Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Affaiblie et ruinée par la Seconde Guerre mondiale, la France, en 1945, ne peut plus être considérée
comme une grande puissance. Aussi le projet mis en place à la Libération est celui d’une restauration de
cette puissance dans toutes ses dimensions. Le projet de reconstruction économique et sociale s’appuie
sur une intervention massive de l’État dans l’économie et la résolution des inégalités sociales, et cette
inscription dans les Trente Glorieuses, que décrit Jean Fourastié, tient au moins jusqu’au premier choc
pétrolier de 1973.
Pourtant, dans cette recherche de la puissance, la IVe République doit faire face à de nouveaux défis,
dont les moindres ne sont pas la bipolarisation induite par la Guerre froide et la volonté d’émancipation
des colonies françaises, qui se traduit par un état de guerre outre-mer permanent de 1946 à 1962. C’est
dans l’alliance américaine, au sein du bloc occidental, ainsi que dans la construction européenne, que la
IVe République trouve les réponses, sans que cela ne l’empêche d’échouer sur la guerre d’Algérie.
C’est à Charles de Gaulle qu’il revient de pousser plus loin la modernisation de la France, mais au
prix d’un abandon de la quasi-totalité des colonies françaises, d’une rupture relative dans la politique
internationale de la France et d’un changement d’institutions. En incarnant « une certaine idée de la
France », de Gaulle fonde une nouvelle France, que ses successeurs reprendront sans apporter beaucoup
de changements, si ce n’est, dès son départ, le retour à une intégration européenne plus poussée, telle
que l’avait envisagée la IVe République, qui n’aura pas tant déméritée.
Vocabulaire
• Trente Glorieuses : Période de forte croissance économique que connaissent la plupart des pays
occidentaux de la fin des années 1940 jusqu’aux débuts des années 1970
Exercice 1
Document 1 Les institutions de la IVe République, octobre 1946
→ La nature du régime ne gêne en rien l’intervention de l’État dans l’économie et la société, dans la
foulée du programme élaboré par le Conseil national de la Résistance. L’État se donne dès la fin de
la guerre les moyens de son interventionnisme : principales banques et assurances, compagnies
d’énergie et de transport aérien sont nationalisées dès 1945. Aussi, pour encadrer la reconstruction
et surtout la modernisation du pays, l’ordonnance du 9 octobre 1945 crée l’ENA (École Nationale de
l’Administration) pour faire face à la complexification des rouages politiques, administratifs et écono-
miques d’un État moderne.
La modernisation passe aussi par la planification. S’appuyant sur le secteur nationalisé, ainsi que
sur les études de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), créé en juin
1946, le gouvernement décide, en décembre 1945, de la création du Commissariat général au Plan,
confié à Jean Monnet. Cette planification, qui, pour commencer, se consacre à la reconstruction de la
France puis au développement d’infrastructures modernes, se distingue de la planification soviétique
par son caractère purement incitatif ; le secteur privé continue de dominer la vie économique française.
→ La IVe République fonde l’État-providence en France : il s’agit de redistribuer la richesse natio-
nale par le biais de la Sécurité sociale, destinée à assurer les salariés contre les accidents de la
vie et à leur assurer une retraite, mais aussi à mener une politique familiale dynamique par le biais
des caisses d’allocations familiales. Cette politique se prolonge pendant toute la IVe République,
notamment avec des mesures d’amélioration des conditions de travail : loi de 1946 qui réinstaure
les quarante heures de travail hebdomadaires, création d’un salaire minimum (le SMIG ou salaire
minimum interprofessionnel garanti) en 1950, troisième semaine de congés payés en 1956, instau-
ration de la vignette automobile pour améliorer la retraite des vieux salariés les plus démunis… En
tout état de cause, cette redistribution de la richesse nationale a pour corollaire l’augmentation des
revenus et du niveau de vie, ce qui soutient la croissance.
→ Jusqu’à la fin des années 1960, le pouvoir d’achat des Français augmente globalement, permettant
progressivement à ceux-ci d’entrer dans la société de consommation. La consommation se porte
d’abord sur l’équipement des ménages (lave-linge, réfrigérateur et aspirateur), attestant des progrès
de l’électrification jusque dans les campagnes. L’automobile et les loisirs (à travers la télévision et les
vacances) deviennent des postes croissants de dépenses.
→ C’est au crédit de la IVe République qu’il faut inscrire l’inscription de la France dans la construction
européenne comme facteur de paix mais aussi de modernisation. Cette politique européenne n’est
pas opposée à l’atlantisme puisque c’est la peur grandissante de l’URSS, avec le blocus de Berlin-
Ouest, qui pousse les Européens à envisager avec intérêt l’idée d’une unité des États européens.
En mai 1948, les représentants français au Congrès international à La Haye défendent l’idée d’Assem-
blée européenne composée de parlementaires des pays d’Europe de l’Ouest et axée sur la défense des
droits de l’homme : le 5 mai 1949, la Convention européenne qui met en place le Conseil de l’Europe (dont
le siège est installé symboliquement à Strasbourg) est signée. L’année suivante, une Cour européenne
est mise en place pour faire respecter une Charte des droits et des libertés fondamentales. En 1955, le
Conseil de l’Europe se dote d’un drapeau (qui est le drapeau européen actuel, avec 12 étoiles sur fond bleu).
Dès cette date, les « Pères de l’Europe » : les Français Jean Monnet et Maurice Schuman, l’Italien Alcide
De Gasperi, l’Allemand Konrad Adenauer et le Belge Paul-Henri Spaak, optent pour une construction
concrète de l’Europe. Le 9 mai 1950, dans une déclaration préparée par Jean Monnet, Robert Schuman
propose de placer la production européenne de charbon et d’acier sous une « haute autorité commune » de
nature supranationale. Ce projet est rejeté par le Royaume-Uni en raison de son caractère supranational.
En avril 1951, la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg créent la
Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), dont l’objectif est de faciliter la recons-
truction et le développement de l’Europe de l’Ouest par la libre circulation des produits sidérurgiques,
mais aussi d’éviter tout risque de guerre future en ancrant les industries lourdes européennes, né-
cessaires à la fabrication d’armements, les unes aux autres.
Exercice 2
Document 3 : Affiche italienne pour le Traité de Rome de 1957
En 1957, la France fait partie des six pays qui créent la Communauté économique européenne par le
traité de Rome
Exercice 3
Document 5 : La guerre d’Indochine
Des bombardiers français fournis par les États-Unis lâchent du napalm sur les positions du Vietminh en
novembre 1953.
Pour la politique coloniale de la France, le répit est de courte durée. Dès la Toussaint 1954, des attentats
en Algérie marquent le début du grand conflit de décolonisation qui marque durablement la France.
Le président du Conseil, Pierre Mendès-France, qui s’était donné un mois pour mettre fin à la guerre
d’Indochine, chute en février 1955 pour avoir essayé de résoudre la crise algérienne par des réformes.
Exercice 4
Document 7 : La Toussaint rouge en
Algérie, 1er novembre 1954
Une du journal français « France-Soir »
au lendemain des attentats commis par
le FLN sur le sol algérien.
Exercice 5
Document 8 : Discours de François Mitterrand devant l’Assemblée nationale, le 12 novembre 1954
En 1954, François Mitterrand (1916-1995) est ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Pierre Mendès-
France et, à ce titre, en charge des départements de l’Algérie
« C’est ainsi que, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, des attaques à main armée, des attentats à la
bombe, des sabotages de lignes et de voies de communication, des incendies enfin ont eu lieu sur l’ensemble
du territoire algérien, de Constantine à Alger et d’Alger à Oran. Dans le département de Constantine, vous le
savez, se produisirent les événements les plus graves. Là, cinq personnes furent tuées, un officier, deux soldats
qui remplissaient leur devoir, un caïd et un instituteur, dans des conditions qui furent rappelées à cette tribune
et dont personne ne dira suffisamment le caractère symbolique. […]
« Les grands débats parlementaires de 1875 à nos jours », rassemblés et commentés par Michel Mopin,
Notes et études documentaires, La Documentation française, 1988
2. Le tournant de 1958
→ En février 1958, l’armée française provoque un incident international en bombardant un village tuni-
sien. Le gouvernement doit démissionner. Un choix éventuel de président du Conseil se porte sur
Pierre Pflimlin, aussitôt soupçonné en Algérie de vouloir résoudre la situation en passant des ré-
formes favorables à une évolution du statut des Algériens. Pour faire pression sur la métropole, les
Pieds Noirs et des militaires se soulèvent le 13 mai 1958 à Alger puis dans toute l’Algérie. Devant
la menace d’une intervention militaire en métropole et alors que les partis ne parviennent pas à
s’accorder sur la formation d’un nouveau gouvernement, le général de Gaulle organise son retour au
pouvoir en se posant comme le seul recours.
Devenu le dernier président du Conseil de la IVe République, il obtient les pleins pouvoirs pour
rédiger une nouvelle Constitution et ramener le calme en Algérie, tout en reprenant le contrôle de
l’armée qui ne se voit plus assigner que des objectifs militaires.
Les intentions du Général sont alors peu claires. Dans un premier temps, ses intentions apparaissent
ambiguës, ce que traduisent des phrases prononcées comme : « Je vous ai compris », le 4 juin à Al-
ger, et « Vive l’Algérie française », le 6 juin 1958, en toute fin de son discours et pour satisfaire la foule.
Quelles qu’aient été ses intentions, ses deux phrases fondent à elles seules un malentendu profond
avec les Pieds Noirs, qui sont persuadés que de Gaulle leur assurera l’Algérie française à jamais. En
fait, pour ce qu’on en sait en l’absence de témoignages concordants, l’opinion de De Gaulle est alors
encore imprécise ; il allait s’en remettre aux événements, à savoir la réussite de l’action militaire mais
aussi l’opprobre internationale et l’impopularité de la poursuite de la guerre.
Source : AFP
3. La naissance de la Ve République
→ Préparée l’été de 1958, la nouvelle Constitution est acceptée par près de 80 % des votants lors du
référendum du 28 septembre 1958. En novembre 1958, De Gaulle est élu président de la Répub-
lique par un collège de grands électeurs, mais le nouveau parti politique gaulliste, l’Union pour la
Nouvelle République (UNR), ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Par rapport aux Constitutions précédentes, celle de la Cinquième présente plusieurs nouveautés
importantes. Si le pouvoir exécutif appartient au président de la République et au Premier ministre, le
chef de l’État devient la clef de voûte de l’exécutif :
– Il est élu pour sept ans (pour cinq ans depuis la réforme constitutionnelle de 2000), dispose du droit
de grâce et est le chef des armées.
– À partir de 1958, c’est lui qui fixe les grandes orientations du programme politique du gouvernement
et nomme à cette fin le Premier ministre.
– Il peut dissoudre l’Assemblée nationale, pour proposer de nouvelles élections, mais ne peut plus le
faire dans l’année qui suit ; cette procédure a été utilisée à cinq reprises pour donner une majorité
au président de la République, ce que De Gaulle a réalisé deux fois avec succès, en 1962 et en 1968.
– Il peut consulter directement la population par référendum, court-circuitant ainsi les députés dans
leur rôle de représentants de la nation. Cette procédure a été utilisée cinq fois par De Gaulle : en
septembre 1958 pour l’approbation de la Constitution, en janvier 1961 sur l’autodétermination de
l’Algérie, en mars 1962 sur l’indépendance de l’Algérie, en octobre 1962 sur l’élection du président
de la République au suffrage universel direct, et enfin en avril 1969 sur la réforme du Sénat et la
régionalisation. De Gaulle utilisait ces référendums comme des plébiscites, ce qui explique sa
démission en 1969 à la suite de la majorité de non (52,41 %).
→ Enfin, il peut utiliser l’article 16 de la Constitution qui lui donne les pleins pouvoirs en cas de crise
exceptionnelle. Cette possibilité n’a été utilisée qu’une fois : en 1961, suite au putsch des généraux
d’Alger.
Le Premier ministre est nommé par le président de la République et dirige le gouvernement. C’est lui
qui applique la politique du gouvernement, telle que l’a définie le chef de l’État. Il est issu de la majo-
rité parlementaire qui est généralement de la couleur politique du président. Dans la plupart des cas,
le président de la République met fin aux fonctions du Premier ministre.
→ Le pouvoir législatif est donc très affaibli. Il appartient à l’Assemblée nationale et au Sénat, dont
la réunion forme le Congrès. Les députés, élus pour cinq ans au suffrage universel direct, et les
sénateurs, élus pour neuf ans (six ans depuis 2003) au suffrage universel indirect, discutent et votent
les lois. Le mode de scrutin aux législatives – scrutin majoritaire uninominal à deux tours – permet
de dégager des majorités stables, mais valorise l’activité du pouvoir exécutif au détriment du législatif
qui n’apparaît plus guère que comme une chambre d’enregistrement. Toutefois, l’Assemblée natio-
nale dispose du pouvoir de renverser le gouvernement par le vote d’une motion de censure ; les
conditions de vote de cette motion sont très précises : le vote doit être obtenu à la majorité absolue ou
procéder d’un rejet d’une question de confiance posée par le gouvernement.
De la même façon, l’exécutif peut passer outre le vote des députés, même lorsqu’il dispose de la
majorité, en recourant à l’article 49-3 de la Constitution qui lui permet de faire adopter un texte
sans vote, à condition que l’opposition ne parvienne pas à faire voter une motion de censure, ce qui
n’arrive jamais tant que l’exécutif dispose d’une majorité à l’Assemblée.
De fait, le pouvoir législatif a été considérablement amoindri avec l’adoption de la Constitution de
1958. Ainsi, la grande majorité des lois votées sont des projets de loi, c’est-à-dire préparés par le
gouvernement, alors que les propositions de loi, préparées par les parlementaires, ne représentent
qu’une petite proportion des lois examinées et adoptées.
Exercice 7
Document 11 : Le général de Gaulle présente le projet de Constitution place de la République à Paris, le 4
septembre 1958.
Préparé pendant l’été 1958, le projet de
Constitution, qui doit être soumis à référendum,
est officiellement présenté par De Gaulle, qui
est encore chef du gouvernement de la IVe
République. Ici, la « Une » de Paris Match,
n°492, du 13 septembre 1958.
Principal rédacteur de la nouvelle Constitution, Michel Debré en présente le projet devant le Conseil d’Etat, le
27 août 1958
« Avec une rapidité inouïe, au cours des dernières années, l’unité et la force de la France se sont dégradées,
nos intérêts essentiels ont été gravement menacés, notre existence en tant que nation indépendante et libre
mise en cause. À cette crise politique majeure, bien des causes ont contribué. La défaillance de nos institutions
est, doublement, une des causes ; nos institutions n’étaient plus adaptées, c’est le moins qu’on puisse dire,
et leur inadaptation était aggravée par de mauvaises mœurs politiques qu’elles n’arrivaient point à corriger.
L’objet de la réforme constitutionnelle est donc clair. Il est d’abord, et avant tout, d’essayer de reconstruire
un pouvoir sans lequel il n’est ni État, ni démocratie, c’est-à-dire, en ce qui nous concerne, ni France, ni
République. […]
Une première volonté a dominé ce projet : refaire le régime parlementaire de la République. […] Le
Gouvernement a voulu rénover le régime parlementaire. Je serai même tenté de dire qu’il veut l’établir, car
pour de nombreuses raisons, la République n’a jamais réussi à l’instaurer. […] Le régime d’assemblée, ou
régime conventionnel, est impraticable et dangereux. Le régime présidentiel est présentement hors d’état de
fonctionner en France. […]
Pas de régime conventionnel, pas de régime présidentiel : la voie devant nous est étroite, c’est celle du régime
parlementaire. À la confusion des pouvoirs dans une seule assemblée, à la stricte séparation avec priorité au
chef de l’État, il convient de préférer la collaboration des pouvoirs : un chef de l’État et un Parlement séparés,
encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second, entre eux un partage des
attributions donnant à chacun une semblable importance dans la marche de l’État et assurant les moyens de
résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté. […]
« Article 5 – Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de
l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. […]
Article 8 – Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la
présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. […]
Article 9 – Le Président de la République préside le conseil des ministres.
Article 10 – Le Président promulgue les lois […].
Article 11 – Le Président de la République […] peut soumettre référendum tout projet de loi portant sur
l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale
[…] ou tendant à autoriser la ratification d’un traité […].
Article 12 – Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des
assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. […]
Article 16 – Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire
ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et
immédiate […], le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances
[…]. »
Source : Conseil constitutionnel
Document 14 : Affiche socialiste, dessinée par Maurice Henry, en faveur du « non » au référendum de
septembre 1958 sur l’adoption de la Constitution de la Ve République.
Source : Adagp
Dans une allocution retransmise à la radio et à la télévision, le président de la République explique pourquoi il
est devenu, à son avis, nécessaire de faire élire le président de la République par l’ensemble des électeurs
« Or, la clef de voûte de notre régime, c’est l’institution nouvelle d’un Président de la République désigné
par la raison et le sentiment des Français pour être le chef de l’État et le guide de la France. Bien loin que
le président doive, comme naguère, demeurer confiné dans un rôle de conseil et de représentation, la
Constitution lui confère, à présent, la charge insigne du destin de la France et de celui de la République.
Suivant la Constitution, le président est, en effet, garant […] de l’indépendance et de l’intégrité du pays […]. Bref,
il répond de la France. D’autre part, il lui appartient d’assurer la continuité de l’Etat et le fonctionnement des
pouvoirs. Bref, il répond de la République. […] Par-dessus-tout, s’il arrive que la patrie et la République soient
immédiatement en danger, alors le Président se trouve investi en personne de tous les devoirs et de tous les
droits que comporte le service public. […]
Cependant, pour que le Président de la République puisse porter et exercer effectivement une charge pareille,
il lui faut la confiance explicite de la nation. »
Alors qu’il s’est opposé à l’investiture de De Gaulle en juin 1958 et qu’il a refusé la Constitution de 1958,
François Mitterrand publie, un an avant la première élection du président de la République au suffrage
universel direct, un pamphlet contre l’utilisation que le président de la République fait des pouvoirs qu’il tire de
la Constitution mais aussi de pratique de sa fonction.
« Qu’est-ce que la Ve République, sinon la possession du pouvoir par un seul homme, dont la moindre
défaillance est guettée avec une égale attention par ses adversaires et par le clan de ses amis? Magistrature
temporaire? Monarchie personnelle? Consulat à vie? […] Et qui est-il, lui, de Gaulle? Duce, führer, caudillo,
conducator, guide? A quoi bon poser ces questions? Les spécialistes du droit constitutionnel eux-mêmes ont
perdu pied, et ne se livrent que par habitude au petit jeu des définitions. J’appelle le régime gaulliste dictature
parce que, tout compte fait, c’est à cela qu’il ressemble le plus, parce que c’est vers un renforcement continu
du pouvoir personnel qu’inévitablement il tend, parce qu’il ne dépend plus de lui de changer de cap. Je veux
bien que cette dictature s’instaure en dépit de De Gaulle. Je veux bien, par complaisance, appeler ce dictateur
d’un nom plus aimable: consul, podestat, roi sans couronne, sans chrême et sans ancêtres. Alors, elle
m’apparaît comme plus redoutable encore. »
François Mitterrand, Le coup d’État permanent, 1964, p. 99
Un an après l’adoption de la nouvelle Constitution, le président de la République fait un premier bilan et ouvre au
débat la question de l’avenir de l’Algérie.
« Notre redressement se poursuit. Certes, il ne faut pas nous vanter. Dans le domaine technique, par exemple,
nous n’en sommes pas encore au point de lancer des fusées dans la lune. Cependant, depuis quinze mois, nos
affaires ont avancé.
L’unité nationale est ressoudée. La République dispose d’institutions solides et stables. L’équilibre des
finances, des échanges, de la monnaie, est fortement établi. Par là même, la condition des Français et,
d’abord, celle des travailleurs industriels et agricoles, échappe au drame de l’inflation et à celui de la
récession. Sur la base ainsi fixée et à mesure de l’expansion nouvelle, on peut bâtir le progrès social et
organiser la coopération des diverses catégories dont l’économie dépend, poursuivre la tâche essentielle de
formation de notre jeunesse, développer nos moyens de recherche scientifique et technique. […]
Pourtant, devant la France, un problème difficile et sanglant reste posé : celui de l’Algérie. Il nous faut le
résoudre. Nous ne le ferons certainement pas en nous jetant les uns aux autres à la face les slogans stériles
et simplistes de ceux-ci ou bien de ceux-là qu’obnubilent, en sens opposé, leurs intérêts, leurs passions, leurs
chimères. Nous le ferons comme une grande nation et par la seule voie qui vaille, je veux dire par le libre choix
que les Algériens eux-mêmes voudront faire de leur avenir. […]
Mais le destin politique, qu’Algériennes et Algériens auront à choisir dans la paix, quel peut-il être ? Chacun
sait que, théoriquement, il est possible d’en imaginer trois. Comme l’intérêt de tout le monde, et d’abord celui
de la France, est que l’affaire soit tranchée sans aucune ambiguïté, les trois solutions concevables feront l’objet
de la consultation. Ou bien : la sécession, où certains croient trouver l’indépendance. La France quitterait alors
les Algériens qui exprimeraient la volonté, de se séparer d’elle. Ceux-ci organiseraient, sans elle, le territoire
où ils vivent, les ressources dont ils peuvent disposer, le gouvernement qu’ils souhaitent. Je suis, pour ma
part, convaincu qu’un tel aboutissement serait invraisemblable et désastreux. […] Ou bien : la francisation
complète, telle qu’elle est impliquée dans l’égalité des droits ; les Algériens pouvant accéder à toutes les
fonctions politiques, administratives et judiciaires de l’État et entrer dans tous les services publics, bénéficiant,
en matière de traitements, de salaires, de sécurité sociale, d’instruction, de formation professionnelle,
de toutes les dispositions prévues pour la métropole ; résidant et travaillant où bon leur semble sur toute
l’étendue du territoire de la République ; bref, vivant à tous les égards, quelles que soient leur religion et leur
communauté, en moyenne sur le même pied et au même niveau que les autres citoyens et devenant partie
intégrante du peuple français, qui s’étendrait, dès lors, effectivement, de Dunkerque à Tamanrasset. Ou bien :
le gouvernement des Algériens par les Algériens, appuyé sur l’aide de la France et en union étroite avec elle,
pour l’économie, l’enseignement, la défense, les relations extérieures. »
Source : SIPA
Document 19 : Bulletin « oui » pour le référendum du 1er juillet 1962 sur l’indépendance de l’Algérie
À l’issue des Accords d’Évian, les populations de l’Algérie sont appelées à se prononcer sur l’indépendance de
celle-ci. Les Oui l’emportent avec plus de 99 % des suffrages exprimés. À l’issue du référendum,
l’indépendance de l’Algérie est proclamée le 5 juillet.
Chronologie :
– 1er novembre 1954 : « Toussaint rouge » : attentats perpétrés par le FLN
– 1956 : Le gouvernement français décide d’envoyer les appelés du contingent faire leur service
militaire en Algérie
– 1957 : Bataille d’Alger : les parachutistes français de la 10e division parviennent à éradiquer le
terrorisme urbain
– 13 mai 1958 : Soulèvement de la population pied noir d’Algérie
– 19 septembre 1958 : le FLN annonce la formation d’un Gouvernement provisoire de la
République française
– 16 septembre 1959 : discours du général de Gaulle annonçant un référendum sur l’autodétermi-
nation en Algérie
– Février 1961 : création de l’OAS
– 21 avril 1961 : « putsch des généraux » français en Algérie
– 18 mars 1962 : Accords d’Evian qui instaurent un cessez-le-feu ; exode massif des Pieds Noirs
– 5 juillet 1962 : indépendance officielle de l’Algérie
– Décembre 1964 : première loi d’amnistie sur les événements survenus en Algérie
– Juillet 1968 : loi d’amnistie générale concernant la guerre d’Algérie
– Décembre 1982 : loi réintégrant dans l’armée les généraux putschistes
– Octobre 1999 : loi reconnaissant officiellement le caractère de guerre au conflit algérien
– 2003 : instauration d’une Journée nationale d’hommage aux morts pour la France pendant la
guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie, fixée au 5 décembre
Exercice 9
Document 20 Quel bilan humain de la Guerre d’Algérie ?
Présentés par l’historien Guy Pervillé, ces chiffres sont une estimation, dans la mesure où ils restent très
controversés. Ainsi les historiens français établissent un lourd bilan de 300.000 à 400.000 Algériens tués,
tandis que le FLN en revendique environ 1 million.
Civils Victimes des rivalités internes entre Victimes des attentats et des actions du FLN
indépendantistes et des opérations comme de l’OAS : 2800
militaires françaises : 150.000 à 250.000
Spécialiste des mémoires de la Guerre d’Algérie, l’historien Benjamin Stora explique les enjeux que portent en
elles ces différentes mémoires.
« Le consensus n’arrive plus à s’établir autour de la commémoration de la fin de cette guerre. Proposée
à l’Assemblée nationale le 28 février 2006, la date du 19 mars, en souvenir du cessez-le-feu suivant les
accords d’Evian en 1962, est rejetée. […] Le risque existe d’une apparition de mémoire communautarisée,
où chacun regarde l’histoire de l’Algérie à travers son vécu, son appartenance familiale. Ainsi, le problème
soulevé par la date du 19 mars comme moment de commémoration signifiant la fin de la guerre d’Algérie est
symptomatique. Les Européens d’Algérie considèrent que la guerre n’est pas terminée le 19 mars 1962. Ils
invoquent le massacre de la rue d’Isly du 26 mars 1962, où 46 Français d’Algérie ont été tués, et les centaines
d’enlèvements d’Européens à Oran le 5 juillet. Alors que pour la masse des appelés, le 19 mars signifie la fin
de la guerre et le retour dans leur foyer. Pour les immigrés algériens et leurs enfants, la date du 17 octobre
1961, moment du massacre de travailleurs algériens, s’est imposée comme date du souvenir. […] L’histoire de
la guerre d’Algérie a brusquement fait irruption dans le débat politique international. Au moment de l’adoption
par l’Assemblée nationale française de la condamnation du génocide arménien, en janvier 2012, le premier
ministre turc a alors fait référence à la guerre d’Algérie, pour établir des comparaisons et tenter de faire
condamner l’attitude française. »
Cette manifestation a été organisée à Valence le 14 mars 2009 par des rapatriés et anciens combattants
d’Algérie contre l’inauguration d’un square baptisé « Square du 19 mars 1962 ».
« Toutes les opérations d’ampleur des maquisards se déroulaient surtout dans les maquis, dans le bled. Nous,
nous agissions dans le cadre de la guérilla urbaine, nous pratiquions plutôt ce que les Français appelaient des
« actes terroristes » et que nous considérions comme des « actes patriotiques ». Il y avait aussi des actions
commandos qui dépendaient des Fidaï [combattants], des jeunes militants qui, quand le FLN condamnait
quelqu’un à mort, étaient chargés d’exécuter la sentence soit au revolver, soit au couteau. »
Témoignage de Mohamed Ladhi Chérif, in Club histoire du lycée Buffon, Guerre d’Algérie, mémoires plurielles, 2014
Prêtre aumônier pendant la Résistance, en Indochine, à Suez en 1956 et pendant la guerre d’Algérie, Louis
Delarue défend, pendant la Bataille d’Alger, l’usage de la torture employée par les régiments de parachutistes
auprès desquels il sert. Bien que blâmé par ses supérieurs ecclésiastiques, il n’en reste pas moins aumônier
jusqu’en octobre 1960. Son texte, rédigé après des attentats du FLN est diffusé au sein de la 10e division
parachutiste.
« Nous nous retrouvons en face d’une guerre d’un type nouveau […]. Nous sommes en face du terrorisme dans
toute sa lâcheté, dans toute son horreur. […] À vrai dire, il ne s’agit plus de faire la guerre, mais d’annihiler une
entreprise d’assassinat organisée, généralisée… Dans ce cas, qu’exige de vous vote conscience de chrétien,
d’homme civilisé ? […] C’est que, d’une part, vous protégiez efficacement les innocents […] et que d’autre
part, vous évitiez tout arbitraire. […] Il n’est jamais permis de prendre au hasard un passant, le premier venu,
et d’essayer par la violence de lui extorquer l’aveu d’une culpabilité dont on prétend le charger – sans avoir
recueilli par ailleurs aucune véritable preuve. […] Entre deux maux : faire souffrir passagèrement un bandit
pris sur le fait – et qui d’ailleurs mérite la mort – en venant à bout de son obstination criminelle par le moyen
d’un interrogatoire obstiné, harassant, et, d’autre part, laisser massacrer des innocents que l’on sauverait si,
de par les révélations de ce criminel, on parvenait à anéantir le gang, il faut sans hésiter choisir le moindre : un
interrogatoire sans sadisme mais efficace. […] L’horreur de ces assassinats de femmes, d’enfants, d’hommes
dont le seul crime fut d’avoir voulu, par un bel après-midi de février, voir un beau match de football, nous
autorise à faire sans joie, mais aussi sans honte, par seul souci du devoir, cette rude besogne si contraire à nos
habitudes de soldats, de civilisés. »
Louis Delarue, « Réflexions d’un prêtre sur la torture », 10 février 1957
D’origine berbère, Enrico Macias quitte l’Algérie en 1961 après l’assassinat de son beau-père par le FLN. Cette
chanson, composée sur le bateau, est devenue le symbole de l’exil des Pieds Noirs, alors que lui-même ne l’est pas.
Adieu mon pays Je vois encore ses yeux La mer les a noyés
J’ai quitté mon pays Ses yeux mouillés de pluie Dans le flot du regret
J’ai quitté ma maison De la pluie de l’adieu Soleil, soleil…
Ma vie, ma triste vie Je revois son sourire
Se traîne sans raisons Si près de mon visage
J’ai quitté mon soleil Il faisait resplendir
J’ai quitté ma mer bleue Les soirs de mon village
Leurs souvenirs se réveillent Mais du bord du bateau
Bien après mon adieu Qui m’éloignait du quai
Soleil, soleil de mon pays perdu Une chaîne dans l’eau
Des villes blanches que j’aimais A claqué comme un fouet
Des filles que j’ai jadis connues J’ai longtemps regardé
J’ai quitté une amie Ses yeux bleus qui fuyaient
Adieu mon pays, chanson d’Enrico Macias, 1962
Mohammed Harbi est l’un des premiers Algériens à avoir étudié l’histoire de la guerre d’Algérie ; il a été membre du
FLN et a participé aux négociations d’Evian.
« L’Histoire chez nous, c’est le serpent de mer de la culture algérienne, dans ce sens qu’elle est tout le temps
falsifiée, tout le temps piétinée […] L’histoire, c’est une série de dogmes qu’on diffuse dans la société, comme
on diffuse des dogmes religieux. Et dans la société, et y compris parmi les gens au pouvoir – ce qui est curieux
–, il y a une très grande insatisfaction. Personne ne se retrouve vraiment dans l’histoire officielle qu’on raconte.
[…]
[En 1975] on a commencé à faire, à partir de l’Etat, une histoire qui avait des fondements religieux, et on a
propulsé sur le devant de la scène les anciens leaders religieux, pour en faire la source de la révolution. Et
donc, les gens comme […] les populistes, les anciens communistes, tous étaient totalement écartés. Il fallait
réagir contre cette histoire, parce qu’en réalité, c’était une recomposition de la société qui était en marche sur
des bases religieuses. »
Source : La Croix
« Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France… Le sentiment me l’inspire aussi bien que la
raison. Ce qu’il y a, en moi, d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la
madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ai, d’instinct,
l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. S’il advient
que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, j’en éprouve la sensation d’une absurde anomalie,
imputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie. Mais aussi, le côté positif de mon esprit me
convainc que la France n’est réellement elle-même qu’au premier rang ; que, seules, de vastes entreprises
sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre
pays, tel qu’il est, parmi les autres, tels qu’ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir
droit. Bref, à mon sens, la France ne peut être la France sans grandeur. »
De Gaulle entend tenir la France à égale distance entre le bloc américain et le bloc soviétique :
– Il multiplie les voyages dans la sphère d’influence américaine : en 1964 en Amérique latine et en
er
1967 au Canada ; en visite au Cambodge, il prononce, le 1 septembre 1966 à Phnom Penh, un grand
discours dans lequel il critique ouvertement la guerre du Vietnam, donnant comme exemple aux
États-Unis le désengagement français d’Indochine en 1954 et d’Algérie en 1962.
Notre Alliance atlantique achèvera dans trois ans son premier terme. Je tiens à vous dire que la France
mesure à quel point la solidarité de défense ainsi établie entre quinze peuples libres de l’Occident contribue à
assurer leur sécurité et, notamment, quel rôle essentiel jouent à cet égard les États-Unis d’Amérique. Aussi, la
France envisage-t‐elle, dès à présent, de rester, le moment venu, partie au Traité signé à Washington le 4 avril
1949. […]
Cependant, la France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être, depuis 1949, en Europe,
en Asie et ailleurs, ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces, ne justifient plus, pour
ce qui la concerne, les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’alliance […]. C’est pourquoi
la France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé
par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel,
de cesser sa participation aux commandements « intégrés » et de ne plus mettre de forces à la disposition de
l’OTAN. […]
Mais, afin de répondre à l’esprit d’amicale franchise qui doit inspirer les rapports entre nos deux pays […],
j’ai tenu, tout d’abord, à vous indiquer personnellement pour quelles raisons, dans quel but et dans quelles
limites la France croit devoir, pour son compte, modifier la forme de notre alliance sans en altérer le fond. Je
vous prie de bien vouloir agréer, cher monsieur le président, les assurances de ma très haute considération et
l’expression de mes très cordiaux sentiments.
Charles de GAULLE »
Lettre du président de la République française, Charles de Gaulle, au président des États-Unis, Lyndon B.
Johnson, le 7 mars 1966, in Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets (janvier 1964-juin 1966), Plon, 1987, p.
261-262
Source : www.francetvinfo.fr
Source : Sohu.com
Crédit : SIPA
Exercice 11
Document 35 : L’absence de perspectives, une explication aux manifestations et aux grèves de Mai 68 ?
Chef du service politique au journal Le Monde, Pierre Viansson-Ponté livre une analyse de la situation politique et
sociale en France à la veille des événements de Mai 68.
« Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent
ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde, la guerre du Vietnam les émeut, certes,
mais elle ne les touche pas vraiment. […] Le conflit du Moyen-Orient a provoqué une petite fièvre au début de
l’été dernier […]. Les guérillas d’Amérique latine et l’effervescence cubaine ont été, un temps, à la mode ; elles
ne sont plus guère qu’un sujet de travaux pratiques pour sociologues et l’objet de motions pour intellectuels.
[…] De toute façon, ce sont leurs affaires, pas les nôtres […] d’ailleurs la télévision nous répète au moins trois
fois chaque soir que la France est en paix depuis bientôt trente ans et qu’elle n’est ni impliquée ni concernée
nulle part dans le monde.
La jeunesse s’ennuie. Les étudiants manifestent, bougent, se battent en Espagne, en Italie, en Belgique, en
Algérie, au Japon, en Amérique, en Égypte, en Allemagne, en Pologne même. […] Quant aux jeunes ouvriers, ils
cherchent du travail et n’en trouvent pas. […] Heureusement, la télévision est là pour détourner l’attention vers
les vrais problèmes : […] l’encombrement des autoroutes, le tiercé […].
Le général de Gaulle s’ennuie ; Il s’était bien juré de ne plus inaugurer les chrysanthèmes et il continue d’aller,
officiel et bonhomme, du Salon de l’agriculture à la Foire de Lyon. Que faire d’autre ? Il s’efforce parfois,
sans grand succès, de dramatiser la vie quotidienne en s’exagérant à haute voix les dangers extérieurs et les
périls intérieurs. A voix basse, il soupire de découragement devant « la vachardise » de ses compatriotes, qui,
pourtant, s’en sont remis à lui une fois pour toutes. »
Pierre Viansson-Ponté, « Quand la France s’ennuie… », Le Monde, 15 mars 1968
Source : UPI/AFP
Source : Le Figaro
Exercice 12
Document 40 : Deux carrières et deux engagements au service de la République
CFLN : Comité français de la Libération nationale – FFL : Forces Françaises Libres – GPRF : Gouvernement
provisoire de la République française.
En 1946 et alors que le premier projet de Constitution a été rejeté quelques semaines auparavant, De Gaulle
exprime, dans un discours prononcé à Bayeux le 16 juin, ses conceptions institutionnelles, s’opposant ainsi
frontalement aux partis de gouvernement.
« Du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif
ne saurait procéder, sous peine d’aboutir à cette confusion des pouvoirs dans laquelle le Gouvernement
ne serait bientôt plus rien qu’un assemblage de délégations. […] En vérité, l’unité, la cohésion, la discipline
intérieure du gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la
direction même du pays impuissante et disqualifiée. Or, comment cette unité, cette cohésion, cette discipline
seraient-elles maintenues à la longue si le pouvoir exécutif émanait de l’autre pouvoir auquel il doit faire
équilibre, et si chacun des membres du Gouvernement, lequel est collectivement responsable devant la
représentation nationale tout entière, n’était, à son poste, que le mandataire d’un parti ? C’est donc du chef de
l’Etat, placé au-dessus des partis, élu par un collège qui englobe le Parlement mais beaucoup plus large […]
que doit procéder le pouvoir exécutif. »
Discours de Bayeux, 16 juin 1946
Source : AFP
Alors que Pierre Mendès-France appartient au Parti radical depuis sa jeunesse, il intègre, en 1959, le Parti social
autonome (qui devient le Parti social unifié en 1960). C’est devant la section de Versailles qu’il définit ses idées
politiques comme « incompatibles » avec celles du Général.
« De Gaulle dit au pays « faites-moi confiance » […] Rapportez-vous en à moi et de règlerai les problèmes
comme je crois devoir le faire ». En définitive, le gaullisme est donc incompatible avec la conception
démocratique à laquelle, pour ma part, j’ai toujours été fidèle. Lorsque j’étais à la tête du gouvernement, je
voulais associer au maximum le pays à mon action. On s’est étonné, par moments, de l’initiative que j’avais
prise de parler à la radio tous les samedis. Ceux d’entre vous qui m’ont entendu savent que je faisais un effort
d’explication, d’information, donc de démocratisation de la politique. Je voulais que le pays sache quelles
étaient les solutions possibles, quelles étaient les propositions du gouvernement pour lesquelles il demandait
le soutien du pays. Ce n’était pas un blanc-seing, ce n’était pas la confiance aveugle faite à un homme. C’était
au contraire, un mandat démocratique sur lequel le gouvernement entendait fonder sa force et son action. »
Pierre Mendès-France, Œuvres complètes, tome IV : pour une République moderne (1955-1962), Gallimard, 1988
Pierre Mendès-France, Œuvres complètes, tome V : préparer l’avenir (1963-1973), Gallimard, 1989
Restauration républicaine :
GPRF + IVe République
Régime d’Assemblée :
Reconstruction/ Démocratie sociale Construction
Prépondérance - Guerre d’Indochine
modernisation/ / Européenne
du pouvoir législatif - Guerre d’Algérie
croissance économique État providence Atlantique
et des partis politiques
1958 : Ve République