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CHAPITRE PRELIMINAIRE 

: LA MISE EN PLACE DE LA Vème REPUBLIQUE. RELEXIONS SUR


LA CONSTITUTION DE 1958

L’origine de la Vème République se trouve dans l’échec de la IVème République. La Vème


République est ainsi une réaction aux IIIème et IVème République. Cette réaction est d’autant plus
remarquable qu’elle va trancher avec la tradition parlementaire qu’a connu la France depuis la IIIème
République, née en 1875 (on ne prend pas en compte le régime de vichy- 10 juillet1940/20
août1944-), mais également qu’elle va trancher avec l’évolution que connaissent les démocraties
Européennes à cette même époque.
La remise en cause du modèle parlementaire s’explique par l’incapacité pour ces régimes de faire
véritablement face à des crises majeures. Pour la IIIème République, ce sera le second conflit mondial
qui révélera toute son impuissance et, pour, la IVème République qui fonctionne à l’identique, ce sera
la crise algérienne.
La Constitution de 1946 connaissait une très forte instabilité gouvernementale (24 gouvernements en
12 années d’existence), ce qui rendait impossible d’aborder de front les problèmes de première
importance. De plus, les coalitions au pouvoir relevaient plus d’accords purement politiques que de la
rencontre de convictions convergentes ; dès lors, vouloir traiter ce type de problèmes aurait fait éclater
au grand jour leurs graves divergences. Les partis politiques qui s’alliaient vivaient donc dans
l’ambigüité la plus totale. Certes, ces partis du centre étaient cernés sur leur gauche et sur leur droite
par d’importantes minorités parlementaires clairement hostiles au régime de la IVème République,
mais, s’ils s’opposaient sur bien des sujets, il en était un qui les rapprochait : le maintien de la
Constitution de 1946.
Le point de bascule sera la guerre d’Algérie. Depuis 1954 la France s’enlise dans ce conflit et chaque
parti y va de sa solution. Pour les uns, assimilation complète de l’Algérie à la France (pour les
Indépendants et certains Radicaux), pour les Socialistes il fallait une pacification, des élections libres
et des négociations avec les élus algériens alors que le MRP préconisait des négociations avec les
rebelles du FLN. Finalement, les différents partis n’étaient d’accord entre eux que pour poursuivre la
guerre, le temps de se forger une conviction en la matière. Afin de s’assurer que la situation soit bien
neutralisée par l’absence de toute initiative de quelque parti que ce soit, la direction de la politique
algérienne relevait de six ministères ou secrétariats d’Etat différents et tous détenus par des
représentants de partis différends ! Si à l’origine, il revenait au Président du Conseil de coordonner
l’action gouvernementale, la pratique de la IVème République révélait l’absence d’autorité du chef du
gouvernement sur ce sujet. Il n’y avait donc pas une politique algérienne suivie mais des politiques
spécifiques à chaque ministre ; le résultat est naturellement un désordre qui touche en premier,
l’armée qui, sur le terrain, ne sait pas quelle conduite à tenir. De même la population civile se rend
bien compte de l’absence de cap clair du gouvernement.
C’est ainsi que le 8 février 1958, l’armée, pensant être soutenue par le ministre de l’Algérie (résidant
en Algérie), lance une opération aérienne en Tunisie au dessus du village de Sakiet –et ce
contrairement aux ordres venus de Paris- ce dernier réputé servir de base arrière pour les rebelles
algériens. Ce bombardement fera 70 morts dans la population civile. Pour éviter que cette opération
ne soit considérée comme un acte de guerre et non plus comme une simple opération de maintien de
l’ordre, le gouvernement de Félix Gaillard accepte l’envoi d’une mission anglo-américaine sur place.
Mais le gouvernement tombe et, dans l’attente de la constitution d’un nouveau gouvernement,
plusieurs complots activistes s’organisent afin de mettre un terme au régime. Parmi ces complots, il y
a un complot gaulliste. Les gaullistes prônent le retour du Général qui apparait comme étant le seul
recours possible dans cette situation, mais ils ne veulent pas que son retour soit lié à un quelconque
coup de force. D’autres activistes ont également cette volonté d’en finir avec la IVème République
mais ne disposent pas de chef de file. Toute la question est de savoir de quelle manière l’ensemble de
ces activistes peut se rassembler derrière le Général de Gaulle.
La crise gouvernementale touche à sa fin avec la nomination de Pierre Pflimlin (MRP, favorable à des
négociations avec le FLN). Or, dans le même temps, les activistes déclenchent à Alger le 13 mai 1958
une grande manifestation qui conduit à l’occupation du siège du Gouvernement Général. L’armée se
range aux côtés des manifestants et constitue avec eux un comité de salut public présidé par le
général Salan, commandant en chef en Algérie. L’armée se dresse ainsi face au pouvoir politique
mais ce dernier ne reconnait pas la rébellion et investit l’armée des pleins pouvoirs  : le général Salan
est ainsi à la fois le chef de l’insurrection et le responsable officiel de l’ordre public au non du
gouvernement.
Dès le 15 mai, les gaullistes obligent le général Salan (lui qui n’était pas activiste) à demander le
retour du général de Gaulle, seul personnage politique ayant à la fois la confiance des citoyens mais
aussi et surtout ayant une grande légitimité auprès de l’armée, très attachée à sa personne et pour qui
la classe politique est complètement discréditée. Le jour même, le général de Gaulle, annonce qu’il
est prêt « à assumer les pouvoirs de la République », ce qu’il confirme le 19 mai dans une conférence
de presse. Des négociations s’engagent alors avec les principaux leaders politiques.
Mais le mouvement insurrectionnel continue de gronder ; en Corse les forces de maintien de l’ordre se
laissent désarmer par les activistes et le plan « Résurrection » prévoyant le largage de parachutistes
sur les aéroports parisiens est déclenché mais ajourné plusieurs fois à la demande du général de
Gaulle. On le voit, la pression est très importante et il en va de l’avenir de la République. Face à cette
situation, l’ensemble des responsables politiques demandent à de Gaulle de revenir. Ainsi le 29 mai,
saisissant un prétexte, le gouvernement de P. Pflimlin démissionne et le Président de le République,
René Coty, appelle le général de Gaulle et en informe le Parlement.
Le général de Gaulle s’entretient alors avec tous les chefs de tous les groupes politiques les 30 et 31
mai et le 1er juin, il fait une courte déclaration devant l’Assemblée Nationale laquelle vote
majoritairement la confiance à ce gouvernement d’union nationale (sont représentés le parti socialiste,
le MRP, les indépendants et la France d’Outre-mer).
Le 3 juin, le Parlement vote deux lois : une loi accordant les pleins pouvoirs à ce nouveau
gouvernement pour une durée de 6 mois et une loi qui, elle, est une loi constitutionnelle chargeant le
gouvernement d’écrire une nouvelle constitution.
Le parlement se met en congé afin de garantir au gouvernement une stabilité.

SECTION 1 : L’ELABORATION DE LA CONSTITUTION DE 1958

La loi constitutionnelle du 3 juin va fixer le cadre que devra respecter le gouvernement qui ne reçoit
pas un « chèque en blanc ». Les parlementaires ont posé des limites à l’action constitutionnelle de ce
gouvernement afin d’éviter d’éventuelles dérives telles qu’on a pu connaitre avec le vote de la loi
constitutionnelle du 10 juillet 1940 accordant une totale liberté au maréchal Pétain et qui conduira à
une négation de la République.
Ainsi, plusieurs conditions sont posées au gouvernement dans cette loi qui se compose d’un seul
article.

Paragraphe 1er : Les conditions de fond : les contraintes de la loi constitutionnelle

Elles sont au nombre de cinq. Une fois présentées, nous les analyserons avant de les commenter. La
question sera de savoir si ces contraintes sont réellement effectives pour les rédacteurs de la future
constitution.

A- La première condition

« Seul le suffrage universel est la source du pouvoir. C’est du suffrage universel ou des instances
élues par lui que dérivent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ».
Lorsque les parlementaires imposent cette condition au gouvernement du général de Gaulle, ils
demandent au final le maintien de la République : pas d’un nouveau régime qui porterait au pouvoir un
Chef d’Etat ne devant pas sa désignation à la nation. La crainte est pour certains de voir le retour de
De Gaulle en homme providentiel comme une opportunité pour lui de s’accaparer le pouvoir car, en
France, les expériences de dirigeants forts, représentants un recours, ont laissé de mauvais
souvenirs : Louis Napoléon Bonaparte qui renverse la IIème République pour instaurer le IIème
Empire en 1852 ou le Maréchal Pétain en 1940.
Pour un constituant qui s’inscrit dans une logique démocratique, cette première condition n’est pas
une véritable contrainte dans la mesure où le respect du suffrage universel est la pierre angulaire de
toute démocratie. De plus, la loi constitutionnelle du 3 juin ne précise pas le type de suffrage universel,
direct ou indirect. Une grande liberté est donc laissée au constituant pour choisir le type de suffrage,
direct ou indirect, que l’on retrouvera à la base de la désignation des parlementaires et des
représentants de l’exécutif. De même, on ne trouve pas de précision quant aux acteurs précis des
pouvoirs législatif et exécutif : y aura-t-il une différence pour la désignation des députés, des
sénateurs, du Chef de l’Etat…. ?
On en reste donc à une condition élémentaire pour l’institution d’un régime démocratique.
B- La seconde condition

« Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés de façon que le
Gouvernement et le Parlement assument chacun pour sa part et sous sa responsabilité la plénitude
de leurs attributions ».
Ici, la loi constitutionnelle rappelle le respect du principe de séparation des pouvoirs. Au même titre
que le suffrage universel, la séparation des pouvoir caractérise un régime démocratique, cette
seconde condition n’apparait donc pas, elle aussi, comme forçant le constituant à suivre un schéma
institutionnel précis si ce n’est un régime simplement démocratique. De plus, on ne parle pas du type
de séparation, stricte ou souple, les deux pouvoirs devront simplement pouvoir exercer « la plénitude
de leurs attributions ». Rien n’est donc fixé précisément si ce n’est le respect d’un équilibre entre les
deux pouvoirs ; ce vœu est à mettre en perspective avec, naturellement, l’expérience des IIIème et
IVème République mettant en évidence le déséquilibre total au profit du Parlement.

C- La troisième condition

« Le Gouvernement doit être responsable devant le Parlement »


Cette formulation est laconique et semble ne se prêter à aucun commentaire particulier, or c’est le
contraire. En effet, évoquer la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement nous renvoie à ce
que l’on a développé au semestre 1 sur l’étude des différents types de régimes politiques.
Le régime parlementaire se caractérise par quatre principes fondateurs : un exécutif bicéphale, un
gouvernement responsable devant le parlement, un droit de dissolution de l’assemblée accordé au
Chef de l’Etat et une collaboration des deux pouvoirs dans le processus législatif. La responsabilité
gouvernementale, par contre, n’existe pas dans un régime présidentiel.
Ce qui est imposé donc au constituant de 1958 est la mise en place d’un régime parlementaire. On
retrouve ici la méfiance des parlementaires à l’égard du général de Gaulle qui, lui, était favorable à
l’instauration d’un régime à tendance présidentielle ; la tradition parlementaire devait donc perdurer
au-delà de la crise majeure du moment.
Le cadre était donc très précis et sans équivoque au travers cette troisième condition.

D- La quatrième condition

« L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d’assurer le respect des libertés
essentielles telles qu’elles sont définies par le préambule de la Constitution de 1946 et par la
Déclaration des droits de l’homme à laquelle elle se réfère ». On retrouve ici à nouveau l’affirmation du
respect du principe de la séparation des pouvoirs déjà affirmé dans la seconde condition. A noter que
la loi ne parle pas de « Pouvoir judiciaire » mais d’« autorité judiciaire » ; ce qui correspond à la
tradition française de méfiance à l’égard de la justice depuis la Révolution. Lorsqu’il est fait mention du
préambule de la Constitution de 1946 et de la Déclaration des droits de l’homme les parlementaires
ayant votés cette loi constitutionnelle ont voulu ancrer ces principes dans la future constitution ; un
héritage donc à respecter qui s’inscrit dans un cadre parlementaire bien établi (troisième condition)

E- La cinquième condition

« La Constitution doit permettre d’organiser les rapports de la République avec les peuples qui lui sont
associés ».
On se trouve sur un autre registre, il ne s’agit plus de border, par le rappel de grands principes
caractérisant les démocraties occidentales, l’action du constituant mais de lui confier une mission
précise- à l’origine de cette situation exceptionnelle- : résoudre la crise algérienne. On quitte donc bien
ici le domaine purement constitutionnel.

Au final, trois conditions de fond, sur le plan constitutionnel sont annoncées dans cette loi du 3 juin
1958 : le respect du suffrage universel, le respect de la séparation des pouvoirs et le maintien d’un
régime parlementaire.
De plus, la loi constitutionnelle envisage une condition sur le plan politique, celle portant sur la
question plus générale de la décolonisation.
Paragraphe 2ème : Les conditions de forme
L’article unique de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 se termine par l’énoncé des conditions de
forme qui devront être respectées lors de l’élaboration de cette nouvelle constitution .Un avant-projet
devra être présenté devant le Comité Consultatif dans un premier temps. Dés le mois de juin, un
groupe de travail est constitué pour aider le Gouvernement à écrire la Constitution. Ce groupe est
constitué d’experts et de hauts fonctionnaires alors que les représentants de la Nation se font peu
nombreux. C’est Michel Debré qui préside ce groupe de travail qui, dès le 29 juillet, sera présenté et
approuvé par le Conseil des Ministres : la phase gouvernementale s’achève, reste à soumettre pour
avis ce projet en premier lieu au Comité Consultatif Constitutionnel.

A- L’avis du Comité Consultatif Constitutionnel

L’intervention de cet organe est prévue par la loi du 3 juin. Elle est importante car elle permet
d’associer les parlementaires à l’élaboration de la nouvelle Constitution. Le Comité est composé de 39
membres dont 26 sont des parlementaires (16 pour l’Assemblée Nationale et 10 pour le Sénat), les 13
autres membres sont des personnalités nommées par le Gouvernement et sont des experts du droit
constitutionnel pour certains. Ce comité devra faire des propositions de modifications au
Gouvernement, le cas échéant. Ainsi les parlementaires ne seront pas exclus de l’élaboration de la
Constitution.

B- L’adoption définitive du projet se fera après avis du Conseil d’Etat

Après le passage devant le Comité Consultatif Constitutionnel, le texte devra être examiné par le
Conseil d’Etat et ce n’est qu’après cet avis que le texte sera adopté définitivement par le Conseil des
Ministres (ce qui sera fait le 3 septembre).
Cette procédure apparait très particulière en ne confiant pas à une assemblée élue l’élaboration de la
nouvelle Constitution.

C- L’approbation par référendum

Ultime condition posée par la loi constitutionnelle : l’organisation d’un référendum.


Si l’élaboration est l’œuvre du seul Gouvernement, pour l’essentiel, le dernier mot sera donné au
peuple. Les formations de l’extrême gauche vont faire campagne contre l’adoption, le Parti
Communiste également ainsi que quelques personnalités comme Pierre Mendès-France ou encore
François Mitterrand.
Les partis du Centre et la SFIO défendent le projet..
Le 28 septembre 1958, les électeurs donnent la majorité au oui avec 79,25 % des suffrages
exprimés.

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