aux intérêts essentiels de l'Etat ou de la collectivité ou lorsqu'elle fixe, dans le
droit privé, les bases juridiques sur lesquelles repose l'ordre économique ou moral de la société. Plu-
sieurs conséquences s’attachent au caractère d’ordre public d’une disposition légale. Le moyen
d’ordre public peut être soulevé par toutes les parties, les parties ne peuvent renoncer à invoquer un
moyen d’ordre public, le juge doit soulever d’office le moyen d’ordre public, le juge n’est pas lié par
un accord, contraire à l’ordre public, qu’auraient conclu les parties et, enfin, le moyen d’ordre public
peut être soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation.

117. L’obligation de prendre les dernières conclusions sous forme de conclusions de synthèse n’est
pas expressément sanctionnée par la loi. Toutefois, une sanction indirecte s’applique de facto. En ef-
fet, il ressort de la lecture combinée des articles 748bis et 780 du Code judiciaire que l’objet de la
demande est exclusivement déterminé par les conclusions de synthèse.
Dès lors, la partie qui ne se conformerait pas à cette exigence de conclusions récapitulatives sera sanc-
tionnée puisque le juge ne devra motiver sa décision qu’à l’égard des moyens développés par les

02095/3 – art. 12 et réf. à Cass., 14 mars 2002, Pas., 2002, 722, R.W., 2002-2003, p. 138 ; voy. aussi Cass., 4
décembre 2008, Pas., 2008, 2828 ; J.L.M.B., 2009, 1645) : « L’économie de l’article 747, § 2, du Code judiciaire
n’est pas de priver nécessairement la partie qui néglige de déposer des conclusions dans le délai fixé par le juge
du droit de déposer des conclusions dans un délai ultérieur ; toutefois, à la demande d’une partie adverse, le
juge peut sanctionner ainsi un comportement procédural déloyal et, par ce motif, écarter des conclusions; Mons,
19 septembre 2006, J.L.M.B., 2007, 825 ; Bruxelles, 5 octobre 2006, J.L.M.B., 2007, 852 ; Civ. Anvers, 18 dé-
cembre 2007, P. en B./R.D.J.P., 2008, 158 ; Cass. (1ère ch.), 11 juin 2015, R.G. C.14.0433.F, J.T., 2015, p. 694).
71
Cass., 8 mars 2013, Arr. Cass., 2013, p. 653. Jurisprudence également réitérée dans ses arrêts du 7 mai 2015
(Arr. Cass., 2015, p. 1164, concl. J.‑Fr. LECLERCQ) et du 20 décembre 2019 (R.D.C., 2020, p. 631, note M. DRAYE et
B. JESURAN).
L’instruction de la demande  47

parties dans leurs conclusions de synthèse et ne pourra statuer que sur les demandes contenues dans
ces mêmes conclusions.

§ 5. Effets produits par les conclusions

A. A l’égard du juge

118. Le juge est tenu de motiver ses décisions et, pour cela, il doit répondre aux moyens de fait et
de droit (et non à chacun des arguments) qui sont « exposés conformément à l'article 744, alinéa 1er »
(c’est-à-dire de manière structurée, art. 780, al. 1, 3° C. jud.) et développés par les parties dans les
conclusions de synthèse. Il doit dire pourquoi il se prononce dans tel sens et justifier la décision qu'il
prend en regard de chacun des moyens qui sont évoqués devant lui et présentés conformément à
l’article 744, al. 172. Le défaut de réponse aux conclusions est un moyen de cassation classique (viola-
tion de l’article 149 de la Constitution). A défaut de conclusions à cet égard, le juge n’est pas tenu d’in-
diquer tous les éléments sur lesquels il fonde sa décision, de sorte qu’il ne suit pas du seul fait qu’un
élément n’est pas relevé dans un jugement que le juge n’a pas examiné cet élément73.

119. En matière civile, les conclusions délimitent aussi la saisine du juge (principe dispositif). Celui-
ci ne peut élever une contestation dont les conclusions des parties excluent l'existence.

B. A l’égard des parties

120. Les conclusions doivent être considérées comme un commencement de preuve par écrit
contre le concluant, puisqu'elles sont signées soit par la partie soit par son avocat qui, comme man-
dataire, aura normalement dû les faire ratifier par son client, le mandant. Si l'avocat dépasse les limites
du mandat « ad litem », ses dires et conclusions ne lient pas son client, qui pourra le désavouer74.
Les conclusions constituent aussi le mode d’introduction des demandes incidentes (demande addition-
nelle, nouvelle ou reconventionnelle voire demande en intervention forcée - dans le cas prévu à l’article
813, alinéa 2 - entre parties à la cause, art. 809 C. jud.).

72
Pour les conclusions déposées après le 1er novembre 2015, le juge est tenu de répondre aux moyens qui y sont
développés si et seulement si les conclusions sont structurées conformément à l’article 744, al. 1 du Code judi-
ciaire. Il conserve néanmoins la faculté d’y répondre (Doc. parl., n° 54-1219/001, p. 12 et Doc. parl., n° 54-
1219/005, p. 218).
73
Cass., 8 septembre 2008, Pas., 2008, p. 1880. On rappelle que les articles 744 al. 2 et 748bis précités permet-
tent d’alléger et de faciliter la rédaction de la décision (voy. G. DE LEVAL et A. FRY, op. cit., CUP – Anthémis, 2007,
vol. 95, p. 66-67, n°s 48 et 49).
74
Voy. note sous Bruxelles, 16 octobre 2008, J.T., 2009, p. 182 et réf. cit.
48 

De plus même si aucune demande n’a été formée entre parties, il existe un lien d’instance entre elles,
dès lors qu’elles concluent l’une contre l’autre75.

75
Voy. ainsi Cass., 18 février 2008, Pas., 2008, p. 462 : « Même si aucune demande n’a été formée entre parties,
il existe un lien d’instance entre elles, lorsque la partie appelée en garantie, a conclu devant les juges d’appel au
non-fondement de la demande principale ; cette partie est dès lors recevable à se pourvoir en cassation contre
la décision relative à la demande principale nonobstant l’absence d’indivisibilité entre cette demande et la de-
mande en garantie ».
L’instruction de la demande  49

CHAPITRE IV
Les moyens de défense

Section 1
Définition

121. Le terme « défenses » désigne les moyens opposés dans ses conclusions par le défendeur à la
demande dirigée contre lui. On en distingue trois catégories : les défenses au fond (Section 2), les
exceptions (Section 3) et les fins de non recevoir (Section 4). L’ordre dans lequel les défenses sont
soulevées peut être déterminant de leur recevabilité. Ainsi l’exception est soulevée avant la fin de
non-recevoir et avant la défense au fond étant précisé que lorsque plusieurs exceptions sont propo-
sées dans les mêmes conclusions, l’ordre dans lequel celles-ci sont proposées est sans intérêt76.

Section 2
Les défenses au fond

122. La défense au fond consiste dans la contestation par le défendeur du fondement de la de-
mande dirigée contre lui, ou, comme la définit l’article 71 du Nouveau Code de Procédure Civile fran-
çais, en « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen du fond du droit, la
prétention de l’adversaire ».
La défense au fond fait appel à des dispositions de droit matériel, soit que l'exactitude des faits invo-
qués soit contestée, soit que l'existence même de la prétention soit niée ou minimisée pour des rai-
sons de fait ou de droit.
Les défenses au fond peuvent, en principe, être invoquées aux divers stades de la procédure et pour
la première fois en degré d'appel.
Lorsqu'elles intéressent l'ordre public ou des dispositions impératives, elles peuvent même être invo-
quées pour la première fois devant la Cour de cassation. Si elles sont étrangères à l'ordre public ou à
des dispositions impératives, elles ne peuvent être soulevées devant la Cour de cassation que si elles
ont été soumises au juge du fond ou si celui-ci en a lui-même fait ou aurait dû en faire application. En

76
Voy. Cass., 17 octobre 2008, R.A.B.G., p. 766 ; Cass., 21 janvier 2010, J.T., 2010, p. 293 et obs. M. BAETENS-
SPETSCHINSKY: « La partie qui soulève un déclinatoire de juridiction ou de compétence dans un acte dans lequel il
est aussi invoqué qu’une demande doit être rejetée pour absence d’intérêt ou de lien juridique, ne doit pas ex-
pressément mentionner que son déclinatoire doit être examiné en premier lieu, tandis que la fin de non-recevoir
déduite du défaut d’intérêt ou de lien juridique doit être examinée seulement en ordre subsidiaire. Cette partie
doit toutefois exposer avec clarté ce qu’elle réclame et agit de manière contradictoire si, sans la moindre expli-
cation, elle demande d’abord de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur une fin de non-recevoir
tirée du défaut d’intérêt qui touche à la recevabilité de la demande d’une partie adverse, et invoque ensuite aussi
l’absence de pouvoir de juridiction du tribunal pour statuer sur cette même demande ».
50 

effet, la Cour de cassation ne peut censurer que ce qui a été ou aurait dû être résolu par le juge du
fond.
Celui qui obtient un jugement déclarant que la demande dirigée contre lui n'est pas fondée, gagne son
procès. Sous réserve d'un recours exercé avec succès par son adversaire, il pourra opposer l'exception
de chose jugée de la décision rendue sur le fond à toute tentative ultérieure de revenir sur ce qui a
été jugé et ce pour tous les moyens qui auraient pu être invoqués devant le juge ayant rendu la déci-
sion (art. 23 du Code judiciaire).
Les défenses sont développées, en principe, par le moyen des conclusions, sous réserve de la procé-
dure en débats succincts.

Section 3
Les exceptions

123. L'exception est un moyen de défense à portée limitée et temporaire, qui n’engage pas le débat
sur le fond, qui tend à faire déclarer la procédure irrégulière ou à en suspendre le cours. L’exception
n'interdit par conséquent pas, par elle-même, la réitération de la demande. Lorsqu'elle est invoquée
avec succès, il n'y a chose jugée que sur celle-ci et non pas sur la demande même.
Sauf lorsqu’elles touchent à l’ordre public, les exceptions doivent être proposées conjointement et
avant toute défense au fond (articles 854, 856, 864 et 868 du Code judiciaire). Elles sont ainsi soumises
à un régime rigoureux qui, de manière générale, impose qu'elles soient invoquées « in limite litis ».
Cela signifie qu’elles doivent être libellées avant tout autre moyen dans le premier acte de procédure
du défendeur même si cet acte propose également d'autres défenses.
Sans préjudice du règlement des incidents de compétence prévu aux articles 639 et suivants du Code
judiciaire, le juge peut, soit statuer sans délai sur l'exception, soit la joindre au principal, et ne pronon-
cer qu'un seul jugement (article 869 du Code judiciaire).
Le Code judiciaire a groupé sous l’intitulé « les exceptions », les exceptions dilatoires ainsi que les fins
de non procéder et les exceptions péremptoires.
L'exception dilatoire ainsi que les fins de non procéder tendent à retarder la procédure engagée par
l'adversaire tandis que l'exception péremptoire tend à l'anéantir.

§ 1. Les exceptions dilatoires et les fins de non procéder

124. Elles tendent seulement à une suspension de la procédure en différant le cours normal de
l’instance.
Il s’agit de l'exception de la caution de l'étranger demandeur (articles 851 et 852 du Code judiciaire),
de l'exception pour faire inventaire et délibérer (article 853 du Code judiciaire), de l'exception dilatoire
d'appel en garantie (articles 857 à 859 du Code judiciaire), de l'exception de défaut de communication
d'une pièce (article 736 du Code judiciaire) et de l’exception du défaut d’inscription de la cause au rôle
général (articles 717 et 1060 du Code judiciaire, voy. supra n°63)
L’instruction de la demande  51

On peut également y ajouter les déclinatoires de compétence qui sont des exceptions dilatoires en ce
sens qu’ils constituent des moyens de défense tirés de l'incompétence territoriale ou matérielle d'un
juge, qui font ajourner la discussion sur le fond de la demande (articles 854 à 856 du Code judiciaire)
et tendent à obtenir le renvoi de la cause au magistrat compétent (articles 639 et s. du Code judiciaire),
le cas échéant à la suite de l'intervention du tribunal d'arrondissement. Les exceptions de connexité
et de litispendance sont également des exceptions dilatoires. On peut également y ajouter l’exception
de surséance à statuer fondée sur l’application de l’adage « le criminel tient le civil en état ».

Les fins de non procéder permettent au défendeur de demander que la procédure soit temporaire-
ment suspendue jusqu’à ce que le demandeur ait procédé soit à la régularisation de la procédure (par
exemple lorsqu’il a oublié de mentionner dans l’acte introductif d’instance son numéro d’inscription
à la BCE – article III.26 du Code de droit économique), soit jusqu’à ce qu’il ait tenté une conciliation
(art. 1344septies C. jud. en matière de bail) ou encore une médiation contractuellement prévue, art.
1725 C. jud.).

§ 2. Les exceptions péremptoires

A. Notion et exemples

125. Les exceptions péremptoires visent à anéantir l'instance. Ce sont essentiellement les nullités
(articles 860 à 866 du Code judiciaire et article 40 de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en
matière judiciaire) qui sont des irrégularités affectant un acte de la procédure, les déclinatoires de
juridiction ainsi que certaines formalités spécifiques prévues par certaines législations particulières (la
tentative de conciliation obligatoire en matière de bail à ferme - art. 1345 C. jud., l’exigence d’inscrip-
tion à la BCE – article III.27 du Code de droit économique, …).

B. Les exceptions de nullité

a) Notion

126. Les exceptions de nullité visent à l'anéantissement de l'instance en raison d'une irrégularité
de forme affectant un acte de procédure (articles 860 à 866 du Code judiciaire). La nullité prive l'acte
irrégulier de tout effet, à l’exception, depuis la loi du 16 juillet 2012, de l’interruption de la prescrip-
tion. Aussi, le Code judiciaire l'a-t-il envisagée avec parcimonie.

b) Pas de nullité sans texte (article 860, alinéa 1er)

127. Il n'appartient pas au juge de créer des cas de nullité non prévus par la loi: il faut que les
termes « à peine de nullité » (ou d'autres termes équivalents) se retrouvent dans la disposition légale
invoquée pour que l'annulation puisse être envisagée.
52 

A titre d'exemple :

− il n'est pas prévu dans l'article 704, §2, du Code judiciaire que la requête déformalisée néces-
saire pour saisir le tribunal du travail doit être signée. Une telle requête, non signée, ne pourra être
déclarée nulle77;
− les formes et délai de la notification effectuée par le greffier lors du dépôt d’une requête d’ap-
pel (article 1056, 2 du Code judiciaire) ne sont pas prescrits à peine de nullité78;

− selon l'article 1027, alinéa 3, du Code judiciaire, l'inventaire des pièces joint à la requête uni-
latérale est annexé à celle-ci, mais cette formalité n'est pas prévue à peine de nullité.
Le principe « pas de nullité sans texte » ne souffre d’aucune exception.

c) Pas de nullité sans grief (article 861)

128. Le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée
nuit aux intérêts de la partie qui invoque l'exception (on parle de « nullités relatives »).
Il est donc interdit de prononcer la nullité d'un acte de procédure si le préjudice encouru par la partie
qui s'en prévaut n'est pas réel et démontré par celle-ci : il faut que l'irrégularité ait porté atteinte à
l'exercice de son droit de défense. Le grief est l’atteinte procédurale à l’exercice du droit de défense
de celui qui invoque l’exception et auquel incombe la charge de la preuve. La nullité est relative. Le
préjudice procédural de la partie qui invoque l’exception doit, dans le contexte de la procédure, être
réel, concret, suffisant et direct ; il faut que l’irrégularité susceptible de justifier le prononcé de la
nullité compromette véritablement les intérêts de la partie qui l’invoque en l’empêchant de
raisonnablement faire valoir ou entièrement faire valoir ses droits dans l’instance compte tenu d’une
progression normale de la cause.

Il s’agit d’éviter tout effet d’aubaine ou tout opportunisme d’une partie s’emparant d’une irrégularité,
qui fondamentalement l’indiffère, pour tenter de se soustraire à une procédure ; en d’autres termes,
le seul moyen tiré du préjudice causé par l’action en justice est inopérant79.

Le juge apprécie souverainement l'existence d'un lien de causalité entre une irrégularité et le préju-
dice allégué par la partie qui demande la nullité. Toutefois, la Cour de cassation a récemment précisé
que le grief doit être directement subi par la partie concernée dans le cadre de la procédure entachée
de nullité80.

77
C.T. Mons, 5 avril 1996, J.T.T., 1997, p. 66.
78
Cass., 27 novembre 1997, Pas., I, n 512.
79
Cass. fr., 22 février 2002, Procédures, éd. Juris-Classeur, avril 2002, p. 6 et obs. R. PERROT, qui écrit justement
que « ce qui compte c’est l’incidence que peut avoir l’irrégularité de forme sur la conduite du procès, et non
point sur ses conséquences éventuelles au regard du fond de l’affaire ».
80
Cass., 8 septembre 2008, R.A.B.G., 2009, p. 360, note R. VERBEKE.
L’instruction de la demande  53

129. Avant la loi du 19 octobre 2015, modifiant le droit de la procédure civile et portant des dispo-
sitions diverses en matière de justice, ce principe connaissait certaines exceptions : les nullités abso-
lues (art. 862 du Code judiciaire).
Certaines formalités, qui étaient limitativement énumérées, engendraient l’annulation de l’acte irré-
gulier sans qu’un grief ne doive être prouvé. Dans un souci de déformalisation et de simplification de
la procédure civile, le législateur a supprimé les nullités absolues.

La loi du 19 octobre 2015 est entrée en vigueur, pour ce qui concerne les nullités, le 1er novembre
2015 et s’applique à toutes les procédures en cours (art. 3 du Code judiciaire).

130. L’article 40 de la loi « Pot-pourri VI » du 25 mai 2018 a ajouté un second alinéa à l’article 861
du Code judiciaire, rédigé comme suit : « Lorsqu’il constate que le grief établi peut être réparé, le juge
subordonne, aux frais de l’auteur de l’acte irrégulier, le rejet de l’exception de nullité à l’accomplisse-
ment de mesures dont il détermine le contenu et le délai au-delà duquel la nullité sera acquise ».
L’ajout de cet alinéa s’inscrit dans la tendance actuelle du gouvernement à la déformalisation. Dé-
sormais, la simple constatation de l’existence d’un grief ne mène plus automatiquement à la nullité
de l’acte de procédure. Si le dommage occasionné peut être réparé, le juge doit ordonner, au vu du
grief constaté, des mesures de réparation concrètes et sur mesure qui devront être exécutées par la
partie à qui le grief est imputable, dans les délais déterminés par le juge. En tout cas, la partie à la-
quelle doit être imputée l’irrégularité doit en assumer les frais, même si elle devait obtenir gain de
cause sur le fond de l’affaire.

Ce n’est que si les mesures réparatrices ordonnées par le juge ne sont pas mises en œuvre dans le
délai fixé, que le juge peut alors et alors seulement prononcer la nullité.

Ces mesures peuvent consister, par exemple, en la signature d’un acte non signé , une nouvelle si-
gnification de l’acte introductif d’instance, une remise de la cause pour permettre au défendeur de
préparer sa défense ou une remise permettant au demandeur de préciser son acte introductif d’ins-
tance lorsque certaines mentions relatives au contenu substantiel de l’acte font défaut telles que
l’objet et exposé sommaire des moyens de la demande (art. 702, 3° C.jud.) ou les motifs de l’opposi-
tion (article 1047 C.jud.)...) (art. 861, alinéa 2, C. jud.).

d) La couverture procédurale des nullités

131. Les nullités peuvent être couvertes à un certain stade de la procédure. Cela signifie que, quoi-
qu'étant prévue par un texte et ayant, le cas échéant, causé un grief, le juge ne pourra pas prononcer
la nullité de l'acte irrégulier.
Les nullités (désormais toutes « relatives », pour lesquelles un grief doit être démontré) sont cou-
vertes si elles ne sont pas invoquées dans les conditions imposées par l'article 864 du Code judiciaire :
elles doivent être proposées simultanément et soulevées avant tout autre moyen « in limine litis ».
Elles ne peuvent être prononcées d'office par le juge.
54 

A juste titre, le Code interdit au défendeur d'observer la tournure prise par le procès avant de soulever
l'incident et de tenter d'obtenir l'anéantissement de l'instance parce qu'il n'y aurait pour lui aucune
autre échappatoire.

132. Remarquons que la partie qui se rend compte du vice dont est atteint l’acte de procédure peut
prendre les devants et procéder à la réitération ou à la régularisation de cet acte, ce qui rendra sans
objet la critique de l’acte originaire pour autant qu’aucune forclusion ne soit intervenue entre-temps
et que la régularisation opérée ne laisse subsister ou ne fasse naître aucun grief.

e) L’ancienne couverture spéciale de l'article 867

133. Avant la loi du 19 octobre 2015, l’article 867 du Code judiciaire, désormais abrogé, prévoyait
en outre qu’une nullité était couverte si elle avait « réalisé le but que la loi lui assigne ou que la for-
malité non mentionnée [avait], en réalité, été remplie ».L’article 867 pouvait pour partie faire double
emploi avec l’article 861 mais son champ d’application était bien plus large ; ainsi il s’appliquait aux nulli-
tés absolues, visées par l’ancien article 862 § 1° en ce compris les délais prescrits à peine de déchéance à
l’exception des délais accélérateurs pour former un recours (art. 860 al. 2 et 865) ou encore à certaines
nullités absolues « sui generis » ou « spécifiques », non visées par l’ancien article 862 du Code judiciaire
mais par d’autres dispositions du Code judiciaire ou par des législations particulières.
L’abrogation de l’article 867 risquait dès lors d’entrainer des conséquences contraires aux buts de la
réforme.

Cette crainte a toutefois été tempérée par l’extension de régime des nullités aux nullités absolues « sui
generis » ou « spécifiques » (voy. infra n°132).

f) Extension du régime des nullités aux nullités absolues « sui generis » ou « spécifiques »

134. La loi du 19 octobre 2015 a supprimé les nullités absolues auparavant listées à l’article 862 du
Code judiciaire (voy. supra n° 127).
Dans le même souci de déformalisation, la loi du 25 mai 2018 a uniformisé le sort des irrégularités
de procédure en rendant la théorie des nullités applicable également aux règles anciennement sanc-
tionnées par une nullité absolue « sui generis ».

Ainsi les sanctions de « non avenu » auparavant prévues par les articles 38 et 40 du Code judiciaire
(en cas de mise en œuvre irrégulière de la signification à parquet ou à l’étranger) ont été abrogées et
remplacées par la sanction de nullité en vertu du nouvel article 47bis du Code judiciaire.

Par ailleurs, ainsi que mentionné ci-avant, la sanction « de nul effet » - considérée également
comme une nullité sui generis - prévue auparavant par les articles 717 et 1060 du Code judiciaire en
cas de défaut d’inscription de la cause au rôle général a été remplacée par la surséance d’office or-
donnée par le juge (voy. supra n°63).
L’instruction de la demande  55

g) La couverture spéciale de l’article 863 du Code judiciaire

135. La loi du 20 octobre 2000 introduisant l’utilisation de moyens de télécommunication et de la


signature électronique dans la procédure judiciaire a rétabli l’article 863 du Code judiciaire - abrogé
par la loi du 3 août 1992 - dans la rédaction suivante :
« Dans tous les cas où la signature est nécessaire pour qu’un acte de procédure soit valable, l’absence
de signature peut être régularisée à l’audience ou dans un délai fixé par le juge ».
Cette disposition légale est entrée en vigueur le 1er janvier 2013.
Il s’agit de régulariser les actes non signés ou non signés en original.

La disposition permet à la partie distraite d’éviter qu’une nullité sanctionne l’acte de procédure non
signé qu’il s’agisse d’un acte introductif d’instance ou d’un acte subséquent. Ainsi, elle sera conviée à
régulariser l’absence de signature lors de l’audience ou dans un délai fixé par le juge.

Cette disposition trouve à s’appliquer aussi bien aux actes sur support papier que sur support électro-
nique.

Cette modification est heureuse puisque la Cour de cassation considère qu’il n’y a pas lieu de tenir
compte d’un acte de procédure non signé car la signature constitue un élément essentiel81.

h) Les conséquences de la nullité

136. Lorsque toutes les conditions du prononcé de la nullité de l’acte sont remplies et qu’il n’a pas
été possible de la couvrir ou de réparer le préjudice qu’elle cause à la partie adverse, la nullité fait
rétroactivement disparaître l'acte irrégulier : il est privé de tout effet, ainsi que ceux qui en sont la
suite. Seuls subsistent les actes indépendants ; par exemple, une expertise correctement ordonnée à
l'occasion d'une procédure dont la nullité sera prononcée n’est pas nulle82.
En principe, la disparition d'un acte de procédure irrégulier n'affecte pas le fond du droit : l'intéressé
peut réitérer cet acte dans les formes requises. A cet égard, depuis la loi du 16 juillet 2012 qui a modifié
l’article 2247 du Code civil, il faut considérer que l’acte déclaré nul a interrompu la prescription ; ce
qui permet au demandeur de recommencer une nouvelle procédure sans courir le risque de se voir
opposer la prescription.
Par contre, si l'acte envisagé devait être accompli dans un délai prescrit à peine de déchéance ou de
forclusion et que ce dernier est écoulé, la déchéance sera acquise. Par exemple, si un acte d'appel est
déclaré nul, que le délai d'un mois prévu par l'article 1050 du Code judiciaire est écoulé, il y a forclusion
du droit d'interjeter appel.

81
Cass., 6 octobre 2000, Pas., 2000, I, p. 1493.
82
Cass., 4 juin 1981, Pas., I, p. 1147, note.
56 

137. En vertu de l'article 866 du Code judiciaire, les procédures et les actes nuls ou frustratoires
par le fait d'un officier ministériel sont à charge de cet officier. Celui-ci peut en outre être condamné
à des dommages et intérêts.

Section 4
Les fins de non-recevoir

138. Les fins de non-recevoir sont des moyens de défense hybrides en ce sens qu'ils produisent le
même effet définitif qu'une défense au fond, mais se rapprochent des exceptions en ce que les parties
qui les opposent n'abordent pas le fond du litige.
Elles constituent des moyens qui tendent à faire décider que le demandeur n'a pas - ou n'a plus -
d'action, qu'il ne dispose pas - ou a perdu - le pouvoir légal d'obtenir une décision sur le fond de sa
prétention.
Il s'agit essentiellement de l’exception de chose jugée, du non-respect d’un délai préfix ou de forclu-
sion, du défaut d'intérêt ou de qualité pour agir et enfin de la prescription83.
La fin de non-recevoir consiste donc à dénier le droit d'agir à l'adversaire. Elle se distingue de l'excep-
tion péremptoire qui tend simplement à obtenir l'annulation d'une procédure irrégulière.
La fin de non recevoir et la défense au fond sont soumises au même régime procédural, sous cette
particularité que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée peut être invoquée devant
le juge du fond, en tout état de cause, même pour la première fois en degré d'appel, mais non devant
la Cour de cassation. Elle ne peut en outre être soulevée d’office par le juge (article 27 du Code judi-
ciaire)84.

83
Cons. J. LINSMEAU, « L’action en répétition du paiement d’une dette prescrite », note sous Cass., 25 septembre
1970, R.C.J.B., 1972, p. 7 et s., spéc. p. 16.
84
Le régime de la fin de non-recevoir déduite de la violation d’une règle d’organisation judiciaire, comme, avant
la loi du 26 avril 2007, l’introduction de la demande par requête alors qu’elle aurait dû l’être par citation est
délicat à déterminer. Il semble toutefois résulter d’un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1980 (Pas., I, p.
762) que cette fin de non-recevoir ne peut être invoquée pour la première fois en degré de cassation.
L’instruction de la demande  57

CHAPITRE V
Les demandes incidentes

Section 1
La modification ou l’extension par le demandeur de la demande originaire

§ 1. La demande additionnelle

A. Définition

139. Les demandes additionnelles sont « celles qui constituent le prolongement immédiat de la
demande introductive d'instance, qui la complètent par une réclamation accessoire ou qui l'étendent
pour tenir compte des faits survenus depuis la citation tout en constituant une conséquence de ceux
qui y ont été invoqués »85. Il s’agit des demandes préprogrammées ou encore des demandes virtuel-
lement comprises dans la demande originaire86.
La demande additionnelle porte donc sur des réclamations qui sont implicitement comprises dans les
termes de l'acte introductif d'instance, et ce même si le fait sur lequel elle est fondée se produit au
cours de l'instance elle-même. On peut par exemple citer l'échéance de nouveaux termes de loyers,
d’arrérages ou d’intérêts, qui n'étaient pas encore dus au moment de l'introduction de l'instance.

B. Conditions de recevabilité

140. L'article 808 du Code judiciaire autorise les demandes additionnelles en tout état de cause
jusqu’à la clôture des débats, même par défaut et en degré d'appel (par application de l’article 1042
du Code judiciaire). Même défaillant, le défendeur doit savoir que le montant de la demande addi-
tionnelle s'ajoutera à celui de la demande initiale et c'est pourquoi elle est recevable en tout état de
cause.

C. Forme de la demande additionnelle

141. Conformément à l’article 809 du Code judiciaire, la demande additionnelle est introduite par
voie de conclusions, qui peuvent être déposées à tout moment de la procédure sans être écartées
d’office (art. 747, §4, du Code judiciaire et 748, §1, du Code judiciaire).

85
Mons, 26 janvier 1988, Pas., 1988, II, p. 106.
86
A cet égard, la citation en justice interrompt la prescription pour la demande qu’elle introduit et pour celles
qui y sont virtuellement comprises (Cass., 24 avril 1992, Pas., 1992, I, p. 745).
58 

§ 2. La demande nouvelle

A. Définition

142. La demande nouvelle est celle par laquelle le demandeur originaire87 étend ou modifie l’objet
ou la cause de sa demande tout en ne modifiant toutefois pas complètement la cause de celle-ci. La
demande nouvelle doit, en effet, être fondée sur un acte ou un fait invoqué dans l’acte introductif
d’instance.
Ainsi, une demande d'exécution d'un contrat peut-elle être transformée en une demande de résolu-
tion de celui-ci.
L’invocation de nouveaux moyens ou d’arguments supplémentaires ou encore la seule modification
du fondement juridique de la demande originaire – sans modification de l’objet de la demande – ne
constitue pas en principe l’introduction d’une demande nouvelle88. La réclamation de dommages et
intérêts pour faute contractuelle peut également être modifiée en une même réclamation fondée sur
l'article 1382 du Code civil, sans respecter les conditions de l’article 807 du Code judiciaire.
Le mécanisme de la demande nouvelle ne peut cependant être utilisé que pour modifier l’objet ou,
partiellement, la cause de la demande originaire et non pour formaliser une demande contre une
partie à la cause en une autre qualité89.

B. Conditions de recevabilité

143. En vertu de l’article 807 du Code judiciaire, la demande nouvelle est autorisée moyennant
deux conditions.
a) La demande nouvelle doit être fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation ou dans
la requête90.

87
L’article 807 du Code judiciaire « suit » le demandeur originaire jusqu’à la fin de la procédure, même s’il revêt
entre-temps la qualité de partie appelante ou intimée (concl. av. gén. THIJS avant Cass., 29 novembre 2002, Pas.,
p. 2303) ou encore de partie citée sur opposition.
88
G. DE LEVAL, « La demande », in Droit judiciaire, t. 2, Manuel de procédure civile, op. cit., p. 164. Voy., dans ce
sens, mais à propos d’une demande originaire non juridiquement qualifiée, Cass., 8 septembre 1986, Pas., 1987,
I, p. 28. Adde. en matière de contentieux fiscal, Civ. Hasselt, 23 juin 2003, F.J.F., 2003, p. 993 ; « Les moyens
nouveaux ne modifient pas la demande », Fiscologue, 2004, n°932, pp. 1-2 et G. DE LEVAL et J.F. VAN DROOGHEN-
BROECK, « Principe dispositif et droit judiciaire fiscal », R.G.C.F., 2004, p. 13, n°7.
89
Cass., 26 octobre 1995, Pas., 1995, I, p. 947.
90
N’est pas recevable la demande nouvelle, formée pour la première fois en degré d’appel, qui ne se fonde pas
sur des faits invoqués dans l’acte introductif d’instance mais sur des faits évoqués incidemment en conclusions
en première instance. La circonstance que le défendeur a conclu au défaut de fondement de la demande nou-
velle, pour le cas où sa recevabilité contestée en ordre principa serait admise, ne permet pas plus au juge d’ad-
mettre une demande nouvelle irrecevable (Cass., 16 mars 2012, Pas., 2012, p. 604).
L’instruction de la demande  59

Lorsque la demande modifiée ou élargie repose sur les mêmes faits que ceux invoqués dans la citation,
il n’est pas exigé que le demandeur ait déjà déduit, dans la citation originaire, une conséquence de
ces faits en ce qui concerne le bien-fondé de la demande91.
La Cour de cassation a précisé à diverses reprises que le texte n'impose pas que la demande nouvelle
soit fondée exclusivement sur un fait invoqué dans l'acte introductif d'instance92. Elle peut également
tenir compte de faits non invoqués dans l'acte introductif d'instance mais qui sont survenus ou qui ont
été découverts postérieurement et qui exercent une influence sur le litige93.
Mis à part le rappel de ces quelques lignes directrices qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour
de cassation, il est particulièrement délicat de préciser de manière abstraite quand la demande nou-
velle est fondée, fût-ce en partie, sur un acte ou un fait invoqué dans l’acte introductif d’instance94. La
Cour de cassation oscille manifestement entre deux tendances. Selon la première, extensive95, un lien,
même très lâche, entre un fait ou un acte invoqué dans la citation et l’objet de la demande modifiée
ou étendue paraît suffire96. Par contre, et c’est manifestement le courant majoritaire, une interpréta-
tion plus stricte conduit à rejeter l’extension ou la modification de la demande qui ne présente aucun
lien direct avec un fait ou un acte invoqué dans la citation mais ne s’y rattache que de manière très

91
Cass., 28 avril 1994, Pas., 1994, I, p. 418 ; Cass., 8 mars 2010, Pas., 2010, p. 745 ; Cass. 17 octobre 2019, R.G.
n° C.18.0537.N ; Cass. (3e ch.), 8 mars 2021, RG S.19.0072.N.
92
Cass., 11 mai 1990, Pas., 1990, I, p. 1047 ; Cass., 29 janvier 2010, Pas., 2010, p. 745 ; Cass. 17 mai 2019, RG n°
C.18.0276.N ; ; Cass. (3e ch.), 8 mars 2021, RG S.19.0072.N.
93
Cass., 4 octobre 1982, Pas., 1983, I, p. 158 ; Cass., 11 mai 1990, Pas., 1990, n°536 ; Cass., 20 mai 1999, Pas.,
1999, n°296 ; Cass. 29 mars 2019, R.G. n° C.18.0323.N ; C. const., 26 avril 2018, n°53/2018, B..5.4. : « En vertu
de l’article 807 du Code judiciaire, la demande dont le juge est saisi peut-être étendue ou modifiée, si les conclu-
sions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, même si
leur qualification juridique est différente. Cette disposition n’exige toutefois pas que la demande nouvelle se
fonde exclusivement sur un fait ou un acte invoqué dans la citation. Le juge doit également se prononcer sur la
demande modifiée ou étendue dans le respect des faits qui se sont produits au cours de la procédure et qui ont
une incidence sur le litige ». En revanche, « l’extension de la demande en vue d’obtenir des dommages et intérêts
relatifs à un accident ultérieur, étranger un premier accident, n’est pas fondée sur un acte invoqué dans la citation
faite sur la base d’un contrat d’assurance en vertu de laquelle des dommages et intérêts relatifs au premier
accident sont demandés » (Cass., 8 janvier 1998, Pas., I, p. 48). C’est dans cette mesure qu’on peut parler de
demande nouvelle par changement de cause. Voy. toutefois, Cass., 6 juin 2005, Pas., p. 1212, qui considère que
n’est pas recevable la demande nouvelle en indemnisation fondée notamment sur la non-exécution par l’autre
partie d’une décision judiciaire précédemment rendue, au cours de la même instance, par la cour d’appel.
94
Une étude de S. MOSSELMANS publiée dans le Rapport annuel de la Cour de cassation 2002 contient un tableau
qui résume de manière schématique et chronologique la jurisprudence (très contrastée) de la Cour.
95
G. DE LEVAL, Eléments de procédure civile, op. cit., pp. 43-44, note (109).
96
Ainsi dans son arrêt du 19 décembre 2003 (Pas., p. 2059), la Cour admet que les juges d’appel aient déclaré
recevable la demande tendant à l’annulation d’un commandement préalable à saisie-exécution immobilière non
visé par l’opposition du saisi (laquelle visait un autre commandement) dès lors que « ces commandements et
saisie sont la suite d'une application contestée de l'astreinte et sont donc virtuellement visés dans l'exploit d'op-
position ». Voy. ég., Cass., 11 mars 2004, Pas., p. 424, qui admet la recevabilité d’une demande nouvelle fondée
sur le défaut de conformité du produit vendu dès lors que la citation invoquait l’insuffisance de l’information
figurant sur l’étiquette contenant le mode d’emploi dudit produit.
60 

éloignée97. Tout est donc en la matière question de cas d’espèce et les pronostics s’avèrent toujours
risqués98.
b) La demande nouvelle doit être introduite par conclusions à un moment où la procédure est
contradictoire99.
Elle ne peut donc être introduite lorsque la partie adverse fait défaut. Il s'agit de respecter les droits
de la défense du défendeur défaillant. Toutefois, une partie de la jurisprudence et de la doctrine con-
sidère qu’il est possible de former une demande nouvelle, dans le cadre d’une procédure par défaut,
à la condition de respecter le principe des droits de la défense100.

144. Dans un arrêt du 21 juin 2010101, la Cour de cassation a consacré une certaine autonomie de
la demande nouvelle par rapport à la demande principale qui serait déclarée irrecevable. Le juge est
ainsi tenu de statuer sur la demande nouvelle, sans devoir examiner la recevabilité et le fondement
de la demande originaire, pour autant que (i) il n’y ait pas lieu d’annuler l’acte introductif d’instance
et (ii) que la demande originaire relevait de la compétence du juge saisi. L’éventuelle fin de non-rece-
voir à laquelle se heurterait la demande principale, spécialement le défaut d’intérêt ou de qualité ou
encore la prescription ou la chose jugée ne « contamine » donc pas la demande nouvelle dont la re-
cevabilité doit être examinée séparément. Par contre, l’introduction d’une demande nouvelle ne per-
met pas d’échapper à la nullité de la citation ou de la requête, contrairement à ce qui est retenu pour
la demande en intervention agressive (infra, n°169). De même, la demande nouvelle ne peut plus être
introduite après que le juge a décrété le désistement d’instance102.

97
Par exemple, la Cour de cassation a censuré l’arrêt qui a déclaré recevable une demande nouvelle en paiement
des frais d’assainissement d’un terrain exproprié, au motif qu’elle se fonde sur le fait de l’expropriation à laquelle
elle est intimement liée, lorsque la demande principale en révision d’une indemnité d’expropriation provisoire
allouée repose dans la citation sur la contestation de l’évaluation du bien exproprié (Cass., 19 avril 2002, Pas.,
p. 939). De même, n’est pas recevable la demande nouvelle en indemnisation formée par un fonctionnaire
évincé en raison d’une désignation fautive d’un concurrent, annulée par le Conseil d’Etat postérieurement à la
citation, dans laquelle le demandeur déduisait la faute de l’Etat belge de deux autres désignations précédem-
ment annulées (Cass., 26 mars 2004, Pas., p. 518).
98
J. LAENENS, K. BROECKX, D. SCHEERS, Handboek Gerechtelijk recht, Anvers, Intersentia, 2010, p. 440, n°940. Tout
l’art de l’avocat qui introduit une demande nouvelle ou du juge qui entend l’accueillir sera donc de motiver de
manière particulièrement soigneuse le lien qui peut exister entre celle-ci et un fait ou un acte invoqué dans la
citation.
99
C’est la raison pour laquelle il est traditionnellement enseigné que la demande nouvelle n’est pas recevable
en cas de procédure sur requête unilatérale.
100
Ainsi, le Tribunal du commerce de Mons, dans une décision du 17 avril 2012 a considéré que : « l’article 807
doit être compris non pas comme une interdiction de former une demande nouvelle en cas de défaut du défen-
deur, mais comme une oblifgation de respecter les règles de la contradiction, pour éviter de prendre le défendeur
par surprise ». Le Tribunal avait, dès lors, ordonné la réouverture des débats pour permettre de communiquer
à la partie défaillante, sous forme de conclusions, la note d’audience reprenant la demande nouvelle (Comm.
Mons., 17 avril 2012, J.T., 2013, p.223).
101
Cass., 21 juin 2010, Pas., 2010, p. 1961 ; voy. également Cass., 8 mars 2012, Pas., 2012, p. 541.
102
Cass., 26 mars 2010, Pas., 2010, p. 1030.
L’instruction de la demande  61

C. La demande nouvelle en degré d’appel

145. Il résulte de la combinaison des articles 807 et 1042 du Code judiciaire que la demande nou-
velle est recevable en degré d'appel103.
Dans deux importants arrêts du 29 novembre 2002104, la Cour de cassation a levé toute ambiguïté sur
le régime de la demande nouvelle formée pour la première fois en degré d’appel. Celle-ci n’est pas
soumise à d’autres conditions (supplémentaires ou restrictives) que celles énoncées par l’article 807
du Code judiciaire105. Il n’est notamment pas requis que l’extension ou la modification de la demande
à l’égard de la partie contre laquelle la demande originaire a été dirigée ait été portée devant le pre-
mier juge106 ou soit implicitement (ou virtuellement) contenue dans la demande originaire107.

D. Nature de l’article 807 du Code judiciaire - Conséquences

146. L’article 807 du Code judiciaire n’est pas d’ordre public108 de sorte que la violation de cette
disposition ne peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation109 et que les par-
ties peuvent d’un commun accord convenir d’étendre leurs demandes au-delà des limites prévues par
cette disposition.

103
Cass., 4 mars 1988, Pas., 1988, I, p. 804.
104
Cass., 29 novembre 2002, Pas., p. 2297, et, Pas., p. 2301, avec les conclusions de l’avocat général délégué
THIJS. Voy. ég. Cass., 16 décembre 2004, R.A.B.G., 2005, p. 820, note R. VERBEKE. Les arrêts du 29 novembre 2002
clarifient ainsi l’ambiguïté qui pouvait résulter des arrêts des 9 mars 1972 (Pas., I, 639), 24 novembre 1972 (Pas.,
1973, I, p. 293) et 2 décembre 1982 (Pas., 1983, I, p. 412) qui avaient pu être interprétés comme exigeant que
la demande étendue ou modifiée en degré d’appel ait déjà été introduite devant le premier juge. Tel n’était
cependant pas le cas. Ces arrêts condamnaient en réalité « plus la création d’une nouvelle relation procédurale
au sens des articles 811-814 du Code judiciaire que la modification de la relation procédurale entre parties origi-
naires au sens des articles 807-810 du Code judiciaire » (concl. précitées de l’avocat général THIJS, Pas., 2002, p.
2304). Toutefois, dans un arrêt du 14 octobre 2011, la Cour a semblé reprendre cette ancienne jurisprudence
(Cass., 14 octobre 2011, J.T., 2012, p. 248, note critique H. BOULARBAH, G. DE LEVAL, D. MOUGENOT et J.-F. VAN
DROOGHENBROECK).
105
Voy. Cass. (1re ch.), 18 juin 2021, RG C.20.0321.N (« Le demandeur peut, également en appel, étendre ou
modifier sa demande initiale par des conclusions prises contradictoirement, à condition que l'objet de la de-
mande étendue ou modifiée soit fondé sur un fait ou un acte qu'il a allégué ou mentionné dans l'acte introductif
d'instance et qui a donc une base factuelle dans l'acte introductif. Est irrecevable une demande, étendue pour
la première fois en appel, tendant à l'annulation d'un contrat de bail et fondée sur la situation urbanistique du
bien loué, qui n'était pas visée dans l'acte introductif » (somm.)).
106
Voy. ég. Cass., 11 février 2005, R.W., 2004-2005, p. 1619 ; et Cass., 16 mars 2012, Pas., 2012, p. 604.
107
; Cass. 19 février 2016, R.G. n° C.15.0205.F ; Cass. 5 avril 2019, R.G. n° C.18.0074.N ; Cass., 17 octobre 2019,
R.G. n° C.8.0573.N.
108
Cass., 23 mai 1985, Pas., 1985, I, p. 1197.
109
Cass., 1er octobre 1990, Pas., 1991, I, p. 98.
62 

E. Forme de la demande nouvelle

147. Conformément à l’article 809 du Code judiciaire, la demande nouvelle est introduite par voie
de conclusions.

§ 3. La réduction de la demande principale

148. À tout moment de la procédure, le demandeur peut réduire sa demande, même oralement et
lorsque la procédure est par défaut110.

Section 2
L’introduction par le défendeur d’une demande contre le demandeur : la demande recon-
ventionnelle

§ 1. Définition

149. La demande reconventionnelle est la demande incidente qui émane du défendeur quel qu’il
soit111 (originaire, sur intervention, voire même sur reconvention) contre un demandeur (originaire,
sur reconvention ou sur intervention) et qui « tend à faire prononcer une condamnation à charge du
demandeur » (article 14 du Code judiciaire).

§ 2. Conditions de recevabilité

150. En première instance, la demande reconventionnelle n’est assortie d’aucune condition de re-
cevabilité particulière. Elle est soumise aux seules exigences des articles 17 et 18 du Code judiciaire112.
Elle ne doit par conséquent pas présenter de lien de connexité avec la demande principale113.
Dans un arrêt du 31 mars 2003, la Cour de cassation a rappelé que l’article 807 du Code judiciaire n’est
pas applicable à la demande reconventionnelle et a, partant, cassé l’arrêt qui avait déclaré non rece-
vable une telle demande, formée au premier degré de juridiction, au motif qu’elle ne constituait pas

110
Cass., 12 juin 2008, Pas., 2008, p. 1484.
111
S. MOSSELMANS, « Tussenvorderingen… », op. cit., p. 1605, n°12.
112
Voy. not. J. LAENENS, K. BROECKX et D. SCHEERS, Handboek, p. 443, n°948.
113
B. ALLEMEERSCH et K. WAGNER, « Stand van zaken… », R.W., 2004-2005, p. 1136, n°38.
L’instruction de la demande  63

une défense contre la demande principale et qu’elle ne se fondait pas sur un acte ou un fait invoqué
dans la citation114 115.

151. Dans un jugement du 16 novembre 2006, le tribunal de première instance de Bruxelles a in-
terrogé à titre préjudiciel la Cour constitutionnelle sur la différence de traitement entre le demandeur
originaire qui ne peut introduire une demande nouvelle que dans les limites de l'article 807 et le dé-
fendeur qui peut introduire une demande reconventionnelle sans être tenu par ces mêmes limites.
Par son arrêt n°77/2007, du 10 mai 2007, la Cour constitutionnelle a décidé qu'il n'y pas de discrimi-
nation prohibée par les articles 10 et 11 de la Constitution.
Elle relève tout d'abord que l'article 807 du Code judiciaire poursuit un but légitime : « en effet, le
législateur a pu accorder une protection particulière des droits du défendeur originaire confronté à une
modification de la demande originaire en exigeant, d’abord, que celle-ci fasse l’objet de conclusions
contradictoires et, ensuite, qu’elle trouve un fondement dans les faits ou les actes invoqués dans l’acte
introductif d’instance ».
La Cour constate ensuite avec pertinence que « la différence de traitement repose sur un critère ob-
jectif et pertinent : le demandeur originaire qui souhaite étendre ou modifier sa demande a eu toute
la latitude, par l’acte introductif d’instance, de définir les prétentions qu’il entendait faire valoir à l’en-
contre du défendeur et de circonscrire ainsi l’objet du litige. Le demandeur sur reconvention, lorsqu’il
formule sa demande au premier degré de juridiction, définit pour la première fois l’objet des préten-
tions qu’il entend obtenir du demandeur originaire. Le demandeur sur reconvention se trouve à cet
égard dans la situation du demandeur originaire, lorsque celui-ci introduit sa demande ».
Enfin, la Cour constitutionnelle estime de manière tout à fait justifiée que « cette différence de traite-
ment ne porte pas atteinte de manière disproportionnée aux droits du demandeur originaire. En effet,
puisqu’il a intenté le procès, le demandeur originaire a eu toute la liberté d’en déterminer l’étendue
dans l’acte introductif d’instance. Rien n’empêche par ailleurs le demandeur originaire, s’il n’est pas
dans les conditions pour modifier la demande originaire, d’introduire par voie séparée une demande
nouvelle et d’invoquer les faits ou les actes nouveaux au fondement de ses prétentions nouvelles ».
La Cour constitutionnelle a confirmé cette jurisprudence dans un arrêt n°53/2018 du 26 avril 2018
rendu sur questions préjudicielles.

114
Cass., 31 mars 2003, Pas., I, p. 618. En l’espèce, l’employeur dont l’ONSS poursuivait la condamnation au
paiement de cotisations sociales dues pour le 2ème trimestre 1989 au 4ème trimestre 1990 avait formé une de-
mande reconventionnelle pour obtenir le remboursement de cotisations indûment versées pour le 4 ème tri-
mestre 1988. Voy. aussi Cass. (1re ch.), 19 mars 2021, RG C.20.0333.N.
115
Demeure en revanche discutée la question de savoir si l’article 807 du Code judiciaire est applicable à la
modification ou à l’extension par le défendeur de sa demande reconventionnelle et notamment si cette exten-
sion ou cette modification doit se fonder sur des faits ou actes invoqués par le défendeur dans ses premières
conclusions (voy. sur ce point l’analyse très pertinente de A. FETTWEIS, Manuel, p. 97). La même question se pose
également au sujet de la modification éventuelle d’une demande en intervention par application des articles
807 et 809 du Code judiciaire (voy. dans ce sens, Liège, 8 novembre 1999, J.L.M.B., 2001, p. 485) et, notamment,
quant au point de savoir si, au premier degré de juridiction, une demande en intervention conservatoire peut
être transformée en intervention agressive par voie de conclusions entre parties à la cause (voy. pour une ré-
ponse négative, Civ. Mons, 25 juin 1999, R.R.D., p. 417).
64 

Dans cet arrêt, la Cour rappele dans un premier temps son arrêt du 10 mai 2007, et précise qu’elle
doit cette fois examiner si elle doit statuer dans le même sens lorsque l’extension ou la modification
de la demande originaire est la conséquence de la demande reconventionnelle introduite par le dé-
fendeur originaire.
La Cour souligne, dans un premier temps, la différence entre la demande nouvelle et la demande
reconventionnelle : « l’article 807 précité du Code judiciaire requiert des liens étroits entre la demande
originaire et la demande étendue ou modifiée. Cette disposition tend, en effet, à garantir le droit de
défense du défendeur orginaire et à éviter qu’après avoir pris connaissance des faits ou actes fondant
la demande originaire par l’acte introductif d’instance, ce défendeur ne soit surpris par l’allégation de
faits nouveaux ou d’actes non mentionnées dans l’ace introductif.
La demande reconventionnelle est, aux termes de l’article 14 du Code judiciaire, la demande incidente
par laquelle le défendeur tend à faire condamner le demandeur originaire. Lorsqu’elle est formée au
premier degré de juridiction, elle ne doit pas nécessairement pérsenter un lien avec la demande origi-
naire et est recevable jusqu’à clôture des débats. La demande reconventionnelle est donc autonome
par rapport à la demande originaire, de sorte que l’article 807 du Code judiciaire n’est pas applicable
à son introduction ».
La Cour constate ensuite : « qu’il en résulte une différence de traitement entre le demandeur originaire
qui souhaite modifier ou étendre la deùande, en rréponse ou non à la demande reconventionnelle du
défendeur originnaire, et le défendeur originaire qui introduit une demande reconventionnelle au pre-
mier degré de juridiction.
La disporportion en cause poursuit un but légtime : en effet, le législateur a pu accorder une protection
particulière des droits du défeneur originaire confronté à une modification de la demande originaire
en exigeant, d’abord, que celle-ci fasse l’objet de conclusions contradictoires et, ensuite, qu’elle trouve
un fondement dans les faits ou les actes invoqués dans l’acte introductif d’instance ».
La Cour constitutionnelle conclut, en reprenant la même motivation que dans son arrêt n°77/2007, au
fait que la différence de traitement repose sur un critère objectif et pertinent et que la différence de
traitement ne porte pas atteinte de manière dispropotionnée aux droits du demandeur originaire.

152. La demande reconventionnelle est recevable jusqu’à la clôture des débats. Si la demande re-
conventionnelle est de nature à retarder le jugement de la cause principale, le juge ordonne la disso-
ciation des procédures (article 810 du Code judiciaire).

§ 3. La demande reconventionnelle en degré d’appel

153. La demande reconventionnelle peut être formée pour la première fois en degré d’appel.
Jusqu’à un arrêt du 19 mars 2021, la Cour de cassation exigeait que la demande reconventionnelle
introduite en degré d’appel réponde aux caractéristiques de la demande nouvelle, c'est-à-dire qu'elle
L’instruction de la demande  65

soit fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation116 ou qu’elle constitue une défense à l’action
principale ou tende à la compensation117.
Cette jurisprudence qui était en contradiction avec l'article 1042 du Code judiciaire semblait se fonder
sur la volonté d’assurer une égalité de traitement entre l’appelant et l’intimé.
Dans un arrêt du 19 mars 2021, la Cour a modifié sa jurisprudence et précisé que «la demande recon-
ventionnelle a un caractère autonome en ce sens qu'elle ne doit pas satisfaire aux conditions de l'ar-
ticle 807 du Code judiciaire, qui ne s'appliquent qu'à la modification ou l'extension de la demande du
demandeur » et que toutefois, « en raison de l'égalité des armes des parties et de leur obligation de
loyauté procédurale, la demande reconventionnelle formulée pour la première fois en degré d'appel
doit entretenir un lien factuel avec une demande introduite devant le juge de premier degré » 118.

§ 4. Forme de la demande reconventionnelle

154. Conformément à l’article 809 du Code judiciaire, la demande reconventionnelle est introduite
par voie de conclusions.

116
Cass., 10 avril 1978, Pas., 1978, I, p. 890 ; Cass., 4 décembre 1989, Pas., 1990, I, p. 414 ; Cass., 5 décembre
2014, R.A.B.G., 2015/6, p. 411 et concl. av. gén. A. VAN INGELGEM. Cette jurisprudence a été validée par un arrêt
de la C. const., 4 décembre 2014, J.T., 2014, p. 834.
117
Cass., 22 janvier 2004, Pas., p. 135. Voy. pour une application récente, Bruxelles, 12 avril 2002, J.T., 2002, p.
668 ; R.P.S., 2003, p. 276, note et Bruxelles, 27 juin 2003, J.L.M.B., 2004, p. 872 ; R.D.C., 2004, p. 994 qui rappelle
à juste titre que « il ne résulte d’aucune disposition qu’une demande reconventionnelle ne peut être formée en
degré d’appel qu’à la double condition qu’elle ait été introduite par le défendeur devant le premier juge et qu’elle
repose sur un fait ou un acte invoqué par celui-ci à l’appui de sa demande reconventionnelle de première ins-
tance ». Cependant, selon une partie de la doctrine néerlandophone, il y aurait lieu de renforcer les conditions
de recevabilité de la demande reconventionnelle formée pour la première fois en degré d’appel afin de préser-
ver l’égalité entre parties et, dans une certaine mesure, le droit du demandeur, défendeur sur reconvention, à
un double degré de juridiction. Ainsi, selon J. LAENENS (« Een nieuwe tegeneis in hoger beroep », R.W., 1981-82,
2178) et K. BROECKX (Het recht op hoger beroep en het beginsel van de dubbele aanleg in het civiele geding,
Maklu, Anvers, 1995, p. 298, n°656), une demande reconventionnelle formée pour la première fois en degré
d’appel serait uniquement recevable si “het voorwerp ervan pas in hoger beroep vaststaat of rechtstreeks ver-
band houdt met de procedure in hoger beroep” (J. LAENENS, K. BROECKX et D. SCHEERS, Handboek, p. 443, n°949 ;
Gand, 18 novembre 2014, R.D.J.P., 2015, p. 159 ; voy. ég. mais plus nuancés K. WAGNER et B. ALLEMEERSCH, “Stand
van zaken…”, op. cit., p. 1137, n°38 qui rappellent qu’à l’inverse la doctrine francophone incline à défendre que
la demande reconventionnelle peut être formée sans limitation même pour la première fois en degré d’appel).
118
Voy. en ce sens Cass. (1re ch.), 19 mars 2021, RG C.20.0333.N. ; J.T., 2022, p. 489.
66 

Section 3
Les demandes par lesquelles un tiers devient partie à la cause : les demandes en interven-
tion

§ 1. Introduction

A. Définition

155. La demande en intervention est la demande par laquelle un tiers à la procédure sollicite de
pouvoir y participer (l’intervention est alors volontaire) ou par laquelle une partie à la procédure sol-
licite la mise à la cause d'un tiers (l’intervention est dans ce cas forcée) (article 15, alinéa 1er, du Code
judiciaire).
L’intervention tend soit à la sauvegarde des intérêts de l’intervenant ou de l’une des parties (l’inter-
vention est conservatoire) soit à faire prononcer une condamnation ou ordonner une garantie (elle
est alors agressive) (article 15, alinéa 2, du Code judiciaire).

156. Comme deux arrêts de la Cour de cassation des 29 octobre 2004119 et 16 décembre 2004120
ont permis de le rappeler, ces dispositions ont toutefois un champ d’application plus large. Elles con-
cernent en réalité toutes les demandes formées en cours d’instance par des parties déjà à la cause
mais qui ne peuvent être qualifiées de demandes additionnelles, nouvelle ou reconventionnelle. Le
régime des demandes en intervention s’applique par exemple aux demandes incidentes formées entre
deux co-défendeurs ou encore par le demandeur originaire contre une partie appelée en intervention
par le défendeur.
Ces demandes incidentes présentent la caractéristique de créer un lien processuel121 entre des per-
sonnes déjà parties à la cause122. S’il ne les systématise pas, le Code judiciaire les envisage expressé-
ment, en les qualifiant de demandes en intervention, puisqu’il prévoit à l’article 813, alinéa 2, du Code
judiciaire, qu’entre parties à la cause, l’intervention peut avoir lieu par voie de conclusions.
L’intérêt de ces distinctions et classifications n’est pas théorique puisqu’il s’agit de déterminer les con-
ditions de recevabilité de ces demandes incidentes entre parties à la cause. Celles-ci ont été précisées
par la Cour de cassation.
Elles ne sont pas régies par l’article 807 du Code judiciaire123. En revanche, l’article 812, alinéa 2, leur
est applicable124.

119
Cass., 29 octobre 2004, R.A.B.G., 2005, p. 817, note R. VERBEKE.
120
Cass., 16 décembre 2004, R.A.B.G., 2005, p. 820, note R. VERBEKE.
121
C’est-à-dire qu’une des parties à la cause demande la condamnation d’une partie avec laquelle elle n’était
jusqu’alors pas opposée.
122
S. MOSSELMANS, « Tussenvorderingen », op. cit., p. 1606, n°16.
123
Cass., 29 octobre 2004, précité.
124
Cass., 29 octobre 2004 et Cass., 16 décembre 2004, précités. C’est, comme l’a rappelé S. MOSSELMANS, « Tus-
senvorderingen… », op. cit., p. 1607, n°16, ce régime qui explique les arrêts de la Cour de cassation des 9 mars
L’instruction de la demande  67

B. Régime

157. En contrepartie du fait qu'un juge ne peut, en vertu de l’article 811 du Code judiciaire, ordon-
ner d'office la mise en cause d'un tiers125 (hormis les exceptions comme celle de l'article 331decies du
Code civil), l'intervention est largement admise devant les juridictions civiles, sociales et commer-
ciales, quelle que soit la forme de la procédure (article 812, alinéa 1er, du Code judiciaire).
L'intervention ne peut cependant, en principe, retarder le jugement de la cause principale (article 814
du Code judiciaire). Le cas échéant, le juge ordonnera la dissociation des procédures.

§ 2. L’intervention volontaire

A. Notion

158. L'intervention volontaire est le fait d'une personne qui, de son propre mouvement, se mêle à
une instance qu'elle n'a pas introduite ou qui n'est pas dirigée contre elle, soit pour faire déclarer que
le droit litigieux lui appartient, soit pour s'assurer de la conservation de ses droits qui pourraient être
compromis par le résultat de l'instance.

159. L'intervention est conservatoire lorsque son auteur ne réclame aucune condamnation à son
profit et se contente de prendre fait et cause pour une des parties au litige principal. Le tiers tente
ainsi de sauvegarder ses propres intérêts qui pourraient être compromis si la partie dont il épouse la
cause était déboutée ou condamnée.
L'intervenant ne prétend pas à un droit propre et ne soumet aucune prétention personnelle au juge.
Il fait ainsi l'économie d'une tierce opposition, recours qu'il pourrait introduire contre la décision à
laquelle il ne serait pas partie, si elle lui était préjudiciable.

160. Il y a intervention agressive lorsque l'intervenant volontaire prétend à un droit sur lequel une
contestation est engagée entre d'autres personnes et réclame, à l'encontre de ces dernières, la recon-
naissance et la protection de ce droit. En d'autres termes, le tiers pourrait introduire une demande
principale mais utilise l'instance déjà engagée entre d'autres parties pour solliciter une condamnation.

1972, 24 novembre 1972 et 2 décembre 1982 qui paraissaient exiger que la demande étendue ou modifiée ait
été déjà portée devant le premier juge. Ces décisions visaient en réalité des cas dans lesquelles la demande
incidente formée pour la première fois en degré d’appel émanait d’un co-défendeur originaire et tendait à la
condamnation d’un autre co-défendeur originaire. Une telle demande ne peut être qualifiée de « nouvelle » et,
partant soumise à l’article 807. Il s’agit en réalité d’une demande en intervention agressive qui ne peut, en vertu
de l’article 812, alinéa 2, du Code être introduite pour la première fois devant le juge d’appel.
125
L’article 811 du Code judiciaire empêche ainsi le juge à obliger le demandeur à attraire à la cause les prota-
gonistes manquants au motif de l’indivisibilité du litige (Cass., 4 juin 2020, R.G. n° C.18.0345.N, concl. av. gén. R.
Mortier).
68 

B. Conditions de recevabilité

161. Une distinction s'opère selon que l'initiative du tiers est agressive ou seulement conservatoire.
Dans les deux cas toutefois, la demande en intervention doit présenter un rapport de connexité avec
la demande principale.

a) L'intervention volontaire conservatoire

162. Il suffit pour l’intervenant de justifier de sa qualité et d'un intérêt légitime, direct et personnel,
matériel ou moral. L'intérêt en question ne doit pas être né et actuel126. La sauvegarde d'un droit
conditionnel, éventuel ou non encore exigible est suffisante.
Le tiers qui intervient à titre conservatoire ne peut que se joindre aux conclusions d'un plaideur pour
lequel il prend fait et cause : tout au plus peut-il invoquer des moyens différents, mais sans sortir des
limites du débat. Il est, comme cette partie, demandeur ou défendeur.
En cas de désistement, d'acquiescement ou lorsque la demande principale est déclarée irrecevable,
l'intervention conservatoire est également irrecevable car elle est un accessoire de la demande prin-
cipale.

b) L'intervention volontaire agressive

163. L'intervenant volontaire « agressif » réclame un droit propre, distinct de celui des parties en
cause : il est un véritable demandeur.
Il doit justifier des conditions classiques de recevabilité de son action : intérêt et qualité.

C. Procédure

164. L'intervention volontaire est formée par requête, qui contient, à peine de nullité, les moyens
et conclusions (article 813).
La loi ne précise pas jusqu'à quel stade de la procédure une intervention est autorisée.
En pratique, on admet qu'une intervention volontaire est possible jusqu'à la clôture des débats, à la
condition que ces derniers soient acceptés dans l'état où ils se trouvent par l'intervenant volontaire.
Il ne peut, par exemple, revenir sur les mesures d'instruction déjà ordonnées ou même effectuées
(voy. en matière d’expertise, l’article 981, alinéa 2, du Code judiciaire).

126
Bruxelles (44e ch.), 16 janvier 2018, J.T., 2019, liv. 6782, p.569.
L’instruction de la demande  69

Conformément à l’article 812, alinéa 2, du Code judiciaire, seule l'intervention volontaire conserva-
toire est possible en degré d'appel127. La règle n'est toutefois pas d'ordre public et sa violation ne peut
être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation128.

§ 3. L’intervention forcée

A. Notion

165. Les parties à un procès ont le droit d'y appeler une partie qui n'y figure pas. L'intervention
forcée consiste à citer un tiers au cours d'une procédure déjà entamée. Le tiers ainsi cité est un dé-
fendeur qui a les mêmes droits qu'une partie originaire.

166. L'intervention forcée conservatoire prend généralement le nom d'appel en déclaration de ju-
gement ou d’arrêt communs. Aucune condamnation n'est postulée contre le tiers mis en cause. La
personne appelée est uniquement invitée à assister aux débats, à suivre les errements de la procédure
et à faire valoir ses moyens. Ayant été présente à la cause, elle ne pourra recourir à la tierce opposition
et le jugement lui sera pleinement opposable. Il aura à son égard l'autorité de la chose jugée.

167. Dans le cas de l’intervention forcée agressive, c'est la condamnation du tiers qui est recher-
chée. Un cas particulier de l'intervention forcée agressive est l'appel en garantie. Toute personne qui
a droit à garantie contractuelle en vertu de la loi (contrats de vente, d'entreprise, bail) peut appeler
son garant en garantie dans l'instance où sont en litige les droits qui donnent lieu à celle-ci.
L'avantage de l'appel en garantie est que le garanti met immédiatement son garant en cause, de sorte
que c'est à l'issue d'un unique procès que les responsabilités seront établies et les condamnations
prononcées.

B. Recevabilité

168. La citation en intervention forcée doit avoir lieu avant toute défense au fond, afin que la partie
mise en cause puisse se défendre utilement et faire valoir ses observations.
Comme en matière d'intervention volontaire, on distingue cependant suivant que l'intervention for-
cée est conservatoire ou agressive.

127
Cass., 7 novembre 2013, Pas., 2013, p. 2183 ; Cass., 6 mars 2014, Pas., 2014, p. 609. L’intervention volontaire
par laquelle un tiers se borne à solliciter le rejet de la demande originaire de l’une des parties pour défaut de
fondement et de condamner cette partie aux frais de l’instance est recevable en degré d’appel, sous réserve du
règlement des frais (Cass., 5 février 1998, Pas., I, p. 179).
128
Cass., 2 décembre 1982, Pas., 1983, I, p. 412.
70 

a) L'intervention forcée conservatoire

169. L'appel en déclaration de jugement commun est admis dès qu'une partie a intérêt à rendre
opposable à un tiers la décision qui interviendra. Ce tiers est toute personne qui pourrait former tierce
opposition contre cette décision.
Les personnes mises en cause ont le droit de conclure de manière indépendante et de soulever contre
les parties originaires tous les moyens qui leur sont propres.
Le tiers doit être appelé à la cause à un moment où il peut encore utilement présenter ses observations
et défenses.

b) L'intervention forcée agressive

170. L'intervention forcée agressive ne sera pas recevable chaque fois que les droits de la défense
de l’intervenant forcé pourraient être mis en péril, les actes d’instruction déjà ordonnés ne pouvant
notamment nuire aux droits de la défense (article 812, alinéa 1er, du Code judiciaire).
La question de savoir quand et dans quelles conditions la demande en intervention forcée agressive
doit être déclarée irrecevable est cependant discutée. Selon certaines décisions, la seule existence
antérieure d’une décision ordonnant une mesure d’instruction suffit à rendre l’intervention irrece-
vable129. En revanche, suivant une autre thèse à laquelle la préférence doit être donnée, il convient
d’envisager la protection du tiers intervenant de manière plus concrète, en tenant compte de l’atti-
tude antérieurement adoptée par l’intervenant ou encore la possibilité pour le juge d’ordonner la
réitération des actes d’instruction en présence du tiers130. La loi du 15 mai 2007 modifiant le Code
judiciaire en ce qui concerne l’expertise semble avoir consacré cette dernière solution puisqu’elle a
modifié l’article 981 du Code judiciaire qui prévoit désormais que « l’expertise est inopposable à la
partie appelée en intervention forcée après l’envoi de l’avis provisoire de l’expert, sauf si cette partie
renonce au moyen de l’inopposabilité ». La Cour de cassation a confirmé cette interprétation en déci-
dant que l’intervention forcée agressive après l’envoi de l’avis provisoire de l’expert est recevable si
les droits de la défense de l’intervenant sont saufs131.

C. Procédure

171. Sauf comparution volontaire, l'appel en intervention forcée s'effectue par citation.

172. Toutefois, entre parties déjà présentes à la cause, à quelque titre que ce soit, l'intervention
forcée peut avoir lieu par simples conclusions (article 813 du Code judiciaire). Comme on l’a vu (supra,

129
Voy. not. Cass., 3 mars 1980, Pas., 1980, I, p. 812.
130
Voy. not. Cass., 25 novembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1304.
131
Cass., 30 janvier 2015, R.D.J.P., 2015, p. 147 et note de D. MOUGENOT, « Recevabilité de l’intervention forcée
en cours d’expertise : la Cour de cassation fait progresser le débat » ; Les pages, 2015/5, p. 2 et note de J.F.
GERMAIN, « Opposabilité de l'expertise à l'intervenant forcé ».
L’instruction de la demande  71

n°156), la Cour de cassation considère que le régime applicable aux demandes incidentes, formées
entre parties à la cause, lorsque celles-ci ne sont pas déjà unies par un lien d’instance, est celui des
demandes en intervention, réglementé par les articles 812 à 814 du Code judiciaire132.

173. Seule l'intervention forcée conservatoire est admise en degré d'appel133. La règle n'est toute-
fois pas d'ordre public134. Une demande en intervention ne peut pas être formée pour la première fois
en degré d’appel lorsqu’elle tend à une condamnation135. Le critère applicable à cet égard est celui –
strict – de l’existence en première instance de demandes formées par les parties les unes contre les
autres et non celui de la simple opposition d’intérêts136 de la formulation de reproches ou de griefs
en termes de conclusions137, qui est par contre utilisé pour apprécier la recevabilité de l’appel138.

§ 4. Autonomie par rapport à la demande principale

174. Il a longtemps été enseigné que la recevabilité d’une demande en intervention dépend de la
demande principale et qu’il n’est fait exception à cette règle pour la demande en intervention

132
Voy. pour un rappel ainsi qu’un exposé d’ensemble sur le sujet, voy. H. BOULARBAH et Ch. MARQUET, « Actions
en droit de la construction : remèdes immédiats et pluralité des parties – Aspects de droit judiciaire », in Les
obligations et les moyens d’action en droit de la construction, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 166, n°119.
133
Dans un arrêt du 18 avril 2001 (n° 47/2001), la Cour constitutionnelle a considéré que cette règle n’était pas
contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Voy. ég. Cass., 13 septembre 2012, J.L.M.B., 2013, p. 344, Cass.
(1re ch.), 18 juin 2020, RG C.18.0287.N, et Bruxelles (civ.) (2e ch.) 5 février 2021, J.T., 2022, liv. 6890, 152 (« Il
appartient au juge d’appel de déceler les interventions agressives dénaturées en qualifiant, le cas échéant,
comme telles les demandes incidentes qui lui sont soumises sous la dénomination de « demande en déclaration
de jugement commun ». En l’espèce, la demande des parties appelantes constitue manifestement une demande
agressive dénaturée qui est irrecevable »).
134
Ce qui implique que le juge du fond ne doit pas soulever d’office l’irrecevabilité de la demande en intervention
et qu’il ne peut donc pas lui être reproché de ne pas l’avoir fait à l’appui d’un pourvoi en cassation (Cass., 20
janvier 2012, Pas., 2012, p. 179 ; Cass., 2 décembre 1982, Pas., 1983, I, p. 412).
135
Cass., 13 septembre 2012, J.L.M.B., 2013, p. 344. La distinction quelque peu artificielle entre la demande en
intervention agressive et celle purement conservatoire mais qui tend en réalité à provoquer une condamnation
ultérieure a une fois de plus été critiquée, de manière très convaincante, par J.-F. VAN DROOGHENBROECK, « Les
interventions agressives dénaturées », note sous C.T. Liège, 27 avril 2012, J.T., 2012, p. 780.
136
La Cour de cassation rappele donc que : « l’intervention tendant à obtenir une condamnation ne peut s’exer-
cer pour la première fois en degré d’appel. Le simple dépôt de conclusions entre les parties sans que l’une réclame
quelque chose à l’autre ne fait pas naître une réelle relation procédurale et il n’est pas dérogé du fait que, no-
nobstant le défaut de relation procédurale effective, une condamnation aux dépens est réclamée à tort ou que
le juge condamne à tort une des parties au paiement d’une indemnité de procédure » (Cass., 9 janvier 2020, R.G.
n° C.19.0213.N).
137
Cass., 13 septembre 2012, précité.
138
Cass., 10 octobre 2002, Pas., 2002, p. 1388.
72 

agressive que lorsque la demande principale est déclarée irrecevable en raison de motifs personnels
à son auteur tels que le défaut de qualité ou d’intérêt ou lorsqu’elle disparait par suite d’un désiste-
ment139.

175. Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a ensuite admis que « la demande en
intervention forcée, autre que l'appel en garantie, qui tend à faire prononcer une condamnation qui
n'est pas subordonnée à celle qui est postulée par la demande principale, bien que connexe, n'a pas
un caractère accessoire » et qu’elle « peut subsister comme une demande principale lorsque la de-
mande principale introductive d'instance est déclarée irrecevable ou non fondée »140. Cette jurispru-
dence a été confirmée en 2009141 et en 2012142. Il en résulte désormais une autonomie complète de
la demande en intervention agressive, autre que l’appel en garantie, même lorsqu’elle est formée par
voie de conclusions par une partie contre une autre (supra, n°156)143. Il suffit qu’elle ait un objet dis-
tinct de celui de la demande principale, même si elle y est liée, pour qu’elle continue d’exister en tant
que demande principale. Ce principe s’applique également lorsque l’acte d’introductif est, par
exemple, déclaré nul144. Il importe peu à cet égard que la procédure se poursuive avec une demande
incidente qui n’est pas formellement une demande introductive d’instance145.
En raison de son caractère accessoire, la demande en intervention conservatoire qui ne tend pas au
prononcé d’une condamnation est par contre irrecevable lorsque la demande principale est déclarée
irrecevable146.

139
G. CLOSSET-MARCHAL, « Demande principale et demande incidente : dépendance ou autonomie ?», in Het
proces in meervoud – Le procès au pluriel, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 38, n°18 et p. 41, n°24 et les références
citées.
140
Cass., 11 mars 1991, J.T.T., 1991, p. 445.
141
Cass., 2 mars 2009, R.W., 2010-2011, p. 1384.
142
Cass., 8 mars 2012, Pas.¸ 2012, p. 541, précédé des conclusions de l’avocat général DUBRULLE ; R.A.B.G., 2012,
p. 738, note R. VERBEKE, « Autonome tussenvorderingen ontsnappen, wat hun ontvankelijkheid betreft, aan het
lot van de hoofdvordering ».
143
Cass., 8 mars 2012, précité.
144
Cass., 8 mars 2012, précité.
145
Cass., 8 mars 2012, précité.
146
G. CLOSSET-MARCHAL, op.cit., p. 38.
L’instruction de la demande  73

CHAPITRE VI
Les preuves

Section 1
Principes généraux

§ 1. Introduction

176. La preuve est la démonstration, dans les formes admises par la loi, de la vérité d'un fait ou
d'un acte juridique, qui est affirmé par l'une des parties et nié par l'autre.
L'étude des modes de preuves admis et de la force de chacun d'eux relève du droit des obligations
(articles 8.15 et s. du nouveau Code civil), du droit commercial – où la preuve est libre, même lorsqu’il
s’agit d’actes juridiques au-delà de 3.500 euros – (article 8.11 du nouveau Code civil), du droit fiscal,
... L’article 876 du Code judiciaire prévoit ainsi que le tribunal juge le différend dont il est saisi selon
les règles de preuve applicables à la nature du litige.
En revanche, les questions relatives à la charge de la preuve et à l'administration de la preuve ou à la
réception des modes de preuve en justice relèvent du droit judiciaire privé.

§ 2. Règles gouvernant la charge de la preuve et la réception des preuves en justice

177. Diverses règles de droit judiciaire privé président à la charge et à l'administration de la preuve.

178. Le droit judiciaire de la preuve ne déroge pas au droit civil en ce qui concerne la charge de la
preuve. Sans préjudice de la faculté offerte au juge par l’article 8.4, al. 5 du nouveau Code civil, cha-
cune des parties a la charge de prouver les faits qu'elle allègue (article 870 du Code judiciaire et article
8.4 du nouveau Code civil)147. La charge de la preuve est la nécessité pour chacune des parties de fonder,
par des moyens de preuve légalement admis, la conviction du juge quant à l’exactitude des faits con-
cluants sous peine de perdre le procès. La charge de la preuve désigne celle des parties qui, faute d’une
preuve, doit perdre son procès ; l’incertitude ou le doute subsistant à la suite de la production d’une
preuve doivent être retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve148.

147
L’article 8.4, al. 5 du nouveau Code civil dispose : « Le juge peut déterminer, par un jugement spécialement
motivé, dans des circonstances exceptionnelles, qui supporte la charge de prouver lorsque l'application des
règles énoncées aux alinéas précédents serait manifestement déraisonnable. Le juge ne peut faire usage de
cette faculté que s'il a ordonné toutes les mesures d'instruction utiles et a veillé à ce que les parties collaborent
à l'administration de la preuve, sans pour autant obtenir de preuve suffisante ».
148
Sauf si la loi en dispose autrement (article 8.4, al. 4 du nouveau Code civil). Voy. Cass., 17 septembre 1999,
Pas., 1999, I, p. 1164.
74 

En principe seule la contestation par le défendeur d’un fait concluant impose au demandeur la néces-
sité d’une preuve149 mais le silence opposé à l’allégation d’un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance
de ce fait ; le silence doit être circonstancié et significatif en ce sens que les circonstances doivent
établir de manière non équivoque une adhésion tacite150.

179. Le Code judiciaire prévoit que les parties doivent collaborer loyalement au déroulement du
procès et par conséquent à l'administration de la preuve, en apportant aux débats les éléments de
preuve qui seraient en leur possession, le tout sous le contrôle du juge151. Ce dernier peut notamment
ordonner à toute partie de produire des éléments de preuve dont elle dispose (article 871 du Code
judiciaire).

180. Le juge ne peut statuer qu'en se fondant sur ce qui est légalement prouvé. Il ne peut former
sa conviction d'après la connaissance personnelle qu'il pourrait avoir des faits152, ni en tenant compte
des éléments qui n'ont pas été régulièrement établis en cours d'audience153, ce qui n’empêche pas le
magistrat de faire état, à l’appui de sa décision, d’un fait ou d’une règle d’expérience notoire154.

181. Dans le domaine de l'instruction de la cause, il est largement dérogé au principe dispositif. Le
magistrat y dispose de pouvoirs étendus. Il peut ainsi ordonner d'office à toute partie litigante ou à un
tiers de produire les éléments de preuve dont elle dispose (articles 871 et 877 et s. du Code judiciaire).
Il peut ordonner d’office ou à la demande des parties, la comparution personnelle des parties, une
descente sur les lieux, l’enquête ou une expertise, mais c'est toujours, du moins en règle, aux parties
qu'il appartient de faire le nécessaire pour que ces mesures ordonnées d'office par le juge soient mises
en œuvre (voy. toutefois en matière d’expertise, infra, n°220). A cet égard, l’article 875 du Code judi-
ciaire prévoit que lorsqu’une mesure d’instruction ordonnée par le juge n’a pas été exécutée dans les
délais fixés, la partie la plus diligente peut, en toutes matières, ramener la cause à l’audience pour y
faire statuer comme de droit.

182. Dans certaines matières déterminées, le juge peut enfin ordonner au ministère public de re-
cueillir des renseignements sur les objets que limitativement il précise. Les actes de cette information
sont déposés au greffe, dans le dossier de la procédure. Les parties en sont averties par le greffier
(article 872 du Code judiciaire).

149
J. KIRKPATRICK, obs. sous Cass., 13 septembre 2010, J.T., 2010, p. 740. L’article 8.3 du nouveau Code civil dis-
pose désormais : « Hormis les cas où la loi en dispose autrement, les faits ou actes juridiques doivent être prou-
vés lorsqu'ils sont allégués et contestés.
Les faits notoires ou les règles d'expérience commune ne doivent pas être prouvés.
Le droit, même étranger, ne doit pas être prouvé ».
150
Les allégations dont une partie a la charge ne doivent être prouvées par elle que si elles sont contestées :
Cass., 18 avril 2008, Pas., 2008, p. 936.
151
Voy. aussi l’article 8.4, al. 3 du nouveau Code civil qui dispose : « Toutes les parties doivent collaborer à l'ad-
ministration de la preuve ».
152
Cass., 6 janvier 1982, Pas., 1982, I, p. 566.
153
Cass., 13 novembre 1989, Pas., 1990, I, p. 313.
154
Cass., 25 octobre 1984, Pas., 1985, I, p. 277.
L’instruction de la demande  75

§ 3. Modes de preuve prévus par le Code judiciaire

183. Les modes de preuves - ou mesures d’instruction - prévus par le Code judiciaire afin d’assurer
l’instruction de l’affaire sont les suivants.
− La production des documents (articles 877 à 882 du Code judiciaire).
− La vérification d'écriture (articles 883 à 894 du Code judiciaire).
− Le faux civil (articles 895 à 914 du Code judiciaire).
− L'enquête (articles 915 à 961 du Code judiciaire).

− La production d’attestations (articles 961/1 à 961/3 du Code judiciaire).

− L'expertise (articles 962 à 991bis du Code judiciaire).


− L'interrogatoire des parties (articles 992 à 1004 du Code judiciaire).

− L’audition de mineurs (articles 1004/1 et 1004/2 du Code judiciaire).


− Le serment (articles 1005 et 1006 du Code judiciaire).
− La descente sur les lieux (articles 1007 à 1016 du Code judiciaire).
− Le constat d’adultère par huissier de justice (article 1016bis du Code judiciaire).

184. L’article 875bis, alinéa 2, du Code judiciaire, modifié par les lois « pot-pourri », du 19 octobre
2015 et du 6 juillet 2017, prévoit que, lorsque la recevabilité de l’action est contestée, le juge ne peut
ordonner une mesure d’instruction que s’il a déclaré l’action recevable au préalable, sauf si la mesure
concerne justement la recevabilité de l’action.
Le juge doit en outre limiter le choix de la mesure d’instruction et le contenu de celle-ci à ce qui est
suffisant pour la solution du litige, au regard de l’enjeu du litige et en privilégiant la mesure la plus
simple, la plus rapide et la moins onéreuse (art. 875bis, al. 1er, C. jud.).

Le pouvoir discrétionnaire des juges de fond quant à l’appréciation d’une mesure d’instruction cesse
lorsque le refus d’ordonner cette mesure fait obstacle à l’établissement d’un droit ou lorsqu’elle cons-
titue l’unique moyen d’en rapporter la preuve155.
Dans un arrêt du 14 juin 2021, la Cour de cassation a décidé que « l'utilisation de preuves obtenues
illégalement en matière civile ne peut être empêchée que si l'obtention de ces preuves porte at-
teinte à la fiabilité des preuves ou compromet le droit à un procès équitable »156.

155
Cass., 10 février 2010, Pas., 2010, p. 426 : « Le seul doute du juge sur l’existence du lien causal ne saurait
fonder le rejet d’une expertise sollicitée pour en vérifier la réalité. En rejetant la demande d’expertise au motif
que les parties qui la réclament n’apportent pas la preuve formelle d’un fait que cette mesure d’instruction a
pour objet d’établir ou d’exclure, le tribunal correctionnel n’a pas légalement justifié sa décision ».
156
La Cour de cassation a par ailleurs donné les lignes directrices suivantes : « Ce faisant, la juridiction tient
compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment de la manière dont les preuves ont été obtenues, des
circonstances dans lesquelles l'acte illégal a été commis, de la gravité de l'acte illégal et de la mesure dans la-
quelle il a porté atteinte au droit de la partie adverse, du besoin de preuve de la partie qui a commis l'acte illégal
76 

§ 4. Caractéristiques communes aux procédures de réception des preuves

185. Le jugement qui ordonne une mesure préalable destinée à instruire la demande est un juge-
ment avant dire droit au sens de l’article 19, alinéa 3, du Code judiciaire, non revêtu de l’autorité de
chose jugée et qui peut être modifié si des circonstances nouvelles le justifient.
Une telle mesure peut donc être demandée à l’audience d’introduction (art. 735, §2, C. jud.) ou encore
à tout stade de la procédure (art. 19, alinéa 3, C. jud.).

186. La décision ordonnant une mesure d’instruction est, de plein droit, exécutoire par provision
(article 1397, al. 3, du Code judiciaire) sans qu’elle doive préalablement être signifiée. La participation
à l’exécution de la mesure d’instruction n’implique pas l’acquiescement. La signification préalable est re-
quise pour faire courir l’astreinte assortissant la décision en vue d’en assurer l’efficacité.

187. En principe, l’appel des jugements avant dire droit n’est, depuis la loi du 19 octobre 2015,
possible qu’avec l’appel du jugement définitif, sauf si le juge en décide autrement (article 1050, al. 2
du Code judiciaire).
Malgré la volonté du législateur de limiter les hypothèses d’appel des jugements avant dire droit, la
combinaison des articles 875bis, al. 2 et 1050, al. 2 du Code judiciaire est de nature à compromettre
la réforme. En effet, si la recevabilité de l’action est contestée, le juge est désormais tenu de se pro-
noncer sur la question avant d’ordonner une mesure d’instruction (art. 875bis, al. 2) et il prononcera,
à cette occasion, un jugement mixte (en partie définitif et en partie avant dire droit, voy. infra, n°297).
Or, un tel jugement est susceptible d’appel immédiat (art. 1050, al. 2).

188. La procédure d’appel comporte des règles propres aux jugements avant dire droit ordonnant
ou autorisant une mesure d’instruction (articles 1055, 1066, alinéa 2, 2, 1068, alinéa 2, et 1072 du
Code judiciaire).

189. Tout jugement d’instruction réserve les dépens (article 1017, alinéa 4, du Code judiciaire).

Section 2
Les mesures d’instruction

§ 1. La production de documents

190. Lorsqu'il existe des indices sérieux et précis de la détention par une partie ou un tiers d'un
document contenant la preuve d'un fait pertinent, le juge peut ordonner, soit à la demande d'une
partie ou même d'office, que ce document ou une copie de celui-ci, certifiée conforme, soit déposé

et de l'attitude de la partie adverse » (Cass., (3e ch.), 14 juin 2021, RG C.20.0418.N, disponible sur : https://ju-
portal.be/). Voy. également Cass. (1re ch.), 16 décembre 2021, RG C.18.0314.N.
L’instruction de la demande  77

au dossier de la procédure, même par la partie à laquelle ce document pourrait nuire (article 877 du
Code judiciaire)157.
Si un document est détenu par un tiers, celui-ci est invité préalablement par le juge à le verser en
original ou en copie au dossier de la procédure selon les modalités et les délais qu’il indique. Le tiers
peut faire valoir ses observations par écrit ou en chambre du conseil (le tiers peut notamment se
retrancher derrière le secret professionnel pour refuser de produire la pièce).
Les parties sont autorisées à prendre connaissance des observations du tiers et à y répondre (article
878 du Code judiciaire)

191. Le jugement ordonnant la production d'un document est notifié aux parties ou au tiers sous
pli judiciaire (article 880, alinéa 1er, du Code judiciaire). Il n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel
(article 880, alinéa 2, du Code judiciaire)158.
Si l'une des parties le demande, l'injonction du magistrat peut être assortie d'une astreinte159.
Le fait de ne pas produire, sans motif légitime, le document requis ou sa copie malgré la décision du
juge est sanctionnée par des dommages et intérêts, octroyés à la partie intéressée (article 882 du
Code judiciaire). La relation causale est établie par le seul fait de la non-production160. Le montant du
préjudice sera fonction de l'importance du document.

§ 2. L’enquête

A. Généralités

192. L'enquête est la procédure qui permet de recueillir les témoignages à l'aide desquels sera éta-
blie la vérité des faits allégués par une partie et contestés par l'autre. Elle ne peut être utilisée que

157
Il s’agit d’une faculté et non d’une obligation pour le juge (Cass., 2 juin 1977, Pas., 1977, I, p. 1012 ; Cass., 14
décembre 1995, Pas., 1995, I, p. 1165 ; Cass., 24 juin 2011, T. Fam., 2012, p. 151, note VANDENBUSSCHE et SAMOY ;
Cass., 28 juin 2012, Pas., 2012, p. 1504 ; R.A.B.G., 2013, p. 250, note GOVAERTS ; T. Fam., 2012, p. 226, note
SENAEVE). Voy. par ailleurs Cass. (1re ch.), 27 janvier 2022, RG C.21.0189.N : « Une ordonnance judiciaire au sens
de l’article 877 du Code judiciaire suppose qu’un document concret est visé ; le juge ne peut obliger une partie,
en vertu de la disposition susmentionnée, à donner des informations et à verser aux débats tous les documents
pertinents dont elle dispose » (somm.).
158
En revanche, le tiers auquel l’ordre est donné de produire un document peut se pourvoir en cassation contre
cette décision (Cass., 30 octobre 1978, Pas., 1979, I, p. 248). Il peut également former tierce opposition (Civ.
Bruxelles (sais.), 26 octobre 2000, J.T., 2001, p. 52 ; Liège, 6 mars 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1728).
159
Dans ce cas, la décision est susceptible d’appel car elle cause un grief immédiat à la partie condamnée sous
peine d’astreinte (Cass., 12 novembre 1999, inédit ; Liège, 8 janvier 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1002 ; Mons, 14
octobre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 711).
160
T.T. Bruxelles, 2 février 1990, J.T.T., 1990, p. 276.
78 

lorsque la preuve par témoins est admise au regard des règles de preuve en droit civil (article 915 du
Code judiciaire)161.
Elle peut être ordonnée d'office par le juge afin d’apporter la preuve des faits qui lui apparaissent
concluants. Dans ce cas, le juge peut indiquer les noms des témoins qui seront entendus aux lieu, jour
et heure fixés par lui (article 916 du Code judiciaire).
Elle peut également être sollicitée par une partie. Dans ce dernier cas, celle-ci doit offrir de rapporter
par l'audition d’un ou plusieurs témoins la preuve de un ou plusieurs faits précis et pertinents et sus-
ceptibles de preuve contraire162, le juge autorisant ou non l'enquête (article 915 du Code judiciaire)163.
Le juge des référés dispose également de la possibilité d'ordonner une enquête « ad futurum » (ar-
ticles 18, alinéa 2, et 584, alinéa 4, 4, du Code judiciaire).

193. Chaque fois qu'une enquête est autorisée ou ordonnée - qualifiée d'enquête directe - l'en-
quête contraire, tenue par la partie adverse, est admise de plein droit (article 921 du Code judiciaire).
Cette dernière a pour objet de réfuter les allégations de son adversaire en faisant entendre des té-
moins dont les déclarations sont susceptibles d’énerver ou de nuancer la force probante des déposi-
tions recueillies lors de l’enquête directe.

B. Procédure

a) Le jugement autorisant ou ordonnant l’enquête

194. Le jugement autorisant ou ordonnant l'enquête indique les faits dont la preuve est admise et
« les lieu, jour et heure de l'audience en chambre du conseil ou l'enquête sera tenue » (article 917 du
Code judiciaire).
Ce jugement est notifié d'office aux parties sous pli judiciaire (article 919, alinéa 2, du Code judiciaire).
Il est susceptible d’appel si le juge l’autorise ou s’il s’agit d’un jugement mixte (art. 1050, al. 2 C. jud.),
mais pas d’opposition (article 919, alinéa 1er, du Code judiciaire). La notification du jugement qui a

161
La loi du 13 avril 2019 portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve », entrée en vigueur
le 1er novembre 2020, a inséré un nouvel article 8.28 dans le Code civil, lequel prévoit que la preuve par témoins
sera désormais admise « lorsque la loi admet la preuve par tous modes de preuve ».
162
Cass., 3 décembre 1976, Pas., 1977, I, p. 8.
163
Lorsque la loi n’interdit pas la preuve par témoins, le juge décide souverainement en fait si la preuve par
témoins peut être apportée utilement, pour autant qu’il ne méconnaisse pas le droit de principe d’apporter
cette preuve (Cass., 18 mars 1991, Pas., 1991, I, p. 663 ; Cass., 17 février 1995, Pas., I, p. 190 ; Cass., 4 mars 1999,
Pas., 1999, I, p. 232). Par ailleurs, lorsqu’une partie a été autorisée par une décision précédente à apporter une
preuve par témoins, ne viole pas les droits de la défense de cette partie le jugement qui, en raison d’une inaction
fautive de celle-ci, la déclare déchue du droit de tenir les enquêtes (Cass., 24 janvier 1980, Pas., 1980, I, p. 581 ;
Cass., 1er mars 1999, Pas., 1999, I, p. 196).
L’instruction de la demande  79

autorisé ou a ordonné l’enquête, faite conformément à l’article 919, alinéa 2, du Code judiciaire ne
fait pas courir le délai d'appel contre ce jugement164.
Comme toutes les décisions comportant une mesure avant-dire droit, le jugement autorisant l'en-
quête ou l'ordonnant est exécutoire par provision nonobstant tout recours (article 1397, al. 3, du Code
judiciaire).

195. L'enquête est tenue par les juges qui l'ont autorisée ou ordonnée ou par le juge qui est désigné
dans le jugement (article 918 du Code judiciaire)165.
La partie qui fait procéder à l'enquête doit adresser la liste de ses témoins au greffe, quinze jours au
moins avant l'audience au cours de laquelle ils seront entendus. Cette liste est déposée au greffe en
autant d’exemplaires qu’il y a de parties en cause et notifiée sous pli judiciaire par le greffier aux autres
parties que le requérant (article 922 du Code judiciaire). Lorsque l'enquête est ordonnée d'office, le
jugement peut indiquer le nom des témoins qui seront entendus (article 916 du Code judiciaire).
Le délai de 15 jours n'est pas prescrit à peine de déchéance166. Toutefois, selon l'article 875 du Code
judiciaire, le fait de ne pas tenir l'enquête dans le délai imposé ou dans un délai raisonnable autorise
la partie adverse à faire revenir l'affaire à l'audience et à requérir jugement sur le fond. On rappelle
que cette règle s'applique à toute mesure d'instruction qui n'est pas diligentée dans un délai raison-
nable.

b) La comparution des témoins

196. Les témoins sont convoqués par le greffier, huit jours au moins avant leur audition. Il est joint
à la convocation une copie certifiée conforme du dispositif du jugement, limitée à l'énoncé des faits
admis et à l'indication des lieu, jour et heure de l'audition (article 923 du Code judiciaire).

197. Si un témoin ne comparaît pas, le juge peut, à la demande d’une des parties, ordonner qu’il
soit cité par exploit d’huissier (article 925 du Code judiciaire). Le cas échéant, le témoin cité qui per-
siste à faire défaut, est condamné à une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts au
profit de la partie167. La question de savoir s’il est possible d’imposer une audition de témoins sous
astreinte est controversée168.
Toutefois, le témoin condamné qui comparait ultérieurement peut, après sa déposition, être déchargé
en tout ou en partie, par le juge de la condamnation prononcée. Il est déchargé de celle-ci s’il justifie

164
Cass., 17 mars 1997, Pas., 1997, I, p. 364.
165
Il appartient au seul juge désigné pour tenir les enquêtes de statuer sur tous les incidents qui peuvent survenir
au cours de celles-ci ; ce pouvoir ne s’éteint qu’à la clôture de l’enquête, prononcée par lui (Cass., 6 octobre
1986, Pas., 1987, I, p. 139).
166
Voy. dans ce sens, Anvers, 1er mars 1994, Pas., 1994, II, p. 66. Contra, J. ENGLEBERT, obs. sous T.T. Nivelles, 10
janvier 1992, J.L.M.B., 1994, p. 1335.
167
Lorsque, en matière civile, un témoin cité à nouveau persiste à faire défaut, le juge est tenu de prononcer à
sa charge une nouvelle amende (Cass., 26 avril 1974, Pas., 1974, I, p. 882).
168
En faveur de cette possibilité, voy. J. VAN COMPERNOLLE, L’astreinte, Bruxelles, Larcier, 1992, p. 42, n 44 et les
références citées.
80 

qu’il n’a pu se présenter au jour indiqué (article 927 du Code judiciaire). L’amende prévue à l’article
926 du Code judiciaire est applicable au témoin qui sans motif légitime refuse de prêter serment ou
de déposer (article 928 du Code judiciaire).
Enfin, les frais résultant de la défaillance du témoin, de son refus sans motif légitime de prêter serment
ou de déposer demeurent à sa charge et sont taxés par le juge (article 930 du Code judiciaire).

198. Le mineur âgé de moins de 15 ans ne peut être entendu sous serment (article 931, alinéa 1 er,
du Code judiciaire)169. L'article 931, alinéa 2, du Code judiciaire dispose que les descendants ne peu-
vent être entendus dans les causes où leurs ascendants ont des intérêts opposés, sans préjudice de
l’article 1004/1 du Code judiciaire.
Cette disposition prévoit, de manière détaillée, les cas et modalités d’audition du mineur.

c) L'audition des témoins

199. L'audition a lieu en chambre du conseil, à huis clos. Les témoins sont entendus séparément,
tant en présence qu'en l'absence des parties (articles 933 et 1264 du Code judiciaire).
A peine de nullité absolue, le témoin, avant son audition, doit prêter serment (article 934 du Code
judiciaire).
Le témoin est entendu aussi bien sur les faits qu'il connaît directement que sur ceux qu'il connaît par
relation. La portée d'un témoignage indirect est abandonnée à l'appréciation du juge du fond170.
Les témoins déposent sans qu'il leur soit permis de lire aucun projet écrit mais ils peuvent, le cas
échéant, être autorisés par le juge, après que ce dernier ait entendu les parties en leurs observations,
à consulter les pièces utiles à leur déposition (article 935 du Code judiciaire).
La partie doit s'adresser au juge pour interpeller un témoin (article 936 du Code judiciaire), ce qui
retire beaucoup d'impact à l'interpellation.
Soit d'office, soit à la demande de l'une des parties, le juge interroge le témoin sur son degré de pa-
renté ou d'alliance avec les parties ainsi que sur les faits qui lui sont personnels et qui sont de nature
à influencer sa déposition (article 937 du Code judiciaire).
Le juge peut, même d'office, poser au témoin toute question de nature à préciser ou compléter la
déposition (article 938 du Code judiciaire). Il peut aussi prendre l'initiative de confronter les témoins
ou de les réentendre (article 942 du Code judiciaire).

200. Seuls les témoins cités par la partie sont normalement entendus, mais une enquête complé-
mentaire peut, à la demande d’une partie lors de l’enquête, être autorisée par le juge, s'il résulte des
dépositions déjà entendues que l'audition de nouveaux témoins est utile à la manifestation de la vérité

169
Il en va de même des personnes condamnées à des peines de réclusion ou de détention à perpétuité ou de
réclusion pour un terme de dix à quinze ans ou un terme supérieur qui ne peuvent déposer en justice que pour
y donner de simples renseignements (article 31, 4, du Code pénal).
170
Cass., 25 février 1980, Pas., I, p. 768.
L’instruction de la demande  81

(article 941, alinéa 1er, du Code judiciaire)171. Dans ce cas, l’ordonnance est notifiée aux parties par le
greffier sous pli judiciaire et les parties sont convoquées conformément à l’article 923 du Code judi-
ciaire.

201. Les témoignages, ainsi que les formalités qui les accompagnent, et la prestation de serment,
sont consignés par écrit (article 939, alinéa 1er, du Code judiciaire)172. La déposition, suivie des recti-
fications ou additions éventuelles, est signée par le témoin, le juge et le greffier (article 939, alinéa 3,
du Code judiciaire).

202. En vertu de l’article 944 du Code judiciaire, les ordonnances rendues en cours d’enquête ne
sont pas susceptibles d’opposition ; elles ne sont susceptibles d’appel avant le jugement définitif que
si elles prononcent des condamnations.

203. La loi du 30 juillet 2013 portant création du tribunal de la famille et de la jeunesse a inséré
une section 7/1 dans la partie du Code judiciaire relative à la preuve, section intitulée « L’audition des
mineurs ». L’article 1004/1 inséré dans cette section consacre le droit pour tout mineur d’être entendu
dans les matières qui le concernent relatives à l’autorité parentale, à l’hébergement ainsi qu’aux rela-
tions personnelles. Il a également le droit de refuser d’être entendu. Les articles 1004/1 et 1004/2
précisent la procédure relative à une telle audition.

d) La clôture des enquêtes et le jugement

204. Le juge prononce la clôture de l'enquête lorsque les témoins ont été entendus et que les for-
malités légales ont été accomplies (article 945, alinéa 1er, du Code judiciaire).
Le juge entend les conclusions des parties séance tenante ou fixe les lieu, jour et heure de l'audience
à laquelle elles seront entendues. Dans ce cas, les parties qui n'ont pas comparu sont convoquées par
le greffe sous pli judiciaire (article 945, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire).
Le juge qui a tenu l'enquête siège lorsqu’il est statué sur le résultat des dépositions, à moins qu’il n’en
soit empêché173. Si plusieurs juges ont tenu l’enquête, la règle n’est applicable qu’au dernier d’entre
eux (article 946 du Code judiciaire).
Lorsqu'une enquête est nulle en tout ou en partie, le juge peut jusqu'à la clôture des débats ordonner,
même d’office, qu'elle soit rouverte à fin de régularisation. Ce jugement n’est pas susceptible d’oppo-
sition et est notifié aux parties par le greffier, sous pli judiciaire (article 947 du Code judiciaire).

171
Le pourvoi en cassation formé avant la décision définitive contre une décision, fût-elle irrégulière, par laquelle
le juge fait droit, au cours de l’enquête, à la demande d’une partie de produire un témoin, est irrecevable (Cass.,
13 janvier 1997, Pas., 1997, I, p. 61).
172
Cette disposition n’est ni d’ordre public, ni impérative (Cass., 27 avril 1973, Pas., 1973, I, p. 802, note).
173
La constatation de l’empêchement ne doit cependant pas figurer dans le jugement (Cass., 13 septembre 1974,
Pas., 1975, I, p. 45).
82 

e) Le procès-verbal de l’enquête et le délai pour demander l’enquête contraire

205. Un procès-verbal est établi pour chaque enquête, conformément aux dispositions des articles
949 et 950 du Code judiciaire (article 948 du Code judiciaire).
Une copie certifiée conforme du procès-verbal de l'enquête est notifiée aux parties par pli judiciaire
(article 951, alinéa 1er, du Code judiciaire). Une copie non signée est notifiée, sous simple lettre, aux
avocats des parties (article 951, alinéa 2, du Code judiciaire).

206. En vertu de l’article 921 du Code judiciaire, la requête sollicitant la tenue d’une enquête con-
traire doit être déposée au greffe 30 jours au plus tard à partir de l’envoi du procès-verbal de l’enquête
directe. Ce délai n'est pas prescrit à peine de déchéance (absolue)174. Par un arrêt du 8 février 1979,
la Cour de cassation a toutefois précisé que, sauf accord de la partie qui a fait procéder à l’enquête
directe, ne peut plus être accueillie la demande d'enquête contraire introduite après le délai prescrit
par l’article 921, alinéa 3, du Code judiciaire par un plaideur qui n’a pas obtenu une prorogation de ce
délai conformément à l’article 51 du Code judiciaire175.

C. La validité de l'enquête et la force probante des dépositions

a) Validité de l’enquête

207. Les seules nullités prévues en matière d'enquête sont énumérées en termes limitatifs par l'ar-
ticle 961 du Code judiciaire.
La nullité d’un acte de procédure ne s’étend pas à l’enquête, à moins que celle-ci soit elle-même frap-
pée de nullité. La nullité de l'enquête n'entraîne pas la nullité des dépositions, si celles-ci ne sont pas
atteintes d’un vice qui leur est propre (article 956 du Code judiciaire).
La nullité de la procédure, même pour incompétence du juge, n'entraîne pas la nullité de l'enquête
tenue contradictoirement au cours de cette procédure176. La nullité des dépositions n’entraîne pas
pour le surplus la nullité de l’enquête (article 957 du Code judiciaire).
Le juge peut, en cours d'enquête, remédier, même d'office à toute nullité de forme ou de fond dont
serait entaché un acte de la procédure d'enquête, notamment recommencer ou compléter toute au-
dition irrégulière (article 958 du Code judiciaire).

174
Cass., 5 mai 1988, Pas., 1988, I, p. 1080.
175
Cass., 8 février 1979, Pas., 1979, I, p. 674.
176
Cass., 4 juin 1981, Pas., 1981, I, p. 1147, note.
L’instruction de la demande  83

b) Force probante de l’enquête

208. L'article 959 du Code judiciaire dispose que la déposition peut être admise en tant que preuve
testimoniale non seulement dans l'instance en vue de laquelle elle a été valablement recueillie, mais
aussi dans toute autre instance entre les mêmes parties et mettant en cause les mêmes faits.
Pour autant qu’elles ne soient pas contraires à l’article 961 du Code judiciaire, il est aussi permis
d'invoquer comme preuve testimoniale les dépositions recueillies contradictoirement, entre les
mêmes parties, devant une juridiction belge (même en dehors d’un procès civil, par exemple devant
une juridiction répressive), lorsque cette déposition offre une valeur probante équivalente en ce qui
concerne la détermination des faits contestés (article 960 du Code judiciaire).

§ 3. Les attestations écrites

209. Les procédures judiciaires avec convocation de témoins sont excessivement lourdes et lentes.
La loi du 16 juillet 2012 modifiant le Code civil et le Code judiciaire en vue de simplifier les règles qui
gouvernent le procès civil (M.B. du 3 août 2012) vise à y remédier en intégrant en droit belge la preuve
par des attestations écrites de tiers (art. 961/1-961/3 C. jud.). De telles attestations peuvent en effet
dans certains cas suffire à éclairer le juge si elles répondent à des conditions légales précises et con-
tiennent des constatations faites par un tiers. Les attestations permettent au juge de réserver la
preuve par témoignages à des points particulièrement litigieux ou délicats.

210. Lorsque la preuve testimoniale est admissible (c’est-à-dire, comme le prévoit l’article 8.28 du
nouveau Code civil, uniquement lorsque la loi admet lorsque la loi admet la preuve par tous modes de
preuve), le juge peut recevoir des attestations de tiers, de nature à l'éclairer sur les faits litigieux dont
ils ont personnellement connaissance.
Les attestations sont produites à l'initiative des parties ou à la demande du juge. Elles doivent être
établies par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être entendues comme té-
moin (art. 961/2 C. jud.).

211. Le contenu des attestations est également précisé (art. 961/2 C. jud.). Celles-ci doivent com-
porter :

– le relevé des faits auxquels l'auteur de l'attestation a assisté ou qu'il a personnellement cons-
tatés,

– les noms, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le domicile de l'auteur,

– le cas échéant, le lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard,
de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles, et

– la mention que la déclaration est établie en vue de sa production en justice et que son auteur
a connaissance du fait qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales.

212. L'attestation doit être écrite, datée et signée de la main de son auteur. L'original ou une pho-
tocopie de tout document officiel justifiant de l'identité de l'auteur et comportant sa signature (par
exemple une carte d'identité ou un permis de séjour) doit être annexé.
84 

Selon l'Exposé des Motifs et à l'instar du droit français, les conditions de forme ne sont pas prescrites
à peine de nullité. Si une attestation ne répond pas aux conditions légales, le juge du fond appréciera
si cette attestation présente ou non les garanties suffisantes pour être prise en considération dans les
débats.
Confronté à une attestation, le juge peut toujours - à sa propre initiative ou sur demande d'une partie
- procéder à l'audition de l'auteur de l'attestation (art. 961/3 C. jud.).

§ 4. L'expertise

A. Généralités

213. Il est fréquent que les magistrats doivent recourir à des spécialistes dans le cours d'un procès
: architecte, ingénieur, réviseur d'entreprise, comptable, médecin ...
L'expertise ne peut porter que sur des constatations ou des questions d’ordre technique.
Le juge ne peut déléguer à un tiers de sa mission de dire le droit ou le fait contesté177.

B. Désignation de l’expert

a) Principe

214. L'expertise est ordonnée, soit d'office, soit à la demande d'une des parties, par le juge en vue
de la solution d’un litige porté devant lui178. L'expertise peut également être demandée à titre princi-
pal, alors qu'aucune instance n'est pendante, dès lors qu'il y a menace objective et actuelle d'un litige
(article 962 du Code judiciaire). Il s'agit de l'expertise « ad futurum » (article 18, alinéa 2, du Code
judiciaire).
L’article 875bis du Code judiciaire consacre le caractère subsidiaire et, depuis la loi du 19 octobre 2015,
proportionnel de l’expertise, c’est-à-dire de l’utilité et de l’efficacité de celle-ci et ce, au regard de
l’enjeu du litige et en tenant spécialement compte du pouvoir qu’a le juge d’ordonner, le cas échéant,
une mesure d’instruction plus rapide et moins coûteuse179.
Les articles 985 à 986 prévoient que le juge peut ordonner une expertise simplifiée ou limitée ou en-
core simplement entendre l’expert à l’audience.

177
Cass., 14 septembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1021.
178
Sauf disposition légale contraire, l’expertise est une mesure facultative et ne constitue en règle jamais une
obligation pour le juge (Cass., 29 mars 1974, Pas., 1974, I, p. 782).
179
Voy. D. MOUGENOT, op. cit., pp. 224 et s.; G. DE LEVAL, « Questions en matière de preuve », in Formation per-
manente des huissiers de justice, Bruxelles, Story-Scientia, 1997, pp. 267 et s.; J. LAENENS, « L’expertise », in Droit
de la preuve, CUP, Volume XIX, octobre 1997, pp. 205 et s.
L’instruction de la demande  85

215. La loi du 10 avril 2014, établissant notamment un registre national des experts judiciaires180,
est entrée en vigeur le 1er décembre 2016. Avant cette date, le titre d'expert près les tribunaux n'exis-
tait pas légalement. Le juge disposait dès lors de toute liberté en ce qui concerne le choix de l'expert.
Désormais, seules les personnes inscrites au registre national des experts judiciaires181 sont autorisées
à porter le titre d'expert judiciaire et peuvent accepter et accomplir des missions en tant qu'expert
judiciaire (art. 555/6 du Code judiciaire).

216. L’article 555/15, alinéa 1er, du Code judicaire prévoit, par exception, que le juge peut confier
une mission d’expertise, par une décision motivée, à une personne qui n’est pas inscrite au registre
national des experts judiciaires, dans les cas suivants :

− en cas d’urgence;

− si aucun expert judiciaire ayant l’expertise et la spécialisation requises n’est disponible;


− si le registre national ne comporte aucun expert judiciaire disposant de l’expertise et de la
spécialisation nécessaires au regard de la nature spécifique du litige;

− s'il s'agit d'un expert coordinateur, chargé exclusivement de la coordination de l’expertise.

217. En principe, le juge ne doit désigner qu’un seul expert à moins qu’il soit nécessaire d’en dési-
gner plusieurs (article 982 du Code judiciaire).

b) Compétence

218. L'expertise peut être demandée au juge du fond (article 19, alinéa 3, du Code judiciaire), par
voie de référé en cas d’urgence, et même, en cas d’absolue nécessité, par requête unilatérale.
Le juge de paix dispose également d’une compétence limitée pour désigner, sur requête, un expert
(article 594, 1, du Code judiciaire).

c) Décision qui ordonne l’expertise

219. La décision qui ordonne l'expertise comporte au moins :


− l'indication des circonstances qui rendent nécessaires l'expertise et la désignation éventuelle
de plusieurs experts;

− l'indication de l'identité de l'expert ou des experts désignés;


− une description précise de la mission de l'expert;

180
Cette loi a par ailleurs fait l’objet de modifications récentes, dont la dernière en date est la loi du 5 mai 2019.
La loi doit par ailleurs être exécutée par plusieurs arrêtés royaux ont été publiés à ce jour : les arrêtés royaux du
25 avril 2017 et du 30 mars 2018.
181
Voyez, en ce qui concerne les conditions d’inscription, les articles 555/6 et s. du Code judiciaire.
86 

− l'indication de la date de la réunion d'installation, à moins que le juge n'y renonce, avec l'ac-
cord des parties.

d) Recours

220. La décision qui ordonne une expertise est une mesure avant dire droit. L’article 1050, al. 2 du
Code judiciaire interdit l’appel contre une décision avant dire droit, sauf si le juge l’autorise ou si le
jugement est, en réalité, un jugement mixte (voy. supra n°187).

C. Procédure

a) Acceptation de sa mission par l’expert

221. Une copie certifiée conforme de la décision qui nomme l'expert lui est notifiée par le greffe,
sous pli judiciaire. Après cette notification, l'expert dispose de huit jours pour :
− refuser la mission, s'il le souhaite, en motivant dûment sa décision;
− si aucune réunion d'installation n'a été prévue : communiquer les lieu, jour et heure du début
de ses travaux.
L'expert en avise les parties par lettre recommandée à la poste et le juge et les conseils par lettre
missive (article 972 du Code judiciaire).

b) Réunion d’installation

222. S’il l’estime nécessaire ou si toutes les parties comparantes le demandent, le jugement qui
ordonne une expertise prévoit la tenue d’une réunion d'installation.
Celle-ci a lieu en chambre du conseil, ou dans tout autre endroit désigné par le juge en fonction de la
nature du litige. La présence de l’expert est requise, sauf si le juge estime qu’elle n’est pas nécessaire
et qu’un contact par téléphone par tout autre moyen de télécommunication est suffisant.

223. La décision prise à l'issue de la réunion d'installation précise :


− l'adaptation éventuelle de la mission, si les parties s’accordent sur ce point;

− les lieu, jour et heure des travaux ultérieurs de l'expert;


− la nécessité pour l'expert de faire appel ou non à des conseillers techniques;
− l'estimation du coût global de l'expertise ou, à tout le moins, le mode de calcul des frais et
honoraires de l'expert et des éventuels conseillers techniques;
− le montant de la provision;
L’instruction de la demande  87

− la partie raisonnable de la provision pouvant être libérée au profit de l'expert;

− le délai dans lequel les parties pourront faire valoir leurs observations à l'égard de l'avis pro-
visoire de l'expert;

− le délai pour le dépôt du rapport final (article 972 du Code judiciaire).

c) Récusation et remplacement de l’expert

224. Les experts peuvent être récusés pour les mêmes motifs que les juges (article 966 du Code
judiciaire). La procédure de récusation est réglée par les articles 970 et 971 du Code judiciaire auxquels
il est renvoyé.
De même, l’expert peut être remplacé en cours de procédure, à la requête de toute partie ou d’office
par le juge (article 979 du Code judiciaire). Il doit l’être si les parties en font conjointement la demande.

d) Déroulement de l’expertise

225. Lors de la réunion d’installation ou, à défaut, lors du débat des travaux, les parties remettent
aux experts un dossier inventorié rassemblant tous les documents pertinents (article 972bis du Code
judiciaire). L’expert fixe ensuite l’agenda des travaux ultérieurs auxquels il doit convoquer les parties.
Les parties sont tenues de collaborer à l’expertise (article 972bis du Code judiciaire).
Les experts tentent de concilier les parties (article 977 du Code judiciaire).
L'expert doit accomplir lui-même sa mission et ne peut déléguer les pouvoirs qu'il tient du jugement,
bien qu'il puisse se faire assister de spécialistes.
L'expert ne peut entendre des témoins de son propre chef. S'il le souhaite, il devra le faire savoir aux
parties, qui solliciteront du juge qu'il tienne une enquête à laquelle l'expert sera éventuellement invité
à assister.

e) Caractère contradictoire de l’expertise

226. Le caractère contradictoire de l'expertise est fondamental. Si ce caractère n'est pas respecté,
l'expertise ne pourra pas être annulée aucune disposition ne le prévoyant182, mais elle sera écartée
pour violation des droits de la défense183.
Les articles 972 et s. du Code judiciaire auxquels il est renvoyé énoncent diverses règles qui assurent
le caractère contradictoire de l'expertise. C’est ainsi notamment qu’en vertu de l’article 972bis, §2, du

182
Cass., 8 mai 1978, Pas., 1978, I, p. 1023.
183
Cass., 5 octobre 1987, Pas., 1988, I, p. 139. La Cour Européenne des Droits de l’Homme souligne également
l’importance du caractère contradictoire de l’expertise. Voy, récemment : Cour eur. D.H., 28 mai 2014, Martins
Silva c/ Portugal.
88 

Code judiciaire, les parties sont convoquées à toutes les opérations de l’expert à moins qu’elles ne
l’aient dispensé de les en informer.

f) Contrôle de la mission de l’expert

227. Le juge contrôle les opérations d'expertise, le respect du contradictoire et des délais. Toutes
les contestations relatives à l’expertise sont réglées par le juge au terme d’une procédure simplifiée
et rapide prévue par l’article 973, §2, du Code judiciaire (mécanisme de saisine permanente).
A l’exception des décisions prises en application des articles 971 (récusation), 979 (remplacement de
l’expert), 987, alinéa 1er (provision) et 991 (taxation), les décisions réglant le déroulement de la pro-
cédure d’expertise ne sont susceptibles ni d’opposition ni d’appel (art. 963 § 1er al. 2).

g) Respect des délais

228. Le juge est notamment chargé de surveiller le respect des délais de l’expertise. Il est le seul
habilité à accorder une prolongation du délai fixé pour le rapport. En cas de dépassement du délai, il
ordonne d’office la convocation des parties et de l’expert (article 974 du Code judiciaire).

h) Une partie ou un tiers se manifeste en cours d’expertise

La partie défaillante

229. « Lorsque l’expertise est ordonnée par défaut à l’égard d’une ou de plusieurs parties, celles-
ci peuvent prendre part sans autres formalités à n’importe quel stade de l’expertise, soit en étant
présentes ou en se faisant représenter, soit en communiquant des observations écrites ».
« En pareil cas, l’expertise et la procédure se poursuivent contradictoirement à l’égard de ces parties,
lesquelles ne peuvent faire opposition aux décisions et actes antérieurs » (art. 980).
La partie intervenante volontaire ou forcée

230. « L’expertise est inopposable à la partie appelée en intervention forcée184 après l’envoi de
l’avis provisoire de l’expert, sauf si cette partie renonce au moyen de l’inopposabilité ».

184
En vertu de l’article 812 al. 1er C. jud. : « L’intervention peut avoir lieu devant toutes les juridictions, quelle que
soit la forme de la procédure, sans néanmoins que des actes d’instruction déjà accomplis puissent nuire aux droits
de la défense ». Cette disposition a pour but le respect des droits de la défense dont fait partie le principe de
l’égalité des armes. Dans chaque espèce, il faut vérifier concrètement s’il y a atteinte aux droits de la défense (y
compris lorsque l’intervention forcée est formalisée avant la communication de l’avis provisoire). « L’application
de cette disposition, qui permet à celui qui est appelé en intervention forcée de refuser le débat lorsque ses droits
de défense ne sont pas saufs, n’est pas subordonnée à la preuve par la partie qui l’invoque ou à la constatation
par le juge que l’intervention forcée de cette partie causerait à celle-ci un préjudice grave et irrémédiable. Il suffit
L’instruction de la demande  89

« Le tiers intervenant ne peut pas exiger que des travaux déjà réalisés soient recommencés en sa pré-
sence, à moins qu’il ne justifie de son intérêt à cet égard » (art. 981).

i) Tentative de conciliation

231. « L’expert tente de concilier les parties » (art. 977 § 1er al. 1) et « si les parties se concilient,
leur accord est constaté par écrit (ce n’est donc pas l’expert qui doit rédiger celui-ci). Les parties peu-
vent agir conformément à l’article 1043 » (art. 977 § 1er).

D. Le rapport d'expertise

a) Les constatations et l’avis provisoire

232. A la fin des travaux, l’expert envoie aux parties ses constatations lesquelles contiennent déjà
un premier avis provisoire. Les parties et leurs conseillers techniques peuvent faire valoir leurs obser-
vations sur cet avis provisoire dans le délai fixé par le juge et, à défaut, par l’expert (article 976 du
Code judiciaire).

b) Le rapport final

233. Après avoir reçu les observations des parties ou de leurs conseillers techniques, l’expert rédige
le rapport final.
En outre, le rapport est signé par tous les experts (article 978, alinéa 3, du Code judiciaire).
La minute du rapport et l'état des honoraires et frais sont déposés au greffe (article 978, §2, du Code
judiciaire).

E. Les frais de l’expertise

234. La détermination des honoraires et les frais de l'expertise soit par le juge soit à l'amiable est
minutieusement décrite aux articles 987 et suivants du Code judiciaire, au texte desquels il est ren-
voyé.
Dès le début de l’expertise et tout au long de celle-ci, le juge peut prévoir que des provisions sur les
frais et honoraires de l’expert pourront être consignées sur un compte bloqué et, le cas échéant,

que la demande en intervention porte atteinte aux droits de la défense de la partie appelée en intervention »
(Cass., 17 janvier 2013, J.T., 2013, p. 668) (voy. aussi supra, n°170).
90 

libérées au profit de l’expert avec l’autorisation du juge. C’est le juge qui détermine la partie qui devra
procéder à la consignation.
A la fin de l’expertise, l’état de frais et honoraires est taxé soit avec l’accord des parties, soit, à défaut
d’accord, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 973, §2, pour le règlement des contestations
en cours d’expertise.
En aucun cas, et sous peine de sanctions pénales, l’expert ne peut recevoir de paiement direct de la
part des parties.

F. Portée de l'avis de l'expert

235. Les juges ne sont point astreints à suivre l’avis des experts si leur conviction s’y oppose (article
962 du Code judiciaire)185. Ils doivent cependant indiquer les raisons pour lesquelles ils décident de
s’écarter des conclusions de l’expert. Le juge ne peut également violer la foi due au rapport d’expertise
en donnant de celui-ci une interprétation inconciliable avec ses termes186.
Les parties peuvent critiquer celui-ci pendant l'expertise, au niveau de l’avis provisoire, lors de la ré-
ception du rapport, et même encore dans leurs conclusions ou lors des plaidoiries. Toutefois, les ob-
servations qui concernent l’avis provisoire et qui n’ont pas été formulées dans le délai fixé par le juge
ou, à défaut, par l’expert peuvent être écartées d’office par le juge (article 976 du Code judiciaire).
En vertu des articles 984 et 985 du Code judiciaire, le juge peut ordonner des compléments d’expertise
ou entendre l’expert lorsque le rapport n’est pas satisfaisant. Il peut même ordonner une nouvelle
expertise par d’autres experts.

185
Cass., 4 janvier 1974, Pas., 1974, I, p. 460.
186
Cass., 11 mars 1987, Pas., 1987, I, p. 827.
L’instruction de la demande  91

CHAPITRE VII
Les incidents

236. Au sens large est un incident tout fait ou acte survenant au cours du procès et sur lequel il
faut statuer avant de prononcer une décision au fond. Les incidents sont relatifs soit au personnel du
procès (Section 2), soit à la matière de celui-ci (Section 1).

Section 1
Les incidents relatifs à l’interruption de l’instance

§ 1. La reprise d’instance

237. La reprise d'instance est la procédure qui permet « de remettre sur ses rails » une procédure
interrompue.

A. L’interruption de l’instance

238. Les causes d'interruption de l'instance ont un caractère exceptionnel. Selon l'article 815 du
Code judiciaire, elles sont au nombre de trois :

a) Le décès d'une partie

239. Le Code impose la notification du décès d'une partie en cours d'instance soit par son conseil
soit par l'un de ses héritiers187, notification qui consiste en l'envoi au greffe ou le dépôt au dossier de
la procédure d'un écrit faisant connaître l'événement. Si le décès n'est point dénoncé, la procédure
poursuivie après celui-ci est régulièrement accomplie et la validité du jugement prononcé n'en est pas
affectée.
En revanche, si la dénonciation a bien lieu, il y a interruption de la procédure qui ne reprend son cours
que par un acte de reprise d'instance émanant d'un ayant droit de la partie décédée. Si les héritiers
demeurent inactifs, que ce soit délibérément ou non, la partie adverse peut les contraindre à re-
prendre l'instance.

187
La notification du décès d’une partie faite par un héritier ayant renoncé à la succession demeure sans effet
sur l’instance en cours. Cass., 8 novembre 2013, R.G. n° C.13.0128.F., J.L.M.B., 2015, p. 778 (extrait) avec note
P.MOREAU, « La notification du décès d’une partie à la cause », pp. 778-779.
92 

b) Le changement d'état

240. Il s'agit de la perte de la capacité requise pour agir en justice. Le texte est d'application rare,
parce que de manière générale, le changement d'état n'est pas de nature à faire obstacle à la conti-
nuation de la procédure.

c) La modification de la qualité

241. Il s'agit ici de la modification de la qualité en laquelle la partie a agi. La question de savoir si la
cession du bien ou d’une créance qui fait l’objet du litige constitue une modification de qualité don-
nant lieu à reprise d’instance a fait l’objet de nombreux débats.
Suivant une partie de la doctrine, l’article 815 du Code judiciaire doit faire l’objet d’une interprétation
très stricte et par conséquent les cas visés par cette disposition ne peuvent être interprétés largement
ou par analogie188. Par conséquent, la « modification de la qualité » en laquelle une partie agit ne
pourrait s’appliquer à l’hypothèse d’une cession de droits réels ou personnels puisqu’elle viserait uni-
quement le cas où la même partie demeure à la procédure mais « en une autre qualité »189. Cette
opinion se fonde sur la volonté du législateur de limiter au plus possible les hypothèses d’interruption
d’un procès en cours. Dans cette thèse, la reprise d’instance ne se justifie donc pas en cas de cession
de créance. Partant, le cédant peut valablement continuer à agir. Le cessionnaire peut quant à lui
intervenir volontairement à l’instance190, bien que cela ne soit pas indispensable, puisqu’il peut en
toute hypothèse faire exécuter, à son profit, le jugement obtenu par le cédant191. S’il est condamné
en première instance, le débiteur pourra quant à lui interjeter appel soit contre le cédant, créancier
initial tel qu’il ressort du jugement entrepris, soit contre le cessionnaire192.

D’autres auteurs considèrent par contre que le cessionnaire d’une créance peut reprendre l’instance
initialement mue par ou contre le cédant193. Cette solution trouve appui dans un ancien arrêt de la

188
A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Fac. Dr. Liège, 2ème éd. 1987, p. 450, n°658
189
J. VAN COMPERNOLLE E.A., « Examen de jurisprudence (1991 à 2001) – Droit judiciaire privé », R.C.J.B., 2002, p.
683, n°595. Cette opinion est également partagée par M. l’avocat général De Riemacker dans ses conclusions
précédant l’arrêt de la Cour de cassation du 24 avril 2003 (Pas., 2003, p. 859, note 15).
190
L’hypothèse de l’intervention volontaire du cessionnaire d’un droit ou d’un bien à une procédure en cours
menée par ou contre le cédant est la voie procédurale préconisée par M. l’avocat général De Riemaecker dans
ses conclusions précitées précédant l’arrêt du 24 avril 2003, note 15.
191
G. DE LEVAL, Traité des saisies, Fac. Dr. Liège, 1988, p. 414, n°218B.
192
Cass., 7 septembre 2012, C.11.0667.N., www.cass.be.
193
K. BAERT et B. DECONINCK, « Rechtsopvolging in het nieuwe België. Spookrijders in het procesrecht », in Proce-
deren in nieuwe België en komend Europa, Kluwer, 1991, p. 406 ; M.E. STORME, Rechtsopvolging onder bijzonder
titel tijdens het burgelijk geding in België en Nederland », R.W., 1993-94, p. 178. Cons. ég. H. DE PAGE, Traité
élémentaire de droit civil belge, Tome IV, Volume I, 4ème édition par A. LIMPENS, Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 672,
n°610 qui s’exprimant à propos des formes du retrait litigieux prévoit que celui-ci « s’effectue normalement par
conclusions à l’audience, prises contre le cessionnaire, avec offres de remboursement » ; ce qui paraît impliquer
que le cessionnaire a préalablement repris l’instance mue par le cédant.
L’instruction de la demande  93

Cour de cassation de Liège du 27 juillet 1816194 ainsi que dans un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles
du 13 novembre 1845195. Toutefois, cette jurisprudence, également citée par le Répertoire Pratique
du droit belge196, se rapporte en réalité à l’ancien Code de procédure civile dont l’article 345, relatif
aux hypothèses donnant lieu à reprise d’instance, était rédigé en des termes plus larges que ceux de
l’article 815 du Code judiciaire197.

Dans un arrêt du 31 mai 2012, la Cour de cassation a considéré que les articles 17 et 815 du Code
judiciaire autorisent la reprise d’instance « en cas de succession à titre particulier en matière d’actions
qui présentent un lien tellement étroit avec le droit transféré que la modification de qualité prive la
partie à l’instance de tout intérêt à poursuivre l’instance et que seul l’ayant-droit à titre particulier y a
un intérêt en tant que nouveau titulaire »198. La solution retenue n’est donc pas générale. Elle implique
une appréciation de la nature du droit transféré et des conséquences du transfert sur la procédure.
Pour que la reprise d’instance soit autorisée, le transfert doit avoir pour conséquence que le titulaire
du droit transféré perde son intérêt à poursuivre l’instance en raison du lien étroit entre l’action et le
droit cédé. En l’espèce, il s’agissait d’une action en cessation d’une violation de droits d’auteurs qui
avaient été cédés en cours de procédure en sorte que le cédant avait perdu tout intérêt à demander
la cessation de l’atteinte portée à des droits dont il n’était plus titulaire. De la lecture des conclusions
de l’avocat général Vandewale précédant l’arrêt, on peut déduire que la même solution devrait s’ap-
pliquer chaque fois qu’est en cause un droit propter rem ou « qualitatif », c’est-à-dire un droit de
créance intimement lié à la qualité de propriétaire d’un bien ou de titulaire d’un droit déterminé199,
comme par exemple l’action en garantie des vices cachés200.

242. En ce qui concerne les sociétés, le changement de forme juridique, la mise en liquidation ou
la faillite ne constituent pas un changement d’état et n’emportent pas non plus une modification de
la qualité.

243. La question de savoir si la fusion ou la scission d’une société emporte une reprise d’instance
est par contre controversée. Selon la doctrine majoritaire, une reprise d’instance ne s’impose pas dès
lors que la société dissoute cesse d’exister dès le moment de la fusion ou de la scission et que les
actions en justice font partie des éléments transférés activement et passivement par le seul effet de
la fusion ou de la scission. Le procès en cours est ainsi poursuivi par ou à l’encontre de la société
bénéficiaire sans qu’une reprise d’instance ne soit nécessaire. La Cour de cassation semble avoir validé
cette position201, mais a par contre précisé que l’apport d’universalités d’une société, qui n’a pas pour

194
Pas., 1816, I, p. 177.
195
Pas., 1848, II, p. 218.
196
v° Reprise d’instance, n°136.
197
A. FETTWEIS, Manuel, op. cit., p. 451, n°658.
198
Cass., 31 mai 2012, Pas., 2012, p. 1230. Les conclusions de l’avocat général VANDEWAL précédant l’arrêt ont
été publiées dans A.C.¸à leur date.
199
Sur cette notion, voy. not. E. DIRIX, « De aanspraakgerechtigden bij zaakschade en burenhinder », note sous
Cass., 28 juin 1990, R.W., 1990-91, p. 1403.
200
J. HERBOTS, « L’affinage du principe de la transmission automatique des droits ‘propter rem’ du maître de
l’ouvrage à l’acquéreur de l’immeuble », R.C.J.B., 1992, p. 528, n°14.
201
Cass., 26 mai 2011, Pas., 2011, p. 1479.
94 

effet de provoquer sa dissolution, entraine une modification de qualité et appelle donc une reprise
d’instance202.

244. Conformément au texte de l'article 815 du Code judiciaire, ni le décès d'une partie, ni son
changement d'état ou de qualité n'interrompent l'instance lorsque ces événements surviennent après
la clôture des débats.

B. Effets de l’interruption de l’instance

245. Les actes accomplis après l'interruption de l'instance sont nuls, mais le Code judiciaire prévoit
que l'instance peut être reprise de gré ou de force.

a) La reprise d'instance volontaire

246. La reprise d'instance est volontaire lorsqu'elle est formée spontanément par la partie ou les
ayants cause de la partie dans le chef de laquelle l'interruption s'est produite.
Elle se réalise par le dépôt au greffe, selon les règles énoncées aux articles 742 et 743 du Code judi-
ciaire, d'un acte relatant, à peine de nullité, les causes de la reprise d'instance, avec l'indication des
noms, prénoms et domicile ou, à défaut de celui-ci de la résidence des ayants droit (art. 816 C. jud.).
La notification de l'acte est faite par le greffier, sous pli judiciaire aux autres parties. Ces formalités
peuvent être remplacées par un acte équivalent, tel le dépôt de conclusions, pour autant que le but
voulu par le législateur soit atteint.

b) La reprise d'instance forcée

247. Si la partie dans le chef de laquelle l'interruption s'est produite, ou ses ayants cause, refusent
ou négligent de reprendre l'instance, l'adversaire peut les forcer à le faire en les citant en reprise
d'instance (art. 816, al. 2 C. jud.).
Cette citation à comparaître est donnée devant la juridiction saisie de la procédure originaire. Elle est
dirigée contre toute personne ayant qualité pour procéder à une reprise d'instance volontaire.
Si, à l'expiration des délais de comparution, la partie citée fait défaut, la reprise d'instance a lieu de
plein droit (art. 818 C. jud.).

202
Cass., 4 janvier 2008, Pas., 2008, p. 33.
L’instruction de la demande  95

c) Remarques

248. Qu'elle soit volontaire ou forcée, la reprise d'instance n'est possible que s'il subsiste quelque
point à juger et si l'instance n'est pas éteinte pour l'une ou l'autre cause (désistement, acquiescement,
interruption)203.

249. A la suite de la reprise d'instance, la procédure est poursuivie comme si l'interruption n'avait
pas eu lieu.

§ 2. Le désistement

A. Généralités

250. Le désistement, comme l'acquiescement, que nous évoquerons à propos des voies de recours,
éteint l'instance.
Le désistement est la renonciation à un acte de procédure, à une instance ou à une action.
Le désistement à un acte de procédure consiste en la renonciation aux effets attachés à cet acte (ar-
ticle 822 du Code judiciaire).
Le désistement d'instance est l'abandon d'une procédure commencée : il est sans effet sur le fond du
droit et n'est pas un obstacle à l'intentement ultérieur de la même action (article 820 du Code judi-
ciaire).
Le désistement d'action est l'abandon du pouvoir d'agir et comporte la renonciation non seulement à
la procédure entamée mais également au droit d’agir en justice relativement à la prétention (article
821 du Code judiciaire)204.

B. Le désistement d'un acte de procédure et le désistement d'instance

251. Le désistement à un acte de procédure consiste en la renonciation aux effets attachés à cet
acte (article 822 du Code judiciaire).

203
Cass. (1re ch.), 10 janvier 2020 RG, C.18.0121.F : « Le dépôt par un tiers d'un acte de reprise de l'instance
introduite par une partie n'implique pas le désistement par cette partie de l'instance mais la poursuite par ce
tiers de la procédure introduite par la partie originaire qui a qualité pour se pourvoir contre les dispositions du
jugement relatives à sa demande originaire » (somm.).
204
Lorsque le demandeur, qui a exercé une action sur la base de la violation d’obligations contractuelles, à la
fois contre son cocontractant et contre les tiers complices de celui-ci, se désiste de son action uniquement contre
son cocontractant, ce désistement, qui implique renonciation par le demandeur à ses droits contre le cocontrac-
tant, n’entraîne toutefois pas l’extinction de ses droits à l’égard des tiers complices (Cass., 22 mai 1998,
C.97.109.F).
96 

Le désistement d'instance consiste en l'abandon d'une procédure principale ou incidente, que l'on
estime a posteriori irrégulière ou inopportune (article 820 du Code judiciaire).
Il permet de mettre fin à la litispendance ou d'abandonner un procès devenu sans objet à la suite
d'une transaction.
Lorsque le demandeur renonce à la poursuite de l'instance, il se réserve le droit d'en intenter une
nouvelle.

252. Selon l'état d'avancement de la procédure, le désistement d'instance est un acte unilatéral ou
bilatéral. Aussi longtemps que le défendeur n'a pas pris de conclusions sur le fond ou introduit une
demande reconventionnelle, le demandeur peut se désister de l’instance en dehors de toute accep-
tation de la partie défenderesse (art. 825 du Code judiciaire). En déposant des conclusions sur le fond,
le défendeur acquiert un droit à ce que l'instance se termine par un jugement définitif qui le mette à
l'abri d'une nouvelle procédure. Dès ce moment, le désistement d'instance sollicité par le demandeur
doit être accepté par le défendeur.
Toutefois, si la partie défenderesse n'a aucune raison sérieuse de refuser le désistement, le tribunal a
le droit de passer outre. En effet, en vertu de l'article 825 du Code judiciaire, « en cas de contestation,
le désistement est admis ou, le cas échéant, refusé par une décision du juge ».
En application de cette disposition, le juge peut imposer le désistement judiciaire au plaideur qui ne
justifie pas d'un intérêt suffisant pour poursuivre une défense en justice.

253. Le désistement d'instance est admis en toutes matières (article 823, alinéa 2, du Code judi-
ciaire), même si les droits litigieux intéressent l'ordre public, parce qu'il n'y a pas de renonciation à
ceux-ci. Néanmoins, le désistement d'un recours est prohibé chaque fois qu'il produirait le même effet
qu'un acquiescement interdit ou qu'un désistement d'action qui ne satisferait pas aux conditions lé-
gales205.

254. Le désistement peut être exprès ou tacite mais conformément aux règles générales, il ne peut
être présumé car il constitue une renonciation. C'est pourquoi à défaut de manifestation expresse, la
volonté de se désister ne peut être déduite que de circonstances impliquant nécessairement l'inten-
tion de renoncer à la procédure engagée.
Le désistement exprès est fait par un simple acte signé par la partie ou son mandataire et signifié à la
partie adverse s'il n'a pas été préalablement accepté par elle (article 824 du Code judiciaire)206.
Le mandataire doit être muni d'un pouvoir spécial, le désistement sortant du mandat ad litem207. Une
exception existe toutefois dans le chef des avocats à la Cour de cassation qui, conformément à l'article

205
C’est ainsi que l’époux aux torts duquel un jugement a autorisé le divorce ne peut valablement se désister de
l’appel qu’il a interjeté de ce jugement (Cass., 26 septembre 1980, Pas., 1981, I, 94, note).
206
La Cour de cassation a toutefois décidé que l’acte de désistement exprès n’était soumis à aucune formalité
spéciale (Cass., 2 mars 2009, Pas., 2009, p. 2110).
207
Le juge ne doit toutefois vérifier si le mandataire ad litem est nanti d’un pouvoir spécial que s’il existe une
contestation à ce sujet (Cass., 25 mars 1994, Pas., 1994, I, p. 309).
L’instruction de la demande  97

479 du Code judiciaire, représentent valablement les parties en toute matière soumise à la Cour, sans
avoir à justifier d'un pouvoir spécial208.
L'acceptation par la partie défenderesse peut être faite dans les mêmes formes que le désistement
lui-même. En pratique, les parties prennent des conclusions conjointes quant au désistement.

255. Le désistement d'instance remet les choses dans l'état où elles étaient avant le procès (article
826, alinéa 1er, du Code judiciaire)209, les dépens (y compris l’indemnité de procédure210) restant en
principe, sauf convention contraire, à charge de celui qui se désiste (article 827, alinéa 1er, du Code
judiciaire).
Néanmoins, le désistement d’instance ne rend pas l’interruption de la prescription non avenue
lorsqu’il est motivé par l’incompétence du juge saisi et est suivi, d’un même contexte de la citation
devant le juge compétent (article 826, alinéa 2, du Code judiciaire).
Après avoir décrété le désistement d’instance, le juge ne peut plus statuer sur le fond du litige211.
Toutefois, le seul désistement du demandeur au principal ne met pas fin à la demande reconvention-
nelle déjà introduite212.

C. Le désistement d'action

256. Le désistement d'action est un acte unilatéral, efficace en dehors de toute acceptation du
défendeur.
Il équivaut à la renonciation au droit d’agir en justice et est dès lors impossible dans les cas où pareille
renonciation est interdite (par exemple, en ce qui concerne les actions d'état, et plus généralement
toutes les matières d'ordre public).
Il ne peut avoir lieu que s’il porte sur un droit auquel il est permis de renoncer et dont la partie peut
disposer (article 823, alinéa 1er, du Code judiciaire).

208
Cass., 5 février 1976, Pas., 1976, I, p. 631, note.
209
Le désistement d’instance n’est par conséquent plus possible lorsque l’instance a pris fin par un jugement
définitif (Cass., 22 décembre 1986, Pas., 1987, I, p. 502)
210
Bruxelles, 15 avril 2008, J.L.M.B., 2008, p. 1143 ; Civ. Gand, 21 avril 2009, R.W., 2009-2010, p. 682 ; Civ. Bra-
bant wallon, 22 juillet 2014, J.T., 2014, p. 684.
211
Cass., 25 mars 1994, Pas., 1994, I, p. 309.
212
En revanche, l’appel incident formé par la partie intimée après le désistement d’instance de la partie appe-
lante est irrecevable si la partie intimée a accepté le désistement quant aux décisions qui, selon elle, lui ont porté
atteinte et contre lesquelles elle a ensuite incidemment formé appel (Cass., 16 octobre 1992, Pas., 1992, I, p.
1160).
98 

Section 2
Les incidents relatifs au personnel du procès

§ 1. Le dessaisissement et la récusation

257. La récusation est le droit accordé à un plaideur de faire écarter du siège, pour le jugement de
son procès, un juge dont l’impartialité à son égard peut légalement être suspectée.
Il s’agit d’un incident grave, dont le législateur n’a admis la possibilité que pour des motifs sérieux.
La récusation est une mesure individuelle, dirigée nommément contre un ou plusieurs des juges ap-
pelés à connaître du procès et considérés individuellement213.

258. Lorsque la « récusation » vise la totalité des magistrats d'un tribunal, on se trouve en présence
d'une demande de dessaisissement. Il y a lieu à dessaisissement lorsqu’il existe des raisons suffisantes
de mettre en doute l’impartialité d’une juridiction dans son intégralité214. Il en va de même si un plai-
deur récusait un tel nombre de juges que la juridiction saisie ne puisse plus se constituer.
Dans ce dernier cas, c'est, comme cela a déjà été exposé, la Cour de cassation qui est compétente
pour statuer sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande en dessaisissement d'un tribunal. A
l'inverse de la récusation où le juge récusé est remplacé par un autre magistrat de la même juridiction,
en cas de dessaisissement, la cause est retirée à l'ensemble de la juridiction visée et est confiée à une
autre juridiction du pays, de même degré.

A. Le dessaisissement en matière civile

a) Causes de dessaisissement

259. Une juridiction valablement saisie peut être dessaisie dans les cas prévus par les articles 648
à 652 du Code judiciaire. Il s’agit des hypothèses suivantes :

− dessaisissement du chef de parenté ou d’alliance;


− dessaisissement pour cause de suspicion légitime;

− dessaisissement pour cause de sûreté publique à la seule initiative du procureur général près
la Cour de cassation;
− dessaisissement lorsque le juge néglige de juger pendant plus de six mois la cause qu’il a prise
en délibéré.

213
Cass., 3 septembre 1962, Pas., 1963, I, p. 3; Cass., 3 novembre 1982, Pas., 1983, I, p. 288.
214
Sont partant irrecevables les requêtes en dessaisissement qui ne sont pas dirigées contre l’ensemble des
magistrats et magistrats suppléants d’une juridiction (Cass., 20 mai 1999, C.99.197.F., inédit; Cass., 5 janvier
1996, Pas., 1996, I, p. 18.
L’instruction de la demande  99

b) Procédure de dessaisissement

260. La requête en dessaisissement est déposée au greffe de la Cour de cassation et ne doit pas,
en matière civile, être signée par un avocat à la Cour de cassation (article 653 du Code judiciaire).
La demande de dessaisissement a un effet suspensif. Le greffier de la Cour de cassation avise le greffier
du juge dont le dessaisissement est demandé, dans les 24 heures du dépôt de la requête. Le dossier
de la procédure est transmis au greffe de la Cour de cassation dans le plus bref délai (article 654 du
Code judiciaire). La procédure suivie devant la Cour de cassation est, en règle, contradictoire.

261. Si, sur le vu de la requête et des pièces justificatives, la Cour de cassation juge que la requête
est manifestement irrecevable, elle statue immédiatement et définitivement (article 656, alinéa 1 er,
du Code judiciaire). Dans ce cas, la procédure n’est pas contradictoire.

262. Lorsque la requête n’est pas manifestement irrecevable, la Cour ordonne dans le plus bref
délai et au plus tard dans les huit jours la communication de l’arrêt, de la requête et des pièces y
annexées :
− au président de la juridiction, au juge de paix ou au juge au tribunal de police dont le dessai-
sissement est demandé pour faire, dans un délai fixé par la Cour215 et, le cas échéant, en concertation
avec les membres de la juridiction, une déclaration au bas de l’expédition de l’arrêt;
− aux parties non requérantes ainsi que la communication du délai dont celles-ci disposent pour
le dépôt de leurs conclusions au greffe216 et du jour de comparution devant la Cour; cette comparution
a lieu dans les deux mois du dépôt de la requête;
− au ministère public près la juridiction dont le dessaisissement est demandé ainsi que la com-
munication du délai dans lequel doit être déposé son avis, si la Cour le juge nécessaire.
La Cour ordonne également le rapport, à jour indiqué, par l’un des conseillers nommé par l’arrêt.
Les conclusions des parties et, le cas échéant, l’avis du ministère public sont communiqués aux parties
au plus tard le jour de leur dépôt au greffe (article 656, alinéa 4, du Code judiciaire).
Par dérogation à l’article 478 du Code judiciaire, les conclusions peuvent, devant la Cour, être signées
par un avocat (article 656, alinéa 4, du Code judiciaire).

263. Le greffier de la Cour adresse, par pli judiciaire, au président de la juridiction dont le dessai-
sissement est demandé, à chacune des parties ou, le cas échéant, à leurs avocats une copie non signée
de la décision définitive sur la demande en dessaisissement (article 656, alinéa 5, du Code judiciaire).

215
Si la déclaration est tardive ou n’est pas remise, la Cour de cassation statue sans plus attendre (Cass., 29
octobre 1998 cité in Rapport annuel de la Cour de cassation 1999, Moniteur belge, 1999, p. 70, note (14)).
216
Cass. (1re ch.), 26 juin 2020, RG C.20.0153.F : « Il n'y a pas lieu d'avoir égard aux conclusions de la partie
requérante en dessaisissement, dès lors qu'en vertu des articles 648 à 659 du Code judiciaire, qui règlent en
matière civile la procédure en dessaisissement, la partie requérante doit exposer dans sa requête tous les griefs
qui fondent sa demande et seules les parties non requérantes sont, lorsque cette demande n'est pas manifes-
tement irrecevable, autorisées à déposer des conclusions » (somm.).
100 

L’éventuel arrêt de dessaisissement ordonne le renvoi au juge qu’il désigne. La Cour peut en outre
annuler les actes faits avant la prononciation de la décision, par les juges dessaisis (article 658, dernier
alinéa, du Code judiciaire).

B. La récusation

a) Causes de récusation

264. Les causes de récusation sont limitativement énumérées par l’article 828 du Code judiciaire,
au texte duquel il est renvoyé.
En résumé, les causes de récusation tiennent à la trop grande inimitié ou au contraire la trop grande
affection qui pourrait exister entre magistrat et parties, ainsi qu’à l’intérêt personnel que le magistrat
pourrait avoir dans la cause qu’il est appelé à juger. Il s’agit plus généralement de toute circonstance
qui est de nature à mettre en cause l’impartialité du magistrat.

b) Procédure de récusation

265. Celui qui veut récuser doit le faire avant le commencement de la plaidoirie, à moins que les
causes de récusation ne soient survenues postérieurement et, si la cause est introduite par requête,
avant que la requête ait été appointée (article 833 du Code judiciaire)217.

266. La récusation est introduite par une requête déposée au greffe de la juridiction saisie qui con-
tient les moyens justifiant la récusation (article 835 du Code judiciaire) et qui est signée par un avocat
inscrit depuis plus de dix ans au barreau218.
L’acte de récusation est remis dans les vingt-quatre heures par le greffier au juge récusé. Celui-ci est
tenu de donner au bas de cet acte, dans les deux jours, sa déclaration écrite portant, ou son acquies-
cement à la récusation, ou son refus de s’abstenir, avec ses réponses aux moyens de récusation (article
836 du Code judiciaire). A compter du jour de la communication au juge, tous jugements et opérations
sont suspendus, sous réserve des opérations urgentes (article 837 du Code judiciaire).

267. L’article 838 du Code judiciaire prévoit que la récusation est jugée dans les 8 jours à partir de
la date de l’audience qui fixe l’examen de la cause219, en dernier ressort par la juridiction du degré
supérieur à celle à laquelle appartient le magistrat récusé (excepté lorsque celui-ci est membre de la
Cour de cassation auquel cas cette juridiction reste compétente)220.

217
Cass. (3e ch.), 19 avril 2021, RG C.21.0062.F.
218
Cass., 3 novembre 1982, Pas., I, 1983, p. 288 ; Cass., 20 novembre 2008, Pas., 2008, p. 2626 ; Cass., 20 mai
2010, Pas., 2010, p. 1567 ; Cass., 29 mai 2012, Pas., 2012, p. 1214 ; Cass., 30 novembre 2012, www.cass.be.
219
Cass., 31 janvier 2017, R.G., n° P.17.0005.N.
220
La Cour de cassation est ainsi compétente pour connaître de la demande tendant à la récusation d’un
membre du conseil d’appel de l’Ordre des architectes (Cass., 21 mai 1999, C.99.163.N, inédit).
L’instruction de la demande  101

268. Depuis le 10 décembre 2021, l’article 838 du Code judiciaire prévoit également que « [s]i, en
outre, une amende pour demande manifestement irrecevable ou manifestement non-fondée peut se
justifier, ce point seul est traité à une audience fixée par la même décision à une date rapprochée. Le
greffier convoque les parties par pli judiciaire afin qu'elles fassent connaître leurs observations par
écrit pour cette date » (alinéa 3) et que « [l]'amende est de quinze euros à deux mille cinq cents euros.
Tous les cinq ans, le Roi peut adapter les montants minimums et maximums au coût de la vie. Le Roi
désigne l'organe administratif chargé du recouvrement de l'amende poursuivi par toutes voies de
droit » (alinéa 4).

269. Dans les trois jours de la réponse du juge qui refuse de s’abstenir, ou à défaut de réponse dans
ce délai, l’acte de récusation et la déclaration du juge, s’il y en a, sont envoyés par le greffier au ma-
gistrat du ministère public près la juridiction supérieure qui doit connaître de la récusation.
Le ministère public près la juridiction supérieure transmet le dossier au greffe de cette juridiction
après avoir désigné lequel de ses membres se chargera du dossier221. Le président de la juridiction fixe
l’affaire à l’audience de manière à ce qu’il puisse être statué dans les huit jours de l’envoi de la de-
mande de récusation222.
La procédure est contradictoire. La décision sur la récusation est rendue, sur les conclusions du minis-
tère public, les parties ayant été dûment convoquées pour être entendues en leurs observations.

270. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 838 du Code judiciaire, dans les 48 heures de la décision,
le greffier la fait signifier aux parties223, par pli judiciaire.
La décision qui rejette une demande de récusation condamne le récusant aux dépens de l’incident, y
compris ceux de la signification de ladite décision224.

271. Lorsque la récusation est rejetée, le juge peut réclamer des dommages et intérêts à la partie
récusante s’il justifie d’un préjudice. Si tel est le cas, le magistrat perd l’impartialité nécessaire pour
connaître de la cause et doit, partant, se déporter (article 840 du Code judiciaire).
Lorsque la récusation est admise, la loi prévoit que c’est le juge qui a refusé de s’abstenir qui est con-
damné aux dépens (article 841, alinéa 2, du Code judiciaire). Cette disposition a toutefois été déclarée
contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution par la Cour constitutionnelle dans un arrêt n°30/2005
du 9 février 2005.

272. La décision sur la récusation est susceptible d’opposition lorsqu’elle a été rendue par défaut.
Elle n’est pas susceptible d’appel. La décision rendue sur la récusation demeure susceptible de pourvoi
en cassation sauf, évidemment, lorsqu’elle a été rendue par la Cour de cassation. Le délai pour se

221
En vertu de l’article 764, 7, du Code judiciaire, les demandes de récusation doivent, à peine de nullité, être
communiquées au ministère public.
222
Et devant la Cour de cassation, désigne un conseiller rapporteur.
223
Il s’agit des parties à l’incident (Cass., 7 novembre 1969, Pas., 1970, I, p. 221 ; Cass., 27 avril 1979, Pas., 1979,
I, p. 1019), c’est-à-dire, les parties et, le cas échéant, le magistrat récusé si celui-ci est intervenu ou a réclamé
des dommages et intérêts.
224
Cass., 7 novembre 1969, Pas., 1970, I, p. 221 ; Cass., 27 avril 1979, Pas., 1979, I, p. 1019.
102 

pourvoir en cassation prend cours à partir de la notification de la décision par pli judiciaire par le greffe
(art. 838, alinéa 3, du Code judiciaire)225.

§ 2. Le désaveu

273. La procédure en désaveu organisée par les articles 848 à 850 du Code judiciaire tend à faire
décider qu'un mandataire « ad litem » (avocat ou huissier ou autre) n'avait pas reçu mandat de la
partie au nom de laquelle il a agi ou a excédé les limites du mandat qu'il avait reçu226.
Le désaveu est principal ou incident selon qu'il est formé en dehors de l'instance à laquelle appartient
l'acte qui en est l'objet, ou au cours de cette instance.

274. L'article 849 du Code judiciaire auquel il est renvoyé fixe la procédure à suivre. Notamment,
si la cause est déjà jugée mais qu'une voie de recours demeure ouverte, la demande en désaveu est
formée en exerçant ce recours.
Lorsque le juge d'appel est déjà saisi, le désaveu est introduit par requête en intervention : il s'agit
d'un cas exceptionnel d'intervention agressive autorisée en appel.
Cette procédure permet aussi de solliciter contre le mandataire désavoué une condamnation à des
dommages et intérêts.
Lorsque le procès est terminé, la demande en désaveu est formée en même temps que la requête
civile à laquelle donne ouverture l'article 1133, 6, du Code judiciaire (cette disposition permet de
solliciter la rétractation de la décision fondée « sur un acte de procédure accompli au nom d'une per-
sonne, sans qu'elle ait donné mandat exprès ou tacite à cette fin, ou ratifié ou confirmé ce qui a été
fait »).
L'action en dommages et intérêts contre le mandataire désavoué doit satisfaire aux exigences tradi-
tionnelles de l'action en responsabilité, la relation causale étant généralement en l'espèce très déli-
cate à établir.

225
La Cour de cassation a par ailleurs jugé qu’il résulte des dispositions des articles 835 et 842 du Code judiciaire
qu'une nouvelle récusation est irrecevable si elle est fondée sur les mêmes faits que ceux sur lesquels était
fondée une précédente récusation (voy. en ce sens Cass., 10 mai 2022, AR P.22.0600.N).
226
Il convient de noter que la procédure en désaveu ne s’applique pas devant les juridictions répressives. Inter-
rogée par question préjudicielle sur la légalité de cette différence de traitement, la Cour constitutionnelle a jugé
dans un arrêt du 16 juillet 2020, que les articles 848 à 850 du Code judiciaire, en ce qu’ils ne s’appliquent pas
devant les juridictions répressives, ne créent pas d’atteinte disproportionnée aux droits du prévenu compte tenu
des « objectifs de célérité et d’intérêt général propres à la procédure pénale menée devant le juge répressif, et le
souci de ne pas laisser des incidents retarder cette procédure » (C. const., 16 juillet 2020, arrêt n°108/2020, B.7
et B.8.3, disponible sur : https://www.const-court.be/).
L’instruction de la demande  103

CHAPITRE VIII
Les plaidoiries

Section 1
Le dépôt préalable du dossier de pièces

275. Aux termes de l’article 756 du Code judiciaire : « Dans les causes fixées conformément aux
articles 747 et 750227 et sans préjudice de dérogations ou de modalités différentes énoncées dans
l’ordonnance de mise en état, dans l’ordonnance de fixation, dans l’avis de remise ou dans l’avis de
fixation, les pièces sont déposées au greffe 15 jours au moins avant l’audience fixée pour les plaidoi-
ries ». Cette obligation n’est toutefois assortie d’aucune sanction en cas de non-respect.

Section 2
Les débats

276. Lors de l’audience fixée pour les plaidoiries, les parties exposent verbalement leurs moyens
de fait et de droit développés en termes de conclusions et présentent leurs dossiers de pièces. Il est
évidemment interdit aux parties de développer oralement de nouveaux arguments sous peine de vio-
ler le principe du contradictoire.
La partie qui n’a pas conclu dans les délais prévus par les articles 747 et s. du Code judiciaire peut
plaider mais ses plaidoiries ne valent pas conclusions et l’autre partie peut, à la suite de cette plaidoi-
rie, déposer des conclusions en réponse (art. 756bis C. jud.).
De l’accord des parties, le juge peut décider de remplacer les plaidoiries par un débat interactif lors
duquel il pose des questions aux parties ou à leurs conseils (art. 756ter C. jud.). En toute hypothèse,
le juge peut également décider de tenir un tel débat après les plaidoiries.
La police de l'audience appartient au magistrat qui préside le siège (articles 759 et s. du Code judi-
ciaire).

227
Tant en cas de mise en état amiable qu’en cas de mise en état judiciaire.
104 

CHAPITRE IX
La communication au ministère public

Section 1
Notions

277. En matière civile, le ministère public a toujours la faculté d'examiner le dossier d'une affaire
et d'émettre son avis à l'audience.
Dans certains cas, la communication de la cause doit obligatoirement lui être faite. La loi a toutefois
restreint les cas de communication obligatoire.
La loi du 19 octobre 2015, dite Pot-pourri I, a modifié le régime de l’intervention du ministère public
en lui donnant la possibilité de choisir les affaires dans lesquelles il rendra un avis, sauf certaines ex-
ceptions pour lesquelles un avis doit obligatoirement être donné. La loi Pot-pourri a par ailleurs mo-
difié les modalités procédurales de l’intervention du ministère public228.
Le ministère public n'est pas partie au procès : il intervient pour assister le juge, lui faire connaître son
avis, qui toutefois ne lie pas ce dernier.

Section 2
Les causes communicables

A. Communication de la cause

278. De nombreuses dispositions légales imposent la communication de certaines causes au par-


quet.
On se réfère spécialement à l'article 764 du Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé.
En outre, l’article 764, al. 2 du Code judiciaire prévoit que le ministère public peut se faire communi-
quer toutes les autres causes et que cette communication peut également être ordonnée d’office par
la cour ou le tribunal229.

228
Les nouvelles dispositions insérées par la loi du 19 octobre 2015 s’appliquent aux affaires dont la juridiction
a été saisie à partir du 1er janvier 2016. Pour un examen des questions de droit transitoire, voy. J. ENGLEBERT, « Le
crépuscule de la fonction civile du Ministère public », in J. ENGLEBERT et X. TATON (dir.), Le procès civil efficace,
Limal, Anthémis, 2015, p. 193 et s.
229
Il s'agit là d'un pouvoir discrétionnaire, dont l'usage ne doit pas être motivé et qui n'est pas susceptible d'ap-
pel.
L’instruction de la demande  105

B. En principe : caractère facultatif de l’avis du ministère public

279. Avant la loi du 19 octobre 2015 (loi Pot-pourri I), le ministère public devait rendre un avis dans
toutes les affaires qui lui étaient communiquées.
En vertu des articles 138bis, al. 1 et 764, al. 3 nouveaux du Code judiciaire, le ministère public inter-
vient désormais dans les affaires civiles « lorsqu’il le juge convenable ». Sauf exception, il n’est dès
lors plus obligé de rendre un avis dans les affaires qui lui sont communiquées.

C. Exceptions : avis obligatoire dans certaines matières

280. Par exception, l’avis du ministère public est obligatoire dans certains cas :
- Si le tribunal ou la cour en a fait expressément la demande (art. 764, al. 4, C. jud.), dans les
affaires visées à l’article 764, al. 1er, 9° 9°bis et 10° du Code judiciaire ;
- Si le tribunal ou la cour en a fait expressément la demande (art. 764, al. 4, C. jud.), dans les
causes visées à l’article 765/1 du Code judiciaire230.

Section 3
Procédure

281. L’article 766 du Code judiciaire, tel que modifié par la loi Pot-pourri I du 19 octobre 2015, règle
les modalités de l’intervention par voie d’avis du ministère public. L’avis peut être écrit ou oral et être
donné avant ou après les plaidoiries des parties.

282. Lorsque l'avis est obligatoire et qu'il n'est pas donné, la décision est nulle et comme toute
nullité, celle-ci ne peut être obtenue que par l'exercice de la voie de recours appropriée.

Section 4
Possibilité de réplique des parties à l’avis du ministère public

283. Auparavant, l'avis du ministère public était donné après la clôture des débats mais ne pouvait,
en principe, justifier la réouverture de ceux-ci231.
Si le ministère public soulève une exception d'ordre public qui n'a été soulevée ni par un plaideur ni
par le siège, il y avait bien entendu lieu à réouverture de débats d'office par le juge pour permettre
aux parties de faire valoir leur point de vue.

230
Voy. Cass. (1re ch.), 22 octobre 2021, RG C.19.0440.F : « Dès lors que la cause concerne un mineur d’âge,
l’arrêt (en l'espèce de la chambre de la famille de la cour d'appel) viole l’article 765/1, alinéa 1er, du Code judi-
ciaire en statuant sans avoir communiqué cette cause au ministère public » (somm.).
231
Cass., 22 mars 1993, Pas., I, 308 et les conclusions de l’avocat général LECLERCQ.
106 

Dans les autres cas, les parties ne pouvaient légalement y répliquer ni même présenter les observa-
tions que l'avis pourrait susciter chez elles.

284. Dans son arrêt Vermeulen du 20 février 1996232, la Cour européenne des droits de l’homme a
cependant consacré, sur la base du droit à un procès équitable garanti par l’article 6, §1er, de la Con-
vention, la possibilité pour les parties à une procédure civile de répondre aux conclusions prises par
le magistrat du ministère public, avant la clôture de l’audience, au cours de l’instance en cassation.
On en a dès lors déduit que, devant le juge du fond, toute partie devait désormais avoir la faculté de
prendre connaissance de l’avis du ministère public et d’en débattre préalablement au jugement233.
Cette dernière solution a été, dans une certaine mesure, consacrée par la Cour de cassation234.

285. La loi du 14 novembre 2000 modifiant le Code judiciaire en ce qui concerne l’intervention du
ministère public, en matière civile, devant les juges du fond235 avait adapté le Code judiciaire à ces
récents développements en modifiant l’article 767 du Code judiciaire afin de donner la possibilité aux
parties de répliquer oralement ou par écrit aux conclusions orales ou écrites du ministère public.
Loi Pot-pourri I, du 19 octobre 2015, a également remanié l’article 767, en vue de l’adapter aux nou-
velles modalités de l’intervention du ministère public en matière civile.
L’article 767, §3, dernier alinéa, du Code judiciaire prévoit que les répliques des parties à l’avis du
ministère public « ne sont prises en considération que dans la mesure où elles répondent à l’avis du
ministère public ». En d’autres termes, ces répliques ne peuvent avoir pour seul objet que de répondre
à l’avis du ministère public.
Il est exclu à l’occasion de cette réplique de recommencer un nouveau débat entre parties ou d’intro-
duire de nouvelles demandes, moyens, exceptions....

286. A peine de nullité du jugement, l'article 768 du Code judiciaire interdit au ministère public
d'assister au délibéré : il s'agit là d'assurer l'indépendance des juges.

232
C.E.D.H., 20 février 1996, J.L.M.B., 1996, 904.
233
Voy. dans ce sens, Liège, 25 septembre 1996, J.L.M.B., 1996, 1653, obs. G. DE LEVAL; T.T. Bruxelles, 5 juin 1997,
A.J.T., 1997-98, 129, note E. D’ERBRÉE.
234
Cass., 13 septembre 1999, R.C.J.B., 2000, pp. 748 et s. avec la note de S. VAN DROOGHENBROECK, « La réplique à
l’avis du Ministère public: quousque tandem? ».
235
M.B., 19 décembre 2000, p. 42.218. Voy. H. BOULARBAH, « Chronique de législation - Droit privé belge (30 juin
2000 - 31 décembre 2000) - IX. Droit judiciaire privé », J.T., 2001, pp. 329 et s.
L’instruction de la demande  107

Section 5
Tableau synthétique236

236
Tableau tiré de la contribution de G. DE LEVAL, J. VAN COMPERNOLLE et Fr. GEORGES, « La loi du 19 octobre 2015,
modifiant le droit de la procédure civile et portant des dispositions diverses en matière de justice », J.T., 2015,
p. 797.
108 

CHAPITRE X
La clôture des débats et le délibéré

Section 1
La clôture des débats

287. Lorsque les parties ont été entendues, et sans préjudice de l’éventuelle réplique à l’avis du
ministère public (supra, n°282), le juge prononce la clôture des débats et prend la cause en délibéré
(article 769 du Code judiciaire). La cause est en état d'être jugée.

288. Dès que le délibéré a commencé, il est interdit de déposer de nouvelles conclusions237 ou de
procéder à des devoirs d'instruction (article 771 du Code judiciaire).
En principe, le jugement doit être rendu dans le mois de la mise en délibéré. Ce délai n’est pas prescrit
à peine de nullité. Si la cause est communiquée au ministère public, le délai de prononciation prend
cours à la date où celui-ci a donné son avis ou, le cas échéant, à l’expiration du délai dont disposent
les parties pour déposer leurs conclusions concernant ledit avis (article 770 du Code judiciaire).

Section 2
La réouverture des débats

289. Le juge peut, s'il l'estime nécessaire, ordonner la réouverture des débats, soit d'office soit à la
demande des parties ou de l'une d'elles.
Dans certains cas, le juge doit ordonner d'office la réouverture des débats.

§ 1. La réouverture des débats facultative

A. A la demande d'une partie

290. Pour que la réouverture des débats ait lieu à la demande d'une partie, il faut que celle-ci ait
comparu - donc qu'elle n'ait pas été défaillante - et que soit découvert une pièce ou un fait nouveau
et capital susceptible d'influencer la décision (articles 772 à 776 du Code judiciaire).
Ni la découverte tardive d'un document, ni la consultation d'un nouveau conseil ne constituent des
motifs suffisants pour solliciter la réouverture des débats.
La demande de réouverture des débats est formée par requête déposée au greffe et contenant sans
autre développement l'indication précise de la pièce ou du fait nouveau qui la justifie.

237
Sous réserve des conclusions portant sur le contenu de l’avis du ministère public, voy. supra, n°284.
L’instruction de la demande  109

Si le juge rejette la requête, il peut motiver cette décision en constatant simplement que la circons-
tance invoquée ne constitue pas un fait nouveau et capital238. Cette décision n’est pas susceptible
d’appel239.

B. Ordonnée d'office par le juge

291. Le juge peut, en cours de délibéré, estimer n'être pas assez informé sur la cause et dans ce cas
rouvrir les débats en sollicitant des parties qu'elles s'expliquent plus avant sur tel ou tel autre point
qu'il précise dans le jugement de réouverture des débats (article 774 du Code judiciaire).
Ce type de réouverture des débats peut être évité lorsque l'affaire a été correctement et complète-
ment instruite et que l'audience de plaidoiries a été bien menée.
Cette décision d’ordonner la réouverture des débats est susceptible d’appel240.

§ 2. La réouverture des débats obligatoire

292. La réouverture des débats est obligatoire lorsque le juge, en cours de délibéré, envisage le
rejet total ou même partiel de la demande sur une exception qui n'avait pas été proposée par une des
parties.
L'article 774 du Code judiciaire vise les exceptions de nullité, d'incompétence, de forclusion ou d'irre-
cevabilité241 mais non les moyens relatifs aux circonstances de fait.

293. La même obligation s’impose, en vertu de l’exigence du respect du contradictoire242, lorsque


le juge relève d’office des moyens de droit dont l’application est commandée par les faits invoqués ou
allégués par les parties au soutien de leurs prétentions243244. Le juge ne pourrait déjouer les prévisions

238
Cass., 22 mars 1993, Pas., 1993, I, p. 308 et les conclusions du procureur général LECLERCQ.
239
Cass., 29 octobre 1984, Pas., 1985, I, p. 289.
240
Cass., 29 octobre 1984, Pas., 1985, I, p. 289.
241
La Cour de cassation donne une interprétation large à cette notion. La réouverture des débats s’impose lors-
que le juge soulève d’office tout moyen de procédure, comme par exemple une fin de non-procéder ou une fin
de non-recevoir (Cass., 16 mars 2009, Pas., 2009, p. 743), et plus généralement tout moyen de droit (Cass., 3
février 2011, Pas., 2011, p. 425 ; Cass., 2 janvier 2009, Pas., 2009, p. 1).
242
Cass., 18 décembre 2006, Pas., 2006, p. 2744 ; Cass., 12 mars 2007, Pas., 2007, p. 499 ; Cass., 6 février 2009,
Pas., 2009, p. 356.
243
Voy. Cass., 14 avril 2005, J.T., 2005, p. 659 et la note J. VAN COMPERNOLLE : « La cause de la demande : une
clarification décisive ». Voy. Tome I.
244
« Puisque le juge est saisi de faits et non de qualifications, c’est lui qui doit déterminer la qualification adé-
quate à donner à l’ensemble des faits qui lui sont présentés. Lorsqu’un avocat n’avance pas une qualification
déterminée, le juge doit compléter et, quand nécessaire, améliorer le travail du plaideur en défaut. Si les points
de vue échangés ne permettent pas de déterminer qu’une contradiction complète a été mise en place concernant
la nouvelle qualification, le juge doit rouvrir les débats » (Civ. Flandre orientale (div. Termonde), 1er mars 2018,
RAGB 2019, liv. 11, p.961.
110 

d’un plaideur en introduisant une nouvelle qualification juridique non préalablement soumise à la
contradiction car le plaideur pourrait notamment opposer un élément de fait ou de droit décisif pour
écarter la règle introduite par le juge. A l’extension des prérogatives du juge correspond un surcroît
de respect du droit de défense.
La portée de cette règle ne se limite pas au moyen de pur droit. Elle concerne aussi le moyen mélangé
de fait et de droit et le moyen de pur fait. C’est ainsi qu’en soulevant, comme élément décisif pour
déterminer la responsabilité de l’accident, un moyen de fait non invoqué par les parties (le profes-
sionnalisme d’une partie) sans le soumettre à la contradiction de celles-ci, le juge viole les droits de la
défense du demandeur245.
Par contre, le juge est dispensé du respect du principe de la contradiction lorsqu’il relève d’office un
moyen lorsque les parties n’ont proposé aucun fondement juridique246. De même la doctrine admet
que le juge n’a pas à provoquer les explications des plaideurs quand il contrôle la réunion des condi-
tions d’application de la règle invoquée car en ce cas il ne relève aucun moyen nouveau ; il ne surprend
pas les parties qui devaient vérifier les conditions d’application de la règle invoquée.
Les parties ne risquent pas d’être surprises par le fondement soulevé, dans la mesure où elles doivent
s’attendre à ce que le juge accomplisse son office, dans le premier cas, en appliquant une règle de
droit qu’elles ne se sont pas donné la peine de rechercher, et dans le second cas en vérifiant que la
règle invoquée est effectivement applicable.

294. La réouverture des débats peut toutefois être évitée lorsque, avant la clôture des débats, le
juge a donné aux parties l’occasion de faire valoir leurs observations au sujet de l’exception qui en-
traîne le rejet de la demande ou lorsqu’il a invité les parties à débattre de l’application d’une norme
juridique247.

§ 3. Procédure après réouverture des débats

295. Aux termes de l’article 775 alinéa 1er du Code judiciaire : « Si la réouverture des débats est
ordonnée, le juge invite les parties à s’échanger et à lui remettre, dans les délais qu’il fixe sous peine
d’être écartées d’office des débats, leurs conclusions sur le moyen ou la défense justifiant celle-ci. Le
cas échéant, il fixe le jour et l’heure où les parties seront entendues sur l’objet qu’il détermine ».

245
Cass., 28 mai 2009, J.T., 2009, p. 551 concl. A. HENKES et obs. J.F. VAN DROOGHENBROECK ; J.L.M.B., 2009, 1656 ;
Ius & Actores, 2010, p. 41, et obs M. GRÉGOIRE.
246
« Lorsque les parties invoquent les faits sur lesquels elles fondent une demande sans énoncer aucun fonde-
ment juridique à ce propos, le juge qui applique un fondement juridique à ces faits sans le soumettre à la con-
tradiction des parties, ne viole pas leurs droits de défense » (Cass., 16 février 2007, J.T., 2008, p. 173 et obs. J.F.
VAN DROOGHENBROECK).
247
Cass., 6 septembre 1979, Pas., 1980, I, p. 13 ; Cass., 28 juin 2018, R.G. n° C.17.0696.N : « le juge est tenu de
trancher le différend conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit examiner la nature juridi-
qiue des faits et actes allégués par les parties leur ont donnée, suppléer d’office aux motifs proposés par elles à
condition de ne pas soulever de contestations dont les parties ont exclu l’existence dans leurs conclusions, de se
fonder uniquement sur des éléments qui ont été régulièrement soumis à son appréciation, de ne pas modifier
l’objet de la demande et, ce faisant, de ne pas violer les droits de la défense des parties ».
L’instruction de la demande  111

Les nouveaux débats sont toutefois strictement limités à la question faisant l’objet de la réouverture
des débats248.
Lors de la réouverture, le siège doit être composé par les juges qui ont assisté aux audiences anté-
rieures. A défaut, les plaidoiries doivent être complètement reprises249.
Enfin, en vertu de l’article 775, alinéa 3, du Code judiciaire, « la décision rendue après réouverture des
débats est en tout état de cause contradictoire si la décision de réouverture est elle-même contradic-
toire ».

Section 3
Le délibéré

296. Le délibéré est la phase secrète250 du procès au cours de laquelle le jugement s’élabore.
La loi prévoit des instruments de contrôle et de sanction du non-respect injustifié des délais pour rendre
un jugement
Tel est l’objet de l’article 770 du Code judiciaire :
« § 1er. Lorsque le juge tient la cause en délibéré pour prononcer le jugement, il fixe le jour de cette
prononciation, qui doit avoir lieu dans le mois, à partir de la clôture des débats. Ce délai est prolongé
d'un mois lorsque les débats ont été clos au cours du mois avant les vacances judiciaires visées à l'ar-
ticle 334.
Si la cause est communiquée au ministère public, le délai de la prononciation prend cours à la date où
celui-ci a donné son avis ou, le cas échéant, à l’expiration du délai dont disposent les parties pour dé-
poser leurs conclusions concernant ledit avis.
Si la prononciation ne peut avoir lieu dans ce délai, il est fait mention à la feuille d’audience de la cause
du retard.

248
Même si les parties (comparantes) ne peuvent conclure et plaider que sur le seul objet déterminé par la
décision de réouverture des débats, elles ne sont toutefois pas irrecevables à introduire, dans cette phase, une
demande incidente si elle n’est pas étrangère à l’objet de la réouverture (Cass., 29 juin 1995, Pas., 1995, I, p.
713 ; Cass., 8 février 2010, J.T., 2010, 349 et obs. F. BALOT « Réouverture des débats et demande nouvelle » ;
Cass., 23 mai 2008, Pas., 2008, p. 1273 ; Cass., 20 septembre 2010, Pas., 2010, p. 2309). Ces restrictions ne sont
pas applicables s’il y a reprise des débats ab initio ; voy. Cass., 19 novembre 2009, R.A.B.G., 2010, p. 101 et la
note de synthèse S. BERNEMAN, « Heropening en herneming van het debat : opgelet slipgevaar! »; Cass., 8 février
2010, Pas., 2010, p. 393 ; Cass., 13 mai 2013, RG n°S.12.0045.N). Voy. aussi Cass. (2e ch.), 24 mai 2017, RG
P.17.0271.F : « Après la clôture des débats, aucune nouvelle pièce ne peut être prise en considération par le juge
dans sa décision à moins qu'il n'ait ordonné la réouverture des débats en vue de soumettre les nouvelles pièces
à la contradiction des parties » (somm.).
249
Cass., 22 février 1979, Pas., 1979, I, p. 756.
250
Voy. J. ENGLEBERT, « Le secret du délibéré : rappel de quelques principes à l’usage des délibérants », DAOR,
2009, p. 276 ; il ressort de l’arrêt de la Cour de cassation du 24 janvier 2007 (Pas., 2007, p. 167) que le secret du
délibéré est bien visé par l’article 458 C. pén.
112 

La mention à la feuille d’audience de la cause du retard doit pouvoir être objectivement justifiée à
l’autorité hiérarchique chargée d’exercer le contrôle du respect des délais du délibéré.
§ 2. Les greffiers établissent la liste, en deux exemplaires des affaires dans lesquelles le prononcé a été
reporté au-delà d’un mois. Cette liste est soumise à la signature du magistrat ou des magistrats con-
cernés, ceux-ci ayant ainsi l’occasion de formuler des observations écrites.
Les listes sont établies et envoyées chaque mois, à l’initiative du greffier en chef, au chef de corps de
la juridiction et au chef de corps du ministère public près de cette juridiction.
Le greffier en chef de la justice de paix adresse la liste au procureur du Roi du tribunal de première
instance de son arrondissement judiciaire.
Une copie est conservée au greffe.
En suivant les mêmes règles, ces listes sont mensuellement actualisées.
§ 3. Si le juge prolonge son délibéré au-delà de trois mois, il en avise le chef de corps et le premier
président de la cour d’appel ou de la cour du travail, sans préjudice de la possibilité pour une partie
d’en prendre l’initiative251.
§ 4. Dans le cas visé au paragraphe 3, le magistrat ou les magistrats concernés sont convoqués sans
délai par le chef de corps afin d’être entendus sur les causes du retard.
Dans les cas visés au paragraphe 2, cette convocation est obligatoire s’il s’agit de manquements répé-
tés.
Le chef de corps et le magistrat ou les magistrats concernés élaborent des solutions concertées afin de
pallier ce retard.
L’audition donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal.
§ 5. Les informations visées au § 3 ainsi que les procès-verbaux y afférents sont susceptibles d’être pris
en compte à l’occasion de poursuites disciplinaires, de l’évaluation périodique du magistrat ou d’une
procédure de nomination ou de désignation le concernant.
Si une sanction disciplinaire est justifiée, la peine infligée ne pourra en aucun cas être inférieure à une
retenue de traitement ». 252

251
De plus, si le juge néglige pendant plus de six mois (délai non suspendu au cours des vacances judiciaires,
Cass., 17 janvier 2008, Pas., 2008, p. 129) de juger la cause qu’il a prise en délibéré, le procureur général près la
cour d’appel ainsi que chacune des parties peuvent demander à la Cour de cassation le dessaisissement (art. 652
C. jud.) sous la forme d’une procédure rapide et écrite (art. 655 C. jud.). Sur cette question voy. B. BEELDENS,
« Dessaisissement simplifié en cas de retard du délibéré », J.T., 2006, pp. 233 à 236. On relève ainsi que les
parties ont elles-mêmes la possibilité de se plaindre du retard avec lequel la justice est rendue par le magistrat.
253
Après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d’instruction.
Le jugement de la cause  113

TITRE VII
LE JUGEMENT DE LA CAUSE

CHAPITRE I
Classification des décisions

Section 1
Suivant la juridiction ayant prononcé la décision

297. Les décisions judiciaires peuvent être classées suivant la juridiction qui les a prononcées.
Le terme jugement désigne les décisions prises par les tribunaux de première instance, du travail, de
commerce, de police et par les juges de paix.
Un arrêt est une décision rendue par la cour d'appel, la cour du travail, ou la Cour de cassation.
Une sentence est rendue par des arbitres.
Une ordonnance est l'œuvre du président de l'un des trois tribunaux siégeant en référé, d'un juge
commis pour procéder à un devoir d'instruction ou d'un magistrat statuant sur requête unilatérale.
Le jugement au fond porte sur le principal de la contestation.
Le jugement sur incident se borne à vider un incident de procédure, par exemple à statuer sur un
déclinatoire de compétence, une exception de nullité, une fin de non recevoir.

Section 2
Suivant leur portée

298. On distingue également les décisions suivant leur portée.


Un jugement est définitif dans la mesure où il épuise la juridiction du juge sur une question litigieuse,
qu'il s'agisse du fond ou d'un incident.
La distinction revêt une très grande importance en ce qui concerne l'autorité de la chose jugée, l'effet
dévolutif de l'appel (article 1068 du Code judiciaire) et la possibilité de faire appel (art. 1050, al. 2 du
Code judiciaire).
A titre d'exemple, un jugement statuant sur la recevabilité d'une demande mais ne tranchant pas le
fond est définitif (en ce qui concerne la question de la recevabilité).
Par un jugement d'avant dire droit ou provisoire, le juge ordonne une mesure préalable à l'examen
des droits des parties, destinée à instruire la demande (mesures d'instruction) ou à régler provisoire-
ment la situation des parties (article 19, alinéa 3, du Code judiciaire).
114 

Le jugement provisoire est donc une décision prise en attendant les dispositions définitives, pour ins-
truire la demande ou assurer une situation d'attente équitable pour les parties. De telles mesures
peuvent désormais intervenir dès l’audience d’introduction (article 735, §2, alinéa 2, du Code judi-
ciaire) ou encore à tout moment en cours de procédure (article 19, alinéa 3, du Code judiciaire).
Un jugement peut être mixte et comporter à la fois des dispositions définitives et des dispositions
avant dire droit.
Un jugement sera mixte si son dispositif épuise la juridiction du juge saisi sur une ou plusieurs des
questions litigieuses qui lui étaient soumises et comporte, par ailleurs, un avant dire droit.
Les jugements définitifs sur incident sont mixtes. Il s'agit d'un jugement par lequel le juge tranche
définitivement un incident (par exemple une exception d'irrecevabilité, d'incompétence, etc.) avant
même de considérer le fond du litige. En pratique, le juge tranche, par un premier jugement, l'incident
et renvoie au rôle pour le surplus253. Le surplus (le fond de l'affaire) est tranché ultérieurement par un
second jugement.

299. Un jugement définitif (si la juridiction du juge est épuisée) peut donc encore faire l'objet des
recours ordinaires. Il a dès son prononcé l’autorité de la chose jugée. Le jugement sera coulé en force
de chose jugée lorsque les recours ordinaires ne seront plus possibles et irrévocable lorsque les re-
cours extraordinaires ne le seront plus non plus.

Section 3
Suivant la procédure suivie

300. Les décisions sont également classables en fonction de la procédure suivie : contradictoire,
par défaut, unilatérale... Celle-ci détermine la nature du jugement (et partant ses effets) sans que le
juge ait le pouvoir de la fixer.

253
Après avoir, le cas échéant, ordonné une mesure d’instruction.
Le jugement de la cause  115

CHAPITRE II
Contenu, forme et communication du jugement

301. Outre diverses mentions, le jugement doit contenir une motivation et un dispositif.

Section 1
La motivation

302. Les articles 149 de la Constitution et 780 du Code judiciaire disposent que tout jugement doit
être motivé. La Cour de cassation a rappelé à diverses reprises que cette obligation est inséparable de
la mission de juger.
Pour les parties, la motivation permet de vérifier si le dispositif de la décision est dépourvu d'arbitraire
et conforme au droit.
Avec l’entrée en vigueur de la loi du 19 octobre 2015, le juge n’est cependant tenu de répondre aux
moyens des parties que si leurs conclusions sont structurées conformément à l’article 744, al. 1 du
Code judiciaire (art. 780, al. 1, 3° C. jud.).
Pour les tiers, l'examen de la motivation permet de connaître la jurisprudence : c'est en effet à partir
des motifs d'une décision qu'il est possible de déterminer la portée exacte de celle-ci notamment si
elle tranche une question juridique controversée.
La motivation doit être complète, claire, précise et adéquate. La contradiction dans les motifs, équi-
valant à une absence de motifs, peut entraîner la cassation de la décision entreprise.
Il faut toutefois rappeler que l'obligation de motiver est une règle de forme, ce qui revient à dire
qu'elle est respectée dès que le jugement contient une motivation, même si celle-ci est erronée en
droit ou en fait.

303. Il existe quelques exceptions à l'obligation de motiver, qui concernent des questions acces-
soires, comme les frais et dépens (à l’exception de la modification du montant de base de l’indemnité
de procédure qui doit être spécialement motivée) ou la condamnation aux intérêts légaux. Les déci-
sions d'ordre intérieur, actes d'administration judiciaire sans caractère juridictionnel, ne doivent pas
non plus être motivées.

Section 2
Mentions du jugement

304. L'article 780 du Code judiciaire détermine les mentions qu'à peine de nullité, le jugement doit
contenir. La « nullité » d'un jugement n'apparaîtra toutefois que si la voie de recours appropriée est
exercée (infra, n°364).
116 

Ces mentions sont :


- l'indication du juge ou du tribunal dont il émane, les noms des membres du siège, du magistrat
du ministère public qui a donné son avis et du greffier qui a assisté au prononcé;
- les noms, prénoms et domiciles indiqués par les parties lors de leur comparution ou de leurs
conclusions et, le cas échéant, leur numéro de registre national ou numéro d'entreprise ;
- l'objet de la demande et la réponse aux moyens des parties exposés conformément à l'article
744, alinéa 1er;
- la mention de l'avis du ministère public;
- la mention et la date du prononcé de la décision en audience publique.

Section 3
Le dispositif

305. Le dispositif est la partie du jugement qui contient la décision prise par le tribunal.
Toute décision relative à la contestation, même si elle figure dans les motifs (les « attendus ») est un
dispositif254, on parle parfois de « motif décisoire ».
Comme on le verra, l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au seul dispositif mais s'étend aux motifs
qui en sont le soutien nécessaire255.

Section 4
Formes et communication du jugement

306. La transcription de l'original du jugement sur la feuille d'audience constitue la minute de la


décision : c'est un acte authentique qui est déposé au greffe.
Elle doit être signée par le juge et le greffier.

307. L'expédition - ou grosse du jugement - est une copie intégrale de la décision, revêtue de la
formule exécutoire qui est délivrée par les greffiers aux parties en cause qui en font la demande. Si-
gnée par le greffier, l'expédition est l'acte authentique qui permet à l'huissier de procéder à l'exécu-
tion forcée.

308. Enfin, chaque partie ou son avocat reçoit en principe, dans les cinq jours du prononcé du ju-
gement, par courrier électronique, ou, à défaut, sous simple lettre, une copie non signée de la décision
(article 792 du Code judiciaire)256. Mais, la mise en œuvre de celle-ci ne peut avoir lieu qu’au moyen

254
Cass., 28 avril 1994, Pas., 1994, I, p. 418 ; Cass., 20 mars 1991, Pas., 1991, I, p. 686.
255
Cass., 22 mars 1984, Pas., 1984, I, p. 857.
256
L’article 792 du Code judiciaire a été modifié par la loi du 25 mai 2018 (M.B., 30 mai 2018) et est entré en
vigueur le 1er janvier 2021 :
Le jugement de la cause  117

d’une copie authentique ou expédition délivrée par le greffier contenant la copie intégrale du jugement,
précédée de l’intitulé et suivie de la formule exécutoire (art. 790 C. jud.)257 et donnant lieu, en principe, à
signification.

Section 5
Signification de la décision

309. La signification est le fait de porter l'expédition de la décision à la connaissance de la partie


adverse. Elle se fait par exploit d'huissier et a plusieurs effets :
- elle fait courir les délais prévus pour l'exercice des voies de recours (à défaut de signification,
celles-ci restent ouvertes pendant les délais ordinaires de prescription prévus par le Code civil) ;
- elle précède obligatoirement l'exécution (art. 1495 al. 1er C. jud.) ;
- pour les jugements rendus par défaut avant le 1er novembre 2014, elle prévenait la péremption
du jugement par défaut (supra, n°90 - art. 806 ancien du Code judiciaire) ;
- elle constitue, sans préjudice d’un délai de rémission, le moment à partir duquel l’astreinte peut
être encourue (art. 1385bis, al. 3 et 4 C. jud.).

« Dans les cinq jours de la prononciation de la décision, tant pour les affaires civiles que pour les affaires pénales,
le greffier notifie à chacune des parties ou, le cas échéant, à leurs avocats, une copie non signée de la décision.
Cette notification ne fait pas courir le délai de recours. Elle a lieu par voie électronique à l'adresse électronique
professionnelle de l'avocat ou, s'il s'agit d'une partie qui a comparu sans avocat, à l'adresse judiciaire électro-
nique de cette partie ou, à défaut, à la dernière adresse électronique que cette partie a fournie dans le cadre de
la procédure. Si aucune adresse électronique n'est connue du greffier, ou si la notification à l'adresse électronique
a manifestement échoué, la notification est faite par simple lettre.
Par dérogation à l'alinéa précédent, dans les matières énumérées à l'article 704 § 2, ainsi qu'en matière d'adop-
tion, le greffier notifie le jugement aux parties par pli judiciaire adressé dans les huit jours.
A peine de nullité, cette notification fait mention des voies de recours, du délai dans lequel ce ou ces recours,
doivent être introduits ainsi que de la dénomination et de l'adresse de la juridiction compétente pour en con-
naître.
Dans les cas visés au deuxième alinéa, le greffier adresse, le cas échéant, une copie non signée du jugement aux
avocats des parties ou aux délégués visés à l'article 728, § 3 ».
257
Lorsqu’il s’agit de faire courir le délai de recours par la signification d’une décision, la copie certifiée conforme
de la décision en lieu et place de la signification d’une copie de l’expédition de la décision est admise (Cass., 26
octobre 2000, J.T., 2001, p. 825).
118 

Dans certains cas le législateur permet de remplacer la signification du jugement par la notification de
celui-ci, en règle par pli judiciaire et dans certains cas, en énonçant les effets qui y sont attachés sur le
délai de recours (voy. ainsi les art. 57, 792 al. 2 et 3 ; 1048 al. 1er et 1050 al. 1er C. jud.)258 259.
De manière générale, la signification n’a d’effets qu’entre les parties concernées par celle-ci. Il s’agit du
principe de la relativité de la signification.

258
Voy. G. CLOSSET-MARCHAL, « La notification des décisions de justice comme point de départ des délais de re-
cours », J.T., 2009, 10 ; C. DE BOE, Les délais de recours à l’encontre d’un règlement ordonnant une délégation
de sommes ont pour point de départ la notification par pli judiciaire de cette décision » note sous J.P. Fontaine-
l’Evêque, 8 janvier 2009, J.J.P., 2010, p. 95. Il doit s’agir d’une notification par pli judiciaire, voy. C. Const., 8 mai
2008, n° 76/2008, J.L.M.B., 2008, 1666.
259
Une dérogation expresse à la règle de la signification n’est pas requise, il suffit que la dérogation puisse se
déduire des dispositions légales applicables à la procédure en cause (Cass., 11 décembre 2009, J.T., 2010, p.
143).
Le jugement de la cause  119

CHAPITRE III
Interprétation, rectification du jugement et omission de statuer sur un chef
de demande

310. Lorsqu'un juge rend un jugement définitif - au sens où nous avons défini ce terme - il épuise
son pouvoir de juridiction et il ne peut revenir sur sa décision (article 19, alinéa 1 et 2, du Code judi-
ciaire).
Il ne peut non plus être saisi des difficultés suscitées par l'exécution forcée de celle-ci : cette compé-
tence appartient au juge des saisies.
Il lui est toutefois permis d'interpréter et de rectifier le jugement. Cette interprétation ou rectification
peut être décidée d’office (article 797 du Code judiciaire).

Section 1
Interprétation

311. Le juge peut interpréter sa décision lorsqu'il existe dans celle-ci une disposition obscure ou
ambiguë : il peut mieux dire ce qui a été décidé, sans toutefois étendre, restreindre ou modifier les
droits qu'il a consacrés (article 793 du Code judiciaire)260. Sinon, il porterait atteinte à l'autorité de la
chose jugée.

312. Il doit donc maintenir sa décision initiale tout en lui donnant une forme meilleure. Dès lors, à
l'occasion d'une demande d'interprétation, il ne peut avoir égard à des éléments qui ne lui avaient pas
été soumis à l'occasion du débat initial261.

Section 2
Rectification

313. La rectification ne peut porter que sur des erreurs manifestes de calcul ou matérielles. De
même qu'à propos de l'interprétation, les droits consacrés par la décision rendue ne peuvent être
étendus, restreints ou modifiés à cette occasion262 (art. 794 C. jud.).
Le magistrat ne peut que corriger les erreurs manifestes de calcul ou matérielles par exemple une
erreur de prénom qu'il aurait commise, ou une erreur d'addition (mais non pas, par exemple, ajouter
un élément de calcul qui lui était inconnu lorsqu'il a statué).

260
Cass., 27 février 1992, Pas., 1992, I, p. 582.
261
Cass., 4 mars 2014, Pas., 2014, p. 572.
262
Cass., 27 février 1992, Pas., 1992, I, p. 582.
120 

314. Le juge peut en outre rectifier sa décision si celle-ci présente une lacune263, telle l’absence
dans le dispositif, d’une partie de sa décision pourtant bien reprise dans les motifs.

Section 3
Omission de statuer sur un chef de demande

315. Le juge peut également réparer son erreur s’il s’avère qu’il a omis de statuer sur un chef de
demande sans porter atteinte aux décisions prononcées sur les points du litige déjà tranchés, au re-
gard des règles énoncées à l’article 748bis et sans cependant que puissent être étendus, restreints ou
modifiés les droits que sa décision a consacrés (art. 794/1 C. jud.)264.
Toutefois, cette demande doit être présentée au plus tard un an après que la décision soit passée en
force de chose jugée.

Section 4
Compétence et procédure

316. Le juge qui a rendu la décision, ou devant lequel la décision est déférée, peut l'interpréter, la
rectifier ou réparer l’omission de statuer sur un chef de demande (article 795 du Code judiciaire).
Ce juge est saisi par voie de requête contradictoire ou par comparution volontaire (article 796 du Code
judiciaire).

317. Le juge des saisies peut également rectifier ou interpréter (mais pas réparer) une décision qui
lui est soumise dans le cadre d’un problème d’exécution (art. 794, al. 1er, C. jud.).

318. En vertu de l’article 797, alinéa 1er, du Code judiciaire, l’interprétation et la rectification (mais
pas la réparation) peuvent être décidées d’office par le juge.

263
Terme inséré par la loi du 25 mai 2018, visant à réduire et redistribuer la charge de travail au sein de l'ordre
judiciaire (dite Pot-pourri VI). La loi prévoit en outre une série d’hypothèses dans lesquelles une lacune, en prin-
cipe sanctionnée par la nullité relative de la décision, peut faire l’objet d’une rectification (art. 780, al. 1, 1°, 2°,
4° et 5° ; art. 792 ; méconnaissance purement formelle de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des langues en
matière judiciaire).
264
La notion de "chef de demande", au sens de l'article 794/1, alinéa 1er, du Code judiciaire, doit être comprise
de manière large comme incluant le cas où le juge a omis de statuer sur une partie d'un point de demande ; par
conséquent, le juge qui a statué sur une demande fondée sur un certain nombre d'éléments et qui a omis
d'inclure un élément particulier peut réparer cette omission dans sa décision (Cass. (3e), 9 mai 2022, AR
C.21.0494.N).
Le jugement de la cause  121

Section 5
Délais

319. En ce qui concerne l'interprétation, selon l'article 798 du Code judiciaire, la demande ne peut
être formée :
- si la décision est frappée d'appel ou de pourvoi;
- sauf si toutes les parties sont d'accord, avant l'expiration des délais d'appel ou de pourvoi en
cassation. Cette disposition a pour but d'éviter la saisine simultanée de deux juridictions et le risque
de voir l'interprétation empiéter sur le domaine du juge d'appel ou de cassation.

320. En ce qui concerne la rectification, le juge qui a rendu la décision peut la rectifier pour autant
que le dispositif qui comporte l'erreur matérielle ne fasse l'objet d'aucun recours au moment où il est
saisi de la demande (article 799 du Code judiciaire).

321. Le juge ne peut réparer une omission de statuer que si la décision ne fait pas l’objet d’une voie
de recours (art. 799 du Code judiciaire) et un an au plus tard après que la décision soit passée en force
de chose jugée, à peine de déchéance265 (art. 794/1, al. 2 du Code judiciaire).

Section 6
Dépens

322. Lorsqu'une demande en interprétation ou en rectification d'erreur matérielle est accueillie,


les dépens de cette procédure sont mis à charge de l'Etat (article 801 du Code judiciaire).

265
Cette sanction n’a toutefois qu’une portée limitée puisque, « s’agissant d’une omission de statuer qui doit
être réparée, aucune autorité de chose jugée ne pourrait être opposée à la réitération de cette demande, dans
le cadre d’une procédure ordinaire, puisqu’il n’a pas été statué sur cette demande » (C. DE BOE, « L’interpréta-
tion, la rectification et la réparation des décisions de justice, ou le service après-vente judiciaire », in H. BOU-
LARBAH, J.-FR. VAN DROOGHENBROECK (DIR.), Actualités en Droit judiciaire : un peu de tout après six Pot-pourris, CUP,
vol. 183, Liège, Anthémis, 2018, p. 395.
122 

CHAPITRE IV
Effets des jugements

Section 1
Extinction de l'instance

323. Dans la limite de la question réglée, l'instance est éteinte et le juge est dessaisi.
Le dessaisissement est un effet particulier de l’acte juridictionnel distinct des autres effets du juge-
ment et de l’autorité de chose jugée.
Par le dessaisissement, le juge qui prononce un jugement définitif épuise sa juridiction sur la question
litigieuse (article 19, alinéa 1er, du Code judiciaire)266.
Il ne peut plus revenir sur sa décision même avec l’accord des parties267. La règle touche à l’ordre
public et sa méconnaissance constitue un excès de pouvoir qui est commis par le juge qui statue sur
une question litigieuse lorsqu’il a définitivement jugé celle-ci dans la même cause et entre les mêmes
parties268.
Par exemple :
- le premier juge ne peut après son jugement par un jugement distinct accorder l'exécution
provisoire : seul le juge d'appel a le pouvoir de le faire (article 1401 du Code judiciaire);
- il en est de même en ce qui concerne les délais de grâce (article 1333, alinéa 2, du Code judi-
ciaire).

324. Il incombe dès lors de bien distinguer le dessaisissement de l’autorité de chose jugée.
Lorsque la chose jugée est invoquée dans le cadre d'un même procès (c'est-à-dire chaque fois que le
juge entend faire état - que ce soit dans le cadre d'une même instance ou en degré d'appel - d'une
précédente décision passée en force de chose jugée et rendue sur un point déterminé du litige), la
Cour de cassation estime que, le juge ne se fonde pas sur l'autorité de chose jugée du jugement déjà
rendu mais constate que cette décision, coulée en force de chose jugée, a définitivement vidé la sai-
sine du juge sur ce point litigieux (article 19, alinéa 1er, du Code judiciaire)269270.

266
Dès lors, le jugement, qui contient des considérations contradictoires ne permettant pas de déduire avec
certitude le sens de sa décision, n’épuise pas la juridiction du juge qui l’a rendu (Cass., 6 mars 1998, Pas., 1998,
I, p. 300).
267
Ainsi, après avoir décrété le désistement d’action, la cour d’appel est dessaisie de la cause, nonobstant le
caractère d’ordre public de la matière des impôts sur les revenus et ne peut, partant, plus se prononcer sur la
validité du désistement dont elle n’était plus saisie, sans violer l’article 19, alinéa 1 er, du Code judiciaire (Cass.,
23 février 1998, Pas., 1998, I, p. 256).
268
Cass., 15 septembre 1994, Pas., 1994, I, p. 732; Cass., 22 novembre 1993, Pas., 1993, I, p. 979; Cass., 26 juin
1992, Pas., 1992, I, p. 968.
269
Cass., 21 juin 1979, Rev. not., 1983, p. 85 et note de D. STERCKX.
270
Cass., 11 janvier 1988, Pas., 1988, I, p. 561 ; Cass., 23 novembre 1987, Pas., 1988, I, p. 351 ; Cass., 14 juin
1996, Pas., 1996, I, p. 640.
Le jugement de la cause  123

Les règles applicables sont dans ce cas celles du dessaisissement - qui sont d’ordre public - et non
celles relatives à l’autorité de chose jugée - qui sont d’ordre privé271.
Comme l’exprime très clairement le procureur général Charles dans ses conclusions précédant l’arrêt
de la Cour de cassation du 21 juin 1982, « il n’y a de problème d’autorité de chose jugée que lorsqu’une
question litigieuse a été tranchée dans une procédure et que, dans une autre procédure, les parties
soumettent à nouveau la question au juge ou que celui-ci s’en saisit. Mais lorsqu’une question litigieuse
a été tranchée au cours d’une seule et même procédure, dans la progression de cette procédure, il ne
peut se poser que des problèmes de ‘saisine’ »272.

325. Certaines dispositions légales spécifiques dérogent à l’effet de dessaisissement en prévoyant


la possibilité de réviser des décisions judiciaires définitives en raison de circonstances nouvelles ou
modifiées273 ou en permettant au juge de réparer des erreurs ou des omissions dans le cadre des pro-
cédures d’interprétation ou de rectification274.

Section 2
Force probante

326. Tout jugement est un acte authentique qui fait preuve jusqu’à inscription de faux (articles 8.15
à 8.17 du nouveau Code civil)275. L’authenticité du jugement porte sur tout ce qui s’y trouve mentionné
sous le contrôle du juge, agissant dans le cadre de sa compétence, à propos des faits qu’il a pu et dû
vérifier par lui-même, ex propriis sensibus, et notamment la teneur des déclarations recueillies (fonc-
tion « réceptive » c’est-à-dire de constat par rapport à la fonction « volitive » c’est-à-dire d’apprécia-
tion et de décision), fait foi jusqu’à inscription de faux 276.
Il s’agit d’une règle commune aux parties et aux tiers ; la force probante vaut tant à l’égard des parties
que des tiers.

271
C’est la raison pour laquelle est irrecevable le moyen de cassation qui indique comme dispositions légales
violées les articles 23 à 28 du Code judiciaire alors que le grief allégué consiste à soutenir que la décision atta-
quée statue sur une contestation ayant déjà fait l’objet, dans la même procédure, d’une décision définitive de
la juridiction d’appel et que, dès lors, celle-ci avait épuisé sa juridiction sur ladite question litigieuse. Pareil grief
qui ne se fonde pas sur l’autorité de chose jugée d’une décision définitive antérieure est donc étranger aux
articles 23 à 28 du Code judiciaire (Cass., 19 mars 1992, Pas., 1992, I, p. 657 ; Cass., 24 novembre 1994, Pas.,
1994, I, p. 1005 ; Cass., 21 septembre 1995, Pas., 1995, I, p. 834).
272
Conclusions avant Cass., 21 juin 1982, Pas., 1982, I, p. 1227. Voy. également Cass., 26 février 2014, Pas., 2014,
p. 505.
273
Voy. les articles 209 et 301 du Code civil en matière d’aliments ou de pension après divorce. Cass., 14 dé-
cembre 1990, Pas., 1991, I, p. 371.
274
Dans ce cas toutefois, le juge ne peut modifier ni compléter ce qu’il a réellement décidé (Cass., 27 février
1992, Pas., 1992, I, p. 582).
275
L’acte authentique bénéficie d’une force probante « immédiate », c’est-à-dire qu’elle n’est subordonnée à
aucune reconnaissance préalable.
276
Il y a toutefois lieu de réserver, outre la contradiction entre les titres produits, l’hypothèse d’un recours et
spécialement d’un appel auquel cas le jugement étant remis en question en fait et en droit, les énonciations qui
y figurent perde leur force authentique.
124 

La situation est sensiblement la même pour l’acte notarié qui, en ce qui concerne la date, l’origine et
le contenu personnellement constaté par le notaire, fait pleine foi jusqu’à preuve du contraire rap-
portée par voie d’inscription de faux277.

Section 3
Autorité de la chose jugée

§ 1. Notions

327. « Fondée sur la nécessité d’assurer la stabilité des rapports sociaux et de garantir l’efficacité
de l’administration de la justice », l'autorité de la chose jugée est une présomption légale selon la-
quelle l'autorité que la loi attribue à la chose jugée ne peut être renversée par la preuve contraire.
Cette présomption d’exactitude, de correspondance à la vérité de que ce qui a été jugé, est irréfra-
gable. Elle est un effet important et caractéristique de l'acte juridictionnel puisqu'elle met à l'abri de
contestations futures les droits reconnus par le jugement en rendant incontestable la situation qui
découle de la décision.
En réalité, l’autorité de chose jugée s’exprime à travers deux aspects.

A. Effet négatif de la chose jugée

a) Notions

328. L’aspect négatif de la chose jugée implique que, sous réserve de l’exercice des voies de re-
cours, ce qui a été décidé ne peut plus être remis en question par les parties, interdisant par là la
réitération du procès. Celui qui a été partie à un procès dispose à l'égard de son ancien adversaire
d'une fin de non recevoir, appelée « l’exception de chose jugée » 278, qui lui permet de faire déclarer
irrecevable toute demande qui aurait pour objet de revenir sur ce qui a été antérieurement jugé (ar-
ticle 25 du Code judiciaire). Les conditions de mise en œuvre de l’exception de chose jugée sont ré-
glées aux articles 23 et 27 du Code judiciaire.

b) Conditions

329. L'article 23 du Code judiciaire, qui remplace l'ancien article 1351 du Code civil, dispose qu'il
n'y a autorité de chose jugée, envisagée dans son aspect négatif, c’est-à-dire faisant obstacle à la réi-
tération de la demande, que si trois conditions sont cumulativement réunies.

277
Cass., 13 mars 2006, J.L.M.B., 2006, 854.
278
Malgré son appellation classique, il s’agit bien d’une fin de non-recevoir et pas d’une exception de procédure.
Le jugement de la cause  125

Il faut que :
a) La chose demandée, l’objet de la prétention, soit la même (identité d'objet)279.
b) La demande soit fondée sur la même cause, c’est-à-dire « l’ensemble des faits portés dans le
280
débat » , « quel que soit le fondement juridique invoqué » (inséré par la loi du 19 octobre 2015)
(identité de cause).
La loi pot-pourri I du 19 octobre 2015 a, comme l’avait récemment fait la Cour de cassation de
France281, consacré le principe de concentration des moyens et la conception factuelle de la cause.
Désormais, l’identité de cause ne s’apprécie donc plus au regard de la qualification juridique invoquée
par le demandeur dans le premier procès et retenue par le juge dans son jugement. Partant, le de-
mandeur ne peut plus recommencer, sur la base des mêmes faits, la même demande en lui donnant
une qualification juridique différente282.
La loi du 21 décembre 2018283 a toutefois introduit une exception à cette règle : « L'autorité de la
chose jugée ne s'étend toutefois pas à la demande qui repose sur la même cause mais dont le juge ne
pouvait pas connaître eu égard au fondement juridique sur lequel elle s'appuie ».
Il s’agit du cas où le juge ne pouvait pas connaître d’un fondement juridique particulier, au regard des
règles de compétence. Par exemple, devant un juge répressif, l’action civile qui vise à obtenir l’indem-
nisation du dommage qui découle de l’infraction ne peut se fonder que sur la responsabilité extracon-
tractuelle de l’auteur (art. 1382 et s. du Code civil). Partant, les fondements juridiques dont ne peut
connaître le juge pénal ne sont pas couverts par l’autorité de chose jugée.
c) La demande soit formée entre les mêmes parties agissant en la même qualité (identité de
parties). Il convient à cet égard d’avoir égard aux mécanismes de représentation directe (mandat) ou
indirecte (prête-nom) ou de subrogation. On relèvera également à cet égard qu’il suffit qu’une partie
ait été appelée en intervention et en déclaration de jugement ou d’arrêt commun pour que l’exception
de chose jugée puisse lui être opposée284.
Pour décider si l’exception de chose jugée est fondée, le juge doit donc rechercher s'il peut admettre
la prétention nouvelle sans détruire le bénéfice de la décision antérieure285.

279
« Lorsque la victime d'une faute, ou l'assureur qui a indemnisé cette victime, a demandé la réparation d'un
dommage déterminé provoqué par cette faute, l'autorité de la chose jugée du jugement ayant statué sur cette
demande ne fait obstacle à l'introduction, par la victime ou son assureur, d'une demande en réparation d'un
autre dommage causé par la même faute, que si le jugement a entendu accorder la réparation de la totalité du
dommage actuel et futur de la victime » (Cass., 10 février 2012, C.11.0092.F)..
280
J-F. VAN DROOGHENBROECK et F. BALOT, « L’autorité de la chose jugée happée par la concentration du litige », in
X., L’effet de la décision de justice : contentieux européen, constitutionnel, civil et pénal, CUP, vol. 102, Anthemis,
Liège, 2008, p. 165.
281
Cass. fr. (ass. plén.), 7 juillet 2006, D., 2006, p. 2135 ; Cass. fr. (2e civ.), 4 mars 2004, D., 2004, p. 1204.
282
J-F. VAN DROOGHENBROECK et F. BALOT, « L’autorité de la chose jugée happée par la concentration du litige », op.
cit., pp. 162 à 166, n° 14 à 21.
283
Art. 199, de la loi du 21 décembre 2018, portant des dispositions diverses en matière de justice.
284
Cass., 14 mai 1982, Pas., 1982, I, p. 1086.
285
Cass., 16 mars 1972, Pas., 1972, I, p. 660. Dès lors, de ce qu’il n’y a pas identité entre l’objet et la cause d’une
action définitivement jugée et ceux d’une autre action ultérieurement exercée entre les mêmes parties, il ne se
126 

c) Conséquences en fonction du moyen de défense précédemment accueilli

330. L'autorité de chose jugée d'une décision qui accueille une défense au fond ou une fin de non
recevoir a une portée générale et empêche définitivement la partie déboutée de réintroduire la même
demande.
L'autorité de chose jugée d'une décision faisant droit à une exception péremptoire (par exemple, une
exception de nullité) n'a qu'une portée limitée à cette exception. La partie déboutée pourra, sous
réserve de la prescription ou de la forclusion, réintroduire une nouvelle demande sans que le défen-
deur puisse lui opposer l'autorité de chose jugée de la décision précédente. Cette dernière n'ayant
tranché qu'une exception péremptoire ne peut avoir une autorité de chose jugée sur le fond du droit.

d) Caractère d’ordre privé

331. En matière civile, l'autorité de chose jugée n’est pas, en règle, d’ordre public286. Le juge ne
peut d'office soulever l'exception de chose jugée (article 27, alinéa 2, du Code judiciaire). La fin de
non-recevoir tirée de la chose jugée ne peut être proposée pour la première fois à l’occasion d’un
pourvoi en cassation lorsqu’elle n’a pas été invoquée devant le juge du fond ou que ce dernier n’a pas
statué de sa propre initiative sur cette question287. D’un commun accord, les parties peuvent y renon-
cer et décider de soumettre à nouveau à un juge un litige ayant déjà fait l'objet d'une instance mais
dont aucune des parties ne serait satisfaite du résultat.
En revanche, on rappelle que les règles applicables au dessaisissement (article 19, alinéa 1er, du Code
judiciaire) sont d’ordre public et peuvent, par conséquent être invoquées d’office par le juge et même
pour la première fois devant la Cour de cassation.

B. Effet positif de la chose jugée

332. L’autorité de chose jugée revêt également un aspect positif consistant en l’établissement
d’une situation juridique confortée par la présomption de vérité, une base processuelle de laquelle
des conséquences pourront être déduites. Par l’effet positif de chose jugée, le jugement reconnaît ou
attribue à une partie un droit dont celle-ci pourra désormais se prévaloir de manière irréfragable à
l’égard de son ancien adversaire. Dans sa fonction positive, l’autorité de chose jugée revêt ainsi une
fonction probatoire.

déduit pas nécessairement que pareille identité n’existe à l’égard d’aucune prétention ou contestation élevée
par une partie dans l’une et l’autre instance, ni, partant, que le juge puisse accueillir une prétention dont le
fondement est inconciliable avec la chose antérieurement jugée (Cass., 27 mars 1998, Pas., 1998, I, p. 406 ; Cass.,
8 mars 2013, C.12.0322.N.).
286
Cass., 8 décembre 1971, Pas., 1972, I, p. 344 ; Cass., 20 octobre 1994, Pas., 1994, I, p. 846.
287
Cass., 21 juin 1990, Pas., 1990, I, p. 1204 ; Cass., 20 octobre 1994, Pas., 1994, I, p. 846.
Le jugement de la cause  127

L’effet positif peut être invoqué sans que toutes les conditions prévues à l’article 23 du Code judiciaire
ne soient nécessairement remplies.

§ 2. Décisions qui possèdent la chose jugée

A. Principe

333. Toute décision définitive sur le fond ou sur incident, c'est-à-dire toute décision épuisant la
juridiction du juge sur une question litigieuse a, dès son prononcé, autorité de chose jugée (articles
19, alinéa 1er, et 24 du Code judiciaire).

334. N'ont dès lors pas cette autorité :


- Les décisions d'avant dire droit de l’article 19, alinéa 3, du Code judiciaire. Le juge qui les a
prononcées peut modifier ou rétracter la mesure provisoire si l'une des parties le demande et pour
autant qu'un changement des circonstances de fait justifie une nouvelle décision.
- Les ordonnances présidentielles, rendues en référé ou sur requête unilatérale. Elles ont ce-
pendant l’autorité de « chose décidée » ou autorité de chose jugée rebus sic stantibus, en ce sens
qu’elles ne peuvent plus être modifiées ou rétractées qu’à la suite de circonstances nouvelles288.
En revanche, les décisions prises « comme en référé », c'est-à-dire dans le courant d'une procédure
analogue à celle du référé mais où les présidents des tribunaux - ou le juge des saisies - statuent sur
le fond, sont des jugements définitifs et ont à ce titre autorité de la chose jugée.
- Les dispositions d'ordre intérieur, actes administratifs judiciaires, ne sont pas pourvues du ca-
ractère juridictionnel et n'ont donc pas l'autorité de la chose jugée.
Il en est ainsi des décisions contenant une simple mesure d'ordre, tel un renvoi au rôle particulier,
d'une décision de réouverture des débats289, d'une ordonnance du président du tribunal constituant
une chambre temporaire ou d'une décision de remise. Ces décisions ne tranchent aucun litige et, à
défaut d'être définitives, ne sont pas susceptibles de recours (article 1046 du Code judiciaire).
- Les jugements rendus sur la compétence ont autorité de la chose jugée mais en vertu de l’ar-
ticle 660, alinéa 2, du Code judiciaire, les motifs de la décision de renvoi qui ont trait au fond du litige
n’ont pas d’autorité de chose jugée à l’égard du juge de renvoi290.
- Le jugement mixte ou complexe qui comporte à la fois des dispositions définitives et des dis-
positions d'avant dire droit, ne possède l'autorité de la chose jugée que dans la limite de ce qui a été
définitivement décidé sur une question litigieuse291.

288
Cass., 14 décembre 1989, Pas., 1990, I, p. 477.
289
Et ce même si la décision de réouverture des débats indique sur quelle base il sera ultérieurement statué au
fond (Cass., 22 mai 1980, Pas., 1980, I, p. 1162).
290
Cass., 25 juin 1990, Pas., 1990, I, p. 1219.
291
La question de savoir si est définitif sur incident en ce qui concerne la recevabilité le jugement mixte qui
ordonne une mesure d’instruction après avoir déclaré recevable une action ou une demande en intervention
128 

- Les arrêts rendus par la Cour de cassation sur un pourvoi ont autorité de chose jugée quant
au fond uniquement en ce qui concerne le point de droit tranché par le pourvoi (art. 1110, al. 4, du
Code judiciaire. Pour le surplus, le juge de renvoi statue librement.

B. Parties de la décision définitive auxquelles s’attache l’autorité de la chose jugée

335. L'autorité de chose jugée ne s'attache qu'au dispositif du jugement ou de l’arrêt. Elle ne s'at-
tache pas aux motifs, sauf ceux qui sont inséparables du dispositif, qui constituent son soutien néces-
saire292 ainsi qu’aux motifs décisoires, c’est-à-dire ceux qui énoncent une décision du juge sur une
question litigieuse293.

336. La Cour de cassation ajoute que l'autorité de chose jugée s'attache non seulement à ce que le
jugement décide expressément mais aussi à tout ce qui constitue, fût-ce implicitement, le fondement
nécessaire de la décision294.
Toutefois, ainsi que le relève la doctrine, les présupposés logiques de la décision, qui n'ont pas fait
l'objet d'un débat ne possèdent pas l'autorité implicite de la chose jugée. Le principe dispositif et le
respect des droits de la défense s’opposent en effet à ce que les simples présupposés logiques d’un
jugement puissent avoir autorité de chose jugée alors que la question n’a pas été débattue entre les
plaideurs et n’a fait l’objet d’aucune contestation réelle, ni dans les conclusions, ni au cours de l’au-
dience295.
En d’autres termes, seule la chose effectivement contestée et débattue peut devenir la chose jugée.

dont la recevabilité n’était pas contestée et donc sans que la question ne soit motivée a été controversée. Dans
un arrêt du 6 décembre 1974 (Cass., 6 décembre 1974, Pas., 1975, I, p. 377), la Cour de cassation a décidé qu’une
telle décision n’était pas définitive sur incident en ce qui concerne la question de la recevabilité. La Cour suprême
est toutefois revenue sur sa jurisprudence dans un arrêt du 10 septembre 1981 (Cass., 10 septembre 1981,
R.C.J.B., 1984, p. 236, et la note critique de J. VAN COMPERNOLLE) décidant, au contraire, qu’un tel jugement est
définitif. Ainsi que le professeur van Compernolle l’a remarquablement démontré, le principe du contradictoire
s’oppose à une telle solution, la chose non contestée et non débattue ne peut se voir revêtir d’une quelconque
autorité. Par son arrêt du 15 février 1990 (Cass., 15 février 1990, Pas., 1990, I, p. 698), la Cour de cassation est
toutefois revenue à sa première jurisprudence confirmant que n’est pas, en matière civile, une décision défini-
tive sur incident, au sens de l’article 19 du Code judiciaire, celle qui déclare recevable une intervention dont la
recevabilité n’a pas été contestée.
292
Cass., 22 mars 1984, Pas., 1984, I, p. 857.
293
La Cour de cassation considère en effet que toute décision du juge sur une contestation est un dispositif,
quelle que soit la place de cette décision dans le texte du jugement ou de l’arrêt et quelle que soit la forme dans
laquelle elle est exprimée (Cass., 28 avril 1994, Pas., 1994, I, p. 418).
294
Cass., 24 décembre 1981, Pas., 1982, I, p. 557.
295
Voy. Cass., 15 février 1990, Pas., 1990, I, p. 698 décidant que n’est pas, en matière civile, une décision défini-
tive sur incident celle qui déclare recevable une intervention dont la recevabilité n’a pas été contestée.
Le jugement de la cause  129

§ 3. Autorité de chose jugée et exercice d'une voie de recours

337. Dans l'hypothèse où une voie de recours ordinaire est exercée contre un jugement ou tant
que celui-ci est susceptible d’opposition ou d’appel, l'article 26 du Code judiciaire prévoit que l'auto-
rité de la chose jugée subsiste aussi longtemps que la décision n'a pas été infirmée ou le délai de
recours expiré. Tant que la décision n’est pas passée en force de chose jugée, l’autorité de chose jugée
qui s’y attache est conditionnelle (condition résolutoire).

338. Si aucun des recours ordinaires n'est exercé dans le délai légal, ou si ces recours échouent, la
décision attaquée passe en force de chose jugée, sous réserve des exceptions prévues par la loi et sans
préjudice des effets des recours extraordinaires296 (article 28 du Code judiciaire). Dès ce moment, elle
possède sans réserve l'autorité de chose jugée et la force exécutoire.

339. Lorsque les délais des recours extraordinaires sont expirés ou lorsque ces recours ont échoué,
la décision devient irrévocable.

§ 4. Relativité de l'autorité de la chose jugée

A. Principe

340. L’autorité de la chose jugée, comme présomption irréfragable, est relative en ce sens qu’elle
ne peut être invoquée que par les parties à la cause297 (article 23 du Code judiciaire).
Toutefois, le jugement, par son existence même, modifie l’ordonnancement juridique et cette modi-
fication, objectivement, doit être reconnue et respectée par tous. Il s’agit non plus de l’autorité de
chose jugée mais de l’opposabilité du jugement298.

B. Effets des jugements à l’égard des tiers

341. Depuis son arrêt de principe du 20 avril 1966, la Cour de cassation a consacré, en termes gé-
néraux, l’opposabilité des jugements à l’égard des tiers299. La décision judiciaire revêtue de l’autorité
de chose jugée a une valeur légale ou une force probante à l’égard des tiers, comme présomption juris
tantum et sous réserve des voies de recours que la loi leur reconnaît, spécialement la tierce opposi-
tion300.

296
Voy. not. l’article 1274 du Code judiciaire en ce qui concerne le pourvoi en cassation en matière de divorce.
297
Cass., 16 octobre 1981, Pas., 1982, I, p. 240 ; Cass., 20 juin 1996, Pas., 1996, I, p. 667.
298
L’opposabilité ou force probante de la décision judiciaire à l’égard des tiers est parfois également qualifiée
d’effet obligatoire du jugement. Cette notion est cependant source de confusion dans la mesure où si la décision
est opposable aux tiers, elle ne peut créer d’obligations à leur charge.
299
Cass., 20 avril 1966, Pas., 1966, I, p. 1055 ; Cass., 24 janvier 1974, Pas., 1974, I, p. 544.
300
Cass., 16 octobre 1981, Pas., 1982, I, p. 245. Comp. avec Cass., 28 avril 1989, Pas., 1989, I, p. 915.
130 

La force probante du jugement se présente à l’égard des tiers sous la forme d’une présomption légale
réfragable. Les tiers sont liés par la force probante de la décision judiciaire sauf pour eux à faire la
preuve contraire par toutes voies de droit, spécialement en exerçant la tierce opposition qui ne revêt
cependant qu’un caractère facultatif (article 1124 du Code judiciaire).

342. La décision judiciaire n’a cependant qu’une force probante juris tantum à l’égard des tiers, qui
n’étaient pas parties à la cause, et ne peut engendrer - du moins directement - des obligations à leur
charge301.
Un parallèle éclairant peut être fait à cet égard entre l’opposabilité de la décision judiciaire et l’oppo-
sabilité du contrat qui sont toutes deux opposables à tous alors que les effets créateurs d’obligations
du jugement et du contrat sont limités aux parties.
A l’inverse, la Cour de cassation a récemment décidé que les tiers peuvent invoquer l’effet positif de
l’autorité de chose jugée en tant que présomption irréfragable à l’égard des parties au jugement302.

C. Exception

343. Certaines décisions ont une autorité absolue de chose jugée. Les tiers comme les parties doi-
vent s'incliner, la décision s'impose "erga omnes", sans que les tiers soient autorisés à rapporter la
preuve contraire. Ces décisions ont un effet juris et de jure à l’égard de tous.
Il s'agit notamment, en matière civile, des jugements constitutifs, modificatifs ou déclaratifs de l'état
des personnes303.

Section 4
Effet déclaratif et, parfois constitutif

344. Le jugement ne crée pas de droit nouveau : il reconnaît et confirme ce qui existe.
L'acte juridictionnel est donc déclaratif des droits des parties et, qu'il aboutisse à une condamnation
ou à un débouté, il s'impose aux plaideurs et a pour eux un effet obligatoire.
Comme nous l’avons exposé, cet effet s'étend aux tiers en ce sens que ces derniers ne peuvent mé-
connaître l'existence du jugement et son contenu. Cependant, n'ayant pas été parties à l'instance, les

301
Cass., 26 mars 1992, Pas., 1992, I, p. 677 ; Cass., 28 avril 1989, Pas., 1989, I, p. 914.
302
Cass., 26 novembre 2009, R.D.C., 2011, p. 119, et la note de H. BOULARBAH, « Vers l’extension de l’effet positif
de la chose jugée au profit d’un tiers à la décision de justice ? », pp. 122 et suiv.
303
Et ce, en raison de l’indivisibilité de l’état (Cass., 29 mars 1973, Pas., 1973, I, p. 725 et les conclusions de M.
le procureur général W. Ganshof van der Meersch). Le jugement qui se prononce sur la faculté dont dispose
l’épouse d’accepter la communauté dissoute par une séparation de corps et de biens, après la dissolution anté-
rieure de cette communauté ensuite de la transcription d’un jugement de divorce, ne statue pas sur l’état des
personnes (Cass., 20 juin 1996, Pas., 1996, I, p. 667).
Le jugement de la cause  131

tiers ont la possibilité si le jugement porte atteinte à leurs propres droits d'attaquer la décision par la
voie de la tierce opposition.
Acte déclaratif, le jugement est en principe rétroactif en ce sens que le magistrat statue en se plaçant
au jour de la citation lorsqu'il prononce.
Il est toutefois bien évident qu'en fait, le juge prendra aussi en considération les événements qui se
sont produits depuis l'acte introductif d'instance pour former son opinion.

345. Exceptionnellement, la décision de justice crée une situation juridique nouvelle: dans ce cas
le jugement est constitutif et, en principe, il n'a d'effet qu'au jour du prononcé. C'est le cas des juge-
ments qui prononcent le divorce, la séparation de corps, la séparation de biens, la faillite, l'interdic-
tion.
Toutefois, même le jugement constitutif peut, en vertu de dispositions particulières, voir tout ou par-
tie de ses effets rétroagir.

Section 5
Effet substantiel

346. De manière générale, le jugement a un effet substantiel en ce sens qu’il impose une solution
au litige. Cette efficacité substantielle, c’est-à-dire ce qui a été décidé par le juge et qui figure norma-
lement dans le dispositif du jugement, concrétise le droit subjectif. Il y a changement, novation de la
norme créant le droit en ce sens que s’opère un passage de la normativité abstraite (la loi) à la nor-
mativité concrète (le jugement).
Sous l’effet de la novation, ce n’est plus seulement la créance dont le demandeur poursuit le paiement
qui est prise en considération mais l’action née du jugement dont le demandeur poursuit l’exécution.
C’est pourquoi, « l’actio judicati » 304 ou action ayant pour objet l’exécution de la condamnation est sou-
mise à la prescription décennale (art. 2262bis C. civ. ; comp. art. 1128 C. jud.) et les courtes prescriptions
sont ainsi transformées en une prescription décennale (interversion de la prescription).

Section 6
Force exécutoire

347. En principe, un jugement est exécutoire dès qu'il est rendu.


Cela signifie qu'il sera mis en œuvre, si nécessaire avec le concours de la force publique.

304
« Conformément à l’article 2262bis, § 1er, alinéa 1er, du Code civil, toutes les actions personnelles sont pres-
crites par dix ans ; la demande en exécution d’une décision judiciaire, l’actio judicati, se prescrit, ainsi, par dix
ans quelle que soit la durée du délai de prescription de la créance qui est à la base de cette décision » (Cass., 18
février 2010, RG n° C.09.0237.N). Ex. Cass., 10 janvier 2008, Pas., 2008, p. 61 (« Lorsqu’une décision judiciaire
comporte l’obligation de payer le prix de vente, le vendeur peut exécuter cette condamnation au moyen d’une
« actio judicati », art. 1650 C. civ.).
132 

348. Sauf si la décision est exécutoire nonobstant tout recours, l'opposition ou l’appel de la partie
défaillante suspend le caractère exécutoire du jugement.
Dans certains cas particuliers, déterminés en fonction de la nature de la condamnation, le délai de
recours est à lui seul suspensif du caractère exécutoire :
- Le délai d’appel ou d’opposition est suspensif lorsque le jugement ordonne ou impose à un
tiers une mainlevée, une radiation hypothécaire, un paiement ou une prestation quelconque (article
1388, alinéa 1er, du Code judiciaire) ;
- Le délai d’opposition ou d’appel est suspensif lorsque le jugement porte une condamnation à
une somme d'argent et qu’il est encore susceptible d'opposition ou d'appel par une partie défaillante
(article 1495, alinéa 2, du Code judiciaire), sous réserve du droit de pratiquer une saisie conservatoire
(article 1414 du Code judiciaire).
Dans ces deux cas, le jugement ne pourra être exécuté qu'après l'expiration du délai pour introduire
le recours dont question (un mois à dater de la signification du jugement) et sous réserve que ce re-
cours n’ait pas été introduit.

349. Dans certains cas, le jugement ne peut jamais être revêtu de l'exécution provisoire. Il en est
ainsi en matière d’état des personnes et des litiges familiaux visés à l’article 1399 du Code judiciaire.

350. Le jugement passé en force de chose jugée (c’est-à-dire, pour rappel, qui n’est plus susceptible
de voies de recours ordinaires) est toujours doté de la force exécutoire.
Ce sont les procédures d'exécution forcée qui permettent concrètement de mettre en oeuvre les
droits résultant du jugement.
La formule exécutoire est délivrée au nom du Roi, conformément à l'article 40 de la Constitution.
Les documents d'où résulte la force exécutoire consistent en une copie authentique du jugement,
délivrée par le greffier qui la signe, et qui lui adjoint la formule prévue par l'article 1386 du Code judi-
ciaire. L'ensemble de ce document se nomme « expédition » et autorise les actes d'exécution sur les
biens conformément à ce que nous examinerons dans la cinquième partie de ce cours.
Le jugement de la cause  133

CHAPITRE V
LES FRAIS ET DEPENS

Section 1
Généralités

351. Aux termes de l'article 1017 du Code judiciaire, tout jugement définitif prononce, même d'of-
fice, la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé, à moins que des lois particulières
n'en disposent autrement et sans préjudice de l'accord des parties que, le cas échéant, le jugement
décrète.
Les frais, en ce compris l’indemnité de procédure, qui auraient été exposés inutilement par la faute
d’une partie sont par ailleurs mis à sa charge par le juge, même d’office.

352. Les conditions d'application de cette disposition sont les suivantes :


1°. Il faut que l'une des parties ait succombé, donc que la décision lui ait donné tort.
Il n'y a d'exception que lorsque les dépens sont frustratoires, c'est-à-dire qu'ils ont été exposés en vain
ou à la suite d'une négligence, auquel cas c'est la partie responsable qui les supportera, même si l'autre
a succombé. Si aucune des parties ne perd ou ne gagne totalement son procès, les dépens peuvent
être partagés dans une proportion que fixe le juge.
Lorsque plusieurs parties succombent, la condamnation aux dépens se divise de plein droit par tête,
à moins que le jugement n'en ait disposé autrement. Cette condamnation est solidaire si la condam-
nation principale emporte elle-même solidarité.
2°. La condamnation aux dépens n'est afférente qu'au jugement définitif. Dès lors, les décisions
qui prononcent les mesures d'instruction réservent en général les dépens, pour qu'ils soient mis à
charge de la partie qui succombera au principal.
La décision de référé, quoiqu'il s'agisse d'une décision provisoire au sens de l'article 1039 du Code
judiciaire, n'en reste pas moins une décision définitive au sens juridictionnel (c'est à dire qu'elle vide
la saisine du juge des référés qui ne peut revenir dessus, sauf changement de circonstances). Le juge
des référés peut dès lors condamner la partie succombante aux dépens de la procédure.
3°. Dans certains cas, la loi prévoit elle-même une répartition d'office des dépens, par exemple
en matière de divorce pour cause de désunion irrémédiable (article 1258 du Code judiciaire) ou dans
les matières de sécurité sociale ou d'aide sociale (article 1017, alinéa 2, Code judiciaire).
4°. Lorsqu’aucune des parties n’obtient totalement gain de cause, ainsi que dans les litiges oppo-
sant des conjoints, cohabitants légaux ou de fait, ascendants, frères et sœurs ou alliés au même degré,
le juge peut compenser les dépens entre les parties (art. 1017, alinéa 3, Code judiciaire). Il y a trois
manières de compenser les dépens : le juge décide que les parties ne se devront rien l’une à l’autre ;
le juge condamne chaque partie aux dépens de l’autre ; le juge réunit en une seule masse les dépens
et les fait supporter par les parties dans une proportion déterminée (compensation proportionnelle).
134 

5°. La loi du 25 décembre 2016, dite « Loi pot-pourri IV », a inséré dans le Code judiciaire la pos-
sibilité de condamner la partie qui a causé des frais de procédure inutiles (en ce compris l’indemnité
de procédure) à les supporter et ce, même si cette dernière a gagné le procès. Pour ce faire, le juge,
statuant même d’office, doit retenir l’existence d’une faute (article 1017, alinéa 1er du Code judiciaire).
Le juge devra donc décider que la partie visée n’a pas agi comme l’aurait fait une personne normale-
ment prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances. Tel sera par exemple le cas lorsque
le demandeur, ayant le choix entre deux modes introductifs d’instance (par exemple, en matière lo-
cative : la citation et la requête contradictoire), opte pour le plus onéreux sans raison objective305.

Section 2
Enumération des dépens

353. Les dépens comprennent selon l'article 1018 du Code judiciaire :


- les droits de timbre, de greffe et d'enregistrement;
- les émoluments et salaires des auteurs des actes judiciaires (essentiellement les huissiers);
- le coût de l'expédition du jugement;
- les frais de toutes les mesures d'instruction, notamment la taxe des témoins et des experts ou
la copie d'un dossier répressif;
- les frais de déplacement ou de séjour des magistrats, des greffiers et des parties lorsque le
déplacement a été ordonné par le juge;
- les frais d'actes lorsqu'ils ont été faits dans la seule vue du procès, par exemple le coût de la
procédure sur requête pour obtenir l'abréviation du délai de citation;
- les sommes prévues dans l'article 1022 du Code judiciaire ou indemnités de procédure;
- les frais et honoraires du médiateur;
- les frais d'exécution prévus par l'article 1024 du Code judiciaire ;
- La contribution au fond budgétaire relatif à l’aide juridique de deuxième ligne.

354. Ne font pas partie des dépens :


- ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, les frais frustratoires;
- les honoraires du conseil technique (qui assiste la partie dans une expertise);
- les frais afférents aux mémoires et consultations.

305
Notez que le choix, par le demandeur, de la procédure judiciaire en lieu et place d’une procédure extrajudi-
caire qui pourrait également être mise en œuvre dans le cas d’espèce, n’est pas en soi fautif (Cass., 12 octobre
2017, J.T., 2018, pp. 207-208 ; H. BOULARBAH, C. HAUWEN, « Actualités en matière de frais et dépens : questions
choisies », in H. BOULARBAH, J.-Fr. VAN DROOGHENBROECK (DIR.), Actualités en Droit judiciaire : un peu de tout après
six Pot-pourris, CUP, vol. 183, Liège, Anthémis, 2018, pp. 323-324.
Le jugement de la cause  135

Corollaire de l'article 1022 du Code judiciaire, l'article 1023 du Code judiciaire prohibe toute clause
conventionnelle portant augmentation de la créance en raison de sa réclamation en justice. Il est
d'ordre public. Il faut toutefois signaler que l’article 6 de la loi du 2 août 2002 concernant la lutte
contre le retard de paiement dans les transactions commerciales autorise le créancier à réclamer au
débiteur un dédommagement raisonnable pour tous les frais de recouvrement pertinents encourus
par suite du retard de paiement.

Section 3
L’indemnité de procédure

§ 1. Principes

355. La partie qui obtient gain de cause a droit à une intervention forfaitaire dans les honoraires et
frais de son avocat (art. 1022, alinéa 1er, C. jud.). Cette intervention est constituée par l’indemnité de
procédure dont les montants sont fixés par le Roi (art. 1022, alinéa 2, C. jud.).
La partie non assistée d’un avocat (parce qu’elle se défend seule ou avec l’aide d’un délégué syndical
ou qu’elle comparaît par l’intermédiaire d’un fonctionnaire ou encore d’un mandataire de justice non
représenté lui-même par un avocat) ne peut donc prétendre à cette indemnité.
La partie qui obtient gain de cause ne peut obtenir qu’une indemnité de procédure même si elle est
défendue par plusieurs avocats.

356. La partie qui obtient gain de cause ne peut réclamer d’indemnité de procédure qu’à la par-
tie qui succombe et si elles sont liées par un lien d’instance, en ce sens qu’une action a été introduite
entre elles tendant à la condamnation de l’une à l’égard de l’autre. À cet égard, la Cour de cassation
précise que « le simple dépôt de conclusions entre les parties sans que l’une réclame quelque chose à
l’autre ne fait pas naître effectivement une relation procédurale justifiant une condamnation au paie-
ment d’une indemnité de procédure par l’une des parties à l’autre. Il n’y est pas dérogé du fait que,
nonobstant le défaut de relation procédurale effective, une condamnation aux dépens est réclamée à
tort. […] »306.

357. L’indemnité de procédure est la seule indemnité à laquelle la partie qui obtient gain de cause
peut prétendre au titre de l’intervention d’un avocat (art. 1022, alinéa 6, C. jud.).

358. Elle a donc un caractère à la fois exclusif et limitatif.


La partie qui obtient gain de cause peut toujours réclamer, conformément aux principes dégagés par
la jurisprudence de la Cour de cassation, une indemnité destinée à couvrir ses autres frais de défense
et notamment l’intervention éventuelle d’un conseil technique ou médical.

306
Cass., 12 février 2018, P. & B./R.D.J.P., 2018/2, p. 68. Voy. également : Cass., 30 juin 2016, R.G. no C.15.0482.N
; Liège, 4 juin 2015, D.A.O.R., 2016, liv. 118, p. 77.
136 

§ 2. Le montant de l’indemnité de procédure

359. Les montants de base, minima et maxima de l’indemnité de procédure sont fixés par l’arrêté
royal du 26 octobre 2007 auquel il est renvoyé307. Trois hypothèses principales doivent être distin-
guées.

360. Les montants de l’indemnité de procédure pour les actions portant sur des demandes éva-
luables en argent dépendent de la valeur de la demande.
Celle-ci est calculée, comme pour la détermination de la compétence matérielle, conformément aux
articles 557 à 562 et 618 du Code judiciaire. Toutefois, par dérogation à l’article 561 du Code judiciaire,
lorsque le litige porte sur le titre d’une pension alimentaire, le montant est calculé en fonction du
montant de l’annuité ou de douze échéances mensuelles.
On prend donc en considération la somme demandée dans l’acte introductif d’instance en principal
et les intérêts déjà échus au jour de la citation (art. 557 C. jud.) et, le cas échéant si elle a été modifiée
en cours d’instance, celle réclamée dans les dernières conclusions (art. 618 C. jud.) et non la somme
finalement allouée par le juge308.
S’il y a plusieurs chefs de demande, on les cumule (art. 558 C. jud.).
Lorsqu’un chef de demande est évaluable en argent et un autre ne l’est pas (infra, n°356) il y a lieu
d’allouer l’indemnité la plus élevée.
Le montant de l’indemnité de procédure est fixé en fonction du montant de la demande principale et
non de l’éventuelle demande reconventionnelle qui ne donne pas droit à une indemnité distincte.
En appel, l’indemnité est calculée sur la base du montant réclamé dans l’acte d’appel ou, le cas
échéant, dans les dernières conclusions si le montant a été modifié en cours d’instance.
Pour les procédures mentionnées aux articles 579 et 1017, alinéa 2, du Code judiciaire (soit en matière
d’accidents du travail et de contentieux de la sécurité sociale dans lesquels les dépens sont toujours
mis à charge de l’organisme concerné), l’indemnité de procédure est fixée à des montants spécifiques.

361. Lorsque l’action porte sur une demande non évaluable en argent, le montant de base de l’in-
demnité est de 1.680 €, le montant minimum de 105 € et le montant maximum de 14.000 €.

362. A la demande d'une des parties, éventuellement formulée sur son interpellation, le juge peut
par une décision spécialement motivée réduire ou augmenter le montant de l'indemnité de base sans

307
Une nouvelle indexation des indemnités de procédure est intervenue le 1er avril 2022, conformément à l’ar-
ticle 8 de l’arrêté royal du 26 octobre 2007.
308
Voy. cependant Cass., 10 février 2022, RG C.21.0216.N, C.21.0252.N : « Bien que l’indemnité de procédure
doive en principe être calculée sur la base du montant demandé et non sur la base du montant octroyé à la
partie ayant obtenu gain de cause, le juge peut néanmoins calculer l’indemnité de procédure sur la base du
montant octroyé plutôt que sur la base du montant demandé, lorsque le montant demandé résulte soit d’une
surévaluation manifeste qu’un justiciable normalement prudent et diligent n’aurait pas faite, soit d’une aug-
mentation réalisée de mauvaise foi dans le seul but de porter artificiellement le montant de la demande à une
tranche supérieure de l’indemnité de procédure, sans y être obligé » (somm.).
Le jugement de la cause  137

toutefois pouvoir dépasser les minima et maxima fixés par le Roi (art. 1022, alinéa 3, C. jud.). Le juge
choisit librement toute somme entre ces montants.
Il tient compte dans son appréciation de quatre critères énoncés par l’article 1022 du Code judiciaire :
- le juge peut réduire l’indemnité en raison soit de la capacité financière de la partie succom-
bante, soit des indemnités contractuelles convenues pour la partie qui obtient gain de cause.
- le juge peut réduire ou augmenter l’indemnité en raison de la complexité de l’affaire ou du
caractère manifestement déraisonnable de la situation.

§ 3. Cas particuliers

363. L’article 1022 du Code judiciaire prévoit un certain nombre de cas particuliers où l’indemnité
fait l’objet d’une réduction, souvent à son montant minimum. Tel est notamment le cas dans l’hypo-
thèse d’une procédure par défaut ou lorsque la partie qui succombe bénéficie de l’aide juridique.

§ 4. Pluralité de parties succombantes ou gagnantes

364. Lorsque plusieurs parties obtiennent gain de cause contre une seule, si ces parties ont cha-
cune un avocat distinct, l’indemnité de procédure est, par lien d’instance, au maximum le double de
l'indemnité de procédure maximale à laquelle peut prétendre le bénéficiaire fondé à réclamer l'indem-
nité la plus élevée. Elle est répartie entre les parties par le juge (art. 1022, alinéa 5, C. jud.).
Dans l’hypothèse où plusieurs parties succombent à l’égard d’une seule, sauf décision contraire, la
condamnation à l’indemnité de procédure se divise de plein droit par tête. La condamnation au paie-
ment de l’indemnité de procédure est solidaire lorsque la condamnation principale elle-même em-
porte solidarité (art. 1020 C. jud.).

365. Lorsque chacune des parties succombe partiellement, conformément à l’article 1017, alinéa
4, du Code judiciaire, le juge peut compenser les dépens.

Section 4 Liquidation des dépens

366. L'article 1021 du Code judiciaire dispose que les parties peuvent déposer un relevé détaillé de
leurs dépens respectifs y compris les indemnités de débours et de procédure prévues à l'article 1022
du Code judiciaire. Le jugement contient la liquidation de ces dépens.
Lorsque les dépens n'ont pas été liquidés dans le jugement ou ne l'ont été que partiellement − en
général à la suite de la négligence de la partie qui n'a pas déposé son relevé − ceux sur lesquels il n'a
pas été statué sont réputés réservés. En ce cas, la liquidation a lieu, à la demande de la partie la plus
diligente, par le juge qui a statué, pour autant que sa décision n'ait pas été entreprise ; la procédure
est reprise et poursuivie conformément aux articles 750 et suivants du Code judiciaire, c'est-à-dire de
manière contradictoire.
138 

367. L'article 1024 du Code judiciaire spécifie que les frais d'exécution incombent à la partie contre
laquelle l'exécution est poursuivie.
Les voies de recours  139

TITRE VIII
LES VOIES DE RECOURS

CHAPITRE I
Dispositions générales

Section 1
Définitions

368. Les voies de recours sont les procédures que la loi ouvre aux parties ou aux tiers en vue d'ob-
tenir une nouvelle décision dans un litige déjà jugé. En vertu de l’article 20 du code judiciaire, « les
voies de nullité n’ont pas lieu contre les jugements. Ceux-ci ne peuvent être anéantis que sur les recours
ou, le cas échéant, rectifiés sur les procédures prévues par la loi ». La voie de recours est donc la mise
en œuvre du droit de critique, légalement prévu contre une décision.
Partant, lorsqu’aucun recours n’est exercé, la décision irrégulière ou erronée passe en force de chose
jugée, malgré le vice dont elle est atteinte : elle devient irrévocable et exécutoire, même si elle com-
porte la violation d’une règle d’ordre public. Qu'il y ait mal jugé ou nullité pour vice de forme ou in-
compétence, les jugements ne peuvent être anéantis que par la mise en œuvre des voies de recours
prévues par la loi309.

369. Il existe deux grandes catégories de voies de recours (article 21 du Code judiciaire) :
- les voies de recours ordinaires qui, en principe, sont toujours ouvertes aux parties. Il s'agit de
l'appel et de l'opposition. L’opposition ou l’appel de la partie défaillante a un effet suspensif de l’exé-
cution (article 1397, alinéa 2 du Code judiciaire). Il en était de même pour l’appel (interjeté par n’im-
porte quelle partie) jusqu’à ce que la loi du 19 octobre 2015 (loi Pot-pourri I) supprime son effet sus-
pensif ;
- les voies de recours extraordinaires qui ne peuvent être mises en œuvre que pour les causes
déterminées par la loi et qui n'ont des effets suspensifs que dans les cas prévus par elle ; il s'agit du
pourvoi en cassation, de la tierce opposition, de la requête civile, de la prise à partie et de la rétracta-
tion d’une décision passée en force de chose jugée rendue par une juridiction civile fondée sur une
disposition annulée par la Cour constitutionnelle.

309
En ce qui concerne la rectification d’une erreur manifeste de calcul, matérielle ou d’une lacune manifeste,
voyer supra Titre VII, chapitre III.
140 

Section 2
Délais

370. L'exercice des voies de recours est toujours soumis à un délai, calculé en application des ar-
ticles 52 à 54 du Code judiciaire, et prescrit à peine de déchéance.

§ 1. Calcul des délais

371. Le calcul des délais s’opère conformément aux articles 52 et suivants du Code judiciaire.
a) Le délai se compte de minuit à minuit. Il est calculé depuis le lendemain du jour de l’acte
ou de l’événement qui y donne cours (dies a quo). Il comprend tous les jours, y compris les samedi,
dimanche et jours fériés légaux (article 52 du Code judiciaire).
b) A moins que la loi en ait disposé autrement, le délai d’opposition, d’appel et de pourvoi en
cassation court à partir de la signification de la décision (article 57 du Code judiciaire). L’événement
qui « donne cours » au délai est en effet le plus souvent la signification d’un acte.
Lorsque la loi le prévoit ou lorsque la dérogation se déduit des dispositions légales applicables à la
procédure en cause310, le délai prend cependant cours lors de la notification de cet acte. Dans ce der-
nier cas, l’article 53bis du Code judiciaire prévoit qu’à l’égard du destinataire, et sauf si la loi en dispose
autrement, les délais qui commencent à courir à partir d’une notification, sont calculés depuis :
1°. lorsque la notification est effectuée par pli judiciaire ou par courrier recommandé avec accusé
de réception, le premier jour qui suit celui où le pli a été présenté au domicile du destinataire, ou, le
cas échéant, à sa résidence ou à son domicile élu ;
2°. lorsque la notification est effectuée par pli recommandé ou par pli simple, depuis le troisième
jour ouvrable qui suit celui où le pli a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du
destinataire.
c) Le jour de l’échéance (dies ad quem) est compris dans le délai311. Toutefois, lorsque ce jour
est un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, le jour de l’échéance est reporté au plus prochain
jour ouvrable (article 53 du Code judiciaire).

310
Dans son arrêt du 29 janvier 2016, la Cour de cassation a consacré le prinicipe selon lequel « dès lors qu'une
dérogation à l'article 57 du Code judiciaire ne résulte pas d'une disposition expresse, la notification par pli judi-
ciaire n'a pour effet de faire courir le délai de recours que pour autant qu'elle mentionne les possibilités de
recours et leurs délais » (Cass. (1ère ch.), 29 janvier 2016, C. 14.0006.F, Juridat).
311
En ce qui concerne le délai de citation, qui est un délai d’attente, la Cour de cassation a précisé qu’il s’agit
d’un délai franc en sorte que l’audience d’introduction ne peut avoir lieu, au plus tôt, que le lendemain de l’ex-
piration du délai (Cass., 3 décembre 1979, Pas., 1980, I, p. 408). En effet, lorsqu’une disposition de procédure
impose un délai d’attente, celui-ci doit être respecté dans la totalité de sa durée, en ce compris son dernier jour.
Les voies de recours  141

d) Le délai établi en mois ou en année se compte de quantième à veille de quantième (article


54 du Code judiciaire)312.

§ 2. Adaptations des délais

372. Certaines dispositions légales prévoient des adaptations des délais.


a) En vertu de l’article 55 du Code judiciaire, les délais qui sont impartis à la partie qui n’a ni
domicile, ni résidence, ni domicile élu en Belgique peuvent être augmentés, dans les conditions pré-
vues à cet article, lorsque la loi le prévoit expressément. Cette extension est notamment prévue pour
les délais d’opposition, d’appel et de pourvoi en cassation, ainsi que pour les délais de citation et de
comparution devant le juge d’appel (articles 57, 709 et 1062 du Code judiciaire).
b) Le décès de la partie, après la signification d’une décision, suspend le cours du délai qui lui
était imparti pour faire opposition, interjeter appel ou se pourvoir en cassation conformément aux
modalités énoncées à l’article 56 du Code judiciaire.
c) Les délais d’appel et d’opposition prévus aux articles 1048, 1051 et 1253quater du Code
judiciaire qui prennent cours et qui s’achèvent durant les vacances judiciaires (entre le 1e juillet et le
31 août) sont prorogés jusqu’au quinzième jour de l’année judiciaire nouvelle (article 50, alinéa 2, du
Code judiciaire).

§ 3. Nature et sanction des délais de recours

373. L’article 860, alinéa 2, du Code judiciaire dispose que tous les délais prévus pour former un
recours sont prescrits à peine de déchéance.
La sanction de l’inobservation d’un délai prescrit à peine de déchéance est automatique. La déchéance
doit être prononcée même si le non-respect du délai n’a causé aucun grief à la partie adverse (article
865 du Code judiciaire). En outre, la sanction doit être soulevée et prononcée même d’office par le
juge.
Les délais prescrits à peine de déchéance pour former un recours ne sont susceptibles d’aucune cou-
verture (article 50, alinéa 2 du Code judiciaire). Leur inobservation peut être invoquée en tout état de
cause et même pour la première fois devant la Cour de cassation (article 865 du Code judiciaire).

312
On précise que le délai établi en mois se calcule en faisant abstraction de la longueur réelle de ceux-ci et que
dès lors, lorsque, dans un délai déterminé par mois, le premier jour du délai est le dernier d’un mois et que le
dernier mois du délai n’a pas de quantième correspondant, le dernier jour de ce mois est le dernier jour utile
(Cass., 4 septembre 1995, Pas., 1995, I, p. 766).
142 

Le juge peut cependant faire échapper une des parties de la déchéance découlant du non-respect d’un
délai pour former un recours si celle-ci démontre que, par suite d’un cas de force majeure, elle s’est
trouvée dans l’impossibilité totale et absolue d’agir avant l’échéance du délai313. Dans ce cas, le délai
de recours ne prend cours qu’à dater du jour où la force majeure a cessé d’exister. La notion de force
majeure doit recevoir une interprétation restrictive. L’événement doit avoir été imprévisible, insur-
montable et indépendant de la volonté de la partie concernée, c’est-à-dire que celle-ci n’a pu le pré-
voir, ni le surmonter. Par conséquent, la faute ou la négligence d’un mandataire ad litem ou d’un
officier ministériel ne constitue pas un cas de force majeure314.
Si cette règle sévère demeure applicable à l’avocat, il n’en va pas de même pour l’huissier315 ou le
greffier qui agissent en qualité d’organe de l’Etat.

Section 3
Décisions susceptibles de recours

374. En règle générale, toutes les décisions sont susceptibles de recours ordinaires.
La loi prévoit toutefois expressément diverses exceptions.

§ 1. L'accord des parties

375. Selon l'article 1043 du Code judiciaire, les parties peuvent demander au juge d'acter l'accord
qu'elles ont conclu sur la solution d'un litige dont il est régulièrement saisi.

313
Cass., 4 avril 1955, Pas., 1955, I, p. 870.
314
Cass., 24 janvier 1974, Pas., 1974, I, p. 553, obs. W.G. ; Cass., 8 septembre 1993, Pas., 1994, I, p. 663. Adde,
J.-F. VAN DROOGHENBROECK, « Faute d’un huissier et force majeure », obs. sous Pol. Nivelles, 29 mai 1996, R.G.A.R.,
1998, n° 12.954.
315
Voy. pour l’huissier de justice Cass., 9 novembre 2011, J.T., 2011, 773 et concl. D. VANDEMEERSCH. Il s’agit d’un
revirement de jurisprudence (voy. ainsi Cass., 27 avril 2010, Pas., 2010, p. 1286) dans le prolongement de CEDH,
11 janvier 2001, Platakou c. Grèce ; CEDH, 22 juillet 2010, Melis c. Grèce. Il faut cependant que l’huissier agisse
dans le cadre de son monopole légal (Cass., 21 décembre 2012, Pas., 2012, p. 2584 ; J.T., 2014, p. 116 et obs. J.-
Fr. GERMAIN, « La faute du mandataire en cas de représentation obligatoire : un cas de force majeure ? ». Voy.
Cass. (1re ch.), 8 février 2019, RG C.18.0048.N : « Le délai pour se pourvoir en cassation est un délai de forclusion
d'ordre public, de sorte que le pourvoi en cassation introduit après l'expiration de ce délai n'est pas recevable,
à moins que le retard ne résulte d'une circonstance indépendante de la volonté du demandeur qu'il ne pouvait
ni prévoir, ni conjurer. Le monopole que la loi octroie aux huissiers de justice, ainsi que les restrictions dans le
choix de l'huissier instrumentant découlant des règles de compétence territoriale impliquent toutefois que la
faute ou la négligence de cet officier ministériel peut être considérée comme un cas de force majeure pour le
donneur d'ordre à l'égard de tiers. Par conséquent, le délai légal pour introduire un pourvoi en cassation peut
être prolongé de la durée pendant laquelle il était totalement impossible pour le demandeur d'introduire ce
pourvoi » (somm.).
Les voies de recours  143

Ce jugement n'est susceptible d'aucun recours de la part des parties, à moins que l'accord n'ait point
été légalement formé (par exemple, vice du consentement, ou contrariété à l’ordre public) ou lorsque
le juge modifie de sa propre initiative l’accord conclu devant lui entre les parties316.
Dans ce dernier cas, l'appel est ouvert aux parties en tant que voie de nullité.

§ 2. L'acquiescement

A. Définition

376. L'acquiescement à une décision est la renonciation par une partie à l'exercice des voies de
recours dont elle pourrait user ou qu'elle a déjà formées contre toutes ou certaines des dispositions
de cette décision (article 1044, alinéa 1er, du Code judiciaire).

B. Formes

377. L'acquiescement peut être exprès ou tacite, mais en toute hypothèse, conformément au droit
commun, l'adhésion à la décision rendue doit être certaine et non équivoque (article 1045 du Code
judiciaire).
Il y a acquiescement exprès lorsque la partie déclare accepter le jugement ; il y a acquiescement tacite
lorsqu'elle accomplit des actes ou des faits précis et concordants dont se déduit l'intention certaine
qu'elle a d'adhéré à la décision. La volonté d'acquiescer doit être strictement appréciée car les renon-
ciations ne se présument pas317.

378. L'acquiescement exprès résulte d'un acte signé par la partie ou son mandataire nanti d'un
pouvoir spécial.
L'acquiescement tacite n'est quant à lui soumis à aucune forme particulière, ce qui importe, c'est le
caractère certain de la renonciation.
Ainsi, par exemple, en matière civile, l'exécution même spontanée par la partie condamnée d'une
décision judiciaire n'implique pas acquiescement à celle-ci s'il n'apparaît pas qu'elle a adhéré d'une
manière certaine à cette décision. Si la décision est exécutoire de plein droit, le fait de l'exécuter,
même sans réserve, ne vaut pas acquiescement.

316
Cass., 9 septembre 2013, C.13.0066.N.
317
Cass. (1re ch.), 24 décembre 2021, RG C.19.0566.F.
144 

C. Conditions

379. L'acquiescement emporte renonciation au droit lui-même et ne peut pas être confondu avec
le désistement de l’instance d’appel qui n’implique pas nécessairement que la partie a l’intention cer-
taine de donner son adhésion à la décision.
C'est un acte juridique unilatéral qui ne doit pas être accepté par la partie adverse.
L'acquiescement peut être pur et simple ou conditionnel, auquel cas il ne sortira d'effet que si la con-
dition est acceptée par la partie adverse.
L'acquiescement n'est, en principe, valable que dans les matières qui ne touchent pas à l'ordre public
et c'est pourquoi l'on ne peut acquiescer au jugement qui prononce un divorce, qui statue sur une
question relative à l'état des personnes, qui déclare une faillite ou qui statue sur une question de
compétence matérielle d'ordre public.

§ 3. Mesures d’ordre intérieur ou relatives au déroulement de l’instance

380. Ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel :


- les décisions ou mesures d'ordre, qui ne constituent pas des actes juridictionnels (fixation,
remise, omission du rôle, radiation, le renvoi préjudiciel, etc.) (article 1046 C. jud.) sauf si elles infligent
un grief immédiat à l’une des parties318;
- la décision par laquelle le juge décide si l'affaire sera ou non traitée en débats succincts (article
735 du Code judiciaire);
- les décisions prises en application des articles 747, §2 et 748, §2, du Code judiciaire par les-
quelles le juge fixe des délais pour conclure.

§ 4. Les jugements ordonnant des mesures avant dire droit

381. En vertu du nouvel article 1050, al. 2 du Code judiciaire, modifié par la loi du 19 octobre 2015
(loi Pot-pourri I), un jugement avant dire droit « pur » (voy. supra, n°297) n’est susceptible d’appel
qu’avec le jugement définitif, sauf si le juge, d’office ou à la demande d’une partie, en décide autre-
ment.
Par un arrêt qui a suscité la controverse, la première chambre francophone de la Cour de cassation
avait jugé qu’un droit de recours immédiat pouvait toutefois exister lorsque la mesure d’instruction
était assortie d’une astreinte et dans la mesure où cette condamnation accessoire était critiquée par
le recours319. Cette solution a ensuite été contredite par la première chambre néerlandophone de la
Cour de cassation dans un arrêt du 12 février 2021.

318
Cass., 25 juin 1973, Pas., 1973, I, p. 997.
319
Cass. (1ère ch. F.), 3 décembre 2020, J.T., 2020, p. 97.
Les voies de recours  145

Par cet arrêt, la Cour de cassation, opérant un revirement de jurisprudence, juge désormais que le
juge qui ordonne une mesure préalable sur pied de l’article 19, alinéa 3, du Code judiciaire pour ins-
tuire la demande, ou régler un incident portant sur une telle mesure, rend un jugement avant dire
droit, même s’il tranche définitivement une contestation concernant la mesure préalable à adopter,
qui n’est pas susceptible d’appel immédiat. La Cour en tire pour conséquence qu’un « appel ne peut
être formé qu’avec l’appel contre le jugement définitif contre une décision d’infliger, accessoirement
à une décision avant dire droit, une astreinte qui est contestée »320.

La Cour de cassation a confirmé cette jurisprudence dans un arrêt en chambres réunies du 11 juin
2021321.

382. Par ailleurs, certains jugements ordonnant des mesures d’instruction ne sont pas susceptibles
d’appel ou d’opposition. Il en va ainsi des jugements ordonnant la comparution personnelle des par-
ties, ceux ordonnant une production de document (article 880 du Code judiciaire)322 et ceux ordon-
nant une descente sur les lieux (article 1008 du Code judiciaire).
En ce qui concerne ces jugements, en effet, le principe est qu'ils ne peuvent causer aucun préjudice.
Seule l'opposition est exclue contre le jugement qui a ordonné ou autorisé une enquête (article 919
du Code judiciaire).

§ 5. L’interprétation, la rectification ou la réparation d’une décision

383. La loi du 25 mai 2018 visant à réduire et redistribuer la charge de travail au sein de l'ordre
judiciaire (dite Pot-pourri VI), a modifié l’article 797 du Code judiciaire lequel prévoit désormais qu’une
voie de recours ne peut tendre exclusivement à l'interprétation, la rectification ou la réparation d’une
omission de statuer sur un chef de demande. Pour ce faire, le Code judiciaire prévoit des procédures
spécifiques323 qui doivent donc être exclusivement utilisées.

320
Cass., (1e ch.), 12 février 2021, J.T., 2021/9, p. 182.
321
Cass. (aud. plén.) (1re ch.), 11 juin 2021, RG C.17.0412.N.
322
Ce texte ne distingue pas selon que le jugement statue sur une telle demande à titre principal ou à titre
incident (Cass., 11 septembre 2014, J.T., 2015, p. 239 et obs. M. BAETENS-SPETSCHINSKY, « Appel ou pourvoi contre
une décision ordonnant « à titre principal » une production de documents »).
323
Voy. supra, le chapitre III du titre VII.
146 

CHAPITRE II
L'OPPOSITION

Section 1
Définition

384. Voie de rétractation, l’opposition est le recours accordé à la partie défaillante en vue de faire
rétracter le jugement par défaut prononcé contre elle. Il s’agit du recours du juge mal informé au juge
bien informé ; il relève de la compétence exclusive de la juridiction qui a statué par défaut mais ce
n’est pas nécessairement le même juge qui connaît du recours.
Il s’agit d’une faculté pour la partie condamnée par défaut ; un jugement rendu par défaut est égale-
ment directement susceptible d’appel (sous la réserve des règles en matière de taux de ressort, art.
617) mais le cumul des recours est, en règle, interdit.

Section 2
Décisions susceptibles d’opposition

385. En vertu de l’article 1047, alinéa 1er, tel que modifié par la loi pot-pourri V, du 6 juillet 2017,
« tout jugement par défaut rendu en dernier ressort peut être frappé d’opposition, sauf les exceptions
prévues par la loi »324.
Désormais, l’opposition est donc seulement ouverte à l’encontre des jugements rendus par défaut
qui ne sont pas susceptibles d’appel (article 617 du Code judiciaire)325. Logiquement, l’opposition est
recevable quelle que soit la valeur du litige, l’article 617 du Code judiciaire ne concernant que l’ap-
pel.

386. Les lois des 3 août 1992, 26 avril 2007 et 6 juillet 2017 ont cependant réduit les cas de procé-
dure par défaut. La procédure est à présent considérée comme étant contradictoire à l'égard d'une
partie dès qu'elle a conclu (article 804, alinéa 2, du Code judiciaire). Le défaut de comparaître n'em-
pêchera donc plus l'autre partie d'obtenir un jugement contradictoire. Par ailleurs, dans tous les cas
où il aura été recouru à une mise en état amiable (article 747, §1er) ou judiciaire (article 747, §2 ou
748, §2), ce qui est aujourd’hui en principe la règle (supra, n°104 et s.), la procédure sera contradic-
toire, même si une des parties ne conclut pas et ne comparaît pas.

324
Le nouvel article 1047 du Code judiciaire est entré en vigueur le 3 août 2017 et s’applique donc aux jugements
prononcés à partir de cette date.
325
« La prohibition du cumul de l’opposition et de l’appel n’empêche pas l’exercice simultané, à l’initiative de la
même partie, de deux recours ordinaires pour autant que le second ait un caractère conservatoire et qu’il ne
soit introduit qu’à titre subsidiaire pour le cas où le premier serait déclaré irrecevable. En ce cas, le recours
formalisé à titre conservatoire et subsidiaire est renvoyé au rôle dans l’attente que le juge saisi à titre principal
ait vidé sa saisine » (G. DE LEVAL, « Les voies de recours ordinaires », in G. DE LEVAL (DIR.), Droit judiciaire, t. 2,
Manuel de procédure civile, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 772).
Les voies de recours  147

La nature du jugement se détermine par la nature de la procédure ainsi que par les caractères fixés
par la loi et non par la qualification qu’il lui est donné par le juge ou par les parties. Il en résulte que le
juge qui qualifie sa décision de jugement ou arrêt contradictoire, réputé contradictoire ou par défaut
n’en modifie pas la véritable nature326.

387. Dans certains cas, la loi exclut spécialement l’opposition (ex. : un jugement autorisant ou or-
donnant une enquête, art. 919, al. 1er ; une décision par défaut en matière de saisie-exécution immo-
bilière, art. 1624, al. 1er C. jud.).

Section 3
Conditions de recevabilité

388. Les notions d’intérêt et de qualité s’apprécient différemment suivant qu’il s’agit d’introduire
un recours ou l’action en justice.
Conformément à l’article 17 du Code judiciaire – et indépendamment du respect des conditions de
recevabilité de l’action –, l’opposant doit avoir intérêt et qualité. Il a qualité s’il a été partie à l’instance
dont procède le jugement rendu par défaut ; en d’autres termes, il doit avoir été appelé à comparaître
à cette instance et avoir été défaillant. Il a intérêt dans la mesure où la décision entreprise par la voie
de l’opposition lui cause un grief.

Section 4
Délai pour former opposition

389. Le délai de principe pour former opposition est d’un mois, à partir de la signification ou de la
notification, faite conformément à l’article 792, alinéas 2 et 3 du Code judiciaire, du jugement par
défaut (art. 1048 Code judiciaire).

Section 5
Formes de l’opposition

390. En principe l’opposition est signifiée par exploit d’huissier de justice contenant citation à com-
paraître devant le juge qui a rendu le jugement par défaut (art. 1047, al. 2, C. jud.).
De l’accord des parties, leur comparution volontaire peut tenir lieu de l’accomplissement de ces for-
malités (C. jud., art. 1047, al. 3, C. jud.)327.

326
Cass., 19 janvier 1999, P. 96.1516.N, inédit ; Cass., 5 novembre 1993, Pas., 1993, I, p. 932 ; Cass., 17 février
1978, Pas., 1978, I, p. 702.
327
Lorsque l’opposition prend la forme d’une comparution volontaire, le délai d’opposition n’est pas interrompu
par le dépôt au greffe de la déclaration des parties. La comparution n’a lieu qu’au moment de l’audience où les
parties, le juge et le greffier signent le procès-verbal (G. CLOSSET-MARCHAL et alii, « Droit judiciaire privé – les voies
148 

Exceptionnellement, l’opposition peut être formalisée au moyen d’une requête contradictoire (ainsi
l’art. 704 § 4 – faisant référence aux § 1 et § 2 du même texte en ce qui concerne le formalisme - en
matière sociale, l’art. 1343, § 3, al. 2, en matière d’injonction de payer). Mais, par le relais de l’article
1042, l’article 700 est applicable lorsque la requête se substitue irrégulièrement à la citation328.

Section 6
Motivation de l’acte d’opposition

391. L’article 1047, alinéa 4, du Code judiciaire stipule que « l’acte d’opposition contient, à peine
de nullité (relative), les moyens de l’opposant ». La motivation concerne non seulement les griefs
éventuels articulés contre la décision frappée d’opposition mais surtout les moyens présentés pour la
première fois par l’opposant ; il ne peut s’agir des circonstances qui expliquent ou légitiment le défaut.

Section 7
Opposition sur opposition ne vaut

392. « La partie opposante qui se laisse juger une seconde fois par défaut n’est plus admise à for-
muler une nouvelle opposition » (art. 1049 C. jud.).
Cette règle ne prohibe une nouvelle opposition que lorsque la première a été rejetée par une décision
statuant au fond. Il est donc permis de former deux ou plusieurs oppositions successives, par exemple
lorsque la première a été rejetée pour vice de forme, mais à condition que l’opposant soit encore dans
les délais.

Section 8
Les effets de l’opposition

§ 1. Effet suspensif

393. L'opposition suspend l'exécution du jugement antérieurement rendu (article 1397, al. 2, du
Code judiciaire) sous réserve des règles relatives à l'exécution provisoire nonobstant tout recours, que
nous examinerons (articles 1398 à 1402 du Code judiciaire) ainsi que des articles 1039 et 1397, alinéa
3, du Code judiciaire.

de recours – examen de jurisprudence 1993-2005 », R.C.J.B., 2006, n° 61, p. 129 et les réf. cit. ; Comm. Mons, 13
février 2007, P. en B./R.D.J.P., 2007, p. 397).
328
R. VERBEKE, « Maakt de wet van 26 april 2007 een einde aan de controverse over het verzet tegen verstek
vonnissen in huurgeschillen? », obs. sous J.P. Anvers (4e canton), 13 octobre 2006, J.J.P., 2008, pp. 336 à 340 et
réf.
Les voies de recours  149

Un jugement par défaut tient lieu d'autorisation de saisie conservatoire pour les condamnations pro-
noncées, à moins qu'il n'en ait été décidé autrement (article 1414 du Code judiciaire).

394. Le délai pour former opposition est, dans certains cas, lui-même suspensif de l’exécution du
jugement par défaut (art. 1388, 1399 et 1495, alinéa 2, du Code judiciaire).

§ 2. Effet relatif

395. En principe le recours ne profite qu’au plaideur qui en a pris l’initiative. La seule opposition
d’une partie ne permet pas d’aggraver les condamnations qui ont été prononcées contre elle.
Le juge saisi de l’opposition statue dans les limites de l’acte d’opposition et « ne peut accueillir, à l’oc-
casion de celle-ci, une prétention qu’il a écartée par défaut » mais le demandeur originaire peut con-
clure et, dès lors, introduire une demande incidente, additionnelle ou nouvelle (art. 807 et 808 C. jud.).

En effet, chaque partie conserve la qualité processuelle qui était la sienne dans la première phase du
procès ; en d’autres termes si l’opposition est formalisée par le défendeur originaire, quoique deman-
deur sur opposition, il conserve fondamentalement sa qualité originaire. Il en résulte dès lors que seul
le demandeur originaire – défendeur sur opposition - peut introduire une demande additionnelle ou
nouvelle (le défendeur originaire, demandeur sur opposition peut quant à lui formaliser une demande
reconventionnelle) et que le demandeur originaire conserve la charge de la preuve.

§ 3. Effet dévolutif

396. L’acte d’opposition provoque une nouvelle saisine du tribunal qui avait statué pour qu’il pro-
cède à un examen contradictoire de la demande originaire. Le second débat ne peut être que la con-
tinuation du premier où, on le répète, chaque partie conserve la qualité processuelle qui était la sienne
dans la première phase du procès. Il en résulte donc une étroite interdépendance entre le jugement
rendu par défaut et le jugement ultérieurement rendu sur opposition329.

329
Ainsi lorsqu’un jugement déclare recevable (l’irrecevabilité étant cependant susceptible d’infirmation) mais
non fondée l’opposition à un jugement par défaut, l’appel régulièrement dirigé contre le jugement rendu sur
opposition défère aussi à la juridiction d’appel le jugement rendu par défaut (Cass., 13 mai 1993, Pas., 1993, I,
p. 479 ; adde Anvers, 19 novembre 2007, P. en B./R.D.J.P., 2008, p. 110, en cas de jugement sur opposition
déclarant l’acte d’opposition nul sur la base de l’article 1047 al. 4 ; l’appel interjeté frappe aussi le jugement
rendu par défaut). De même il a été jugé que l’irrégularité de la signification de l’acte introductif de l’instance
suivie par défaut devant le premier juge n’entraîne pas la nullité des procédures mues régulièrement sur oppo-
sition et en degré d’appel (Cass., 6 février 2008, Pas., 2008, p. 349).
150 

CHAPITRE III
L’appel

Section 1
Notions

§ 1. Définition et fonctions

397. L'appel est la voie de recours ordinaire par laquelle la partie qui s'estime lésée par un juge-
ment en sollicite la réformation - ou l'annulation - par une juridiction supérieure. Il ouvre un second
degré de juridiction aux fins d’un réexamen complet du litige. En un mot, « l’appel remet la chose
jugée en question devant la juridiction d’appel » pour qu’il soit « statué à nouveau en fait et en droit »
(article 561 Code de procédure civile français).
Il faut rappeler que le droit au double degré de juridiction n'est garanti ni par la Constitution belge, ni
par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Plusieurs restrictions lui ont d'ailleurs été apportées par le Code judiciaire, notamment lorsque joue
l'effet dévolutif total de l'article 1068 du Code judiciaire (infra, n°439).

398. Sous cette réserve, ce recours joue un rôle important :


1°. il permet de faire rectifier les erreurs que le premier juge aurait pu commettre, en faisant
réexaminer la cause par des magistrats généralement plus nombreux et plus expérimentés (on précise
toutefois dans divers cas, que la chambre de la cour appelée à connaître de l'appel ne sera composée
que d'un seul conseiller).
2°. l'appel sert de voie de nullité contre les décisions prononcées en première instance (article 20
du Code judiciaire)330.
3°. l'appel permet aux plaideurs de « rectifier le tir », de réparer les erreurs qu'ils ont commises
en première instance dans la défense de leurs intérêts. Ils peuvent changer d'argumentation ou pro-
poser une nouvelle qualification juridique des faits.
L'appel permet aussi de faire état de faits nouveaux survenus en cours d'instance et qui ont un impact
sur la situation litigieuse. Il peut également être utilisé pour présenter de nouvelles pièces ou invoquer
de nouveaux moyens de fait ou de droit.

399. L'acte d'appel ouvre une nouvelle instance, distincte de celle qui s'est éteinte par la décision
de la juridiction inférieure : le procès continue, mais il y a autonomie de la procédure d'appel.

330
« L’appel-nullité a pour objet de limiter ou d’atténuer l’arbitraire du premier juge et la violation caractérisée
des droits de la défense dont notamment le principe du contradictoire. Il en est ainsi lorsque le premier juge ne
fait pas usage de la faculté légale de délivrer un titre exécutoire pour une provision ou d’entendre les observations
du médiateur de dettes avant de rendre sa décision dans le cadre de la taxation de ses frais et honoraires » (C.
trav. Liège (div. Namur), 8 octobre 2018, J.L.M.B., 2018, liv.37, p.1179).
Les voies de recours  151

§ 2. Conditions de recevabilité de l’appel

400. Les conditions de recevabilité de l'appel sont la qualité et l’intérêt, mais ces conditions reçoi-
vent une interprétation et une application différentes de celles qu’elles revêtent au premier degré de
juridiction.

401. Il faut avoir qualité pour agir, c'est-à-dire avoir été partie en première instance : celui qui est
resté étranger à cette instance pouvant éventuellement user de la tierce opposition ou se porter in-
tervenant volontaire devant la juridiction d'appel331.
L'appel ne peut en outre être dirigé que contre une partie dont on a été l'adversaire en première
instance, c’est-à-dire une partie avec laquelle un lien d’instance s’est créé par suite de l’échange de
conclusions réclamant une condamnation ou attestant, à tout le moins, de prétentions opposées et
de l’existence d’une contestation opposant les parties. La présence d’un tel lien d’instance n’exige
donc pas qu’une demande ait opposé en première instance appelant et intimé, mais bien à tout le
moins la défense en conclusions d’intérêts opposés332 . Toutefois, « de la seule circonstance qu'une
partie se soit opposée à l'action dirigée contre elle en faisant valoir que cette action concerne exclusi-
vement un codéfendeur, il ne se déduit pas que cette partie a conclu contre ce défendeur et a eu avec
lui une instance liée devant le premier juge »333.

402. Il faut justifier d'un intérêt, c'est-à-dire un grief résultant de la décision attaquée. Pour qu’il y
ait grief, il faut en règle qu’il y ait un dispositif défavorable (condamnation ou débouté) et non un
motif désagréable (il y a lieu de réserver le motif décisoire ou décisif de même que « les considérations
inutiles ou blessantes susceptibles de compromettre les intérêts de l’appelant »).

§ 3. Appel principal et appel incident

403. L'appel principal émane de l'appelant et introduit la procédure en degré d'appel. Il est dirigé
contre un ou plusieurs intimé(s).
L'appel incident est celui qui est formé, après l'appel principal, par une partie intimée contre une par-
tie à la cause quelle qu'elle soit.
Il tend à la mise à néant, même partielle, de la décision du premier juge et se produira uniquement
lorsque ni l'une ni l'autre des parties n'avait obtenu entièrement gain de cause en première instance
: l'appelant incident essayera ainsi d'améliorer sa situation.

331
Notons que la personne qui a été partie ou représentée en première instance est par définition irrecevable à
formaliser une intervention en cause d’appel, laquelle n’est ouverte qu’aux tiers ; elle ne pourrait, par ce pro-
cédé, échapper au délai d’appel (Liège, 22 mai 2014, J.T., 2014, p. 696 ; J.L.M.B., 2015, p. 112 ; voy. aussi Th.
WERQUIN, concl. précédant Cass., 6 décembre 2013, Pas., 2013, p. 2502). Il ne pourrait être dérogé à cette règle
que pour agir en une autre qualité.
332
Cass., 19 octobre 2007, Pas., 2007, p. 1826 ; Cass., 10 octobre 2002, R.D.J.P, 2003, p. 208 ; Cass., 21 décembre
2000, Pas., 2000, I, p. 2013.
333
Cass., 16 mai 2013, J.T., 2013, p. 521.
152 

L’appel incident est donc totalement différent de la demande reconventionnelle tant au point de vue
de son sujet que son objet. Alors que le premier émane de l’intimé et tend à obtenir la réformation
de la décision entreprise, la seconde est introduite par le défendeur et vise l’obtention d’une condam-
nation à charge du demandeur.

Section 2
Décisions susceptibles d’appel

§ 1. Principe

404. En principe, en toute matière, l'appel peut être formé dès le prononcé du jugement, même si
celui-ci a été rendu par défaut (article 1050, alinéa 1er C. jud.).
Par exception, contre un jugement avant dire droit (sauf si le juge en décide autrement, d’office ou à
la demande d’une des parties) ou contre un jugement statuant sur la compétence, l'appel ne peut être
formé qu'avec l'appel du jugement définitif sur la recevabilité ou le bien-fondé de la demande par le
juge qui s’est déclaré compétent ou par le juge compétent désigné (article 1050, alinéa 2, du Code
judiciaire). Il n’est donc pas possible de poursuivre la réformation d’une décision sur la compétence
ou ordonnant une mesure d’instruction indépendamment de celle du jugement définitif (principal ou
sur incident) sur une question autre que de compétence. Il y a prohibition de l’appel immédiat afin
d’éviter une multiplication injustifiée de recours ; les termes « décisions rendues sur la compétence »
visent toutes les décisions rendues sur la compétence, peu importe que le juge se soit déclaré compé-
tent ou incompétent334.

405. Le jugement n’est pas susceptible d’appel s'il y a accord des parties, acquiescement, décision
ou mesure d'ordre (supra, n°370 et s.).

§ 2. Taux du ressort

406. Le délai d'appel est d’un mois à compter, en règle, de la signification du jugement ou de la
notification de celui-ci faite conformément à l’article 792, alinéa 2 et 3 (article 1051, alinéa 1er, du
Code judiciaire). Ce délai est établi en mois et se compte de quantième à veille de quantième (article
54 du Code judiciaire).
Les décisions rendues par le tribunal du travail sont toujours appelables (art. 617, al. 2 du Code judi-
ciaire) ainsi que les jugements rendus par le tribunal de première instance dans les contestations re-
latives à l’application d’une loi d’impôt (art. 617, al. 3 du Code judiciaire).

334
Cass., 13 février 2003, Pas., 2003, p. 333 ; Cass., 6 mars 2006, R.A.B.G., 2006, p. 839. Cette règle ne concerne
que la décision rendue sur la compétence et non celles qui statuent sur un déclinatoire de juridiction ou sur un
regroupement pour cause de connexité (Cass., 3 octobre 2014, R.A.B.G., 2015/6, p. 425 et note P. VANLERBERGHE).
Les voies de recours  153

Pour apprécier la recevabilité de l’appel ratione summae, la somme à prendre en considération est
celle qui figure dans l’acte introductif d’instance mais, si la demande a été modifiée en cours d’ins-
tance, il y a lieu de prendre en considération la somme demandée dans les dernières conclusions
(art. 618, al. 2, C. jud).

Section 3
Délai et formes de l’appel

§ 1. Délai d'appel

A. Principes

407. Le délai d'appel est d’un mois à compter, en règle, de la signification du jugement (article
1051, alinéa 1er, du Code judiciaire). Ce délai est établi en mois et se compte de quantième à veille de
quantième (article 54 du Code judiciaire).
Lorsque la partie à laquelle le jugement est signifié ou à la requête de laquelle le jugement a été signifié
réside à l'étranger, il peut être prorogé conformément aux règles générales (article 55 du Code judi-
ciaire), sauf en cas d'appel d'une ordonnance rendue sur requête (article 1031 du Code judiciaire), en
référé (article 1039 du Code judiciaire) ou par le juge des saisies (article 1395, 2, du Code judiciaire).
Il est également prorogé lorsque le délai prend cours et expire pendant les vacances judiciaires, ou si
le dernier jour du délai expire un samedi, un dimanche ou un autre jour férié (art. 50, alinéa 2, du Code
judiciaire).
Conformément au droit commun, la force majeure suspend le délai d'appel.

408. Le délai d'appel court du jour de la signification aussi bien à l'égard de l'adversaire qu'à l'égard
de la partie qui a fait signifier le jugement (article 1051, alinéa 2, du Code judiciaire).
Lorsque l'appel n'est dirigé que contre certaines parties, celles-ci disposent d'un nouveau délai de
même durée pour interjeter appel contre les autres parties. Ce nouveau délai court du jour de la si-
gnification ou, selon le cas, de la notification du premier acte d'appel (art. 1051, al. 3, C. jud.).

Lorsque la décision n'a pas été signifiée, l'appel restera recevable jusqu'à acquiescement et à défaut
de renonciation pendant les délais de prescription de droit commun.

409. L'appel tardif est irrecevable et le juge d'appel doit le constater d'office quitte à ordonner la
réouverture des débats.

B. Résurgence du délai d’appel

410. L'appel dirigé contre un jugement définitif fait revivre le droit d'appel à l'égard d'un jugement
avant dire droit ou d'un jugement sur la compétence, même si le délai d'appel contre celui-ci est expiré
154 

(article 1055 du Code judiciaire). Mais l'appel contre les deux décisions doit être formé en même
temps (« règle de la concomitance »)335.

411. L’article 1055 du Code judiciaire ne s’applique qu’à la partie du dispositif du jugement qui
ordonne une mesure d’instruction, à l’exclusion des dispositions définitives qui déclarent non fondés
ou non recevables certains chefs de la demande336. De plus, il ne concerne que l’hypothèse où l’appel
du jugement définitif et du jugement avant dire droit émane de la partie appelante à titre principal337.

C. Litiges indivisibles

412. Lorsque le litige est indivisible au sens de l'article 31 du Code judiciaire, l'auteur du recours
doit, dans le délai d'appel, mettre en cause toutes les parties qui ont défendu un intérêt opposé au
sien (article 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire). Il doit en outre, au plus tard avant la clôture des
débats, appeler en déclaration d'arrêt commun les co-intéressés qui n'ont pas exercé de recours (ar-
ticle 1053, alinéa 2, du Code judiciaire).

§ 2. Formes de l'appel

413. Selon l'article 1056 du Code judiciaire, l'appel principal est formé :
1°. par acte d'huissier de justice signifié à la partie adverse. En cas de défaut de l’intimé, le juge
d'appel peut surseoir à statuer et ordonner la signification de l'acte d'appel par huissier, s’il n’a pas eu
lieu en cette forme (article 1058 du Code judiciaire).
2°. par requête - et c'est la forme ordinaire - déposée au greffe de la juridiction d'appel, notifiée
à l'intimé, et le cas échéant à son avocat par le greffier, au plus tard le premier jour ouvrable qui suit
le dépôt.
Elle est signée soit par la partie, soit par son avocat, soit devant la cour du travail par un fondé de
pouvoir, conformément à l'article 728 du Code judiciaire. L’article 1057 n’exige toutefois pas, à peine
de nullité, la signature de la requête d’appel. Il n’en résulte pas une discrimination injustifiée par rap-
port à la requête contradictoire (1034ter C. jud.338) ou unilatérale (art. 1026 C. jud.).
Il est important de souligner que la requête d'appel doit être déposée au greffe avant l'expiration du
délai de recours. N’a pas été considéré comme constitutif de force majeure, l’envoi d’une requête
d’appel par lettre recommandée à la poste parvenue au greffe après l’expiration du délai d’appel, en

335
Cass., 22 avril 1983, Pas., 1983, I, p. 942 ; Cass., 23 mars 1990, Pas., 1990, I, p. 859 ; Cass., 2 avril 1990, Pas.,
1990, I, p. 896 ; Liège, 5 nov. 1996, Rev. rég. dr., 1997, p. 67 ; Liège, 13 février 2007, J.L.M.B., 2007, 1663
336
Cass., 23 mars 1990, Arr. Cass., 1989-1990, p. 963 et concl. E. KRINGS ; Cass., 11 mars 2004, P. & B./R.D.J.P.,
2004, p. 60 et obs. S. MOSSELMANS, « Hoger beroep tegen een gemengd tussenvonnis na het eindvonnis » ; Liège,
5 décembre 1996, J.T., 1997, p. 371.
337
Cass., 20 septembre 2001, Pas., 2001, I, p. 1430.
338
Voy. C. Const., 17 mai 2000, arrêt n° 58/2000, M.B., 18 juillet 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1632.
Les voies de recours  155

raison d’une grève des postes339. En d’autres termes, la requête doit être déposée au greffe avant
l’expiration du délai de recours et l’appelant doit veiller à la réalité de ce dépôt ; les fautes et négli-
gences de l’avocat commises dans les limites du mandat engagent le mandant et ne peuvent consti-
tuer en soi un cas de force majeure340.
Par contre si l’acte de procédure est privé d’effet à la suite d’une faute ou d’une négligence d’un huis-
sier de justice ou du service du greffe, il s’agit en principe pour l’appelant d’un cas de force majeure341.
3°. lorsque la loi permet formellement ce procédé, l'appel peut être interjeté par lettre recom-
mandée à la poste envoyée au greffe; ce sera notamment le cas dans diverses matières disciplinaires
ou de la sécurité sociale.
Lorsqu'il est interjeté appel de la sorte, l'acte ne doit pas mentionner les lieu, jour et heure de la com-
parution : les parties seront convoquées par le greffier à comparaître à l'audience fixée par le juge.
Il s'agit du seul mode d'introduction d'un appel à date indéterminée.
4°. par conclusions, à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause. La loi vise ici
aussi bien l'appel incident (article 1054 du Code judiciaire) qu'un appel complémentaire de l'appelant
principal ou un appel principal d'une partie non intimée mais présente à la cause, par exemple par le
mécanisme de l'indivisibilité.

414. En cas d'appel par exploit d'huissier, la date de l'appel est celle à laquelle la signification a eu
lieu. En cas d'appel par requête, c'est la date du dépôt de la requête au greffe. En cas d’appel par lettre
recommandée à la poste, il s’agit de la date de remise de la lettre aux services postaux. En cas d’appel
par conclusions, la date de l’appel est celle du dépôt des conclusions au greffe.

§ 3. Mentions de l'appel principal

415. L'article 1057 du Code judiciaire dispose que hormis le cas où il est formé par conclusions,
l'acte d'appel contient à peine de nullité :
1°. l'indication des jours, mois et an ;
2°. les nom, prénom et domicile de l'appelant et, le cas échéant, son numéro de registre national
ou numéro d'entreprise ;
3°. les nom, prénom, domicile ou à défaut de domicile, la résidence de l'intimé (sauf élection de
domicile) ;
4°. l'indication de la décision dont appel ;
5°. l'indication du juge d'appel. Cette mention n'est pas prescrite à peine de nullité absolue ;

339
Cass., 9 octobre 1980, Pas., 1981, I, p. 156.
340
Cass., 24 janvier 1974, Pas., 1974, I, p. 553 et obs. W.G. ; A. VAN OEVELEN, “Het mandaat van de advocaat
wanneer hij niet in rechte opreedt”, R.W., 2009-2010, p. 1596, n° 18 et note 96.
341
Cass., 8 octobre 1987, Pas., 1988, p. 159 ; Cass., 3 octobre 1997, Pas., 1997, p. 944 ; Mons, 3 décembre 2007,
J.T., 2008, p. 92 et réf. cit.
156 

6°. l'indication du lieu où l'intimé devra faire acter sa déclaration de comparution. Cette mention
est à libeller conformément à ce que dispose l'article 1061 du Code judiciaire au texte duquel il est
renvoyé. Son omission emporte nullité relative ;
7°. l'énonciation des griefs ;
8°. l'indication des lieu, jour et heure de la comparution (sauf si l'appel est introduit, dans les cas
prévus par la loi, par lettre recommandée ou que, en dehors des cas visés à l’article 1066, alinéa 2, les
droits de mise au rôle relatifs à la décision entreprise et mis à charge de l’appelant n’aient pas été
payés. Les parties sont convoquées par le greffier à comparaître à l'audience fixée par le juge, une fois
que l’appelant a payé les droits susmentionnés).

416. L’acte d’appel doit particulièrement contenir à peine de nullité l’énonciation des griefs
(art. 1057, 7° C. jud.).
Il s’agit des griefs articulés par la partie appelante au principal contre la décision entreprise, c’est-à-
dire les raisons pour lesquelles la décision doit être réformée ; ils peuvent concerner tant le fond de
la cause que la procédure devant le premier juge ; il importe que la partie intimée en ait connaissance
dès l’introduction de l’instance afin qu’elle puisse se défendre utilement. La simple référence aux con-
clusions d’instance ou la reprise de celles-ci dans l’acte d’appel ne suffit pas mais l’obligation d’énon-
cer les griefs n’implique pas que soient exposés les moyens qui fondent ceux-ci 342 et, sauf dérogation
légale, ne fait pas obstacle à ce que l’appelant invoque en cours de procédure d’autres griefs au sou-
tien de son recours343.
Une motivation contradictoire, purement formelle ou inconsistante de la requête d’appel équivaut à
un défaut de motivation ; elle peut nuire aux intérêts de l’intimé en ce qu’elle aggrave ses prestations
et les frais du procès, fait obstacle au déroulement normal de la procédure en l’obligeant à conclure
de façon tout à fait générale sans connaître les moyens articulés contre le jugement entrepris et peut
compromettre, par des atermoiements supplémentaires, l’effectivité du titre à venir. Il s’agit d’un cas
où la nullité relative, c’est-à-dire à préjudice prouvé par celui qui l’invoque (art. 861 C. jud.), est fré-
quemment invoquée.

Section 4
Procédure en degré d’appel

§ 1. Inscription au rôle

417. La cause doit être inscrite au rôle général avant la date de la comparution indiquée dans l'acte,
à défaut de quoi la procédure est suspendue d’office (article 1060 du Code judiciaire).
Lorsque l'appel est formé par requête, le greffier procède d'office à l'inscription au rôle.

342
Cass., 7 septembre 2000, Pas., 2000, I, p. 1295 et réf. citées à la note 1 ; Cass., 2 mai 2005, Pas., 2005, p. 978.
343
Cons. Cass., 1er juin 2007, R.A.B.G., 2008, p. 666 et note S. BERNEMAN : « Over nieuwe grieven, nieuwe midde-
len en nieuwe vorderingen in hoger beroep : what’s in a name ? ».
Les voies de recours  157

§ 2. Le délai de comparution

418. Depuis le 1er février 2019 les droits de greffe ne sont plus payés à l’entamme de la procédure
mais à la fin de la première instance lorsque, dans son jugment définitif, le juge condamne la partie
qui succombe à payer les droits de mise au rôle (art. 269 du Code des droits d'enregistrement, d'hy-
pothèque et de greffe)344.
Pour garantir le paiement de cet impôt indirect, le législateur a prévu que, si la partie condamnée au
paiement des droits de greffe en première instance (ou une partie de ceux-ci) veut faire appel, la
procédure d’appel ne pourra démarrer (c’est à dire la fixation de l’audience d’introduction) que lors-
que les droits de greffe auront été effectivement payés par l’appelant.

C’est ainsi que l’article 1057, 8° du Code judiciaire prévoit que la requête d’appel contient « l'indication
des lieu, jour et heure de la comparution à moins que l'appel n'ait été formé par lettre recommandée ou
que, en dehors des cas visés à l’article 1066, alinéa 2, les droits de mise au rôle relatifs à la décision
entreprise et mis à charge de l’appelant n’aient pas été payés, auxquels cas les parties sont convo-
quées, par le greffier, à comparaître à l'audience fixée par le juge, après s'être assuré du paiement des
droits susmentionnés ».
Afin d’éviter qu’un appel ne soit interjeté à des fins uniquement dilatoires, le légisalteur a également
prévu que : « Dans tous les cas, le jugement entrepris devient exécutoire par provision lorsque le droit
de mise au rôle mis à charge de l'appelant par ce jugement n'a pas été payé dans un délai de trois mois
qui court à partir de l'acte d'appel. Le greffier délivre, à la demande d'une partie, une attestation du
dépassement de ce délai » (art. 1401, al. 2, C. jud.).
Par exception, la fixation des cas qui sont d’office traités en débats succincts (art. 1066, al. 2, C. jud.)
à une audience d’introcution n’est pas conditionnée à la preuve du paiement des droits de greffe.

419. L’acte d’appel n’est rien d’autre qu’une citation au second degré. La loi ne prescrit pas seule-
ment l’indication des lieux, jour et heure de la comparution (art. 1057, 8°), mais elle précise aussi que
le délai ordinaire de comparution en appel pour ceux qui ont leur domicile ou leur résidence en Bel-
gique est de quinze jours (art. 1062, al. 1er). Ce délai est prescrit à peine de nullité par application des
dispositions combinées des articles 710 et 1042 du Code judiciaire. Il s’agit, depuis la loi du 19 octobre
2015, d’une nullité relative.
« La déclaration de comparution de l’intimé a lieu à l’audience, sans préjudice de l’application de l’ar-
ticle 729 » (art. 1061), c’est-à-dire qu’elle peut se faire de l’accord des avocats des parties par décla-
ration écrite de postulation.

§ 3. Introduction et instruction de la cause

420. La procédure en degré d'appel commence par une audience d'introduction, comme en pre-
mière instance, appelée, en appel, audience de comparution.

344
Modification découlant de la loi du 14 octobre 2018 modifiant le Code des droits d'enregistrement, d'hypo-
thèque et de greffe en vue de réformer les droits de greffe.
158 

421. L'article 1066 du Code judiciaire met en place une procédure accélérée applicable, d'une part
aux causes qui n'appellent que des débats succincts (article 1066, alinéa 1er, du Code judiciaire) et,
d'autre part à six cas particuliers qui présentent tous un certain degré d'urgence (article 1066, alinéa
2, du Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé).
Dans tous les cas visés à l'article 1066 du Code judiciaire, la cause sera retenue et plaidée à l'audience
d'introduction ou au plus tard dans les trois mois de celle-ci.
Ce délai n'étant prescrit d'aucune sanction, en pratique, vu l'encombrement des rôles en degré d'ap-
pel, il n’est que rarement respecté.

422. Les autres causes font l’objet d’une mise en état conformément aux règles de première ins-
tance qui sont applicables à la procédure d’appel en vertu de l’article 1042 du Code judiciaire.

423. Aux termes de l’article 1067, les règles du jugement par défaut et de l’opposition sont appli-
cables en degré d’appel. Un arrêt rendu par défaut est susceptible d’opposition, laquelle produit en
règle (c’est-à-dire sauf exécution provisoire) un effet suspensif.

Section 5
Effets de l’appel

§ 1. Absence d’effet suspensif

A. Le principe

424. En principe, l’introduction d'un appel n’a plus pour effet de suspendre l'exécution du juge-
ment attaqué, depuis que la loi pot-pourri I du 19 octobre 2015 a généralisé l’exécution provisoire des
décisions, nonobstant appel (article 1397, al. 1er du Code judiciaire).
Ce principe connaît cependant des exceptions.

B. Les exceptions

425. D’office ou à la demande d’une partie, le juge peut prévoir dans sa décision que l’appel de
celle-ci aura un effet suspensif sur son exécution (art. 1397, al. 1er, du Code judiciaire). Il doit cepen-
dant spécialement motiver sa décision sur ce point.

426. La loi pot-pourri V, du 6 juillet 2017, a inséré une nouvelle exception à l’absence d’effet sus-
pensif de l’appel, pour l’appel d’un jugement rendu par défaut. Ainsi, l’appel qui est formé par la partie
défaillante contre le jugement par défaut rendu en dernier ressort, en suspend l’exécution (art. 1397,
al. 2, du code judiciaire), sauf si le juge, d’office ou à la demande d’une des parties, en décide autre-
ment moyennant une décision spécialement motivée.
Les voies de recours  159

Il convient d’être attentif au fait que l’effet suspensif ne profite donc qu’à la partie défaillante qui
fait appel. Ainsi, en cas de litige multipartite par exemple, l’appel des parties à l’encontre du juge-
ment qui est, à leur égard, contradictoire, ne sera pas suspensif.

427. En outre, certains jugements ne peuvent être exécutés par provision.


En vertu de l’article 1399 nouveau du Code judiciaire :
« L'opposition et l'appel suspendent l'exécution :
1° des jugements définitifs concernant l'état des personnes ;
2° des jugements rendus par le juge du tribunal de la famille, siégeant dans le cadre de l'urgence répu-
tée ou invoquée au sens de l'article 1253ter/4, et qui concernent des litiges relatifs aux formalités re-
latives à la célébration du mariage, à la levée de la prohibition du mariage de mineurs et son autorisa-
tion ;
3° des décisions en matière disciplinaire.
L’exécution du jugement est également suspendue pendant le délai dans lequel l’opposition ou l’appel
peut être formé.
L'exécution provisoire des jugements visés à l’alinéa 1er, 1° et 2°, ne peut être autorisée ».

C. Effet suspensif du délai pour former appel

428. Dans certains cas, le délai d'appel est à lui seul suspensif. Il en va ainsi des jugements concer-
nant l’état des personnes (art. 1399, al. 1er, 1°, du Code judiciaire), de certains jugements rendus par
le tribunal de la famille (art. 1399, al. 1er, 1°, du Code judiciaire), des décisions en matière disciplinaire
(art. 1399, al. 1er, 3°, du Code judiciaire), des jugements qui ordonnent ou imposent à un tiers une
mainlevée, une radiation hypothécaire, un paiement ou une prestation (art. 1388, al. 1er, du Code
judiciaire) et des jugements qui condamnent au paiement d’une somme d’argent et qui sont encore
susceptibles d’appel par une partie défaillante (art. 1495, al. 2, C. jud.).

D. Absence de paiement des droits de greffe et exécution provisoire

429. Si l’appelant qui devait s’acquitter des droits de greffe ne s’exécute pas dans un délai de trois
mois à compter de l’acte d’appel, le jugement qui était revêtu de l’effet suspensif, devient exécutoire
par provision (art. 1401, al. 2, C. jud.).
160 

§ 2. Effet relatif

A. Notion

430. L’effet relatif de l’appel est une application du principe dispositif. Il implique que la juridiction
d’appel n’est saisie du recours que dans les limites de l’acte d’appel, tant au niveau des parties que
des points litigieux soumis au juge d’appel.

431. C’est ainsi tout d’abord que sur le seul appel d’une partie, le juge du deuxième degré ne peut
aggraver la situation de celle-ci, même pour appliquer des normes d’ordre public.
Ainsi, si le demandeur originaire poursuit la condamnation du défendeur originaire au paiement d’une
somme de 5.000 euros et qu’il obtient 2.500 euros en première instance, sur son seul appel pour obtenir
le plein de sa demande, le juge d’appel ne pourra pas fixer la condamnation à un montant inférieur à celui
obtenu en première instance alors que la partie intimée ne sollicite pas, à cet égard, la réformation du
jugement.

432. C’est ainsi ensuite que lorsqu'il y a plusieurs parties dans l'instance, défendant les mêmes in-
térêts ou intérêts connexes, l'appel formé par l'une des parties ne profite qu'à elle seule345. Dans les
cas où l'appelant avait plusieurs adversaires en première instance, l'appel n'a d'effet qu'à l'encontre
de la partie à laquelle il a été formé. Par exemple, l'appel interjeté contre un débiteur solidaire n'a pas
d'effet contre les autres codébiteurs : il faut former le recours contre chacun d'eux dans le délai légal.
Il n'est dérogé à ce principe que lorsque le litige est indivisible : l'appel doit être dirigé, à peine d'irre-
cevabilité, contre toutes les parties dont l'intérêt est opposé à celui de l'appelant (article 1053, alinéa
1er, du Code judiciaire). En outre, l'appelant doit mettre en cause les autres parties non appelantes
mais déjà intimées ou appelées, au plus tard avant la clôture des débats (article 1053, alinéa 2, du
Code judiciaire).

B. L’appel incident

a) Neutralisation de l’effet relatif par l’appel incident

433. L'appel incident autorise l'intimé à élargir la saisine du juge d'appel au-delà des limites qui
résultent de l'effet relatif de l'appel principal. L'appel interjeté par une partie non intimée - générale-
ment le premier dans le temps - est l'appel principal ; celui qui est formé par une partie intimée est
l'appel incident ; ce n'est donc pas l'importance respective de ces appels qui permet de les qualifier,
mais l'ordre de priorité dans lequel ils sont intervenus ainsi que les personnes qui les ont interjetés.

345
Par contre, si le litige est indivisible, l’effet relatif de l’appel n’exclut pas que celui-ci ait des effets favorables
pour une autre partie (Cass., 26 septembre 2014, R.W., 2014-2015, p.1342 et note B. VAN DEN BERGH, « De rela-
tieve werking van het hoger beroep in een onsplitsbaar geschil »).
Les voies de recours  161

L’appel incident permet en seconde instance la reconstitution intégrale du litige originaire. C'est, pour
l'intimé, un palliatif à l'effet relatif de l'appel.
Cette situation peut entraîner un retournement complet de situation en instance d’appel dans la mesure
où l’appelant principal n’obtiendrait pas gain de cause et où l’appelant sur incident triompherait.

Cette reconstitution du litige par l’appel incident doit être distinguée de la modification du litige par
voie de demande incidente (additionnelle, nouvelle ou reconventionnelle) formée pour la première
fois en degré d’appel ; en effet alors que l’appel (principal ou incident) porte sur des questions tran-
chées par le jugement entrepris, la demande incidente soumet au juge d’appel des questions nou-
velles.

b) Conditions de recevabilité de l’appel incident

434. L’appel incident ne diffère pas de l’appel principal en ce qui concerne les conditions générales
de recevabilité : l’intérêt et la qualité. Il n’est en principe autre que l’appel qui aurait pu être exercé
par la voie d’un appel principal contre la même décision, l’intimé pouvant, sans égard à la limitation
de l’appel principal, attaquer toutes les dispositions d’un jugement entrepris qui lui font grief.

435. Peut être considérée comme une partie intimée, tant la partie intimée par la voie de l’appel
principal que la partie intimée par la voie de l’appel incident 346, sa qualité impliquant qu’elle fasse
l’objet d’une prétention, autre qu’une demande en déclaration d’arrêt commun, de nature à porter
atteinte à ses intérêts347, peu importe, sous réserve d’un appel nul ou tardif (art. 1054, al. 2), que cette
partie soit irrégulièrement intimée ou que l’appel principal dirigé contre elle soit irrecevable.

436. Par exemple, dans un arrêt du 6 novembre 2009, la Cour de cassation a admis qu’une partie
(i.e. la commune de Saint-Georges) puisse être intimée simplement parce que l’appelante (i.e. la com-
mune de Flémalle) a fait valoir, dans son acte d’appel, que l’arbre qui a causé le dommage se trouve
sur le territoire de la première, co-défenderesse348. La Cour considère qu’il y a là une prétention de
nature à porter atteinte aux intérêts de la commune de Saint-Georges, qui lui confère la qualité d’in-
timé et, par conséquent, le droit d’interjeter appel incident349.

437. L’article 1054 du Code judiciaire n’exige pas que le sujet passif de l’appel incident (l’intimé sur
incident) ait la qualité d’intimé ; il suffit qu’il soit en cause devant le juge d’appel. Est donc une partie
en cause devant le juge d’appel au sens de l’article 1054 du Code judiciaire, la partie contre laquelle a
été dirigé un appel principal, même si celui-ci est irrecevable ou irrégulier.
Si le sujet passif n’est pas à la cause en instance d’appel, la seule solution réside dans un appel principal
formalisé dans les délais conformément au droit commun (exploit ou requête).

346
Cass., 1er juin 2001, Pas., 2001, I, p. 1033 ; R.W., 2001-2002, p. 379 ; Cass., 6 novembre 2009, Pas., 2009, 2527.
347
Cass., 19 septembre 2003, J.L.M.B., 2003, 1571 ; Cass., 6 novembre 2009, Pas., 2009, p. 2527 ; Cass., 19 juin
2013, Pas., 2013, p. 1411 ; Cass., 6 février 2014, Pas., 2014, p. 375.
348
Cass., 6 novembre 2009, Pas., 2009, p. 2527.
349
Cette jurisprudence rejoint celle relative à l’intérêt à interjeter appel incident, lequel peut résulter du risque
que la réformation du jugement entrepris (par l’appel principal) ferait courir à celui qui interjette cet appel (Cass.,
15 septembre 1997, Pas., I, p. 862).
162 

438. Le sujet actif et le sujet passif de l’appel incident doivent avoir agi l’un contre l’autre dans la
procédure de première instance. Dans le cas contraire, les conditions générales de recevabilité (qua-
lité et intérêt) ne sont pas satisfaites. Il s’agit d’une règle générale qui vaut aussi pour l’appel princi-
pal350.

439. Enfin, l'appel incident peut être dirigé contre toutes les dispositions du jugement entrepris
sans avoir égard au fait que l'appel principal aurait été limité à une ou plusieurs des dispositions de la
première décision. Il ne peut par contre être dirigé contre un autre jugement. Dans cette dernière
hypothèse, seul un appel principal peut être introduit.

440. L’appel incident ne pourra être admis si l’appel principal est déclaré nul ou tardif (art. 1054,
al. 2). Les termes « nul ou tardif » sont de stricte interprétation ; ainsi ce n’est pas parce que l’appel
principal est, en tout ou en partie, irrecevable que l’appel incident ne pourrait être admis.

c) Délais et forme de l’appel incident

441. L’appel incident peut être formé par conclusions (art. 1056, 4°, C. jud.) écrites351 mais cela
n’exclut pas qu’il puisse être formé dans les mêmes formes que l’appel principal.

442. Depuis le 9 juin 2018352 l’appel incidentdoit être formé dans les premières conclusions prises
par l'intimé après l'appel principal ou incident formé contre lui (nouvel al. 2 de l’art. 1054, C. jud.) et
ce, dans le respect des règles de la mise en état (en d’autres termes ne peut être admis l’appel incident
formalisé dans des conclusions écartées des débats), même si le sujet actif de l’appel incident a signifié
le jugement sans réserve ou si il y a acquiescé avant sa signification par son adversaire (art. 1054, al.
1er).

d) Appel principal par conclusions

443. Si une partie à la cause n’y est pas intimée et n’a donc pas la qualité de sujet actif pour intro-
duire un appel incident alors que les deux protagonistes opposés en première instance sont à la cause
en instance d’appel, il lui est possible de formaliser par conclusions dans le délai d’appel, un appel
principal en lieu et place d’un appel incident.
Par exemple, un maître d’ouvrage (A) qui agit contre un entrepreneur (B) et un architecte (C) lesquels
sont condamnés. B interjette appel contre A et C. A peut formaliser un appel incident contre C (A est
intimé ; C est à la cause ; A et C étaient opposés en première instance) ; par contre, C ne pourrait
interjeter appel incident contre A car C, qui n’avait pas de lien d’instance avec l’entrepreneur devant
le premier juge, n’est pas intimé de telle sorte qu’il ne peut être le sujet actif d’un appel incident sous

350
Cass., 16 mars 2007, Pas., 2007, p. 552.
351
Un appel incident ne peut être formé en termes de plaidoiries (Cass., 17 janvier 2014, Pas., 2014, p. 151).
352
Date d’entrée en vigueur de la modification de l’article 1054 du Code judiciaire, par la loi du 25 mai 2018, dite
Pot-pourri VI.
Les voies de recours  163

cette réserve qu’à la suite d’un appel incident dirigé contre lui, il acquiert la qualité de sujet actif apte
à formaliser à son tour un appel incident.

444. L’appel principal par conclusions est possible dans une seconde hypothèse : lorsqu’il s’agit de
formaliser un appel contre un jugement non entrepris par l’appel principal pour autant qu’il ne s’agisse
pas d’un jugement auquel s’applique l’article 1055.

445. Enfin de manière générale, le juge doit vérifier d’office si un appel irrecevable en tant qu’appel
incident ne l’est pas en tant qu’appel principal353.

§ 3. Effet dévolutif

A. Notion

446. L'acte d'appel opère la saisine du juge supérieur. Lorsqu'il est libellé en termes généraux, il
remet en question devant celui-ci, dans les limites de l’acte d’appel354, tout le litige qui avait été soumis
au magistrat du premier degré, et ce, même si certaines questions n’avaient pas encore été tranchées
par le premier juge : c'est ce mécanisme que désigne l'expression « effet dévolutif ».
Cet effet dévolutif est la suite logique du dessaisissement du premier juge, qui résulte du prononcé de
son jugement.

B. L'article 1068 du Code judiciaire : l'effet dévolutif total

447. En vertu de l'article 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire, « tout appel d'un jugement définitif
ou d'avant dire droit saisit du fond du litige le juge d'appel ».
L'effet dévolutif joue même lorsque l'appel est dirigé contre un jugement définitif sur incident ou
contre un jugement avant dire droit : pareil appel oblige les magistrats d'appel à statuer au fond, le
cas échéant donc au-delà de ce qui a été jugé en première instance. La juridiction supérieure est saisie
de plein droit de toutes les questions en litige, de la totalité de la contestation, même si le premier
juge ne s’était pas encore prononcé sur ces contestations parce qu’il avait ordonné une mesure avant
dire droit ou parce qu’il avait préalablement réglé un incident par la voie d’un jugement interlocutoire.
L'application du principe est donc susceptible d'engendrer des exceptions au double degré de juridic-
tion.

353
Cass., 27 mai 2011, R.A.B.G., 2011, p. 1206.
354
« La saisine du juge d’appel est limitée aux dispositions prises par le premier juge contre lesquelles un appel
recevable est dirigé » (Cass., 17 janvier 2014, Pas., 2014, p. 151)
164 

448. L'article 1068 conduit à l'application de différentes règles qui lui sont corrélatives :
1°. Lorsque le juge d'appel doit statuer au fond alors que les parties n'avaient pas encore conclu
en première instance, l'affaire est renvoyée à une audience ultérieure pour être instruite normale-
ment (article 1071 du Code judiciaire).
Si par contre les conclusions avaient été prises en première instance, le juge d'appel statue immédia-
tement, sans remise ni nouvelles conclusions355.
Cette règle est toutefois d’application peu fréquente.
2°. En cas d'appel d'un jugement « mixte » (qui, par exemple, statue sur le principe d’un partage
de responsabilité et ordonne une expertise pour déterminer le montant du dommage), si le bien-
fondé de la mesure d'instruction n'est contesté par aucune des parties, le juge d'appel peut réserver
sa décision jusqu'à ce que les mesures d'instruction ordonnées avant dire droit par le premier juge
aient été exécutées (article 1072, alinéa 1er, du Code judiciaire), tout comme lorsque le juge d'appel
ordonne lui-même la mesure d'instruction.
Le juge d’appel peut, dans ces cas, décider que l’exécution des mesures d’instruction appartient au
premier juge356 ou au juge d’appel (article 1072, alinéa 2, du Code judiciaire).
Cette disposition permettra, dans l’exemple précité, au juge d'appel de ne statuer que par un seul
arrêt à la fois sur le partage de responsabilités et sur le montant des dommages et intérêts.

C. Exception

449. L'effet dévolutif tel qu'il est conçu par le Code judiciaire peut faire craindre qu'une partie in-
terjette appel d'un jugement avant dire droit ou sur incident en vue de soumettre directement le fond
du litige à la juridiction supérieure.
C'est pourquoi le Code judiciaire prévoit une exception à la règle de l'effet dévolutif complet : lorsque
le premier juge a ordonné une mesure d'instruction, et que cette mesure est confirmée, même par-
tiellement, le juge d'appel est tenu de renvoyer l'affaire devant le magistrat de première instance (art.
1068, al. 2 du Code judiciaire).
Réciproquement, il n'y aura pas renvoi au premier juge chaque fois que la juridiction d'appel infirme
le jugement entrepris qui avait estimé qu'une mesure d'instruction était nécessaire ou lorsqu’elle or-
donne une mesure différente.

450. Une controverse a longtemps opposé la doctrine et la Cour de cassation sur le point de savoir
si l'effet dévolutif s'appliquait ou non en cas de confirmation d'un jugement « mixte », c'est-à-dire
d'un jugement contenant à la fois une disposition définitive et une mesure d'instruction.

355
Cass., 24 juin 1982, Pas., 1982, I, p. 1248.
356
Voy. par exemple, Cass., 29 juin 1978, Pas., 1978, I, p. 1240 à propos de la tenue d’enquêtes par le premier
juge.
Les voies de recours  165

Par un arrêt du 24 décembre 1987357, la Cour de cassation qui jusqu'alors estimait que l'effet dévolutif
ne jouait pas et qu'il y avait lieu à renvoi devant le premier juge a décidé que « par l'effet dévolutif de
l'appel, le juge d'appel est, dans les limites de l'appel formé par les parties, saisi du jugement de l'en-
semble de la cause; cet effet n'est limité que par la décision du juge d'appel qui confirme, même par-
tiellement, une mesure d'instruction ordonnée par le premier juge; dès lors, pour autant que le juge-
ment de la demande ne se fonde pas sur l'appréciation des résultats de la mesure d'instruction dont le
premier juge est appelé à connaître, le juge d'appel a le pouvoir de prendre une décision définitive ».
Dans les faits ayant donné lieu au prononcé de cet arrêt, le demandeur originaire avait effectué pour
la société défenderesse, de 1971 à 1975, des travaux de comptabilité pour lesquels lui restaient dus
des honoraires. L'obligation de les payer n'était pas contestée dans son principe. Le montant seul était
en discussion, la défenderesse ayant estimé la somme réclamée excessive.

451. La Cour de cassation confirme dans cet arrêt l'enseignement de principe fixé par son arrêt du
13 janvier 1972358 par lequel elle avait décidé que l'appel d'un jugement avant dire droit ne saisit pas
le juge d'appel du fond du litige lorsque ce dernier confirme la mesure d'instruction ordonnée par le
premier jugement même si le jugement entrepris comprend en outre d'autres dispositions et notam-
ment des dispositions définitives.
Elle nuance cependant cet enseignement en considérant que si une demande comporte plusieurs
chefs, le renvoi au premier juge, en cas de confirmation d'une mesure d'instruction, ne s'impose que
pour les seuls chefs de demande directement liés au résultat de cette mesure. En revanche, le juge
d'appel est valablement saisi du fond en ce qui concerne les chefs de demande dont la solution n'est
point tributaire des résultats de la mesure d'instruction confirmée.

357
Cass., 24 novembre 1987, R.C.J.B., 1989, p. 517, note J. VAN COMPERNOLLE.
358
Cass., 13 janvier 1972, Pas., 1972, I, p. 463.
166 

CHAPITRE IV
Le pourvoi en cassation

Section 1
Généralités

452. La Cour de cassation est chargée d'une mission de contrôle de la légalité des décisions des
juges et de coordination de la jurisprudence.
Elle est saisie par un pourvoi et ne se prononce pas sur les faits de la cause, qui sont souverainement
appréciés par les juges du fond.
Après cassation, elle doit ordonner le renvoi à la cour ou au tribunal compétent pour en connaître,
c'est-à-dire soit à une juridiction du même degré que celle qui avait rendu la décision cassée, soit à
devant la même juridiction, autrement composée (article 1110 du Code judiciaire).
Bien que ne réexaminant pas les faits, la Cour peut vérifier si le juge du fond a tiré de ceux-ci les
conséquences juridiques qu'ils impliquent (par exemple, elle pourra vérifier si la qualification juridique
que leur a donnée le juge du fond est correcte).
En matière civile, la Cour de cassation doit limiter son examen aux questions de droit dont elle est
régulièrement saisie par le demandeur en cassation et elle ne peut soulever d'office même des
moyens d'ordre public qui pourraient justifier la mise à néant de la décision attaquée ; par contre, un
moyen d'ordre public ou de droit impératif peut toujours être invoqué par les parties, même pour la
première fois devant la Cour de cassation.
Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 14 avril 2005, la notion d’ordre public semble, dans le cadre
de l’office du juge et pour l’appréciation de la recevabilité du moyen de cassation, connaître un phé-
nomène de dilution à tout le moins lorsque le moyen touche au droit substantiel (par opposition au
moyen de procédure), en manière telle qu’un moyen, même de droit supplétif, pourrait être invoqué
pour la première fois de manière recevable devant la Cour de cassation sur la base des faits spéciale-
ment invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions.
Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire, qui ouvre une instance nouvelle et
distincte, qui ne constitue donc pas la suite naturelle du procès intenté au fond.

Section 2
Décisions susceptibles de pourvoi en cassation

453. Selon l'article 608 du Code judiciaire, seuls les jugements et arrêts rendus en dernier ressort
peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation. Les décisions susceptibles d'appel ne peuvent faire
l'objet d'un pourvoi, alors même que le délai d'appel serait expiré.
Tous les jugements et arrêts, définitifs ou non, sont susceptibles de pourvoi, sous cette réserve que le
recours en cassation contre un jugement d'avant dire droit n'est ouvert qu'après le prononcé du juge-
ment définitif. On peut se pourvoir contre un jugement ou arrêt par défaut contre lequel on a négligé
Les voies de recours  167

de faire opposition, pourvu qu'il soit en dernier ressort et définitif, sur le fond ou sur incident (article
1076 du Code judiciaire).
Les sentences arbitrales ne sont pas susceptibles de pourvoi (article 1704 du Code judiciaire).

Section 3
Parties à l’instance

454. Peuvent se pourvoir en cassation les personnes qui ont qualité et intérêt.
Dans la conception traditionnelle, peut se pourvoir en cassation toute partie qui est demeurée à la
cause, à quelque titre que ce soit et a contesté jusqu'au bout (c'est-à-dire, le cas échéant, jusqu'en
degré d'appel) les prétentions d'une partie adverse.
En ce qui concerne l'intérêt comme condition de recevabilité du pourvoi, nous renvoyons aux principes
généraux. Par exemple, une partie est irrecevable à se pourvoir en cassation si elle a obtenu gain de
cause.
Il y a lieu de ne pas confondre cette exigence d’intérêt relative à la recevabilité du pourvoi avec celle
liée à la recevabilité du moyen de cassation. Un moyen de cassation est irrecevable, par exemple, s’il
est dirigé contre des motifs surabondants.
Le pourvoi ne peut être dirigé que contre une partie qui, devant le juge du fond, a été l'adversaire du
demandeur en cassation et au bénéfice de laquelle la décision attaquée a été rendue.
Sur l'indivisibilité au niveau de l'instance en cassation, on consultera l'article 1084 du Code judiciaire
qui reproduit le mécanisme prévu par l’article 1053 du Code judiciaire, déjà étudié à propos de l’appel.

Section 4
Délai

455. Hormis les cas où la loi établit un délai plus court, le délai pour se pourvoir en cassation est de
trois mois à partir de la signification de la décision ou de la notification de celle-ci faite conformément
à l’article 792, alinéa 2 à 3 (article 1073, alinéa 1er, du Code judiciaire).
Ce délai est susceptible de majoration conformément à l'article 55 du Code judiciaire.
Contrairement au délai d’appel, le délai d’introduction du pourvoi ne court pas contre la partie qui a
fait procéder à la signification.
S'il n'y a pas signification, le délai est ouvert pendant les délais de prescription ordinaires.
En ce qui concerne les arrêts et les jugements en dernier ressort rendus par défaut, le délai ne court
à l'égard du défaillant qu'à l'échéance du délai accordé pour former opposition (article 1076 du Code
judiciaire). Un pourvoi tardif est déclaré irrecevable, même d'office (articles 1078 et 1160 et suivants
du Code judiciaire).
Seule la force majeure, strictement définie, pourrait suspendre le délai.
168 

Section 5
Effets du pourvoi en cassation

§ 1. Absence d'effet suspensif

456. Sauf dans les cas exceptionnels prévus par la loi (exemples : articles 1274 et 1302 du Code
judiciaire en matière de divorce, article 1121/5 en matière disciplinaire), ni le pourvoi en cassation, ni
le délai de pourvoi, n'ont un effet suspensif de la force exécutoire de la décision attaquée (article 1118
du Code judiciaire).
La partie qui a obtenu cette dernière peut donc continuer ou commencer l'exécution pendant le délai
et même après le dépôt du pourvoi, sans que la Cour de cassation ait le droit d'ordonner la surséance.
Le cantonnement n'est pas autorisé.

§ 2. Effet dévolutif limité

457. Le pourvoi en cassation ne saisit pas la Cour de l'intégralité du procès tel qu'il s'est déroulé
devant les premiers juges : elle ne peut que vérifier l'exacte application de la loi. On l'a déjà souligné,
le contrôle ne s'exerce guère donc que sur les moyens qui lui sont soumis.
Les demandes nouvelles ne sont pas recevables devant la Cour de cassation. Les moyens nouveaux
non plus, sauf lorsqu'ils n'auraient pu être invoqués auparavant (par exemple une contradiction dans
les motifs), s'ils sont tirés du jugement ou de l'arrêt lui-même ou, enfin, lorsqu’ils sont d’ordre public
ou de droit impératif (cfr. toutefois supra, n°445 - Cass., 14 avril 2005 relatif à l’office du juge et la
recevabilité du moyen de cassation à l’aune de la théorie des faits spécialement invoqués par les par-
ties au soutien de leurs prétentions).

Section 6
Procédure

458. Par rapport à la procédure du droit commun, la procédure de cassation comporte trois carac-
téristiques : tous les délais imposés aux parties sont prévus à peine de déchéance, la fixation a lieu
d'office et tous les arrêts sont réputés contradictoires.

459. L'instance en cassation est introduite par un pourvoi, qui est en fait une requête qui, en ma-
tière civile, commerciale et sociale, doit, à peine d'irrecevabilité, être signée par un avocat à la Cour
de cassation (article 1080 du Code judiciaire).

460. Le pourvoi est signifié à la partie contre laquelle il est dirigé et est ensuite déposé au greffe de
la Cour (article 1079 du Code judiciaire).
Les voies de recours  169

461. Le pourvoi contient l'exposé des moyens de la partie demanderesse, ses conclusions et l'indi-
cation des dispositions légales dont la violation est invoquée, le tout à peine de nullité (articles 1079
et 1080 du Code judiciaire).
Le pourvoi doit à peine de nullité être déposé au greffe dans les 15 jours de sa signification.
L'affaire est alors inscrite au rôle général.
Lorsque deux parties forment un pourvoi contre la même décision, chacune d'elle est tenue d'obser-
ver les formalités et les délais prescrits. La jonction des procédures a lieu d'office (article 1083 du Code
judiciaire).

462. La réponse au pourvoi se fait selon le mode prescrit par l'article 1092 du Code judiciaire. Le
« mémoire en réponse » du défendeur doit être signé par un avocat à la Cour de cassation et envoyé
à l'avocat de la partie adverse ou à la partie adverse elle-même si elle n’a pas d’avocat, au plus tard le
jour du dépôt au greffe.
Toutefois, à peine d'irrecevabilité, le mémoire en réponse est signifié à l'avocat du demandeur ou au
demandeur lui-même, s'il n'a pas d'avocat, préalablement à sa remise au greffe lorsque le mémoire
en réponse oppose une fin de non-recevoir au pourvoi en cassation.

Le délai entre la signification de la requête introductive et le dépôt au greffe de la réponse est de


trois mois, à peine de déchéance (article 1093 du Code judiciaire). Le Code ne prévoit pas la possibi-
lité d'introduire un pourvoi incident : s'il avait des griefs à faire valoir contre la décision attaquée, le
défendeur en cassation aurait dû prendre l'initiative du pourvoi.

463. Si le défendeur oppose au pourvoi une fin de non-recevoir, le demandeur pourra déposer au
greffe, dans le mois de la signification du mémoire du défendeur, un « mémoire en réplique » qui
contient sa réponse à ladite fin de non-recevoir (article 1094 du Code judiciaire).
Le ministère public peut aussi opposer au pourvoi une fin de non-recevoir déduite de la méconnais-
sance d'une règle d'ordre public, auquel cas les avocats des parties en seront avisés par lettre missive,
au plus tard quinze jours avant l’audience, et pourront plaider sur l'admission du pourvoi après l'audi-
tion du ministère public (article 1097 du Code judiciaire).
L'affaire est en état dès l'expiration des délais fixés par les articles 1093 et 1094 du Code judiciaire et
la procédure se poursuit d'office. Le premier président de la Cour désigne un conseiller rapporteur
qui, comme son nom l'indique, fera rapport sur l'affaire, après quoi le dossier sera transmis via le
greffe au parquet général.

464. Le ministère public joue en effet un rôle important dans la procédure en cassation : son avis,
rédigé sous forme de conclusions, y est obligatoire (article 1105 du Code judiciaire).
La fixation a lieu d'office.
A l'audience, on entend successivement le rapport du conseiller, « les plaidoiries » des avocats, puis
les conclusions du ministère public. En pratique, les avocats ne plaident pas et se réfèrent aux actes
qu'ils ont rédigés. La procédure est donc essentiellement écrite.
Toutefois, l’article 1106 du Code judiciaire a été complété par un troisième alinéa qui dispose que « Le
cas échéant, le greffier joint à cet avis de fixation les questions que la Cour ou le ministère public
170 

envisagent de poser à l'audience aux avocats, ou aux parties non représentées par un avocat, ayant
déposé la requête en cassation ou un mémoire en réponse ».
Depuis l’arrêt Vermeulen du 20 février 1996359 de la Cour européenne des droits de l’homme, les par-
ties avaient la possibilité de répondre à l’audience aux conclusions prises par le magistrat du ministère
public, avant la clôture de l’audience.
L’article 1107 du Code judiciaire prévoit, depuis la loi du 14 novembre 2000, la possibilité pour les
parties de déposer une note écrite en réplique aux conclusions du ministère public ou d’y répliquer
verbalement.

465. L'arrêt est généralement déjà prononcé le jour même de l’audience.


Tous les arrêts de la Cour de cassation sont réputés contradictoires. La Cour juge tant en l'absence
qu'en présence des avocats et des parties (articles 1108 et 1113 du Code judiciaire).

Section 7
Effets des arrêts de la Cour de cassation

466. La Cour de cassation peut soit rejeter le pourvoi, soit casser. Dans ce dernier cas, en matière
civile, le renvoi est ordonné.

467. Les arrêts de rejet peuvent déclarer un pourvoi nul ou irrecevable, prononcer la déchéance
du demandeur, ou rejeter tous les moyens du pourvoi. Ces arrêts ne sont susceptibles d'aucun re-
cours. La décision qui avait été attaquée devient alors irrévocable.

468. Les arrêts de cassation remettent les parties dans l'état où elles étaient avant la décision at-
taquée. La cassation entraîne la mise à néant des suites de la décision, en ce compris son exécution
éventuelle : celui qui avait entamé celle-ci doit restituer, même si l'arrêt de la Cour de cassation ne le
dit pas expressément. Il suffit que l'arrêt soit signifié, conformément à l'article 1115 du Code judi-
ciaire360.

469. Comme il a déjà été dit, le renvoi a lieu soit devant une juridiction du même rang que celle qui
a rendu la décision cassée, soit devant la même juridiction, autrement composée (article 1110 du Code
judiciaire).
Avant la modification du Code judiciaire par la loi du 6 juillet 2017, dite loi pot-pourri V, le juge de
renvoi n'était pas lié par le premier arrêt de cassation. Si le juge de renvoi allait à l’encontre de la
décision de la Cour de cassation, les parties pouvaient former un second pourvoi qui était alors soumis
aux chambres réunies de la Cour de cassation. Si la Cour confirmait sa première décision, la deuxième
juridiction de renvoi était, quant à elle, liée par le point de droit tranché par la Cour.
Désormais, l’article 1110, alinéa 4, du Code judiciaire prévoit que la première juridiction de renvoi doit
se conformer « à l’arrêt de la Cour de cassation sur le point de droit jugé par cette Cour. Aucun recours

359
C.E.D.H., 20 février 1996, J.L.M.B., 1996, p. 904.
360
Cass., 15 février 1973, Pas., 1973, I, p. 570.
Les voies de recours  171

en cassation n’est admis contre la décision de cette juridiction, en tant que celle-ci est conforme à
l’arrêt de cassation ».
Sous cette réserve, une nouvelle instance recommence, au cours de laquelle les parties pourront dé-
velopper tous moyens, introduire des demandes nouvelles, additionnelles et reconventionnelles361.
Pour introduire l'instance après cassation, l'arrêt de cassation doit être signifié à la partie adverse, par
exploit d'huissier comportant citation à comparaître devant la juridiction de renvoi où la procédure
sera suivie selon les règles ordinaires.

470. En principe, on peut se pourvoir en cassation sans limite, pour autant que les moyens invoqués
soient différents. En effet, la juridiction de renvoi n’est liée par l’arrêt de cassation qu’en ce qui con-
cerne le point de droit tranché par le pourvoi (art. 1110, al. 4, du Code judiciaire).

361
Cass., 5 mars 2015, R.G. n° C.13.0358.F. ; Cass., 30 septembre 2013, Larc. Cass., 2014, p. 30.
172 

CHAPITRE V
La tierce opposition

Section 1
Notion

471. La tierce opposition est la voie de recours extraordinaire réservée aux tiers pour attaquer une
décision qui préjudicie à leurs droits.
Est tiers celui qui n'a pas été appelé ou qui n'est pas intervenu à la cause, en la même qualité que celle
dont il entend se prévaloir pour justifier l'intentement du recours (article 1122 du Code judiciaire).
Rappelons que l'existence de cette voie de recours est liée au fait que l'autorité de chose jugée n'a
d'effet qu'entre les parties : un tiers, auquel le contenu d'une décision porte préjudice − par exemple
en ce qu'elle va le déforcer dans un procès qu'il doit lui-même soutenir contre l'une des parties au
litige originaire − peut donc solliciter la rétractation de cette décision en ce qu'elle lui fait grief362.
Le domaine de prédilection de la tierce opposition est la procédure sur requête unilatérale : le tiers
préjudicié par la décision prise sur requête - par exemple une autorisation de saisir conservatoirement
- bénéficie de cette voie de recours.

Section 2
Conditions de recevabilité

472. Le tiers opposant doit n'avoir été ni partie, ni représenté, ni être intervenu en la même qualité,
devant le juge qui a prononcé la décision dont il demande la rétractation.
La simple connaissance de l'existence du litige ne constitue évidemment pas une cause d'irrecevabilité
du recours.

473. Le tiers doit être préjudicié par la décision, il doit avoir intérêt à ce qu'elle soit anéantie : il
faut, mais il suffit, qu'un préjudice puisse résulter pour lui de la décision en question.

474. L'article 1122 du Code judiciaire, au texte duquel il est renvoyé, énumère de manière limita-
tive ceux qui, sauf fraude ou parfois existence d'un droit propre, sont liés par ce que les parties ont
fait et ne peuvent, partant, exercer la tierce opposition.

362
« En vertu de l’article 1122, alinéa 1er du Code judiciaire, toute personne qui n’a point été dument appelée ou
n’est pas intervenue à la cause en la même qualité peut former tierce opposition à la décision, même provision,
qui préjudicie à ses droits. En vertu de cette disposition, une tierce opposition n’est irrecevable à défaut d’intérêt
que lorsqu’elle émane d’une personne dont la positiion juridique n’est pas menacée par la décision. Si l’autorité
de la chose jugée comme présomption irréfragable est relative en ce qu’elle ne peut être invoquée qu’entre les
parties, la décision revêtue de cette autorité a toutefois force probante à l’égard des tiers comme présomption
juris tantum » (Cass, 14 novembre 2019, R.D.J.P., 2020, liv., p.6).
Les voies de recours  173

Section 3
Décisions susceptibles de tierce opposition

475. La tierce opposition est ouverte contre toutes les décisions, même provisoires363 ou conser-
vatoires.
Seuls les arrêts de la Cour de cassation y échappent (article 1123 du Code judiciaire).

Section 4
Caractère facultatif

476. La tierce opposition est facultative en ce sens que la personne intéressée à former le recours
conserve tous ses autres droits, actions et exceptions, si elle ne l'exerce pas.
Cela signifie que le tiers n'est pas obligé de l'intenter à l'égard d'une décision dont il s'aperçoit qu'elle
préjudicie à ses droits. Si celle-ci lui est opposée, il pourra néanmoins la combattre par des moyens
indépendants364.

Section 5
Procédure

477. La tierce opposition est principale ou incidente.


La tierce opposition principale est introduite par « une citation donnée à toutes les parties devant le
juge qui a rendu la décision attaquée » (article 1125, alinéa 1er, du Code judiciaire).
La tierce opposition incidente est formée par conclusions prises devant le juge saisi d'une contesta-
tion, s’il est de rang égal ou supérieur à celui qui a rendu la décision attaquée, « pour autant que toutes
les parties en présence lors de celle-ci soient en cause » (article 1125, alinéa 2, du Code judiciaire).
Ce dernier cas suppose donc un litige auquel le tiers à la première décision fait partie, litige au cours
duquel celle-ci lui est opposée. La juridiction saisie de la deuxième contestation doit être d'un rang
égal ou supérieur à celle qui avait été saisie de la première, pour éviter qu'un juge de première ins-
tance ne puisse rétracter une décision rendue en appel.

478. Si le tiers décide d'introduire son recours par voie d'action principale - c'est-à-dire d'en faire
une instance distincte de celle au cours de laquelle la décision qui préjudicie à ses droits est produite
-, le juge saisi de cette dernière contestation peut surseoir à statuer (article 1126 du Code judiciaire).

363
Cass., 6 décembre 2018, J.T. 2019, liv.6788, p.709.
364
Cass., 16 octobre 1981, Pas., 1982, I, p. 245.
174 

Il peut aussi passer outre et statuer sans attendre que la tierce opposition soit vidée. En cas de recours
incident, le tribunal apprécie s'il convient de statuer par un seul jugement sur l'ensemble des litiges,
ou si l'intérêt d'une bonne justice requiert de juger la demande initiale sans attendre que la tierce
opposition ne soit en état d'être jugée365.

Section 6
Délai

479. La tierce opposition se prescrit par 30 ans. Elle peut être formée aussi longtemps que le droit
d'exécuter le jugement litigieux n'est pas prescrit (article 1128 du Code judiciaire).

480. Lorsque le jugement a été signifié au tiers, il ne dispose plus que de trois mois à dater de cette
formalité pour introduire recours (article 1129 du Code judiciaire).

481. Le délai n'est que d'un mois lorsque le recours est dirigé contre une ordonnance sur requête
unilatérale (article 1034 du Code judiciaire).

Section 7
Effets de la tierce opposition

482. La juridiction qui accueille la tierce opposition rétracte en tout ou en partie la décision atta-
quée à l'égard du tiers seulement. L'effet du recours est donc relatif. Le jugement attaqué subsiste
entre les parties à l'instance initiale. Il n'en est autrement qu'en cas d'indivisibilité (article 1130, alinéa
2, du Code judiciaire).
La question de savoir si la tierce opposition a un effet dévolutif est controversée.

483. La tierce opposition comme on l'a vu a un effet suspensif facultatif : le juge devant lequel la
décision attaquée par la tierce opposition est produite peut surseoir, mais il peut passer outre.
Toutefois, lorsque le titulaire du droit consacré par le jugement litigieux en poursuit l’exécution, le
juge des saisies, sur citation du tiers opposant, peut suspendre à titre provisoire, en tout ou en partie,
l'exécution de la décision attaquée (article 1127).

365
Voy. pour un exemple, Bruxelles, 27 octobre 1998, A.J.T., 1998-99, p. 1073.
Les voies de recours  175

Section 8
Voies de recours

484. Les voies de recours peuvent être exercées contre la décision rendue sur la tierce opposition,
l'appel excepté si la décision attaquée a été rendue elle-même en degré d'appel (article 1131 du Code
judiciaire).
Lorsque la décision a été rendue en dernier ressort, seul le pourvoi en cassation sera recevable.
176 

CHAPITRE VI
LA REQUÊTE CIVILE

Section 1
Notion

485. La requête civile est une voie de recours extraordinaire, octroyée aux parties et à leurs ayants
cause pour solliciter la rétractation d'une décision passée en force de chose jugée, que la partie de-
manderesse prétend avoir été rendue par erreur (article 1132 du Code judiciaire)366.
Elle est ouverte pour un certain nombre de causes, limitativement déterminées par l'article 1133 du
Code judiciaire, dont la philosophie générale est qu'elles reposent sur une erreur de fait, non impu-
table au juge et découverte postérieurement au prononcé de la décision367.
La requête civile est portée devant la juridiction qui a prononcé la décision attaquée : il s'agit d'un cas
de compétence exclusive368.

Section 2
Décisions susceptibles de requête civile

486. Toutes les décisions qui sont rendues par les juridictions civiles et par les juridictions répres-
sives pour autant qu'elles ont statué sur les intérêts civils sont susceptibles d'être attaquées par la
voie de la requête civile, à la condition qu'elles soient coulées en force de chose jugée.
Peu importe par contre que la décision soit encore susceptible de pourvoi.

Section 3
Causes de requête civile

487. Ce sont :
1°. Le dol personnel de la partie (adverse).
Il s'agit des manœuvres frauduleuses pratiquées en vue d'obtenir une décision favorable en trompant
le juge.
Elles doivent être le fait de la partie, de son mandataire, de personnes dont elle répond, ou d'un tiers
complice et avoir déterminé le juge à statuer comme il l’a fait.

366
Cass., 26 mai 1995, Pas., 1995, I, p. 541; Cass., 12 novembre 1980, Pas., 1981, I, p. 311; Cass., 16 mai 1974,
Pas., 1974, I, p. 961.
367
Cass. (1re ch.), 16 mars 2017, RG C.16.0146.F ; Cass., 17 février 1981, Pas., 1981, I, p. 668.
368
Cass., 28 juin 1978, Pas., 1978, I, p. 1233 ; Civ. Bruxelles (sais.), 19 novembre 2018, J.T. 2019, liv.6769, p. 308.
Les voies de recours  177

Le dol personnel de la partie peut, par exemple, résulter de conclusions mensongères prises par son
avocat, si celui-ci n'a pas été désavoué. On rappelle en effet que l'avocat, étant le mandataire de son
client, est censé ne reproduire dans ses conclusions que les propres arguments de celui-ci.
2°. La rétention, par une partie, de pièces décisives recouvrées après la décision.
Il faut que la rétention soit le fait de la partie qui gagne le procès et, selon la doctrine récente, il suffit
que la rétention ait été involontaire, pour autant que la pièce ait eu une influence décisive sur la dé-
cision du juge.
3°. L'incompatibilité des décisions rendues sur le même objet et sur la même cause, entre les
mêmes parties, agissant en même qualité.
4°. Lorsqu'il a été jugé sur pièces, témoignages, rapport d'expert ou serment reconnus ou décla-
rés faux depuis la décision.
Il faut donc que trois conditions soient réunies :
- que les éléments de preuve faux aient motivé le jugement;
- que ces éléments de preuves aient été reconnus ou déclarés faux;
- que l'établissement du caractère faux ait eu lieu après le jugement369.
L'extension aux faux serment, faux témoignage ou fausse déclaration d'expert résulte des travaux pré-
paratoires.
5°. Le cas où la décision est fondée sur un jugement ou arrêt rendu en matière répressive qui a
ensuite été annulé.
6°. Le cas où la décision est fondée sur un acte de procédure accompli au nom d'une personne
sans qu'elle ait, soit donné mandat exprès ou tacite à cette fin, soit ratifié ou confirmé ce qui a été
fait.
La possibilité d'introduire une requête civile dans cette hypothèse ajoute donc à la possibilité de dé-
savouer le mandataire.
La procédure de désaveu ne permet d'obtenir que l'annulation des actes de procédure accomplis sans
mandat (article 848 du Code judiciaire), tandis que la requête civile permet d'obtenir l'annulation du
jugement rendu dans le même cas.
Lorsque la requête civile est fondée sur cette base, le mandataire désavoué doit être mis en cause.

488. L'article 1138 du Code judiciaire précise qu'une série d'hypothèses ne donnent pas lieu à une
requête civile mais seulement à pourvoi en cassation pour contravention à la loi.
Cette disposition provient de ce qu'auparavant la confusion entre les causes de requête civile et celles
de pourvoi était très fréquente.

369
Lorsque la cause invoquée est qu'il a été jugé sur pièces déclarées fausses depuis la décision, le délai de six
mois pour former la requête civile court à partir du moment où la pièce a été déclarée fausse par une décision
passée en force de chose jugée (Cass. (1re ch.), 11 octobre 2019, RG C.18.0469.F).
178 

Section 4
Forme et délai

489. Comme elle remet en cause la chose jugée, la requête civile est organisée avec circonspection
par le Code judiciaire.

490. A peine de nullité, la requête doit être signée par trois avocats dont deux au moins sont inscrits
depuis plus de 20 ans au barreau et doit contenir tous les moyens du requérant.
Elle est signifiée avec citation à comparaître dans les formes et délais ordinaires devant la juridiction
qui a rendu la décision attaquée.
A peine de déchéance, la requête civile doit en principe370 être formée dans les six mois, à partir de la
découverte de la cause invoquée (article 1136 du Code judiciaire) mais non de la connaissance du fait
dont la preuve, obtenue plus tard, a permis cette découverte371. La Cour de cassation a précisé no-
tamment quant au point de départ du délai de six mois que : « L’article 1136 du Code judiciaire dispose
que la requête civile est formée, à peine de déchéance, dans les six mois à partir de la découverte de la
cause invoquée. Il s’ensuite que, lorsque la cause invoquée est qu’il a été jugé sur des pièces déclarées
fausses depuis la décision, le délai de six mois pour former requête civile court à partir du moment où
la pièce a été déclarée fausse par une décision passée en force de chose jugée »372.

Section 5
Effets de la requête civile

491. La requête civile n'a pas d'effet suspensif puisqu'il s'agit d'une voie de recours extraordinaire
(article 1137 du Code judiciaire).
La requête civile, comme la tierce opposition, est une voie de rétractation : la décision est annulée à
l'égard de la partie préjudiciée, dans la mesure où la requête civile est accueillie.
La requête civile a un effet dévolutif en ce sens que si elle est recevable et fondée, le juge sera à
nouveau saisi du fond du litige.

Section 6
Caractères des décisions rendues sur la requête civile

492. La décision rendue sur la requête civile est susceptible d’appel sauf lorsque la requête civile
est formée contre une décision qui n’est pas susceptible d’appel373.
Les décisions rendues en matière de requête civile sont opposables à toutes les parties en cause.

370
Sous réserve des délais prévus dans des dispositions impératives supranationales et internationales.
371
Cass., 24 juin 1999, J.T., 1999, p. 660.
372
Cass., 11 octobre 2019, R.G. n° C.18.0469.F/3.
373
Cass., 14 décembre 1992, Pas., 1992, I, p. 1377 ; Cass., 24 mai 1991, Pas., 1991, I, p. 837.
Les voies de recours  179

CHAPITRE VII
La prise à partie

493. La prise à partie est une action en responsabilité civile contre les magistrats, ouverte dans les
cas limitativement énoncés par l'article 1140 du Code judiciaire, qui sont les suivants :
1°. S'ils se sont rendus coupables de dol ou de fraude374, soit dans le cours de l'instruction soit
lors des jugements ;
2°. Si la prise à partie est expressément prononcée par la loi ;
3°. Si la loi déclare les juges responsables à peine de dommages et intérêts ;
4°. S'il y a déni de justice375.
Cette procédure, qui implique l'intervention d'un avocat à la Cour de cassation, est régie par les ar-
ticles 1142 à 1147 du Code judiciaire, au texte desquels il est renvoyé.

374
Sur ces notions, voy. Cass., 27 mars 1998, Pas., 1998, I, p. 410.
375
Voy. Cass., 18 janvier 1985, Pas., 1985, I, p. 575.
180 

TITRE IX
LES PROCEDURES URGENTES

CHAPITRE I
La procédure en référé

494. En cas d’urgence, il est possible de saisir le président de l’un des trois tribunaux (première
instance, commerce, travail) d’une demande tendant au prononcé d’une ou plusieurs mesures provi-
soires. Les articles 1035 à 1041 du Code judiciaire organisent à cet effet une procédure rapide, efficace
et autonome par rapport à la procédure au fond, la procédure « en référé ».
L’alinéa 2 de l’article 95 du Code judiciaire376 réserve l’hypothèse du référé familial. Ainsi, « le tribunal
de la famille tient l'audience à laquelle sont portés les référés pour les matières qui sont de la compé-
tence de ce tribunal » conformément aux articles 1253ter/4 et suivants du même Code.

Section 1
L’introduction de la demande en référé

§ 1. Principe : procédure contradictoire

495. Il s’agit en principe d’une procédure contradictoire, dès l’origine, introduite par citation, le
délai ordinaire de huit jours étant réduit à deux jours (art. 1035, alinéa 2, du Code judiciaire) ; cepen-
dant, si le cas requiert célérité, le délai de deux jours peut encore être abrégé (art. 1036 du Code
judiciaire).

§ 2. Exception : procédure unilatérale

496. Exceptionnellement, en cas d’absolue nécessité (art. 584, al. 3 du Code judiciaire), la procé-
dure peut être introduite au moyen d’une requête unilatérale, c’est-à-dire sans convocation de la par-
tie adverse (art. 1025 à 1034 du Code judiciaire).
Cette procédure, applicable dans des circonstances exceptionnelles relevant de l’appréciation souveraine
du juge des référés 377 , est compatible avec les règles du procès équitable (art. 6 CEDH) ainsi que

376
Inséré par l’article 129 de la loi du 30 juillet 2013 portant création d’un tribunal de la famille et de la jeunesse,
M.B. 27 septembre 2013, pp. 68429 et s. et entré en vigueur le 1er septembre 2014.
377
Il s’agit en règle d’un des cas suivants : mesure requise par l’urgence extrême de la situation ; mesure dont
l’efficacité n’est pas compatible avec la mise à la cause immédiate de l’adversaire ; demande dirigée contre un
adversaire non identifiable ou non localisable (ex. dans l’affaire dit des « sans-papiers », Civ. Bruxelles, 31 juillet
2008, J.T., 2008, p. 538) ; sur l’usage déloyal de cette procédure, voy. Comm. Liège, réf., 6 juillet 2007, J.L.M.B.,
2007, p. 1650.
LES PROCEDURES URGENTES  181

l’énoncent deux importants arrêts de la Cour de cassation du 14 janvier 2005 : la protection des droits de
la défense n’empêche pas qu’en cas d’absolue nécessité, une procédure soit introduite par requête
unilatérale, à la condition que, d’une part, la loi prévoie une telle procédure et, d’autre part, que les
personnes intéressées aient, comme le prévoit l’article 1033 du Code judiciaire, la possibilité de former
une tierce opposition contre la décision qui préjudicie à leurs droits378.

Section 2
L’instruction de la demande en référé

497. En vertu de l’article 1038 du Code judiciaire, lorsque le président autorise une mesure d’ins-
truction, celle-ci a lieu selon les règles ordinaires, sauf le droit pour le président, en cas de nécessité,
d’abréger tous délais de procédure. De manière générale, l’urgence peut justifier l’éviction de la règle
faisant obstacle à la réalisation rapide du résultat recherché.
La procédure de mise en état de la cause est ainsi adaptée au caractère urgent de la procédure (voy.
l’article 747, § 3, du Code judiciaire).

Section 3
Le régime juridique de l’ordonnance de référé

498. Le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Ainsi, compte tenu de la finalité
poursuivie par la partie, il détermine la mesure la mieux adaptée sans nécessairement retenir celle qui
aurait été suggérée.

§ 1. L’ordonnance est exécutoire par provision

499. Aux termes de l’article 1039, alinéa 2, C.J., « les ordonnances de référé sont exécutoires par
provision, nonobstant opposition ou appel, et sans caution, si le juge n’a pas ordonné qu’il en serait
fourni une »379. Il s’agit d’une exécution provisoire de plein droit, soit sans qu’elle ne soit sollicitée par
la partie ou accordée par le juge. Elle a lieu « aux risques et périls de la partie qui la poursuit. Elle se

378
Cass., 14 janvier 2005 (2 espèces), R.C.J.B., 2006, p. 491 et note J.F. VAN DROOGHENBROECK et S. VAN DROOGHEN-
BROECK, « Référé et procès équitable » p. 507 à 555.
379
Lorsqu’il s’agit d’une ordonnance rendue sur requête unilatérale, elle est également, de plein droit, exécu-
toire par provision, mais l’article 1029, alinéa 2, du Code judiciaire permet au juge d’en décider autrement, tant
en ce qui concerne l’exécution provisoire proprement dite que la fourniture d’une caution ; par ailleurs en cas
de tierce-opposition, le juge des saisies peut suspendre à titre provisoire, en tout ou en partie, l’exécution de la
décision attaquée (art. 1127 du Code judiciaire).
182 

poursuit sans garantie si le juge ne l'a pas ordonnée et sans préjudice des règles du cantonnement »
(art. 1398 du Code judiciaire)380. L’ordonnance de référé présente ainsi une très grande efficacité381.

§ 2. Une décision définitive dotée d’une autorité « limitée » de chose jugée (voire déci-
dée)

500. Le juge des référés statue au provisoire en ce sens que la nature de ses pouvoirs fait barrage
à ce que sa décision règle d’une manière irréparable la situation juridique des parties ou s’impose au
juge du fond. Il en résulte deux conséquences :
- d’une part, à l’égard du juge des référés lui-même (peu importe que les procédures successives
soient l’une unilatérale, l’autre contradictoire), en ce sens qu’il est lié par l’autorité de la chose jugée de
sa décision « sic rebus standibus »382, de sorte que le juge des référés peut la modifier ou la rétracter en
cas de changement de circonstances ;

- d’autre part à l’égard du juge du fond, « les ordonnances sur référé ne portent pas préjudice au
principal » (art. 1039 al. 1er C. jud.), en ce sens que la décision du juge des référés n’entrave ni les droits
des parties d’agir au fond, ni les pouvoirs du juge du fond dont la liberté d’appréciation reste entière. Les
mesures ordonnées en référé ne s’imposent donc pas au juge du fond – en ce sens, de telles décisions ne
sont ni déclaratives ni constitutives de droit 383 - qui peut ne pas les maintenir s’il les juge inutiles ou non
fondées et s’il devait résulter quelque préjudice de leur exécution, il peut condamner la partie à tous
dommages-intérêts. Inversement, le juge des référés est lié par la décision du juge du fond384.

§ 3. Les voies de recours

501. Dans l’hypothèse exceptionnelle de la procédure sur requête unilatérale, la personne qui n’est
pas intervenue à la cause peut formaliser une tierce opposition contre la décision qui préjudicie à ses
droits (art. 1033 du Code judiciaire).

380
Voy. cep. la conception restrictive que retient la Cour de cassation de l’article 1398 du Code judiciaire, lequel
ne s’appliquerait qu’à l’exécution provisoire d’un jugement sur le fond ; voy. Cass., 11 mars 2005, Auteurs et
Medias, 2005/5, p. 398 et obs. F. DE VISSCHER; Cass., 30 mars 2007, C.04.0483.N et concl. contr. du ministère
public ; E. DIRIX, « Overzicht van rechtspraak – Beslag en collectieve schuldenregeling (2002-2007) », T.P.R., 2007,
p. 2067, n°s 40 et 42.
381
Sur la motivation souple en la matière, voy. S. MOSSELMANSS, « Interprétation ou adaptation de l’obligation de
motivation en vue de lutter contre l’arriéré judiciaire », in Rapport de la Cour de cassation 2008, p. 235, n° 82.
382
Cass., 18 février 2010, RG C.09.0054.N : « La nature des mesures prises par le juge des référés n’exclut pas
qu’il prenne, pour la période suivant l’expiration de la durée de validité d’une mesure ordonnée par une ordon-
nance antérieure, une nouvelle ordonnance qui vaudra pour l’avenir, si la situation après l’expiration de la durée
de la mesure ordonnée auparavant l’exige et dans la mesure où il n’annule pas le bénéfice de la décision anté-
rieure ».
383
Cass., 8 septembre 2008, Pas., 2008, p. 1879.
384
Cass., 26 février 2004, Pas., 2004, p. 337.
LES PROCEDURES URGENTES  183

En règle, cependant, la décision est rendue à l’issue d’une procédure, certes accélérée, mais
contradictoire, de telle sorte que les deux voies de recours ordinaires sont celles du droit commun :
l’opposition et l’appel.

A. Opposition

502. Conformément au nouvel article 1047 du Code judiciaire, l’opposition à l’encontre d’une or-
donnance par défaut n’est possible que si celle-ci n’est pas susceptible d’appel.

B. Appel

503. En cas d’appel, l’article 1040 du Code judiciaire stipule que « l’article 1035 est applicable aux
délais de comparution devant la cour d’appel et devant la cour du travail. Si néanmoins le cas requiert
célérité, le premier président peut permettre par ordonnance de citer à l’audience dans le délai qu’il
indiquera. L’appel est jugé conformément à l’article 1066 ».

504. Il s’agit d’une procédure dite de « débats succincts assimilés » en application de l’article 1066,
alinéa 2, 1°, du Code judiciaire.
En principe, l’appel de l’ordonnance n’est pas subordonné à la démonstration de l’urgence par l’appelant,
défendeur originaire.

Enfin, la cour d’appel saisie d’un contentieux du juge des référés ne peut que statuer au provisoire dans
le respect de l’autorité de la chose jugée au fond 385 ; c’est pourquoi « lorsqu’un défendeur en référé
interjette appel de la mesure provisoire qui lui a été imposée, le juge d’appel n’est pas tenu de statuer sur
la mesure demandée et ordonnée eu égard aux droits apparents des parties ; il peut se borner à constater
que cette mesure est devenue sans objet suite à la décision rendue par le juge du fond »386.

Section 4
L’autonomie de la procédure en référé par rapport à la procédure au fond

§ 1. Compétence du juge des référés alors que le contentieux ne relève pas au fond du
pouvoir judiciaire

505. Le juge des référés est compétent alors que le fond de la demande ne relève pas ou ne relè-
vera pas du pouvoir judiciaire (ainsi, en matière d’arbitrage, voy. l’article 1679, alinéa 2, du Code

385
Voy. Cass., 23 novembre 2006, Pas., 2006, p. 2464 et concl. Ph. DEKOSTER.
386
Cass., 19 septembre 2002, Pas., 2002, p. 1697.
184 

judiciaire en ce qui concerne les « mesures provisoires » ; de même, en matière internationale, voy.
l’article 35 du Règlement (CE) n° 1215/2012 et l’article 10 du Code de droit international privé).

§ 2. La saisine du juge du fond n’est pas indispensable

506. Il n’est pas requis qu’une juridiction de fond soit saisie préalablement, concomitamment ou
ultérieurement387. Aussi, le désistement devant le juge du fond est, en soi, sans incidence sur le pou-
voir du juge des référés.

§ 3. L’interruption de la prescription

507. Si la citation en référé ne tend pas à la reconnaissance d’un droit, elle n’a pas d’effet interrup-
tif388. En d’autres termes, la citation en référé n’interrompt la prescription que dans le cas où la de-
mande tend manifestement à l’anticipation du fond du litige, le référé-provision étant le paradigme
de cette hypothèse389.

§ 4. Litispendance et connexité

508. Il n’y a ni litispendance ni connexité entre le référé et le fond.

§ 5. Question préjudicielle

509. La nature propre des procédures en référé et notamment la règle selon laquelle le juge des
référés ne peut statuer sur le fond du litige, empêche en principe qu’une question préjudicielle soit
posée.

§ 6. Aspects de procédure

510. Il n’y a pas de communication obligatoire des causes au ministère public devant le juge des
référés (art. 764, alinéa 1er, du Code judiciaire).

387
Civ. Liège (réf.), 2 novembre 2009, J.L.M.B., 2009, p. 1942.
388
Cass., 17 février 1989, Pas., 1989, p. 621.
389
J.-Fr. VAN DROOGHENBROECKet R.O. DALCQ, « La loi du 10 juin 1998 modifiant certaines dispositions en matière
de prescription », J.T., 1998, p. 709.
LES PROCEDURES URGENTES  185

La règle « le criminel tient le civil en état » ne s’applique pas devant le juge des référés car ne pouvant
statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut porter atteinte à l’autorité de la décision à intervenir
devant la juridiction répressive.

La saisine successive du même magistrat, en qualité d’abord de juge des référés et ensuite de juge du
fond, se conçoit si aucun « préjugement », ou encore aucune prise de position significative, n’a été émis
lors de l’instance en référé.

Section 5
Les mesures prises par le juge des référés

§ 1. Les principes

A. Les limites du provisoire

511. Statuant au provisoire, le juge des référés ne peut ni accorder, fût-ce au motif de l’urgence,
ce que le juge du fond ne pourrait allouer ou octroyer390, ni arrêter des mesures aux effets irréversibles
sans qu’une réparation par équivalent soit possible391.

B. Droits apparents et règle de proportionnalité

512. Pour le surplus, aucune limite ni restriction n’existe quant aux mesures provisoires ou conser-
vatoires susceptibles d’être arrêtées par le juge des référés. Ainsi, une ordonnance du président du
tribunal du travail de Bruxelles du 11 mai 2006 énonce justement que : « le juge des référés peut, sans
porter atteinte à l’interdiction qui lui est faite de porter préjudice au fond, examiner les droits appa-
rents des parties et ordonner toutes les mesures justifiées par les circonstances, étant entendu que sa
décision ne fixe pas le droit et ne lie pas le juge du fond. La circonstance que les mesures ordonnées
auraient même des conséquences irréversibles n’empêche pas l’intervention du juge des référés pour
autant que la réparation par équivalent demeure possible »392.

390
Par exemple des délais de grâce alors que le juge du fond a statué sans accorder de tels délais (art. 1333 al. 2
C. J.) ; voy. Civ. Dinant, Réf., 23 mars 2007, J.T., 2008, p. 160.
391
Voy. Civ. Liège (réf.), 2 novembre 2009, J.L.M.B., 2009, p. 1942 ; adde Cass., 19 février 2010, J.L.M.B., 2010,
p. 392, J.T., 2010, p. 140 et concl. du ministère public (aff. Fortis).
392
J.T.T., 2006, p. 380 ; en l’espèce le président du tribunal du travail de Bruxelles siégeant en référé estime qu’il
peut ordonner à l’employeur de suspendre provisoirement l’entrée en vigueur de modifications que celui-ci
entend apporter au contrat de travail tant que les parties n’ont pas trouvé un accord à ce sujet ou que le contrat
n’a pas pris fin par consentement mutuel, décision judiciaire définitive ou décision unilatérale. Voy. ég. Cass., 12
janvier 2007, Pas., 2007, p. 71: « Lorsqu’une partie souhaite mettre fin unilatéralement à un contrat à durée
indéterminée le juge ne peut, en imposant un délai de préavis complémentaire, s’immiscer dans l’exécution de la
186 

Ces mesures varient en fonction des circonstances de la cause de telle sorte qu’à une apparence de droit
relativement faible doit correspondre une protection affaiblie, voire nulle ; il s’agit de la règle de la
proportionnalité ou de la mise en balance des intérêts en présence, c’est-à-dire, dans chaque cas, la
comparaison entre le préjudice que subirait le demandeur en cas de refus de la mesure sollicitée et le
préjudice qu’éprouverait le défendeur si cette mesure était ordonnée. Cette comparaison des deux
préjudices éventuels peut reposer sur des éléments de fait telle leur importance économique respective
mais également sur la qualité de la démonstration de droits menacés393.

C’est dans ce contexte qu’est assez fréquemment faite une distinction entre les apparences de droit et
les droits évidents comme critère de l’intervention présidentielle, mais cette distinction est à ce point
floue qu’elle laisse une marge d’appréciation considérable au juge des référés394.

C. Le provisoire n’est pas le temporaire

513. La saisine de la juridiction du fond est en règle abandonnée à la seule discrétion des parties et
rien ne fait obstacle à ce qu’une mesure provisoire ne mette, en fait, un terme définitif au différend.
« Provisoire, sans doute, mais à durée indéterminée, en pratique et le plus souvent, à durée indéfi-
nie »395.
Le caractère provisoire de la mesure est donc à distinguer de son caractère temporaire. Il arrive
cependant, compte tenu des circonstances de l’espèce, que le juge des référés limite dans le temps les
effets de la mesure en subordonnant leur pérennité à l’introduction, par le bénéficiaire de la mesure
ordonnée, d’une procédure au fond dans un délai déterminé396.

§ 2. Typologie des mesures prises par le juge des référés

514. Il est possible de regrouper les mesures prises par le juge des référés en trois grandes catégo-
ries : les mesures d’instruction, les mesures d’attente et les mesures d’anticipation.

convention; dans un tel cas, le juge des référés dispose toutefois de la possibilité de prendre des mesures limitées
conservatoires des droits et notamment de permettre une réelle indemnisation ou encore de ne pas rendre pure-
ment théorique le maintien des droits contractuels de la partie adverse (C. jud., art. 584) ».
393
P. MARCHAL, « Les référés », Rep. Not., t. XIII, 1992, p. 47 et réf. cit.
394
La Cour de cassation maintient néanmoins l’apparence de droit comme une condition du référé : « En cas
d’urgence, le juge des référés peut ordonner des mesures conservatoires s’il y a une apparence de droit justifiant
la prise de la décision. À cet égard, il ne peut pas déclarer de droits et ne peut pas davantage régler définiti-
vement la position juridique des parties. Il apprécie souverainement, dans les limites du raisonnable, si l’appa-
rence est suffisante pour justifier sa décision » (Cass. (3e ch.), 7 décembre 2020, RG C.20.0004.N).
395
J. NORMAND, « Examen de jurisprudence en matière de procédure civile », R.T.D.C., 1997, p. 501.
396
Voy. ainsi Bruxelles, 31 juillet 2009, NjW., 2010, p. 248.
LES PROCEDURES URGENTES  187

A. Mesures d’instruction (fonction préparatoire et probatoire)

515. Dans les cas urgents, le juge des référés peut ordonner toute mesure d’instruction dont l’op-
portunité et le résultat sont appréciés par le juge du fond. Cette situation doit demeurer exception-
nelle car la règle est qu’il appartient à la juridiction saisie du fond, la mieux placée pour en apprécier
l’utilité, d’ordonner les mesures d’instruction.
En ce qui concerne le déroulement de la mesure d’instruction, le droit commun est applicable, sous la
réserve de ce qu’énonce l’article 1038 du Code judiciaire, lequel applique aux mesures d’instruction la
règle de l’assouplissement des règles de procédure en raison de la nature de la juridiction présidentielle
et de l’urgence de la situation qui lui est soumise.

B. Mesures de stabilisation ou mesures équitables d’attente (fonction conservatoire)

516. Les mesures d’attente doivent permettre aux parties de continuer « à vivre » aussi longtemps
que le fond du litige n’est pas tranché. Il s’agit de préserver un statu quo. L’existence d’une contesta-
tion sérieuse n’empêche pas une mesure provisoire ou conservatoire. A titre d’illustrations, on citera
la désignation d’un administrateur provisoire d’une société paralysée par un conflit entre actionnaires,
celle d’un liquidateur chargé de prendre en charge un patrimoine qui sinon dépérirait ou d’un sé-
questre ; la mesure de surséance ou de suspension397 ; l’interdiction faite sous astreinte de harceler
une ancienne relation398, l’interdiction faite sous astreinte au conservateur des hypothèques de trans-
crire un acte passé en contravention de cette interdiction ou encore interdiction faite sous astreinte
à un vendeur d’aliéner son immeuble à une personne autre que l’acquéreur par acte sous signature
privée…399.
De manière générale, on renvoie à l’article 584, alinéa 4, du Code judiciaire, 1° à 6°.

C. Les mesures d’anticipation (fonction restauratrice)

517. Le droit invoqué est à ce point évident que le juge des référés anticipe sur le jugement au
fond ; il prend une mesure identique à celle qu’arrêterait celui-ci si l’affaire était évoquée devant lui
mais sans que son ordonnance ne porte préjudice au principal.

397
Ainsi, la suspension provisoire de la diffusion d’une émission de télévision (Cass., 2 juin 2006, Pas., 2006, p.
1302 et concl. du M. Ph. DE KOSTER), le retrait de la vente et l’interdiction de la diffusion ultérieure d’un hebdo-
madaire (Bruxelles, 31 juillet 2009, NjW, 2010, p. 248) ou la suspension provisoire de la mise en application
d’une modification unilatérale des conditions de travail (Trav. Bruxelles (réf.), 25 octobre 2007, J.T.T., 2008, p.
310 ; adde Civ. Liège (réf.), 5 septembre 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1399 et obs. J. CLESSE) ou d’un délai de préavis
du contrat à durée indéterminée (Cass., 12 janvier 2007, R.W., 2008-2009, p. 608).
398
Civ. Bruxelles (réf.), 21 mai 2007, R.W., 2007-2008, p. 659.
399
Voy. ainsi Bruxelles, 11 janvier 2007, Rev. Not., 2007, 273.
188 

Le juge des référés ne connaît pas du fond de la cause en ce sens qu’il ne dit pas le droit lorsqu’il examine
les droits apparents des parties et prend provisoirement parti sur ceux-ci avant d’arrêter la mesure de
référé.

518. Classiquement on distingue trois types de mesures d’anticipation :


- l’injonction de faire (effectuer un travail ou une livraison, quitter les lieux occupés sans droit,
restituer une comptabilité…)400 ;

- l’injonction de ne pas faire (interdire l’exercice d’une activité par exemple au mépris d’une clause
de non-concurrence401 ou du respect de la vie privée402, interdire la diffusion d’une publication403) ;

- le référé-provision ou injonction de payer une somme d’argent.

L’allocation d’une provision par le juge des référés est subordonnée à la vérification de trois conditions :

1°. la démonstration, par le demandeur, de son état grave d’impécuniosité, le rendant incapable
de faire face à ses dettes sans l’obtention de la provision dont il sollicite l’octroi ;
2°. l’urgence manifeste à remédier à cette situation et le préjudice grave, voire irréparable, qui
résulterait de l’abstention du juge des référés à faire droit à la demande ;
3°. l’incontestatibilité apparente de la créance alléguée et de la dette corrélative, appréciée au
regard du risque de voir le juge du fond désavouer ultérieurement la position prise par le juge des
référés404.
Pour le surplus, le montant de la provision n’a d’autre limite que le montant non sérieusement
contestable de la dette alléguée, sans que la moindre contestation ne suffise à rendre l’obligation
contestable.

Aujourd’hui le référé-provision est, dans le respect des conditions précitées, admis de manière unanime.

400
Le coureur automobile Schumacher a été condamné sous astreinte par le juge des référés de Bruxelles à
porter le casque de marque « Bell » (Civ. Bruxelles (réf.), 1er mars 2001, J.T., 2001, p. 250).
401
Une demande en référé tendant à faire respecter une clause de non-concurrence, peut être considérée
comme une mesure d’anticipation dans la mesure où il s’agit de faire exécuter un engagement contractuel de la
même manière que le juge du fond serait appelé à l’imposer judiciairement (voy. ainsi C.T. Bruxelles, 15 juin
2006, J.T.T., 2006, p. 427).
402
Civ. Eupen (réf.), 12 janvier 2007, J.L.M.B., 2008, p. 1111.
403
Voy. aussi Civ. Bruxelles (réf.), 6 novembre 2008, J.T., 2008, p. 724.
404
Bruxelles, 19 mai 2005, J.T., 2005, p. 774 ; Bruxelles, 25 octobre 2007, J.T., 2008, p. 10 : « Le juge des référés
peut faire droit à une demande de provision à valoir sur la condamnation à prononcer par le juge du fond à la
triple condition d’une urgence non imputable au demandeur, du caractère incontestable de sa prétention et de
son état d’impécuniosité. L’appréciation de cette dernière condition doit se faire, non par rapport à la globalité
du patrimoine du demandeur, mais au regard de sa possibilité de disposer de manière non dommageable des
liquidités nécessaires à la remédiation de la situation subie ».
LES PROCEDURES URGENTES  189

CHAPITRE II
Les procédures « comme en référé »

Section 1
Notion

519. Le juge statuant en la forme du référé ou comme en matière de référé est un juge qui est saisi
d’un point de vue procédural comme le juge des référés mais qui statue au fond.
De plus en plus nombreuses sont les dispositions légales attribuant aux présidents des juridictions de
première instance405 le pouvoir de statuer « selon les formes du référé » en ce sens que la décision est
rendue « au fond » ou « au principal » mais dans le cadre d’une procédure « comme en référé » c’est-à-
dire rapide et efficace.

Section 2
Les caractéristiques communes à la plupart des procédures « comme en référé »

§ 1. Compétence exclusive et restrictive

520. La compétence est exclusive en ce sens qu’est seul compétent, à l’exclusion de tout autre, le
juge désigné par la loi pour statuer dans « les formes du référé ». La compétence est restrictive en ce
sens que ce juge statuant « comme en référé » ne peut connaître de demandes qui ne relèvent pas de
sa compétence d’attribution et sans possibilité de prorogation de compétence406. En cas d’incident de
compétence, celui-ci est réglé conformément aux articles 639 et 640. Si l’incident se produit entre les
sections d’une même juridiction, il s’agit d’un incident de répartition.

405
Voy. les articles 587 et suivants du Code judiciaire se référant à des législations particulières, lesquelles orga-
nisent de manière dispersée le « quasi-référé » (voy. C. DALCQ, « Les actions comme en référé » in Le référé judi-
ciaire, éd. J.B. Bruxelles, 2003, p. 146 et s. ; C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du « comme
en référé » : le point sur les questions transversales de compétence et de procédure », in Les actions en cessa-
tion, Formation permanente C.U.P., Larcier, 2006, vol. 87, p. 7 et s. ; H. BOULARBAH et X. TATON, « Les procédures
accélérées en droit commercial (référé, comme en référé, avant dire droit, toutes affaires cessantes) : principes,
conditions et caractéristiques in Le tribunal de commerce : procédures particulières et recherche d’efficacité, éd.
J.B. Bruxelles, 2006, p. 38 et s. et les réf. cit.).
406
J.F. VAN DROOGHENBROECK, « La nature et le régime de la compétence exercée « comme en référé » », J.T., 1996,
pp. 554 à 558.
190 

§ 2. Urgence non requise

521. L’urgence ne doit pas être alléguée, ni démontrée, ni vérifiée ; elle est justifiée par le pouvoir
du juge de statuer au fond. Malgré le caractère définitif au fond de la compétence attribuée au prési-
dent, les causes sont introduites et traitées dans les formes du référé sans que ne soit prise en compte
la condition d’urgence ; dans les cas retenus par le législateur, celui-ci a décrété qu’il était contre-
productif de différer le jugement du principal.

§ 3. Jugement revêtu de l’autorité de la chose jugée au principal

522. L’emprunt au référé se limite à la procédure qui doit être suivie car le juge statue comme le
ferait un juge au principal. En un mot, appelé à statuer « comme en référé », le juge ne statue pas au
provisoire et sa décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée au principal (l’article 1039 alinéa
1er du Code judiciaire est donc inapplicable).
Dans certains cas, le législateur renforce la prééminence de la procédure « comme en référé » en cas de
concurrence avec une procédure pénale, en ce sens qu’il peut y avoir inversion du principe traditionnel
selon lequel le criminel tient le civil en état407. En ce cas, la décision présidentielle s’impose à toutes les
juridictions appelées à statuer ultérieurement sur le litige, y compris au juge pénal408.

§ 4. Jugement exécutoire par provision

523. Il s’agit de l’exécution provisoire de plein droit au sens de l’article 1039, alinéa 1, du Code
judiciaire. Les règles du « référé classique » sont donc applicables.

407
Aux termes de l’article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code d’instruction criminelle, « l’action civile peut
être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l’action publique. Elle peut aussi l’être séparé-
ment ; dans ce cas l’exercice en est suspendu tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique
intentée avant ou pendant la poursuite de l’action civile, pour autant qu'il existe un risque de contradiction entre
les décisions du juge pénal et du juge civil et sans préjudice des exceptions expressément prévues par la loi ».
408
Ainsi en vertu de l’article 3, alinéa 5, de la loi du 12 janvier 1993 concernant un droit d’action en matière de
protection de l’environnement : « il est statué sur la demande nonobstant toute action pénale exercée en raison
des mêmes faits » ; l’alinéa suivant énonce que « il est sursis à statuer sur l’action pénale relative à des faits
faisant l’objet d’une action en cessation, jusqu’à ce que qu’une décision passée en force de chose jugée ait été
rendue relativement à l’action en cessation ».
191 

TABLE DES MATIERES


TITRE V L’INTRODUCTION DE LA DEMANDE ........................................................................ 3

CHAPITRE I La prise en charge des frais de procédure par un tiers ................................................................. 3


Section 1 L’aide juridique ............................................................................................................................. 3
§ 1. Définition de l’aide juridique ............................................................................................................. 3
§ 2. L’aide juridique de deuxième ligne.................................................................................................... 3
A. Le bureau d’aide juridique ................................................................................................................ 3
B. L’avocat et l’aide juridique de deuxième ligne .................................................................................. 4
§ 3. De l’aide juridique à l’assistance judiciaire ........................................................................................ 5
Section 2 L’assistance judiciaire .................................................................................................................... 6
§ 1. Notion .............................................................................................................................................. 6
A. Gratuité de la procédure .................................................................................................................. 6
B. Système d’avance (parfois partielle) de certains frais avec possibilité de récupération ................... 7
C. Actes couverts et procédure concernée .......................................................................................... 7
§ 2. Les bénéficiaires et les conditions de l’assistance judiciaire ............................................................. 7
A. Cause n’étant pas manifestement irrecevable ou mal fondée .......................................................... 8
B. Moyens d’existence insuffisants ........................................................................................................ 8
§ 3. Organisation judiciaire et compétence ............................................................................................. 8
§ 4. Procédure ......................................................................................................................................... 8
A. Introduction ...................................................................................................................................... 8
B. Caractère unilatéral de la procédure ............................................................................................... 9
C. Rôle du ministère public ................................................................................................................... 9
D. Recours ............................................................................................................................................. 9
Section 3 L’assurance protection juridique .................................................................................................. 9

CHAPITRE II La conciliation obligatoire ......................................................................................................... 11

CHAPITRE III Les modes introductifs d’instance ............................................................................................. 12


Section 1 La citation ................................................................................................................................... 12
§ 1. Principe : Introduction par citation................................................................................................. 12
§ 2. Nature et sanction .......................................................................................................................... 12
§ 3. Citation et signification ................................................................................................................... 12
A. Notions ........................................................................................................................................... 12
B. Les modes de signification .............................................................................................................. 13
a) La signification électronique ....................................................................................................... 13
b) La signification à personne ......................................................................................................... 14
c) La signification au domicile, à la résidence ou au domicile élu ................................................... 15
d) La signification par dépôt au domicile d'une copie de l'exploit .................................................. 16
e) La signification à l'étranger ......................................................................................................... 17
f) La signification à parquet ............................................................................................................ 17
g) Règles spéciales .......................................................................................................................... 18
h) Heure et jour de signification ..................................................................................................... 18
§ 4. Les mentions de l’exploit de citation .............................................................................................. 18
§ 5. Le délai de citation ou de comparution .......................................................................................... 19
SECTION 2 Les autres modes d’introduction de l’instance ........................................................................... 20
192 

§ 1. La requête conjointe ....................................................................................................................... 20


§ 2. La requête « contradictoire » ......................................................................................................... 21
§ 3. La requête unilatérale ..................................................................................................................... 24
§ 4. Les mécanismes de saisine « permanente » ou « simplifiée » ........................................................ 24
A. La saisine permanente ..................................................................................................................... 24
B. La saisine simplifiée ......................................................................................................................... 24
Section 3 La mise au rôle et le dossier de la procédure ............................................................................ 25
§ 1. Le rôle général ................................................................................................................................ 25
§ 2. Le dossier de la procédure ............................................................................................................. 26

CHAPITRE IV Les effets de l’introduction de la demande ............................................................................... 27


Section 1 Effets à l’égard des parties .......................................................................................................... 27
Section 2 Effets à l'égard du juge ................................................................................................................ 27
Section 3 Effets à l'égard du fond du droit ................................................................................................. 27

TITRE VI L’INSTRUCTION DE LA DEMANDE .......................................................................... 29

CHAPITRE I L’audience d’introduction ........................................................................................................... 29


Section 1 Comparution et représentation des parties en justice .............................................................. 29
§ 1. Principes .......................................................................................................................................... 29
§ 2. Juridictions d'exception .................................................................................................................. 29
§ 3. Juridictions du travail ...................................................................................................................... 29
§ 4. Tribunal de la famille ....................................................................................................................... 30
§ 5. Exception ........................................................................................................................................ 30
Section 2 Le traitement de la cause à l’audience d’introduction ............................................................... 30

CHAPITRE II La procédure par défaut ............................................................................................................ 33


Section 1 Introduction................................................................................................................................ 33
Section 2 La procédure par défaut ............................................................................................................. 35
§ 1. Le défaut à l’audience d’introduction ............................................................................................. 35
§ 2. Le défaut aux audiences ultérieures ............................................................................................... 35
A. En cas de remise contradictoire (article 804, alinéa 1er, du Code judiciaire) ................................. 35
B. Alors que la partie était déjà défaillante à l’audience d’introduction (article 803 du Code
judiciaire) ................................................................................................................................................. 35
C. A la suite d’une omission du rôle (article 730) .............................................................................. 36
§ 3. Le défaut de plaider ........................................................................................................................ 36
§ 4. Défaut en fin d’audience et rabat du défaut ................................................................................... 37
§ 5. Péremption du jugement par défaut ............................................................................................... 37

CHAPITRE III La mise en état de la cause ....................................................................................................... 38


Section 1 ........................................................................................................................................................... 38
La communication des pièces ........................................................................................................................... 38
§ 1. Principe ........................................................................................................................................... 38
§ 2. Délais .............................................................................................................................................. 38
§ 3. Formes et preuve de la communication ......................................................................................... 39
§ 4. Sanction de la non-communication ................................................................................................. 39
Section 2 Les conclusions ........................................................................................................................... 39
LES PROCEDURES URGENTES  193

§ 1. Notions ........................................................................................................................................... 39
§ 2. L’échange des conclusions .............................................................................................................. 41
§ 3. Les délais ......................................................................................................................................... 42
A. La mise en état « consensuelle judiciarisée » (article 747, §1er) ..................................................... 42
B. La mise en état « judiciaire » dès l’audience d’introduction (article 747, § 2) ............................... 43
C. La mise en état consensuelle et la mise en état « judiciaire » en cours de procédure (articles 747,
§2 et 750)................................................................................................................................................. 43
D. L'article 748 du Code judiciaire ...................................................................................................... 44
a) L'article 748, § 1er, du Code judiciaire ........................................................................................ 44
b) L'article 748, § 2, du Code judiciaire ou la réouverture du droit de conclure en cas de
découverte d'une pièce ou d'un fait « nouveau et pertinent » ........................................................... 44
E. Conclusions contestant l’application des articles 747, 748, et 750 du Code judiciaire ................. 45
§ 4. Nombre d’écrits conclusions .......................................................................................................... 45
§ 5. Effets produits par les conclusions ................................................................................................. 47
A. A l’égard du juge ............................................................................................................................. 47
B. A l’égard des parties ....................................................................................................................... 47

CHAPITRE IV Les moyens de défense ............................................................................................................ 49


Section 1 Définition .................................................................................................................................... 49
Section 2 Les défenses au fond .................................................................................................................. 49
Section 3 Les exceptions ............................................................................................................................ 50
§ 1. Les exceptions dilatoires et les fins de non procéder .................................................................... 50
§ 2. Les exceptions péremptoires ......................................................................................................... 51
A. Notion et exemples ........................................................................................................................ 51
B. Les exceptions de nullité ................................................................................................................ 51
a) Notion ........................................................................................................................................ 51
b) Pas de nullité sans texte (article 860, alinéa 1er) ........................................................................ 51
c) Pas de nullité sans grief (article 861) .......................................................................................... 52
d) La couverture procédurale des nullités ...................................................................................... 53
e) L’ancienne couverture spéciale de l'article 867.......................................................................... 54
f) Extension du régime des nullités aux nullités absolues « sui generis » ou « spécifiques » ............. 54
g) La couverture spéciale de l’article 863 du Code judiciaire ........................................................ 55
h) Les conséquences de la nullité ................................................................................................... 55
Section 4 ........................................................................................................................................................... 56
Les fins de non-recevoir ................................................................................................................................... 56

CHAPITRE V Les demandes incidentes .......................................................................................................... 57


Section 1 La modification ou l’extension par le demandeur de la demande originaire ............................. 57
§ 1. La demande additionnelle ............................................................................................................... 57
A. Définition ........................................................................................................................................ 57
B. Conditions de recevabilité .............................................................................................................. 57
C. Forme de la demande additionnelle................................................................................................ 57
§ 2. La demande nouvelle ...................................................................................................................... 58
A. Définition ........................................................................................................................................ 58
B. Conditions de recevabilité .............................................................................................................. 58
C. La demande nouvelle en degré d’appel ........................................................................................... 61
D. Nature de l’article 807 du Code judiciaire - Conséquences .......................................................... 61
194 

E. Forme de la demande nouvelle ....................................................................................................... 62


§ 3. La réduction de la demande principale ........................................................................................... 62
Section 2 L’introduction par le défendeur d’une demande contre le demandeur : la demande
reconventionnelle ............................................................................................................................................. 62
§ 1. Définition ........................................................................................................................................ 62
§ 2. Conditions de recevabilité .............................................................................................................. 62
§ 3. La demande reconventionnelle en degré d’appel ........................................................................... 64
§ 4. Forme de la demande reconventionnelle ....................................................................................... 65
Section 3 Les demandes par lesquelles un tiers devient partie à la cause : les demandes en intervention66
§ 1. Introduction .................................................................................................................................... 66
A. Définition ........................................................................................................................................ 66
B. Régime ............................................................................................................................................ 67
§ 2. L’intervention volontaire ................................................................................................................ 67
A. Notion ............................................................................................................................................ 67
B. Conditions de recevabilité .............................................................................................................. 68
a) L'intervention volontaire conservatoire ..................................................................................... 68
b) L'intervention volontaire agressive ............................................................................................ 68
C. Procédure ....................................................................................................................................... 68
§ 3. L’intervention forcée ...................................................................................................................... 69
A. Notion ............................................................................................................................................ 69
B. Recevabilité ..................................................................................................................................... 69
a) L'intervention forcée conservatoire ........................................................................................... 70
b) L'intervention forcée agressive................................................................................................... 70
C. Procédure ....................................................................................................................................... 70
§ 4. Autonomie par rapport à la demande principale ........................................................................... 71

CHAPITRE VI Les preuves ............................................................................................................................. 73


Section 1 Principes généraux ..................................................................................................................... 73
§ 1. Introduction .................................................................................................................................... 73
§ 2. Règles gouvernant la charge de la preuve et la réception des preuves en justice ......................... 73
§ 3. Modes de preuve prévus par le Code judiciaire ............................................................................. 75
§ 4. Caractéristiques communes aux procédures de réception des preuves ....................................... 76
Section 2 ........................................................................................................................................................... 76
Les mesures d’instruction ................................................................................................................................ 76
§ 1. La production de documents .......................................................................................................... 76
§ 2. L’enquête ........................................................................................................................................ 77
A. Généralités ...................................................................................................................................... 77
B. Procédure ....................................................................................................................................... 78
a) Le jugement autorisant ou ordonnant l’enquête ........................................................................ 78
b) La comparution des témoins ...................................................................................................... 79
c) L'audition des témoins ................................................................................................................ 80
d) La clôture des enquêtes et le jugement ..................................................................................... 81
e) Le procès-verbal de l’enquête et le délai pour demander l’enquête contraire.......................... 82
C. La validité de l'enquête et la force probante des dépositions ........................................................ 82
a) Validité de l’enquête ................................................................................................................... 82
b) Force probante de l’enquête ...................................................................................................... 83
§ 3. Les attestations écrites ................................................................................................................... 83
LES PROCEDURES URGENTES  195

§ 4. L'expertise ...................................................................................................................................... 84
A. Généralités ...................................................................................................................................... 84
B. Désignation de l’expert ................................................................................................................... 84
a) Principe ....................................................................................................................................... 84
b) Compétence ............................................................................................................................... 85
c) Décision qui ordonne l’expertise ............................................................................................... 85
d) Recours ...................................................................................................................................... 86
C. Procédure ....................................................................................................................................... 86
a) Acceptation de sa mission par l’expert ...................................................................................... 86
b) Réunion d’installation ................................................................................................................. 86
c) Récusation et remplacement de l’expert ................................................................................... 87
d) Déroulement de l’expertise ....................................................................................................... 87
e) Caractère contradictoire de l’expertise ..................................................................................... 87
f) Contrôle de la mission de l’expert............................................................................................. 88
g) Respect des délais ...................................................................................................................... 88
h) Une partie ou un tiers se manifeste en cours d’expertise ......................................................... 88
i) Tentative de conciliation ............................................................................................................ 89
D. Le rapport d'expertise .................................................................................................................... 89
a) Les constatations et l’avis provisoire ......................................................................................... 89
b) Le rapport final ........................................................................................................................... 89
E. Les frais de l’expertise .................................................................................................................... 89
F. Portée de l'avis de l'expert ............................................................................................................. 90

CHAPITRE VII Les incidents ........................................................................................................................... 91


Section 1 Les incidents relatifs à l’interruption de l’instance ..................................................................... 91
§ 1. La reprise d’instance ....................................................................................................................... 91
A. L’interruption de l’instance ............................................................................................................. 91
a) Le décès d'une partie.................................................................................................................. 91
b) Le changement d'état ................................................................................................................. 92
c) La modification de la qualité ....................................................................................................... 92
B. Effets de l’interruption de l’instance ............................................................................................... 94
a) La reprise d'instance volontaire ................................................................................................. 94
b) La reprise d'instance forcée ....................................................................................................... 94
c) Remarques .................................................................................................................................. 95
§ 2. Le désistement ................................................................................................................................ 95
A. Généralités ...................................................................................................................................... 95
B. Le désistement d'un acte de procédure et le désistement d'instance ............................................ 95
C. Le désistement d'action .................................................................................................................. 97
Section 2 Les incidents relatifs au personnel du procès ............................................................................ 98
§ 1. Le dessaisissement et la récusation ................................................................................................ 98
A. Le dessaisissement en matière civile............................................................................................... 98
a) Causes de dessaisissement ......................................................................................................... 98
b) Procédure de dessaisissement.................................................................................................... 99
B. La récusation ................................................................................................................................. 100
a) Causes de récusation ............................................................................................................... 100
b) Procédure de récusation .......................................................................................................... 100
§ 2. Le désaveu .................................................................................................................................... 102
196 

CHAPITRE VIII Les plaidoiries ...................................................................................................................... 103


Section 1 Le dépôt préalable du dossier de pièces .................................................................................. 103
Section 2 ......................................................................................................................................................... 103
Les débats ....................................................................................................................................................... 103

CHAPITRE IX La communication au ministère public ................................................................................... 104


Section 1 Notions..................................................................................................................................... 104
Section 2 Les causes communicables ....................................................................................................... 104
A. Communication de la cause .......................................................................................................... 104
B. En principe : caractère facultatif de l’avis du ministère public ...................................................... 105
C. Exceptions : avis obligatoire dans certaines matières ................................................................... 105
Section 3 Procédure ................................................................................................................................. 105
Section 4 Possibilité de réplique des parties à l’avis du ministère public ................................................. 105
Section 5 ......................................................................................................................................................... 107
Tableau synthétique ....................................................................................................................................... 107

CHAPITRE X La clôture des débats et le délibéré ........................................................................................ 108


Section 1 La clôture des débats ............................................................................................................... 108
Section 2 La réouverture des débats ....................................................................................................... 108
§ 1. La réouverture des débats facultative .......................................................................................... 108
A. A la demande d'une partie ............................................................................................................ 108
B. Ordonnée d'office par le juge ....................................................................................................... 109
§ 2. La réouverture des débats obligatoire ......................................................................................... 109
§ 3. Procédure après réouverture des débats ..................................................................................... 110
Section 3 ......................................................................................................................................................... 111
Le délibéré...................................................................................................................................................... 111

TITRE VII LE JUGEMENT DE LA CAUSE .................................................................................. 113

CHAPITRE I Classification des décisions....................................................................................................... 113


Section 1 Suivant la juridiction ayant prononcé la décision ..................................................................... 113
Section 2 Suivant leur portée ................................................................................................................... 113
Section 3 Suivant la procédure suivie ....................................................................................................... 114

CHAPITRE II Contenu, forme et communication du jugement ..................................................................... 115


Section 1 La motivation ............................................................................................................................ 115
Section 2 Mentions du jugement .............................................................................................................. 115
Section 3 Le dispositif ............................................................................................................................... 116
Section 4 Formes et communication du jugement ................................................................................... 116
Section 5 Signification de la décision ........................................................................................................ 117

CHAPITRE III Interprétation, rectification du jugement et omission de statuer sur un chef de demande ....... 119
Section 1 Interprétation ........................................................................................................................... 119
Section 2 Rectification .............................................................................................................................. 119
Section 3 Omission de statuer sur un chef de demande ......................................................................... 120
Section 4 Compétence et procédure ....................................................................................................... 120
Section 5 Délais ........................................................................................................................................ 121
LES PROCEDURES URGENTES  197

Section 6 Dépens ..................................................................................................................................... 121

CHAPITRE IV Effets des jugements .............................................................................................................. 122


Section 1 Extinction de l'instance ............................................................................................................. 122
Section 2 Force probante ......................................................................................................................... 123
Section 3 Autorité de la chose jugée ....................................................................................................... 124
§ 1. Notions ......................................................................................................................................... 124
A. Effet négatif de la chose jugée ....................................................................................................... 124
a) Notions..................................................................................................................................... 124
b) Conditions ................................................................................................................................ 124
c) Conséquences en fonction du moyen de défense précédemment accueilli ............................ 126
d) Caractère d’ordre privé ........................................................................................................... 126
B. Effet positif de la chose jugée........................................................................................................ 126
§ 2. Décisions qui possèdent la chose jugée ........................................................................................ 127
A. Principe ......................................................................................................................................... 127
B. Parties de la décision définitive auxquelles s’attache l’autorité de la chose jugée........................ 128
§ 3. Autorité de chose jugée et exercice d'une voie de recours ........................................................ 129
§ 4. Relativité de l'autorité de la chose jugée ...................................................................................... 129
A. Principe ......................................................................................................................................... 129
B. Effets des jugements à l’égard des tiers ........................................................................................ 129
C. Exception ...................................................................................................................................... 130
Section 4 Effet déclaratif et, parfois constitutif ........................................................................................ 130
Section 5 Effet substantiel ........................................................................................................................ 131
Section 6 Force exécutoire ...................................................................................................................... 131

CHAPITRE V LES FRAIS ET DEPENS ........................................................................................................... 133


Section 1 Généralités ............................................................................................................................... 133
Section 2 Enumération des dépens .......................................................................................................... 134
Section 3 L’indemnité de procédure ........................................................................................................ 135
§ 1. Principes ........................................................................................................................................ 135
§ 2. Le montant de l’indemnité de procédure ..................................................................................... 136
§ 3. Cas particuliers ............................................................................................................................. 137
§ 4. Pluralité de parties succombantes ou gagnantes .......................................................................... 137
Section 4 Liquidation des dépens ............................................................................................................. 137

TITRE VIII LES VOIES DE RECOURS ......................................................................................... 139

CHAPITRE I Dispositions générales ............................................................................................................. 139


Section 1 Définitions ................................................................................................................................ 139
Section 2 Délais ........................................................................................................................................ 140
§ 1. Calcul des délais ............................................................................................................................ 140
§ 2. Adaptations des délais .................................................................................................................. 141
§ 3. Nature et sanction des délais de recours ..................................................................................... 141
Section 3 Décisions susceptibles de recours ........................................................................................... 142
§ 1. L'accord des parties ...................................................................................................................... 142
§ 2. L'acquiescement ............................................................................................................................ 143
A. Définition ...................................................................................................................................... 143
198 

B. Formes .......................................................................................................................................... 143


C. Conditions .................................................................................................................................... 144
§ 3. Mesures d’ordre intérieur ou relatives au déroulement de l’instance ......................................... 144
§ 4. Les jugements ordonnant des mesures avant dire droit .............................................................. 144
§ 5. L’interprétation, la rectification ou la réparation d’une décision ................................................. 145

CHAPITRE II L'OPPOSITION ...................................................................................................................... 146


Section 1 Définition .................................................................................................................................. 146
Section 2 Décisions susceptibles d’opposition ......................................................................................... 146
Section 3 Conditions de recevabilité........................................................................................................ 147
Section 4 ......................................................................................................................................................... 147
Délai pour former opposition ........................................................................................................................ 147
Section 5 Formes de l’opposition ............................................................................................................. 147
Section 6 Motivation de l’acte d’opposition ............................................................................................. 148
Section 7 Opposition sur opposition ne vaut .......................................................................................... 148
Section 8 Les effets de l’opposition .......................................................................................................... 148
§ 1. Effet suspensif................................................................................................................................ 148
§ 2. Effet relatif ..................................................................................................................................... 149
§ 3. Effet dévolutif ................................................................................................................................ 149

CHAPITRE III L’appel ................................................................................................................................... 150


Section 1 Notions..................................................................................................................................... 150
§ 1. Définition et fonctions .................................................................................................................. 150
§ 2. Conditions de recevabilité de l’appel ............................................................................................ 151
§ 3. Appel principal et appel incident .................................................................................................. 151
Section 2 Décisions susceptibles d’appel.................................................................................................. 152
§ 1. Principe ......................................................................................................................................... 152
§ 2. Taux du ressort ............................................................................................................................ 152
Section 3 Délai et formes de l’appel ........................................................................................................ 153
§ 1. Délai d'appel.................................................................................................................................. 153
A. Principes ........................................................................................................................................ 153
B. Résurgence du délai d’appel.......................................................................................................... 153
C. Litiges indivisibles .......................................................................................................................... 154
§ 2. Formes de l'appel .......................................................................................................................... 154
§ 3. Mentions de l'appel principal ........................................................................................................ 155
Section 4 Procédure en degré d’appel ..................................................................................................... 156
§ 1. Inscription au rôle ......................................................................................................................... 156
§ 2. Le délai de comparution ............................................................................................................... 157
§ 3. Introduction et instruction de la cause......................................................................................... 157
Section 5 Effets de l’appel ......................................................................................................................... 158
§ 1. Absence d’effet suspensif .............................................................................................................. 158
A. Le principe .................................................................................................................................... 158
B. Les exceptions .............................................................................................................................. 158
C. Effet suspensif du délai pour former appel ................................................................................... 159
D. Absence de paiement des droits de greffe et exécution provisoire ............................................ 159
§ 2. Effet relatif ..................................................................................................................................... 160
A. Notion .......................................................................................................................................... 160
LES PROCEDURES URGENTES  199

B. L’appel incident ............................................................................................................................. 160


a) Neutralisation de l’effet relatif par l’appel incident .................................................................. 160
b) Conditions de recevabilité de l’appel incident ......................................................................... 161
c) Délais et forme de l’appel incident ........................................................................................... 162
d) Appel principal par conclusions ................................................................................................ 162
§ 3. Effet dévolutif ................................................................................................................................ 163
A. Notion .......................................................................................................................................... 163
B. L'article 1068 du Code judiciaire : l'effet dévolutif total............................................................... 163
C. Exception ...................................................................................................................................... 164

CHAPITRE IV Le pourvoi en cassation ......................................................................................................... 166


Section 1 Généralités ............................................................................................................................... 166
Section 2 Décisions susceptibles de pourvoi en cassation ....................................................................... 166
Section 3 Parties à l’instance .................................................................................................................... 167
Section 4 Délai ......................................................................................................................................... 167
Section 5 Effets du pourvoi en cassation .................................................................................................. 168
§ 1. Absence d'effet suspensif .............................................................................................................. 168
§ 2. Effet dévolutif limité ...................................................................................................................... 168
Section 6 Procédure ................................................................................................................................. 168
Section 7 Effets des arrêts de la Cour de cassation ................................................................................. 170

CHAPITRE V La tierce opposition ................................................................................................................ 172


Section 1 Notion ...................................................................................................................................... 172
Section 2 Conditions de recevabilité........................................................................................................ 172
Section 3 Décisions susceptibles de tierce opposition ............................................................................ 173
Section 4 Caractère facultatif ................................................................................................................... 173
Section 5 Procédure ................................................................................................................................. 173
Section 6 Délai ......................................................................................................................................... 174
Section 7 Effets de la tierce opposition .................................................................................................... 174
Section 8 Voies de recours ...................................................................................................................... 175

CHAPITRE VI LA REQUÊTE CIVILE ............................................................................................................ 176


Section 1 Notion ...................................................................................................................................... 176
Section 2 Décisions susceptibles de requête civile .................................................................................. 176
Section 3 Causes de requête civile........................................................................................................... 176
Section 4 Forme et délai .......................................................................................................................... 178
Section 5 Effets de la requête civile .......................................................................................................... 178
Section 6 Caractères des décisions rendues sur la requête civile ........................................................... 178

CHAPITRE VII La prise à partie .................................................................................................................... 179

TITRE IX LES PROCEDURES URGENTES ................................................................................ 180

CHAPITRE I La procédure en référé ............................................................................................................ 180


Section 1 L’introduction de la demande en référé ................................................................................... 180
§ 1. Principe : procédure contradictoire ............................................................................................. 180
§ 2. Exception : procédure unilatérale ................................................................................................ 180
200 

Section 2 L’instruction de la demande en référé ..................................................................................... 181


Section 3 Le régime juridique de l’ordonnance de référé ........................................................................ 181
§ 1. L’ordonnance est exécutoire par provision ................................................................................. 181
§ 2. Une décision définitive dotée d’une autorité « limitée » de chose jugée (voire décidée) ........... 182
§ 3. Les voies de recours ..................................................................................................................... 182
A. Opposition .................................................................................................................................... 183
B. Appel ............................................................................................................................................. 183
Section 4 L’autonomie de la procédure en référé par rapport à la procédure au fond .......................... 183
§ 1. Compétence du juge des référés alors que le contentieux ne relève pas au fond du pouvoir
judiciaire ..................................................................................................................................................... 183
§ 2. La saisine du juge du fond n’est pas indispensable ........................................................................ 184
§ 3. L’interruption de la prescription .................................................................................................. 184
§ 4. Litispendance et connexité ........................................................................................................... 184
§ 5. Question préjudicielle ................................................................................................................... 184
§ 6. Aspects de procédure................................................................................................................... 184
Section 5 Les mesures prises par le juge des référés ............................................................................... 185
§ 1. Les principes ................................................................................................................................. 185
A. Les limites du provisoire ............................................................................................................... 185
B. Droits apparents et règle de proportionnalité ............................................................................. 185
C. Le provisoire n’est pas le temporaire ........................................................................................... 186
§ 2. Typologie des mesures prises par le juge des référés .................................................................. 186
A. Mesures d’instruction (fonction préparatoire et probatoire) ...................................................... 187
B. Mesures de stabilisation ou mesures équitables d’attente (fonction conservatoire) ................... 187
C. Les mesures d’anticipation (fonction restauratrice) ..................................................................... 187

CHAPITRE II Les procédures « comme en référé » ...................................................................................... 189


Section 1 Notion ...................................................................................................................................... 189
Section 2 Les caractéristiques communes à la plupart des procédures « comme en référé » ............... 189
§ 1. Compétence exclusive et restrictive ............................................................................................ 189
§ 2. Urgence non requise .................................................................................................................... 190
§ 3. Jugement revêtu de l’autorité de la chose jugée au principal ....................................................... 190
§ 4. Jugement exécutoire par provision .............................................................................................. 190

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