Le référendum est-il une procédure de participation efficace ?
Le 29 mai 2005, Jacques Chirac demande l’avis des français par
référendum quant à la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe : 45,13% des suffrages exprimés votent pour le oui contre 54, 87% pour le non. Moins de trois ans plus tard, la France ratifie le traité sans consulter les citoyens, par voie parlementaire. Il convient alors de se demander si les citoyens ont réellement leur mot à dire dans la prise de décision politique. Le référendum est un vote direct de l’électorat permettant à l’ensemble des citoyens d’une même nation d’approuver ou de rejeter une mesure, souvent de nature législative ou constitutionnelle, proposée par le pouvoir exécutif. Le référendum permet alors au corps électoral de participer à la vie politique puisque en votant, les citoyens répondent par « oui » ou pas « non » sur des questions de société ou institutionnelle et la réponse apportée par la majorité des citoyens est censée être respectée par le pouvoir exécutif. Nous nous intéresserons dans cette argumentation à la participation des citoyens par voie référendaire dans le régime démocratique qu’est la France. L’idée de référendum, nourrie des pratiques antiques grecques et romaines, se forge en France dans le contexte de la Révolution française mais n’apparaît réellement que dans la Constitution de la Ve République de 1958. En revanche, dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 il est dit que « tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants » à la formation de la loi. La notion de référendum n’est pas explicitement prononcée mais l’idée selon laquelle le peuple joue un rôle dans l’élaboration des lois est bel est bien présente. Il est particulièrement intéressant de s’interroger quant à la véritable efficacité du référendum. En effet, le dernier référendum a eu lieu il y a désormais plus de seize ans et selon le baromètre YouGov pour le HuffPost et CNews, 71% des français « souhaitent que les décisions prises suite au Grand débat national soient soumises à un référendum ». Alors, le référendum est-il réellement une procédure de participation efficace ? Le référendum a bien des avantages et présente de nombreux intérêts mais, il suscite également une certaine méfiance, notamment chez les élus. Le référendum, s’il était plus utilisé par le pouvoir exécutif, serait sans doute une procédure de participation efficace. Nonobstant, la faible utilisation des référendums dans la vie politique française empêche les citoyens de participer fréquemment à la vie politique ce qui entraîne une méfiance, cette fois-ci de la part de l’électorat. Nous verrons alors que le référendum est une procédure grâce à laquelle le peuple exerce sa souveraineté (I) car il est fondé sur la base d’une démocratie directe (A) ce qui permet aux citoyens de participer à la prise de décisions politiques (B). Mais, le référendum connaît certaines limites (II) car celui-ci est trop peu fréquent (A) ce qui est à l’origine d’une insatisfaction du peuple de plus en plus présente (B).
I) Le référendum, procédure permettant au peuple d’exercer sa
souveraineté
L’article 3 de la Constitution française du 4 octobre 1958 précise que « la
souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Le peuple est alors le souverain de la République française et exerce sa puissance grâce à ses représentants et au référendum. Cette procédure de participation citoyenne a donc un rôle central dans le régime démocratique français.
A) Le référendum, fondé sur la base d’une démocratie directe
En France, le vaste territoire et l’importante population sont des facteurs
rédhibitoires à la mise en place d’une démocratie directe. En effet, le régime démocratique français est représentatif, autrement dit, des représentants de la nation, élus par le peuple, prennent les décisions le concernant, car en effet, selon la Constitution, la souveraineté en France est dite nationale. Mais la nation étant une entité abstraite, les représentants agissent alors au nom de cette dernière. Le régime représentatif est donc la conséquence de l’idée selon laquelle la souveraineté appartient à la nation. Lorsque les citoyens sont soumis à un référendum, ils ont la possibilité de participer directement à la vie politique en donnant leurs avis sur tout un ensemble de sujets pouvant porter sur une modification de la constitution, sur l’organisation des pouvoirs publics, l’adhésion à un traité ou une organisation internationale et tout autre acte sociétal, législatif ou constitutionnel. Dans ces circonstances, le référendum est une procédure de participation efficace puisque les citoyens concourent directement à l’élaboration ou v l’abrogation d’une mesure politique, sociale ou économique les concernant. B) Le référendum, procédure impliquant directement les citoyens dans les décisions politiques
La Révolution Française de 1789 a marqué un véritable tournant dans
l’histoire politique française. La souveraineté appartient désormais à la nation et non plus au monarque. Le peuple est placé en priorité dans les textes fondamentaux de la République tels que la Constitution ou la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen. En effet, l’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen met en avant l’égalité des citoyens en affirmant que « les hommes naissent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Pareillement, l’article premier de la Constitution affirme que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens ». Alors, le référendum permet à tous citoyens de donner son opinion sans subir de quelconque discrimination. Le peuple est désormais véritablement impliqué dans la vie politique de sa nation et grâce au référendum, peut pleinement exercer sa souveraineté. Cependant, cette procédure présente certaines limites importantes, portant atteinte à ce que l’article 3 de la Constitution énonce : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
II) Les limites du référendum
Le référendum est une procédure subissant de nombreuses controverses
depuis quelques années désormais.
A) Un faible recours au référendum
La Constitution de notre République a été adoptée en 1958, soit il y a soixante-
trois ans et, depuis, seulement neuf référendums ont été organisés sous la Ve République. Les controverses quant à la trop grande absence de référendums peuvent alors sembler légitimes lorsque nous prenons connaissances de ces chiffres. En effet, le référendum est une procédure très démocratique qui implique réellement le peuple dans la vie politique. Cependant, cette procédure connaît un inconvénient très important : trop peu de référendums ont été organisés, et ils le sont de moins en moins. Le fait que le pouvoir exécutif a peu recourt aux référendums peut être expliqué par différentes raisons ou théories. Mais, le général Charles de Gaulle déclarait, à la veille du référendum de 1969 : « Si je suis désavoué par une majorité d’entre vous, ma tâche deviendra évidemment impossible et j’en tirerai aussitôt les conséquences ». Alors, selon l’ancien président de la République, une impopularité présidentielle est inconcevable car la mission de ce dernier repose exclusivement sur la confiance des citoyens. Les référendums peuvent par conséquent être vus comme un moyen permettant au pouvoir exécutif de ne pas perdre de sa popularité si la réponse apportée par les citoyens suite à la procédure référendaire est négative. Mais cette faible utilisation du référendum n’est pas sans conséquence.
B) Une insatisfaction populaire de plus en plus présente
Dominique Rousseau, juriste et professeur de droit constitutionnel français,
affirme que « en régime représentatif, la démocratie est toujours en état de manque ». En effet, le terme « démocratie » désigne un régime politique dans lequel les citoyens participent aux décisions politiques par le vote et le référendum. Mais dans un régime où des représentants de la nation promulguent des lois pour les citoyens mais sans les consulter, la démocratie représentative fait l’objet de nombreux débats. De plus en plus de citoyens souhaitent avoir une influence significative, un contrôle sur les décisions qui les concernent, eux, ainsi que leurs conditions de vies. C’est pourquoi une grande partie du peuple français souhaite voir l’instauration d’une véritable démocratie représentative et, que les décisions prises suite au Grand débat national, débat public français lancé en 2019 par Emmanuel Macron, soient soumises à un référendum. Ce débat fut d’ailleurs lancé dans le contexte du mouvement des Gilets jaunes, mouvement de protestation apparu en 2018 qui revendiquait la loi nouvelle portant sur l’augmentation du prix des carburants. En somme, le manque de recourt au référendum provoque une certaine frustration parmi l’électorat qui se sent de moins en moins impliqué dans la prise de décision politique et le manifeste à travers bon nombre de revendications. Cependant, organiser un référendum nécessite un véritable courage politique car il présente, pour le président de la République, le risque d’être désavoué.