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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Droit de la Ve République :
Partie préliminaire : Installation et singularité de la Ve République

Comment expliquer la longévité de la Constitution de la Ve


République ?
Notre Ve République est à ce jour le deuxième régime le plus long qu’a connu la France dans
son histoire derrière la IIIe République (1870-1940).
En 2028 la Ve République égalera si ce n’est dépassera la IIIe République.

Il existe des projets de VIe République, ce projet existe depuis une cinquantaine d’années.
Mais pour l’instant, aucun projet de Vie République n’a abouti.
Réviser la Constitution ou la faire disparaître mettrait fin à la Ve République.
Abrogation : passage de la 3 à la 4
Révision : passage de la 4 à la 5

Cette longévité est étonnante : elle avait été perçue comme la Constitution d’un Homme, le
Général de Gaulle. On pensait que quand De Gaulle ne serait plus là, plus de régime.
Cette Constitution a été créée dans des circonstances particulières : la Guerre d’Algérie

En + de 60 ans d’existence, plus d’un événement auraient pu faire tomber la Ve République :


 La Ve a connu la Guerre d’Algérie
 La décolonisation
 La guerre froide
 L’alternance politique
 Les cohabitations
 Épidémies et Terrorismes
Ce n’est pas un régime parfait mais c’est sans doute le régime le moins mauvais qu’a connu
la France ces 3 derniers siècles.

I. Les conditions de l’élaboration de la Constitution


II. La Nature du Régime politique qu’elle a mis en place
III. Les conditions de sa modification `

Chapitre 1 : les conditions de l’élaboration de la Constitution

La 5e est née d’une crise politique comme bien souvent en France. Mais la crise politique et
les conditions de sa rédaction vont contribuer à la longévité du texte.

I. Le contexte favorable au changement Républicain

De manière très paradoxale, la Constitution de la Ve a été rédigée pour mettre fin à la IVe
République mais elle a été élaborée par les acteurs même de cette république.
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A. La déliquescence de la 4e République

Si la Ve République est née, c’est en raison des inconvénients rencontrés par la 4 e


République.
La 4e a duré 12 ans : 1946-1958

Elle a connu des succès notables :


- Elle a d’abord entrepris la reconstruction et la réindustrialisation du pays
o C’est le début des 30 glorieuses, période de prospérité économique
- Elle a réussi pour partie la décolonisation
o Ex : Maroc et Tunisie en 56 deviennent indépendants pacifiquement
- C’est la 4e qui a entrepris la construction européenne
o Traité de Rome, l’Europe des 6 et création de la CEE(Communauté
Économique Européenne)

Cependant : Tous ces succès ont eu un prix


 L’instabilité ministérielle
o En 12 ans la 4e République aura connu 23 gouvernements, aujourd’hui nous
sommes à 25 en 60 ans
o Un gouvernement restait en fonction environ 9 mois
 Gouvernement le plus long, 1 an et demi, le gouvernement de Gui
Mollet (1957)
 Gouvernement le plus court 2 jours :
 Robert Schumann (1948)
 Henri Queuille (1950)
Pourquoi une telle instabilité sous la 4e République ?

La 4e République est un régime d’Assemblée où règne l’instabilité ministérielle.


A l’époque il n’existe pas au Parlement une majorité détenue par un parti qui soutiendrait le
gouvernement.
L’Assemblée était fragmentée d’une dizaine de parti politique, aucun n’avait l’ascendant sur
les autres. Il fallait créer une majorité avec 3 ou 4 partis pour gouverner.
C’étaient des gouvernements de coalition. Ces partis devaient s’entendre sur comment
gouverner.
Dès qu’un parti se retrouvait en désaccord avec le Gouv, il quittait la coalition, et le
Gouvernement se retrouvait sans majorité, démission collective.

En 1958, la 4e se retrouve face à une crise qui va l’emporter. Cela fait 4 ans qu’elle dure et
aucun gouvernement ne trouve de solutions.
En 1958 3 gouvernements se succèderont pour tenter de solutionner le projet.

A la fin du mois de mars 1958 :


- Le Gouvernement Gaillard démissionne sous la pression des militaires en Algérie
o Il avait entamé des négociations avec le FLN, pour les militaires contre
l’indépendance, c’est une trahison et ils obtiennent sa démission.
o Les militaires espèrent que sera nommé président du Conseil quelqu’un qui
ne négociera pas avec les indépendantistes

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- Le 13 mai, un nom est trouvé pour former le Gouv : P. Pflimlin


o C’est un démocrate-chrétien anti-colonisation
o C’en est trop pour les militaires, le 14 avril, ils fomentent un coup d’État,
toutes les communications entre Paris et Alger sont coupées, les militaires
menacent d’envahir la France métropolitaine
- En mai 1958, Le Président de la République René Coty va sortir de sa fonction
arbitrale et de modération.
o A l’époque le président de la République n’est pas un acteur de la vie
politique, ce n’est pas son rôle
o René Coty va menacer de démissionner et va faire appel « au plus illustre des
Français » Charles de Gaulle
- De Gaulle à l’époque est retiré de la vie politique depuis 12 ans
o Ce n’est pas un personnage plébiscité, ni dans l’opinion politique, ni dans
l’opinion français
o Il n’a jamais été élu par les Français, il est militaire etc.
- Il accepte de revenir en fonction mais ceci à une condition
o Rédiger une nouvelle Constitution pour mettre fin à la 4e République
o Il est persuadé que si le conflit algérien n’est pas réglé c’est parce que le
régime actuel ne peut pas le régler, le conflit le dépasse
- Le Premier juin 1958, De Gaulle va se présenter aux Chambres afin d’obtenir leur
confiance et de rédiger une nouvelle Constitution

B. Le Gouvernement est l’encadrement du pouvoir Constituant

Afin de rassurer l’opinion politique et l’opinion populaire, De Gaulle va revenir au pouvoir


par les voies démocratiques et par les voies légales.

Le 1 juin 1958, De gaulle se présente l’Assemblée nationale et demande la confiance pour


rédiger une nouvelle Constitution (329 pour, 224 contre).
Qui sont les antigaullistes ?
- Mendes France, Mitterrand, Daladier
- Le SFIO, Parti Communiste, Parti Radical

Cette confiance est votée mais sous 2 conditions :


 Elle est votée non pas à De Gaulle mais à son Gouvernement
 Le Gouvernement du Général de Gaulle a 6 mois pour réviser la Constitution n’est
pas plus.
On veut éviter le retour de Vichy, on ne veut pas répéter els erreurs du passé en donnant
tous les pouvoirs à un seul homme.

Le 3 juin : Texte très important va être voté


 La loi du 3 juin 1958 fixant 8 principes ou conditions que devra respecter De Gaulle et
son Gouvernement lorsqu’ils modifieront la Constitution

Il y a 5 conditions de fonds :
 La Constitution devra organiser une séparation des pouvoirs, cette séparation devra
être conservée.

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 Le suffrage sera Universel


 Le Gouvernement sera responsable devant le Parlement
o La future 5e République sera donc un régime Parlementaire
 L’Indépendance de la Justice
 « La République maintiendra ses relations avec les peuples d’Outre-mer »
o Cela rassure les militaires en Algérie

Et 3 conditions de formes :
 Le texte devra recevoir l’avis du Conseil d’État
 Il sera créé un comité consultatif qui sera de 2/3 de Parlementaires et il pourra
apporter des modifications aux textes.
 Le texte de la Constitution devra être approuvé par référendum.

Le 4 juin 1958, le Gouvernement du Général de Gaulle peut se mettre au travail et rédiger un


nouveau texte.
La question sera rédigée et réglée en moins de 3 mois et demi.
 Jamais une Constitution n’avait été écrit dans un délai si bref
Elle est totalement nouvelle historiquement parlant. Elle n’a rien à voir avec aucun texte
existant.

Qui sont les auteurs de cette Constitution ?


On peut distinguer 3 auteurs de la Constitution :
 Les penseurs de la Constitutions
o De Gaulle
o Michel de Bré (Garde des Sceaux)
o Les Anciens Ministres de la 4e de la 4e République
o Ils vont s’occuper de l’aspect intellectuel du texte, ils vont proposer les futurs
aspects politiques et juridiques du futur texte.
 Les rédacteurs de la Constitution
o Ceux qui vont rédiger le texte suivant la volonté des penseurs
o Des juristes qui sont à la fois des Universitaires et à la fois des membres du
Conseil d’État
 Ceux qui apportent des avis et retouches techniques
o Le Conseil d’État
o Le comité consultatif de la loi du 3 juin 1958

Section deuxième : La convergence des sources constitutionnelles

La constitution de la 5e n’est pas le fruit d’un homme, n’est pas le fruit d’un parti et encore
moins le fruit d’un régime politique.
C’est au contraire, un assemblage de plusieurs idées juridiques et politiques qui vont dans la
même direction et qui vont aboutir à la Constitution.

I. Les sources gouvernementales de la Constitution :

On peut distinguer 2 sortes d’idées :


- Michel de Bré

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- Les idées des principaux ministres de la IVe République

A. Les idées de Michel de Bré

A l’époque il est garde des sceaux c’est-à-dire ministre de la justice.


Ce sera le premier premier ministre de la Ve entre 58 et 62.
C’est un gaulliste, résistant.

Il est un grand admirateur du régime britannique qu’il a découvert en exil.


 Il a été très enthousiasmé par leur stabilité
o Sans instaurer une monarchie, il souhaite introduire dans la future
constitution des moyens permettant aux gouvernements d’être stables face
au Parlement.
Il va défendre un système électoral qui doit permettre de donner une majorité au Parlement
pour qu’elle soutienne le Gouvernement.
- On ne veut pas reproduire les erreurs de la IVe République
o Comment créer une majorité au Parlement ?

Il souhaite introduire un mode d’élection qui va faire émerger une majorité :


 Le scrutin majoritaire (en différence du scrutin proportionnel)
o Le premier est élu, le second dégage
On a conservé ce système électoral aujourd’hui et il a plutôt bien marché, les
gouvernements sont stables.

2e idée de Michel De Bré :


 Renforcer le Gouvernement dans l’élaboration de la loi
Il souhaite que le Gouvernement gouverne, qu’il soit en France le principal législateur, celui
qui a la maîtrise de la fabrication de la loi, de son initiative à son adoption.
La constitution doit donner au Gouvernement l’ensemble des moyens permettant au
Gouvernement de contrôler l’élaboration de la loi etc.

Il veut un organe qui va interdire au Parlement de sortir de son domaine de compétence :


- Le Conseil Constitutionnel
Il souhaite que le Gouvernement maîtrise le calendrier des chambres
- Aujourd’hui assouplit mais le cas pendant années
Il souhaite un contrôle de la modification de la loi
- Le droit d’amendement doit être contrôlé, il en existe pleins

Ce que souhaite Michel Debré c’est faire émerger une majorité au Parlement et dans
l’hypothèse où il n’y aurait pas de majorité, que le gouvernement dispose d’un arsenal
juridique pour contrôler l’élaboration des textes.

B. Les idées des anciens ministres de la 4e République :

Ces ministres ont connu l’instabilité ministérielle et en ont même été victime.
 Par conséquent ils souhaitent que le Gouvernement soit responsable devant le
Parlement mais que la Constitution encadre ces procédures.

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On veut que ce soit stable.

D’accord pour se faire renverser, c’est la démocratie.


- Mais les Gouvernements doivent être stables

Les ministres vont par exemple souhaiter que lorsque le gouvernement est nommé, il ne soit
plus fait obligation de demander la confiance au Parlement.

Ils souhaitent également que la motion de censure, l’acte par lequel le parlement renverse le
Gouvernement, soit proposée et adoptée par une majorité absolue de voix.

En définitive, ils souhaitent que la Constitution garantisse et organise la stabilité du


Gouvernement.

Conclusion du I
Michel Debré et les ministres de la 4e souhaitent une seule et même chose : que la future Ve
République soit un régime Parlementaire rationnalisé. On parle de rationalisation de la
parlementarisation

Régime Parlementaire rationnalisé : un régime parlementaire ou le Gouvernement dispose


de la maîtrise de l’élaboration de la loi et où la stabilité du Gouvernement est garantie par
des mécanismes constitutionnels permettant d’encadrer la responsabilité politique des
ministres.

George Pompidou : Ministre entre 62 et 68


- Le plus long ministre

Caseneuve le plus court : 3 mois et demi

II. Les sources gaullistes

Il avait certains vœux et certains sujets, mais plus limité que l’image qu’on peut avoir.
Toutes ses idées sont rassemblées dans un discours politique célèbre.
Le discours de Bayeux du 16 juin 1946.

Dans ce discours il va exprimer ses idées pour une nouvelle République.


Il a 3 principales idées.

1ère idée : le Président de la République


- Il souhaite d’abord que le Président de la République soit l’homme de la nation, qu’il
soit élu par l’ensemble de la nation pas comme dans les anciens bails.
o Le Président élu par un « collège élargi » (Il ne dit pas suffrage universel car
sinon ça rappelle Napoléon III, mais c’est son idée)
- Il souhaite également que celui-ci dispose de pouvoirs de crise :
o La dissolution des Parlements
o Le futur article 16

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o Il n’a jamais accepté la défaite de 1940 et il est persuadé que quand la France
a été envahie, si le président avait eu les moyens juridiques d’agir, le sort
aurait peut-être été différent.

En Parlant d’Albert Lebrun dernier président de la IIIe


Il a manqué à cette personne 2 choses :
La première qu’il fut un chef et la seconde qu’il ait possédé un État.

Deuxième idée du Général : Le Parlement


 Il est défendeur du bicamérisme, il veut un Parlement à deux chambres
o C’est selon lui la garantie d’une plus grande réflexion des textes
 Il veut que cette deuxième chambre soit une chambre de représentation des
territoires, des outre-mer et des forces économiques et sociales.
C’est ce qu’il tentera de mettre en place en 1969 et cela mènera à sa démission.

Troisième idée : Il souhaite introduire la démocratie directe en France par l’intermédiaire du


référendum.
 En France le peuple est souverain, donc s’il est souverain, il doit participer à la
fabrication de la loi, en élisant et désignant des représentants
 Il souhaite aussi que le peuple participe directement à la fabrication de la loi en
l’approuvant ou en la rejetant.
Attention : plébiscite différent d’un référendum, les objets différents :
- Référendum : une loi
- Plébiscite : un gouvernement, un homme politique

Section 3 : La fluidité du processus de révision

Le Général de Gaulle avait 6 mois pour proposer une nouvelle Constitution soit proposée.
- Il sera abouti en un peu plus de 3 mois et demi
Comment ce processus a été si rapide ?

I. La célérité de la phase d’approbation :

Rappelons que dès le 4 juin, le gouvernement du général de Gaulle s’est mis au travail pour
rédiger une nouvelle Constitution.
A la fin du mois de juillet, un avant-projet est prêt.
Les 5 principes de fond du 3 juin 58 sont bien respectés.

Maintenant va s’ouvrir la vérification des conditions formelles :


- A la fin du mois de juillet va se déclencher la vérification des règles de formes

Début août 1958 va se prononcer le comité Consultatif prévu par la loi de 1958.
 Il va rendre un avis positif mais avec modifications. (Acceptées spar le Général de
Gaulle)

Quelles sont ces modifications ? les principales :

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 De Gaulle souhaitait qu’on puisse organiser des référendums sur n’importe quel
sujet.
o Le comité n’est pas d’accord, l’organisation de référendum sur tout sujet
risque de court-circuiter les chambres parlementaires.
o Il va établir des thèmes où il sera possible d’établir des référendums sur deux
thèmes
 De Gaulle souhaitait que le Président de la République gouverne (=détermine la
politique) et que le Gouvernement conduise la politique
o Le comité refuse parce que la Ve République instaure un régime
Parlementaire et dans un tel système, ce n’est pas le Président qui détermine
la politique, c’est le président.
o Le Gouvernement déterminera et conduira la politique

Cette Constitution est vraiment un assemblage et conglomérat d’idées politiques :


- Ce comité est présidé par Paul Reynaud
Cette Constitution a donc été élaborée par des personnalités de la 4e et de la 3e République,
ce n’est pas un Régime qui l’a construit mais plusieurs régimes.

Deuxième vérification formelle : l’intervention du Conseil d’Etat


 Il intervient fin août et rendra sans surprise un avis positif sur le texte.
 Ce sont de nombreux membres du Conseil d’Etat qui ont rédigé le texte

II. L’approbation au moyen d’un référendum

Le 28 septembre 1958 : Référendum sur la Constitution de la Ve République

La Campagne va être très longue et va durer un peu moins de deux semaines.


- Sans surprise, les partis et les personnalités qui avait refusé la confiance le 1 er juin,
appellent à voter non et ceux qui avaient voté oui appellent à voter non

Une seule question est posée au français, mais cette question unique en dissimule deux
autres.
Question unique : « Approuvez-vous le texte de la future Constitution ? »
En réalité dans cette question s’en cache deux autres :
Approuvez-vous la candidature du Général de Gaulle à la future élection présidentielle ?
Souhaitez-vous rester au sein de la République Française ?

Ceux qui votent « oui » à la Constitution, restent encore un peu dans la République, ceux qui
disent non, partent direct.
- Ils perdent la Guinée qui vote non, indépendance le lendemain

Majorité écrasante de « oui », 80% d’approbation de la constitution.

Le 4 octobre 1958, la Constitution entre en vigueur et la France a une nouvelle Constitution.


En novembre 1958, les députés sont élus et le parti gaulliste bénéficie d’une majorité
confortable.
Décembre 1958 : Le collège désigne sans surprise le Général de Gaulle.

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Printemps 1959 : Les élections du Sénat se passent et la majorité est de centre gauche.

Même si ça a une apparence de coup d’état : De gaulle rappelé par les militaires
MAIS : Juridiquement absolument pas.

Chapitre deux : L’application et la Nature de la Constitution


de 1958 :

Deux raisons de la longévité :


- Conditions d’élaboration
- Phénomènes et régimes mis en place
o Les Français s’y sont attachés

Quand changement de Régime : forcément changement de constitution


Quand changement de Constitution : pas forcément de changement de régime (I République,
constitution de l’an 1, 3 et 5)

Ce qui peut expliquer la seconde raison de la longévité de la Constitution, c’est que non-seulement
elle est responsable d’un phénomène et en plus d’avoir créé un phénomène, elle va établir un régime
politique hybride que nous n’avons jamais connu dans l’histoire de France
 Les Français se sont pris d’affection pour ces deux questions ou ne s’en sont pas assez plaint

Section 1 : Naissance et évolution du système politique

La Constitution de la 5e République va être responsable d’un phénomène politique qui est né pour
partie de la Constitution.
Ce phénomène c’est l’émergence d’une majorité.
Elle a réussi là où les régimes précédents ont échoué.

C’est ce qu’on appelle le fait majoritaire ou encore phénomène majoritaire.

I. L’émergence d’une majorité

Comment la Ve a-t-elle fait émerger une majorité ?


Quelle est la nature de cette majorité ?

Avec émergence de la 5e c’est un phénomène inédit : il faut la naissance d’une majorité.


Reste à savoir comment elle est survenue et que s’agit-il
Il existe 2 sortes de majorités en France, toutes deux crées par notre Constitution.

Première majorité : une majorité présidentielle


 La majorité présidentielle c’est l’ensemble des Français et des forces politiques qui
ont soutenus le président dans sa candidature à l’Élisée et qui ont permis son
accession au pouvoir. L’ensemble des personnes et partis politiques qui ont permis
l’élection du président

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Cette majorité présidentielle est née avec la révision de 62 parce que sous la 3e et 4e
République le Président n’était pas élu par les Français mais par le Parlement.
C’est lorsque l’élection populaire du chef d’état est apparue en 62 qu’on a parlé de majorité
présidentielle.

Deuxième majorité qui présente une autre forme : La majorité gouvernementale


 L’ensemble des forces politiques de l’Assemblée nationale qui soutiennent le
Gouvernement nommé par le Président. Ce phénomène a été inédit sous la 5 e
 Il a fallu attendre 1958 pour que le Gouvernement soit soutenu par 1 ou 2 partis
politiques ayant la majorité à l’Assemblée

Qu’est-ce qui explique ce nouveau phénomène ?


Il existe 4 phénomènes pouvant expliquer la survenue de ces majorités :
- Le système électoral
o La 5e utilise le scrutin majoritaire pour l’élection des députés et l’élection
présidentielle. Ce scrutin oblige les Français à faire un choix, il encourage
l’émergence des majorités, c’est le vote utile.
- La Constitution
o Il y a des techniques dans la Constitution qui peuvent créer des majorités ou
bien disciplinent et structurent des majorités
 Ex : La dissolution (Art. 12), le 49.3, le référendum qui permet au
président de vérifier sa majorité présidentielle
- L’élection du président au suffrage universel direct
o Depuis que les Français élisent leur président, ils sont invités à donner un chef
à la France et non plus seulement un arbitre, un modérateur etc.
o Cela oblige les Français à décider de la direction du pays
o Une fois qu’ils ont voté le président, ils ont un deuxième choix : élire au
Parlement une majorité qui va le soutenir par l’intermédiaire du
gouvernement
- Les Partis politiques
o Avec la 5e, les partis politiques ont cédé d’être des groupements idéologiques,
ils sont devenus des moyens de gagner des élections, ils ont changé de
stratégie, leur but n’est plus de défendre des idées au sommet de l’état, leur
but est de trouver une organisation et un fonctionnement qui permet la
victoire électorale
o L’idéologie est passée au second plan en vue de la victoire électorale
 Les partis trop idéologues perdent leur champ de victoire
o Le PS a dissipé le côté égalitaire, la droite a dissous le côté sécuritaire etc.

II. Évolution et situation du système majoritaire

En 63 ans il y a eu 9 présidents de la République et ces 9 présidents ont été confrontés à des


majorités différentes.
Les 9 présidents ont obtenu une majorité présidentielle mais leur rapport à la majorité
gouvernementale a été différente.

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4 situations pour ranger ces présidents :


 Le Président de la République a été élu par une majorité présidentielle et a disposé
d’une majorité gouvernementale grâce à sa proximité et à ses échanges constants
avec les Français
o De Gaulle de 58 à 69
 2 mandats : 58-65 et 65-69 puis il a démissionné
 Il a reçu une double majorité grâce à sa proximité avec les Français
 En 12 ans, 4 référendums et 2 dissolutions
 Le Président de la République est élu par une majorité présidentielle et dispose d’une
majorité gouvernementale en tant qu’ancien chef de parti et en tant que leader
politique
Si le Président a été élu c’est grâce à ses qualités de chef de parti, il a convaincu une
majorité de français et il a convaincu les Français de voter son parti
o George Pompidou (69-74) Le parti  UDR créé en 68
o Mitterrand entre 81 et 85 (pas la fin du mandat)  Créé le PS
o Jacques Chirac 95-97 puis 2002 et 2007 Fondateur de RPR en 76 et de l’UMP
fondé en 2002
o Nicolas Sarkozy 2007-2012  Ancien président de l’UMP
o François Hollande 2012 – 2017  Premier Secrétaire du PS
o Emmanuel Macron 2017-2022  Fondateur d’En Marche
 Le Président élu par une majorité Présidentielle mais il est contraint de composer
avec une majorité gouvernementale hostile à sa politique et son parti. C’est la
cohabitation.
o François Mitterrand du PS 86-88  Jacques Chirac du RPR
o François Mitterrand du PS 93-95  Édouard Balladur du RPR
o Jacques Chirac du RPR 97-2002  Lionel Jospin du PS
 Le Président a été élu par une majorité présidentielle et dispose d’une majorité
Gouvernementale mais dont il ne contrôle pas les éléments puisque la majorité est
numériquement faible et idéologiquement divisée
o Giscard D’Estaing 74-81 du RI (Ancêtre du Modem)
 Quand Giscard est élu en 74, son parti n’a pas la majorité pour
gouverner, il doit donc appeler un parti politique proche des idées du
sien mais qui n’est pas son parti
 Il appellera l’UDR et son Premier Ministre Jacques Chirac, il doit
composer avec l’UDR pour mettre ses politiques propres
 L’UDR et les RI sont proches, droite et centre droit donc différent de
cohabitation
o François Mitterrand 88-93 du PS
 Il est réélu en 88 très largement 54%, il organise des élections mais
son parti n’a pas la majorité, il doit donc appeler à lui les communistes
et le centre-droit, plusieurs fois ces Gouvernements ont failli se faire
renverser
 Celui qui dirige le PS est également un ennemi personnel de François
Mitterrand donc il n’a plus prise dessus
o François Hollande 2012-2017 du PS
 Quand François Hollande est élu en 2012 son parti a la majorité, ça
démarre sous d’excellents auspices

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 En 5 ans, le parti socialiste de l’Assemblée va se désolidariser de


François Hollande, c’est du jamais vu
 François Hollande retient le record de démission au Gouvernement et
dans son propre parti
 + de 15 ministres ont quitté leur ministère
 40 députés socialistes, appelés les Frondeurs vont se
désolidariser de l’Élysée

Section 2 : Quelle est la Nature du Régime politique de la 5e ?

I. La Nature Parlementaire du Système juridique

Juridiquement la 5e République a tous les aspects d’un régime Parlementaire


 Au même titre que les régimes Espagnols, britanniques, Allemagne etc.

La définition du Régime Parlementaire se scinde en trois :


 Le Régime Parlementaire c’est le régime de la séparation souple des pouvoirs dans
lequel l’exécutif peut mettre fin aux fonctions du législatif et inversement le
Parlement peut révoquer politiquement les ministres nommés par le chef de l’État.
o Dissolution existe : Art. 12
o Responsabilité des Ministres : Art. 49 et 50
 Le Régime Parlementaire est un régime ou le pouvoir exécutif est scindé en deux : le
bicéphalisme, tout Régime Parlementaire possède un chef de l’État et un
Gouvernement avec à sa tête le chef du Gouvernement (peu importe son nom)
L’exécutif appartient à deux personnes et il y a 2 organes du pouvoir constitutif
o Dans un Régime Parlementaire le Chef d’état possède ce qu’on appelle le
Pouvoir d’état : une fonction d’arbitre, de modération et de Gardien
o Le gouvernement dispose quant à lui d’un pouvoir gouvernemental
o Ces deux organes n’ont pas le même statut
o Dans un régime Parlementaire, le Gouvernement a un statut précaire, il est
politiquement révocable
o Le Chef de l’État lui est irresponsable politiquement parce que ses ministres
vont endosser la responsabilité à sa place
 C’est grâce à la contre-signature ou contreseing
 Le chef d’état prend une décision, signe la décision et le ministre
compétent va apposer sa signature à côté de celle du président, il va
contre signer
 Art. 19, le contreseing
 La quasi-totalité des actes du président sont contresigner et dans tous
les cas responsabilité sur les ministres
 Régime Parlementaire ou Pouvoir exécutif et notamment le Gouvernement va
participer activement à l’élaboration de la loi et dispose du droit de siéger dans les
Chambres
o Article de 39 à 45 de la Constitution
o Le Gouvernement y est omniprésent à toutes les étapes de l’élaboration de la
loi

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

II. Le fonctionnement Présidentiel du système Politique

Juridiquement nous sommes et demeurons un régime Parlementaire mais politiquement et


en dehors des textes nous pouvons être un régime présidentiel.

Quels sont les éléments laissant à penser que nous sommes présidentiels ?
 Le mode de désignation et la durée du mandat du chef de l’État
o Depuis 62 suffrage universel et depuis 2002 quinquennat
o Il est vrai que dans un régime présidentiel le président est élu par le peuple et
pour un mandat court et dans un régime parlementaire les mandats sont
longs
o Mais il y a des contre-exemple : Portugal, Russie etc.
 Nous serions un régime présidentiel en raison du rôle important du chef de l’État,
rôle qui viendrait faire concurrence et écarter le pouvoir du Gouvernement
o Le Président peut éclipser le Gouvernement et écarter de la politique son
Gouvernement qui est borné à appliquer
o Juridiquement nous sommes un régime Parlementaire, aucun doute
o MAIS, lorsqu’on y regarde de plus près, il apparaît que les président de la
République participe à la détermination de la politique du gouvernement.
o Le Président aurait effectivement le défaut d’empiéter sur les pouvoirs du
Gouvernement et remettrait en question notre article 20
 Il est vrai sous la Ve République, le Gouvernement exécute la volonté
présidentielle
 Le Gouvernement met en place les promesses que le Président avait
fait lors de sa campagne
o Cette division n’en semble pas une réellement, il n’y aurait donc pas 2
titulaires du pouvoir exécutif, mais 1 seul puisque le Président dicte au
Gouvernement la conduite à tenir.
o Cet argument n’est pas non plus convaincant et hautement critiquable
 Le Président de la République ne participe pas nécessairement à la
détermination de la politique (ex : cohabitation)
 En cas de cohabitation perte de la liberté du Président de
déterminer la politique
 A supposer qu’il n’y ait pas cohabitation, est-ce à dire que le Président
s’occupe de tout quotidiennement ?
 De Gaulle entre 66 et 69, avait un domaine réservé et laissait le
reste de la politique à son Gouvernement
 Le Gouvernement ne fait plus rien et le Président fait tout, c’est une
question à absolument relativiser
 Macron a laissé ses premiers ministres gérer le COVID-19

 En France, le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale Article 49


et 50, cela laisse à penser que nous sommes parlementaires
o MAIS, 1 seul gouvernement renversé depuis 1958, la Constitution prévoit une
responsabilité du droit mais une irresponsabilité de fait.
 Un Régime ou Gouvernement pas responsable est un régime
présidentiel

13
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

o Là encore, cet argument est critiquable, il existe en effet des mécanismes de


destitution (Art. 49)
o LE Gouvernement continue de dépendre quotidiennement du Parlement
 Caractéristique d’un régime parlementaire
o Si les ministres sont difficilement renversables, ils sont dépendant de
l’Assemblée pour conduire leur politique
 Aux US, on peut gouverner sans les chambres sauf sur certaines
matières
 En France, c’est impossible, la collaboration avec le Parlement est
obligatoire

CONCLUSION SECTION 2 :
Quel régime sommes-nous ?
La France peut être qualifiée comme un régime juridiquement Parlementaire avec la
particularité d’avoir un chef de l’État puissant.

Chapitre 3 : Révision de la Constitution

La Constitution a été révisée 24 fois depuis 1958.


Ces 24 révisions ont évidemment fait perdurer le régime, reste à répondre à deux questions :
 Comment la constitution est révisable ?
 Quels sont les aspects de notre Constitution qui ont pu être modifiés

Section 1 : Le processus de révisionnisme légal

Révisionnisme légal : la procédure que prévoit la Constitution pour la réviser


- Article 89 de la Constitution, dernier article
Il y a eu 24 révisions depuis 58 et 23 ont été opérées par l’article 89

I. L’initiative de la révision par les Parlementaires

Les Parlementaires constituent le Premier organe à pouvoir réviser la Constitution Art 89


 On appelle cela une proposition de loi constitutionnelle

La proposition de loi doit être votée par les deux assemblées en vue de parvenir à un texte
identique : les chambres doivent voter le texte et s’entendre sur ce texte
- Aucune des chambres n’a le dernier mot (différent des lois ou l’Assemblée nationale
domine

Si ils sont d’accord, la procédure continue et le Président doit organiser un référendum et


ensuite les français adopte ou rejettent.

Sur les 24 révisions, aucune n’a été proposée par les Parlementaires
- Ils le peuvent en droit

II. L’initiative de la révision par le Président de la République

14
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Comment le Président s’y prend pour réviser ?


Sur les 24 révisions, 23 proposées par le Président

La révision doit être proposée par le Premier Ministre


- Un projet de loi constitutionnelle

Le projet de loi doit être voté par les deux chambres


 Si une des chambres votent non, la révision est bloquée

Macron voulait que l’on inscrive la préservation de l’environnement dans la Constitution


 Les deux chambres n’ont pas réussi à se mettre d’accord

Hollande en 2016 voulait instaurer dans la Constitution la déchéance de nationalité mais a


échoué.

Lorsque le Président a obtenu l’accord des deux chambres, la procédure continue :


- Le Président a le choix entre deux procédés :
o Organiser un référendum (arrivé une seule fois en 2000 pour le passage au
quinquennat)
o L’hypothèse s’étant produite 22 fois : il va réunir les chambres à Versailles et
organiser un Congrès
 Il doit obtenir une majorité de 3/5e des votants
 Ex : Sarkozy modification de la constitution

Nous sommes un pays de constitution rigide, il est possible de réviser mais c’est très
complexe et c’est même interdit dans certains cas

4 cas ou on ne peut pas réviser :


- On ne peut réviser la forme républicaine du Gouvernement, république nous
sommes et république nous Art 89
- On ne peut réviser en cas d’invasion du territoire « On ne peut pas la révision porter
atteinte à l’intégrité territoriale
o 10 juillet 1940 : on donne les pouvoirs à Pétain pour qu’il révise la
Constitution alors que France
- On ne peut pas réviser lorsque l’Article 16 est en vigueur
- On ne peut pas réviser pendant l’intérim
o Lorsque le Président meurt, décède ou est définitivement empêché le
Président du Sénat assure l’intérim le temps qu’une autre élection soit
organisé

Section 2 : Le processus de révisionnisme détourné

Ce terme désigne une procédure normalement pas prévue pour réviser la Constitution
- Elle a été utilisée 2 fois et 1 fois a permis la révision de la Constitution

I. L’usage du référendum Constituant

15
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Référendum Constituant : Référendum révisant la Constitution


C’est l’article 11 de notre Constitution, utilisé par 2 fois par De Gaulle :

En 1962, De Gaulle utilise l’article 11 pour réviser la Constitution et permettre l’élection du


Président au suffrage universel direct

1969, De Gaulle recommence avec l’article 11 pour réformer le Sénat et créer des régions
administratives.

62 : les français votent oui


69 : les français votent non

En 1962 et en 1969, De Gaulle sait qu’il n’aura pas la majorité dans les chambres :
 Le Sénat est de centre gauche et son président est un ennemi personnel de de Gaulle
 Au delà de cela, le parti gaulliste à l’Assemblée est divisé, de Gaulle sait qu’il n’a pas
le soutien des chambres
 Les chambres sont furieuses de perdre leur droit de décider du président

Il va donc utiliser l’article 11


Pouvait-on légalement réviser la Constitution grâce à l’article 11 ?
De Gaulle a-t-il méconnu la Constitution ?

II. La légalité du processus référendaire

Les opposants politiques de De gaulle pense qu’il a commis une forfaiture


Mitterrand parle de coup d’état permanent.

3 arguments qui montrent que de Gaulle ne pouvait pas utiliser l’article 11 :


 L’article 89 est sans ambiguïté, il s’intitule « de la révision », formellement il n’y a
qu’un seul procédé
 Dans la tradition juridique et dans l’histoire française, le référendum ne permet pas
de réviser, c’est un outil permettant d’adopter des lois et des traités, ce n’est pas un
outil qui par Nature, permet la révision. De plus, rare sont les États qui l’emploient.
 De Gaulle a utilisé cette technique pour court-circuiter les chambres, il savait que les
chambres ne voteraient pas son texte, c’est donc un procédé de contournement et
purement de contournement, il avait déjà utilisé l’article 89 par le passé.

3 arguments qui défendent de Gaulle


 L’article 11 dispose : « On peut organiser un référendum sur tout projet de loi
o Quand le président révise on appelle cela un projet de loi constitutionnelle
o L’article 5 : le Président veille au respect de la Constitution, il peut donc
l’interpréter
 De Gaulle est l’un des penseurs du texte, il est donc légitime pour
l’interpréter
 Article 11 : il est possible de faire un référendum sur les pouvoirs publics, l’élection
des Présidents est tout à fait sur les pouvoirs publics
o Le Président en est une, le Sénat en est une

16
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 Article 2 et 3 de la Constitution, La souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par


ses représentants et par le référendum
o Si le peuple est souverain n’est-il pas en mesure de réviser la Constitution ?

Des Présidents depuis De Gaulle ont pensé à utiliser de nouveau l’article 11


- Ils ne l’ont pas fait parce que ce sujet avait divisé les Français et on n’est pas
absolument surs de la légalité

Section 3 : Le sens et la portée du révisionnisme

24 révisions depuis 1958


 Elles ont incontestablement permis la longévité de notre texte
Si ces révisions ont été importantes en nombre, il faut néanmoins distinguer les présidents
qui ont proposé ces révisions et les projets

Certains présidents n’ont pas révisé : Hollande, Macron etc.


Alors que c’était dans leur programme

Jacques Chirac durant ses mandats : 10 révisions de la Constitution

Comment mesurer l’importance de la révision pour le régime prévu par les Institutions

I. Le révisionnisme quantitatif invariable

Numériquement parlant, le nombre de révisions n’a jamais baissé en 63 ans de république


- En effet tous les présidents sans exceptions ont envisagé et tenté de réviser la
Constitution
- Les promesses politiques faites au français par les candidats nécessitent des révisions
de la Constitution

M. Mitterrand avait promis au français la parité en politique


Cela n’a pas pu être accompli mais il a essayé

M. Hollande avait promis de supprimer la Cour qui juge les ministres


- Promesse non tenue

Depuis 1958 il y a eu 24 révisions, il s’agit de se demander ici si le nombre de révisions a


varié significativement dans le temps.
A titre préliminaire : en 63 ans il y a des présidents qui ont beaucoup révisé le texte de notre
Constitution et d’autres qui ne l’ont pas du tout révisé.
Chirac l’a révisé 10 fois en l’espace de 10 ans, c’est un président « réviseur »
Il y a eu des présidents qui n’ont jamais révisé la Constitution :
- Macron
- Hollande
- George Pompidou (mort en cours de mandat)

Comment expliquer cette disparité ?

17
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

2 raisons peuvent l’expliquer :


- Certains présidents n’ont pas eu les moyens de réviser puisqu’ils se sont heurtés à
des chambres hostiles
o Par exemple quand une des deux chambres n’est pas de son parti
o Cela n’explique pas tout cependant : Jacques Chirac a eu face à lui une
Assemblée de Gauche pendant 5 ans et a quand même pu réviser.
 Ce n’est pas que la faute de la politique
- Cela ne tient pas uniquement au rapport politique mais également au sujet lui-
même, il y a des présidents qui souhaitent réviser car ils sont extrêmement attachés
à une révision et vont donc tout faire pour que l’article 89 aboutisse.
o Certains sujets plus techniques, moins républicains, trouvant moins le
consensus auprès des Français et ne suscitant pas d’attachement personnel
du président
Il est donc important de noter que les rapports politiques ne font pas tout.
On peut également penser à une dernière raison :
- Les promesses politiques du futur candidat, un candidat à l’élection présidentielle
peut promettre aux français une révision de la Constitution. En fonction, le candidat
va tenter d’appliquer ce qu’il a promis au français, s’il n’a pas promis de révisions, il
ne va pas en faire.

II. La variation qualitative du révisionnisme :

On peut classer ces 24 révisions dans 2 catégories :


- Les révisions qui ont modifié l’objet, l’essence et l’esprit de la Ve République
o Celle-ci qu’il faut apprendre
- Des révisions techniques dont l’objet relève d’avantage du symbole politique (les plus
nombreuses)
o Ex : abolition peine de mort dans la Constitution (2007)
o Changement début de la date du travail des Parlementaires

Sur les 24, il y en a une dizaine seulement revêtant un caractère fondamental :

 Première révision 1962 : Élection du président au Suffrage universel direct par de


Gaulle
o Modification des articles 6 et 7 de notre Constitution

 1974 : Le Conseil Constitutionnel pourra être saisi par 60 députés ou 60 sénateurs par
Valérie Giscard D’Estaing
o Article 61 de la Constitution

 1992 : Ratification du Traité de Maastricht dans la Constitution


o Disposition trouvée dans l’article 88 de la Constitution
o Création de la citoyenneté européenne, droit de vote des étrangers membres
d’un pays de l’UE aux élections municipales et bien sur l’euro

 1993 : Création de la Cour de la Justice de la République, la Cour jugeant les ministres


o Articles 68-1 et suivants

18
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 1995 : Il a changé 3 choses :


o Sessions annuelles du Parlement
o Extension du domaine du Référendum
o Modification du régime de responsabilité des Parlementaires

 1999 : Introduction de la parité en politique


o Article 1 de la Constitution
o Obligation est faite aux partis politiques de présenter un nombre égal
d’hommes et de femmes à certaines élections (celle au scrutin proportionnel)

 2000 : Réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans


o Référendum

 2003 : Reconnaissance de la décentralisation constitutionnellement parlant


o Article 72 et suivants
o Nouveaux droits aux collectivité (référendum régional etc…)

 2007 : Modification du régime de responsabilité du président de la République


o Cela a changé et il a été condamné

 23 juillet 2008 : Révision de grande ampleur, ¾ des articles sont révisés


o Diminution des pouvoirs du président de la République
o Hausse des Pouvoirs du Parlement
o Redonner des droits au citoyen (QPC …)

Ces révisions ont permis au texte de s’adapter et de durer plus longtemps


Sans doute, le régime se serait terminé beaucoup plus tôt.

Partie 1 : Le Président de la République

Selon Michel De Bré : « Le Président est la clé de voute des Institutions » Discours du 27 août
1958. Aujourd’hui plusieurs adjectifs mettent en relief la puissance ou l’impuissance du
Président Français :
- Nicolas Sarkosy était qualifié d’hyper président
- Macron est régulièrement qualifié de Président Jupiter
- M. Hollande se voulait être un président normal

En dépit des adjectifs, comment expliquer la puissance juridique et politique


du président français ?

Pour certains hommes politiques, commentateurs ou membres de la doctrine, il y aurait 3


raisons qui expliquerait cette puissance du président français :
- Si le Président français est puissant c’est parce qu’il est élu directement par les
Français

19
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

o En Europe, les présidents portugais, irlandais, polonais ou autrichien sont élus


par leur peuple respectif et ont un pouvoir très faible.
- Si Président puissant c’est parce qu’il dispose de pouvoirs extrêmement puissants
(dissolutions, signature des traités, nomination 1er ministre etc)
o Le Président français possède des pouvoirs quasi identiques à ce que l’on
observe dans d’autres pays d’Europe ou les chefs d’état sont moins puissants
- Si le Président est puissant c’est parce qu’il est irresponsable pendant ses fonctions, il
ne peut pas être inquiété par une action judiciaire
o Il est responsable et sa responsabilité peut abréger sa présidence

Qu’est ce qui explique donc la puissance du président français ?

C’est l’addition d’éléments juridiques et d’éléments politiques que l’on retrouve dans le
statut du président et dans ses pouvoirs.

Chapitre 1 : Le Statut atypique du chef de l’état

On entend par statut l’ensemble des règles se rapportant à l’organisation et au


fonctionnement d’un organe.
Ce sont les conditions de sa nomination et la fin de ses fonctions.

I. La Construction de la légitimité présidentielle

La puissance du Président peut s’expliquer pour partie mais pas exclusivement par les
modalités de sa désignation et de son rapport avec les Français.
Il convient de ne pas exclure la personnalité du président élu.

A. Les propriétés de l’élection présidentielle

a. La légitimité présidentielle

Il y a une petite distinction à opérer, entre 58 et 62, le Président n’était pas élu par les
Français mais par un collège de grands électeurs.
Le même qui élit aujourd’hui les sénateurs.

Dans ce collège on trouvait les Parlementaires, les délégués des communes, et les membres
des assemblées départementales. Environ 80 000 personnes.
Ce collège élargit c’était la volonté du Général de Gaulle, formulée dans le discours de
Bayeux en 1946.

Pour de Gaulle, le Président est l’homme de la nation, ce n’est pas l’homme des chambres, il
est au-dessus des partis.
Il est donc logique qu’un collège élargi le désigne.

En 1962, De gaulle révise la Constitution et introduit le suffrage universel direct.

Tout citoyen étant électeur peut être candidat. (donc avoir de + de 18 ans)
20
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Tout candidat à l’élection présidentielle doit réunir 500 signatures (des parrainages).
- Ce chiffre de 500 a été mis en place depuis 1976 avant c’était que 100 parrainages.

Qui peut signer/parrainer ? (Ils ne peuvent signer qu’une seule fois)


- Les maires
- Les membres des Assemblées des Régions
- Les Conseillers départementaux et régionaux
- Les députés et les sénateurs

Les signatures sont publiques et doivent être déposées au Conseil Constitutionnel qui va
vérifier les candidats.
Les 500 signatures doivent avoir été réunies dans au moins 30 départements et 1
département ne peut abriter plus de 10% de nos parrains.

Idée de Mélenchon et Lepen : introduire des parrainages citoyens


- Ce sont les électeurs qui votent, il n’y a rien d’anormal à ce qu’ils fournissent les
signatures

L’élection présidentielle a lieu au scrutin majoritaire


A la fin du 1er tour, si un candidat a obtenu + de 50% des voix, il est immédiatement élu sans
second tour.
Si aucun des candidats n’a obtenu 50% des voix il faut organiser un second tour et seront
qualifiés les deux candidats ayant obtenus le plus de voix.
Le candidats ayant le plus de voix est élu peu importe l’abstention et l’écart des voix.
- d’écart : VGE
+ d’écart : Chirac-Lepen
+ d’abstention : Macron

La campagne et l’élection sont un peu courtes et durent à peine 2 mois


Elle a lieu généralement en avril mai et l’élection peut être reportée :
- Avant le dépôt des candidatures, si un candidat décède, le Conseil Constitutionnel
peut décider le report de l’élection (article 7)
- Au premier tour de l’élection, si un candidat décède, le Conseil Constitutionnel doit
reporter l’élection
- Avant le premier tour et au second, si un candidat est annoncé bien placé et décède
ou au second tour l’un des deux décède, le Conseil Constitutionnel doit prononcer
l’annulation de l’élection (article 7)

Le président est élu pour 5 ans mais s’il décède, démissionne et empêché définitivement ou
bien s’il est destitué : l’élection sera avancée.
C’est le Président du Sénat qui va remplacer le Président de la République pendant l’intérim.

2 intérims depuis 1958 :


- 1969, démission de de Gaulle
- 1974 décès de George Pompidou
Tous les deux assurés par Alain Poher

21
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

L’intérim dure au minimum 20 jours et au maximum 35 jours.

Le président du Sénat en intérim ne peut pas faire de référendum, il ne peut pas réviser la
Constitution ni dissoudre les assemblées.

C’est le Président du Sénat car :


- Le Président du Sénat est sénateur et entre 58 et 62 c’était le même collège qui
élisait le président, il y avait une logique
- La tradition historique, depuis la 3e république, c’est le président du Sénat qui
remplace le Président
- Le Sénat est la chambre de la modération et de la tempérance, en conséquence il
s’agit d’une Assemblée beaucoup plus attachée au rôle de l’état, pour le président il
vaut donc mieux qqn de sage réservé etc.

b. Le mandat présidentiel

Actuellement, le mandat présidentiel est de 5 années mais il n’a pas toujours été de 5
années, entre 1958 et 2000, le mandat présidentiel était de 7 années, on avait appelé cela le
septennat.
Le mandat de 7 ans était une tradition républicaine française que la Ve a voulu conserver, le
mandat présidentiel remonte à 1873 : Mac Mahon
20 novembre 1873.

Pourquoi avoir choisi 7 ans et pas 5 ou 6 ?


- Le Président de la République dans un régime parlementaire est un arbitre et un
garant
o En tant que gardien, il doit bénéficier d’un mandat long, si son mandat est
court, il est précaire et sa fonction de gardien est amoindrie
o C’est pourquoi les monarques sont nommés à vie et les présidents
traditionnellement 7 ans
 Président italien et irlandais
- De Gaulle voyait le Président comme un homme au-dessus de partis, il ne fallait donc
pas que le Président dispose du même mandat que les députés
o Si c’était le cas, le Président est soumis au Parlement et aux Partis politiques
du parlement
o On veut donner de l’indépendance au Président
o Le Président peut être dans un parti politique mais il ne veut pas que les partis
viennent dicter leur conduite au Président

En 2000 changement, le mandat du Président est réduit de 7 à 5 ans. (par référendum)


- On voulait réduire les risques de cohabitation
o Jacques Chirac a connu toutes les cohabitations, en tant que Président et en
tant que Premier Ministre, il veut lutter contre les cohabitations
o Les députés sont élus 1 mois et demi après l’élection du Président, il y a peu
de chance qu’ils changent d’avis et envoient un autre parti

22
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

- Le chef de l’État dispose de pouvoirs puissants, en conséquence s’il dispose d’un


mandat long et en plus de pouvoirs importants, c’est gênant du point de vue de la
démocratie, une autorité dispose de pouvoirs puissants sur le long terme
o Le passage au quinquennat est supposé diminuer les pouvoirs du Président

En 2008, il y a eu un petit changement concernant le mandat présidentiel :


 Aucun Président ne peut faire plus de 2 mandats consécutifs

C’est 2 fois 5 puis on doit laisser la place, mais on peut revenir après.

Dans certains cas le mandat du Président peut être abrégé :


- Le cas de l’intérim (voir paragraphe précédent)

Le quinquennat a-t-il renforcé les pouvoirs du Président de la République ?


 L’argument est le suivant : Le mandat du Président est plus court donc par
conséquences le Président devrait être plus Actif sur la scène politique
o Pourtant Chirac et Hollande ont été des Présidents extrêmement effacés par
rapport à leurs prédécesseurs
o Qu’est ce qui pourrait pousser les Présidents à participer plus parce que leur
mandat était plus court
 Sarkozy était « trop » actif, il a été battu
 Hollande était « inactif », il ne s’est pas représenté
 C’est dû à la personnalité des présidents pas les textes

On entend souvent que depuis que nous sommes passés à 5 années, nous sommes devenus
un régime présidentiel.
 Cela n’a RIEN A VOIR
 Les Présidents Portugais etc. ont des mandats courts et le Portugal est pourtant un
régime parlementaire

II. La responsabilité du chef d’État :

Le Président de la République est-il responsable juridiquement dans le cadre de ses


fonctions ?
Il n’est pas responsable politiquement (contreseing des ministres)

Mais il est responsable pénalement et civilement.


Cela dépend du moment et des actes en question.

A. L’incertitude initiale de la responsabilité du chef de l’État (1958 – 2007) :

La responsabilité politique du chef de l’État :


Entre 1958 et 2007, le Président était-il responsable des actes politiques qu’il édictait ?
 La Constitution ne répondait pas à cette question et les Présidents ont eu leur
interprétation :
o Pour De Gaulle, le Président était partiellement responsable :

23
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 Certains actes du chef de l’État sont contresignés par les ministres, le


chef de l’État n’est donc pas responsable
 Pour les actes non contresignés, le Président était responsable selon
de Gaulle car non protégé par un ministre
 De Gaulle a quitté le pouvoir après avoir perdu un référendum, acte
non contresigné par un ministre
o Les successeurs de De Gaulle ne vont pas avoir cette interprétation : ils vont
connaître des défaites dans leur pouvoirs non contresigné et rester.

La responsabilité civile et pénale du chef de l’État :


Le président était-il responsable devant les tribunaux civils ou pénaux ? La Constitution
n’était pas du tout claire sur ce point : article 67 et 68 de la Constitution.
 Durant son mandat, pour les actes accomplis durant les fonctions, le président est
irresponsable sauf dans 1 cas : haute trahison.
o Terme jamais défini qui peut renvoyer à plusieurs actes très différents :
 Vendre des secrets militaires à une puissance étrangères
 Céder une partie du territoire
 Violation délibérée de la Constitution
 Génocide

A la fin des années 1990, Jacques Chirac est rattrapé par une affaire : les emplois fictifs
lorsqu’il était maire de Paris.
Jacques Chirac est alors sommé de se présenter devant les tribunaux. Il veut aller devant les
juges s’expliquer mais la Constitution est muette sur la possibilité.

Le 22 janvier 1999, le Conseil Constitutionnel répond :


 OUI mais avec une précision, durant son mandat, le président ne peut être traduit
devant une juridiction spéciale : la haute cour de justice
 Le président dispose d’un privilège de juridiction
 C’était une cour qui demandait la réunion de la majorité des députés et des
sénateurs

La décision rendue par le Conseil Constitutionnel a été fortement critiquée.


Jacques Chirac va demander un deuxième avis, il va saisir la Cour de cassation :
- Elle va rendre une solution inverse : l’arrêt Breisacher du 10 décembre 2001 :
o La Haute cour de Justice n’est compétente que pour la haute trahison et pas
des autres actes
o Pendant son mandat, le Président ne peut pas être responsable des actes
accomplis durant son mandat, en revanche il sera responsable à l’expiration
de ses fonctions présidentielles et devant le juge ordinaire.

On a deux juges qui rendent des décisions différentes, on ne sait pas, en 2007 Jacques Chirac
va donc réviser la Constitution.

B. Le régime de Responsabilité entre 2007 et Aujourd’hui

Le Président de la République est irresponsable pour les actes accomplis en cette qualité.

24
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Durant son mandat, pour les actes pris en tant que Président, il est irresponsable sauf dans
deux cas :
 Devant la Cour pénale internationale qui siège à La Haye aux Pays-Bas (article 53-2)
o Elle juge les génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre
 « En cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice
de son mandat » (article 67 et 68)
o Il est responsable pour les actes politiques et privés

Dans ce deuxième cas, le Président sera jugé par une juridiction spéciale (remplace la haute
Cour de Justice) :
 La Haute Cour, c’est le Parlement
o Il faut 2/3 des Députés et 2/3 des sénateurs, elle est présidée par le Président
de l’Assemblée nationale
o Elle va voter la destitution ou non du président de la République qui sera
ensuite jugé devant le juge ordinaire

Et pour les actes accomplis avant la fonction présidentielle, il est irresponsable :


- Il n’est pas responsable des actes avant mais pourra être traduit après et la
prescription ne s’écoule pas

M. Hollande et M. Macron ont tous les deux eu l’idée de supprimer la Haute Cour : ils
souhaitaient que le Président soit jugé par les Juges de droit commun.

Chapitre 2 : Un pouvoir présidentiel à géométrie variable :

Contrairement à une idée reçue, la puissance du Président ne réside pas essentiellement


dans ses pouvoirs.
 La Constitution n’accorde que peu de pouvoirs au Président et ils existaient tous déjà
dans la Constitution française traditionnelle

Ce n’est pas tant le pouvoir du président qui font sa puissance que la situation et le contexte
dans lesquels il pourra en discuter.
Si pouvoirs forts mais pas d’occasion de les utiliser, inutile.

La Ve va offrir au chef de l’État une situation favorable à l’exercice de ces pouvoirs ce qu’il va
permettre un accroissement de sa puissance.

I. La restriction juridique de la disposition des prérogatives présidentielles

A. La répartition des pouvoirs du président que la Constitution réalise :

La Constitution identifie d’abord les catégories des pouvoirs :

1ère catégorie : les pouvoirs propres


 Ce ne sont PAS les pouvoirs personnels du Président ATTENTION

25
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

o Chacun des Pouvoirs du présidents nécessitent l’approbation d’une autre


autorité, il n’en existe pas qu’il peut décider tout seul
 Les pouvoirs propres se sont les actes qui ne sont pas contresigner par les ministres
o Article 19 de la Constitution fait un renvoi : article 8, 11, 12, 16, 18, 54, 56, 61
o Ils entraînent la responsabilité du président de la République selon de Gaulle

Les pouvoirs partagés :


 Ce sont les pouvoirs du président qui sont contresignés, ceux qui ne sont pas
renvoyés par l’article 19

B. La classification institutionnelle des prérogatives

On peut identifier trois destinataires des pouvoirs du Président :


- Les pouvoirs du Président à l’égard du Gouvernement
- Les pouvoirs du Président à l’égard du Parlement
- Les pouvoirs du Président à l’égard de la Nation

Les Pouvoirs du Président vis-à-vis du Gouvernement :


 Il nomme le Gouvernement (article 8)
 Il nomme le Premier Ministre (pouvoir propre)
o Le fait qu’il soit de la couleur politique de l’Assemblée : Convention
 Sur proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du
Gouvernement (pouvoir partagé)

Le Président peut-il nommer qui il veut Premier Ministre ?


Juridiquement OUI, dans les faits, NON
Il est contraint de nommer des personnalités que la majorité à l’Assemblée accepte, sinon
elle peut renverser le Gouvernement.
Paul Lignac avec Charles X
1877 : Le président Mac Mahon avait tenté de nommer des personnes étrangères à la
majorité.

Deuxième pouvoir du Président sur le Gouvernement avec le Conseil des Ministres :


 Aux termes de l’article 9 de la Constitution, le président de la République préside le
conseil des ministres
 Non seulement il le préside mais il en approuve également l’ordre du jour

Conseil des ministres : tous les mercredis matin à 11 h


- Réunit l’ensemble des ministres et le Président
- C’est en conseil des ministres que sont signés les actes administratifs : décrets et
ordonnances que l’on trouve à l’article 13
En Conseil des ministres, ont lieu les nominations des hauts fonctionnaires de l’État.
 Sont par exemple nommés les ambassadeurs, les préfets, les recteurs d’académie et
les magistrats de la Cour des Comptes (article 13 et 14)
Troisième chose prenant le plus de temps : les communications
- Le Président communique à ses ministres ses différentes instructions pour la semaine
à venir

26
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

- En France, les ministres n’ont aucune autonomie juridique ou politique, ils doivent
seulement veiller aux respects des directives du Président

Le Conseil des ministres, il n’y a pas de vote, c’est juste une réunion chaque semaine où le
Président dirige
 Un lieu d’enregistrement de la décision politique

Après les pouvoirs du Président sur le Gouvernement : les pouvoirs du Président sur le
Parlement (ils sont plus nombreux) :

Premier pouvoir : la Dissolution


 Il peut dissoudre l’Assemblée nationale, et pas le Parlement ATTENTION
 C’est un pouvoir propre dispensé de contre signature
 Depuis 1958 5 dissolutions
o 2 de gaulle, 2 Mitterrand et 1 par Jacques Chirac
 Lorsqu’il y a dissolution les députés doivent retourner devant les électeurs pour
espérer être réélu
 Dans quels cas le Président peut-il dissoudre (article 12) ?
o Dans tous les cas exceptés :
 Dans les 12 mois après la précédente dissolution
 Quand l’article 16 est en vigueur
 Quand le Président du Sénat assure l’intérim

Étudions ces 5 cas de dissolution :


- La dissolution est faite en cas de recherche de majorité (3 dissolutions sur les 5)
o Celle de 1981 : François Mitterrand est élu Président en 1981, il a face à lui
une Assemblée de Centre droit élue en 1978, il est socialiste
 Il va donc dissoudre l’Assemblée pour obtenir une majorité de gauche
et il va réussir à l’obtenir
o Celle de 1988 : François Mitterrand réélu en 1988 et il a face à lui une
Assemblée de centre droit élue en 1986, même principe que précédemment
 Il va de nouveau dissoudre l’Assemblée et réussir
o Celle de 1997 : Jacques Chirac est élu en 1995 et a face à lui une Assemblée
de centre-droit. Elle avait été élue en 1993. Jacques Chirac pense que s’il
attend 1998 il perdra à coup sûr les élections et décident donc de dissoudre
avec 1 an d’avance
 Avec cette dissolution, il va perdre cette élection et il y aura une
cohabitation, ce n’était pas la « plus grande erreur » Il aurait perdu de
toute façon.
- Le Président peut dissoudre en raison du renversement du Gouvernement par
l’Assemblée :
o Charles de Gaulle, le gouvernement Pompidou censuré et dissolution de
l’Assemblée en réplique, aucun des élus ayant censuré réélu
- On peut dissoudre en cas de crise politique et sociale dans le pays
o La dissolution permet de calmes les sursauts populaires dans le pays
o Mai 1968, De Gaulle réorganise des élections

27
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Dissolution à grand succès, mai 68 a été éteint et le pouvoir gaulliste



renforcé
ATTENTION : DISSOLUTION SEULEMENT DE L’ASSEMBÉE PAS PARLEMENT

Deuxième pouvoir du Président sur les chambres : article 18, le droit de message, un pouvoir
propre. Droit remontant à 1873 conservé par la IV et la V.
Depuis 1873, il est interdit au Président de la République de pénétrer l’enceinte des
chambres, pour communiquer il leur écrit des messages écrits que le gouvernement va lire

En 2008, Nicolas Sarkozy va ajouter une exception :


 Le Président peut réunir les chambres en Congrès et s’exprimer devant elles.
o En revanche, pas de vote et pas de débats
Pourquoi une telle initiative ? 2 raisons :
- Le Président envisage de réviser la Constitution, il a besoin des Parlementaires pour
le faire donc il les réunit pour leur en parler et les consulter
o M. Hollande en 2015 : déchéance nationalité etc.
- Si les circonstances l’exigent :
o Nicolas Sarkozy après la crise des sub-primes
o Hollande après les attentats du Bataclan

Le Président promulgue les lois (article 10) : c’est lui qui les fait entrer en vigueur
 Il a 15 jours pour promulguer la loi
o Pendant ces 15 jours il peut demander au Parlement une deuxième
délibération et même saisir le Conseil Constitutionnel
o Il ne peut pas refuser de promulguer la loi

Dernier pouvoir du Président sur les chambres : il peut les convoquer en séance
extraordinaire (article 28 et 29)
 Le Parlement siège du 1er Octobre au 30 juin
 Si il veut siéger en dehors du de cette période il doit demander au Président uyne
séance extraordinaire
o Le Président peut refuser
 De Gaulle refuse en 1960
 Valérie Giscard d’Estaing en 19
En Période de cohabitation, peut-être un pouvoir du Président pour contrer son
Gouvernement ou l’Assemblée.
- Exemple de Mitterand refuse la réunion pour privatiser renaud

C. Les pouvoirs du Président à l’égard de la Nation :

Article 11 : le Président de la République peut organiser un référendum


9 référendums depuis 1958 : (un pouvoir propre)
 De Gaulle 4
 Pompidou 1
 François Mitterrand 2
 Jacques Chirac 2
On ne peut pas organiser un référendum sur n’importe quel sujet, il n’y en a que 4 :

28
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

- Les Pouvoirs publics


- En matière environnementale
- La politique économique ou sociale
- En termes de traité

Le Président est le chef des armées : article 15 pouvoir partagé


 En tant que Président, il est libre d’envoyer les troupes militaires où bon lui semble et
il dispose de l’arme atomique
Le Gouvernement dispose aussi de la force armée (article 20)
- L’initiative en matière militaire, initiative du Président
- En revanche l’organisation logistique et militaire : c’est le Gouvernement

Depuis 2008, les pouvoirs du Parlement ont été renforcé sur le Président (article 35) :
- Jusqu’en 2008, le Parlement n’avait aucun contre-pouvoir quant à l’action militaire
du Président maintenant il en a un peu
 Premier pouvoir du Parlement : le Président est dans l’obligation d’informer les
chambres que les troupes militaires ont été envoyées à l’étranger
 Passer un délai de 4 mois, le Parlement doit voter pour 4 mois de plus, le maintien
des troupes françaises à l’étranger pour 4 mois de plus
o C’est l’Assemblée qui l’emporte en cas de conflit

Troisième pouvoir du Président : Les pleins pouvoirs de l’article 16


C’est un article auquel tenait beaucoup le général de Gaulle, c’est un pouvoir propre, on
peut rattacher cet article à la fonction de garant
Il permet au Président de prendre des mesures exceptionnelles dans des temps
exceptionnels :
 Le putsch des généraux d’Alger en 1961
Il faut alors 2 conditions cumulatives réunies :
 Une menace grave et imminente sur les Institutions
 Une interruption du fonctionnement régulier des Institutions
Il peut alors :
- Prendre des mesures qui lui serait illégales de prendre en temps normal
Depuis 2008 : passé 30 jours d’emploi de l’article 16, le Conseil Constitutionnel peut être
réuni pour s’assurer que les deux conditions sont satisfaites, passé 60 jours il peut s’auto
saisir.

Quelles sont les mesures prises par De Gaulle en 1961 (pendant 6 mois) ?
- Mise en place de tribunaux spéciaux pour les putschistes d’Alger
- Rehaussement des pouvoirs de l’armée restée fidèle à de Gaulle pour contrer l’action
des traitres à de Gaulle

Pendant l’article 16 : pas de révision de la Constitution, pas de dissolution et le Parlement se


réunit de pleins droits.

Quatrième pouvoir : le droit de grâce article 17 de la Constitution pouvoir partagé


Le Président est le garant de la justice en France (article 64 et 66) donc à ce titre il peut
gracier :

29
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 Mettre fin à une peine


 Diminuer une peine
 Transformer une peine
Jacqueline Sauvage avait été condamnée pour meurtre envers son mari violent qui la battait
par Hollande.
L’affaire « Omar m’a tué » le Jardinier a été gracié par Jacques Chirac.

Jusqu’en 1981, le dernier rempart avant la guillotine c’était le président.


- Lorsqu’un homme était condamné à mort, les avocats avaient pour dernier recours
d’aller voir le Président pour demander la non-peine de mort
- Il consultait le garde des sceaux et le haut Conseil de Magistrature
Robert Badinter : l’abolition

Cinquième pouvoir : les pouvoirs diplomatiques


Le Président signe les traités et les négocie (article 52) un pouvoir partagé
En tant que chef de la diplomatie, il nomme les ambassadeurs (article 14)

Dernier pouvoir du président envers les français : ses pouvoirs constitutionnels


 Il peut réviser la Constitution (P.partagé)
 Il nomme trois magistrats au Conseil Constitutionnel (P.propre)
 Il peut lui-même saisir le Conseil (article 61) (P.propre)

II. L’inconstance politique de l’exercice de la fonction présidentielle

Les différentes configurations majoritaires ont déjà été traitées dans le plan, on ne va pas y
revenir. Là on va expliquer concrètement chaque cas sans les définir.

On peut distinguer 2 cas de figure qui vont rehausser l’autorité du Président de la


République mais ATTENTION ils ne vont pas augmenter ses pouvoirs.
Seulement sa marge de manœuvre, sa liberté pour leur exercice.

A. La Présidence avérée et assumée : la concordance des majorités

Concordance des majorités : le fait que le Président de la République dispose d’un


Gouvernement qui soutient son action et d’une majorité Parlementaire qui soutient son
action.
C’est le cas le plus fréquent sous la Ve République

Dans ce cas de figure quelles sont les marges de manœuvre du Président de la République ?
 Ce sera un acteur de la politique nationale et internationale
 Le Gouvernement sera réduit à un rôle d’exécutant, il va conduire la Politique du
Gouvernement mais ne la déterminera pas
 L’Assemblée sera réduit à une chambre d’enregistrement de la volonté Présidentielle
Le Président n’a donc pas de contre-pouvoir national, il peut mettre en œuvre avec une
relative liberté les politiques promises aux français

30
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Comment expliquer que le Président ne rencontre pas d’opposition dans son Gouvernement
et à l’Assemblée ?
Tout d’abord, le Gouvernement est toujours calqué sur la majorité de l’Assemblée
nationale : si le parti du Président obtient la majorité à l’Assemblée, le Gouvernement lui est
alors acquis, il n’y a pas d’opposition.

Comment expliquer alors la docilité des députés de la majorité ?


Comment expliquer l’absence d’une rébellion interne des députés de l’Assemblée

En réalité, les députés de la majorité ont été élus grâce au Président de la République, ils ont
obtenu leur siège grâce à leur soutien affiché au Président, c’est grâce à lui qui l’ont obtenu.

En 2017 : La plupart des députés de la majorité n’avaient jamais fait de politique


 Ils ont été élus par leur prise de positions favorables envers le Président

Les députés savent ce qu’ils doivent au Président et sont donc tenus à un devoir de loyauté,
cela explique pourquoi la majorité présidentielle acquiesce le Président.

Il ne restera donc que deux contre-pouvoirs au Président :


- D’abord le Sénat pas élu au même moment ni pour la même durée
- Les Assemblées locales

B. La Présidence en retrait : la discordance des majorités

On appelle cela les cohabitations : la présidence en retrait

Le Président ne sera alors plus l’animateur de la vie politique mais le spectateur :


 Ce sera le Gouvernement avec à sa tête le Premier ministre qui va déterminer et
conduire la politique
 Ce sera une présidence passive même si le Président va conserver tous les pouvoirs
que la Constitution lui donne, il va voir son influence, son rôle et son autorité
diminuer.

Sous la Ve il y a eu 3 cohabitations on a déjà vu les dates, les Présidents et les ministres.

La cohabitation désigne une situation dans laquelle le Président de la République ne dispose


ni d’une majorité parlementaire ni d’une majorité gouvernementale.

Il va donc y avoir une mise en retrait du Président.


 Il va devoir cohabiter avec ces deux majorité

Le Président en cohabitation conserve les pouvoirs conférés par la Constitution


- Il va en perdre le libre exercice mais pas les pouvoirs

La question qui se pose est la suivante : quelles sont les marges de manœuvre qui restent au
chef de l’État en période de cohabitation ?

31
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Comme l’avait déclaré François Mitterrand lors de la première cohabitation :


« Lors de la cohabitation, j’appliquerai la Constitution, rien que la Constitution mais toute la
Constitution »
Il signifie d’emblée que la cohabitation va maintenir les pouvoirs du chef de l’Etat.

D’une manière générale en période de cohabitation, le chef de l’État n’est plus l’animateur
de la vie politique, il en est le spectateur.
Il ne dispose plus en effet du soutien du gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Il est réduit à un rôle de spectateur.
C’est le Gouvernement qui va déterminer et conduire la politique indépendamment du
Président.
En cohabitation, le Président perd absolument toute initiative en matière politique.

Lors de la première cohabitation (86-88) Jacques Chirac et son gouvernement lance une
politique de privatisation des entreprises : François Mitterrand y est hostile, il avait lui-même
nationalisé les entreprises et le secteur bancaire
 Il ne s’y oppose pas

Entre 93 et 95 le Premier ministre lance une politique restrictive en matière d’immigration


que François Mitterrand avait assoupli
 C’est courant de revenir sur ce que l’ancien président a fait

97-2002 : Lionel Jospin et son Gouvernement lance plusieurs réformes sociales


 Les 35 h, etc.
Jacques Chirac malgré son opposition à ces réformes ne s’y oppose pas

En période de cohabitation le Président n’a aucun moyen ni aucune légitimité de s’opposer

Le Président préside et le gouvernement gouverne


 Il est inactif sur la détermination de la politique nationale mais pas inactif sur le rste
de la politique à mener

En période de cohabitation le Président va conserver la maîtrise de la diplomatie et de


l’armée : c’est un domaine que le premier ministre ne peut pas concurrence.
- Sous la 3e cohabitation, c’est la guerre au Kosovo, Jacques Chirac donne son accord
pour que les soldats français interviennent sous le contrôle de l’ONU
o Lionel Jospin est opposé mais il ne peut rien faire

Le Président à tout de même moyen de s’opposer à la politique du Gouvernement, il peut la


retarder :
- Lors de la première cohabitation, François Mitterrand refuse de signer les
ordonnances de Jacques Chirac
o Elle portait sur 3 points formant le fer de lance de la politique de Jacques
Chirac
o Changement du système d’élection des députés, retour sur la réduction du
temps de travail etc.
o Cela va retarder ces réformes mais elles entreront tout de même en vigueur

32
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Autres exemples : Pendant la première cohabitation, François Mitterrand s’est opposé à la


nomination de 2 ministres
- Jacques Chirac a cédé et a nommé de nouvelles personnes
- Aucune obligation juridique de faire ça, il l’a fait pour éviter une paralysie de la
France dans ces domaines (défense et étrangère) car c’est ceux du Président

Pendant la première et seconde cohabitation, le Président s’est opposé à ce que les


Parlements siègent en sessions plénières exceptionnelles.

Le Président ne peut en réalité pas vraiment s’opposer longtemps au Gouvernement


 Le Président n’a plus de soutien au niveau National, si il commence à faire de la
résistance ce serait comme un désaveux de l’opinion des français
 Juridiquement il est compliqué de mener une résistance durable

Le Président a de plus intérêt à le faire :


- Les Français aux élections suivantes jugeront le bilan politique du Gouvernement et
non pas celui du Président
- C’est un calcul politique qui a fonctionné : François Mitterrand et Jacques Chirac
réélus en 88 et 2002

En définitive, une question se pose : sous la Ve assiste-t-on à un renforcement de l’autorité


présidentielle ?

Beaucoup s’accorde à dire que les 3 derniers Président de la 5e sont biens plus puissants que
les 3 premiers de la 5e : Hyper président pour sarkozy, présidence jupiterrienne pour Macron

En fait il n’est pas faux de dire que les pouvoirs de la Présidence s’affaiblit au fur et à mesure
du temps :

Lorsqu’on compare les trois derniers avec les trois premiers, il ne fait pas le moindre doiute
que les 3 premiers présidents étaient bien plus puissants que les autres.

5 points :
 Avant, pas d’Union Européenne, pas de monnaie commune, de loi supra étatique etc.
o Aucune contrainte ne pesait sur les Présidents
 Au début de la 5e, il n’y avait pas de décentralisation, tout était décidé par Paris, pas
de contre-pouvoir local
o Désormais ce sont les collectivités locales qui peuvent décider
 Au début de la 5e, il y avait un secteur publique considérable : main mise très
importante sur l’économie de l’État :
o Planification de l’économie, pas d’internationalisation de l’économie
 Au début de la 5e, il n’y avait pas d’autorité administrative et juridictionnelle limitant
le pouvoir de l’État
o Pas de QPC, pas de saisine du Conseil Constitutionnel, pas de garde fou
administratif (AMF, CSA etc.)
 Toute la communication était étatisée :
o L’État contrôle toutes les chaînes de télévisions, radios etc.

33
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

o Pas de réseaux sociaux etc.

Les Présidents donnent l’apparence d’un grand pouvoir mais ce ne sont que des
comportements
 Les Présidents sont moins puissants car l’État est moins puissant

La Présidence a bien plus perdu que ce qu’elle en a gagné.


- Ce n’est pas parce qu’on les voit plus qu’ils sont plus puissants
- Ils n’ont pas la main mise sur pleins de sujets

Partie 2 : Le Gouvernement
Gouvernement : désigne l’ensemble des ministres de différents statuts avec à sa tête le
Premier Ministre en charge de déterminer et de conduire la politique

En 1958, les rédacteurs de la Constitution ont cherché à renforcer le Gouvernement afin de


préserver sa stabilité face au Parlement.
Ce renforcement va se faire sur deux aspects de manière que les dits gouvernements soient
stables.

Ils ont d’abord renforcé non seulement :


- Le statut du gouvernement
- Les pouvoirs du gouvernement
Cela a fonctionné, il n’y a eu qu’un seul gouvernement renversé en 62 par George
Pompidou.

Plus long Premier ministre : George Pompidou 62 - 68


Plus court : Caseneuve décembre 2016, avril 2017
Les Premier Ministre restent en moyenne 2 ans et demi au pouvoir.

Chapitre 1 : l’organisation et le fonctionnement du


Gouvernement
I. La formation et la cessation des fonctions gouvernementales

A. La nomination du gouvernement

Il est important de distinguer la nomination du premier ministre et la nomination des


ministres : la différence est non seulement juridique mais est également politique.

1) La nomination du Premier Ministre

Sous la Ve République, le Premier Ministre est nommé par le Président de la République et


c’est un pouvoir propre (article 5)

34
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Juridiquement, le Président n’est soumis à aucune contrainte concernant la nomination du


Premier Ministre : pas de contrainte, d’approbation, de supervision etc.

Cela pourrait donner l’illusion que ce choix est entièrement libre


> C’est une erreur, même si pas d’obligation juridique, il y a obligation politique

En 63 ans de Ve République, sont apparus 2 profils de ministres potentiels :


 La majeure partie des Premier ministres français ont d’abord été nommés pour leur
compétence en matière politique :
o Ils ont été nommés à ce poste pour leur expérience Parlementaire et
ministérielle
 Discipliner un Gouvernement est difficile, il faut de l’expérience pour
maintenir une cohésion de gouvernement
 Il faut de l’expérience parlementaire, le risque est que sinon il se fasse
renverser
o Ils ont été nommés pour leur proximité avec le chef de l’état :
 Les Premiers ministres sont souvent des intimes du chef de l’État
 Ex : François Fillon, Sarkozy
 Michel Debré 58-62
 Alain Juppé entre 95 et 97
 Jean Marc Ayrault

 Deuxième profil de ministres sous la 5e, souvent le profil des « deuxièmes » premiers
ministres des Présidents : c’est un premier ministre technicien
o On les nomme pour régler un problème très particulier
 Castex qui était secrétaire général au Covid-19 à l’Élysée
 Raymond Barre 76-81 : meilleur économiste de France

Donc en droit : choix libre, en fait : pas si libre

2) La nomination des ministres

Au terme de l’article 8, les ministres sont nommés par le Président, sur proposition du
Premier Ministre
 Là encore, il n’y a pas de règle venant régir la nomination des ministres
o Il faut encore relativiser ce propos

Quelles sont les conditions pour être appelé à devenir ministre ?


Il y a un élément que le président et le premier ministre ne peuvent pas ignorer :
 Les ministres doivent être choisis dans la majorité parlementaire
o Si sont nommés des ministres qui ne sont pas de la majorité, risque de
renversement des ministres par l’Assemblée
o Pour avoir la confiance, il faut nommer ministres des personnalités membres
du parti qui a la majorité
 Un Gouvernement est toujours composé à au moins deux-tiers de l’opposition

35
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 On peut être ministre également pour son professionnalisme


o Si on combine les deux c’est le mieux
 Robert Badinter nommé Garde des Sceaux à la fois pour ses
compétences et au parti socialiste
 Bernard kouchner créateur de médecin sans frontière et du parti
socialiste
o On peut aussi être nommé sans être
 Bernard Laporte ancien rugbyman
 Laura truc ancienne championne d’escrime

Un Gouvernement est d’abord le reflet de la majorité à l’Assemblée


 C’est le premier critère
 Quand il reste de la place on peut nommer des gens
Depuis 1958, il y a toujours eu quelques ministres issus de la société civile :
 Macron n’a rien inventé ou etc.
 C’est une stratégie pour montrer un gouvernement tourné vers la peuple etc.

B. La fin des fonctions :

La Constitution est assez peu claire sur ce point :


 L’article 8 déclare que le Président met fin au fonction du Gouvernement lors de la
remise de la démission du Gouvernement par le Premier Ministre
 Juridiquement le chef de l’État ne peut mettre fin aux fonctions du gouvernement, il
doit attendre la démission de son Gouvernement
o Il est contraint de composer avec, il ne peut y mettre fin

1) La démission du Premier Ministre

La Constitution ne prévoit qu’un seul et unique cas où le Premier Ministre doit


démissionner :
- Si le Premier ministre et son gouvernement ont été censuré par l’Assemblé Nationale

Pour le reste, c’est de la pratique :


 Nous allons examiner plusieurs cas de démissions, on peut relever 4 hypothèses où
les premiers ministres ont démissionné

Voyons les 4 hypothèses :


- Démission de Premier Ministre en cas de mauvaise entente avec le Président
o Édouard Philippe en 2020
o Jacques Chirac en 76 à la télévision
o Pierre Mauroy en 84
- Il est d’usage que le premier ministre remette spontanément sa démission en cas
d’échec de la politique qu’il mène et de perte des élections intermédiaires
o Le Premier Ministre va alors servir de fusible au président de la République
o Pour donner un nouveau souffle à, son action, le Premier ministre
démissionne
o Il va payer le prix de la politique qu’il a conduite mais pas déterminé

36
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 Jacques Chirac en 2005 quand il a perdu un référendum


 François Hollande en 2014

De Gaulle dans une conférence de presse le 30 janvier 1964 :


Il répond à la question de quand un premier ministre peut-il démissionner ?
 Il peut démissionner lorsque est achevée la mission pour laquelle il avait été nommé
o Michel Debré nommé entre 58 et 62 pour régler l’Algérie et la mise en place
de la Ve République
 Le Premier Ministre peut démissionner lorsque le Président n’approuve plus son
action

Voir l’enfer à Matignon sur YouTube


 Documentaire juste juridiquement

Les Premiers Ministres qui ont démissionné pour se consacrer à autres choses, ce sont
souvent des éléments secondaires de leur décision.

2) La démission des ministres :

La Constitution ne prévoit qu’un seul cas de démission obligatoire :


 Le ministre doit remettre sa démission dans la même hypothèse où le Premier
Ministre doit démissionner (en cas de censure de l’Assemblée Nationale)
o La censure ne peut porter sur un seul ministre on censure un gouvernement
c’est assez logique
o Article 49 et 50 de la Constitution

Voyons les cas où les ministres démissionnent mais sans que cela soit obligatoire.
 Un ministre va démissionner quand il est en mésentente avec le gouvernement
auquel il appartient (cas le plus fréquent)
o On l’invite alors à démissionner mais il n’est pas forcé juridiquement
o Un ministre ne peut pas se maintenir dans un gouvernement qui lui est
contraire cela nuirait à la cohésion
 Nicolas Hulot (Macron)
 Arnaud Montebourg (Hollande)
 Aurélie Filippetti (Hollande)
 Christiane Taubira (Hollande)
 Benoît Hamon (Hollande)

Un ancien ministre avait déclaré : « Un ministre ça démissionne ou ça ferme sa gueule »


Jean-Pierre Chevènement ministre de l’intérieur sous Lionel Jospin qui a claqué la porte pour
mésentente sur la gestion de la Corse.

Lorsqu’un ministre fait l’objet de poursuites judiciaires, il n’est pas obligé de démissionner
 Il lui est pourtant très difficile de rester au gouvernement
 Il est peut-être innocent mais sa position est intenable

37
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

o Cela rendrait une très mauvaise image du gouvernement


 Thomas Thevenaud
 Julien Caluzac
 François Bayrou (Macron)Emploi fictif au Modem
 Laura Flessel (Macron)Conflit d’intérêt
o Pour protéger l’intégrité du Gouvernement cela permet de calmer l’opinion

II. Le statut des membres du Gouvernement

A. La catégorisation du personnel gouvernemental

Sous la Cinquième République il existe différentes catégories de Ministre mais aucune n’est
prévu par la Constitution, c’est donc de la pratique et le statut varie d’un Gouvernement à
un autre.
Il existe 4 statuts mais un Gouvernement n’est pas obligé de comprendre les 4
D’un point de vue juridique il n’y a pas de différence réelle entre ces 4 statuts.

Le Ministre d’État :
 Le plus élevé dans le sens du protocole même si juridiquement il ne possède pas plus
de pouvoirs que ses collègues
 Le terme de Ministre d’État est sensé renvoyé à une matière renvoyant la priorité du
Gouvernement
o Ce terme permet de montrer à l’opinion que c’est important
o Nicolas Hulot nommé ministre d’État car Macron très engagé sur l’écologie
 Il dispose de sa propre administration, il assiste au Conseil des Ministres et il a
autorité sur les finances de son Ministère
Aucun rapport avec droite ou gauche, les deux formations politiques

Le Ministre :
 C’est la catégorie la plus commune dans un Ministère (2/3 sont ministres dans un
Gouvernement en général)
 Il dispose de sa propre administration, il a autorité sur les finances de son ministère
et assiste au Conseil des Ministres
 Il n’y a pas de différence de pouvoir mais dépourvu « d’État » le statut de ce ministre
est celui des affaires communes (éducation, intérieur etc.)

Le Ministre délégué :
 C’est un ministre spécialisé/technicien qui va être rattaché à un autre ministère ou au
premier Ministre
o Ministre délégué à l’enseignement supérieur au sein du ministère de
l’Éducation
 Il a les mêmes pouvoirs que ses collègues mais son administration est plus restreinte

Le secrétaire d’État :
 Attention à la différence avec les États-Unis pas le même régime
 C’est un ministre sous-spécialisé qui va être rattaché soit à un ministère délégué soit
à un ministre plein

38
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

 Son autorité est un peu plus réduite que celle de ses collègues mais il a les mêmes
pouvoirs
 Selon une pratique de la Ve République, il n’est pas dans l’obligation d’assister au
Conseil des Ministres (cela dépend des présidents)
o Sous Jacques Chirac tout le monde est au conseil des ministres
o Sous Macron, Mitterrand, Hollande ils ne sont pas conviés excepté si l’ordre
du jour les concerne
 Il va exercer ses compétences avec son ministre de tutelle même si celui-ci n’a pas de
pouvoirs sur lui (pas de pleine autorité sur lui)

Tous ces gens font partie du Gouvernement


Le Gouvernement n’est pas l’ensemble des ministres

Gouvernement : ensemble des ministres de différents statuts avec à sa tête le Premier


Ministre

B. Les incompatibilités ministérielles

Devenir membre du Gouvernement implique des sacrifices (personnels et professionnels)


La logique est simple : en 1958 le gouvernement a voulu renforcer l’autorité des ministres
face aux Parlement
Pour Michel Debré, un Gouvernement solidaire et discipliné est un Gouvernement qui se
consacre exclusivement à sa tâche.
Le Premier Ministre va donc subir de nombreuses interdictions de professions qu’il ne
pourra pas cumuler avec sa fonction de ministre

3 incompatibilités principales auxquelles les ministres sont soumis :


 Impossible d’être ministre et Parlementaire (député, sénateur et européen)
o Cette interdiction est nouvelle et propre à la Ve (article 25 et 26)
o Si un membre du Gouvernement est Parlementaire et Ministres :
 Le rapport entre Gouvernement et Parlementaire peut être
déséquilibré, influence des Parlementaires sur le Ministre
 Conflit d’intérêt entre Parlementaire et Gouvernement, impossible de
voter la censure etc. Irresponsabilité de fait
o Il y a un mois pour choisir entre ces deux postes
o Entre 1958 et 2008, si le parlementaire choisissait le poste de Ministre, il ne
récupère pas son siège après son mandat
 En 2008 c’est terminé, il récupère son siège ensuite
 On ne peut pas être Ministre et occuper un emploi public (fonctionnaire)
 L’emploi privé, on ne peut être ministre et cumuler un emploi privé, il faut se
consacrer pleinement à sa fonction de Ministre

On peut conserver une fonction d’emploi local en étant au Gouvernement


- On ne peut avoir qu’un emploi local (ministre et conseiller municipal)
- On ne peut pas cumuler notre activité de ministre avec un emploi exécutif local
o La pratique veut que depuis une vingtaine d’années on ne peut être ministre
et Président d’une région, ministre et maire etc.

39
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

C. La Responsabilité

Il faut distinguer 2 éléments :


- La responsabilité politique qui aura lieu devant le Parlement
- La responsabilité pénale et civile

La question qui se pose est la suivante : quel est le régime de responsabilité extrapolitique
des ministres sous la Ve République ?

Le ministre dispose d’un statut beaucoup moins privilégié que le Président de la République

1) Les actes des ministres étrangers à leur fonction

Les actes commis avant qu’ils soient ministres ou commis pendant leur fonction mais avant
qu’ils prennent leur fonction.
- Nicolas Hulot, deux affaires d’harcèlement sexuel une pendant et une avant

Pour ces actes, le ministre est pleinement responsable comme tout citoyen ordinaire, il ne
dispose pas d’un privilège juridique ni de privilège de juridiction
En fonction de ses actes, il sera jugé devant un juge ordinaire.

2) Les actes non-étrangers à la fonction

Les actes commis pendant et liés à sa fonction de ministre

Entre 58 et 93, les ministres étaient jugés par la même juridiction qui jugeait le président de
la République : la Haute Cour de Justice
Aucun ministre n’a été traduit devant cette Cour :
 Dans les années 80 affaire très sensible ayant impliqué 3 ministres et nécessitant une
nouvelle juridiction
 Affaire du sang contaminé
o Plusieurs patients dans les hôpitaux publics ont été contaminés par le virus du
SIDA suite à une expérimentation en matière de transfusion sanguine
o 3 ministres inculpés : Ministre de la Santé, ministre de la Solidarité et Premier
Ministre
o On se rend compte que la Cour est incapable de juger une affaire aussi grave,
on crée alors la CJR (Cour de justice de la République) article 68-1
 Une vingtaine de ministres sont passés devant cette Cour
 Agnès Buzin gestion du Covid
 Ségolène Royal diffamation envers les enseignants
 Christine Lagarde affaire Bernard Tapis
 Charles Pasquoi

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Monsieur Hollande et Monsieur Macron ont voulu supprimer cette Cour, elle n’est pas sans
défaut.

Toute personne s’estimant lésée par un crime ou un délit commis par un ministre dans le
cadre de ses fonctions peut saisir la CJR.
 Elle est composée de 15 juges, 6 députés, 6 sénateurs et 3 magistrats de la Cour de
cassation
 Il y a deux filtres avant de saisir la Cour, elle est donc peu saisie :
o La requête passe par une commission des requêtes, qui va vérifier le bien-
fondé des allégations
 7 juges : 3 de la Cour de Cassation, 2 du Conseil d’État et 2 de la Cour
des Comptes
o La commission de l’instruction composée de 3 magistrats de la Cour de
cassation qui va instruire la demande pour vérifier s’il y a lieu de saisir la Cour

Les sanctions ont souvent été très décevantes :


- Souvent relaxés
- Du sursis
- Condamnés sans peines
Aucun ministre n’a jamais eu d’amende ou de peine de prison

Depuis lors plusieurs présidents ont souhaité supprimer cette Cour


3 raisons de supprimer la Cour :
- Jugée trop favorables aux Ministres (politisation de la composition)
- Trop de filtres trop  rarement atteinte
- Sanctions très décevantes

Monsieur Hollande et Monsieur Macron veulent supprimer la Cour et que les membres du
Gouvernement soient jugés par le juge ordinaire mais en maintenant les filtres.
 Cela met fin à une apparence de privilège
 Mais rien ne dit que le problème changera dans les peines
o Il y a un problème de causalité des ministres, ils ne sont souvent pas étrangers
à l’infraction mais si les peines sont courtes c’est pour leur lien éloigné avec
l’infraction
Changer la CJR peut être une bonne idée mais les juges ne seront pas plus traduits

Chapitre 2 : les fonctions gouvernementales

Juridiquement, les membres du gouvernement quelque soit leur rang protocolaire disposent
des mêmes pouvoirs juridiques. En effet notre Constitution ne confère pas aux ministres des
pouvoirs différents, ils sont placés sur un même pied d’égalité en terme de pouvoirs.
Il y a des ministres plus médiatiques que d’autres, plus de responsabilités etc.

Comment la Constitution définit-elle et organise-t-elle les pouvoirs du Gouvernement ?

41
Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

I. La variation des attributions gouvernementales :

Juridiquement il n’y a pas de différences entre les pouvoirs des ministres excepté entre le
chef du gouvernement et les membres du Gouvernement. Mais entre les différents
ministres, il n’y en a pas.
Le Premier Ministre se distingue au sein des membres du Gouvernement car non seulement
il se distingue au niveau personnel des autres ministres et il dispose en tant que membre du
Gouvernement des pouvoirs de ministres.
Il a les deux.

A. Les attributions du Premier Ministre.

A plusieurs égards, le Premier Ministre apparaît bien plus puissant que le chef de l’État
même si il n’est pas élu par les français.
En effet quand on étudie les pouvoirs du premier ministre on se rend compte qu’ils sont bien
plus importants au niveau politique que le chef de l’état qui a plus de pouvoir sur la nation.

Les pouvoirs sont loin d’être insignifiant, raison pour laquelle le Président est grandement
dépendant de son Premier ministre dont il a besoin pour agir auprès des Français.
 Les pouvoirs du Premier Ministre sont bien plus présents auprès des Français

Les pouvoirs du Premier Ministre dont il est le seul à disposer, 2 sortes de pouvoirs dont
dispose le premier Ministre :

Certains pouvoirs vont être utiliser vis-à-vis du Président de la République afin que ce
dernier puisse les exercer :
 C’est le Premier Ministre qui propose les membres du Gouvernement au Président
o En cohabitation, le président est contraint d’accepter la proposition du
Ministre
 Lorsque le Président veut dissoudre l’Assemblée nationale, il doit consulter le
Premier Ministre.
 Lorsque le Président veut réviser la Constitution, c’est le Premier Ministre qui lui fait
la proposition.
Pour exercer de nombreux pouvoirs qu’il possède le Président a besoin de son Premier
Ministre.

Les pouvoirs du Premier Ministre à l’encontre du Parlement et de la Nation :


 Le Premier dispose d’un pouvoir dont il est le seul à disposer au sein du pouvoir
exécutif en France
o Il peut proposer la loi, article 39 on appelle cela un projet de loi
o Tous les projets de loi sont déposés au nom du Premier Ministre
 Loi Taubira, Loi Badinter, Loi Veil etc. n’ont pas été proposé par les
intéressés, ils les ont défendus
 Pour remercier le Ministre d’avoir endossé l’opposition et l’opinion
public, on le récompense avec son nom dans sa loi
 Le Premier Ministre est le seul à pouvoir engager la confiance de son Gouvernement,
avec le risque d’être renversé

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

o Article 49 alinéa 1 : Le Premier Ministre peut engager la confiance de son


Gouvernement sur son programme ou la politique générale qui l’entend
mener.
 Aucun Ministre jamais renversé par ce processus
o Article 49 alinéa 3 : Il a été utilisé plus de 80 fois depuis 1958, tous premiers
ministres n’en ont pas fait usage. Le Premier Ministre peut engager la
confiance de son Gouvernement sur un texte, L’assemblée a alors le choix :
soit elle vote le texte et le Gouvernement reste soit elle le refuse et il
démissionne
 Le Parlement n’est pas « pris de court », Le Sénat continue de faire son
boulot, les commissions continuent leur travail et il y a un vote.
 Jusqu’en 2008, utilisable de manière illimitée (Michel Rocard utilisé
plus de 20 fois en 3 ans), depuis 2008, le Premier Ministre ne peut
l’utiliser 2 fois par an, soit sur un texte de finance soit un autre texte
une fois dans la session.
 Il dispose du Pouvoir de saisir le Conseil Constitutionnel au même titre que le
Président
 Lorsque 2 chambres ne sont pas d’accord sur un texte, il peut réunir une commission
restreinte pour qu’elle trouve un accord, la Commission Mixte Paritaire (CMP)

Troisième bloc de compétence du Premier Ministre à l’égard de la Nation, il a deux


responsabilités :
 Il est le chef de l’administration française, (10 millions de personnes dont 5 millions
de fonctionnaires)
o À ce titre il va disposer du pouvoir de prendre des actes administratifs, c’est le
pouvoir règlementaire
o C’est un pouvoir règlementaire d’exécution dont seul dispose le Premier
Ministre, il prend des actes administratifs qui vont exécuter la loi :
 En préciser le contour, l’étendue
 Déterminer les aspects techniques
 Préciser l’application
 Préciser la loi
 Loi Taubira : c’est le Premier Ministre qui précise les conditions
d’adoptions, la nouvelle formulation en mairie, etc.
o Une loi est très vague il y a besoin de précisions pour pouvoir l’appliquer
 Le pouvoir règlementaire autonome c’est le pouvoir de prendre des actes
administratifs en vue de ne pas préciser la loi (autonome comme autonome à la loi)
o En France 2 domaines : celui de la loi et du règlement, le domaine de la loi
peut intervenir (article 34), tout ce qui ne relève pas de la loi, relève du
Gouvernement (article 37)
 Les contraventions civiles, les règles du procès pénal, administratifs
etc. sont du domaine du Premier Ministre.

Au titre de l’article 21, il est le seul à pouvoir exécuter la loi.


(ATTENTION, le Président promulgue ce n’est pas pareil)

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Le Parlement adopte la loi, le Président la met en vigueur en la promulguant et ensuite la loi


et exécutée par le Premier Ministre.
- Pour que la loi soit appliquée, c’est le Premier Ministre qui gère

Le Premier Ministre est responsable de la Défense Nationale


 Même si le Président est chef des armées, c’est le Premier Ministre qui va assumer la
responsabilité politique des opérations militaires décidées par le Président.

B. Les pouvoirs du Gouvernement :

Pouvoir du Gouvernement = l’ensemble des pouvoirs de l’ensemble des ministres, premier


Ministre inclus
Ce sont des pouvoirs exercés en collectif, par concertation collective et réunions fréquentes.

Les pouvoirs du Gouvernement ne sont pas très nombreux et ont un principal destinataire :
le Parlement

LE GOUVERNEMENT N’A PAS L’INITIATIVE DE LA LOI, mais il va intervenir dans toutes les
étapes de l’élaboration de la loi.
 Il va choisir la chambre qui connaîtra en premier le texte
o 2 cas où il n’a pas le choix : les textes de finances sont toujours déposés en
premier devant l’Assemblée nationale et les textes relatifs aux collectivités
locales, priorité donnée au Sénat (depuis 2003)
 Le Gouvernement a libre accès dans les deux chambres et est entendu quand il le
demande, un banc lui est réservé dans les Chambres
 Le Gouvernement dispose du pouvoir de modifier la loi : l’amendement article 44
o Ce pouvoir s’exerce en commission restreinte et en séance plénière
(l’hémicycle)
o Le Gouvernement a les moyens juridiques de limiter le droit d’amendement
des Parlementaires (qui l’ont aussi)
 Les Parlementaires ne peuvent pas proposer d’amendements qui
augmentent les dépenses de l’État (Article 40)
 Le « vote bloqué », ce n’est pas une expression de la Constitution mais
elle figure dans l’article 44 alinéa 3
 Lorsque le Gouvernement utilise le vote bloqué, ne vont être
discutés et votés que les amendements où le Gouvernement a
donné un avis favorable
 Quand le Gouvernement utilise le 49 alinéa 3, les amendements ne
sont pas votés
 Le Gouvernement contrôle l’ordre du jour des chambres, le calendrier de travail des
chambres, l’agenda qui comporte les jours et les sujets qui seront discutés. (Celui du
Sénat et de l’Assemblée)
o 1958-1995 : Le Gouvernement avait l’entière maîtrise de l’ordre du jour des
chambres, c’était une volonté de Michel Debré emprunté au Royaume-Uni,
l’objectif étant que le Gouvernement gouverne
o 1995 -2008 : Le Gouvernement conserve la maîtrise de l’ordre du jour mais
une séance par mois, le Parlement choisi librement ses sujets

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

o 2008-Aujourd’hui : Il y a une parité égalitaire entre Gouvernement et le


Parlement. 2 semaines sont réservées au Parlement et 2 semaines sont
réservées au Parlement.
 Sur ces 2 semaines le Parlement doit en consacrer une au contrôle du
Gouvernement
 1 séance par mois est réservée à l’opposition
o Monsieur Macron a souhaité mettre fin à ce système égalitaire, il a constaté
que pendant 2 semaines il ne pouvait imposer aux chambres sa volonté et a
souhaité revenir à l’ancien système : celui de 1958 à 1995.

 Le Gouvernement contrôle la navette parlementaire, article 45


o Le Gouvernement a le pouvoir d’accélérer le débat, en France la loi doit être
votée dans les mêmes termes entre les deux assemblées, le Gouvernement a
les moyens d’accélérer la navette.
o Il peut par exemple décider que le texte ne sera voté qu’une seule fois par
chambre (la procédure accélérée, très critiquée), le Premier Ministre peut
réunir la CMP pour régler le conflit entre les chambres
 Si la CMP n’a pas trouvé d’accord, le Gouvernement peut demander à
l’Assemblée nationale
o Depuis 1958, environ 1 texte sur 10 qui a fait l’objet d’un dernier mot

Le Gouvernement est omniprésent dans l’élaboration de la loi en raison du Parlementarisme


rationalisé.
Les rédacteurs de 1958, voulaient que le Gouvernement soit renforcé et ce renforcement ne
pouvait passer que par une hausse des pouvoirs du Gouvernement dans l’élaboration de la
loi.
85% des textes votés en France émanent du gouvernement aujourd’hui.
Il est incontestablement le premier législateur de France. Le Parlement légifère sous le
contrôle du Gouvernement.

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

Partie 3 : Le Parlement
Chapitre 1 : L’organisation rigidifiée du Parlement
I. Les propriétés juridiques du mandat parlementaires
A. Le mandat représentatif :

La Ve République a maintenu un principe qui a toujours existé depuis la Révolution, c’est le


mandat représentatif.
Cela signifie que le Parlement ou plus exactement ses membres représentent la Nation.
Nos députés et nos sénateurs sont élus au suffrage universel par les français dans un
territoire donné mais juridiquement il ne représente ni le peuple, ni le territoire. Ils ont un
mandat représentatif et non pas un mandat impératif. Article 27 de la Constitution.
La Nation ce n’est pas qqn c’est une notion abstraite qui englobe les personnes décédées, les
personnes qui ont voté pour lui ceux qui n’ont pas voté etc.

Juridiquement, les élus ne peuvent pas destituer l’élu.


Cela se fait dans les systèmes communistes : l’électeur dispose d’un pouvoir de révocation
de l’élu.
Cela se fait dans certains états américains :
 Les californiens ont révoqué l’ancien gouverneur de la Californie pour élire Arnold
Schwarzenegger
 Zemmour et Lepen sont favorables a un système où l’on pourrait destituer l’élu

Depuis la Révolution nous avons toujours eu un mandat représentatif.

B. La protection du mandat des parlementaires :

Les Parlementaires sont bien moins protégés que le Président et les membres du
Gouvernement.
Ils sont responsables et ne bénéficient pas d’une juridiction particulière qui vont les juger.
Ils sont strictement protégé : article 26 de la Constitution.

Ils ne sont protégés que pour les seuls propos, écrits et attitudes accomplis dans leur
fonction et en rapport avec leur fonction.
Exemples : Mélenchon déclare haut et fort « La République c’est moi », heurts avec la police
après perquisition et suspicion d’emploi fictif
Il est assigné en justice et invoque son statut de Parlementaire, il dit que c’était son travail
de député de s’interposer entre le police
 Évidemment rejeté, c’est vraiment que ce qui se rapporte strictement à la fonction
de Parlementaire

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Droit de la Ve République – Baptiste MATRAT

L’Assemblée nationale : pleins de députés ont été assigné devant la justice pour harcèlement
de leur collaborateur
 Faits ayant eu lieu à l’Assemblée, sur des Parlementaires dans le cadre du travail
parlementaire
 Evidemment rejeté de tels faits sont détachables de la fonction
 Pareil pour les commentaires misogynes ou les insultes

En 1940 le maréchal Pétain est devenu chef de l’État après que des députés lui aient voté la
confiance. Des procès ont été tentés après la Révolution mais l’immunité a été retenue car
c’était pendant leur fonction.

II. L’acquisition élective du mandat parlementaire

A. L’Élection législative sous la 5e République

Le Parlement français comprend 2 chambres et elles sont toutes deux élues au suffrage
universel mais le procédé de désignation diffère :
- Ils sont élus pour 5 ans et le renouvellement est intégral
- Actuellement 577 députés au suffrage universel direct
o Macron pense que c’est trop mais non il est trop con lol
 RU et Allemagne : + de 600
 USA : 415 MAIS mini parlement dans chaque état

L’élection des sénateurs :


- Ils sont élus pour 6 ans, il en a 348
- Tous les 3 ans, la moitié du Sénat est renouvelé
- Ils sont élus après un collège restreint de 150 000 personnes
o Ce sont les mêmes qui à l’époque élisaient le Président
o Les délégués des communes
o Les représentants des départements et des régions
- Pour être sénateur il faut avoir minimum 30 ans

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