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www.annoncerlacouleur.be
Avec le soutien de
Dispositif fédéral
la Direction Générale de la Coopération Internationale (DGCI)
de sensibilisation aux
Ministère des Affaires étrangères relations Nord-Sud
Service de l’Information à l’initiative du secrétaire
Rue de Brederode, 6 - 1000 Bruxelles d’Etat à la Coopération
Tél.: 02/519 02 11 - Fax: 02/519 05 44 au développement
Table des matières
Présentation générale
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
La démarche interculturelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21
Chapitre 4
Le concept d’identité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 41
Octobre 2002
Dans chaque province, un promoteur mène à bien les cam- La réalisation du dossier et du guide “Vivre ensemble
pagnes de sensibilisation. Pour ce faire, les promoteurs autrement” est le fruit d’une collaboration entre l’équipe
d’Annoncer la Couleur proposent aux personnes-relais que d’Annoncer la Couleur et une cellule pédagogique compo-
sont les enseignants et les animateurs socioculturels, des sée du Centre Bruxellois d’Action Interculturelle (CBAI), de
pistes de réflexion et des outils pédagogiques appropriés. la Confédération Générale des Enseignants (CGE),
d’ITECO et de l’agence de presse InfoSud-Belgique.
La campagne “Penser les migrations autrement”, qui se
développe en trois volets, a pour objectif général d’inviter Vous trouverez plus d’informations sur nos activités et sur
les jeunes, les enseignants et les animateurs à confronter les campagnes auprès des promoteurs provinciaux
leurs représentations des migrations internationales à des d’Annoncer la Couleur (voir contacts en dos de couverture)
réalités complexes et multiples. ou sur le site www.annoncerlacouleur.be
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Présentation générale
“Vivre ensemble autrement”: de la peur de l’Autre au dialogue des cultures
En effet, la peur de l’Autre gagne du terrain, elle sème l’in- Au cours de cette troisième et dernière étape, “Vivre
quiétude et alimente sournoisement le sentiment d’insécu- ensemble autrement”, il sera question de la rencontre
rité. Entraînant chez certains le désir de se replier frileuse- interculturelle. Il s’agira, d’une certaine façon, de porter de
ment sur soi, entre “mêmes”, elle nourrit leur fantasme: ils nouvelles lunettes culturelles pour découvrir l’Autre sous un
se croient assiégés par des ennemis attachés à la perte de jour différent, en s’étant débarrassé, autant que possible,
l’Occident et de ses valeurs. Voulant voir dans les événe- du prisme ou de l’écran des stéréotypes et des préjugés à
ments du 11 septembre 2001 la spectaculaire confirmation travers lequel il est bien souvent perçu. En entrant ainsi en
de leurs peurs, ils en viennent à croire que la cohabitation contact avec l’Autre pour mieux le connaître, c’est aussi
de citoyens porteurs de cultures différentes est impossible une part de soi-même que l’on peut découvrir; l’image que
et que le “choc des civilisations” est inévitable. l’Autre nous reflète, comme dans un miroir, nous permet de
mieux apprécier ce qu’il y a de différent mais aussi de sem-
A l’opposé, Annoncer la Couleur fait clairement le choix du
blable entre nous.
dialogue des cultures. C’est le fil conducteur qui traverse
notre campagne “Penser les migrations autrement”.
Cette prise de conscience de la logique de l’altérité mais
Pour nous, toutes les cultures sont riches d’expériences,
aussi de la ressemblance entre humains devrait contri-
toutes sont porteuses de valeurs universelles et aucune ne
buer à un vivre ensemble plus respectueux des valeurs
peut en revendiquer le monopole.
de chacun, enrichi des apports spécifiques des diffé-
Dans le premier volet, “Le parcours du migrant”, nous rentes composantes de nos sociétés multiculturelles.
avons essayé de mieux cerner la réalité des migrations.
Nous y avons rappelé qu’elles font partie de l’histoire de Vivre ensemble autrement nous renvoie aussi à notre rela-
l’humanité; que, depuis toujours, poussés ou attirés par tion avec les pays du Sud. Comment la diversité culturelle
toutes sortes de raisons, des hommes se sont mis en peut-elle nous pousser à établir des rapports plus équi-
route pour trouver “ailleurs” de meilleures conditions de tables entre pays riches et pays pauvres? Comment un
vie. Très souvent, ils ont ainsi été des acteurs de dévelop- dialogue fructueux entre les cultures peut-il nous amener à
pement, tant du pays d’accueil que de leur pays d’origine. nous décentrer pour interroger, avec nos partenaires du
Sud, nos conceptions du progrès et du développement?
“Penser l’accueil autrement”, le deuxième volet de la
C’est un des enjeux de notre campagne dont le présent
campagne, s’intéressait aux politiques mises en place par
dossier est le support.
les pays d’accueil: “comment jouent-elles sur l’ampleur
des migrations, sur les pratiques concrètes d’accueil et
également, de manière parfois plus subtile, sur la percep-
tion des migrants par la population locale?”1
La démarche interculturelle est au cœur de notre cam- Le guide pédagogique, deuxième partie de ce matériel de
pagne et de notre dossier. Démarche sans doute riche, sensibilisation, ouvre d’autres pistes et présente d’autres
mais n’excluant pas d’autres approches. Elle se garde de types d’activités pour le professeur ou l’animateur qui vou-
réduire l’autre à sa dimension exotique voire folklorique, drait développer une action plus spécifique. Le but
mais le considère comme un partenaire à part entière. Elle d’Annoncer la Couleur est de donner une impulsion, d’invi-
est une réflexion sur notre relation à l’autre et elle s’ap- ter à passer à l’action, et aussi de soutenir toute initiative qui
prend. Elle implique la capacité de prendre distance par irait dans le sens de la démarche interculturelle que nous
2
rapport à son propre modèle culturel et le désir de péné- développons. Les promoteurs présents dans chacune des
trer le système de l’Autre afin de mieux percevoir ce qui provinces sont, à cet effet, des personnes ressources qui
fonde sa conduite: c’est à ces conditions qu’une véritable peuvent vous orienter vers ce que vous cherchez.
négociation peut s’ouvrir. Il ne s’agit évidemment pas
Une société interculturelle respectueuse des droits et des
d’une recette, d’une méthode fermée: la démarche inter-
spécificités de chacun: tel est l’objectif de ce dernier volet
culturelle met les partenaires en route dans un processus
de la campagne Penser les migrations autrement. Elle mise
en évolution permanente; elle cherche à créer les condi-
sur le dialogue des cultures. Elle vise à faire de chacun un
tions d’un dialogue pour construire un “vivre ensemble”
acteur déterminé à la défense des droits de l’Autre, de
plus respectueux de chacun.
l’étranger reconnu comme mon semblable. Elle nous invi-
te à entrer de plain-pied dans les temps métis, d’autant
Une démarche adaptée plus riches qu’ils confrontent et conjuguent les apports dif-
aux contenus scolaires férents de chacune de ses composantes.
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 1
Le cadre: le monde est là...
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 1
Le cadre: le monde est là...
11,7% des
richesses
mondiales
Chaque tranche
2,3% des richesses
représente un cinquième
mondiales
de la population mondiale
Source: Rapport mondial sur le développement humain publié par le PNUD en 1992 et adapté par ITECO. La population mondiale y est divisée en 5
tranches de 20 %; à chacune de ces tranches correspond la part du total des richesses mondiales auquel elle a accès. Ainsi, tandis que la tranche la plus
favorisée de la population mondiale (20%) dispose de 82,7% des richesses, la tranche la plus défavorisée (20%) se partage 1,4 % de ces mêmes richesses.
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 1
Le cadre: le monde est là...
Quant aux pays riches du Nord, en voyant arriver des réfu- Diversité culturelle
giés, ils se croient envahis par des hordes d’ennemis aux-
C’est dans ce contexte général d’un monde largement
quels ils ne prêtent qu’une seule intention: s’emparer de
dominé par l’économie de marché néolibérale et du profit
leurs richesses. Gagnés par la peur, ils ne veulent pas voir
à tout prix que le concept de diversité culturelle11 pourrait
que des pans entiers de leur propre économie reposent
nous guider pour construire des rapports plus justes avec
sur l’exploitation de cette main-d’œuvre à bon marché.
nos contemporains. Par diversité culturelle, l’on entend “la
Bien plus: certains trouvent assez commode de détourner
non-domination d’une culture par rapport à une autre, (...)
sur cette population étrangère exposée le ressentiment
l’acceptation du partage des biens et des valeurs cultu-
que des autochtones précarisés éprouvent à cause d’un
rels.” Il s’agit donc bien d’un partage: de la même façon
système économique qui ne profite qu’aux plus forts.
que nous partageons la même planète, nous sommes invi-
Renonçant à s’atteler à une véritable politique sociale
tés à partager les savoirs, les savoir-faire, les technologies
interne et à gérer les flux migratoires en s’attaquant à leurs
nouvelles et anciennes. La diversité culturelle s’oppose
causes (entre autres les déséquilibres Nord-Sud), les gou-
ainsi aux effets pervers de la mondialisation économique
vernements des pays de l’Union européenne, en applica-
qui place la marchandise au centre du monde; elle véhicu-
tion de mesures concertées au niveau supranational, veu-
le l’idée d’un dialogue nouveau pour un partage des biens
lent persuader que le problème réside aux frontières. Dans
en toute équité.
un réflexe sécuritaire, ils multiplient les mesures de police
destinées à rassurer leur population et rehaussent les murs Il suffit cependant de jeter un coup d’œil aux échanges
de la forteresse. Tout autour, ils tolèrent pourtant des économiques mondiaux pour s’en convaincre, poursuit
zones tampons où se concentre une main-d’œuvre non Tanella Boni: la place de la diversité culturelle est réduite à
qualifiée, discrètement admise à l’intérieur lorsque le sa plus simple expression. Il y a ceux qui produisent et
besoin s’en fait sentir, mais à laquelle tout droit est dénié. ceux qui consomment; ceux qui travaillent de leurs mains
Plus insidieusement, lorsque la main-d’œuvre qualifiée et à la sueur de leur front, et ceux qui se répartissent les
vient à manquer, certains gouvernements entrouvrent les dividendes de cette production. Les premiers se trouvent
barrières et ne laissent passer que ceux dont ils ont bien souvent dans les pays du Sud, qui ne profitent que
besoin. Et la logique est poussée jusqu’au cynisme très faiblement des richesses inestimables de leur sous-
lorsque certains gouvernements envisagent de réduire l’ai- sol, tandis que les seconds, au Nord, engrangent les béné-
de au développement, voire de suspendre les accords de fices sans pour autant les utiliser à bon escient. En effet,
coopération avec les pays qui feraient preuve de mauvai- l’exploitation des richesses naturelles et le commerce des
se volonté pour contrôler les réseaux d’immigration ou armes font souvent bon ménage, tout en entretenant le
réadmettre leurs nationaux expulsés10 . chaos dans nombre de pays du Sud. “Il s’agit là de l’une
des figures les plus cyniques de la mondialisation écono-
mique”, accuse Tanella Boni. “Comment parler en effet de
démocratie et de droits de l’Homme et favoriser, dans le
même temps, un marché contraire au respect de l’huma-
nité et à toute éthique de préservation de la paix? Les
10 Comme cela avait été initialement proposé au sommet des chefs inégalités parmi les hommes commencent là où l’écono-
d’état à Séville en juin 2002. mie ignore la diversité culturelle et impose ses lois comme
étant les seules universellement valables.”
11 BONI Tanella, Place et rôle de la diversité culturelle dans les désé-
quilibres Nord-Sud, Groupe d’Etudes et de Recherches sur les
Mondialisations (GERM) - http://www.mondialisations.org/germ
2001/pages/index2.html
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 2
Manifeste pour l’action interculturelle
Manifeste pour
l’action interculturelle
Après avoir dégagé quelques lignes de force du monde dans lequel
nous vivons, il convient à présent de définir l’esprit dans lequel
Annoncer la Couleur envisage une action interculturelle.
En effet, il existe différentes façons de penser la cohabita- Afin de faciliter la compréhension et la communication
tion - la façon de “vivre ensemble” - de populations, de entre les différents acteurs d’une campagne telle que
groupes, d’individus différents, que ce soit à l’échelle d’un “Vivre ensemble autrement”, il est nécessaire de baliser
quartier, d’une région ou de la planète. Dans le contexte d’emblée le champ de significations des principaux
actuel et surtout depuis le 11 septembre 2001, une vague concepts que nous allons utiliser. Il ne s’agit donc pas uni-
de fond sécuritaire semble l’emporter. L’heure est à la quement de préciser ces concepts au moyen de défini-
méfiance, à la fermeture, au renforcement des mesures de tions, mais aussi de les situer dans le contexte des diffé-
police et des contrôles. rentes approches où ils sont mis en œuvre12.
L’action interculturelle que nous proposons se veut une Des controverses émaillent en effet ce champ de significa-
alternative politique à cette tendance au repli identitaire et tions: elles opposent différentes conceptions sociopoli-
sécuritaire. Une alternative à l’exclusion, à la répression, à tiques du “vivre ensemble”. Ainsi, si l’on se place du point
l’obsession angoissée du contrôle. Elle offre, en tant que de vue de l’Etat, il s’agit de la “gestion” de la diversité socia-
telle, d’autres finalités que la recherche du profit et de la le et culturelle, tandis que du point de vue des acteurs
domination. sociaux individuels ou collectifs, il s’agira de l’élaboration de
modalités, soit d’évitement, soit de rencontre et d’interac-
Comme règle du jeu, elle propose la coopération plutôt
tion, entre porteurs d’identités culturelles différentes.
que la compétition. Toutefois cette alternative politique
n’est ni une doctrine ni une idéologie: l’action interculturel- En outre, à côté des questions liées aux enjeux idéologiques
le constitue un ensemble de pratiques, de savoir-faire, de et politiques, le champ des significations de nos concepts est
démarches individuelles et collectives qui font le pari de la bien souvent brouillé par une grande confusion de vocabu-
rencontre, de la coopération et de la négociation. L’action laire. Les différents acteurs, qu’ils soient décideurs politiques,
interculturelle est un art de faire “avec” l’altérité plutôt que chercheurs universitaires, militants ou travailleurs sociaux,
“contre” elle, de construire des passerelles plutôt que des font en effet un usage assez anarchique de concepts tels que
murailles, des zones d’intérêt et d’identité communs aux “multiculturel”, “interculturel” ou encore “intégration”.
différents habitants de la planète plutôt que d’artificiels
Ces divergences et ces confusions appellent une clarifica-
conflits de civilisation.
tion, une traduction: à chaque élément de vocabulaire,
sera attribué une signification précise.
1. Celui du phénomène
Depuis la nuit des temps, des interactions ont lieu entre
des individus ou des groupes humains porteurs de
cultures différentes. Ces rencontres et interactions pren-
nent des formes diverses selon qu’elles se produisent
dans le contexte d’échanges économiques, d’influences
techniques ou religieuses, de migrations, de guerres,
d’invasions ou encore de conquêtes coloniales.
© Annoncer la Couleur - Robert Vanden Nest
Aller au-delà de la multiculturalité... Bruxelles, mai 2002. Ce phénomène est aujourd’hui intensifié par le déve-
loppement technologique des moyens de transport et
de communication. Toutefois, même des sociétés ou
Du multiculturel à l’interculturel 13
des groupes à première vue culturellement homo-
L’adjectif “multiculturel” et le substantif “multiculturalité” gènes, sont traversés et travaillés par des différences:
qui en est dérivé se rapportent à la description d’une situa- entre sexes, familles, classes ou castes, sous-groupes
tion, au constat de la coexistence, dans une situation don- d’appartenance divers. L’interculturalité constitue dès
née, d’une multiplicité de personnes ou de groupes por- lors un phénomène qui est déjà omniprésent: toute cul-
teurs d’identités culturelles différentes. Ainsi, un groupe ture est interculturelle.
d’élèves peut-il être décrit comme multiculturel, de même
que l’on parlera de la multiculturalité d’une ville ou d’un 2. Celui du champ de recherches
quartier, que l’on fera le constat de la multiculturalité dans en sciences humaines et sociales
une école ou un hôpital. Le phénomène des interactions interculturelles consti-
tue un objet d’observation scientifique. L’ensemble des
L’adjectif “interculturel” et le substantif “interculturalité”
observations et études sur ce phénomène dans ses
qui en est dérivé ont trait à des processus dynamiques, à
formes multiples (psychosociales, politiques, écono-
des interactions, aux rencontres et aux relations entre des
miques et spécifiquement anthropologiques ou cultu-
groupes ou des individus porteurs d’identités culturelles
relles) constitue un champ de recherches nécessaire-
différentes. Il faut donc qu’il y ait d’abord une situation
ment interdisciplinaires.
multiculturelle - qu’il y ait de la “multiplicité culturelle” -
C’est un champ de recherches relativement jeune, qui
pour que se produisent alors des interactions intercultu-
a été stimulé notamment par le phénomène des immi-
relles. Cela signifie aussi qu’il ne suffit pas qu’il y ait multi-
grations économiques et d’importation de main-
plicité pour que se produisent des interactions: les indivi-
d’œuvre vers les pays “développés” à la fin de la pério-
dus ou les groupes peuvent être séparés, isolés ou se nier
de coloniale et durant la seconde partie du XXe siècle.
mutuellement, de la même manière qu’entre les différents
Dans ce contexte, les chercheurs se sont particulière-
habitants d’un immeuble, il n’y a pas nécessairement d’in-
ment intéressés aux interactions entre les migrants et
teractions significatives.
les travailleurs sociaux et enseignants chargés de leur
accueil et de leur “intégration”.
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 2
Manifeste pour l’action interculturelle
3. Celui de l’action interculturelle Un exemple fort connu pose les limites de cette
Il s’agit ici d’un projet volontariste, à caractère politique approche: la leçon “Nos ancêtres les Gaulois...” que
et social, situé au carrefour de plusieurs traditions cul- l’on a longtemps fait ânonner aux enfants africains et
turelles et idéologiques spécifiquement occidentales. asiatiques à l’époque de la colonisation française.
Toutefois, on peut distinguer, dans la plupart des sys- L’approche assimilationniste peut prendre des formes
tèmes culturels des peuples de la Terre, de grands extrêmement normatives et se dissimule souvent der-
thèmes anthropologiques semblables à ceux qui ali- rière le vocabulaire de “l’intégration”: dès lors, s’intégrer
mentent l’action interculturelle: l’hospitalité, la solidari- consiste à s’assimiler, se convertir, changer d’identité
té, la confiance, le respect de l’altérité, l’affirmation de pour correspondre au modèle dominant, si incertain
l’esprit contre la lettre ou de la sagesse contre la colè- soit-il. Jusqu’il y a peu, par exemple, l’obtention de la
re et la haine. Cette sagesse est en définitive une forme nationalité belge était notamment subordonnée à la
de réalisme, de bon sens dans l’évaluation des coûts preuve d’une “volonté d’intégration”, lors d’une enquê-
et des risques. te menée par le commissariat du quartier de la person-
Ces thématiques constituent en effet une trame ne demanderesse. Ainsi, le policier de service pouvait
basique de l’interculturalité dont les fils traversent les très bien demander à un jeune Marocain vivant en
frontières des différentes identités culturelles. Notons Belgique s’il buvait de la bière et mangeait du jambon,
enfin que l’action interculturelle, issue des pratiques du deux habitudes alimentaires liées à l’identité belge à
travail social et du champ de l’éducation, s’élabore laquelle il s’agissait de s’assimiler, même pour une per-
dans une interaction constante entre les expériences sonne dont la religion interdit la consommation de ces
de terrain et le domaine de la recherche, en termes de aliments. Dans le même esprit “d’assimilation”, des
théorisation, de construction de modèles et de typolo- pays comme l’Autriche, l’Allemagne ou les Pays-Bas se
gies, ainsi que de mise au point de méthodes. disposent à imposer aux nouveaux immigrés et aux
étrangers extérieurs à l’Union européenne un contrat
d’intégration qui les obligerait à apprendre non seule-
Trois perspectives divergentes
ment la langue, mais aussi l’histoire, la civilisation, le
Ces définitions posées, il est important de distinguer - sché-
droit du pays, et à se familiariser avec les “usages” en
matiquement - trois grandes écoles, trois conceptions socio-
vigueur dans la société d’accueil.
politiques du “vivre ensemble” en société multiculturelle:
> l’approche assimilationniste Portons toutefois au crédit de cette approche les
> l’approche communautarienne14 valeurs qu’elle prétend actualiser: les droits de
> l’approche interculturelle l’Homme, ici entendu en tant qu’individu. Les droits de
l’Homme individuel participent du projet émancipateur
A. L’approche assimilationniste de la modernité qui vise à protéger l’individu de l’arbi-
Parfois qualifiée de républicaine, l’approche assimila- traire de ses appartenances familiales, religieuses ou
tionniste est souvent présentée comme un modèle communautaires15. Cette approche, par contre, ne
français. Elle affirme, d’une part, le caractère universel tient pas compte de la réalité vécue des apparte-
des valeurs, des normes et des procédures républi- nances et des solidarités familiales et communautaires.
caines françaises et, d’autre part, la nécessité pour les
“étrangers” de s’assimiler à ces valeurs, normes et
14 De l’anglais “communautarian”, parfois traduit par communautariste.
procédures, de les adopter en rejetant dans la sphère
privée celles qu’ils ont héritées de leur propre culture et 15 Comme la pression sociale villageoise, le fameux “qu’en dira-t-on?”
qui sont considérées dès lors comme archaïques ou qui entrave la liberté du choix personnel, sans oublier certaines
primitives, en tous cas inférieures au modèle français. contraintes radicales comme les mariages forcés.
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 2
Manifeste pour l’action interculturelle
C. L’approche interculturelle
L’approche interculturelle consiste en l’élaboration des
modalités du “vivre ensemble” à partir des interactions
concrètes des individus ou des groupes porteurs
d’histoires, de codes et d’héritages culturels diffé-
rents. Contrairement aux deux premières approches,
elle n’oppose pas le projet de l’émancipation indivi-
duelle à la réalité des ancrages communautaires ni à la
nécessité de l’action collective; elle constitue donc
une “voie du milieu”. Dès lors, l’ouverture d’espaces
sociaux de rencontre, d’échange et de négociation est
favorisée, au sein desquels une créativité culturelle et
identitaire devient possible; des espaces où le respect
et la reconnaissance des identités permettent, très
pragmatiquement, une production commune de la cul-
ture et de la société. Cette approche interculturelle
suppose une certaine confiance dans les ressources
et capacités des habitants de la Terre à s’inventer un
devenir collectif meilleur. Elle implique également le
© Annoncer la Couleur - Robert Vanden Nest
développement de compétences spécifiques de
Découvrir une culture et aller au-delà de la musique en expérimentant
négociation, d’analyse critique des situations et des la complexité des codes musicaux. Bertrix, mai 2002.
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 3
La démarche interculturelle
La démarche interculturelle
res s
Filt orsion s
t e
Dis éotyp
r
Je Sté Il Elle
Nous Eux
Malentendus - Incompréhensions
Jugements de valeur - Tensions / échecs
C’est le constat que pose Margalit Cohen-Emerique18, 18 Voir, par exemple, ses articles:
chercheuse en psychologie sociale, qui suit la question de > Le Choc culturel, in Antipodes, une publication d’ITECO,
l’immigration et de ses différentes manifestations depuis n°145, juin 1999;
de très longues années. A partir de l’observation du travail > Connaissance d’autrui et processus d’attribution en situations
des acteurs sociaux sur le terrain, elle a cherché à “forma- interculturelles, in Cahiers de Sociologie économique et culturelle
liser” la démarche interculturelle. Elle a analysé les interac- (Ethnopsychologie), n°10. 95-107;
tions qui ont lieu entre les personnes d’origines culturelles > Le modèle individualiste du sujet, écran à la compréhension
différentes et a identifié les principaux obstacles à la com- des personnes issues de sociétés non occidentales, in Cahiers
munication entre le migrant et toute personne de la socié- de Sociologie économique et culturelle (Ethnopsychologie),
té d’accueil avec laquelle il entre en contact (l’enseignant, n°13, juin, 9-34.
l’assistant social, le médecin, etc.).
Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
I 21
Le simple fait de recevoir des informations sur l’Autre, sur Les trois étapes
sa culture et ses origines contribue-t-il à construire une de la démarche interculturelle
société interculturelle harmonieuse? Les recherches de
Dans ce contexte, Cohen-Emerique identifie trois phases
Margalit Cohen-Emerique démontrent que, dans une
qui jouent en étroite interdépendance dans toute
démarche interculturelle, la connaissance théorique de
démarche interculturelle:
l’Autre ne suffit pas, pour deux raisons.
> la décentration (démarche vis-à-vis de soi-même);
D’une part, la démarche de découverte de l’Autre est trop > la compréhension de l’autre
souvent empreinte de stéréotypes: ainsi, les Africains sont- (démarche vis-à-vis de l’autre);
ils souvent perçus comme de grands amateurs de musique > la négociation (démarche vis-à-vis de la relation).
et de danse et lors de compétitions de football, les équipes
africaines sont assimilées à leur marabout, prétendument à
Schéma de l’étoile ou le chemin de l’interculturel
l’origine de la victoire. Il est courant de projeter mécani-
quement sur un individu ou sur un groupe les connais- d’après ITECO
Pe
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 3
La démarche interculturelle
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 4
Projet pour des temps métis dans les contenus scolaires
Education physique
> Le jeu des chaises
> En collaboration avec les cours de biologie et de sciences sociales, un travail sur les performances sportives:
les préjugés sur les étrangers, le débat nature/culture, les connaissances de la génétique
Morale et religion
Histoire des religions
> Le rôle des religions dans l’extension des zones d’influence de l’Europe et du monde arabe
> Christianisation et islamisation
> Les croisades
> L’empire ottoman
> Le cas de l’Espagne et de la progression arabe
> La colonisation de l’Afrique et son évangélisation
> La colonisation de l’Amérique du Sud et la controverse de Valladolid
> L’inquisition
> Les chrétiens orthodoxes
> Le schisme protestant et le développement industriel
La question du développement
> L’humanisme et les droits de l’Homme: critique de l’esclavagisme
> L’aide au développement et le travail des ONG: entre démarches caritatives, théologie de la libération
et approches révolutionnaires
> La question de l’intérêt individuel et de l’intérêt collectif: la solidarité, le quart-monde
> Le lien entre migrations et répartition des richesses
> Démocratie et totalitarisme: le lien entre légitimité interne du pouvoir et développement, légitimité externe du pouvoir
et dépendance
Options artistiques
Une histoire de l’art politique des confrontations culturelles
> Evolutions et influences
- Au travers de contenus
- Au travers de la forme
- Au travers des formes de l’art
> La place de l’art dans l’organisation sociale
- Dans les différentes civilisations
> L’art et la politique
- Art et colonisation
- Art et confrontations culturelles
- Art et mondialisation
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 4
Projet pour des temps métis dans les contenus scolaires
Histoire
Histoire des religions (voir Morale et religion)
Histoire de l’éducation, histoire de la catégorie “jeunesse”
> Enfant
> Adolescent
> Adulte
> Les jeunes comme classe dangereuse
Empires et civilisations
> Les exemples multiples de lecture de l’histoire, de la préhistoire à nos jours,
sous l’angle des différents modes de gestion des territoires par les civilisations dominantes
> Le lien entre ces zones d’extension et les confrontations culturelles
- Les cas de génocides culturels (peuples autochtones)
- Les cas de mélange culturel
Les histoires oubliées par l’Europe
> Histoire des civilisations d’Asie, d’Amérique, d’Afrique, d’Océanie, qui précède leur “découverte”
> Histoire de la destruction de certaines de ces civilisations par les puissances coloniales
La construction de la puissance des pays industrialisés
> La colonisation (colonies de ressources, colonies de peuplement, esclavagisme, la question des races,
le partage des territoires et la naissance d’Etats “artificiels”)
> La révolution française (droits de l’Homme, égalité des citoyens, démocratie)
> La révolution industrielle (capitalisme, classes sociales, pensée libérale et pensée marxiste)
> La montée en puissance des Etats-nations
> La guerre froide, le rideau de fer comme frontière de l’Europe, les impérialismes
(URSS, pacte de Varsovie et Comecon; USA, UE, OTAN)
Géographie et Histoire
Histoire des migrations
> L’histoire de l’humanité en tant qu’histoire de grandes migrations, de la préhistoire à nos jours: une approche thématique
pour comparer des moments clé, les différentes formes des migrations depuis la Mésopotamie jusqu’aux grandes migrations
du XXe siècle; les mouvements de populations dans le temps et dans l’espace (voir aussi les mouvements de populations
dans les pays du Sud)
> Les colonies de peuplement, le cas des Etats-Unis, l’esclavagisme, l’apport des pays européens,
la problématique des peuples autochtones
> Belgique, pays d’émigration, pays d’immigration
> Histoire de la politique d’asile
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 4
Projet pour des temps métis dans les contenus scolaires
Géographie
> L’enjeu de la valeur ajoutée: création et répartition
> L’enjeu environnemental
- Couche d’ozone
- Effet de serre, réchauffement de la planète, les responsabilités respectives, le protocole de Kyoto,
la consommation d’énergies fossiles dans le monde
- L’intervention des Etats, les réglementations de protection de l’environnement et l’internationalisation du capital
> La question de l’eau
- Eau potable et eau d’irrigation des cultures
- Hydroélectricité et besoins en eau des industries
- Urbanisation et consommation de l’eau
- Le traitement des eaux usées
- Les réserves d’eau et leur contrôle
L’organisation du monde
> Les grands ensembles géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques après la fin de la guerre froide
> La réorganisation des zones d’influence
> Les zones de conflit comme frontières de ces zones d’influence
La construction de l’UE
> Le libre échange
> La libre circulation (des capitaux, des travailleurs)
> La problématique de l’intégration européenne (l’Europe à deux vitesses)
> La problématique de l’élargissement
- Dans la perspective de la chute du rideau de fer
- La question des réformes des institutions
- La réorientation de l’Europe, de l’Afrique vers les pays de l’Est
- Les nouveaux migrants en provenance des pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est
> Le contrôle des frontières extérieures et la politique d’immigration
> Vers une Europe sociale?
Etude du cas de la Turquie (par exemple)
> Les populations turques en Europe
> La candidature à l’UE
> Europe/Asie, chrétienté/islam, panturquisme
> Zone Economique de Coopération de la mer Noire
> L’Otan et l’aspect géostratégique de la Turquie pour le contrôle du Moyen-Orient
> La question du pétrole de la mer Caspienne
> La question kurde
> La question chypriote
> Mustapha Kemal et l’Etat laïc
> La démocratie et les droits de l’Homme
Mathématique
Histoire des mathématiques
> Mise en évidence des apports des différentes civilisations
La différence et l’égalité dans les mathématiques
> L’équation
> Egalité, inégalité et la différence
> L’équivalence
> Les ensembles et les individus
Travaux de statistiques et de traitement des données concernant
> Les migrations
> Le développement et la répartition des richesses dans le monde
> La démographie
> Le lien dette, taux de change du dollar et taux d’intérêt
Les progressions géométriques
> Le lien entre développement industriel et accumulation du capital
Analyses de fonctions
> Tangentes, dérivées et taux de croissance dans les modèles économiques ou démographiques
Représentation graphique et analyse des données statistiques
> Représentation graphique et propagande, ou comment présenter des données pour faire passer une idée
> Corrélations et conclusions abusives (par exemple sur la criminalité et les étrangers, le chômage et les migrations, etc.)
30
I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 4
Projet pour des temps métis dans les contenus scolaires
Sciences
Biologie: la génétique
> Les races et l’espèce humaine
> La reproduction et l’hérédité
> Le génome humain
> L’eugénisme
> Les brassages génétiques et les facultés d’adaptation de l’espèce
> La préservation de la diversité biologique et l’enjeu alimentaire
> Le commerce du patrimoine génétique végétal, animal et humain, le cas des pays en voie de développement
qui vendent ce patrimoine aux entreprises multinationales
> Les questions éthiques des manipulations génétiques
> Les manipulations génétiques et la productivité agricole
Biologie et chimie: les produits pharmaceutiques
> Les progrès de la science
> Les enjeux de leur diffusion dans le monde
> Ethique de la recherche scientifique et de son financement: l’enjeu public/privé
Physique et chimie: l’enjeu énergétique
> La formation des combustibles fossiles et leur consommation
> Les bilans énergétiques des différentes sources d’énergie
> Les bilans environnementaux des différentes sources d’énergie
> Maîtrise énergétique et développement: taille des projets et dépendance
La désertification des sols et l’exploitation des forêts tropicales
Les théories sur l’évolution
> Histoire de ces théories, de l’interprétation biblique aux apports de la génétique en passant par les théories darwinistes,
la sélection naturelle
> Rapport entre civilisation dominante et dominée et les tentations de la sociobiologie
Economie
Les théories du développement (voir aussi géographie)
Emploi, chômage et migration: le marché du travail
> La confrontation des modèles libéraux et socialistes
> Le mouvement ouvrier, le syndicalisme, l’amélioration des conditions de travail, la sécurité sociale et la législation sociale
> L’enjeu de la répartition de la valeur ajoutée et le rapport salarial
> Le fordisme, la croissance et l’emploi
> Les politiques keynésiennes et l’emploi
> La question du rôle de l’Etat
- Services publics, privatisations et nationalisations
> La concurrence sociale, les délocalisations, vers un syndicalisme transnational?
Le commerce mondial
> Libre échange et protectionnisme
> L’enjeu de la valeur ajoutée
> Les mécanismes de la dépendance (voir aussi géographie et développement)
Les entreprises transnationales et leurs stratégies
> Internationalisation du capital: les aspects technologiques
> Les paradis fiscaux
> Les paradis sociaux
> Les paradis environnementaux
Cours de langues
Les aires d’extension linguistiques
> Le lien entre langue et culture
> Le lien entre langue et identité
Sur l’ensemble des thèmes abordés dans les autres cours ou en lien avec le thème:
> Travail sur des textes
> Travail d’expression
> Travail sur le vocabulaire spécifique de la problématique et comparaison avec le vocabulaire et les significations en français
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Chapitre 4
Projet pour des temps métis dans les contenus scolaires
Latin et grec
L’impérialisme romain, première mondialisation: après l’élimination de Carthage (bipolarisation du monde), la conquête
et la peur des barbares (le monde unipolaire)
> Les repères historiques de la peur
- Le sac de Rome en -390 (épisode des oies du Capitole)
- L’invasion des Cimbres et des Teutons en -121
> Les terrae incognitae
- Peuples divisés et nomades
- Le chaos, les conflits et la pauvreté
> Les villes et sociétés opposées à la Rome sédentaire, rationnelle et ordonnée
> La romanisation: colonisation des chefs et uniformisation du monde conquis
> L’idéologie du LIMES
- Ligne de démarcation gardée
- Contrôle et murs-frontières
- Routes stratégiques, camps fortifiés et retranchements
> L’armée et la diplomatie de l’inégalité
- L’armée sur le pourtour
- Les zones tampons pour les échanges fructueux, la dépendance économique, la corruption et le contrôle des populations
> A l’intérieur, l’abondance
- Richesse culturelle grâce au pluralisme et au dynamisme des nouveaux citoyens
- L’unité politique
- La richesse économique
L’extension du droit de cité
> De l’intérieur: la plèbe sur pied d’égalité (théorique) avec le patriciat (Tite-Live: discours de Canuleius en -445)
> De l’extérieur: incorporation au peuple romain d’étrangers issus de peuples vaincus
- Octroi de la civitas aux Sabins, aux peuples d’Italie, aux Gaulois, aux Espagnols
- L’affranchissement des esclaves (manumissio)
- Acquisition des droits politiques à la troisième génération
- Autorisation des mariages mixtes
Le cosmopolitisme, l’universalisme ou la charité stoïcienne
> Le genre humain est universel. Par nature, tous les hommes sont égaux
> L’idée de Socrate (citoyen du monde), d’Aristote, d’Alexandre le Grand (la Cité-Etat devient un Empire, plus tard celui de Rome),
reprise par les stoïciens, fondatrice du christianisme et affirmée au 18e siècle: la déclaration des droits de l’Homme.
La culture
Définir le concept de culture n’est pas chose aisée car il
évolue continuellement: la définition que l’on donnait de la
culture au Moyen-Age n’a rien à voir avec le concept tel
qu’il est envisagé de nos jours. Par ailleurs, il s’agit, aujour-
d’hui encore, d’un concept polysémique. C’est précisé-
ment cette caractéristique qui en complique la définition.
Préjugés
Vision du monde
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Pour en savoir plus…
La culture: essai de définition
Les codes
Au-delà des systèmes de valeurs, il existe d’autres diffé-
rences qui peuvent être source d’incompréhension et de
chocs culturels. Ainsi, les codes culturels constituent un
ensemble de normes qui fixent les comportements des
personnes. Ils rendent les conduites prévisibles et rédui-
sent la marge d’inconnu et donc l’insécurité: dans telle cir-
constance, on sait comment les gens vont se comporter.
Ainsi, les codes servent à entrer en contact avec d’autres
de manière prévisible et sécurisante. Il suffit de penser au
rituel de salutations, différent selon les cultures, ou à l’usa-
ge de la main gauche, ou encore à la tenue vestimentaire
et aux coutumes liées au repas. Quand on ne connaît pas
les codes, on peut se sentir perdu, voire déstabilisé. La
place laissée à l’interprétation est alors béante, avec tous
© Eric de Mildt
les risques que cela comporte dans une démarche inter-
culturelle. On appellera donc “incident critique” un com-
Les cultures sont inventées par les humains
portement qui choque parce qu’il ne fait pas partie des
On est souvent fier de sa culture, la prétendant bonne,
codes et qu’il heurte une zone sensible. Si l’on ne connaît
supérieure aux autres, voire universelle... alors qu’elle est
pas le code d’accueil de l’Autre, on peut paraître très
historique, en rapport avec le temps et l’espace. Elle a été
impoli, voire irrespectueux, à ses yeux.
créée pour donner des réponses à l’environnement, c’est-
à-dire au milieu physique, à la géographie, au système
politique, économique, social, à l’Histoire partagée.
Conscient / inconscient
Les cultures comportent des aspects conscients, mani-
festes, visibles et d’autres inconscients, latents, invisibles.
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Pour en savoir plus…
La culture: essai de définition
Le concept d’identité
Le concept d’identité est fondamental pour comprendre la situation interculturelle.
Autrefois utilisé d’un point de vue psychologique essentiellement, il apparaît
aujourd’hui partout et pour expliquer les situations les plus variées.
L’identité est la synthèse que chacun fait des valeurs et La base de l’expérience émotionnelle de l’identité provient
des indications de comportements transmises par les dif- de la capacité de l’individu de continuer à se sentir lui-
férents milieux auxquels il appartient. On intègre ces même à travers les changements continuels. Un proces-
valeurs et ces prescriptions selon ses caractéristiques sus d’articulation permanente du nouveau avec l’ancien
individuelles et sa propre trajectoire de vie. L’étranger doit avoir lieu, de manière telle que le nouveau soit perçu
intègre à son identité son statut de migrant ou de réfugié comme ayant une relation acceptée avec ce qui existait
politique, et les changements culturels qu’il a vécus pen- avant lui. En intégrant le nouveau dans le même, il y a
dant son séjour dans le pays d’accueil. changement dans la continuité. Le sentiment de l’identité
demeure tant que le sujet parvient à donner à l’altération le
L’identité est dynamique sens de la continuité.
“C’est moi!”, répondra une personne à laquelle on deman-
L’adolescence est un bon exemple. Les changements qui
de ce que représente son identité; en la poussant plus loin
se produisent à cette étape de la vie sont si forts, si pro-
dans son raisonnement, elle dira: “c’est ce qui, en moi,
fonds et si visibles que tous les être humains ont plus ou
demeure le même”. La constance apparaît en effet la
moins de difficultés à passer ce cap. Les difficultés ces-
caractéristique la plus évidente de l’identité. Celle-ci est
sent quand le jeune arrive à se reconnaître comme le
attachée à des éléments qui reviennent continuellement et
même, bien que différent.
qui nous semblent permanents: “je suis comme ça”, “je
suis toujours la même personne”. On confond ainsi l’iden-
L’identité est dialectique
tité avec ce qui, en une personne, est immuable.
La construction de l’identité n’est pas un travail solitaire et
Cette manière de voir n’est pas totalement erronée mais individuel. L’identité est modifiée par la rencontre avec
les comportements, les idées et les sentiments changent l’Autre, dont le regard a un effet sur elle. L’identité se situe
selon les transformations du contexte familial, relationnel, toujours dans un jeu d’influence avec les autres: “je suis
institutionnel et sociétal dans lequel nous vivons. Nous influencé par l’identité de l’Autre et mon identité influence
changeons avec l’âge, lorsque notre corps vieillit, si nous l’identité de l’Autre”. Dans un constant mouvement d’aller-
passons du statut de travailleur à celui de chômeur, ou retour, les autres me définissent et je me définis par rap-
même quand nous changeons de statut professionnel au port à eux. Ces définitions mutuelles empruntent la voie de
sein d’une même institution. L’identité est une structure signaux, de messages verbaux et non verbaux, comme le
dynamique. Elle est en évolution permanente. choix d’un vêtement ou d’une coiffure.
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Pour en savoir plus…
Le concept d’identité
Même quand l’Autre ne regarde pas, il y a toujours une Dans certaines circonstances, cela va de soi: le milieu où
interaction, qui se produit à l’intérieur d’un contexte l’on vit renvoie une image positive de soi; on s’y sent bien
influençant la relation avec l’Autre, entre deux personnes et l’on connaît les codes pour y agir. Dans d’autres situa-
ou deux communautés différentes. Il est important de défi- tions, notamment l’immigration, la tâche devient plus com-
nir à chaque fois le contexte dans lequel se produit une pliquée, tout comme pour quiconque vit une situation
rencontre: avec le même jeune, l’interaction sera différen- dévalorisante de manière prolongée.
te si elle se produit à la piscine, dans la maison de ses
Pour l’immigré, la complication s’accentue: il ne connaît
parents ou à l’école, et si le jeune est seul ou en groupe;
pas tous les codes d’adaptation et il a pourtant besoin
un Belge développera une relation différente avec un autre
d’être reconnu dans ce qu’il est, c’est-à-dire dans “sa”
Belge s’ils se rencontrent en Belgique ou à l’étranger; la
culture - sa façon propre d’avoir intégré les différentes cul-
rencontre entre la communauté immigrée italienne et la
tures et sous-cultures qui le traversent - que les autres
communauté belge était différente avant l’entrée de l’Italie
méconnaissent souvent. Un effort constant de reconnais-
dans la Communauté européenne.
sance doit être mis en marche, en même temps que des
En fait, la question est moins “qui suis-je?” que “qui suis- stratégies d’adaptation à la nouvelle situation, même si
je par rapport aux autres?” et “que sont les autres par rap- elle est dévalorisante. Il est donc en permanence en train
port à moi?”. de négocier son identité.
Ces “stratégies” peuvent être de nature différente chez Une même personne ou un même groupe peut développer
l’un ou l’autre individu, en fonction de critères particuliers, simultanément plusieurs stratégies identitaires, susceptibles
tels que l’âge, la profession, etc. de générer des contradictions, sinon des crises. En effet,
lorsque nous appartenons à des groupes très différents et
La stratégie “à cohérence simple” privilégie la logique
sans cohérence commune, l’identité des individus est sans
“ou/ou”. Ainsi, pour tenter de résoudre les tensions que
cesse en mouvement. D’ailleurs, il n’est pas rare, dans une
provoque la contradiction entre les deux types de culture,
telle situation de “biculturalité”, qu’une identité négative se
on peut délibérément décider de faire fi de l’une des deux
forge. Ainsi, dans la société occidentale, certaines cultures
cultures dans lesquelles on vit et adopter l’ensemble des
d’origine sont perçues et connotées plus négativement que
valeurs et des représentations de l’Autre. Ainsi, des per-
d’autres. La double appartenance - à la fois à la culture d’ori-
sonnes d’origine étrangère tenteront de s’assimiler totale-
gine et à celle de la société d’accueil - est d’autant plus dif-
ment à la culture occidentale en prétendant rejeter leur
ficile à gérer pour les jeunes qu’elle se greffe sur la crise
culture d’origine. Ou, au contraire, un individu peut se
d’adolescence, période de la vie où l’identité se construit.
replier sur sa culture d’origine en exaltant ses valeurs et en
niant les valeurs de la société d’accueil: c’est le cas de
tous les intégrismes.
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Pour en savoir plus…
Références bibliographiques et outils
Références
bibliographiques et outils
Nous avons sélectionné ici quelques références que nous jugeons
éclairantes dans le cadre de ce dossier. Pour obtenir des listes de
références plus exhaustives et mises à jour, nous vous invitons, d’une
part, à consulter notre site www.annoncerlacouleur.be et d’autre part,
nous vous renvoyons aux outils Annoncer la Couleur déjà publiés
dans le cadre de la campagne “Penser les migrations autrement”25.
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I Vivre ensemble autrement Dossier pédagogique
Associations ayant collaboré à ce dossier
Conception et rédaction
La cellule pédagogique coordonnée par Guy Simonis:
Centre Bruxellois d’Action Interculturelle (CBAI)
Marc André (CBAI), Namur Coral (ITECO),
Avenue de Stalingrad, 24 - 1000 Bruxelles
André Linard et Valérie Michaux (InfoSud-Belgique),
Tél.: 02/513 96 02 - Fax: 02/512 17 96
Gülü Simçek (CGE), Pierre Waaub (CGE).
www.arsc.be - www.cbai.be
Anne Marie Arias Canel, Olivier Balzat, Florence Chauvier,
Fabrice Corbusy, Stéphanie D’Haenens, Mathieu Léonard,
Confédération Générale des Enseignants (CGE)
Fabienne Malaise, Céline Martin,
Chaussée de Haecht, 66 - 1210 Bruxelles
Adélie Miguel Sierra (ITECO).
Tél.: 02/218 34 50 - Fax: 02/218 49 67
www.espace.cfwb.be/cge
Graphisme
Kaligram
InfoSud-Belgique
Rue Haute, 139 - 1000 Bruxelles
Remerciements
Tél.: 02/213 12 56 - Fax: 02/213 12 57
Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui
www.infosud.be
nous ont aidés et conseillés pour préparer cette campagne,
ainsi que Françoise Van Poucke pour sa relecture attentive et
ITECO (Centre de formation pour le développement)
ses suggestions. Nous remercions également le CBAI, la CGE
Rue Renkin, 2 - 1030 Bruxelles
et ITECO d’avoir partagé leurs compétences et leurs outils
Tél.: 02/243 70 30 - Fax: 02/245 39 29
propres dans le cadre de cette campagne.
www.iteco.be
Editeur responsable
Olivier Balzat, MINTH - rue Haute, 139 - 1000 Bruxelles
Crédit photographique
Photo de couverture: © Eric de Mildt
Coordination générale
Olivier Balzat, coordinateur
Fabienne Laloux, assistante administrative et promotion
Marie Close, chargée de projets
Coopération Technique Belge sa
Rue Haute, 147 - 1000 Bruxelles
Tél.: 02/ 505 18 22/23/24 - Fax: 02/ 505 18 21
e-mail: annoncerlacouleur@btcctb.org
Un programme fédéral
de sensibilisation aux relations Nord-Sud