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La loi constitutionnelle du 3 juin va fixer le cadre que devra respecter le gouvernement qui ne reçoit
pas un « chèque en blanc ». Les parlementaires ont posé des limites à l’action constitutionnelle de ce
gouvernement afin d’éviter d’éventuelles dérives telles qu’on a pu connaitre avec le vote de la loi
constitutionnelle du 10 juillet 1940 accordant une totale liberté au maréchal Pétain et qui conduira à
une négation de la République.
Ainsi, plusieurs conditions sont posées au gouvernement dans cette loi qui se compose d’un seul
article.
Elles sont au nombre de cinq. Une fois présentées, nous les analyserons avant de les commenter. La
question sera de savoir si ces contraintes sont réellement effectives pour les rédacteurs de la future
constitution.
A- La première condition
« Seul le suffrage universel est la source du pouvoir. C’est du suffrage universel ou des instances
élues par lui que dérivent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ».
Lorsque les parlementaires imposent cette condition au gouvernement du général de Gaulle, ils
demandent au final le maintien de la République : pas d’un nouveau régime qui porterait au pouvoir un
Chef d’Etat ne devant pas sa désignation à la nation. La crainte est pour certains de voir le retour de
De Gaulle en homme providentiel comme une opportunité pour lui de s’accaparer le pouvoir car, en
France, les expériences de dirigeants forts, représentants un recours, ont laissé de mauvais
souvenirs : Louis Napoléon Bonaparte qui renverse la IIème République pour instaurer le IIème
Empire en 1852 ou le Maréchal Pétain en 1940.
Pour un constituant qui s’inscrit dans une logique démocratique, cette première condition n’est pas
une véritable contrainte dans la mesure où le respect du suffrage universel est la pierre angulaire de
toute démocratie. De plus, la loi constitutionnelle du 3 juin ne précise pas le type de suffrage universel,
direct ou indirect. Une grande liberté est donc laissée au constituant pour choisir le type de suffrage,
direct ou indirect, que l’on retrouvera à la base de la désignation des parlementaires et des
représentants de l’exécutif. De même, on ne trouve pas de précision quant aux acteurs précis des
pouvoirs législatif et exécutif : y aura-t-il une différence pour la désignation des députés, des
sénateurs, du Chef de l’Etat…. ?
On en reste donc à une condition élémentaire pour l’institution d’un régime démocratique.
B- La seconde condition
« Le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés de façon que le
Gouvernement et le Parlement assument chacun pour sa part et sous sa responsabilité la plénitude
de leurs attributions ».
Ici, la loi constitutionnelle rappelle le respect du principe de séparation des pouvoirs. Au même titre
que le suffrage universel, la séparation des pouvoir caractérise un régime démocratique, cette
seconde condition n’apparait donc pas, elle aussi, comme forçant le constituant à suivre un schéma
institutionnel précis si ce n’est un régime simplement démocratique. De plus, on ne parle pas du type
de séparation, stricte ou souple, les deux pouvoirs devront simplement pouvoir exercer « la plénitude
de leurs attributions ». Rien n’est donc fixé précisément si ce n’est le respect d’un équilibre entre les
deux pouvoirs ; ce vœu est à mettre en perspective avec, naturellement, l’expérience des IIIème et
IVème République mettant en évidence le déséquilibre total au profit du Parlement.
C- La troisième condition
D- La quatrième condition
« L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d’assurer le respect des libertés
essentielles telles qu’elles sont définies par le préambule de la Constitution de 1946 et par la
Déclaration des droits de l’homme à laquelle elle se réfère ». On retrouve ici à nouveau l’affirmation du
respect du principe de la séparation des pouvoirs déjà affirmé dans la seconde condition. A noter que
la loi ne parle pas de « Pouvoir judiciaire » mais d’« autorité judiciaire » ; ce qui correspond à la
tradition française de méfiance à l’égard de la justice depuis la Révolution. Lorsqu’il est fait mention du
préambule de la Constitution de 1946 et de la Déclaration des droits de l’homme les parlementaires
ayant votés cette loi constitutionnelle ont voulu ancrer ces principes dans la future constitution ; un
héritage donc à respecter qui s’inscrit dans un cadre parlementaire bien établi (troisième condition)
E- La cinquième condition
« La Constitution doit permettre d’organiser les rapports de la République avec les peuples qui lui sont
associés ».
On se trouve sur un autre registre, il ne s’agit plus de border, par le rappel de grands principes
caractérisant les démocraties occidentales, l’action du constituant mais de lui confier une mission
précise- à l’origine de cette situation exceptionnelle- : résoudre la crise algérienne. On quitte donc bien
ici le domaine purement constitutionnel.
Au final, trois conditions de fond, sur le plan constitutionnel sont annoncées dans cette loi du 3 juin
1958 : le respect du suffrage universel, le respect de la séparation des pouvoirs et le maintien d’un
régime parlementaire.
De plus, la loi constitutionnelle envisage une condition sur le plan politique, celle portant sur la
question plus générale de la décolonisation.
Paragraphe 2ème : Les conditions de forme
L’article unique de la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 se termine par l’énoncé des conditions de
forme qui devront être respectées lors de l’élaboration de cette nouvelle constitution .Un avant-projet
devra être présenté devant le Comité Consultatif dans un premier temps. Dés le mois de juin, un
groupe de travail est constitué pour aider le Gouvernement à écrire la Constitution. Ce groupe est
constitué d’experts et de hauts fonctionnaires alors que les représentants de la Nation se font peu
nombreux. C’est Michel Debré qui préside ce groupe de travail qui, dès le 29 juillet, sera présenté et
approuvé par le Conseil des Ministres : la phase gouvernementale s’achève, reste à soumettre pour
avis ce projet en premier lieu au Comité Consultatif Constitutionnel.
L’intervention de cet organe est prévue par la loi du 3 juin. Elle est importante car elle permet
d’associer les parlementaires à l’élaboration de la nouvelle Constitution. Le Comité est composé de 39
membres dont 26 sont des parlementaires (16 pour l’Assemblée Nationale et 10 pour le Sénat), les 13
autres membres sont des personnalités nommées par le Gouvernement et sont des experts du droit
constitutionnel pour certains. Ce comité devra faire des propositions de modifications au
Gouvernement, le cas échéant. Ainsi les parlementaires ne seront pas exclus de l’élaboration de la
Constitution.
Après le passage devant le Comité Consultatif Constitutionnel, le texte devra être examiné par le
Conseil d’Etat et ce n’est qu’après cet avis que le texte sera adopté définitivement par le Conseil des
Ministres (ce qui sera fait le 3 septembre).
Cette procédure apparait très particulière en ne confiant pas à une assemblée élue l’élaboration de la
nouvelle Constitution.