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Année universitaire 2022-2023

Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 2 Groupe 4


Droit constitutionnel
Cours du Professeur Stéphane MOUTON
Équipe pédagogique : Adiouma BA, Clothilde COMBES, Matthieu RABAGLIA, Camille RICHARD,
Claire THURIES

THÈME 3 - LA PRÉSIDENTIALISATION DE LA VÈME RÉPUBLIQUE

DOCUMENTS

• Document 1 : Article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958


• Document 2 : Philippe ARDANT, « L’article 5 et la fonction présidentielle », Pouvoirs, n° 41,
1987, pp. 37-62
• Document 3 : Discours de Charles DE GAULLE sur l’élection du Président au suffrage
universel, prononcé le 18 octobre 1962
• Document 4 : Articles 67 et 68 de la Constitution du 4 octobre 1958
• Document 5 : Déclarations et commentaires des présidents de la Vème République
• Document 6 : Extraits de « Une Vème République plus démocratique », Comité de réflexion
et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème
République présidée par M. Édouard BALLADUR

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

• Titres II et III de la Constitution du 4 octobre 1958


• Articles 1 et 2 de la Constitution des États-Unis
• Arrêt de la Cour Suprême des États-Unis Immigration and Naturalization Service v. Chadha 462
U.S. 919 (1983), voir commentaire Élisabeth ZOLLER, Les Grands arrêts de la Cour suprême des
États-Unis, Paris, Dalloz, 2010, p. 515-540 et Luc ROUBAN, « L’inconstitutionnalité du véto

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législatif aux États-Unis : bouleversement ou rééquilibrage des pouvoirs ? », RDP 1984,
pp. 949-970
• Boris MIRKINE-GUETZÉVITCH, « Les nouvelles tendances du droit constitutionnel », RDP
1928, lire notamment pp. 16-24
• Michel DEBRÉ, Discours devant le Conseil d’État du 27 août 1958
• Charles DE GAULLE, Discours prononcé place de la République à Paris le 4 septembre 1958
• « Le Président », Pouvoirs, n° 41, 1987
• François MITTERRAND, Allocution du 19 avril 1995 prononcée à l’occasion de
l’inauguration de l’exposition permanente consacrée à l’institution parlementaire (Château
de Versailles, locaux du Congrès)
• Jean MASSOT, « Quinquennat et présidentialisation », L’esprit des institutions, l’équilibre des
pouvoirs. Mélanges en l’honneur de Pierre PACTET, Paris, Dalloz, 2003, p. 703
• « Une Vème République plus démocratique », Comité de réflexion et de proposition sur la
modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République présidé par M.
Édouard BALLADUR, 5 mars 2009
• « Pour un renouveau démocratique », Rapport de la Commission de rénovation et de
déontologie de la vie publique présidée par M. Lionel JOSPIN, 9 novembre 2012
• Revue Pouvoirs, « Les primaires », n° 154, septembre 2015
• Nolwenn DUCLOS, « Faire avaler un bifteck à un ruminant. À propos de
l’institutionnalisation des primaires en France », RFDC 2016, pp. 851-864
• Pierre AVRIL, « Le Conseil constitutionnel est-il toujours le bras armé du gouvernement
dans le parlementarisme rationalisé ? », Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 2016,
n° 50, pp. 39-49
• Julie BENETTI, Gérald SUTTER, « Le parlementarisme après la révision constitutionnelle de
2008 : tout changer pour ne rien changer ? », Politeia, n° 15, 2009, pp. 367-386
• Gérald SUTTER, « La revalorisation de l’institution parlementaire : réalité ou fiction ? »,
Politeia, n° 23, 2013, pp. 201-216

EXERCICE

COMMENTAIRE DE TEXTE : Vous commenterez l’extrait du Rapport du Comité de réflexion


et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République
présidé par M. Edouard BALLADUR (document 6).

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Document 1 : Article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958

« Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage,


le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »

Proposition de révision de l’article 5 par le « Comité Balladur » :

« Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le


fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.
Il définit la politique de la nation. »

Document 2 : Philippe ARDANT, « L’article 5 et la fonction présidentielle », Pouvoirs,


n° 41, 1987, pp. 37-62

« Étrange destin que celui de l'article 5 de la Constitution de 1958 : négligé, travesti, bafoué, il est
pourtant essentiel. Placé en tête du Titre consacré au Président de la République, il vient avant
l'exposé de son statut et de ses attributions, il ne lui confère ni compétences concrètes ni obligations
précises, il ne fait qu'énoncer des devoirs sans portée juridique immédiate, il définit la fonction
présidentielle. Dans son principe même, l'article 5 représente ainsi une innovation remarquable
dans l'histoire constitutionnelle française : jamais encore depuis 1791 le Constituant n'avait jugé
utile d'ouvrir sur un frontispice comparable l'énoncé des dispositions concernant une institution,
pas plus qu'il ne s'était attaché dans le corps du texte à donner des indications aussi générales sur
son rôle.
Pourquoi avoir rompu avec la tradition ? Même si la réponse n'est pas dans ce que l'on connaît
des travaux préparatoires de la Constitution, il apparaît que la volonté de conférer au chef de
l'Etat des pouvoirs réels dans l'exécutif bicéphale mis en place en 1958 a imposé comme une
nécessité la définition des rôles et l'existence d'une clé pour régler entre le Président et le
Premier ministre les conflits de frontières, entraînés par les lacunes et imprécisions du texte
que les circonstances ne manqueraient pas de révéler. »

Document 3 : Discours de Charles DE GAULLE sur l’élection du Président au suffrage


universel, prononcé le 18 octobre 1962

Françaises, Français !

Le 28 octobre, ce que vous allez répondre à ce que je vous demande engagera le destin de
la France. J'ai le devoir de vous dire pourquoi.

Tout le monde sait qu'en adoptant, sur ma proposition, la Constitution de 1958, notre
peuple a condamné, à une immense majorité, le régime désastreux qui livrait la République à la
discrétion des partis et, une fois de plus, avait failli jeter la France au gouffre. Tout le monde
sait que, par le même vote, notre peuple a institué un Président, chef de l'État, guide de la
France, clef de voûte des institutions, et a consacré le référendum qui permet au Président de

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soumettre directement au pays ce qui peut être essentiel. Tout le monde sait, qu'en même
temps, notre peuple m'a fait confiance pour régler, avec mon gouvernement, les lourds
problèmes devant lesquels venait de s'effondrer le système de la décadence : menace immédiate
de faillite, absurde conflit algérien, danger grave d'opposition entre la nation et son armée,
abaissement de la France au milieu d'un monde qui lui était, alors, malveillant ou méprisant.

Cette mission, si j'ai pu, jusqu'à présent, la remplir, c'est tout d'abord parce que j'étais sûr
que vous m'en approuviez. Mais c'est aussi parce que nos institutions nouvelles me donnaient
les moyens de faire ce qu'il fallait. Ainsi ai-je pu, pendant quatre années, sans altérer les droits
des citoyens ni les libertés publiques, assurer la conduite du pays vers le progrès, la prospérité,
la grandeur, étouffer à mesure les menaces criminelles qui se dressaient contre l'État et
empêcher le retour aux vices du régime condamné.
Comme la preuve est ainsi faite de la valeur d'une Constitution qui veut que l'État ait une tête
et comme, depuis que je joue ce rôle, personne n'a jamais pensé que le président de la
République était là pour autre chose, je crois, en toute conscience, que le peuple français doit
marquer maintenant par un vote solennel qu'il veut qu'il en soit ainsi, aujourd'hui, demain et
plus tard. Je crois que c'est, pour lui, le moment d'en décider, car, autrement, les attentats qui
ont été perpétrés et ceux qui sont préparés font voir que ma disparition risquerait de replonger
la France dans la confusion de naguère et, bientôt, dans la catastrophe. Bref, je crois que, quoi
qu'il arrive, la nation doit avoir, désormais, le moyen de choisir elle-même son Président à qui
cette investiture directe pourra donner la force et l'obligation d'être le guide de la France et le
garant de l'État.
C'est pourquoi, Françaises, Français, m'appuyant sur notre Constitution, usant du droit qu'elle
me donne formellement de proposer au peuple souverain, par voie de référendum, tout projet
de loi qui porte sur l'organisation des pouvoirs publics, mesurant, mieux que jamais, la
responsabilité historique qui m'incombe à l'égard de la patrie, je vous demande, tout
simplement, de décider que dorénavant vous élirez votre Président au suffrage universel.

Si votre réponse est : "Non" ! comme le voudraient tous les anciens partis afin de rétablir
leur régime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, ou même
si la majorité des "Oui" ! est faible, médiocre, aléatoire, il est bien évident que ma tâche sera
terminée aussitôt et sans retour. Car, que pourrais-je faire, ensuite, sans la confiance chaleureuse
de la Nation ?

Mais si, comme je l'espère, comme je le crois, comme j'en suis sûr, vous me répondez
"Oui" ! une fois de plus et en masse, alors me voilà confirmé par vous toutes et par vous tous
dans la charge que je porte ! Voilà le pays fixé, la République assurée et l'horizon dégagé ! Voilà
le monde décidément certain du grand avenir de la France !

Vive la République !
Vive la France !

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Document 4 : Articles 67 et 68 de la Constitution du 4 octobre 1958

Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité,
sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.
Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative
française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte
d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est
suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou
engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

ARTICLE 68

Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs
manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le
Parlement constitué en Haute Cour (…).

Document 5 : Déclarations et commentaires des présidents de la Vème République

« C'est donc du chef de l'État, placé au-dessus des partis, élu par un collège qui englobe le
Parlement mais beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui le président de l'Union
française en même temps que celui de la République, que doit procéder le pouvoir exécutif.
Au chef de l'État la charge d'accorder l'intérêt général quant au choix des hommes avec
l'orientation qui se dégage du Parlement. À lui la mission de nommer les ministres et, d'abord,
bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du Gouvernement. Au chef
de l'État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets, car c'est envers l'État tout
entier que ceux-ci et celles-là engagent les citoyens. À lui la tâche de présider les Conseils du
Gouvernement et d'y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas.
À lui l'attribution de servir d'arbitre au-dessus des contingences politiques, soit normalement
par le conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître
par des élections sa décision souveraine. À lui, s'il devait arriver que la patrie fût en péril, le
devoir d'être le garant de l'indépendance nationale et des traités conclus par la France. »
Charles DE GAULLE, Discours de Bayeux, 16 juin 1946, extrait.

« Ainsi les rapports entre exécutif et législatif deviennent essentiellement les rapports entre
Gouvernement et majorité. Mais n’est-ce pas précisément ce qui se passe dans un régime
parlementaire classique, tel le régime anglais ? C’est par là que notre régime, présidentiel par
l’élection du chef de l’Etat et par son rôle déterminant dans l’Exécutif, reste en même temps
parlementaire. Encore une fois, régime composite, régime intermédiaire c’est vrai. Mais nous
avons connu les méfaits du pur régime d’Assemblée, c’est-à-dire l’impuissance, et il n’est pas
prouvé que le régime présidentiel pur ne recèle pas en lui des risques aussi graves, par l’absence
de solutions normales aux conflits de pouvoirs. »

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Georges POMPIDOU, Le nœud gordien, Plon, 1974, Extrait, p 60 et s.

« Il n’y a donc pas un problème permanent des institutions en France. Mais il y a un problème
de l’évolution des institutions et vous savez qu’à l’heure actuelle notre régime, la Vème
République, modifié par le référendum de 1962, est un régime présidentialiste, c’est-à-dire un
régime dans lequel les attributions du Président de la République, concernant l’impulsion de la
politique, sont des attributions très importantes. C’est un régime qui n’est pas présidentiel parce
qu’il existe, au sein de notre régime constitutionnel, les pouvoirs propres du Parlement qui lui
permettent de remettre en cause, par la voie de la motion de censure, l’orientation de la
politique qui est suivie par le Gouvernement nommé par le Président de la République. Je ne
me propose nullement, dans les circonstances actuelles, de modifier cet état des choses. Mon
interprétation est l’interprétation présidentialiste de nos institutions, mais dans le cadre des
textes suivants. »
Valéry GISCARD D’ESTAING, Réunion de presse, 25 juillet 1974

« Qu’est-ce que la cohabitation ? Je suppose que vous ne voulez pas d’un Président ectoplasme,
eh bien, moi non plus. Je crois vraiment que la France a besoin d’un Président qui préside dans
tous les domaines qui sont les siens. […]
De toute manière, c’est une bonne chose que le Gouvernement soit pleinement responsable
des actes du Gouvernement, que le Président soit responsable de ce que je viens de dire, et que
le Parlement retrouve une large part d’autorité qu’il devait avoir dans la confection, l’élaboration
et le vote de la loi. Alors chaque chose sera en place et cela marchera mieux. »
François MITTERRAND, Entretien télévisé, 17 septembre 1987

« La Constitution de la Vème République, après presque tente-sept and d’existence, a témoigné


de ses vertus. Si l’on excepte la IIIème République, c’est le dispositif institutionnel qui, depuis
1789, a offert le cadre le plus long de notre vie publique.
Cette durée, cette permanence, l’adhésion qu’elles suscitent auprès des Français, nos
institutions les doivent à l’organisation originale et équilibrée des pouvoirs, voulue par le
Général DE GAULLE. Le Président de la République incarne la continuité du pays, le
Gouvernement conduit la politique de la nation, le Parlement, expression politique du suffrage
universel, légifère, contrôle et débat des grandes orientations de la nation. »
Jacques CHIRAC, Message au Parlement, 19 mai 1995

« La Vème République a sauvé la République. Elle a permis enfin que le chef de l’Etat en soit
un, que le gouvernement gouverne, que le Parlement légifère. Elle a permis que dans les
circonstances les plus graves les décisions qui devaient être prises soient prises. Elle a permis
de surmonter la crise algérienne et celle de mai 68. Elle a permis l’alternance sans drame. Elle
a supporté la cohabitation sans blocage. Elle a permis qu’en toute circonstance la France soit
gouvernée.
Elle a permis que dans tous les domaines il y ait enfin véritablement une politique […]. Je suis
pour que les institutions permettent à la volonté politique de s’exprimer parce que je veux que

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la France soit gouvernée. Parce que si le gouvernement ne peut pas gouverner, la France ne
pourra pas se réformer […]. »
Nicolas SARKOZY, Discours prononcé à Épinal, 12 juillet 2007, extrait

« Moi Président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les
parlementaires de la majorité à l’Elysée.
Moi Président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur.
Moi Président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fonds pour mon propre
parti, dans un hôtel parisien.
Moi Président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante, je ne
nommerai pas les membres du parquet alors que l’avis du Conseil supérieur de la magistrature
n’a pas été dans ce sens. […]
Moi Président de la République, j’aurai aussi à cœur de ne pas avoir un statut pénal du chef de
l’Etat ; je le ferai réformer, de façon à ce que si des actes antérieurs à ma prise de fonction
venaient à être contestés, je puisse dans certaines conditions me rendre à la convocation de tel
ou tel magistrat ou m’expliquer devant un certain nombre d’instances. »
François HOLLANDE, Débat d’entre-deux tours de l’élection présidentielle, 2
mai 2012, extrait

« [...] François Hollande ne croit pas au "président jupitérien". Il considère que le Président est
devenu un émetteur comme un autre dans la sphère politico-médiatique. Pour ma part, je ne
crois pas au président "normal". Les Français n'attendent pas cela. Au contraire, un tel concept
les déstabilise, les insécurise. Pour moi, la fonction présidentielle dans la France démocratique
contemporaine doit être exercée par quelqu'un qui, sans estimer être la source de toute chose,
doit conduire la société à force de convictions, d'actions et donner un sens clair à sa démarche.

La France, contrairement à l'Allemagne par exemple, n'est pas un pays qui puise sa fierté
nationale dans l'application des procédures et leur respect. Le patriotisme constitutionnel
n'existe pas en tant que tel. Les Français, peuple politique, veulent quelque chose de plus. De
là l'ambiguïté fondamentale de la fonction présidentielle qui, dans notre système institutionnel,
a partie liée avec le traumatisme monarchique. C'est bien pourquoi le Président de la
République, dans notre représentation collective, ne peut être tout à fait "normal". Quand il le
devient, nous courons un risque politique et institutionnel, mais aussi un risque psychologique
collectif, et même un risque pour l'efficacité de l'action. Le peuple français, collectif et politique,
peut se retourner très vite parce qu'il est en attente d'un discours qui donne à la fois du sens et
des perspectives. [...] »
Emmanuel MACRON, Entretien, Challenges.fr, 16 octobre 2016, extrait

Document 6 : Extraits de « Une Vème République plus démocratique », Comité de


réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de
la Vème République présidée par M. Édouard BALLADUR

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À la vérité, il n’existe, en théorie, que deux solutions aux difficultés qui viennent d’être
évoquées. Soit opter pour un régime purement parlementaire dans lequel la réalité et la totalité
du pouvoir exécutif appartiennent au Premier ministre, mais l’élection du chef de l’Etat au
suffrage universel direct y fait obstacle dès lors que la Constitution lui confère des attributions
qui ne sont pas exclusivement de pur arbitrage. Soit opter pour un régime de nature
présidentielle. Certains des membres du Comité se sont déclarés favorables à une telle
évolution. Mais eux-mêmes ont dû constater qu’il faudrait alors supprimer le droit de
dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, reconnaître à ce dernier
un droit de veto sur les lois adoptées par le Parlement et développer une culture du compromis
qui n’est pas toujours conforme aux traditions politiques de notre pays. Ils ont, par ailleurs,
relevé qu’aucune des principales forces politiques n’est favorable à un tel régime et que celui-ci
ne garantit pas, par lui-même, contre tout risque de conflit entre les pouvoirs législatif et
exécutif.

En d’autres termes, le Comité a pris acte du fait que, tant que coexistent, en France,
deux sources de légitimité, l’une présidentielle, issue de l’élection du chef de l’Etat au suffrage
universel, l’autre parlementaire, issue de l’élection des députés au suffrage universel, on ne
pouvait sérieusement imaginer d’éliminer, en fait, la possibilité d’une divergence d’orientation
politique entre le chef de l’Etat et la majorité de l’Assemblée nationale. La concomitance du
calendrier des élections présidentielles et législatives est en effet impossible à garantir dès lors
que le Président de la République peut démissionner, décéder ou dissoudre l’Assemblée
nationale. En outre, cette concomitance n’empêche pas par elle-même le peuple souverain
d’opérer des choix politiques différents selon qu’il s’agit d’élire le chef de l’Etat ou les députés.
D’ailleurs, ce risque de divergence entre l’orientation politique du pouvoir exécutif et du
pouvoir législatif existe aussi bien dans le système présidentiel américain que dans les
institutions de la Ve République. Mais il n’y emporte pas les mêmes conséquences. Aux Etats-
Unis, cette divergence ne met pas en cause l’unité du pouvoir exécutif, qui demeure entre les
mains du seul Président. En France et sous la Ve République, elle met au grand jour la dyarchie
qui, quoi qu’on dise, existe au sein du pouvoir exécutif et y introduit la division.

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