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Vichy et la Résistance (1940-1944) : deux

légitimités concurrentes
On voit souvent le régime de Vichy comme une "parenthèse constitutionnelle".
L'exercice du pouvoir par le maréchal Pétain est qualifié d'"autorité de fait".

Dernière modification : 10 octobre 2022

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Le régime de Vichy : une apparence de légitimité


Cette période de quatre ans a connu deux régimes de fait, concurrents sur le plan
politique et militaire, présentés parfois comme des parenthèses dans l'histoire
constitutionnelle. En réalité, ils s'inscrivent aussi dans sa continuité, à la fois parce
qu'ils manifestent un rejet des régimes précédents, mais aussi parce qu'ils anticipent
des évolutions postérieures.

Leur point commun est de se situer dans des logiques a-constitutionnelles, parce
qu'ils sont établis pour répondre aux situations de crise exceptionnelles liées à la
défaite militaire de juin 1940, et à l'occupation du territoire.

Refusant de demander l'armistice à l'Allemagne, le gouvernement de Paul Reynaud


démissionne le 16 juin 1940. Le président de la République, Albert Lebrun, nomme
alors le maréchal Pétain à la présidence du Conseil.

Pétain appelle dès le lendemain à cesser le combat, et signe l'armistice dès le 22 juin.

L'armistice divisant le pays en zone libre et zone occupée, les chambres quittent
Paris et s'installent à Vichy. Réunies en Assemblée nationale, elles votent le 10 juillet
1940 une loi constitutionnelle, donnant à Pétain le pouvoir de promulguer une
nouvelle Constitution.

Seuls 80 parlementaires se sont opposés à ce qu'ils considéraient comme un acte de


décès de la République.

Lespremiers actes constitutionnels, publiés dès le 11 juillet, consacrent un régime


autoritaire et centré autour de la personne du Maréchal, qualifié de chef de "l'État
français", la présidence de la République disparaissant de facto. Pétain choisit
librement ses ministres, prône la "révolution nationale", où se mêlent l'exaltation de
valeurs traditionnelles ("Travail, famille, patrie") plus ou moins fantasmées, et
l'exploitation d'une culpabilité intense face à l'effondrement brutal de 1940.

Le Parlement, qui n'est pas dissous, mais "ajourné jusqu'à nouvel ordre", ne sera plus
réuni durant toute l'Occupation, marquant ainsi le caractère autoritaire du régime de
Vichy.

Pierre Laval, ancien président du Conseil sous la IIIe République, qui avait joué un rôle
décisif dans le vote de la loi du 10 juillet 1940, exercera un pouvoir essentiel à Vichy,
bien que Pétain l'écarte brièvement du pouvoir. Sa politique de collaboration avec
l'Allemagne, qui lui vaudra d'être fusillé à la Libération, a contribué à éloigner de plus
en plus de Français du régime.

Mettant fin à la fiction d'une zone "libre", les Allemands occupent la totalité du
territoire français le 11 novembre 1942, en représailles au débarquement allié en
Afrique du Nord. Le régime de Vichy s'est néanmoins maintenu jusqu'au mois d'août
1944, même si son projet constitutionnel du 30 janvier 1944 n'a jamais été
promulgué.

La France libre, ou la légitimité de la Résistance


Le général de Gaulle, le 18 juin 1940, lance depuis Londres un appel à la résistance et
à la continuation du combat contre l'envahisseur par tous les moyens. Reconnu chef
des Français libres dès le 28 juin, il crée en septembre 1941 un Comité national
français, qui tente d'être perçu comme le véritable gouvernement français (ce que
les États-Unis, hostiles au général de Gaulle soupçonné d'être un futur dictateur,
refusent).

þÿEn 1943 est créé un Comité français de Libération nationale dont de Gaulle prend
þÿla direction contre le général Giraud, soutenu par les États-Unis , qui se transforme
en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) à la veille du
débarquement allié de juin 1944.

De Vichy au GPRF, la fin de la IIIe République


Le 9 août 1944, le GPRF adopte une ordonnance proclamant le rétablissement de la
légalité républicaine. Il s'agit ainsi de présenter l'État français de Vichy comme une
parenthèse, mais nullement de rétablir la IIIe République : de Gaulle souhaite profiter
des événements militaires pour mettre en place des institutions politiques nouvelles,
et non pas restaurer un régime ayant conduit, à ses yeux, à la défaite de 1940.

Une fois opéré le retour de tous les prisonniers et détenus, le sort des institutions de
la IIIe République est tranché lors du référendum du 21 octobre 1945. Deux questions
étaient posées :

þÿ- la première étant "Voulez-vous que l'Assemblée élue ce jour soit constituante ?"
or, le choix du référendum constituant revient implicitement à considérer les lois
constitutionnelles de 1875 comme d'ores et déjà abrogées, puisqu'elles ne
prévoyaient pas cette procédure ;
- la seconde question posée lors de ce même référendum vise à encadrer le pouvoir
constituant de l'Assemblée nouvelle par des délais, et organise les pouvoirs jusqu'à la
nouvelle constitution.

Véritable constitution provisoire, la loi du 2 novembre 1945 prévoit ainsi un régime


d'assemblée, avec une assemblée unique et un chef de l'exécutif unique faisant
fonction à la fois de chef de l'État et de chef du gouvernement, élu par l'assemblée.

L'élaboration laborieuse de la Constitution de la IVe


République
L'assemblée constituante élue à la proportionnelle en octobre 1945 adopte un projet
de constitution le 19 avril 1946, précédé d'une nouvelle Déclaration des droits de
l'homme qui, pour partie, reprend les droits et libertés édictés par la Déclaration de
1789, et consacre par ailleurs des droits nouveaux de caractère économique et social.

Dans ce projet constitutionnel, établissant un régime d'assemblée, une assemblée


unique aurait élu le président de la République et le président du Conseil.
Cependant, les Français le rejettent lors du référendum du 5 mai 1946.

Une nouvelle assemblée constituante est élue le 2 juin. Un nouveau projet de


constitution, résultat d'un compromis entre le MRP, le Parti communiste et la SFIO,
c'est-à-dire les trois grands partis issus de la Résistance, marqué par le retour à un
bicaméralisme inégalitaire et un renforcement de la position du président du Conseil,
est élaboré.

Ces partis font campagne pour le "oui", le général de Gaulle, qui a présenté son
propre projet dans son discours du 16 juin à Bayeux, faisant campagne pour le "non".
Le projet est adopté par référendum, par 53 % des suffrages exprimés, non sans une
certaine lassitude des électeurs.

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