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2014-2015
ECOMIJ/ LICENCE 1 : Ingénierie juridique
DROIT CONSTITUTIONNEL
Cours
Bibliographie
- FAVOREU (Louis), GAÏA (Patrick.), GHEVONTIAN (Richard.), MESTRE (Jean.
Louis.), PFERSMANN (Otto.), ROUX (André) et SCOFFONI (G.), Droit
constitutionnel, Dalloz, coll. « Précis », Paris, 16ème éd., 2014, 968 p.
SEANCE 11 (12052015)
Section II – La participation des gouvernés à l’exercice du pouvoir
La participation des citoyens à la vie politique nationale consiste soit à élire leurs
représentants, soit à s’exprimer eux-mêmes, c’est-à-dire directement, par la voie du
référendum.
P I : La participation par les élections : la désignation des gouvernants
L’impossibilité de la démocratie directe implique que les gouvernés doivent se choisir
des gouvernants.
Mais comment sont choisis les représentants chargés de parler au nom du peuple ?
La question mérite d’être posée car lorsque le peuple est appelé à exprimer sa
souveraineté par l’entremise de ses représentants, il est nécessaire de fixer la façon
dont ceux-ci seront désignés. Parmi les procédés de désignation des gouvernants on
peut noter entre autres :
-l’auto-proclamation,
-l’hérédité,
-la cooptation,
-le tirage au sort,
-l’élection.
Mais ce dernier est le plus fidèle à l’idéal démocratique et, aujourd’hui, nul ne songe
à remettre en cause l’élection comme mode de désignation des gouvernants. Sans
elle, point de démocratie possible : l’élection est l’instrument sacralisé de la
démocratie représentative.
Dans les faits, l’élection est susceptible de modalités très différentes, qui ne sont pas
sans influence sur les résultats du scrutin et, par conséquent, sur la portée du
suffrage émis par les citoyens. Pour cette raison, il convient de s’intéresser à
l’élection comme technique en s’interrogeant sur les modalités du vote :
-Qui vote ?
-Quelles sont les restrictions au vote ?
-Comment le vote est-il pratiqué ?
-Comment traduit-on les votes en sièges ?
A – Le droit de suffrage
Le droit de suffrage est le droit reconnu à tout citoyen d’exprimer librement son
opinion et son choix politique avec la certitude que cette expression de volonté sera
prise en considération dans la conduite des affaires de l’État.
1) Les titulaires du droit de vote
-Le suffrage restreint :
Il s’agit de toutes les techniques destinées à limiter le droit de vote des individus pour
le réserver à un petit groupe de personnes sur le fondement de critères de sélection
qui sont variables en fonction des sociétés et des époques.
Ces critères préétablis sont relatifs soit à leurs capacités intellectuelles (suffrage
capacitaire), soit à leurs opinions politiques (suffrage politisé), soit à leurs richesses
(suffrage censitaire).
Avant d’adopter le suffrage universel, la plupart des régimes représentatifs modernes
ont attaché le droit de vote à la possession d’une certaine fortune. Des justifications
ont été avancées pour légitimer ce suffrage censitaire. Étant donné que la fortune va
souvent de pair avec l’instruction, le suffrage censitaire attribuerait le droit de vote
aux citoyens éclairés. De même, n’est-il pas préférable de remettre le pouvoir de
suffrage à des citoyens responsables, à des propriétaires ? Ceux qui votent sont à la
fois ceux qui paient le plus d’impôts et ceux qui ont le plus d’intérêt à la prospérité
générale ; ils seront donc naturellement portés à élire les candidats les plus sages,
les meilleurs gestionnaires. Si ce procédé nous semble, aujourd’hui, particulièrement
choquant, il n’a pas été perçu comme tel aux XVIIIème et XIXème siècles où le
suffrage censitaire était généralisé.
Le suffrage universel : le suffrage universel consiste en la reconnaissance du droit
de vote à l’ensemble des citoyens d’une nation, sans distinction de condition sociale,
d’origine, de race ou de sexe. Dès lors, nous pourrions penser que nous sommes en
présence d’un système de suffrage universel lorsque l’électorat ne dépend d’aucun
cens, examen, diplôme ou fonction, c’est-à-dire lorsque le droit de suffrage est
reconnu à tous les citoyens sans conditions de fortune, de capacité intellectuelle,
d’appartenance politique, d’appartenance religieuse … Pourtant, le suffrage n’est
jamais entièrement universel. En effet, des conditions minimales tenant à la
nationalité, à l’âge et à la jouissance des droits civils et politiques doivent être
remplies.
Il est d’usage de considérer que les États ont accédé au suffrage universel dès lors
que le suffrage universel masculin a été instauré. Par conséquent, l’adjectif «
universel » n’est pas tout à fait exact puisque le droit de vote est souvent refusé à
une partie des individus (ex. : les femmes). Par exemple, en France, un décret du 5
mars 1848 a proclamé le suffrage universel ; mais, l’adjectif « universel » était mal
choisi car il s’agissait, en fait, d’un privilège masculin, le droit de vote étant réservé
aux hommes.
Cependant, les choses durent évoluer au motif que, « Dans une Constitution où l’on
admet le droit de vote pour les mendiants et les domestiques, il est inconséquent et
injuste de ne pas l’admettre pour les femmes ». Chose qui fut faite avec l’ordonnance
du Comité français de la Libération nationale du 21 avril 1944 qui a accordé le droit
de vote aux femmes et qui a permis que le droit de suffrage devienne, enfin,
réellement universel.
Le droit de vote des étrangers : Nonobstant les quelques différences qui peuvent
opposer les États dans l’attribution du droit de vote quant à l’âge, à la capacité civile
ou à la dignité, il y a un principe sur lequel la plupart des États tombent d’accord : ce
principe est que le droit de vote est reconnu aux seuls nationaux, citoyens de l’État.
L’exercice du droit de suffrage étant traditionnellement lié à la nationalité, il est très
fréquent que les étrangers en soient privés.
L’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit, dans son alinéa 4, que « Sont
électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français
majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».
En France, la condition de nationalité connaît une exception notable : la participation
des ressortissants des autres pays membres de l’UE aux élections municipales et à
l’élection des représentants français au Parlement européen. Dans les faits, cette
participation a été prévue par le Traité de Maastricht du 7 février 1992 qui dispose
que « Tout citoyen de l’Union (…) a le droit de vote et d’éligibilité aux élections
municipales dans l’État membre où il réside, dans les mêmes conditions que les
ressortissants de cet État ». Saisi de la question, le Conseil constitutionnel a d’abord
déclaré, dans sa décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992, Maastricht I,
l’inconstitutionnalité de cette disposition. Mais, dans sa décision n° 92-312 DC du 2
septembre 1992, Maastricht II, il prend acte de la révision constitutionnelle du 25 juin
1992, à savoir l’insertion de l’article 88-3 dans la Constitution, qui autorise une telle
participation.
Remarque : Pendant longtemps, le droit de vote a été refusé aux femmes en raison
d’arguments misogynes : les femmes seraient faites pour être des mères et de
bonnes épouses, ce qui ne serait pas compatible avec l’exercice du droit de vote ou
d’un mandat politique. Par ailleurs, certains hommes politiques redoutaient l’influence
qu’aurait pu avoir l’Église sur le vote des femmes … Les femmes voteront pour la
première fois aux élections municipales de mars 1945.