En Afrique de l’Ouest, le foncier rural occupe une place prépondérante
dans les politiques publiques. En effet, comme bien incontournable dans les implications foncières, la terre constitue la principale richesse que mobilisent les agriculteurs, les acteurs économiques et l’Etat (Affou et Vanga, 2002). En Côte d’Ivoire, ce secteur produit environ 30% au PIB et emploie 68% de la population active. De fait, la problématique de la gestion du Domaine Foncier Rural et la sécurité foncière constitue le socle du développement durable attendu en Côte d’Ivoire (Rapport de la Banque Mondiale, 2012). En effet, avec la croissance démographique, l’intensification de conflits fonciers et les questions migratoires, la sécurité foncière se pose comme une question d’enjeu national. Pourtant, cette question n’est pas nouvelle. Cette préoccupation date de l’existence des communautés rurales dont la coutume est la norme dominante. Celle-ci conditionne l’accès à la terre par les identités sociales au point où les individus n’ont pas les mêmes droits fonciers (Lavigne et Durand-Lasserve, 2009). Par ailleurs, on note que la sécurisation des droits fonciers ruraux est induite par la reconnaissance sociale. Détenir donc des droits fonciers et en jouir pleinement est du ressort de la tradition (Lepage, 1985). Cependant, Jugé archaïques et caduques, les droits fonciers traditionnels en matière de sécurisation foncière se voient formaliser par l’administration coloniale (Bouquet, 2005). Pendant cette période, il était question de rendre formel les droits fonciers traditionnels à travers l’élaboration de législations (Chauveau, 2006). Cette politique de législation avait pour fondement le décret du 24 juillet 1932 organisant l’immatriculation foncière. Ce décret insistait sur l’enregistrement des droits fonciers traditionnels garantis dans des documents administratifs nommés les livres fonciers. Ceci étant, la propriété foncière n’était admise que si le droit de propriété respectait la nouvelle procédure en vigueur. Cette dernière part d’abord de la procédure de délivrance du certificat foncier, puis celle de l’établissement du livret foncier (Traoré, 2012). Cet ordre nouveau, la procédure de l’immatriculation foncière est confirmée par les entités nouvelles souveraines (Traoré, idem). En réalité, l’Etat ivoirien après l’acquisition de la souveraineté nationale consacre la sécurisation des droits fonciers traditionnels telle que reconnue par l’administration coloniale. La colonie puis l’Etat de Côte d’Ivoire se sont inscrits dans une logique de sécuriser l’accès au foncier des exploitants au travers de réglementations, notamment les décrets 1935, arrêté 1943, arrêté 1955, circulaire 1968 et loi n° 71-338 de juillet 1971 (Babo, 2010). Face à ce changement juridictionnel, les populations rurales ripostent par la non application des textes édités. On note que sur l’ensemble du territoire ivoirien une infirme portion de terre surtout dans les zones urbaines a fait l’objet d’immatriculation et de délivrance de titres fonciers (Kouamé, 2008). Pourtant, le non respect de ce principe de reconnaissance des droits coutumiers consolide le pouvoir de l’Etat comme garant et propriétaire principal de toutes les terres rurales (Koua, 2007). Des décennies plus tard, surpris par la régularité des conflits fonciers, l’Etat ivoirien se doit de reconsidérer la question de la sécurisation des droits fonciers (Ibo, 2012). Ainsi, le législateur légifère la Loi 98-750 du 23 Décembre 1998 modifiée par la Loi du 28 Juillet 2004. Cette loi édicte un certain nombre de principes fondamentaux dont la reconnaissance des "droits coutumiers" dans la détermination de la propriété antérieure à la loi et enfin la nécessité de migrer des "droits coutumiers" vers un droit positif uniforme compatible avec une gestion moderne du foncier rural (Traoré, op.cit.). Quoi que la loi nouvelle vienne en réponse aux conflits fonciers, le transfert des droits de propriété coutumier en droits de propriété moderne ne gagne pas l’unanimité (Hokou et Dutheuil, 2016). En mars 2015, moins de 950 certificats fonciers, soit 0,10% ont été délivrés sur toute l’étendue du territoire (rapport DFR et BM, 2015). En effet, dans les régions du Centre-Ouest et du Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire se développent et se maintiennent les droits fonciers traditionnels (Chauveau et al, 2006). Dans ce contexte de non adoption du processus de sécurisation foncière telle que recommandé et admis par la législation ivoirienne, diverses actions ont été menées afin d’aboutir à la formalisation des droits fonciers coutumiers. Dans la sous-préfecture de Bonoua et spécifiquement dans le village de Yaou, une stratégie de communication de proximité initiée par le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural est mise en œuvre. Concrètement avec l’aide de la DRA, de la FAO, de l’UNESCO, le MINADER a procédé à la sensibilisation des populations rurales sur la connaissance de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural. Encore des ateliers de formations et d’informations avec tous les acteurs du foncier ont été effectués du 30 au 11 mai 2017 dans le but de délimiter des villages et délivrer des certificats fonciers. A cet effet, les enjeux de la sécurisation foncière ont été dévoilés à cette même population. Toutefois, la sécurisation des droits fonciers traditionnels par la délivrance du certificat foncier est ignorée. Le droit de propriété coutumier également subsiste en marge de la législation foncière. Les statistiques indiquent qu’entre 2015 à aujourd’hui, moins de 100 certificats sont délivrés dans la sous- préfecture de Bonoua contre 8 dans le village de Yaou. L’observation empirique indique que les rapports fonciers ruraux suivent leur cours. Ainsi, malgré les actions menées par les autorités coutumières pour l’adoption de certificat foncier, les populations de Yaou refusent de l’adopter.
Consignes : A partir du contexte général, du contexte spécifique et du problème
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