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SEQUENCE 3 - OPINION PUBLIQUE

ET EXPRESSION POLITIQUE

CHAPITRE 2

Voter : une affaire individuelle ou collective ?

Introduction
Dans une démocratie représentative, les citoyens doivent régulièrement voter, notamment pour choisir
leurs représentants. La participation électorale est alors la forme la plus importante de participation
politique des citoyens. La mesure de cette participation électorale va donc permettre d’analyser les
choix effectués par les électeurs et leur implication dans le système politique. Nous verrons ainsi que
la participation électorale n’est pas homogène d’un électeur à l’autre et qu’elle varie selon différents
facteurs.
Ensuite, nous allons nous intéresser au vote plus spécifiquement. En effet, voter est une décision
individuelle, néanmoins, cet acte individuel est influencé par les appartenances sociales diverses du
votant qui exprimera alors différemment son choix selon les groupes auxquels il appartient. Le vote est
donc également, d’une certaine manière, un acte collectif car il exprime une appartenance sociale. Enfin,
nous constaterons qu’il existe aujourd’hui une plus grande volatilité électorale et nous en donnerons
quelques causes.

Exercice 1 – Sensibilisation – Les grandes étapes de la conquête du droit de vote

© CNED

• Objectif : Connaître les dates essentielles dans la conquête du droit de vote.


• Consigne : Attribuez à chaque étape de l’Histoire de France la date qui lui convient : 1791 ; 1792 ; 1795 ;
1799 ; 1815 ; 1848 ; 1913 ; 1944 ; 1974 ; 1992

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La IIe République adopte le suffrage universel masculin
e
La IV  République établit le suffrage réellement universel avec le droit de vote accordé
aux femmes.
Droit de vote aux élections municipales pour les citoyens de l’Union Européenne.
Première et brève expérience de suffrage universel masculin, pour élire la Convention,
re
par la I République.
e re
Sous le Directoire (2 période de la I  République) retour au suffrage censitaire.
er er
La Restauration (retour de la monarchie après le 1 Empire de Napoléon 1 ) rétablit le
suffrage censitaire.
La Révolution crée la Monarchie constitutionnelle, avec un suffrage censitaire et
indirect.
Abaissement de l’âge légal du droit de vote à 18 ans.
Instauration de l’isoloir dans les bureaux de vote.
e re
Sous le Consulat (3 période de la I  République), suffrage universel masculin mais
limité (scrutin indirect à 3 degrés)

Le suffrage censitaire réserve le droit de vote aux plus


riches : en 1791, seuls les hommes (de plus de 25 ans)
payant un impôt (le cens) égal à la valeur de 3 journées de
travail sont considérés comme « citoyens actifs » et peuvent
participer au vote. Mais ils n’élisent pas directement les
députés : le suffrage est indirect. Les citoyens actifs élisent
des électeurs de second degré, disposant de revenus plus
élevés, qui à leur tour élisent les députés à l’Assemblée
Nationale. La justification d’un tel système repose sur l’idée
que seuls les plus riches ont le temps et les moyens de
s’instruire ; ce sont donc les plus éclairés et les mieux à
même de choisir les représentants du peuple.
Avec le suffrage universel (pour les hommes à partir de 21
ans en 1848), le vote devient le symbole de la citoyenneté et
la source de la légitimité politique. Ce dessin exprime toute
la symbolique du vote, qui permet de délégitimer la violence :
désormais il devient possible d’exprimer pacifiquement
ses opinions et de changer de gouvernement de manière
pacifique, et non plus par la force, c’est-à-dire par
l’insurrection et la révolution. Le bulletin de vote se substitue
au fusil. (Seul l’État détient le monopole de la violence
légitime, pour assurer la sécurité du pays par la force armée)
«  Ça c’est pour l’ennemi du dehors, pour le dedans, voici
comme l’on combat loyalement les adversaires ... »
L’urne et le fusil, gravure de M.L. Bosredon, avril 1848.

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A retenir !

L’acte électoral devient un rituel civique. Un rite est une pratique codifiée, obéissant à des règles
précises, souvent de caractère sacré ou symbolique. On parle de rituel électoral à propos du vote parce
qu’il a été progressivement encadré par des règles précises, qui s’apparentent à un cérémonial, et lui
donnent un caractère sacré : Le bureau de vote est installé dans un lieu républicain (mairie, école) ce qui
donne un caractère solennel à l’acte électoral.

1. La participation électorale : mesure et explications


A. Comment mesure-t-on la participation électorale ?
Objectif principal :
Être capable d’interpréter des taux d’inscription sur les listes électorales, des taux de participation et
d’abstention aux élections.
« 88% des personnes majeures résidant en France et de nationalité française sont inscrites sur les listes
électorales au 1er mars 2018. Dans une étude publiée le 2 juillet 2018, l’Institut national de la statistique et
des études économiques (Insee) souligne la relative stabilité de ce taux depuis 2004.
Stabilité du taux d’inscrits
Depuis 2004, le taux d’inscription sur les listes électorales varie entre 87,3% en 2011, son plus bas
niveau, et 90,1% en 2007, seule année où le taux moyen sur le territoire franchit le seuil des 90%.
En 2018, le taux de nouveaux inscrits, de l’ordre de 1,9%, n’a jamais été aussi faible. Cela s’explique par
l’absence d’échéances électorales. Les taux les plus élevés de nouvelles inscriptions ont été constatés
lors des années d’élections présidentielles et législatives, en 2007 (10%), 2012 (8,9%) et 2017 (8,1%).
L’âge et le niveau de diplôme : des facteurs déterminants
Le taux d’inscription est élevé chez les 18-24 ans (86%) en raison de la procédure d’inscription d’office.
Le taux diminue pour la classe d’âge 30 à 34 ans puis croît régulièrement de 35 à 79 ans. Près de 93%
des 70-74 ans sont inscrits. Après 85 ans, le taux d’inscrits diminue fortement du fait d’incapacités
électorales plus nombreuses (mises sous tutelle).
En moyenne, la proportion d’hommes inscrits est moins élevée que celle des femmes (sauf pour les
jeunes de 18-24 ans inscrits d’office).
Le taux d’inscription des non-diplômés qui ont entre 25 et 44 ans se situe autour de 60%, contre plus de
90% pour les personnes ayant un diplôme de niveau supérieur au baccalauréat.
Moins d’inscrits en Ile-de-France et dans les outre-mer
Entre 2012 et 2016, les taux d’inscrits les plus faibles, inférieurs à 86%, sont relevés en Ile-de-France
et dans les départements et régions d’outre-mer (Drom). A l’inverse, des taux supérieurs à 91% sont
constatés en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire.
Au sein des régions, les communes peu ou très peu densément peuplées ont des taux d’inscription plus
élevés, et cela presque à tous les âges. 
https://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/pres-9-francais-10-sont-inscrits-listes-electorales.html

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Exercice 2 – Des électeurs potentiels aux suffrages exprimés

• Objectif : Identifier ce qu’est la participation électorale.


• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.

Electeurs potentiels

→ En % des électeurs potentiels


Electeurs non inscrits Electeurs inscrits

→ En % des électeurs inscrits


Abstention électorale Participation électorale

Votes nuls (annotés, déchirés, …) Votes blancs Suffrages exprimés → En % des votants

Candidat A Candidat B → En % des suffrages exprimés

1. Le taux de participation est-il calculé par rapport à tous les électeurs potentiels ?
2. Quelle est la différence entre le vote blanc et l’abstention électorale ?
3. Quand on dit qu’un candidat a été élu avec 70 % des suffrages exprimés, cela signifie-t-il que 70 %
des électeurs inscrits ont voté pour lui ?

Exercice 3 – Participation, mobilisation, abstention

• Objectif : Distinguer participation, mobilisation et abstention.


• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.

Les résultats du 2e tour de l’élection présidentielle 2017

Comportement électoral Nombre

Électeurs inscrits (dont environ 1,3 million de Français résidant à l’étranger) 47 568 693


Électeurs ayant voté 35 467 327
Électeurs inscrits n’ayant pas voté (= abstention)
Électeurs ayant voté pour l’un des 2 candidats (= suffrages exprimés) 31 381 603
Dont :
––Emmanuel Macron 20 743 128
––Marine Le Pen 10 638 475
Votes blancs 3 021 499
Votes nuls 1 064 225
Ministère de l’intérieur, 2017.

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Quelques définitions :
• Le taux de participation électorale = (nombre de votants / nombre d’inscrits) x 100
• Le taux d’abstention = (nombre d’abstentions / nombre d’inscrits) x 100
• Le taux de mobilisation électorale correspond à la proportion d’électeurs inscrits par rapport au
nombre d’électeurs potentiels, c’est-à-dire de personnes françaises majeures. En 2017, il atteint
88.6 % en France métropolitaine.

1. Calculez le chiffre manquant dans le tableau précédent.


2. A l’aide des formules précédentes, calculez le taux de participation électorale et le taux d’abstention.
3. Complétez (en effectuant les calculs nécessaires) :
E. Macron a obtenu …………. voix, c’est-à-dire ………….% des suffrages exprimés. Mais cela ne
représente que ………% des électeurs inscrits.
M. Le Pen a obtenu …………. voix, soit ………….% des suffrages …………. Mais cela ne représente
que………….des électeurs inscrits.
En effet : d’une part,………….% des inscrits n’ont pas voté ; cela correspond au taux d’…………. D’autre
part, ………….% des votants n’ont exprimé aucun choix. Cela fait donc…………. millions d’électeurs
inscrits qui n’ont exprimé aucun choix, soit ………….% des inscrits.
4. Comparez avec les autres élections présidentielles (voir graphique ci-dessous) : Que constatez-vous ?
(Petit rappel historique : recherchez les noms des présidents de la Ve République)
5. Quels débats soulève l’analyse de ces résultats ?

% de voix obtenues par le Président élu (en % des inscrits)

www.lemonde.fr, le 07/05/2017

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B. Quels sont les facteurs de la participation électorale ?
Objectif principal :
Comprendre que la participation électorale est liée à divers facteurs inégalement partagés au sein de la
population (degré d’intégration sociale, intérêt pour la politique, sentiment de compétence politique) et de
variables contextuelles (perception des enjeux de l’élection, types d’élection).
Nous allons maintenant nous intéresser aux origines de la participation électorale elle-même et en
d’autres termes nous allons essayer d’identifier les causes de la participation électorale ou de la
non-participation, c’est-à-dire de l’abstention.

Exercice 4 – Des variables contextuelles : le type d’élection

• Objectif : Comprendre que le type d’élection peut influencer la participation électorale.


• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.

Ministère de l’Intérieur, La Documentation française, France-politique.fr et Europarl.europa.eu.

1. Pour quelles élections le taux d’abstention est-il le plus élevé ? Justifiez avec les données chiffrées.
2. Comparez les taux d’abstention pour les élections présidentielles de 2017 et les européennes de 2019
(50 % en France).

Exercice 5 – Des variables contextuelles : les enjeux de l’élection

• Objectif : Comprendre que les enjeux associés à l’élection peuvent être importants.
• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.
« A quoi bon ? » Ce sont trois petits mots qui reviennent au fil de presque tous les témoignages. Trois
petits mots qui éclairent en partie le taux d’abstention historique au premier tour des législatives (51,29 %)
et racontent, en creux, la résignation qui habite de nombreux électeurs. A quoi bon voter à ces élections
là alors que beaucoup estiment que La République en marche (LRM), la formation d’Emmanuel Macron,
est assurée de l’emporter. […]
Même sentiment que « les dés sont jetés pour les cinq prochaines années » pour Erwann M., 21 ans,
étudiant à Sciences Po. « La proximité des législatives et de la présidentielle place tout le débat avant
[cette dernière], juge-t-il. Dans ces conditions, quel intérêt pour les législatives ? » […] « Malgré les
arguments sur un possible renversement de situation » et les impératifs à aller voter, les législatives

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étaient pour lui « une prophétie autoréalisatrice » : « Je sais que ma circonscription va voter LRM, mon
vote n’a aucune importance, donc je m’abstiens. » Pour autant, ce jeune « passionné de politique » espère
que son choix, réfléchi, « sera perçu comme un rejet de cette démocratie quinquennale imposée depuis
bientôt vingt ans ». Et non comme une marque de désaffection.
C’est ce même espoir « que le président et son gouvernement interpréteraient une forte abstention
comme une forme de défiance populaire » qui a en partie conduit Louis-Marie P., enseignant de 32 ans, à
s’abstenir.
Camille Bordenet, « « A quoi bon aller voter ? » : des abstentionnistes aux législatives expliquent leur choix », Le Monde, 15 juin 2017.

1. Comment expliquer la différence de participation entre les élections présidentielles et législatives ?


2. En quoi la perception que les électeurs ont des enjeux d’une élection peut-elle expliquer la volatilité
entre vote et abstention ?
3. Pourquoi l’abstention peut-elle exprimer une opinion politique ?

Exercice 6 – Les deux visages de l’abstention

• Objectif : Comprendre que l’abstention peut revêtir différentes formes.


• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.
L’augmentation de l’abstention est un mouvement de long terme, amorcé à la fin des années 1980,
qui concerne l’ensemble des élections. L’abstention est de plus en plus utilisée par les Français pour
exprimer leur mécontentement ou le fait qu’ils ne se reconnaissent pas dans l’offre politique qui leur est
proposée. Elle s’inscrit dans un contexte durable de défiance à l’égard de la politique. […]
Qui sont les abstentionnistes ?
Ils se répartissent en deux grandes catégories. Ceux qui sont « hors-jeu » politiquement, qui se tiennent
toujours en retrait des élections. Ces électeurs restent en dehors de la décision électorale d’abord pour
des raisons d’ordre sociologique, liées aux conditions de leur insertion dans la société : appartenance
aux couches populaires, faible niveau d’instruction, moindre insertion sociale. Cette catégorie est
relativement stable, elle concerne à peu près le même volant d’individus d’une élection à l’autre. La
seconde catégorie est différente. Ceux qui la constituent sont « dans le jeu » politique, souvent diplômés,
mieux insérés socialement, ils se disent intéressés par la politique. Ceux-là utilisent l’abstention
pour envoyer un message politique et ce sont eux qui contribuent, depuis une trentaine d’années, à la
dynamique de l’abstention : ils font un usage alterné du vote et du non-vote et leur nombre augmente
régulièrement.
Entretien avec Anne Muxel – propos recueillis par Michel Abescat – Télérama 03/04/2014

1. Peut-on établir un profil sociologique de l’électeur abstentionniste ?


2. Quels sont les deux types d’abstention distingués par la politologue Anne Muxel ?

Exercice 7 – Sentiment de compétence politique et participation électorale

• Objectif : Faire le lien entre abstention et sentiment de compétence politique.


• Consigne : Après étude du document, répondez à la question posée.
Nous avons rencontré des enquêtés dont le peu d’intérêt qu’ils manifestent pour la politique s’explique
avant tout par la fragilité des repères dont ils disposent pour comprendre les règles du jeu politique et
se positionner sur un axe gauche – droite. […] La scolarité de Coralie s’est arrêtée précocement, en CM2,
alors qu’elle venait d’avoir 12 ans. La jeune femme est décontenancée quand on lui montre un axe gauche
– droite où elle ne sait pas se placer : « J’y connais rien, moi, là-dessus…je vois plutôt…rien du tout !

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[…]… J’ai jamais voté donc je peux pas dire…moi je suis franche ! » (femme, 43 ans, Grenoble). Fille d’un
ouvrier boulanger, Coralie explique aussi n’avoir jamais parlé de politique avec son père, qu’elle est en
conséquence incapable de se positionner politiquement.
Cécile Braconnier, « La politique à distance », in Cécile Braconnier, N. Mayer, (dir), Les inaudibles, sociologie politique des précaires, 2015.

1. En quoi Coralie présente-t-elle des caractéristiques d’une abstentionniste ?

2. Le vote et ses déterminants


A. Le vote, un acte individuel et collectif
Objectif principal :
Comprendre que le vote est à la fois un acte individuel (expression de préférences en fonction d’un
contexte et d’une offre électorale) et un acte collectif (expression d’appartenances sociales).
Pour commencer, le vote peut être considéré comme un acte collectif. En effet, il est influencé par des
déterminismes sociaux comme les appartenances sociales et l’identification partisane.
Tout d’abord, nous allons montrer le rôle déterminant
des appartenances sociales. « Une personne pense,
politiquement, comme elle est socialement » Cette
formule est issue des recherches américaines de
l’Université de Columbia (New York) dans les années
1940. Ces travaux montrent que les orientations
politiques des électeurs sont très stables, et que les
campagnes électorales ont peu d’influence sur leurs
choix. (Aux USA cette stabilité se traduit par une
fidélité à l’un des deux grands partis – Démocrate ou
Républicain). Les préférences politiques apparaissent
comme très liées à des « variables lourdes » comme
la religion, le statut social, le lieu de résidence.
Les caractéristiques sociales déterminent les
caractéristiques politiques. Cette étude relativise
donc le rôle des médias et l’image d’un citoyen
éclairé et informé sur les candidats et les enjeux de la
campagne, en montrant l’importance du déterminisme
sociologique. En France aussi, et dans les autres
démocraties occidentales dans la période 1945/1975, l’électeur est fidèle et « discipliné » ; il appartient à
une famille politique, qui est le plus souvent celle de ses parents : le communisme ; le catholicisme social…
Les « variables lourdes » du comportement électoral désignent donc les caractéristiques socio-
économiques des électeurs qui déterminent leurs choix électoraux. Ces variables sont donc considérées
comme fortement prédictives du vote. La sociologie électorale observe particulièrement l’influence de la
classe sociale et de la religion sur le comportement électoral ; mais elle s’interroge aussi sur le rôle de
l’âge et de la génération.
Ensuite, le rôle de l’identification partisane est également important. Dans les années 1960, d’autres
chercheurs américains (Université du Michigan) proposent un autre modèle d’explication du vote, en
mettant en évidence le rôle d’une variable plus psycho-sociologique : l’identification partisane, c’est-à-
dire l’attachement plus ou moins fort à une formation politique. Souvent construite dès l’enfance au sein
du milieu familial, celle-ci agit comme un écran ou un filtre qui donne une certaine vision du monde, et
dispense ainsi l’électeur de réfléchir et de s’informer. L’électeur vote par tradition, par habitude. Il s’agit
donc aussi d’une forme de déterminisme « psycho-politique ». Par exemple, en France, l’attachement au
Gaullisme, sorte d’héritage politique qui se transmet d’une génération à l’autre, peut illustrer cette thèse.
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Exercice 8 – Vote et religion

• Objectif : Mesurer l’influence de la religion sur le vote.


• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.

Vote au premier tour des présidentielles 2017 selon la religion (en % des suffrages exprimés)

Jean-Luc Emmanuel François Marine Autres


Total
Mélenchon Macron Fillon Le Pen candidats

Catholique 13 23 28 22 14 100
Dont pratiquant
8 20 51 11 10 100
régulier
Autre religion 23 23 21 15 18 100
Sans religion 28 25 7 23 17 100
Ensemble 19,2 23,7 19,7 21,9 15,5 100
Sondage réalisé par Ipsos du 19 au 22 avril 2017.

1. Que signifie la donnée entourée ?


2. Comparez les scores de François Fillon et de Jean-Luc Mélenchon chez les catholiques pratiquants.
3. Pourquoi peut-on dire que le catholicisme et sa pratique sont toujours prédictifs du vote ?
4. Pourquoi les évolutions démographiques causent-elles un affaiblissement de cette variable religieuse ?
Toutefois, on peut également considérer le vote comme un acte individuel dans la mesure où l’électeur
semble être devenu plus rationnel et plus libre de ses choix.
À partir des années 1970, les enquêtes conduites par les chercheurs en science politique mettent en
évidence le recul du vote de classe et donc l’affaiblissement des déterminismes. L’électeur, plus instruit,
mieux informé, plus libre de ses choix dans une société plus individualiste, devient plus rationnel. Il
juge et évalue les candidats en fonction de leurs performances passées et attendues ; il fait son choix
sur un « marché », c’est-à-dire face à une « offre politique » et en fonction des enjeux du moment. Il
adopte la stratégie qui lui semble la meilleure dans le contexte du moment ; par exemple il peut décider
de sanctionner l’équipe sortante (vote sanction) plutôt que de se ranger derrière un programme (vote
d’adhésion). En simplifiant, on peut dire que le « vote sur enjeu » tend à remplacer le « vote de classe »
Mais cela implique alors un électeur plus volatil. En effet, l’identification partisane se transmet moins,
et donc la loyauté à l’égard d’un parti devient beaucoup moins fréquente. Les enquêtes sur les élections
à partir des années 1980 montrent que la moitié des électeurs sont hésitants, ce qui conduit à leur
instabilité, donc à un certain « nomadisme électoral ». Celui-ci tient d’abord à l’alternance entre
participation et abstention ; mais aussi à des cas plus fréquents de
transfuge (passage de droite à gauche ou inversement : environ 5 %
des électeurs dans les années 80 ; autour de 10 % dans les années 90).
Cette volatilité électorale doit s’interpréter comme le signe d’un électeur
éclairé et autonome, dont le comportement se distingue de l’électeur
discipliné d’hier, socialisé par les grandes institutions (Eglise Catholique,
Parti Communiste…). Cet électeur plus mobile exerce sa citoyenneté de
manière plus contractuelle et plus individualiste ; son vote est réfléchi,
mais plus imprévisible. Il conserve une cohérence idéologique, dont la
stratégie s’adapte aux enjeux du moment (ex : les électeurs qui sont
© CNED passés du vote pour le Parti Socialiste au vote pour le mouvement En

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Marche d’E. Macron, en considérant qu’il y a une proximité partisane entre les deux) Cette volatilité
électorale s’explique aussi par les transformations du paysage politique français, qui modifie l’offre
politique : le déclin du Parti Communiste après les années 1980 (alors qu’il représentait ¼ des électeurs
à la fin des années 1970), la montée du Front National dans les années 1990, la fracture de la gauche
révélée par les élections de 2017. Le vote des classes populaires devient alors difficile à prévoir et à
interpréter, de même que le vote des jeunes.

Exercice 9 – La volatilité électorale

• Objectif : Comprendre que le côté individuel du vote peut entraîner plus de volatilité électorale.
• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.

Vote à la présidentielle 2017 (1er tour) selon le vote à la présidentielle 2012

www.publicsenat.fr

1. Lire précisément les données entourées.


2. Ce tableau illustre-t-il la volatilité électorale ?

B. Comment peut-on expliquer la volatilité électorale ?


Objectif principal :
Comprendre que la volatilité électorale revêt des formes variées (intermittence du vote, changement des
préférences électorales) et qu’elle peut refléter un affaiblissement ou une recomposition du poids de
certaines variables sociales, un déclin de l’identification politique (clivage gauche/droite notamment) et
un renforcement du poids des variables contextuelles.

Exercice 10 – La volatilité électorale exprimée par l’intermittence du vote

• Objectif : Découvrir la notion de vote intermittent.


• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.

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 Insee Première n°1671, octobre 2017

1. Rédigez une phrase précise permettant d’interpréter les données de 2017.


2. Comment évolue la part du vote intermittent entre 2002 et 2017 ? Justifiez votre réponse à l’aide des
données du graphique et de calculs.

Exercice 11 – La volatilité exprimée par le changement des préférences électorales

• Objectif : Découvrir que les préférences électorales évoluent au cours du temps.


• Consigne : Après étude du document, répondez à la question posée.
Alors que l’ancienne donne politique répartissait les électeurs selon leur position socioéconomique,
orientant les plus diplômés assez logiquement vers la droite, les partis populistes relativement récents
comme le Front Nantional se positionnent en priorité sur des valeurs culturelles, ou identitaires,
comme on les appelle parfois dans le cadre français : perception de l’immigration, évolution des rôles
traditionnels entre homme et femme, place et droits des minorités ethniques ou sexuelles. Avec cette
nouvelle offre politique, le « vote de classe », qui consiste à choisir le parti qui défend ses intérêts
économiques, perd de son influence au profit d’un « vote culturel », qui est un vote d’adhésion ou de
rejet de certaines valeurs, et dans le cadre duquel le niveau de diplôme prend une importance capital.
[…] Ainsi, en étudiant les élections nationales de 2002 aux Pays-Bas […] deux chercheurs, […] ont montré
que pour prédire le vote pour les partis « traditionnels », travaillistes à gauche et conservateur à droite,
la position sociale était déterminante. Mais le vote pour les partis émergents qui mettent en avant leurs
valeurs culturelles, comme les écologistes libertaires à gauche ou le parti populiste, Le Projet France
(LPF), conservateur à droite, « semble relever davantage, en revanche, d’une logique de vote culturel, les
catégories les plus éduquées portant davantage leurs suffrages sur les écologistes, et les moins instruits
votant plus massivement pour le LPF sur la base de l’adhésion à des valeurs libérales / libertaires, d’un
côté, et autoritaires, de l’autre. »
Jean-Laurent Cassely, « Pour qui voteront les premiers de la classe ? (en attendant leur déclassement) », Slate.fr, 27 février 2017.

1. Expliquez la phrase soulignée.

Exercice 12 – Existe-t-il une spécificité du vote des femmes ?

• Objectif : Comprendre que le vote des femmes se « normalise ».


• Consigne : Après étude du document, répondez à la question posée.
Les femmes peuvent voter en France depuis précisément soixante-dix ans. C’est en effet le 29 avril 1945
que les Françaises ont pu pour la première fois se rendre aux urnes, pour des élections municipales, en
vertu d’un droit accordé l’année précédente, le 21 avril 1944, par le Comité français de libération nationale.

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Longtemps, les spécialistes ont considéré qu’il existait des caractéristiques propres au vote féminin :
• Elles étaient plus abstentionnistes jusque dans les années 1960 (jusqu’à 12 points de pourcentage de
plus que les hommes aux municipales de 1953 et aux législatives de 1962).
• Elles votaient moins à gauche (entre 10 et 13 points de moins que les hommes de 1946 à 1973, puis de
5 à 9 points jusqu’en 1981).
• Elles accordaient en revanche moins de suffrages à l’extrême droite que les hommes.
Des différences qui tenaient aussi au moindre accès aux études supérieures, notent les spécialistes. Mais
ces notions anciennes ont changé.
En 1993, les écarts constatés par Janine Mossuz-Lavau dans son ouvrage Le vote des femmes en France
sont désormais bien moins signifiants : un vote légèrement plus élevé des femmes pour les listes
écologistes (9 % contre 7 %), un peu plus favorable à la droite (45 % contre 43 % pour les hommes) et
moindre pour le FN (10 % contre 15 % pour les hommes).
En 2012, selon une étude de l’institut de sondage CSA, le vote féminin n’est plus différent du vote moyen.
La « normalisation » s’opère aussi pour le vote Front national, qui devient identique chez les hommes et
les femmes, après avoir été, on l’a dit, plus faible chez ces dernières.
Samuel Laurent, « Comment votent les femmes ? », Le Monde, 7 avril 2016.

1. Qu’entend-on par « normalisation » du vote des femmes ?

Exercice 13 – Le déclin de l’identification politique

• Objectif : Mesurer le déclin de la proximité partisane (en % des électeurs)


• Consigne : Après étude du document, répondez aux questions posées.

A : Aucune
FN : Front national
D : Droite
G : Gauche

Thierry Fabre, « Les Français rejettent les partis traditionnels : une aubaine pour Macron », Challenges, 4 novembre 2016. Données Viavoice.

1. Comment évolue la part des électeurs déclarant n’avoir aucune proximité partisane ? Justifiez à l’aide
de données chiffrées.
2. Comparez la situation de 2008 avec celle de 2016. Que constatez-vous ?

Exercice 14 – Le poids des variables contextuelles

• Objectif : Comprendre comment les variables contextuelles évoluent.


• Consigne : Après étude du document, répondez à la question posée.

12  CNED – PREMIÈRE – SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES


Si des électeurs se rendent aux urnes lors d’élections de « haute intensité » comme les élections
présidentielles en France, c’est en partie parce qu’il y a aussi mobilisation par en bas. Les familles, les
amis, les voisins, les collègues de travail sont autant d’acteurs qui contribuent à susciter le déplacement
aux urnes. […] Ces mobilisations par en bas ne se produisent pas à chaque élection. […] On assiste aussi
à un changement de rapport au vote porté par le renouvellement générationnel. […] Les générations
récentes […] ne sont pas nécessairement indifférentes aux affaires de la cité, mais elles se méfient
plus des responsables politiques et de la démocratie représentative, et leur rapport aux partis s’est
considérablement distendu. […] Pour ces citoyens, au mieux le vote est un moyen parmi d’autres actions
politiques et pas forcément le plus efficace quand il s’agit de se faire entendre. Leur rapport à cet acte
est plus marqué par le vote de droit : je vote si ça m’intéresse. […] Mais qu’en est-il des ouvriers, des
employés, des peu diplômés ou des précaires de ces nouvelles générations ? Quand on analyse le recours
à la manifestation, la pétition ou au boycottage dans les cohortes récentes, on constate à la fois une
généralisation de leur acceptation, mais aussi un creusement des inégalités entre ceux qui y recourent
et les autres, notamment entre les diplômés et les non diplômés et entre les cadres et les employés ou
ouvriers. Autrement dit, certains peuvent devenir des virtuoses de la participation, […] tandis que d’autres,
non seulement ne votent plus, mais ne protestent plus. Comment seront-ils alors entendus ?
Vincent Tiberj, « Le vote décentré : renouvellement générationnel et rapport à la participation électorale en France »,
Revue française de science politique, vol.68, octobre 2018.

1. Quels facteurs peuvent expliquer le niveau de participation plus ou moins élevé pour certains scrutins ?

Conclusion
→ D’une part, il est important de comprendre qu’il existe une distinction entre le taux d’inscription,
le taux de participation et le taux d’abstention électorales. En effet, ces notions recouvrent des
significations différentes et afin d’interpréter correctement les chiffres liés au vote, il est essentiel
d’en connaître les définitions.
Une fois cette distinction faite, il est intéressant de se pencher sur la participation électorale et donc
son pendant, l’abstention électorale. Celles-ci dépendent de différents facteurs. Il y a d’un côté des
variables contextuelles qui sont liées au type d’élection mais aussi à l’enjeu de cette élection. Par
exemple, la participation électorale va être plus élevée pour une élection présidentielle que pour une
élection locale ; et une élection pour laquelle les enjeux perçus par les électeurs sont importants va
également davantage mobiliser.
Par ailleurs, nous pouvons distinguer l’abstention « hors du jeu politique » qui va désigner les
électeurs présentant un défaut d’intégration sociale et un sentiment d’incompétence politique ; et
l’abstention « dans le jeu politique » qui va concerner les électeurs qui sont intéressés par la politique
mais qui utilisent l’abstention comme une forme de protestation.
→ D’autre part, le vote en lui-même peut être analysé de deux manières. On peut considérer que
celui-ci à un caractère collectif. On peut alors expliquer le vote par ce que l’on appelle les « variables
lourdes » du comportement électoral qui désignent donc les caractéristiques socio-économiques
des électeurs qui déterminent leurs choix électoraux. Ainsi, la religion et la classe sociale sont des
« variables lourdes » du comportement électoral.
Par ailleurs, le vote est aussi un acte individuel. Le poids des déterminismes sociaux semble s’affaiblir
et on peut dès lors considérer l’électeur comme un agent rationnel et libre de ses choix, qui voterait
selon le contexte et les enjeux du moment. Or, cela implique aussi davantage de volatilité électorale.
Cette volatilité électorale plus importante aujourd’hui peut prendre des formes diverses : on peut la
constater grâce à l’ampleur prise par le vote intermittent, mais aussi par les changements de préférences
électorales. Cette volatilité électorale peut enfin s’expliquer de différentes manières : il peut s’agir d’un
affaiblissement ou d’une recomposition des variables sociales. Ainsi, le vote des femmes diffère moins
aujourd’hui de celui des hommes qu’auparavant. Le déclin du clivage gauche / droite peut être une autre
cause de la volatilité électorale, de même que le renforcement du rôle du contexte politique.

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